III. DE NOUVEAUX DÉFIS POUR L'ACTION PUBLIQUE

A. DE PROFONDES MUTATIONS DÉMOGRAPHIQUE ET ÉCONOMIQUE

Les bouleversements de la société et de l'économie appellent de nouvelles réponses de la part des politiques publiques

1. L'évolution démographique

a) Le vieillissement de la population française

Si, contrairement à la situation observée ailleurs en Europe, la population française continue d'augmenter, la tendance de notre pays au vieillissement est inéluctable.

Une population en augmentation de deux millions depuis 1990

Au 8 mars 1999, d'après le dernier recensement de l'INSEE, la population française s'établit à 60.082.000 habitants , dont 58.416.500 en métropole et 1.665.500 dans les quatre départements d'outre mer. Notre pays compte, depuis le recensement de 1990, deux millions d'habitants de plus.

La France métropolitaine représente ainsi environ 1 % de la population mondiale et 16 % de celle de l'Union européenne.

Le nombre des naissances est estimé 21( * ) , pour 1999, à 744.100, chiffre en hausse -malgré la baisse depuis trois ans du nombre de femmes d'âge fécond- sous l'effet d'une augmentation, continue depuis 1995, de l'indicateur conjoncturel de fécondité 22( * ) , situé à 1,77 enfant par femme en 1999, contre 1,45 en moyenne pour l'Union européenne. Parallèlement, l'âge moyen de la première maternité (29,3 ans en 1998) continue de reculer.

Le nombre de décès est estimé en 1999 à 541.600, ce qui amène l' excédent naturel total de notre pays, pour cette année, à 202.500 personnes. La durée de vie augmente continûment, gagnant, entre 1998 et 1999, deux mois et demi : l'espérance de vie 23( * ) est située à 74,9 années pour les hommes et 82,3 années pour les femmes.

Le solde migratoire pour 1999 est, quant à lui, estimé par l'INSEE à 50.000 personnes, soit une augmentation totale de la population, si on ajoute à ce solde l'excédent naturel des naissances sur les décès, de 252.000 personnes.

Cette évolution récente, qui recèle des éléments positifs -comme l'augmentation de la fécondité- ne remet toutefois pas en cause les tendances de fond de la démographie française.

La poursuite de la déformation de la structure par âge de la population française.

Le vieillissement de la population est indéniablement la donnée majeure des décennies à venir. Si on enregistre encore en France -contrairement à l'Allemagne et à l'Italie, qui n'assurent leur croissance démographique, pour leur part, que par l'immigration- un excédent des naissances sur les décès, l'insuffisance de la natalité combinée à l'allongement de la durée de vie se traduisent par une nette augmentation de la part des personnes âgées dans la population . Dès aujourd'hui, en France, 20,3 % de la population 24( * ) a 60 ans ou plus et 1,2 million de personnes a 85 ans ou plus. En 20 ans, le nombre des personnes très âgées a été multiplié par 2,4. L'âge moyen de la population croît en conséquence : il est de 38,1 ans , contre 35 ans en 1975.

La structure par âge de la population française continue de se déformer, comme le montre le graphique suivant, qui fait apparaître la hausse tendancielle des classes les plus âgées :



Source : INSEE, " Données sur la situation sanitaire et sociale en France ", 1999

Champ d'analyse : France métropolitaine.


Comme l'ont mis en avant les personnes auditionnées par votre mission d'information 25( * ) , la courbe du nombre des naissances et celle du nombre des décès devraient se croiser vers 2030 26( * ) , date au-delà de laquelle, hors prise en compte du solde migratoire, la population diminuerait . C'est vers 2010 que devraient, quant à elles, se croiser les courbes des moins de 20 ans et des plus de 60 ans, ces classes d'âge devant être, après cette échéance, plus nombreuses que les 0-19 ans. En conséquence, l'âge médian 27( * ) de la population française, en hausse depuis 1980, devrait se situer, en 2050 , d'après les hypothèses, entre 42 et 51 ans.

En France, au cours du siècle qui s'ouvre, les plus de 60 ans seront donc plus nombreux que les moins de 20 ans.
En 2050, ils pourraient représenter 34 % de la population 28( * ) (ils étaient 10 % en 1850), contre 21 % pour les moins de 20 ans et 45 % pour les 20 à 59 ans.

Au-delà de la question, cruciale de l'avenir du système de retraites, ce sont, plus globalement, la prise en charge de la dépendance mais aussi la nature même des services rendus à la population qui doivent être redéfinis en fonction de cette nouvelle donne démographique. Les collectivités territoriales sont concernées au premier chef par le choc démographique à venir.

Si la France est globalement touchée par le vieillissement, l'évolution démographique des territoires n'est pourtant pas uniforme.

b) Des contrastes territoriaux marqués en matière démographique

La poursuite d'une urbanisation de plus en plus localisée

En métropole, en retenant les classifications de l'INSEE 29( * ) , les populations " urbaines " et " rurales " 30( * ) s'établissent respectivement, d'après le dernier recensement, à 43 et 15,4 millions de personnes. Ce recensement a confirmé les tendances observées depuis vingt ans : la croissance démographique des communes " rurales " (+ 0,51 % par an) est plus forte que celles des communes urbaines (+ 0,29 % par an). Pour autant, à l'intérieur du monde " rural ", ce sont les communes les plus proches des pôles urbains importants, appartenant à l'espace " périurbain ", qui absorbent l'essentiel de la croissance, ainsi que quelques " couloirs de peuplement ". Le Sénat oeuvre d'ailleurs activement pour la meilleure prise en compte du fait périurbain 31( * ) , même s'il n'est pas toujours écouté, ses propositions en la matière ayant été rejetées par le Gouvernement lors des débats d'aménagement du territoire.

Au contraire, on observe une stagnation de la population des communes rurales situées à l'écart de la zone d'influence des villes, voire une dégradation, pour les plus éloignées d'entre elles.

A l'intérieur des unités urbaines, la croissance des communes de banlieue se ralentit : 0,41 % par an, contre 0,86 % pendant la période intercensitaire précédente. En revanche, les communes de plus de 100.000 habitants, dont la population avait globalement diminué entre 1982 et 1990, retrouvent souvent le chemin de la croissance, à l'exception de Paris. Les grandes villes les plus dynamiques sont Nantes, Toulouse, Montpellier, Aix-en-Provence, Lyon, Orléans et Angers, avec des taux de croissance supérieurs à 0,7 % par an. Huit grandes " aires urbaines " totalisent à elles seules la moitié de l'augmentation de la population entre 1990 et 1999.

Si la France a donc continué à s'urbaniser, c'est inégalement, par une densification des grands pôles les plus dynamiques et de leurs périphéries. Les autres aires dynamiques se situent le long des littoraux atlantique et méditerranéen, en Alsace et dans le sillon alpin, ainsi que le long de certains fleuves.

De fortes disparités régionales

En métropole, huit régions sur vingt-deux ont vu leur population progresser, entre 1990 et 1999, plus rapidement que la moyenne nationale : le Languedoc-Roussillon (+ 0,90 % par an), suivi par l'Alsace (+ 0,70 %), Provence-Alpes-Côte d'Azur (+ 0,60 %), Rhône-Alpes, les Pays de la Loire (+ 0,57 %), Midi-Pyrénées (0,53 %) et enfin la Bretagne et l'Aquitaine (+ 0,42 %). A l'opposé, la population a stagné ou diminué dans cinq régions : le Limousin, l'Auvergne, la Champagne-Ardenne, la Bourgogne et la Lorraine. La région la plus peuplée reste l'Île-de-France (10,9 millions d'habitants) devant Rhône-Alpes (5,6 millions), Provence-Alpes-Côte d'Azur (4,5 millions) et Nord-Pas-de-Calais (4 millions) ; les régions les moins peuplées sont la Corse (moins de 300.000 habitants) et le Limousin (environ 710.000 habitants).

Avec l'Alsace, les régions de l'ouest (Bretagne, Pays de la Loire et Poitou-Charentes), sont les seules où la croissance de la population s'est accélérée entre les périodes intercensitaires (1982-1990 et 1990-1999), la hausse des entrées par rapport aux sorties compensant un excédent naturel en diminution.

Entre 1990 et 1999, les régions du sud et du sud-est (Provence-Alpes-Côte d'Azur, Languedoc-Roussillon et Rhône-Alpes) ont enregistré les plus fortes croissances (+ 699.000 personnes), Provence-Alpes-Côte d'Azur et Languedoc-Roussillon se caractérisant par un solde naturel globalement stable et par un solde des entrées-sorties encore très élevé, bien qu'en retrait.

Midi-Pyrénées et Aquitaine sont parmi les régions ayant attiré le plus de monde (+ 210.000 à elles deux) mais l'accroissement naturel y reste faible. Dans ces régions, des disparités importantes existent entre les départements littoraux et les grandes métropoles (comme Toulouse) et les autres départements, où la diminution de population est quasiment générale.

L'Île-de-France a eu, entre 1990 et 1999, une croissance inférieure à la moyenne nationale et en forte diminution par rapport à la période précédente. La proportion de jeunes y étant importante, elle a le plus fort taux de natalité régional. Son solde naturel très élevé ne compense pourtant pas la dégradation du solde des entrées-sorties de la population (- 518.000 personnes entre 1990 et 1999).

Les régions situées dans un croissant nord , de la Basse-Normandie jusqu'à la Lorraine, ont connu une croissance démographique ralentie. La fécondité y est traditionnellement élevée, mais le solde naturel a diminué, suite aux départ des jeunes adultes, entraînant le vieillissement de la population.

L'Auvergne et le Limousin ont perdu 27.000 habitants, soit autant qu'entre 1982 et 1990, avec un solde naturel qui se dégrade (- 40.000) mais un solde des entrées-sorties qui s'améliore.

La situation particulière des départements d'outre-mer

Avec 1.665.000 habitants, les DOM représentent, en 1999, 2,8 % de la population totale. Entre les deux derniers recensements, leur population a augmenté de 206.400 habitants, rythme de croissance (+ 1,5 % par an) quatre fois supérieur à celui de la métropole (+ 0,37 % par an). Cette croissance tient essentiellement -pour 90 %- à un fort excédent naturel entre 1990 et 1999. Cet accroissement n'est cependant pas uniforme : depuis 1990, le taux de croissance démographique annuel de la Guyane est de 3,6 %, celui de la Réunion -qui reste, avec 705.100 habitants, le plus peuplé des DOM- d'1,9 % et celui de chacune des Antilles inférieur à 1 %. Un fort accroissement démographique est constaté en périphérie des villes.

La mutation de la démographie française -qui suit celle des principaux pays industralisés- cache donc en réalité des disparités territoriales fortes.

Si la société se transforme, tel est également le cas de l'économie, désormais mondialisée.

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