B. LA FAIBLESSE DES INSTRUMENTS EXISTANTS

1. La DGF des communes est peu péréquatrice

a) Les modalités de répartition de la DGF des communes et des structures intercommunales

La structure actuelle de la DGF a été conçue pour renforcer progressivement le poids de la péréquation dans la masse totale des crédits. Avant 1993, la DGF était partagée en une dotation de base, une dotation de compensation et une dotation de péréquation.

En 1993, ces trois sous-dotations ont été fusionnées en une seule dotation forfaitaire et une nouvelle sous-dotation à vocation péréquatrice, la dotation d'aménagement, a été créée. Elle regroupe la dotation d'intercommunalité 247( * ) , la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale.

L'objectif de cette réforme était de maintenir à toutes les communes une dotation égale à son montant de 1993 et, pour les années suivantes, d'accorder à la dotation d'aménagement une part croissante des crédits supplémentaires.

Pour atteindre cet objectif la répartition de la DGF s'effectue de la manière suivante :

- la masse totale des crédits à répartir est définie par la loi de finances ;

- le comité des finances locales décide quelle proportion de l'augmentation de la masse il va accorder à la dotation forfaitaire. Cette proportion peut varier entre 50 % et 55 %. En d'autres termes, la dotation forfaitaire bénéficie au minimum de la moitié des crédits supplémentaires au titre d'une année, et au maximum de 55 % des crédits supplémentaires ;

Architecture de la dotation globale de fonctionnement

 

Evolution

 
 
 

DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT

 

Taux de la DGF :
Inflation + ½ PIB

 
 
 

DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT DES DEPARTEMENTS

 

Taux de la DGF :
Inflation + ½ PIB

 
 
 

DOTATION GLOBALE DE FONCTIONNEMENT DES COMMUNES ET GROUPEMENTS

 

Taux de la DGF :
Inflation + ½ PIB

 
 
 

DOTATION FORFAITAIRE DES COMMUNES

 

Taux : de 50 % à 55 % du taux de la DGF

 
 
 


DOTATION D'AMENAGEMENT

 

Différence entre DGF des communes et groupements et dotation forfaitaire

 
 
 


DOTATION DES GROUPEMENTS

 

En fonction de la population regroupée et de la dotation par habitant

 
 
 


SOLDE DSU/DSR

 

Différence entre dotation d'aménagement et dotation des groupements

 
 
 


DSU


DSR

 

Croissance de la DSU et de la DSR entre 45 % et 55 % du solde

 
 
 
 

QUOTE-PART
outre-mer

QUOTE-PART
outre-mer

 

Montants de la DSU et de la DSR pondérés par le rapport entre la population outre-mer et la population nationale

 
 
 
 

DSU METROPOLE

DSR METROPOLE

 

DSU ET DSR diminuées des quotes-parts

- une fois défini le montant de la dotation forfaitaire, le solde constitue le montant de la dotation d'aménagement. Au sein de cette dotation , le comité des finances locales fixe ensuite le montant de la dotation d'intercommunalité ;

- une fois établi le montant de la dotation d'intercommunalité, le solde des crédits disponibles est réparti entre la DSU et la DSR.

Par conséquent, la DGF étant une enveloppe fermée, la DSU et la DSR jouent le rôle de variable d'ajustement . Plus la dotation forfaitaire augmente, et moins la dotation d'aménagement augmente. Au sein de la dotation d'aménagement, plus la dotation d'intercommunalité augmente, et moins la DSU et la DSR augmentent (elles peuvent même diminuer).

b) Les crédits consacrés à la péréquation ne parviennent pas à " décoller "

La réforme de la DGF de 1993 a permis de faire passer la part de la dotation d'aménagement dans la masse totale des crédits de la DGF des communes de 5,8 % en 1993 à 8,3 % en 1995. En 1995, des simulations réalisées par la direction générale des collectivités locales envisageaient que la dotation d'aménagement pourrait représenter 15,7 % de la DGF des communes en 2000. Ces simulations tablaient sur un taux de croissance de la DGF de 3,5 % par an, qui aurait permis d'atteindre un montant de 98,9 milliards de francs en 2000.

En fait, le montant total de la DGF des communes et des groupements s'élève en 2000 à 93,4 milliards de francs, soit 5 milliards de moins que prévu . Ce montant n'a pu être atteint que parce que la masse de la DGF résultant des mécanismes d'indexation de cette dotation fait l'objet de majorations par les lois de finances. Le montant qui résulte de la seule évolution " naturelle " de la DGF n'est que de 91,5 milliards de francs.

La part de la dotation d'aménagement dans ce total n'est que de 11,5 %. En tenant compte des majorations dont bénéficie la DGF, qui ne concernent que la dotation d'aménagement, la part de la dotation d'aménagement passe à 13 %.

La dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité rurale sont particulièrement pénalisées par les modalités actuelles de répartition de la DGF :

- la progression de la dotation d'intercommunalité aboutit à stabiliser la part de la DSU et de la DSR au sein de la dotation d'aménagement :

La répartition " spontanée " de la dotation d'aménagement

 

1996

1997

1998

1999

2000

Partage (en %) de la dotation d'aménagement entre EPCI et DSU-DSR résultant des mécanismes de répartition ( hors abondements ) :

Intercommunalité

DSU-DSR

57,8

42,2

59,1

40,9

57

43

55

45

58,5

41,5

Données chiffrées : Comité des finances locales

- en conséquence, la part des crédits de la DSU et de la DSR résultant des mécanismes de répartition de la DGF plafonne à 5 % du total :

Evolution de la part de la DSU et de la DSR dans le total de la DGF

(en millions de francs)



* Les montant retenus sont les montants hors contributions et hors abondements budgétaires.

Données chiffrées : Comité des finances locales.

Lors de son audition par la mission le 8 mars 2000, M. Alain Guengant, professeur à l'université de Rennes, a estimé que " le mode répartition de la dotation globale de fonctionnement (DGF) permettait de corriger 40 % des écarts de potentiel fiscal, mais que ce taux n'avait pas augmenté depuis de nombreuses années ".

Les gouvernements successifs ont tenté de limiter les conséquences des mécanismes de répartition de la DGF sur la DSU et la DSR par deux moyens :

- la modification des règles applicables : afin de limiter l'augmentation de la dotation forfaitaire liée à la prise en compte des résultats du recensement, la loi du 28 décembre 1999 relative à la prise en compte des résultats du recensement général de 1999 dans la répartition des dotations de l'Etat aux collectivités locales a prévu que les augmentations de population constatées en 1999 seraient intégrées au calcul des attributions de dotation forfaitaire en trois ans, de manière à éviter une augmentation brutale de la dotation forfaitaire, et donc une réduction à due concurrence du montant de la DSU et de la DSR ;

- l' augmentation des crédits disponibles : en théorie, la DGF est une enveloppe fermée, ce qui signifie que lorsque le montant de l'une de ses composantes augmente, cela se traduit par une réduction symétrique du montant des autres composantes. Afin de limiter les conséquences du jeu de la répartition à enveloppe fermée, le montant des dotations de solidarité fait l'objet de majorations par des crédits extérieurs à la DGF. La première majoration de ce type a été décidée par l'article 73 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, qui a prévu que les crédits " libérés " par l'extinction progressive de la DGF de la région Ile-de-France viendraient abonder la dotation de fonctionnement minimale des départements, la DSU et la DSR.

Depuis, le recours aux abondements extérieurs s'est multiplié . Pour les années 1999 à 2001, le contrat de croissance et de solidarité prévoit une majoration de 500 millions de francs de la DSU. La loi de finances pour 2000 a majoré la masse totale de la dotation d'aménagement de 200 millions de francs, la DSU de 500 millions de francs et la DSR " bourgs-centres " de 150 millions de francs supplémentaires. En outre, pour limiter l'impact du développement de l'intercommunalité sur la DSU et la DSR, la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale  a prévu que les nouvelles communautés d'agglomération ne seraient pas financées par les crédits " classiques " de la DGF, mais par des crédits supplémentaires qui abonderaient le montant de la dotation d'intercommunalité.

Les majorations du montant des dotations de solidarité permettent de limiter les effets de la répartition sur la DSU et la DSR.

L'évolution de la DGF et de ses composante avant et après prise en compte des contributions et abondements budgétaires

(en %)

 

1999

2000

DGF totale

Avant abondements et contributions

+ 2,7

+ 0,8

Après abondements et contributions

+ 3,2

+ 2

Dotation de solidarité urbaine

Avant abondements et contributions

+ 23

- 2,6

Après abondements et contributions

+ 44,9

+ 14,0

Dotation de solidarité rurale

Avant abondements et contributions

+ 24,5

- 2,7

Après abondements et contributions

+ 24,8

+ 6,1

Données chiffrées : Lois de finances, Comité des finances locales

Cependant, les majorations ne permettent pas de modifier la structure de la répartition de la DGF, qui reste dominée par le poids de la dotation forfaitaire . Sept ans après l'entrée en vigueur de la réforme de 1993, la répartition de la DGF en 2000, en tenant compte des abondements dont ont bénéficié les dotations de solidarité, produit le résultat suivant :

Complexité et péréquation

Le recours à des abondements extérieurs pour augmenter le montant des dotations de solidarité constitue depuis 1998 une source de complexification des modalités de répartition de la DGF, qui sont désormais plus opaques que jamais . Par exemple, en 2000, le montant de la dotation d'aménagement qui résulte des mécanismes de répartition de la DGF s'élève à 10.215 millions de francs alors que la somme du montant de ses composantes (dotation d'intercommunalité, DSU et DSR) s'élève à 12.084 millions de francs.

Néanmoins, compte tenu de l'architecture d'ensemble du système de répartition de la DGF, la complexité semble devenue le prix à payer pour atteindre les objectifs recherchés .

En 2000, la DSU a été majorée de 500 millions de francs supplémentaires et la fraction " bourgs-centres " de la DSR a été majorée de 150 millions de francs. Ces opérations ont permis à la DSU de progresser de 14 % et à la DSR " bourgs-centres " d'augmenter de 24,9 %.

A la demande de votre rapporteur, le ministère de l'intérieur a simulé quel aurait été le taux de progression de ces deux dotations si, au lieu de les abonder respectivement de 500 millions de francs et de 150 millions de francs la masse totale des crédits à répartir entre elles avait fait l'objet d'un abondement global de 650 millions de francs. Dans ce cas de figure, la DSU aurait augmenté de 9,7 % au lieu de 14 %, et la DSR " bourgs-centres " de seulement 2,2 % au lieu de 24,9 %.

c) L'origine du blocage

La part de la dotation d'aménagement dans le total de la DGF des communes aurait pu être plus élevée si le comité des finances locales avait choisi, chaque année, de favoriser le plus possible la dotation d'aménagement au détriment de la dotation forfaitaire. Le comité peut en effet choisir d'accorder entre 50 % et 55 % du taux de croissance de la DGF à la dotation forfaitaire. Or, au cours des cinq dernières années, il n'a choisi de limiter à 50 % la progression de la dotation forfaitaire qu'une fois, en 1996. Plus les dotations de solidarité bénéficient d'abondements dans le cadre des lois de finances, et plus le comité des finances locales choisit de privilégier la dotation forfaitaire.

Evolution de la part de l'augmentation de la DGF consacrée à la dotation forfaitaire par le comité des finances locales

1996

1997

1998

1999

2000

50 %

52 %

53 %

54 %

55 %

Source : Comité des finances locales

Cette situation s'explique par plusieurs raisons :

- l'ensemble des communes doit faire face à des augmentations de charges, de personnel surtout, qui conduisent le comité à faire en sorte que la principale dotation de fonctionnement, la dotation forfaitaire, évolue à un rythme convenable ;

- compte tenu des critères d'éligibilité à la dotation de solidarité urbaine, certaines communes ne sont pas éligibles à cette dotation alors même qu'elles ne peuvent pas être considérées comme favorisées. Une progression trop faible de la dotation forfaitaire les pénaliserait durement ;

- depuis 1996, la répartition de la DGF entre dotation forfaitaire et dotation d'aménagement doit prendre en compte les effets du système de l'" enveloppe normée " des concours de l'Etat aux collectivités locales, qui aboutissent à une baisse annuelle du montant de la dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP). Pour certaines communes, notamment celles qui ne sont pas éligibles à la DSU ou la DSR, les baisses annuelles de DCTP sont parfois supérieures aux augmentations de DGF. Par conséquent, afin de ne pas handicaper plus ces communes, le comité des finances locales est contraint de garantir une progression minimale de la dotation forfaitaire. Autrement dit, les taux de progression de l'enveloppe normée retenus par le pacte de stabilité et de croissance, puis par le contrat de croissance et de solidarité, ont contribué à freiner le développement de la péréquation au sein de la DGF.

En tout état de cause, même si le comité des finances locales favorisait chaque année au maximum la dotation d'aménagement au détriment de la dotation forfaitaire, l'équilibre général ne s'en trouverait pas fondamentalement modifié. En 2000, l'affectation à la dotation forfaitaire de 50 % du taux de croissance de la DGF aurait aboutit à majorer la dotation d'aménagement de seulement 32 millions de francs. En 1999, le gain pour la dotation d'aménagement aurait représenté 1,2 milliard de francs. Ces montants sont à comparer avec le montant total de la dotation forfaitaire, qui s'élève à plus de 80 milliards de francs.

L'incapacité de la dotation d'aménagement à accroître sa part dans le montant total de la DGF des communes provient en réalité de la règle selon laquelle la dotation forfaitaire bénéficie d'au moins la moitié de la croissance du montant de la DGF.

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