2. Les fonds nationaux de péréquation

a) Des fonds à l'objet de moins en moins défini

Lorsque l'article 6 de la loi du 10 janvier 1980 a institué un fonds national de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP), son objet était clair. La rédaction, en vigueur, de cet article prévoit que " les ressources du fonds sont versées aux communes dont le potentiel fiscal est inférieur par habitant à la moitié de la moyenne nationale et dont les impôts sur les ménages sont au moins égaux à la moyenne nationale ramenées à l'habitant dans leur groupe démographique. Les attributions allouées à ce titre sont déterminées en proportion de l'insuffisance, par rapport à la moitié de la moyenne nationale, du montant des bases de taxe professionnelle par habitant. "

Il s'agissait donc de verser à certaines communes " pauvres " (dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur à la moyenne nationale) des attributions destinées à compenser leur faible richesse en bases de taxe professionnelle (leur montant est proportionnel à l'écart de leurs bases par habitant par rapport à la moyenne nationale).

Aujourd'hui, il n'y plus un fonds mais deux. L'article 70 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995 a transformé l'ancienne première part de la deuxième fraction du FNPTP en un fonds à part entière, le fonds national de péréquation (FNP) régi par les dispositions de l' article 1648 B bis du code général des impôts.

En 2000, les dépenses totales de ces deux fonds s'élèvent à 6.862 millions de francs. Elles étaient destinées à :

- verser des compensations aux communes qui enregistrent d'une année sur l'autre une perte de base de taxe professionnelle importante (919 millions de francs/FNPTP) et à celles qui connaissent des difficultés financières importantes (3 millions de francs de francs/FNPTP) ;

- verser des attributions aux communes dont le potentiel fiscal est faible et l'effort fiscal élevé en métropole (3.610 millions de francs/FNP) et outre-mer (101 millions de francs/FNP) ;

- compenser aux collectivités locales les exonérations de taxe professionnelle dans les zones de revitalisation rurale (58 millions de francs/FNP) et dans les zonages créés par le pacte de relance pour la ville (342 millions de francs/FNPTP) ;

- compenser les pertes de dotation de compensation de la taxe professionnelle (DCTP) enregistrées par les communes éligibles à la DSU et à la DSR " bourgs-centres ", les communes éligibles à la DSR " péréquation " et dont le potentiel fiscal est inférieur à 90 % de la moyenne de leur strate et les groupements dont une ou plusieurs communes sont éligibles à la DSU ou à la DSR " bourgs-centres ", à hauteur de la proportion que représentent les habitants de ces communes dans la population totale du groupement (892 millions de francs/FNPTP) ;

- verser une compensation à un fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle dont les ressources ont diminué de plus du quart à la suite d'un changement d'exploitant (34 millions de francs/FNP) ;

- financer la dotation de développement rural, la DDR (740 millions de francs/FNPTP) ;

- financer l'augmentation de la fraction " bourgs-centres " de la dotation de solidarité rurale prévue à l'article 65 de la loi de finances pour 2000 (150 millions de francs / FNPTP).

Il ressort de cette énumération que :

- l'idée initiale de compensation des inégalités de richesse en base de taxe professionnelle a progressivement été remplacée tout d'abord par la compensation des pertes de bases de taxe professionnelle (13 % des dépenses en 2000), puis par la compensation des inégalités de richesse fiscale en général (54 % des dépenses totales en 2000) ;

- plus de 20 % des crédits du FNPTP et du FNP sont utilisés pour financer d'autres dispositifs péréquateurs (les exonérations dans les zonages d'aménagement du territoire, les pertes de DCTP, les FDPTP, la DSR) ;

- 10 % des crédits des deux fonds (25 % des dépenses du seul FNPTP) sont consacrés à la DDR, qui n'est pas une dotation péréquatrice.

b) La péréquation finance la péréquation

Le financement par le FNPTP et le FNP d'autres dispositifs péréquateurs ne s'est pas accompagnée d'une augmentation symétrique de leurs moyens. Il en résulte deux conséquences :

- l'Etat peut mettre en oeuvre de nouvelles mesures péréquatrices (exonérations dans les zonages d'aménagement du territoire, compensations de baisse de DCTP, compensations à un FDPTP, majoration de la dotation de solidarité rurale) sans accroître le montant total de son effort financier en faveur de la péréquation ;

- une réduction des crédits disponibles pour le FNP.

Le FNP est dépendant financièrement du FNPTP. Sa principale ressource est constituée du " solde " du FNPTP, c'est-à-dire de la différence entre les ressources du FNPTP et ses dépenses. Plus les dépenses du FNPTP sont élevées, moins le solde reversé au FNP est important .

En 1999, la décision de financer par le FNPTP la compensation des pertes de DCTP s'est traduite par une dépense supplémentaire de 769 millions de francs, donc une baisse d'autant du solde reversé au FNP. En 2000, la compensation des baisses de DCTP coûte 892 millions de francs, auxquels il convient d'ajouter les 150 millions de francs prélevés pour financer la dotation de solidarité rurale.

Cette baisse des ressources du FNP n'a été que partiellement compensée puisque les ressources de ce fonds n'ont été majorées que de 150 millions de francs. Le manque à gagner pour 1999 s'élève donc à 419 millions de francs en 1999 et à 892 millions de francs en 2000.

c) Une situation paradoxale

Le décalage entre l'évolution des recettes et des dépenses du FNPTP et du FNP place ces fonds en situation très délicate sur le plan financier alors que, d'une part, les crédits des fonds augmentent et que, d'autre part, des crédits qui pourraient légitimement être affectés à ces fonds continuent d'être versés au budget général de l'Etat.

Jusqu'en 2000, les manques à gagner provoqués par l'augmentation des dépenses étaient relativement " indolores " pour les fonds car le montant total de leurs ressources continuait à croître dans des proportions supérieures aux manques à gagner, notamment en raison de l'affectation au FNPTP d'une fraction croissante du produit de la fiscalité locale de France Télécom.

En 2000, les ressources des deux fonds s'élèvent à 6.862 millions de francs contre 6.493 millions de francs en 1999, soit une augmentation de 6,5 %. Pourtant, malgré cette augmentation de 369 millions de francs, les crédits du FNP n'augmentent que de 0,2 % et, une fois prélevées les sommes destinées à financer les exonérations en zone de revitalisation rurale, les crédits disponibles pour financer la plus péréquatrice des missions du FNPTP et du FNP, les attributions aux communes à faible potentiel fiscal et à forte pression fiscale, affichent une baisse de 0,2 %.

Les situations de ce type pourraient être évitées si les ressources en principe dévolues au FNPTP n'étaient en partie perçues par l'Etat.

L' article 1648 A bis du code général des impôts prévoit que le FNPTP est alimenté par " le produit de la cotisation de péréquation de la taxe professionnelle prévue à l'article 1648 D ". Depuis 1983, cette cotisation est acquittée par les entreprises situées dans les communes où le taux global de taxe professionnelle est inférieur aux taux global moyen constaté l'année précédente. Son produit s'établissait à 1,1 milliards de francs en 1987, à 2,7 milliards de francs en 1992 et à 5,1 milliards de francs en 1999.

Seule une partie du produit de la cotisation de péréquation bénéficie aux collectivités locales, par l'intermédiaire du FNPTP. Deux dispositions ont en effet détourné une partie du produit vers le budget de l'Etat :

- l'article 31 de la loi de finances pour 1989 a majoré les taux de la cotisation et prévu que, à compter de 1990, le produit de ces majorations serait " reversé au budget de l'Etat par le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle ". Entre 1990 et 1998, près de 40 % du produit de la cotisation de péréquation a ainsi été affecté au budget de l'Etat ;

- l'article 44 de la loi de finances pour 1999, dans le cadre des mesures de financement de la réforme de la taxe professionnelle, a procédé à une nouvelle majoration des taux de la cotisation de péréquation, au profit du budget de l'Etat.

Désormais, plus de la moitié du produit de la cotisation de péréquation (2.850 millions de francs en 1999, pour en produit total de 5.160 millions de francs) alimente le budget de l'Etat et ne sert pas à financer la péréquation.



Pour mémoire, il convient de rappeler que le FNPTP bénéficie également de la fraction du produit de la fiscalité locale acquittée par France Télécom et La Poste correspondant à la différence entre le montant acquitté par ces établissements en 1994 et le produit acquitté au cours de l'année n-1. Cette fraction s'élève en 2000 à 2 milliards de francs. La fraction conservée par le budget général s'élève à environ 4,8 milliards de francs.

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