2. L'affirmation du rôle des polices municipales
a) L'émergence des polices municipales
Les
travaux préparatoires de la loi du 15 avril 1999 ont mis en
évidence la place croissante des polices municipales, mouvement que n'a
pas freiné le processus d'étatisation de la police.
282(
*
)
En avril 1998, le ministère de l'Intérieur recensait
3030
communes
dotées d'une police municipale, employant
13 098
agents
. Depuis 1984, le nombre de communes concernées a
augmenté de 73 % tandis que
le nombre des agents a plus que
doublé
ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE POLICE MUNICIPALE
Années |
1984 |
1993 |
1998 |
1998/1984 |
Nombre de communes |
1 748 |
2 849 |
3 030 |
+ 73 % |
Nombre d'agents |
5 641 |
10 977 |
13 098 |
+ 132 % |
Cependant, les polices municipales présentent
une
réalité très
hétérogène
tant par le nombre des agents qu'elles
emploient que par les équipements, notamment l'armement, qu'elles
utilisent ou par les missions qu'elles remplissent.
Sur l'ensemble des communes dotées d'une police municipale, plus de 1400
communes, soit près de la moitié, ne disposent que d'un seul
agent alors que seules 5 communes en ont au moins 100.
Les polices municipales sont principalement implantées dans le sud-est,
le sud-ouest, la région parisienne, le nord et l'Est de la France.
Sur les 13 000 agents de police municipale en exercice,
4.946
soit un
peu
plus du tiers
(37,8 %)
sont armés
, essentiellement
avec des armes de la 4ème catégorie, dites armes
défensives.
Dans de nombreuses communes, les agents de police municipale se bornent
à une simple activité de police administrative effectuée
de jour, telle la surveillance des marchés. Dans d'autres communes, ils
effectuent de véritables missions de sécurité publique,
souvent la nuit, intervenant en complément, et souvent même,
à la place, des services de l'Etat.
Ce mouvement de développement des polices municipales n'a pas
été freiné par le processus d'étatisation de la
police. Sur
686 communes
de
plus de 10 000 habitants
disposant d'une police municipale
,
495
communes sont
placées sous le régime de la police d'Etat
.
L'étatisation de la police : les conditions applicables
La loi
du 23 avril 1941 avait fixé à
10 000
habitants le
seuil démographique à partir duquel l'étatisation
était susceptible d'intervenir.
Le nouveau mouvement impulsé par l'article 88 de la loi n° 83-8 du
7 janvier 1983, qui aurait pu conduire à la généralisation
de la police d'Etat, n'a pas eu de traduction concrète pour des raisons
essentiellement budgétaires.
Les principes de l'étatisation sont actuellement fixés par
l'article L. 2214-1
du code général des
collectivités territoriales issu de la loi n° 95-73 du 21 janvier
1995 d'orientation et de programmation relative à la
sécurité, précisé par le décret
n° 96-827 du 16 septembre 1996.
En vertu de ces dispositions, la police d'Etat peut être désormais
établie dans les communes dont la population permanente ou
saisonnière est supérieure à
20 000
habitants
et dont les caractéristiques de la délinquance sont celles des
zones urbaines, les communes de chefs-lieux de département étant
en tout état de cause placées sous ce régime.
Dans les communes dotées d'un tel régime, les agents de police de
la commune peuvent être intégrés dans les cadres de la
police nationale en vertu de
l'article L. 412-50
du code des communes.
L'article L. 2214-4
du code général des
collectivités territoriales transfère à l'Etat la
responsabilité en matière d'atteintes à la
tranquillité publique, sauf en ce qui concerne les bruits de voisinage,
et la charge du bon ordre en cas de grands rassemblements occasionnels.
A l'heure actuelle, la police est étatisée dans
1625
communes regroupant
29
millions d'habitants.
b) Le nouveau cadre juridique issu de la loi du 15 avril 1999
Le
statut des policiers municipaux était marqué, avant l'adoption de
la loi du 15 avril 1999, par de nombreuses
ambiguïtés : leurs
compétences
légales
était très en-deçà de leur
rôle réel, leur
statut
souffrait de très graves
insuffisances, notamment en ce qui concerne la
formation
et
l'équipement.
Nouvelle étape dans la démarche qui avait cherché depuis
plusieurs années, à mieux préciser le cadre légal
de l'intervention de ces polices, la loi du 15 avril 1999 - dont le texte est
issu des travaux de la commission mixte paritaire, réunie sous la
présidence de M. Jacques Larché - a permis d'opérer un
certain nombre de clarifications, non sans aboutir à un
encadrement
renforcé
des polices municipales
283(
*
)
.
La loi du 15 avril 1999
•
Une convention de coordination
Présentée comme la pierre angulaire du projet, la convention de
coordination, qui associe le maire de la commune et le préfet, a pour
objet d'assurer sur le terrain la
complémentarité des forces
de police municipales et des forces de sécurité dépendant
de l'Etat
. Elle est obligatoire dans toutes les communes employant au moins
cinq
agents de police municipale. Elle peut cependant intervenir
facultativement, à la demande du maire, dans les communes employant
moins de cinq agents. Elle est conclue entre le maire de la commune et le
préfet, après avis du procureur de la République. Elle
précise la nature et les lieux d'intervention des agents de police
municipale et les modalités de la coordination de leur action avec celle
de la police et de la gendarmerie nationale.
L'absence de convention de coordination
emporte : l'interdiction du
travail de nuit
des agents, entre
23 H et 6 H
, à l'exception des gardes statiques des
bâtiments communaux et de la surveillance de fêtes ou
manifestations organisées par la commune ; l'impossibilité
de
l'armement
des agents.
Le projet initial prévoyait l'intervention d'un
règlement de
coordination
,
conforme à un règlement type
approuvé par décret en Conseil d'Etat et pouvant, à
défaut d'accord entre le maire et le préfet pendant un
délai de six mois, être pris par le préfet seul,
après avis du procureur de la République. En retenant le principe
d'une convention, la commission mixte paritaire a confirmé la position
du Sénat qui avait estimé qu'il était impossible de
soumettre une police municipale à un règlement pris sans l'accord
du maire employeur.
•
Le double agrément des agents
La loi prévoit un double agrément des agents. En plus de
l'agrément par le procureur de la République qui existait
adéjà, les agents devront recevoir l'agrément du
préfet avant d'être nommés par le maire et
assermentés.
L'agrément pourra être retiré ou suspendu par le
préfet ou le procureur de la République, après
consultation du maire, ce dernier ayant alors la faculté de proposer un
reclassement dans un autre cadre d'emploi, dans les conditions prévues
en cas d'inaptitude physique reconnue d'un agent de la fonction publique
territoriale.
•
Une identification commune des tenues et des équipements
La carte professionnelle, la tenue, la signalisation des véhicules et
les équipements dont sont dotés les agents de police municipale
feront l'objet d'une identification commune de nature à
n'entraîner aucune confusion avec ceux utilisés par la police et
la gendarmerie nationales. Il est de plus précisé que le port de
la carte professionnelle et de la tenue seront obligatoires pendant le
service.
•
L'autorisation d'utilisation en commun occasionnelle des services
de police municipale
En cas de manifestation exceptionnelle, à l'occasion d'un afflux
important de population ou en cas de catastrophe naturelle, le préfet
pourra autoriser les maires de communes limitrophes ou appartenant à une
même agglomération à
utiliser en commun,
pour un
délai déterminé
,
tout ou partie de leurs moyens de
police municipale, uniquement pour l'exercice d'activités de police
administrative.
•
La soumission à des règles de déontologie
Un code de déontologie des agents de police municipale sera
élaboré par décret, après avis de la commission
consultative des polices municipales.
•
La vérification des services
Des vérifications de l'organisation et du fonctionnement d'un service de
police municipale pourront être demandées par le maire, le
préfet ou le procureur de la République. Ces vérifications
seront décidées par le ministre de l'intérieur,
après avis de la commission consultative des polices municipales. Elles
seront opérées par les services d'inspection relevant de l'Etat.
Les modalités en seront fixées après consultation des
maires qui seront destinataires des conclusions, au même titre que le
préfet et le procureur de la République.
•
Des compétences élargies de police judiciaire sous
l'autorité fonctionnelle de la hiérarchie judiciaire
La loi n'a pas modifié les dispositions actuelles du
premier
alinéa de l'article L. 2212-5 du code général des
collectivités territoriales
qui charge les agents de police
municipale d'exécuter, sous l'autorité du maire, des tâches
de prévention et de surveillance du bon ordre, de la tranquillité
et de la salubrité publique.
Dans le domaine de la police judiciaire, les agents de police municipale
gardent la qualification
d'agent de police judiciaire adjoint
que leur
reconnaît
l'article 21 du code de procédure pénale
.
Mais la loi accroît leurs compétences dans ce domaine et leur
donne des moyens juridiques supplémentaires.
Les agents de police municipale resteront, chargés d'assurer
l'exécution des arrêtés de police du maire
. Des lois
spéciales les habilitent en outre à constater certaines
infractions (publicité, protection de la nature, pêche).
La loi élargit leurs compétences à la constatation
d'infractions
au code de la route
dont la liste est fixée
par
décret en Conseil d'Etat
. Ces compétences qui sont, à
l'heure actuelle limitées pour l'essentiel à la police du
stationnement des véhicules seront donc être étendues
à certains aspects de la police de circulation. La loi leur permet en
outre de constater des infractions relatives à la conservation du
domaine public routier.
Les agents de police municipale ont désormais la possibilité,
dans leur domaine de compétences, de dresser de véritables
procès verbaux
alors qu'ils ne pouvaient auparavant
qu'établir des rapports à l'intention du maire.
La loi habilite les agents de police municipale à relever
l'identité d'un contrevenant pour dresser les procès verbaux
concernant les infractions qu'ils sont habilités à constater. Si
le contrevenant refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de
son identité, l'agent de police municipale devra en rendre compte
immédiatement à un officier de police judiciaire de la police
nationale ou de la gendarmerie nationale. Ce dernier pourra alors lui ordonner
de lui présenter sur le champ le contrevenant afin de procéder
lui-même à une vérification d'identité. A
défaut de cet ordre, l'agent de police municipale ne pourra pas retenir
ce contrevenant.
La loi ouvre également la possibilité aux agents de police
municipale d'effectuer, dans le prolongement des infractions au code de la
route qu'ils sont autorisés à verbaliser, une
première
constatation de l'état alcoolémique
d'un contrevenant. Cette
constatation s'opère par analyse de l'air expiré à l'aide
d'un éthylotest. Si le test révèle une
présomption d'alcoolémie ou si le contrevenant refuse de s'y
soumettre, l'agent de police municipale doit en référer à
un officier de police judiciaire selon une procédure transposée
de celle applicable en matière de relevé d'identité. Cet
officier fera lui-même procéder aux vérifications et
constatations légales.
Les policiers municipaux doivent
rendre compte immédiatement
à tout
officier de police judiciaire
de la police nationale ou de
la gendarmerie nationale territorialement compétent de toute infraction
dont ils ont eu connaissance.
Concernant les contraventions qu'ils sont autorisés à verbaliser,
leurs procès-verbaux doivent être adressés
simultanément au maire et, par l'intermédiaire des officiers de
police judiciaire, au procureur de la République.
•
La reconnaissance législative de la qualité d'agent
de la fonction publique territoriale
Les agents de police municipale sont des
fonctionnaires territoriaux
recrutés dans le cadre d'un statut particulier, ce qui avait
été jusqu'à présent admis implicitement. Le cadre
d'emploi des agents de police municipale est un cadre d'emploi de
catégorie C faisant l'objet d'un statut particulier établi par le
décret n° 94-732 du 24 août 1994. Lors des
débats, le ministre s'est engagé à prévoir la
création un cadre d'emploi de
catégorie B
pour les
personnels d'encadrement.
•
Une amélioration du statut
La loi institue une
formation continue
obligatoire
des agents de
police municipale. Cette formation sera assurée par le Centre national
de la fonction publique territoriale, dans des conditions
déterminées par décret en Conseil d'Etat. Elle sera
financée par une redevance pour prestations de service, versée
par les communes concernées. La loi étend aux agents de police
municipale les dispositions en matière de
pensions de
réversion
applicables aux policiers nationaux, aux pompiers et aux
gendarmes.
•
La création d'une commission consultative des polices
municipales
Créée auprès du ministre de l'intérieur, cette
commission consultative des polices municipales est composée pour un
tiers de représentants des maires de communes employant des agents de
police municipale, pour un tiers de représentants de l'Etat, et, pour le
dernier tiers, de représentants des policiers municipaux, choisis par
les organisations syndicales représentatives de fonctionnaires
territoriaux. Cette commission est présidée par un maire qui a
voix prépondérante en cas de partage.
Elle devra donner son avis sur les normes techniques qui doivent être
arrêtées en matière d'équipements des polices
municipales et sur le code de déontologie des agents de police
municipale ainsi qu'en matière de demande de vérification d'un
service de police municipale
•
L'armement des agents de police municipale
Avant la loi du 15 avril 1999, les conditions d'armement des agents de police
municipale étaient prévues au plan réglementaire par
le
décret n° 95-589 du 6 mai 1995
relatif à
l'application du décret-loi du 18 avril 1939 fixant le régime des
matériels de guerre, armes et munitions.
L'article 25
du décret du 6 mai 1995 prévoyait que les
fonctionnaires et agents des administrations publiques chargées d'un
service de police ou de répression sont autorisés, après
simple visa du préfet, à détenir et à
acquérir la plus grande partie des armes individuelles de
première catégorie, (armes de guerre), les armes de
quatrième catégorie (armes à feu d'autodéfense et
leurs munitions), et de sixième catégorie (armes blanches),
catégorie d'armes dont la détention est libre d'une
manière générale. En outre, les administrations ou
services publics peuvent acquérir ces mêmes armes en vue de leur
remise aux agents précités.
Quant à
l'article 58
de ce décret, il autorisait ces
mêmes fonctionnaires à porter ces catégories d'armes dans
l'exercice de leurs fonctions. Il revenait néanmoins au maire de
décider d'armer ou non les agents placés sous son autorité
en fonction des missions qu'il leur confie. Dans la majeure partie des cas, les
maires ont opéré ce choix lorsqu'ils assignent aux policiers
municipaux des missions les exposant à des risques (îlotages,
rondes nocturnes sur la voie publique, notamment).
Cette liberté laissée aux maires a pour contrepartie la
responsabilité applicable à la commune dans le cas où les
policiers municipaux disposent d'un armement.
Le procureur de la République pouvait, par ailleurs, à tout
moment
retirer son agrément
à des agents de police
municipale, leur interdisant ainsi d'exercer leurs fonctions et donc
d'être dotés d'une arme.
Les maires ont, dans l'ensemble, usé avec discernement de cette
prérogative. Sur les 13 000 agents de police municipale en exercice
seulement
37,7 %
(soit 4 946 agents en avril 1998) sont
armés. Certaines grandes villes (Lyon, par exemple) n'ont pas
jugé nécessaire d'armer leur police municipale. D'autres n'ont
prévu l'armement que d'une petite partie de leurs policiers municipaux
(10 sur 205 agents à Marseille).
Leur armement est pour l'essentiel constitué d'armes de la
4ème catégorie,
dites
armes défensives
.
Quelques communes ont préféré doter leurs agents d'armes
de 6ème catégorie, dites armes blanches mais on compte
également
239 armes
de 1ère catégorie.
La loi pose le principe d'un
armement sous conditions
des agents.
Des
autorisations nominatives
pourront être accordées aux
agents par le préfet, sur demande motivée du maire, lorsque la
nature des interventions
et les
circonstances
le justifieront, et
sous réserve de l'existence d'une
convention de coordination.
Les
circonstances
et les
conditions
dans lesquelles un agent
pourra porter une arme, de même que la catégorie et le type
d'armes qui seront autorisées, ainsi que les conditions de leur
acquisition et de leur détention par les communes sont
déterminés par décret en Conseil d'Etat. Le même
décret précise les modalités de la
formation
des
agents destinés à porter une arme.