3. Vers une élection directe des délégués intercommunaux ?
a) Une question importante pour la démocratie locale...
La
question du mode de désignation des délégués
intercommunaux a fait l'objet depuis plusieurs années de nombreuses
réflexions et propositions.
Devant votre mission d'information, M. Jean-Pierre Sueur, président de
l'Association des maires de grandes villes de France, tout en se
déclarant partisan du maintien des communes et des départements,
a ainsi estimé que la montée en puissance des
agglomérations devait s'accompagner de l'élection au suffrage
universel des organes délibérants de ces structures, de plus en
plus amenées à voter le taux de leurs impositions, sans avoir de
légitimité.
Lors de l'examen en première lecture de la loi du 12 juillet 1999,
l'Assemblée nationale avait envisagé un dispositif qui,
concernant les seules communautés urbaines, aurait ouvert la voie
à une désignation directe des délégués
intercommunaux.
Après des débats approfondis tant à l'Assemblée
nationale qu'au Sénat et au sein de la commission mixte paritaire,
celle-ci a, en définitive, décidé de ne pas maintenir ce
dispositif.
La proposition de l'Assemblée nationale lors de l'examen de la loi du 12 juillet 1999 : une désignation directe des délégués des communautés urbaines
Lors de
l'examen en première lecture de la loi du 12 juillet 1999,
l'Assemblée nationale avait prévu des modalités nouvelles
de désignation des délégués des communautés
urbaines, qui aurait eu lieu désormais à l'occasion de
l'élection des conseillers municipaux. L'Assemblée nationale
suggérait ainsi,
pour les seules communautés urbaines
, de
s'engager dans la voie d'une élection au suffrage universel direct des
délégués d'un établissement public de
coopération intercommunale doté d'une fiscalité propre
même si cette désignation ne devait pas être distincte de
celle des conseillers municipaux.
Ce mécanisme aurait été limité aux
seules
communes
d'au moins 3 500
habitants
. Il aurait consisté
à ce qu'au sein de chaque liste de candidats à l'élection
municipale, soient
" distingués "
les candidats qui,
une fois élus, auraient été appelés à
devenir
délégués
de la commune au sein de la
communauté urbaine. Chaque liste devait comporter autant de candidats
appelés à devenir délégués que de
sièges à pourvoir au sein de l'organe délibérant de
la communauté urbaine pour représenter la commune. Les
sièges de délégués auraient été
répartis à la représentation proportionnelle entre les
listes, au prorata du nombre de sièges obtenus par chacune d'entre elles
au sein du conseil municipal. Une liste complémentaire aurait
été établie lorsque le nombre de sièges de
délégués au sein du conseil aurait été
supérieur à celui des conseillers municipaux. Le texte
adopté par l'Assemblée nationale renvoyait, par ailleurs, aux
dispositions applicables aux conseillers municipaux pour les cas de vacance ou
de démission (
article L. 2121-21
du code
général des collectivités territoriales).
Cette rédaction soulevait des
difficultés réelles
qui ont été mises en évidence par les travaux du
Sénat
333(
*
)
. D'une
part, elle introduisait une
différence de régime
dans le
mode de désignation entre les communes de
plus de
3 500 habitants
et les autres. Auraient siégé au
sein de l'organe délibérant des délégués
procédant de l'élection directe alors que d'autres seraient issus
des conseils municipaux. Outre le problème de principe que pouvait poser
cette différence de régime juridique pour des
délégués d'un même organe délibérant,
les communes de
moins de 3.500 habitants
auraient pu subir un
affaiblissement de leur position au sein de celui-ci. Cette disposition aurait
également eu des effets sur
la situation des conseillers
municipaux
eux-mêmes dont certains seulement auraient, pour toute la
durée du mandat municipal, eu vocation à siéger au sein du
conseil de la communauté urbaine. Enfin, outre celles liées
à l'organisation du scrutin, plusieurs difficultés pratiques
auraient dû être surmontées : le cas des communes ne
faisant pas partie de la communauté urbaine au moment du scrutin ;
celui d'une communauté urbaine se créant à
échéance éloignée du renouvellement des conseils
municipaux ; la situation résultant d'une démission d'un
délégué en cours de mandat.
Pour cet ensemble de raisons et tout en jugeant que la
réflexion
devrait être poursuivie
afin que la question essentielle de la
légitimité des délégués intercommunaux
trouve à terme une solution satisfaisante, le Sénat avait
considéré qu'il était
prématuré
de
s'engager dans la voie d'une
désignation directe
alors même
que le processus d'approfondissement de l'intercommunalité de projet
était loin d'être achevé.
b) ...Dont tous les effets doivent être mesurés
Votre
mission d'information considère que le rôle croissant
exercé par des établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre, dotés de
compétences très étendues et du pouvoir majeur de lever
l'impôt constitue un véritable
enjeu démocratique
.
La question d'une élection au suffrage universel direct des
délégués des établissements publics de
coopération intercommunale à fiscalité propre
mérite donc d'être posée.
En prévoyant, dans tous les cas, la désignation des
délégués intercommunaux des établissements publics
de coopération intercommunale à fiscalité propre au sein
des conseils municipaux, la loi du 12 juillet 1999 a apporté une
clarification souhaitable
, de nature à mieux assurer la
légitimité de ces délégués, clarification
à laquelle le Sénat a pleinement souscrit.
Sur l'initiative de M. Jean-Claude Gaudin et plusieurs de nos collègues,
dont votre rapporteur, le Sénat a adopté, le 15 juin dernier, une
proposition de loi qui permet au conseil municipal de Paris, Marseille et Lyon,
de porter leur choix pour siéger au conseil de la communauté
urbaine, sur des conseillers d'arrondissement, qui bénéficient
également de la légitimité du uffrage
universel.
334(
*
)
Pour autant, alors que la réussite du processus en cours de renforcement
d'une intercommunalité de projet suppose l'implication des élus
municipaux, il convient de mesurer le risque d'opposer deux
légitimités concurrentes, situation qui, en définitive,
mettrait en cause la réussite des projets de développement.
L'élection directe des délégués intercommunaux
aurait, en effet, des conséquences sur la nature des
établissements publics de coopération intercommunale et sur leurs
relations avec les communes, structures de base de la démocratie locale.
C'est pourquoi, souscrivant aux conclusions qui se sont
dégagées lors de l'examen de la loi du 12 juillet 1999 ,
votre mission d'information considère que, si elle ne doit pas
être écartée, la perspective d'une désignation
directe des délégués intercommunaux ne devrait être
envisagé qu'une fois acquis le développement de
l'intercommunalité de projet autour de structures à
fiscalité propre.