2. Les concours de l'Etat aux collectivités locales sur la sellette
A la
lecture des décisions du Conseil constitutionnel relatives aux
différents textes organisant le remplacement d'impôts locaux par
des dotations de l'Etat, on pourrait penser que le remplacement d'une ressource
fiscale par une ressource budgétaire ne change rien ou presque pour les
collectivités locales. Par exemple, dans sa décision n°
98-405 DC du 29 décembre 1998 relative à la loi de finances pour
1999, le Conseil constitutionnel a considéré que le remplacement
de la part salariale de la taxe professionnelle par une compensation n'avait
pas pour effet "
de diminuer les ressources globales des
collectivités locales
". Dès lors que les compensations
évolueraient à un rythme satisfaisant, la disparition des
impôts locaux serait donc neutre pour les collectivités locales.
Cette analyse se heurte à la pratique de l'Etat qui, au contraire, situe
ses relations avec les collectivités locales dans le cadre d'un
rapport de force
. Les suppressions d'impôts locaux n'ont pas
seulement pour objet d'accorder aux contribuables des baisses d'impôt,
mais tendent également à affirmer un
droit de regard de l'Etat
sur les recettes des collectivités locales
.
Le rapport du Gouvernement pour le débat d'orientation budgétaire
pour 2001 permet de dissiper les éventuels doutes sur la
réalité du mouvement de recentralisation. Loin d'être
rassurant pour les collectivités locales, ce document souligne que les
transferts de l'Etat aux administrations publiques locales "
augmentent
plus vite que la dynamique générale des
dépenses
", laissant entendre que les collectivités
locales coûtent trop cher à l'Etat et freinent ses efforts de
maîtrise des dépenses publiques. Au cours de son audition par la
mission le 8 mars 2000, le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie avait également souligné que les concours de l'Etat
aux collectivités locales était l'un des postes
budgétaires qui augmentait le plus.
Dès lors, la mécanique, et la finalité, de la
recentralisation apparaissent clairement :
- dans un premier temps, l'Etat a supprimé des impôts locaux et
les a remplacés par des compensations qui lui ont permis de
contrôler une part plus grande des ressources locales
, au prix
d'un effort budgétaire conséquent ;
- dans un deuxième temps, oubliant que l'augmentation de ses transferts
aux collectivités résulte de sa décision de remplacer des
ressources fiscales par des dotations budgétaires, l'Etat " enfonce
le clou " et
stigmatise le coût des dépenses en faveur des
collectivités locales, comme pour préparer le terrain à
une éventuelle réduction de leur montant.
Plus que jamais, l'Etat mène le jeu et, loin de considérer les
collectivités locales comme des partenaires, laisse planer
l'ambiguïté
sur ses orientations en matière
financière, sans jamais vraiment préciser ce qu'il compte faire
de ses pouvoirs accrus.