B. LES LIMITES ACTUELLES DE LA POLITIQUE DE PROXIMITE
Depuis
quelques années, en outre, dans la lignée des réflexions
menées dans le cadre du colloque de Villepinte, le Gouvernement a
affirmé sa volonté de privilégier une politique de
proximité.
Devant votre mission d'information, M. Patrice Bergougnoux, directeur
général de la police nationale, a indiqué que la police de
proximité avait pour objet d'organiser les services de police selon le
principe de territorialisation autour de territoires bien identifiés.
Elle a été mise en oeuvre à partir d'avril 1999, dans une
première phase, à la préfecture de police et sur cinq
sites pilotes. Cette expérimentation a été étendue
à 62 autres sites à l'automne 1999. Au total, elle concerne 2
millions d'habitants dans 37 départements hors Paris. La
généralisation de la police de proximité devait concerner
en juin 2000, 63 circonscriptions entières de police, soit 10 millions
d'habitants, en priorité dans les zones couvertes par un contrat local
de sécurité. Une deuxième phase sera lancée en
octobre 2000, puis une troisième phase en juin 2001.
Cependant, les conditions de mise en oeuvre de cette politique suscite de
nombreuses interrogations
, soulignées par le Sénat
notamment dans le cadre de l'examen des crédits affectés à
la sécurité dans le projet de loi de finances.
284(
*
)
1. Des mesures marquées par de nombreuses incertitudes
a) Les contrats locaux de sécurité
Votre
rapporteur a précédemment souligné les
insuffisances
qui affectaient le dispositif des contrats locaux de
sécurité, illustrant ainsi les ambiguïtés des
politiques contractuelles que l'Etat engage avec les collectivités
locales
285(
*
)
.
On rappellera que ces contrats ont été prévus par une
circulaire interministérielle du 28 octobre 1997. Ils ont pour objet de
mobiliser tous les partenaires publics et tous les acteurs sociaux dans la mise
en oeuvre au plan local d'un dispositif préventif et répressif de
lutte contre l'insécurité. Leur mise en oeuvre a fait l'objet
d'une nouvelle circulaire interministérielle en date du 7 juin 1999.
Les contrats locaux de sécurité sont cosignés par le
préfet, le procureur de la République et le ou les maires
concernés. Ils associent, outre les services de l'Etat, des partenaires
privés tels les bailleurs sociaux, les sociétés de
transport en commun, les organismes consulaires ou des associations.
Au 1
er
octobre 1999
,
292 contrats
avaient
été signés. Une dizaine de contrats avaient
également été signés par le président du
conseil régional, 38 par le président d'un conseil
général et 136 par le recteur ou l'inspecteur d'académie.
Certains bailleurs sociaux, des sociétés de transport urbains ou
encore des organismes consulaires ont signé de tels contrats au lieu d'y
être simplement associés. Huit contrats thématiques
concernent les transports publics notamment à Lille. Etaient en cours
d'élaboration à cette même date, 431 autres contrats, dont
85 contrats intercommunaux et 5 spécifiques aux transports publics.
Devant votre mission d'information, M. Pierre Steinmetz, directeur
général de la gendarmerie nationale, a indiqué que la
gendarmerie prenait part à
un tiers
des contrats locaux de
sécurité, pour un tiers dans les zones où la gendarmerie
est seule intéressée et pour les deux tiers dans les zones
partagées avec la police nationale, en particulier en milieu suburbain.
Il a relevé le risque de confusion des rôles et des
responsabilités.
Les contrats locaux de sécurité doivent déterminer des
objectifs
à atteindre et des
actions
à engager sur
la base d'un diagnostic territorial de sécurité.
Les actions prévues dans ce cadre ont principalement concerné le
développement de l'îlotage, l'amélioration de l'accueil du
public et l'assistance aux victimes.
Le
caractère trop sommaire des diagnostics locaux de
sécurité
a été souligné, au mois
d'octobre 1998, par une mission interministérielle d'évaluation
des contrats. Cette évaluation a mis en évidence que l'urgence de
la signature du contrat a été parfois plus importante que le
diagnostic et le contrat lui-même. Elle a également relevé
la réticence de certains maires ainsi que l'insuffisante concertation
des services de l'Etat avec les conseils généraux.
En outre, les contrats locaux de sécurité s'insèrent dans
un
dispositif institutionnel trop complexe.
La circulaire du 7 juin 1999 a cherché à opérer un certain
nombre de clarifications, notamment quant au lien entre les contrats locaux de
sécurité et les conseils communaux et départementaux de
prévention de la délinquance.
Elle recommande la création de tels conseils là où ils
n'existent pas pour assurer le suivi local des contrats et prévoit d'en
élargir la composition aux différents partenaires
concernés.
Elle précise par ailleurs l'articulation des contrats avec la politique
de la ville. Le contrat local de sécurité doit constituer la
convention thématique du contrat consacré à la
sécurité et se substituer aux contrats d'action de
prévention pour la sécurité dans la ville, lorsqu'ils
existent.
Une cellule nationale d'animation et de suivi des contrats locaux et de
sécurité a été mise en place au ministère de
l'intérieur au printemps 1999.
b) Les emplois de proximité
Devant
votre mission d'information, M. Patrice Bergougnoux, directeur
général de la police nationale, a indiqué que 14 072
postes d'adjoints de sécurité avaient été ouverts
au 1
er
mars 2000, dont 1 280 en cours de formation et que 8 200
agents locaux de médiation sociale avaient été mis en
place à la fin de 1999, dont 5 760 dans les départements
très sensibles.
Les conditions de mise en place de ces emplois suscitent de nombreuses
inquiétudes dont votre commission des Lois s'est fait l'écho lors
de l'examen des crédits du ministère de l'intérieur pour
2000.
286(
*
)
Les adjoints de sécurité
Le
statut des adjoints de sécurité - qui relèvent des
" emplois-jeunes " - a été précisé par un
décret du 30 octobre 1997.
Agés de 18 à 25 ans
, ils
sont engagés
pour cinq ans
, sur la base d'un
contrat de droit
public
. Leur mission est de faire face à des besoins qui ne sont pas
satisfaits dans le domaine de la prévention, de l'assistance et du
soutien, en particulier dans les quartiers les plus sensibles. Ils ne peuvent
participer à des missions de police judiciaire ou de maintien de
l'ordre. Ils peuvent porter une arme lorsque leur mission le justifient.
Le
recrutement
a lieu dans un cadre départemental, après
une sélection opérée à partir de tests
psychologiques et d'un entretien. Aucun diplôme n'est exigé.
Une
formation initiale
d'une durée de 10 semaines - contre 8
semaines prévues initialement - est délivrée aux
intéressés. Elle comprend une partie théorique en
école d'une durée de 8 semaines et un stage de deux semaines dans
un service. Un tuteur les prend en charge.
Les adjoins de sécurité sont rémunérés au
SMIC sur la base de 169 heures de travail mensuelles.
En pratique, ils ont été affectés majoritairement à
des tâches d'
îlotage
et d'
accueil
dans les
commissariats. Ils sont le plus souvent dotés d'une
arme
.
Des
difficultés de recrutement
sont apparues. En outre, un
déficit de candidatures a été observé en
région parisienne. Une mission d'inspection commune de l'inspection
générale de l'administration et de l'inspection
générale de la police nationale a souligné
l'absence
d'un encadrement suffisant
, le
manque de formation
spécifique
des tuteurs des adjoints et la
déficience de la formation
des
adjoints eux-mêmes.
Les agents locaux de médiation sociale
Recrutés pour
cinq ans
et sur la base d'un
contrat
de droit privé
, dans le cadre des dispositions de l'article premier
de la loi du 16 octobre 1997 relative au développement
d'activités pour l'emploi des jeunes, les agents locaux de
médiation sociale doivent remplir des missions de prévention,
périphériques de la sécurité publique au sens
strict.
Ils sont mis en place dans le cadre des contrats locaux de
sécurité. Le coût de leur rémunération est
réparti entre l'employeur (20%) et le ministère de l'emploi (80%).
Ces agents sont principalement employés par des communes mais aussi par
d'autres personnes morales chargés d'une mission de service public,
notamment des sociétés HLM ou des entreprises de transport public.
Les agents exercent en pratique des missions très variées, tels
que le service de nuit dans les logements sociaux, la surveillance dans les
transports en commun, aux abords des établissements scolaires ou des
espaces verts, l'accueil des victimes, la médiation sociale ou encore la
prévention de la toxicomanie.
Des difficultés sont apparues dans
l'encadrement
et la
formation
de ces agents, les collectivités étant souvent
démunies de cadres pouvant assumer ces missions.
c) Les difficultés rencontrées dans le redéploiement des personnels vers les zones sensibles
Une
politique de proximité efficace suppose des
moyens importants en
personnels placés au contact des populations
. Or les effectifs de
police, bien que stables depuis 1995, sont lourdement grevés par les
vacances de postes résultant du temps de formation des agents
appelés à remplacer les nombreux personnels partant en
retraite
287(
*
)
. Il ne serait
pas acceptable que, du fait de ces départs à la retraite, la
sécurité de nos concitoyens repose sur des emplois-jeunes
inexpérimentés, peu formés et recrutés dans des
conditions qui ne garantissent pas la qualité de leur action. En outre,
accaparés par des tâches administratives, des gardes statiques ou
des tâches " indues ", trop de policiers ne sont pas sur le
terrain.
Une bonne répartition des effectifs de police et de gendarmerie sur le
territoire constitue par ailleurs, une condition indispensable pour assurer
l'efficacité des politiques de sécurité publique.
Devant votre mission d'information, notre collègue Jean-Jacques Hyest,
coauteur avec M. Roland Carraz du rapport "
une meilleure
répartition des effectifs de police et de gendarmerie pour une meilleure
sécurité publique
", a souligné le paradoxe
existant entre la dotation élevée en personnels de
sécurité et le développement de la délinquance,
l'accroissement des inégalités territoriales et le très
fort sentiment d'insécurité éprouvé par nos
concitoyens. Il a fait observer que le découpage des circonscriptions de
police remontait à 1941 et qu'il n'avait jamais fait l'objet d'une
révision alors que 80% des français vivaient désormais
dans des zones urbaines et périurbaines.
A la suite du rapport précité, le Gouvernement avait retenu, lors
du conseil de sécurité intérieure du 27 avril 1998, le
principe d'un
redéploiement territorial
des forces de police et
de gendarmerie qui aurait permis d'affecter un plus grand nombre de policiers
et de gendarmes dans les zones sensibles. Ce plan aurait abouti à la
fermeture de 94 commissariats.
Le projet global de redéploiement a, en définitive,
été abandonné par le Premier ministre le 20 janvier 1999,
après que des oppositions se furent exprimées tant de la part des
élus concernés que des personnels. Une concertation au cas par
cas avec les élus a été privilégiée.