III. LA SÉCURITÉ
A. UNE COMPÉTENCE LARGEMENT PARTAGÉE
Les lois
de décentralisation n'ont pas modifié la répartition des
compétences entre l'Etat et le maire en matière de police
générale. Cependant, en prévoyant l'institution de droit
du régime de police d'Etat, sur demande du conseil municipal, sous
certaines conditions prévues par décret en Conseil d'Etat,
l'article 88 de la loi du 7 janvier 1983 aurait pu aboutir à la
généralisation de ce régime. Il n'en fut rien et
l'étatisation de la police dans certaines communes n'a pas freiné
le développement des polices municipales, dont le statut a
été récemment clarifié par le législateur.
Dans ce domaine, comme dans d'autres, les collectivités locales ont
dû intervenir, pour faire face aux besoins de la population, en prenant
en charge des missions relevant en principe de l'Etat.
1. Un pouvoir étendu du maire en matière de police
a) L'objet de la police municipale
Investi
d'une compétence générale de police administrative au
niveau communal, le maire doit assurer l'ordre public local. Il est
également chargé d'attributions de police en tant qu'agent de
l'Etat. Enfin, il est officier de police judiciaire.
En tant qu'
autorité de police municipale
, le maire est
chargé, sous le contrôle administratif du représentant de
l'Etat, de la police municipale, de la police rurale et de l'exécution
des actes de l'Etat qui y sont relatifs (
article L. 2212-1
du
code général des collectivités territoriales).
L'
article L. 2212-2
du code général des
collectivités territoriales énonce
les buts de la police
municipale. Celle-ci doit assurer le
bon ordre
, la
sûreté
, la
sécurité
et la
salubrité
publiques.
Le même article donne une liste détaillée mais non
limitative des matières dans lesquelles ce pouvoir de police municipale
s'exerce. Les missions ainsi confiées au maire se caractérisent
à la fois par leur diversité et par leur complexité.
Le maire est ainsi chargé de la répression des rixes et disputes,
des bruits de voisinage (au titre des atteintes à la tranquillité
publique), de la prévention et de la réparation des pollutions de
toute nature, ou encore de la sûreté et de la commodité de
passage sur les voies publiques.
On sait que ce pouvoir de police, ainsi largement défini, a pu
être, dans la période récente, à l'origine d'une
mise en cause plus fréquente de la responsabilité personnelle des
maires
281(
*
)
.
Le maire dispose par ailleurs de pouvoirs de police portant sur des
objets
particuliers
(articles
L. 2213-1
et suivants du code
général des collectivités territoriales), sa
compétence pouvant alors être plus strictement limitée.
Ainsi, pour la police de la circulation, le maire n'est compétent que
sur les voies communales et sur les seules sections des routes nationales et
routes départementales, situées à l'intérieur de
l'agglomération, sous réserve des pouvoirs dévolus au
préfet sur les routes à grande circulation
(
article L. 2213-1
).
Enfin, le maire dispose de pouvoirs de
police spéciale
, notamment
en ce qui concerne la police rurale, qui lui sont confiés par le code
rural.
En tant qu'agent de l'Etat
, le maire exerce -cette fois sous
l'
autorité
du représentant de l'Etat- une mission
d'"
exécution des mesures de sûreté
générale
".
Enfin, en vertu de
l'article 16
du code de procédure
pénale, le maire a la qualité d'
officier de police
judiciaire
qu'il tient de droit sans habilitation préalable. A ce
titre, il est placé sous la surveillance du procureur de la
République.
b) Les limites du pouvoir de police du maire
Les
pouvoirs de police du maire sont néanmoins
encadrés de
plusieurs manières.
Le préfet dispose d'un
pouvoir de substitution
en vertu de
l'article L. 2215-1
du code général des
collectivités territoriales, qui l'autorise à prendre pour toutes
les communes du département ou pour plusieurs d'entre elles et dans tous
les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les
autorités municipales les mesures nécessaires au maintien de la
salubrité, de la sûreté et de la tranquillité
publiques.
Mais lorsqu'une seule commune est en cause, ce pouvoir ne peut être
exercé par le préfet qu'après une mise en demeure du maire
restée sans résultat.
Quand le maintien de l'ordre est menacé dans deux ou plusieurs communes
limitrophes, le préfet peut par ailleurs se substituer par
arrêté motivé, aux maires des communes concernées
pour exercer les pouvoirs de police relatifs à la répression des
atteintes à la tranquillité publique et au maintien du bon ordre
dans des endroits où il se fait de grands rassemblements de personnes.
Les
règlements pris par les autorités supérieures
constituent une seconde limite aux pouvoirs du maire en matière de
police municipale. Le maire a alors la possibilité de prendre des
mesures
plus sévères
que celles fixées par le
règlement (en matière de police de la circulation par exemple).
En revanche, il ne peut prendre des arrêtés assouplissant ces
règlements. Les mesures plus restrictives doivent être
justifiées par des circonstances particulières de
temps
et
de
lieu
.
Les pouvoirs de police du maire s'exercent en outre dans le cadre légal
sous
le contrôle du juge administratif
. Ainsi les mesures de
police doivent-elles être strictement nécessaires pour assurer
l'ordre public mais pas au-delà. Les interdictions
générales et absolues sont prohibées. Les mesures en cause
doivent respecter le principe d'égalité, les discriminations
étant en conséquence illégales. Enfin, le maire ne doit
pas commettre de détournement de pouvoir en usant de ses
prérogatives dans un but autre que celui en vue duquel elles lui ont
été confiées.
Certains
régimes spéciaux
de police peuvent
également limiter les pouvoirs du maire.
Dans les communes dotées d'une police d'Etat, le soin de réprimer
les atteintes à la tranquillité publique, sauf en ce qui concerne
les bruits de voisinage, incombe à l'Etat. Celui-ci a également
la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands
rassemblements d'hommes (
article L. 2214-4
du code
général des collectivités territoriales).
Enfin, à Paris, en vertu de l'arrêté des Consuls du
12 Messidor an VIII, la véritable compétence de police
appartient au préfet.
La loi n° 86-1308 du 29 décembre 1986 a néanmoins
rapproché les compétences du maire de Paris de celles des maires
des communes à police étatisée. Lui ont ainsi
été dévolues des compétences en matière de
salubrité sur la voie publique, de maintien de l'ordre sur les foires et
marchés, de gestion et de conservation du domaine (
articles
L. 2512-13
du code général des collectivités
territoriales).
Dans les communes des départements de la " petite couronne "
parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val de Marne), le préfet,
en plus des compétences qui lui sont conférées dans les
communes à police étatisée, a la charge de la police de la
voie publique sur les routes à grande circulation, y compris en ce qui
concerne la liberté et la sûreté.