II. LES TRAVAUX DE LA DÉLÉGATION
A. LE CONSEIL (Rapporteur : M. Aymeri de Montesquiou)
a) Communication
Si la
Conférence intergouvernementale d'Amsterdam n'a pas réussi
à réformer les institutions de l'Union, elle a du moins
établi un lien entre élargissement de l'Union et réforme
des institutions. Le Conseil européen de Cologne (3 et 4 juin 1999)
a indiqué que la Conférence intergouvernementale qui doit, en
2000, régler ce problème, devait se concentrer sur le
" reliquat d'Amsterdam " : nombre de membres de la Commission,
pondérations des votes au Conseil, extension du domaine de la
majorité qualifiée.
On voit que le Conseil tient une place importante dans ce programme, et cette
place est justifiée. Aujourd'hui, à quinze, le Conseil fonctionne
difficilement. La perspective de l'adhésion de douze nouveaux pays rend
nécessaire une évolution, d'autant que le Conseil reste le pivot
des institutions européennes. Il est en effet la seule institution
à disposer d'un pouvoir de décision pour les trois
" piliers " de l'Union (dans les deuxième et troisième
" piliers ", les pouvoirs de la Commission et du Parlement
européen sont en effet relativement réduits).
Le rôle du Conseil est donc fondamental sur le plan politique. Or, il me
semble que la finalité de l'Union est appelée à devenir de
plus en plus politique. A l'origine, la Communauté était un
traité de commerce, et c'est d'abord dans le domaine économique
que s'est affirmée une identité européenne. Mais nous
voyons bien, aujourd'hui, que les échanges sont marqués par un
fort mouvement de mondialisation et que, sous l'égide de l'OMC, les
barrières commerciales ont tendance à se réduire
considérablement. Cela n'ôte nullement son utilité à
la construction communautaire, qui permet aux Européens de
dégager des positions communes et d'avoir plus de poids dans les
négociations. Cependant, dans un tel contexte, l'Europe tirera de moins
en moins sa consistance du domaine économique et commercial. Les aspects
politiques joueront donc un plus grand rôle pour cimenter l'Union.
Dans cette optique, il est nécessaire que le Conseil -institution
politique essentielle de l'Union- préserve et même améliore
son efficacité, et qu'il conserve sa capacité de décision
au-delà de l'élargissement.
A cet égard, trois principaux problèmes se posent :
- tout d'abord, celui de la pondération des votes,
c'est-à-dire du nombre de voix dont dispose chaque Etat membre au sein
du Conseil ;
- ensuite, celui de la majorité qualifiée : pour que le
Conseil décide plus facilement, il faut manifestement réduire
autant que possible le nombre de cas où l'unanimité est
nécessaire. Dans le même ordre d'idées, se pose le
problème du seuil de la majorité qualifiée :
actuellement pour atteindre la majorité qualifiée, il faut
71 % des voix ; abaisser ce seuil permettrait de prendre plus
facilement des décisions ;
- enfin, dernier point, le fonctionnement actuel du Conseil fait
problème : il est devenu une institution très lourde, dont
les travaux sont mal coordonnés. Ce problème nous concerne moins
directement, car certaines évolutions pourraient se faire sans modifier
les traités, mais c'est un aspect qu'on ne peut néanmoins passer
sous silence.
*
Sur la
pondération des votes, je rappelle que la situation actuelle est la
suivante :
- l'Allemagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni ont chacun
10 voix ;
- l'Espagne a 8 voix ;
- la Belgique, la Grèce, les Pays-Bas, le Portugal ont chacun
5 voix ;
- l'Autriche et la Suède ont chacune 4 voix ;
- le Danemark, l'Irlande et la Finlande ont chacun 3 voix ;
- le Luxembourg a 2 voix.
Le total des voix est de 87. Le seuil de la majorité qualifiée
est fixé à 62 voix (soit environ 71 % des voix) ;
la minorité de blocage est donc de 26 voix.
La principale raison de revoir la pondération actuelle est le risque de
voir, avec l'élargissement, se dégrader la capacité de
décision et même la légitimité du Conseil.
Les Etats membres de l'Union sont très inégaux sur le plan
démographique et peuvent être répartis en deux
groupes :
- le groupe des " grands " Etats, qui comprend un pays d'environ
40 millions d'habitants, l'Espagne, trois pays d'environ 60 millions
d'habitants (France, Italie, Grande-Bretagne) et un pays d'à peu
près 80 millions d'habitants, l'Allemagne ;
- le groupe des " petits " Etats, au nombre de 10, dont la
population va de 400.000 habitants (Luxembourg) à environ
15 millions (Pays-Bas).
Depuis les débuts de la Communauté, il a toujours
été admis que cette situation devait conduire à une
certaine sur-représentation des " petits " Etats.
L'application d'un critère purement démographique aboutirait en
effet à une domination des " grands " Etats qui, à eux
cinq, rassemblent 294 millions d'habitants, c'est-à-dire les quatre
cinquièmes de la population de l'Union à Quinze.
Seulement, à mesure de ses élargissements, l'Union a
compté de plus en plus de " petits " Etats membres : la
sous-représentation des " grands " Etats est donc allée
en s'accentuant. Ainsi, les trois plus grands Etats, qui représentent
ensemble plus de 53 % de la population de l'Union, ont moins de 35 %
des droits de vote.
Or, l'élargissement à l'Est va nécessairement aggraver ce
phénomène : en effet, sur les douze pays candidats, un seul,
la Pologne, est un " grand " Etat. Si l'on ne modifie pas les
règles actuelles de pondération, l'on obtiendra, à l'issue
du processus d'élargissement, une Union de vingt-sept Etats où
six " grands " Etats, avec 71 % de la population, auront
42 % des droits de vote, tandis qu'une coalition de douze
" petits " Etats pourra constituer une minorité de blocage
tout en rassemblant seulement 10,5 % de la population de l'Union.
La sur-représentation accrue des " petits " Etats que va
entraîner l'élargissement à l'Est posera également
un problème de légitimité de la décision
budgétaire. En effet, les futurs adhérents verseront peu au
budget communautaire et en recevront beaucoup, tout en disposant ensemble d'un
grand nombre de voix si l'on conserve les règles actuelles de
pondération. Avec ces règles, les futurs adhérents, qui
ont au total 106 millions d'habitants et représentent une faible
capacité contributive, auront 45 voix, alors que les quatre plus grands
Etats parmi les membres actuels, qui ont ensemble 255 millions d'habitants
et assurent 75 % des recettes du budget communautaire, n'auront que 40 voix.
Quelle réforme peut-on envisager ?
On doit souligner, tout d'abord, qu'on ne peut espérer corriger les
disparités extrêmes que je viens d'évoquer, seulement les
atténuer. La pondération au sein du Conseil est un compromis qui
ne peut être modifié qu'à l'unanimité. Les
" petits " Etats admettent aujourd'hui que, dans l'optique de
l'élargissement, une évolution est inévitable : ils
ne sont pas prêts, pour autant, à accepter une modification
très sensible de l'équilibre entre " grands " et
" petits " Etats. Notre objectif doit être plutôt
d'empêcher que l'élargissement ne dégrade encore
l'équilibre entre " grands " et " petits " ;
l'idéal -mais c'est un idéal sans doute hors d'atteinte- serait
de retrouver, et de pérenniser, l'équilibre qui existait dans
l'Europe des Douze, car le passage de douze à quinze membre a
déjà sensiblement fait pencher la balance au détriment des
" grands ".
Une première solution possible serait le système de la
" double majorité ".
Lors de la précédente Conférence intergouvernementale, la
présidence néerlandaise avait étudié une telle
formule qui consiste à ajouter une condition de majorité
démographique pour les décisions du Conseil.
Dans le système envisagé par la présidence
néerlandaise, la pondération actuelle était
conservée et, dans l'optique de l'élargissement,
extrapolée aux nouveaux membres ; le seuil de la majorité
qualifiée était conservé à son niveau actuel
(71 % des voix) ; une condition démographique était
ajoutée, à savoir que les Etats émettant un vote positif
regroupent 60 % au moins de la population de l'Union.
Le système de la " double majorité " présente
certains avantages : il permet de contourner la difficulté
politique d'une repondération des votes ; par ailleurs, il permet,
malgré l'élargissement, de conserver toujours le même seuil
démographique : quoi qu'il arrive, une mesure ne peut être
adoptée qu'avec le soutien de gouvernements représentant ensemble
une large majorité de la population de l'Union.
Cependant, un mécanisme de double majorité compliquerait beaucoup
le processus de décision, puisqu'il faudrait remplir deux conditions de
majorité au lieu d'une. Comme notre but doit être au contraire de
faciliter la prise de décision, il y a là un inconvénient
très fort.
De ce fait, le système de la double majorité, qui avait beaucoup
de partisans en 1997, en a beaucoup moins aujourd'hui, dans la mesure où
les problèmes de fonctionnement d'une Europe élargie sont
beaucoup plus présents dans les esprits.
Il paraît donc plus judicieux de prévoir une nouvelle
pondération des votes.
Lors de la précédente Conférence intergouvernementale, la
présidence néerlandaise avait proposé, en vue d'une
éventuelle repondération, une formule qui me paraît
demeurer une référence intéressante.
Elle consiste à augmenter le nombre des voix de tous les Etats,
l'augmentation étant plus forte pour les Etats les plus peuplés.
Le nombre des voix serait multiplié par 2,5 pour l'Allemagne, l'Espagne,
la France, l'Italie et le Royaume-Uni ; par 2,4 pour les Pays-Bas, et par 2
pour les autres Etats membres, sauf le Luxembourg pour lequel le coefficient
multiplicateur serait de 1,5. Ces règles seraient ensuite
appliquées aux pays candidats.
Je pense que nous pourrions, à titre indicatif, nous prononcer pour une
formule de ce type, qui aurait pour effet de préserver
l'équilibre actuel entre " grands " et " petits "
Etats au-delà de l'élargissement.
Un problème particulier se pose dans le cas de l'Espagne. Ce pays est
assimilé aux " grands " Etats dans le cas de la Commission
européenne, puisqu'il nomme deux commissaires, mais au sein du Conseil,
il dispose de huit voix, contre dix aux " grands " Etats. Si les
" grands " Etats perdent leur second commissaire, comme il en est
assez fortement question, l'Espagne décrochera complètement du
groupe des " grands " ; pour éviter cela, elle sera
amenée à demander d'être intégrée, au
Conseil, au groupe des " grands ". Il me semble que cette
revendication devrait être examinée dans un esprit constructif,
surtout si l'on raisonne en termes d'équilibre Nord/Sud de la
Communauté.
*
Comme je
l'ai indiqué au début de mon propos, un renforcement de la
capacité de décision du Conseil passe également par une
réforme du régime de la majorité qualifiée.
Le premier élément possible d'une réforme serait
l'abaissement du seuil de la majorité qualifiée. Ce seuil est
actuellement de 71 % des voix. Retenir un seuil plus bas (les deux tiers,
voire les trois cinquièmes) faciliterait à l'évidence
l'obtention d'une majorité.
On doit souligner qu'il y a un lien nécessaire entre l'abaissement du
seuil de la majorité qualifiée et une repondération des
votes. En effet, avec un seuil plus bas pour la majorité
qualifiée, en l'absence de repondération, on pourrait aboutir
après l'élargissement à une situation où la
majorité qualifiée représenterait une minorité de
la population, ce qui serait évidemment inacceptable.
Sous réserve de cette question de la repondération, je vous
propose de soutenir une telle réforme, qui rendrait plus difficile la
formation de minorités de blocage.
Deuxième aspect possible d'une réforme, l'extension du domaine
des décisions prises à la majorité qualifiée.
Quelque quarante-six articles des traités, selon un premier recensement,
prévoient encore des décisions à l'unanimité.
Il est clair qu'une plus grande efficacité suppose d'en réduire
le nombre.
On peut sans doute juger vain d'entrer dans un vaste débat sur une
généralisation de la majorité qualifiée à
tous les domaines, puisqu'il n'y a aucune chance qu'il y ait unanimité
sur une telle formule.
Mais je crois que nous pourrions soutenir sans irréalisme une large
extension du domaine de la majorité qualifiée, je pense en
particulier aux matières suivantes relevant du traité sur la
Communauté européenne :
- certains aspects de la politique sociale communautaire (une partie de
celle-ci relève déjà de la majorité
qualifiée),
- l'accès aux professions réglementées,
- les aides d'Etat,
- l'harmonisation de la fiscalité indirecte,
- le rapprochement des législations ayant une " incidence
directe " sur le fonctionnement du marché intérieur,
- l'assistance financière exceptionnelle à un Etat membre,
- la politique culturelle,
- la politique industrielle,
- les fonds structurels,
- certains aspects de la politique de l'environnement, à
l'exception des choix énergétiques.
En revanche, il me paraît guère possible de décider
à la majorité qualifiée dans des domaines touchant au
fonctionnement des institutions.
*
J'en
viens au fonctionnement du Conseil. Je n'entrerai pas très en
détail dans cette problématique, puisqu'elle n'entre pas
directement dans le champ de la CIG.
Les problèmes sont au demeurant bien connus :
- trop de questions remontent vers le Conseil européen, affectant
le sérieux de ses travaux ;
- le Conseil " Affaires générales ",
absorbé par la PESC, n'assure plus la coordination des travaux du
Conseil ;
- les formations du Conseil se sont multipliées (il y en avait
trois à l'origine : affaires générales, affaires
économiques et financières, agriculture ; il y en a une
vingtaine aujourd'hui) et il n'existe aucune hiérarchie entre ces
différentes formations ; cette multiplication des conseils
spécialisés favorise l'inflation législative, en
méconnaissance du principe de subsidiarité ;
- la rotation de la présidence tous les six mois nuit à la
continuité des travaux du Conseil, et constitue une charge de plus en
plus lourde pour l'Etat qui l'assume, à mesure que l'Union
s'élargit.
Le débat sur ces difficultés est déjà ancien, et
une mesure importante a été prise avec la création du Haut
représentant pour la PESC, dont le rôle sera notamment de
favoriser la continuité de l'action du Conseil dans le domaine des
relations extérieures.
Mais d'autres mesures sont aujourd'hui évoquées, en
particulier :
-
la réduction du nombre des formation du Conseil
,
-
l'octroi au Conseil " Ecofin " d'un pouvoir d'arbitrage
chaque fois que le budget communautaire est en jeu
,
-
la nomination par chaque Etat d'un ministre siégeant à
Bruxelles
, pour constituer une formation du Conseil spécialement
chargée de coordonner les travaux du Conseil et d'assurer leur
cohérence.
Je pense que nous devrions soutenir ces propositions qui donneraient au Conseil
un fonctionnement plus efficace, plus proche de celui d'un Gouvernement.
Il paraît en effet difficilement acceptable que des ministres
spécialisés puissent se réunir et prendre certaines
décisions sans que la nécessaire disponibilité
budgétaire ait été suffisamment examinée par les
formations compétentes du Conseil.
De même, si l'on veut que les citoyens comprennent quelque chose aux
institutions européennes, il faut éviter que le Conseil
" éducation " adopte sans débat une décision
concernant la pêche, comme c'est périodiquement le cas, le Conseil
étant réputé un et indivisible quelles que soient les
formations dans lesquelles il siège.
Il faut donc une coordination effective, qui rende intelligible le processus de
décision et qui permette d'identifier les responsabilités. Cette
coordination, à mon sens, permettrait également de mieux
appliquer le principe de subsidiarité, en contrôlant les
initiatives des Conseils spécialisés.
Surtout, donner un rôle de coordination à des ministres
spécialement chargés de cela et siégeant à
Bruxelles aiderait à rétablir la primauté du politique,
alors que la complexité actuelle du fonctionnement et
l'éparpillement des responsabilités ne laissent parfois
aujourd'hui aux responsables ministériels qu'un rôle assez
limité.
Or, l'autorité très forte dont dispose le Conseil européen
dans le système institutionnel de l'Union montre bien que, quand le
politique est en situation de jouer son rôle, il retrouve toute sa
capacité d'impulsion.
*
Je vous
propose donc, au total, les trois grandes orientations suivantes :
-
une repondération des votes
doit être la base d'une
réforme ;
- elle doit s'accompagner d'
un abaissement du seuil de la
majorité qualifiée et, surtout, d'une large extension du domaine
des décisions à la majorité qualifiée
;
-
le fonctionnement du Conseil doit être
réformé
pour le rendre à la fois plus efficace et plus
compréhensible ; pour cela, il serait notamment nécessaire
de confier une tâche de coordination à des ministres
désignés à cet effet et siégeant à
Bruxelles.
b) Compte rendu sommaire du débat
M. Hubert Haenel :
Je rappelle quelle sera notre méthode de travail. Lorsque les différentes communications auront été présentées -chacune abordant un des principaux aspects de la CIG- nous aurons un débat de synthèse, qui débouchera sur le rapport de la délégation.
M. Jean-Pierre Fourcade :
Les propositions du rapporteur sont précises et claires. Elles ne constitueraient pas un bouleversement, mais permettraient d'avancer. Nous devons aborder la CIG avec un souci d'efficacité. On ne peut trop demander aux " petits " Etats : il y a un lien à trouver entre la réforme de la Commission et celle du Conseil pour qu'ils n'aient pas le sentiment que l'on cherche à les marginaliser.
M. Hubert Haenel :
Il est généralement envisagé qu'en contrepartie d'une nouvelle pondération au Conseil, les " grands " Etats pourraient perdre leur second commissaire.
M. Aymeri de Montesquiou :
Dans le domaine de la pondération des votes, un statu quo est impensable. Pour prendre un exemple extrême, l'écart démographique est de 1 à 200 entre le Luxembourg et l'Allemagne, tandis que l'écart en nombres de voix au Conseil est de 1 à 5. La proposition que j'ai avancée ferait passer cet écart de 1 à 8 : il me semble que c'est bien le moins !
M. Robert Badinter :
Il est souhaitable qu'avant l'adoption de notre rapport définitif, nous soyons mieux informés sur les positions des autres Etats membres. Ces questions doivent être abordées avec tact : le Luxembourg est un des membres fondateurs de la Communauté. Essayons de savoir " jusqu'où l'on peut aller trop loin ".
M. Aymeri de Montesquiou :
Nous savons tous que les institutions européennes ont été dessinées pour six Etats. A douze, les Etats étaient serrés aux entournures ; à quinze, le costume commence à craquer : au-delà, il restera un short ! On ne peut faire l'économie d'une réforme. Bien entendu, la négociation doit porter sur les différents aspects de l'équilibre entre Etats membres. J'observe par ailleurs que les Etats qui frappent à la porte ont souvent une attitude ouverte en matière d'institutions.
M. Louis Le Pensec :
Je ne
critique pas notre méthode de travail : il est bon d'examiner les
différents sujets un par un. Mais tout se tient : la
pondération des votes, le nombre des commissaires, et aussi le
problème des " coopérations renforcées ".
Faciliter le fonctionnement d'une Europe à plusieurs vitesses, avec des
groupes d'Etat jouant un rôle moteur, est aussi un aspect de cet
approfondissement qui doit précéder l'élargissement.
Je crois cependant que le Gouvernement a raison de ne pas vouloir trop
" charger la barque " de la CIG. Les propositions de notre
rapporteur, apparemment modestes, représenteraient déjà en
réalité un changement conséquent : en particulier, ce
qu'il suggère pour l'extension de la majorité qualifiée
-à quoi j'aurais tendance à souscrire- représenterait un
transfert de souveraineté important. L'idée de prévoir des
ministres siégeant à Bruxelles peut être
intéressante, mais je m'interroge sur la manière dont cette
nouvelle formation du Conseil pourrait jouer son rôle.
M. Aymeri de Montesquiou :
Le problème, me semble-t-il, est que les différentes formations du Conseil sont trop autonomes, permettant parfois une politique du fait accompli. Il faut une remise en ordre, pour plus de cohérence et d'efficacité. Cela suppose qu'il y ait une formation du Conseil capable d'assurer une coordination, et qu'il y ait un contrôle exercé par le Conseil Ecofin sur les engagements pris. Au fond, cela se résume au fait que le Conseil devrait fonctionner davantage comme un Gouvernement, de manière à restaurer la primauté du politique.
M. Jean-Pierre Fourcade :
Il est vrai que la situation actuelle donne un grand poids aux infrastructures administratives. Par ailleurs, j'ai vécu la complexité des Conseils " Jumbo " (réunissant conjointement plusieurs formations du Conseil) où déjà les ministres d'un même pays doivent s'entendre entre eux, ce qui n'est pas toujours simple. Il faut une coordination, mais je crois qu'elle devrait s'exercer sous l'égide des ministres des Affaires étrangères. Des ministres résidant à Bruxelles devraient être placés sous leur autorité.
M. Louis Le Pensec :
A côté des insuffisances -réelles- que recèle le fonctionnement du Conseil, il faut également observer que les résultats obtenus sont remarquables. C'est une mécanique bien rodée, qui parvient souvent à déjouer les pronostics pessimistes. Le Conseil " Affaires générales " assure malgré tout une certaine vision d'ensemble. Par ailleurs, tout ministre siégeant au Conseil représente tout le Gouvernement et peut l'engager. Il faut donc réfléchir avec beaucoup de soin à une éventuelle réforme.
M. Aymeri de Montesquiou :
Il me semble que des ministres résidant à Bruxelles devraient recevoir une autorité spécifique pour pouvoir jouer leur rôle ; sans doute devraient-ils dépendre directement du Premier ministre. De l'avis général, les ministres des Affaires étrangères, accaparés par d'autres tâches, ne parviennent plus à coordonner les travaux du Conseil. Et comment faire comprendre aux citoyens que le Conseil " Education " puisse prendre, par exemple, des décisions concernant la pêche ou l'agriculture ?
M. Louis Le Pensec :
Certes,
mais il s'agit de points " A ", c'est-à-dire de points
adoptés sans débat : un accord existe déjà, et
l'adoption par telle ou telle formation du Conseil est purement formelle.
Par ailleurs, je voudrais souligner que, du moins dans le cas de la France, la
coordination interministérielle est assurée très
efficacement par le SGCI, en liaison avec le Cabinet du Premier ministre, qui
est en position d'arbitrer.
M. Robert Badinter :
Est-ce qu'au fond ces questions relèvent de la révision des traités ou de l'organisation de chaque Etat membre ? Les traités n'ont pas à entrer dans les structures gouvernementales des pays membres. Je doute au demeurant que certains Etats soient disposés à adopter la formule proposée, qui risque de leur paraître un élément de complexité supplémentaire.
M. Aymeri de Montesquiou :
Même si, effectivement, de telles questions ne relèvent pas des traités, la CIG peut être l'occasion de donner une impulsion. Or, tous les pays font le même constat : les formations du Conseil sont trop nombreuses et mal coordonnées. Une instance de coordination dotée d'une réelle autorité serait également une garantie pour les citoyens, qui auraient le sentiment que la machinerie du Conseil est bien contrôlée par des responsables politiques. Par ailleurs, les modalités pratiques de mise en oeuvre pourraient être adaptées aux particularités des structures gouvernementales de chaque pays.
M. Serge Lagauche :
Le maintien de l'unanimité sur les questions institutionnelles est peut-être inévitable, mais, pour ma part, je ne serais pas opposé à ce que la décision à la majorité qualifiée soit introduite dans ce domaine pour certains aspects au moins. Par ailleurs, devons-nous demander l'unanimité pour ce qui concerne l'énergie nucléaire ? Je n'en suis pas persuadé. Nous risquons d'être isolés sur ce point.
M. Aymeri de Montesquiou :
Sur l'énergie nucléaire, je ne suggère pas de demander la règle de l'unanimité : elle existe déjà. Je défend le statu quo , et il me semble que c'est la prudence. Sommes-nous prêts à envisager que la Communauté nous impose à la majorité qualifiée d'abandonner notre industrie nucléaire ? Je ne le crois pas. Je doute d'ailleurs que les autres Etats membres soient disposés à être éventuellement mis en minorité sur leurs choix énergiques essentiels.
B. LA COMMISSION EUROPÉENNE (Rapporteur : M. Lucien Lanier)
a) Communication
La
réforme de la Commission européenne demeure l'un des trois
reliquats d'Amsterdam, dont aura à connaître, et mieux à
traiter, la prochaine Conférence intergouvernementale. Ce
problème en effet se pose avec acuité dans la perspective des
élargissements à venir de l'Union.
La Commission, créée pour fonctionner à six Etats membres,
a atteint les limites de son action à quinze. Qu'en sera-t-il à
vingt-sept ? La Conférence d'Amsterdam avait compris le
problème sans le résoudre, faute d'un consensus des participants
et surtout en raison de l'importance et de la complexité du sujet, qui
méritait une réflexion plus approfondie.
La prochaine Conférence intergouvernementale ne pourra plus reculer
l'échéance d'une solution. Notre propre réflexion vient
donc à son heure. Je dis bien réflexion, car il ne s'agit
nullement pour nous de " sortir du chapeau " des solutions toutes
faites, pouvant se heurter mutuellement, mais de tenter d'apprécier les
meilleures voies, pour atteindre la meilleure réforme, avec le meilleur
pragmatisme :
- en sachant que la réforme des institutions constitue un
préalable à
tout élargissement de l'Union
européenne ;
- en sachant également que l'essentiel du sujet concernera la
composition et les structures de la Commission, ainsi que les moyens de son
efficacité face aux élargissements à venir, concernant
douze nouveaux Etats membres ;
- en sachant enfin, qu'un impératif s'imposera aux débats,
c'est-à-dire, la recherche d'un équilibre démocratique
entre la Commission et ses partenaires institutionnels, en particulier le
Conseil des ministres et l'Assemblée européenne.
Il est vrai que des adaptations pourraient se faire, au fur et à mesure
des élargissements, mais il faut aussi penser que le consensus, toujours
recherché, déjà difficile à obtenir
présentement, deviendra de plus en plus ardu à réaliser,
et que certaines décisions fondamentales, prises aujourd'hui,
présenteront un caractère difficilement réversible, si
elles doivent s'imposer avec le temps comme de quasi " droits acquis ".
Quelle dimension,
quelle taille est souhaitable pour la Commission, et
selon
quels critères
?
La situation actuelle est la suivante : vingt commissaires, soit un pour
chacun des quinze Etats membres auquel s'ajoute un deuxième
commissaire pour les cinq Etats les plus importants, à savoir
l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie et le Royaume-Uni.
Les deux critères retenus pour la composition de la Commission
sont certes les plus aptes à réaliser le consensus.
Essentiellement le critère de la
nationalité
puisque tous
les pays membres ont un commissaire, subsidiairement
l'importance
démographique
des cinq plus grands Etats dotés de deux
commissaires.
Ces critères, simples et commodes actuellement pour quinze Etats
habitués à travailler ensemble, devront-ils être seuls
retenus pour l'élargissement à venir, y seront-ils
adaptés ?
Vraie question si l'on considère que le dernier sommet européen
semble avoir renoncé à la répartition des candidats, en
deux vagues successives : les entrées dans l'Union
se feront
au fur et à mesure, en principe, au long de la prochaine décennie
et, sur douze candidats en présence, trois frappent déjà
activement à la porte : la Pologne, la Hongrie, la Tchéquie.
Le critère essentiel de la nationalité, s'il est commode, n'est
pas sans inconvénients éventuels. Car, par un paradoxe apparent,
l'arrivée dans l'Union de nouveaux pays européens correspond
également à un réveil des nationalités, pour ne pas
dire des nationalismes, parfois exacerbés par des motifs religieux ou
ethniques, ou les deux à la fois.
Il est certain qu'aucun des petits Etats n'acceptera une place de bout de table
à la Commission, ni d'être privé de son commissaire de
plein exercice, a fortiori lorsqu'ils se sentiront soutenus par un plus grand
Etat, soucieux de défendre la clientèle de son aire
géographique. Ne verra-t-on pas alors s'affirmer, au gré des
entrées successives, des clivages non seulement nationaux, mais
Est-Ouest ou Nord-Sud ? La Commission ne risquerait-elle pas de devenir "
la cour du Roi Pétaud " et d'être condamnée à se
perdre dans le détail des intérêts particuliers dont la
somme n'a jamais fait l'intérêt général ?
Risque toutefois moins absolu qu'on pourrait le penser, et auquel pourrait
s'appliquer la réponse de Pyrrhus à Oreste :
" Seigneur,
trop de soucis entraînent trop de soins, je ne sais pas prévoir
les malheurs de si loin "
.
Risque pourtant, que certains proposent de conjurer par un
troisième
critère : celui de la réalité des tâches
de la
Commission, c'est-à-dire de la nécessaire cohésion des
missions thématiques confiées à chacun des commissaires.
Bref, il exprime le souhait d'une répartition sectorielle
homogène des portefeuilles.
Selon des avis autorisés, il semblerait que, à ce jour, les
missions confiées à la Commission seraient susceptibles de
générer, ce qui est le cas actuel, une vingtaine de missions
distinctes. Un tel nombre ne serait, bien entendu, pas figé et varierait
en fonction de l'extension, ou a contrario de l'extinction, des missions. A
titre d'exemple, le thème " Défense ", actuellement
confié à la Pesc, ou celui de la sécurité
alimentaire, en prenant de l'ampleur, pourraient justifier l'accroissement du
nombre des commissaires.
A contrario
le thème
" Elargissement " s'éteindrait de lui-même à
l'issue de l'intégration du dernier candidat, de même que celui de
la réforme institutionnelle à l'achèvement de celle-ci.
Un tel critère tenant compte de la réalité des missions a
certes le mérite d'être intellectuellement séduisant, car
il entraînerait une structure à dimension réduite et
à pas variable. De quinze à vingt commissaires se partageraient,
sous l'autorité du Président, des secteurs homogènes.
C'est un peu le cas de l'actuelle Commission.
Autre avantage logique, les commissaires seraient faits pour les portefeuilles
et non les portefeuilles pour les commissaires.
Enfin, la structure à dimension réduite préserverait ce
qui doit être un dogme irréfragable, celui de la
collégialité de l'institution
, source de vitalité
et gage d'efficacité.
Tel est bien l'avis de la Commission actuellement aux affaires, qui plaide en
faveur d'un organisme collégial, en recommandant
" une
adéquation entre le nombre de portefeuilles et la réalité
des tâches, préservant le pouvoir d'orientation reconnu au
Président et l'existence de délibérations
collégiales acquises à la majorité simple "
.
Mais ce qui paraît intellectuellement séduisant, n'est pas
forcément politiquement réaliste.
Les conclusions du rapport Dehaene notent que la plupart des Etats membres
refusent d'envisager une Commission dans laquelle leur pays ne serait pas
représenté. Adhérer à l'Union européenne
oui, mais à part entière : un commissaire par Etat membre.
Toute autre solution n'aurait aucune chance d'être acceptée.
Les choses étant ce qu'elles sont, le dilemme se situe entre la
recherche des formules idéales, ou qui paraissent l'être, et le
risque de blocage du consensus.
Les pragmatiques s'orientent vers la solution consensuelle par le maintien du
critère de la nationalité : un Etat membre, un commissaire.
Dès lors, deux cas de figure peuvent être envisagés.
D'abord,
une hypothèse maximale :
conserver une double
représentation pour les grands pays, et la prévoir pour la
Pologne lors de son adhésion. Le plafond prévu serait alors de
trente trois commissaires.
Ensuite,
une hypothèse minimale
, si les grands pays renoncent
à leur double représentation à la faveur d'un nouvelle
pondération des voix au Conseil des Ministres. Le plafond prévu
serait alors de vingt sept commissaires.
Conserver le modèle actuel impliquera donc, comme inconvénients,
de constituer une structure à effectif lourd, peu conforme à la
logique thématique, et d'induire une Commission " glissante ",
régulièrement modifiée au fur et à mesure de
l'intégration des nouveaux commissaires. Mais cette solution
présente un avantage, celui de conjurer le risque évident du
blocage du consensus.
Quitte à constituer une Commission nombreuse, serait-il illogique de
privilégier le maintien du second commissaire pour les six plus grands
pays, notamment si l'amélioration des conditions de pondération
des voix au Conseil n'est pas suffisante ?
D'autre part, convient-il de prévoir des
modalités
spécifiques pour le fonctionnement
d'une Commission
élargie ? Plusieurs suggestions ont été
avancées, dont aucune ne paraît satisfaisante parce qu'elles
compliquent le dispositif. Il a notamment été envisagé
de :
- constituer pour chaque domaine thématique des équipes de
commissaires et de commissaires-adjoints sur le modèle des ministres et
des secrétaires d'Etat ;
- organiser un roulement des commissaires, sur les différents
portefeuilles ;
- prévoir des commissaires sans portefeuilles, mais chargés
de missions
ad hoc
.
Tout ceci renforcerait la notion d'une Commission pour les commissaires, et non
pas des commissaires pour la Commission. La force de la
collégialité s'en trouverait affaiblie.
Toutefois une mesure pourrait être utile pour pallier ces
difficultés, celle qui consisterait à renforcer la
Commission : en effet il semble que
la plus grande fragilité
d'une Commission numériquement nombreuse puisse être
compensée par un renforcement de l'autorité de son
Président.
Déjà le traité d'Amsterdam s'est engagé dans cette
voie, en permettant au Président de participer activement à la
désignation des commissaires et de restructurer, si besoin est, la
Commission, en procédant au remaniement du découpage sectoriel.
Par ailleurs, il paraît acquis, mais de manière encore informelle,
que le Président puisse démettre un commissaire. Il serait utile
de confirmer dans le Traité l'engagement pris par chacun des
commissaires de démissionner, si le Président le lui demande.
Enfin, il serait souhaitable de réaffirmer dans le Traité la
responsabilité collégiale de la Commission afin que le Parlement
européen ne dispose pas du droit de censure individuelle des
commissaires, et ceci correspond au sentiment exprimé par notre
collègue Fauchon, dans son excellente communication relative au
contrôle parlementaire de l'Union.
Je m'interroge également sur le point de savoir s'il serait opportun
d'envisager que la Commission soit responsable devant le Conseil, dans la
même mesure que devant le Parlement européen. La Commission en
serait-elle renforcée ? Il faut y réfléchir.
*
Disons
enfin, et en guise de conclusion,
qu'on ne peut isoler la
réflexion concernant la Commission européenne de celles conduites
pour les autres institutions. Telle la pondération des voix au Conseil.
Telle l'extension des votes à la majorité qualifiée. Telle
la répartition des sièges par pays au sein du Parlement
européen.
Considérons également que le problème de l'effectif des
commissaires se pose dans des termes similaires au sein des autres institutions
comme la Cour de justice ou la Cour européenne des Comptes.
La Commission s'est orientée depuis son renouveau dans un processus de
réforme de ses structures, processus qui semble s'engager avec bonheur.
Elle a devant elle la longue période transitoire de
l'élargissement. Elle a cinq années de mandat à parcourir.
Les premières adhésions interviendront à peu près
au terme de ce mandat, c'est-à-dire vers 2004, mais c'est au cours de la
Conférence intergouvernementale, qui doit s'ouvrir au début de
l'année prochaine, que la structure définitive de la Commission
devra être arrêtée.
Telle est bien la raison pour laquelle il est utile que nous y
réfléchissions en tenant compte de ce qui semble
impératif : la collégialité de la Commission,
l'autorité de son Président, un nombre raisonnable de
commissaires responsables de portefeuilles homogènes aux thèmes
évolutifs et adaptés à la marche de l'Union
européenne. Enfin, cette réflexion appelle une juste
réponse, d'une part au souci logique des Etats membres d'être
également considérés chacun a part entière, d'autre
part, à l'intérêt évident d'équilibrer la
représentation de ceux dont l'apport est déterminant.
Ces impératifs ne sont pas forcément contradictoires, il s'agit
simplement de les rendre concordants.
b) Compte rendu sommaire du débat
M. Emmanuel Hamel :
Je suis accablé par cette construction institutionnelle qui broie notre identité nationale.
M. Denis Badré :
Je
remercie notre rapporteur pour cet exposé très clair qui pose
tous les problèmes relatifs à cette question. Je propose
toutefois que l'on fasse une autre lecture de ce dossier en revenant à
l'origine de la Commission.
Celle-ci n'a été créée ni pour être
l'exécutif de la Communauté ni pour jouer le rôle d'un
secrétariat général du Conseil. Elle existait pour
représenter la Communauté, pour être la voix de
l'ensemble ; autour de la table du Conseil, elle devait constituer un
membre au-delà des Etats membres, au même titre qu'eux.
Cette inspiration originelle a été peu à peu perdue parce
que, dans un premier temps, les ministres au sein du Conseil, habités
par la préoccupation de la construction européenne, ont
eux-mêmes joué ce rôle de représentation collective
des intérêts communs. Devant la complexité des dossiers,
ils ont ensuite eu tendance à défendre les intérêts
de leur pays, ce qui est une bonne chose. Dans le même temps, le
rôle de la Commission s'est trouvé affadi et je souhaite qu'il
puisse être restauré. Conforter l'idée qu'il faut maintenir
l'existence d'un commissaire par Etat membre est une hérésie qui
va contre le sens de l'histoire.
Enfin, je ne crois pas à l'idée d'une éventuelle
responsabilité de la Commission devant le Conseil, sachant que le
Président de la Commission est lui-même un acteur au sein dudit
Conseil.
M. Pierre Fauchon :
J'abonde dans le sens de mon collègue Denis Badré. Ma réflexion a beaucoup évolué sur ce dossier et je suis désormais très réservé sur l'idée de maintenir la représentation de chaque Etat membre au sein de la Commission, même si, j'en ai bien peur, la négociation n'ira pas dans cette direction. Pour bien fonctionner, une Commission idéale devrait, à mon sens, comporter dix à quinze membres.
M. Lucien Lanier :
A mon
collègue Emmanuel Hamel, j'aimerais dire qu'il ne faut pas
considérer ces questions sous l'angle uniquement négatif de leur
impact sur la souveraineté française. L'Europe se prépare,
ensemble, sinon elle se fera contre nous. Nous ne devons pas détruire ce
que nous essayons de construire, non sans mal.
A Denis Badré, je répondrai qu'il y a un juste milieu à
trouver pour que l'Union puisse progresser et que le processus ne soit pas
bloqué par l'hostilité de certains partenaires. Je ne suis pas
fondamentalement partisan d'une Commission composée de trente-trois
membres, mais cette situation peut être contrôlée en donnant
à son Président les moyens de délimiter les tâches
et d'assurer la gestion de ses commissaires.
M. Hubert Haenel :
J'ai apprécié le souci de Denis Badré de replacer la Commission dans sa perspective historique. Il me paraît essentiel de revenir ainsi sur les origines de chacune des institutions européennes pour aider à faire progresser notre réflexion.
Mme Marie-Claude Beaudeau :
Vous avez évoqué les liens qui existent entre la Commission et le Parlement européen. Il s'agit là d'une question importante. Sachant que le Parlement européen est composé d'élus venant de tous les pays de l'Union, jusqu'où faut-il aller dans la responsabilité politique de la Commission ?
M. Lucien Lanier :
Le
Traité d'Amsterdam a déjà renforcé le Parlement
européen qui est censé représenter
démographiquement les Etats membres. Ce que je ne souhaite pas, pour le
bon fonctionnement du dispositif, c'est que soit créé un
régime d'assemblée, avec un Parlement qui se cherche encore et
une Commission qui serait affaiblie, en se trouvant " prise " entre
le Parlement européen et le Conseil.
Dans les circonstances actuelles, il ne faut pas augmenter les pouvoirs du
Parlement européen sur la Commission. Si nous acceptions le principe
d'une responsabilité individuelle des commissaires devant le Parlement
européen, nous affaiblirions l'autorité du Président et la
collégialité du fonctionnement de la Commission
disparaîtrait.
M. Denis Badré :
Je suis
le premier à savoir que l'Europe se construit dans le pragmatisme et que
l'échec d'une négociation est certain si l'on ne tient pas compte
des points de vue de tous les Etats membres. Mais de temps en temps, il est
utile de revenir aux principes originels, dans une logique de bâtisseurs.
Au printemps dernier, nous avons eu un grand débat sur
l'éventualité d'une Europe fédérale. C'est un faux
débat à mon sens car, dès que l'on travaille ensemble, on
se fédère. La construction européenne est sur ce point un
système très original organisant tout à la fois la
préservation des intérêts communs et l'expression des
points de vue nationaux.
M. Emmanuel Hamel :
Je m'élève avec force contre l'idée qu'il faut subir les choses dès lors qu'elles existent. Dans cet enchaînement diabolique, les Etats, les nations sont détruits et nous savons bien que le siège du pouvoir est ailleurs. L'intérêt commun n'est pas servi par les institutions européennes. Pour autant, rien n'empêche la collaboration entre partenaires. Mais n'acceptons pas la mort de nos parlements, la disparition de nos gouvernements, et retirons-nous de cette mécanique destructrice.
C. LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE (Rapporteur : M. Pierre Fauchon)
a) Communication
Il y a
deux façons d'aborder les questions institutionnelles
européennes : on peut essayer de décrire ce qui serait
souhaitable dans l'absolu, esquisser une Constitution pour l'Europe. On peut
aussi s'en tenir à une démarche pragmatique, tablant sur des
évolutions progressives. C'est à cette deuxième approche
que je m'en tiendrai aujourd'hui. Comme j'ai déjà eu l'occasion
de le dire ici, mieux vaut faire la Constitution de l'Europe sans trop le dire,
plutôt que d'entrer dans des grands débats risquant d'être
paralysants. De plus, il existe un assez large accord au sein des Etats membres
pour que la CIG se concentre sur le problème du fonctionnement d'une
Union élargie, et en premier lieu sur le " reliquat
d'Amsterdam " : nombre des commissaires européens,
pondération des votes au Conseil, extension de la majorité
qualifiée. Ainsi, il n'y a aucune chance que la CIG s'engage dans un
débat général du type : " Quel contrôle
parlementaire, pour quelle Union ? " et c'est sans doute tant mieux.
Mais si l'on se place dans l'optique de l'efficacité d'une Union
élargie, il me semble que l'on est néanmoins conduit à
plusieurs questions qui touchent au fonctionnement parlementaire de l'Union.
1) La première concerne
la hiérarchie des normes
.
Je sais qu'il existe depuis longtemps un débat sur ce thème au
sein des institutions communautaires, et qu'il paraît très
difficile de progresser : en effet, la notion de hiérarchie des
normes est absente de la culture juridique de certains pays membres ; de
plus, le débat sur la hiérarchie des normes met en jeu les
pouvoirs des différentes institutions. Je ne souhaite pas m'engager dans
ce débat général.
On peut partir d'un constat simple : l'absence de toute hiérarchie
des normes fait que le Parlement européen est amené à se
prononcer sur des textes très techniques, comme la dimension des cabines
téléphoniques, la largeur des sièges des tracteurs, la
surface des rétroviseurs des motos. Il ne paraît pas indispensable
d'encombrer avec de tels textes l'ordre du jour d'un Parlement qui ne
siège qu'une semaine par mois.
Or, ces textes techniques, qui concernent le rapprochement des
législations pour le bon fonctionnement du marché
intérieur, reposent presque tous sur un seul article du traité,
l'article 95. Il me semble que, sans entrer dans un vaste débat sur la
hiérarchie des normes, il serait possible de rédiger
différemment cet article, pour que les dispositions
générales concernant le marché intérieur restent
définies en codécision par le Parlement et le Conseil, mais que
les textes de caractère technique, les mesures d'application, soient
arrêtés par le Conseil sur proposition de la Commission. Cela
permettrait, me semble-t-il, au Parlement européen de mieux se
concentrer sur ses missions principales. Un ordre du jour allégé
faciliterait par ailleurs son fonctionnement, que l'élargissement aura
inévitablement tendance à compliquer. On pourrait imaginer que le
Parlement européen garde en tout état de cause la faculté
d'évoquer une mesure d'ordre technique qui lui paraîtrait poser un
problème de principe important.
2) Deuxième question :
la responsabilité de la
Commission devant le Parlement
.
Par analogie avec ce qui existe au niveau national, le traité
prévoit la responsabilité de la Commission devant le Parlement
européen. Je constate pourtant que, au niveau national, il y a un
certain parallélisme des formes : l'exécutif peut être
censuré par l'autorité qui l'a investie, en l'occurrence le
Parlement. Ce parallélisme ne se retrouve pas tout à fait au
niveau européen puisque c'est surtout le Conseil, soit les Etats, et non
le Parlement -même s'il dispose de pouvoirs importants-, qui
sécrète la Commission. Dès lors, je pose la question -sans
y apporter pour l'instant de réponse : ne pourrait-on concevoir une
commission responsable devant le Conseil ?
Pour rester dans le cadre du dispositif du traité, je rappelle que la
responsabilité de la Commission est organisée d'une
manière théoriquement restrictive. Une motion de censure doit
répondre à deux conditions : elle doit être
adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages
exprimés, et recueillir la majorité des membres composant
l'Assemblée.
A l'époque où la Commission avait une grande autorité, de
telles dispositions étaient plus que protectrices. Aujourd'hui, la
situation est bien différente. Le traité d'Amsterdam a
sensiblement accru les pouvoirs du Parlement européen, et la chute de la
Commission Santer a transformé les rapports politiques entre la
Commission et l'Assemblée.
Imaginons, par exemple, la situation suivante : une motion de censure est
déposée ; 45 % des députés
européens votent pour, 25 % votent contre, 30 % s'abstiennent
ou ne votent pas. Une telle motion de censure, juridiquement, n'oblige pas
à la Commission à démissionner : la censure n'a pas
obtenu les deux tiers des suffrages exprimés, et n'a pas
été votée par la majorité des membres de
l'Assemblée. Mais politiquement, après un tel vote, la Commission
pourrait-elle se maintenir ? Tout laisse à penser que non.
Déjà, la Commission Santer a démissionné en dehors
des formes prévues pour la censure. A défaut d'une clarification,
on peut craindre que la coutume n'aboutisse à une dépendance
très étroite de la Commission par rapport au Parlement
européen.
Il me semble qu'un remède simple serait d'adopter le système
français de responsabilité du Gouvernement, en
précisant :
- que la Commission ne peut être renversée que par le vote
d'une motion de censure ;
- que la censure doit être votée par la majorité des
membres composant l'Assemblée, seuls les votes favorables à la
censure étant recensés.
Une autre précision me paraît devoir être
suggérée. Le Parlement européen a tendance à
demander, aujourd'hui, que les commissaires européens soient
individuellement responsables devant lui. A l'évidence, cela remettrait
en cause la collégialité de la Commission, que beaucoup
considèrent comme un élément-clé de son
autorité et de son efficacité. En pratique, cela reviendrait
aussi à changer profondément l'équilibre actuel dans la
nomination des commissaires, équilibre ou interviennent le Parlement
européen, certes, mais aussi les Etats membres et le président de
la Commission. Or, il n'est pas certain qu'une Commission étroitement
dépendante du Parlement européen puisse avoir, comme aujourd'hui,
la confiance de tous les Etats membres.
Je crois donc qu'il serait nécessaire d'indiquer très clairement
dans le traité que la responsabilité de la Commission est
uniquement collégiale.
Au total, il s'agirait de supprimer toute équivoque quant aux conditions
de la responsabilité de la Commission devant le Parlement
européen.
3) Troisième question :
la répartition des
sièges entre les pays
(voir annexe).
Le traité d'Amsterdam a fixé à 700 membres l'effectif
maximal du Parlement européen. Il est hors de question de
dépasser ce plafond déjà très élevé.
Il sera très difficile de faire fonctionner un Parlement de 700 membres
s'exprimant dans une bonne vingtaine de langues ; aller plus loin serait
transformer le Parlement européen en une sorte de Soviet suprême.
Or, le Parlement européen compte déjà 626 membres.
Dès les premières adhésions, le plafond de 700 sera
dépassé : avec les règles actuelles,
l'adhésion de la Pologne et de la Hongrie obligerait à
créer 89 sièges supplémentaires, portant l'effectif du
Parlement européen à 715 sièges. Il faudra donc trouver
une règle pour diminuer le nombre des sièges attribués
actuellement à chaque Etat. Cela reposera, sous un autre angle, le
problème de l'équilibre entre " grands " et
" petits " Etats puisque, au Parlement européen
également, les " petits " Etats sont sur-représentés
par rapport aux " grands ". Par exemple, un député
allemand représente 830.000 habitants, un député
français 680.000, mais un député portugais
représente 400.000 habitants, un député irlandais en
représente 250.000, et un député luxembourgeois seulement
70.000. Cette affaire sera un des éléments du
" marchandage " général portant également sur le
nombre des commissaires et la pondération des votes au Conseil, qui
fixera le nouvel équilibre entre " grands " et
" petits " Etats.
Sans entrer dans le détail de cette question, il me semble qu'une
solution possible serait d'accorder, par exemple, cinq sièges à
tous les Etats, puis ensuite, de manière proportionnelle, d'accorder un
siège supplémentaire par tranche de 900.000 habitants environ.
Cela maintiendrait, tout en la réduisant, une certaine
sur-représentation des " petits " Etats ; cela
garantirait une représentation de la diversité politique interne
des " petits " Etats ; enfin cela permettrait de rester dans la
limite des 700 membres.
4) Quatrième question :
quelle extension des pouvoirs du
Parlement européen ?
Je constate que les traités ont introduit une liaison assez
systématique entre le vote à la majorité au Conseil et la
codécision avec le Parlement européen.
Il y a certes des exceptions, la principale étant la politique agricole
commune, mais on se rapproche progressivement d'une coïncidence entre
majorité qualifiée au Conseil et pouvoir de codécision du
Parlement européen.
Cette évolution a sa logique : elle repose sur l'idée qu'il
faut qu'il y ait quelque part un Parlement qui puisse bloquer la
décision. Lorsque le Conseil décide à l'unanimité,
les parlements nationaux peuvent bloquer la décision, soit parce qu'une
ratification parlementaire nationale est expressément prévue par
le traité (c'est pas exemple le cas pour la révision des
traités ou le régime des ressources propres du budget
communautaire), soit parce qu'ils peuvent désavouer leur gouvernement ou
menacer de le faire. Mais lorsque le Conseil décide à la
majorité qualifiée, le Parlement européen est la seule
instance parlementaire qui puisse bloquer. Dans cette logique, toute extension
de la majorité qualifiée doit s'accompagner de l'application de
la procédure de codécision.
Comme nous souhaitons que la CIG élargisse le domaine du vote à
la majorité qualifiée, il paraît cohérent de
prévoir que la codécision devra s'appliquer à ces
mêmes matières.
En revanche, si nous restons toujours dans la même optique, on peut
être plus réservé sur une demande importante du Parlement
européen, qui serait d'avoir un droit de veto sur la révision des
traités. Il me semble que cela reviendrait à mélanger deux
logiques : une logique de traité avec des ratifications nationales,
une logique de Constitution européenne avec adoption par des organes
fédéraux. De toute manière, en matière de
révision des traités, il existe déjà un vrai
pouvoir parlementaire puisque les parlements nationaux doivent autoriser la
ratification. Rajouter l'exigence d'une ratification par le Parlement
européen compliquerait encore la révision des traités, qui
n'est déjà pas facile, sans avoir de justification
impérative en termes de démocratie parlementaire puisque, dans ce
domaine, l'accord des parlements nationaux est requis.
5) Cinquième et dernière question,
la question du
rôle des parlements nationaux
.
Je dois dire tout d'abord que la question me paraît aujourd'hui plus
ouverte qu'elle ne l'était il y a quelques années ; je veux
dire qu'il est de mieux en mieux admis que l'aspiration des parlements
nationaux à être davantage associés à la vie de
l'Union est légitime.
Il est vrai qu'il y a un problème. Le concept-clé de la
construction européenne, me semble-t-il, est celui d'intégration.
Or, sur le plan institutionnel, on a su intégrer les gouvernements et
les administrations nationales dans le cadre du Conseil ; on a su
également intégrer les juridictions nationales dans l'ordre
juridique européen, en particulier par le biais des questions
préjudicielles posées à la CJCE ; on a su
intégrer aussi les collectivités locales par le biais des fonds
structurels et par la création du Comité des
régions ; mais on n'a pas trouvé de bonne formule
d'intégration ou d'association pour les parlements nationaux. En 1976,
on a coupé complètement le lien entre l'Europe et les parlements
nationaux, et depuis lors nous n'avons pas encore trouvé de formule
satisfaisante pour renouer le fil.
Bien sûr, il y a l'idée d'une seconde Chambre européenne
représentant les parlements nationaux, idée qui a
été notamment soutenue ici-même.
Je ne crois pas que nous ayons intérêt à relancer
aujourd'hui le débat sur cette idée, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, elle n'entre pas dans le champ de la CIG, et nous n'avons donc
aucune chance qu'elle soit sérieusement examinée.
Ensuite, la CIG se propose d'améliorer le fonctionnement de l'Union, de
renforcer sa capacité de décision dans la perspective de
l'élargissement. Or, il est clair qu'une seconde Chambre s'inscrirait
difficilement dans la configuration actuelle des institutions de l'Union. Sur
la base du fonctionnement actuel de l'Union, la création d'une seconde
Chambre obligerait à revoir beaucoup d'aspects du système.
Surtout, il me semble que nous avons tout intérêt à suivre
une démarche plus pragmatique. Nous avons beaucoup plus de chance
d'être entendus en partant de ce qui existe et en le développant,
plutôt qu'en essayant de susciter un grand débat sur le
bicamérisme qui reste un " chiffon rouge " aux yeux de
certains.
Comment progresser ?
D'abord, en essayant de jouer le rôle que chacun reconnaît aux
parlements nationaux, celui de contrôler l'action des gouvernements au
sein du Conseil. A cet égard, le traité d'Amsterdam a
marqué un progrès en instaurant un délai de six semaines
avant toute décision du Conseil, précisément pour que les
parlements nationaux puissent, le cas échéant, faire
connaître leurs souhaits à leurs gouvernements respectifs. Pour
l'instant, celle règle est imparfaitement appliquée : le
débat sur la CIG est une occasion pour que nous puissions exiger qu'elle
soit pleinement respectée.
Ensuite, il y a la COSAC. Je sais que son bilan n'a pas de quoi soulever
l'enthousiasme. Mais elle a le mérite de figurer dans le traité
d'Amsterdam, et l'entrée en vigueur de ce traité a
commencé à débloquer les choses puisque, notamment, la
COSAC d'Helsinki a adopté un nouveau Règlement qui desserre un
peu la règle de l'unanimité.
Par ailleurs, pour des raisons différentes, ni les gouvernements, ni la
Commission, ni le Parlement européen ne s'intéressent de
très près au respect de la subsidiarité, si bien que la
Cour de justice n'est pratiquement jamais saisie sur ce fondement.
En revanche, les parlements nationaux sont étroitement
intéressés au respect de la subsidiarité. Il me semble
donc qu'il serait assez naturel que les parlements nationaux jouent un
rôle accru en matière de subsidiarité.
Enfin et surtout, j'ai observé avec beaucoup d'intérêt la
création de l'" enceinte " chargée de préparer
la Charte européenne des droits fondamentaux. On peut être ou non
convaincu de l'utilité d'une telle Charte, mais le fait est que, cette
fois-ci, une large place a été faite aux parlements nationaux
dont les délégués constitueront près de la
moitié des membres de l'" enceinte ".
Il me semble que si cette formule fonctionne bien, elle pourra servir de
modèle -je reprends ici une idée qui m'est chère- pour
permettre une association des parlements nationaux à la construction
d'un espace judiciaire européen, je pense notamment à une
définition commune des incriminations et des peines pour les formes
transfrontalières de criminalité.
En matière d'association des parlements nationaux, je crois donc que
nous devons avancer dans la pratique avant d'avancer dans le droit des
traités. Quand cette association sera entrée dans les moeurs, le
problème institutionnel sera beaucoup plus facile à
résoudre.
La priorité aujourd'hui doit être d'approfondir dans les faits
l'association des parlements nationaux, en privilégiant une approche
pragmatique.
b) Compte rendu sommaire du débat
M. Nicolas About :
Nous connaissons déjà une assemblée composée de représentants des parlements nationaux et qui travaille avec le Parlement européen : l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Elle aborde des sujets qui sont également traités au sein de l'Union européenne. Pour certains de ces sujets, je pense en particulier aux droits de l'homme, ce doit même être le premier lieu de discussion. Pour être membre de cette assemblée, je peux vous certifier qu'elle a l'habitude de travailler avec le Parlement européen et que les choses se passent bien. Je me demande donc si on ne pourrait pas imaginer que l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, statuant dans une formation réduite aux représentants des Parlements des Etats membres, se prononce également sur les questions discutées au sein de l'Union européenne.
M. Robert Badinter :
Je crois
qu'il n'est pas bon pour la construction européenne d'avoir des
parlementaires européens qui soient les représentants des
parlements nationaux.
En ce qui concerne la responsabilité de la Commission, je rappelle que
le Parlement européen intervient dans son investiture. Nous avons donc,
au niveau européen, un contrôle parlementaire en amont. Même
si sa dimension n'est pas la même qu'au niveau national, il n'y a donc
rien de choquant à ce que le Parlement européen exerce
également un contrôle en aval, par la motion de censure.
Mais il faut veiller à assurer la stabilité de la Commission.
Aussi, personnellement, serais-je même tenté par un dispositif qui
irait encore plus loin. J'avoue être séduit par le système
du vote constructif à l'allemande, dans lequel le Parlement, pour
renverser un gouvernement, doit désigner en même temps son nouveau
chef. Nous devons réfléchir à un système qui, au
niveau européen, permette lui aussi un véritable contrôle
parlementaire tout en assurant la stabilité du pouvoir
exécutif.
D. LA COUR DE JUSTICE (Rapporteur : M. Robert Badinter)
a) Communication
La
particularité de la Cour de justice des Communautés
européennes (CJCE), parmi les autres institutions communautaires, est
qu'elle ne passionne guère tout en ayant beaucoup de pouvoirs. Elle
constitue la preuve du fait, que je livre à votre réflexion, que
l'on peut être efficace dans le domaine judiciaire sans être
médiatisé. Rares sont les personnes qui connaissent simplement le
nom du président de la Cour, M. Rodriguez-Iglesias, éminent
juriste espagnol.
La Cour de Justice a été quelque peu oubliée lors des
précédentes conférences intergouvernementales. Certes, son
champ de compétence a été étendu
parallèlement au champ d'intervention de l'Union européenne. Mais
sa composition, ses attributions et son mode de fonctionnement n'ont pas
été modifiés.
Un nouvel oubli de la Cour de Justice dans la conférence
intergouvernementale qui va s'ouvrir serait hautement dommageable.
Je n'ai pas besoin d'insister sur le rôle considérable joué
par la Cour dans la construction européenne, qu'elle a justement
définie comme une " communauté de droit ". En affirmant
par ses décisions fondatrices des années 1960 la
supériorité et l'effet direct de la norme communautaire, la Cour
de Justice a fourni le cadre juridique qui a permis les progrès
politiques de l'Europe. Arbitre entre les institutions communautaires et les
Etats membres, la Cour est aussi le recours suprême des particuliers et
des entreprises, pour qui elle incarne la réalité du droit
européen.
J'ai été frappé par une remarque d'un membre de la Cour
constitutionnelle américaine, qui m'a confié qu'à ses
yeux, la CJCE est l'institution constitutionnelle la plus puissante du monde,
pour trois raisons :
- par le nombre de ses justiciables ;
- parce qu'elle joue un rôle moteur au sein d'un ensemble
institutionnel en devenir, ce qui n'est plus le cas de la Cour
constitutionnelle des Etats-Unis ;
- parce que, grâce à des mécanismes originaux, elle a
créé un paradoxe sans précédent dans la
théorie de la souveraineté du droit. Alors que l'Europe politique
n'existe toujours pas, il existe un droit communautaire applicable dans
l'ensemble de l'Union européenne, qui constitue les deux-tiers de la
législation économique, et qui est enseigné dans toutes
les universités européennes. Par un étonnant renversement
des perspectives, le droit a précédé la
souveraineté dans la construction européenne.
Or, cet accomplissement remarquable est aujourd'hui menacé par
l'engorgement de la Cour de Justice, qui fragilise tout l'édifice du
droit communautaire. La Cour est d'ores et déjà " victime de
son succès " dans l'Europe à quinze, et ce problème
ne pourra que s'amplifier avec l'élargissement.
I. Le problème de l'engorgement de la Cour
La Cour de Justice des Communautés européennes est
composée de quinze juges assistés de huit avocats
généraux, nommés pour six ans d'un commun accord entre les
Etats membres. Depuis 1988, la Cour a délégué certaines de
ses compétences à un Tribunal de Première Instance,
composé de quinze juges nommés dans les mêmes conditions.
Les arrêts du Tribunal de Première Instance peuvent faire l'objet
d'un pourvoi devant la Cour de Justice, qui n'examine alors que les questions
de droit, sans pouvoir remettre en cause l'appréciation des faits
effectuée par le Tribunal.
Les statistiques sont éloquentes. Le nombre annuel d'affaires
introduites devant la Cour de Justice s'est élevé à 485 en
1998, alors qu'il n'était que de 384 en 1990, soit une hausse de
26 %. Le stock des affaires pendantes est passé de 583 à 748
entre ces deux dates, soit une progression de 28 %.
L'engorgement est encore plus impressionnant pour le Tribunal de
Première Instance, qui s'est trouvé saturé rapidement
après sa création. Le nombre annuel des affaires nouvelles est
passé de 59 en 1990 à 238 en 1998, tandis que le stock des
affaires pendantes passait de 145 à 1008 sur la même
période.
Les renvois préjudiciels sont la cause de l'engorgement de la Cour de
Justice, les recours directs tendant à diminuer après la
création du Tribunal de Première Instance. Ainsi, ces renvois
constituent 54 % des affaires introduites devant la Cour en 1998, et
81 % du stock des affaires pendantes. Leur durée de
procédure s'est allongée de 17,4 mois en 1990 à 21,4 mois
en 1998, ce qui est d'autant plus dommageable que les juridictions nationales
suspendent leurs jugements dans l'attente de la réponse de la Cour de
Justice. A terme, c'est la crédibilité de l'édifice
juridictionnel communautaire qui risque de se trouver affectée.
Or, en dépit des progrès de productivité
réalisés par la Cour de Justice, il n'est pas permis
d'espérer une amélioration de cette situation d'engorgement en
l'absence de réformes de fond.
En effet, les perspectives tendancielles tracées par la Cour dans son
document de réflexion sont pessimistes, pour deux motifs :
- d'une part, l'extension du champ des compétences de la Cour et du
Tribunal résultant de l'entrée en vigueur de la troisième
phase de l'UEM, des dispositions du traité d'Amsterdam relatives aux
visas, à l'asile, à l'immigration, à la coopération
policière et judiciaire en matière pénale, ainsi que des
conventions établies dans le cadre du troisième pilier ;
- d'autre part, l'élargissement de l'Union européenne, qui
se traduira mécaniquement par une augmentation du nombre des saisines de
la Cour et du Tribunal. La Cour de Justice, dans le cadre de la
préparation du budget communautaire, a déjà appelé
l'attention du Conseil et du Parlement européen sur le redoutable
problème de traduction que posera la multiplication de ses langues de
travail. Cette question est d'autant plus importante que ses arrêts ne
sont opposables qu'après publication dans la langue des destinataires.
Sous des dehors techniques, les questions relatives au bon fonctionnement de la
Cour de Justice sont essentielles à la crédibilité de
l'Union européenne, notamment aux yeux des Etats et des peuples qui vont
la rejoindre.
La Cour de Justice a produit au mois de mai 1999 un document de
réflexion sur " l'avenir du système juridictionnel de
l'Union européenne ", qui servira de base à mon propos.
II. Propositions liées à l'élargissement
1. Le nombre de juges
Lors du prochain élargissement, l'accroissement du nombre des Etats
membres devrait se répercuter mécaniquement sur les effectifs de
la Cour, puisque chaque Etat y nomme un juge. Cette augmentation du nombre des
magistrats risque d'être difficilement compatible avec un fonctionnement
réellement collégial de la Cour de justice, qui se transformerait
alors en un " mini-Parlement ".
Pour cette raison, il a été proposé de bloquer l'effectif
de la Cour à son nombre actuel, soit 15 juges. Personnellement, cette
proposition me paraît inacceptable. Elle jetterait un soupçon
insurmontable sur l'objectivité de la Cour aux yeux de ceux des Etats
membres dont la nationalité ne sera pas représentée parmi
les magistrats. Certes, ceux-ci ne sont pas les mandataires de leur Etat
d'origine. Mais, dans un système plurinational comme l'Union
européenne, la légitimité de la juridiction suprême
repose implicitement sur la représentation en son sein de toutes les
sensibilités juridiques nationales.
La limitation du nombre des juges de la Cour de justice m'apparaît
d'autant moins nécessaire qu'il est facile, même dans
l'hypothèse de leur accroissement, de préserver le
caractère collégial des arrêts. Il suffit de scinder la
Cour en deux chambres plénières non spécialisées.
C'est la manière dont fonctionne le Tribunal constitutionnel allemand.
L'unité de jurisprudence sera préservée à condition
que le président et le vice-président siègent dans chacune
des deux chambres, et que celles-ci puissent se réunir en formation
plénière sur les affaires qu'elles estiment
particulièrement délicates.
2. La durée du mandat des juges
Dans le but de renforcer l'autorité des juridictions communautaires, il
me paraît opportun d'allonger sensiblement la durée du mandat des
magistrats qui y siègent, gage d'expérience.
Cette durée est actuellement de 6 ans. Elle pourrait être
portée à 9 ans pour les juges de la Cour de Justice, voire
à 12 ans pour les juges du Tribunal de Première Instance, qui
sont en général plus jeunes lors de leur nomination.
En corollaire de l'allongement de sa durée, le mandat des juges
communautaires devrait devenir non renouvelable. C'est un gage
d'indépendance essentiel pour toute institution juridictionnelle qui
aspire à une autorité incontestable. Un juge dont le mandat est
renouvelable peut toujours être sensible, dans l'exercice de ses
fonctions, aux pressions de l'Etat qui a proposé sa candidature au
Conseil.
3. La détermination du règlement de procédure
Toujours dans le but de renforcer la Cour de Justice, il me paraît
essentiel que celle-ci puisse déterminer elle-même son
règlement de procédure, qui est actuellement fixé par le
Conseil à l'unanimité.
La Cour craint que la règle de l'unanimité, surtout dans une
Union européenne élargie, aboutisse à paralyser tous les
projets de modification de son règlement de procédure. Or,
l'adaptation de ses procédures est indispensable pour faire face
à l'afflux des dossiers.
Afin de rendre plus acceptable pour le Conseil ce transfert de
compétence renforçant son autonomie, la Cour de Justice
suggère deux modalités. D'une part, les dispositions essentielles
de son règlement de procédure seraient insérées
dans son statut, qui demeurerait fixé à l'unanimité.
D'autre part, les modifications décidées par la Cour seraient
soumises au Conseil, et ne deviendraient définitives qu'au terme d'un
certain délai, avec son accord implicite.
Cette réforme demandée par la Cour de Justice elle-même, et
entourée de garanties raisonnables, me semble particulièrement
importante. Sous une apparence technique, elle conditionne radicalement la
capacité d'adaptation de la Cour face au problème de son
engorgement.
III. Propositions tendant à désengorger la Cour de Justice
1. L'instauration d'un comité de filtrage
La Cour de Justice propose la création d'un comité de filtrage
qui lui permettrait de sélectionner en opportunité les renvois
préjudiciels, afin de pouvoir se concentrer sur les affaires
essentielles pour le développement du droit communautaire.
Outre son rôle direct d'élimination, ce filtrage aurait pour effet
indirect d'inciter les juridictions nationales à se montrer plus
sélectives dans leurs renvois préjudiciels et à assumer
pleinement leur rôle de juges ordinaires du droit communautaire.
Le filtrage, au cas par cas, me paraît très
préférable à une restriction générale de
l'habilitation des juridictions nationales à saisir la Cour de Justice
par voie préjudicielle. Cette hypothèse, simplement
évoquée par la Cour dans son document de réflexion, peut
recouvrir deux cas de figure : soit un monopole de saisine
réservé aux juridictions suprêmes, soit une simple
exclusion des juridictions de première instance.
Dans les deux cas, la diffusion du droit communautaire au sein des ordres
juridiques nationaux serait entravée et ralentie. Je crains surtout que
cette réforme ait pour effet d'encourager les requérants à
se pourvoir devant les juridictions supérieures uniquement dans le but
de continuer à bénéficier de l'éclairage de la Cour
de Justice.
2. L'instauration d'une procédure d'urgence
La Cour propose également, afin de limiter les inconvénients de
l'allongement des délais de jugement dans les affaires les plus
sensibles, d'instaurer une procédure d'urgence pour certaines questions
préjudicielles, sur demande argumentée des requérants et
par ordonnance de son président.
Actuellement, la Cour peut seulement décider de traiter par
priorité certaines affaires, mais pas omettre ou accélérer
des phases de procédure.
Parmi les questions justifiant cette procédure
accélérée, la Cour cite l'interprétation de la
convention dite de " Bruxelles II " sur la reconnaissance et
l'application des décisions de justice en matière matrimoniale,
les aspects externes de la libre circulation des personnes et la
coopération policière et pénale.
Aussi intéressante soit-elle, cette réforme n'aurait toutefois
pour effet que de limiter les inconvénients de l'allongement des
délais de jugement dans certains cas sensibles, sans apporter de
réponse de fond à l'engorgement de la Cour.
3. Le transfert de certains renvois préjudiciels au TPI
Toujours dans le but d'alléger sa charge de travail, la Cour de Justice
propose qu'une partie des renvois préjudiciels, ceux à
caractère " technique ", soit confiée au Tribunal de
Première Instance. Cette nouvelle compétence du Tribunal serait
assortie de mécanismes de renvoi ou de " pourvoi dans
l'intérêt de la loi ", afin de garantir que les questions les
plus importantes aboutissent toujours devant la Cour.
Je ne suis pas contre le principe de cette réforme. Elle déplace
le problème vers le Tribunal de Première Instance, dont le nombre
de juges peut être augmenté plus aisément que celui de la
Cour. Toutefois, elle risque d'entraîner un allongement des délais
de jugement. Quoiqu'il en soit, je m'en remets sur ce point à
l'appréciation de la Cour de Justice.
4. Deux fausses solutions à écarter
Je reste en revanche très réservé sur deux autres
propositions de réformes avancées par la Cour de Justice dans son
document de réflexion.
La première de ces réformes consisterait à faire
obligation aux juridictions nationales de présenter à l'appui de
leur renvoi préjudiciel une proposition de décision sur l'affaire
concernée. La Cour pourrait ainsi saisir plus rapidement, dans chaque
cas d'espèce, le problème d'articulation du droit communautaire
avec le droit interne. Cette réforme comporte à mon sens un
risque majeur d'éclatement de l'unité du droit communautaire, et
ignore la force des susceptibilités judiciaires nationales. Les
juridictions nationales supporteraient très mal de voir ainsi la Cour de
Justice " casser " leurs décisions, encore au stade de simples
suggestions.
L'autre proposition qui me paraît dangereuse serait la création
d'instances judiciaires déconcentrées dans chaque Etat membre,
spécialisées en droit communautaire, pour traiter des questions
préjudicielles. Selon le document de réflexion de la Cour,
l'avantage de cette réforme serait la proximité culturelle et
linguistique de ces instances judiciaires déconcentrées avec les
juridictions nationales de leur ressort.
Mais cette réforme me paraît comporter également un risque
inacceptable d'éclatement de l'unité du droit communautaire,
auquel on ne pourrait pallier qu'avec l'instauration de mécanismes de
renvoi devant la Cour de Justice, au prix d'un nouvel allongement des
délais. Il en résulterait en outre une complexité accrue
des systèmes juridiques nationaux, particulièrement en France,
où l'on a déjà une pluralité de juridictions
suprêmes.
IV. Propositions modifiant le rôle institutionnel de la Cour
Dans son document de réflexion, la Cour de Justice s'est tenue à
une certaine réserve : elle s'est attachée à
l'amélioration de son fonctionnement, mais a considéré
comme données ses compétences actuelles. Je voudrais
évoquer certaines propositions qui tendent à modifier plus ou
moins profondément le rôle de la Cour au sein des institutions
communautaires.
1. La protection des droits fondamentaux
Je mentionnerai tout d'abord, pour mémoire simplement, le projet
d'adhésion de l'Union européenne à la Convention
européenne des droits de l'homme. Ce projet, longtemps défendu
par le Parlement européen et la Commission, aurait pour effet de
soumettre la Cour de Justice des Communautés européenne à
la juridiction de la Cour européenne des droits de l'homme.
Cette adhésion ne me paraît pas du tout opportune. Elle se
traduirait par une complication supplémentaire de l'architecture
juridictionnelle de l'Europe et par un allongement subséquent des
délais de jugement, pour un bénéfice très mince. En
effet, les divergences de jurisprudence entre la Cour de Justice et la Cour
européenne des droits de l'homme restent dans les faits exceptionnelles.
Et je ne crois que la seconde, qui souffre également d'un afflux
d'affaires, soit en état de se plonger dans le détail du
contentieux communautaire.
Il me paraît beaucoup plus simple que la Cour de Justice continue, sous
sa seule responsabilité, de faire application des principes
généraux du droit communs à tous les Etats membres et de
s'inspirer librement de la jurisprudence de la Cour européenne des
droits de l'homme.
Pour les mêmes motifs, je suis d'ailleurs tout aussi hostile au projet de
Charte européenne des droits fondamentaux actuellement à
l'étude. Il ne me paraît pas possible d'avoir deux textes
fondamentaux concurrents dans l'espace européen.
2. L'extension de la saisine du Parlement européen
Lors des précédentes conférences intergouvernementales, le
Parlement européen a revendiqué de pouvoir présenter
devant la Cour de Justice des recours en annulation sans avoir à
justifier d'un intérêt pour agir, et non plus seulement pour
sauvegarder ses prérogatives propres.
Cette revendication traditionnelle du Parlement européen me paraît
avoir perdu l'essentiel de son intérêt, en raison de l'extension
récente du champ de la codécision. En effet, les recours en
annulation ne peuvent pas, par définition, porter sur les actes dont le
Parlement est également auteur dans le cadre de la procédure de
codécision.
Le Parlement européen souhaite également pouvoir, comme le
Conseil, la Commission ou les Etats membres, solliciter l'avis de la Cour de
Justice sur la compatibilité des accords internationaux
négociés au nom de l'Union européenne avant leur signature
définitive. Je ne verrai pas d'obstacle à cette réforme,
d'autant plus que bon nombre de ces accords sont subordonnés à
l'approbation du Parlement européen, dont l'avis pourrait être
ainsi mieux éclairé.
3. Le contrôle juridictionnel du principe de subsidiarité
Un contrôle
a priori
du respect du principe de subsidiarité
par la Cour de Justice, avant que l'acte communautaire concerné devienne
définitif, pourrait être utilement instauré.
L'intérêt de ce contrôle a priori serait de permettre que la
question de la subsidiarité soit posée en temps utile. La Cour
exerce déjà actuellement un contrôle minimum a posteriori,
fondé sur la notion " d'erreur manifeste ".
Une telle réforme implique la création d'une procédure
spécifique, enserrée dans des délais brefs afin de ne pas
trop retarder le processus de décision. Sa portée dépend
de la qualité des requérants autorisés à saisir la
Cour de Justice.
Les trois institutions du " triangle communautaire " en feraient
naturellement partie, même si celles-ci ont souvent un
intérêt partagé à négliger la question de la
subsidiarité. Ce mécanisme serait toutefois vraisemblablement
actionné plus efficacement par les Etats membres.
Je reste en revanche perplexe à l'égard d'un éventuel
accès direct des Parlements nationaux à la Cour de Justice. Il
existerait alors un risque que ceux-ci se livrent à une
surenchère face à leurs opinions publiques, et qu'il en
résulte une inflation des recours. Je crois préférable de
laisser aux Gouvernements la responsabilité d'apprécier
l'opportunité d'invoquer, ou non, le principe de subsidiarité
à l'encontre d'une initiative communautaire.
b) Compte rendu sommaire du débat
M. Paul Masson :
La Cour de justice a été créée dans une Communauté européenne à six. A-t-elle déjà fait l'objet d'adaptations depuis ?
M. Robert Badinter :
La principale adaptation a consisté dans la création du Tribunal de Première Instance, décidée en 1988 et devenue effective en 1990. On lui a transféré le contentieux en matière de fonction publique communautaire et de droit de la concurrence, ainsi que les recours directs des personnes physiques ou morales. Le Tribunal fonctionne bien, comme le montre le faible nombre de pourvois devant la Cour de justice.
M. Paul Masson :
Il n'y a donc aucune obligation de représentation proportionnelle des nationalités au sein de la Cour ? Ce problème va devenir crucial, avec l'élargissement à l'Est.
M. Robert Badinter :
Non, la
règle est un juge par Etat membre. Mais ce qui compte, plus que leur
nationalité, c'est la qualité des juges. En se faisant les
garants et les interprètes du droit communautaire, ceux-ci tendent
à perdre leur coloration nationale.
L'élargissement ne me paraît pas un motif d'inquiétude dans
le domaine juridictionnel, comme il peut légitimement l'être dans
d'autres domaines. Dans tous les Etats héritiers de l'empire
austro-hongrois, il existe une ancienne tradition juridique, et l'on y trouve
d'excellents juristes.
M. Robert Del Picchia :
Je ne doute pas qu'il existe de bons juristes dans les pays d'Europe centrale et orientale. Mais la législation y est très différente de celle des pays d'Europe occidentale, comme on le constate par exemple en matière de lutte contre les stupéfiants. L'adaptation des futurs magistrats de la Cour de justice issus de ces pays risque de ne pas être facile.
M. Robert Badinter :
Permettez-moi de ne pas partager cette crainte. Dans tous les pays d'Europe centrale et orientale, les institutions juridictionnelles, et notamment les cours constitutionnelles, se sont beaucoup développées après la chute du mur de Berlin. Ayant participé personnellement à la mise en place de ces nouvelles cours constitutionnelles, j'ai constaté qu'elles n'ont jamais eu de problèmes pour se doter de magistrats parfaitement au courant des pratiques juridiques occidentales en matière de droits fondamentaux. Il existe aussi dans ces Etats, certes en petit nombre, des experts du droit communautaire. Et je ne doute pas que " l'esprit de corps ", au sens anglo-saxon du terme, l'emporte très vite sur les sensibilités nationales au sein de la Cour de justice.
M. Pierre Fauchon :
Je n'ai pas de crainte sur la compétence des juges de la Cour. Mais on ne peut ignorer l'image de l'institution, et c'est pourquoi j'estime comme vous fondamental que chaque Etat membre y demeure représenté.
M. Robert Badinter :
La participation à la Cour de justice de juges issus des pays d'Europe centrale et orientale me paraît même très souhaitable. Ils constitueront autant de foyers de diffusion des valeurs du droit occidental dans leurs pays d'origine, lorsqu'ils y retourneront occuper de hautes fonctions.
M. Nicolas About :
Je ne doute pas que ces magistrats venus de l'Est seront des Européens encore plus fervents que les autres.
M. Pierre Fauchon :
En ce qui concerne le contrôle juridictionnel du principe de subsidiarité, je suis favorable à un droit de saisine des Parlements nationaux. Mais il me semble que cette notion insaisissable est plus un principe politique qu'une norme juridique. En tout cas, il n'est pas pertinent de distinguer par matières : les différents niveaux d'intervention communautaire et nationaux coexistent au sein de chaque matière.
M. Robert Badinter :
Je crois que, comme toute grande juridiction, la Cour de justice sera amenée à définir elle-même sa compétence au regard du principe de subsidiarité, bien que je ne pense pas qu'elle ait très envie de se plonger dans ce débat.
M. Aymeri de Montesquiou :
Je suis étonné que le principe de primauté du droit communautaire ne soit pas devenu un sujet de débat politique avant la discussion des traités de Maastricht et d'Amsterdam.
M. Robert Badinter :
Sur le plan juridictionnel, la reconnaissance de la primauté du droit communautaire ne s'est pas faite sans mal. Les juridictions nationales ont été longues à l'accepter, même si elle est aujourd'hui généralement admise.
E. LES COOPÉRATIONS RENFORCÉES (Rapporteur : M. Xavier de Villepin)
a) Communication
La
notion de "
coopération renforcée
", de
"
différenciation
", de
"
géométrie variable
" ou de
"
flexibilité
" signifie la possibilité, pour
une partie des Etats membres, de réaliser, ensemble, un
approfondissement de la construction européenne, dans tel ou tel
domaine. Cet approfondissement réalisé par une
" avant-garde " de pays peut s'envisager, soit dans le cadre
institutionnel existant, soit en dehors des traités, comme ce fut le cas
pour certains projets industriels comme Ariane et Airbus ou encore pour l'aide
à la recherche appliquée avec le programme Eurêka. Cette
dernière formule peut éventuellement permettre la participation
d'Etats non-membres de l'Union européenne. Pour que les choses soient
claires, je vous propose de retenir le terme de "
coopération
renforcée
" pour les approfondissements réalisés
par des Etats membres dans le cadre du traité et celui de
"
coopération parallèle
" pour les
approfondissements réalisés en dehors du traité.
L'importance de ce sujet est encore plus d'actualité aujourd'hui
qu'hier, alors que l'Europe doit se préparer, même si le terme en
est encore lointain, à fonctionner à plus de trente Etats. La
perspective d'un ensemble de moins en moins homogène ne peut en effet
qu'encourager à recourir à des formules de coopérations
plus adaptées à la variété des situations
géographiques, sociales et économiques des Etats.
I - Avant Amsterdam, deux expériences de coopération
réussies : Schengen et l'union monétaire
1. Schengen
La coopération Schengen dans le domaine de la police et de la justice
est née en 1985 en dehors des traités communautaires,
confirmée par une convention d'application en 1990.
Cette coopération a été incluse dans le traité par
plusieurs protocoles annexés. L'article 43 introduit à Amsterdam
autorise une coopération qui permet notamment la reprise de l'acquis de
Schengen. On est ainsi passé d'une "
coopération
parallèle
", c'est-à-dire d'une avancée de
quelques Etats membres en dehors du traité, à une
"
coopération renforcée
" incluse dans les
traités.
2. L'Union économique et monétaire
L'Union économique et monétaire a été dès
l'origine une coopération renforcée prévue par le
traité de Maastricht. Le traité a organisé cette
coopération sous la forme d'une différenciation entre les Etats
membres en fonction du respect des critères de passage à la
monnaie unique. Une seconde différenciation tient à la
dérogation permanente qui a été accordée au
Royaume-Uni et au Danemark sous la forme d'un opting-in.
La mise en oeuvre de cette coopération renforcée a
nécessité la création de quelques mécanismes qui
n'avaient pas été prévus par le traité ; c'est
le cas en particulier de la mise en place du Conseil de l'Euro-11 qui
réunit les ministres de l'Economie et des Finances des pays participant
à la zone euro.
II - Le traité d'Amsterdam : une procédure
générale de mise en oeuvre des coopérations
renforcées
Le traité d'Amsterdam représente une avancée
considérable dans la prise en compte des possibilités de
coopération renforcée. L'objectif est de permettre aux Etats
membres qui souhaitent progresser dans certains domaines de ne pas être
ralentis dans leurs efforts par le rythme des pays les plus lents.
Cet objectif a rencontré un certain nombre de réticences.
D'abord, l'opposition du Royaume-Uni qui s'est prononcé en faveur d'une
flexibilité sur la base d'opting-in ou d'opting-out. D'autre part, les
petits pays se sont montrés résolument hostiles à
l'idée d'un éventuel directoire des grands pays se concertant
dans le cadre d'un noyau dur. Enfin, certains pays ont fait valoir que les
schémas de fonctionnement parallèle entre l'ordre communautaire
et le cercle des coopérations renforcées conduisaient à
des difficultés institutionnelles particulièrement complexes.
Le résultat de ces oppositions a été
une limitation
importante de la flexibilité offerte par les coopérations
renforcées
. Outre le fait que ce mécanisme ne s'applique que
pour le pilier communautaire et le troisième pilier -la politique
étrangère et de sécurité commune faisant l'objet de
dispositions spécifiques- la flexibilité fait l'objet de
plusieurs conditions restrictives : un Etat peut s'opposer en arguant de
"
raisons de politique nationale importantes
" ; le
monopole de la proposition revient à la Commission si la
coopération intervient dans le cadre du premier pilier ; des
conditions supplémentaires sont imposées tenant aux
compétences de la Communauté ; la coopération ne peut
être mise en oeuvre qu'avec une majorité d'Etats ; la
coopération s'effectue sous le contrôle de la Cour de Justice.
D'après le rapport du groupe présidé par le professeur
Quermonne à la demande du Commissariat général du Plan, le
jugement qu'on peut porter sur la différenciation est que "
la
formule de coopération renforcée définie par le
traité d'Amsterdam n'est pas satisfaisante
".
Elle n'est pas satisfaisante d'abord, selon le rapport Quermonne, parce que la
formule est "
trop contraignante
". En effet, la
coopération renforcée doit concerner au moins une majorité
d'Etats membres ; par ailleurs, elle doit être autorisée par
une décision du Conseil prise à la majorité
qualifiée et susceptible d'appel devant le Conseil européen se
prononçant à l'unanimité ; elle ne peut intervenir
" qu'en dernier ressort, lorsque les objectifs des traités ne
pourraient être atteints en appliquant les procédures pertinentes
qui y ont été prévues " ; enfin, dans le cadre
du pilier communautaire, la coopération renforcée ne saurait
servir à étendre les domaines de compétence de la
Communauté.
Le rapport Quermonne ajoute que la formule est ensuite "
trop
limitée
". La principale exclusion concerne l'ensemble de la
politique étrangère et de sécurité commune. Cette
absence paraît difficilement justifiable. En effet, "
s'il est
bien des domaines dans lesquels un groupe d'Etats pourrait aller de l'avant et
servir d'avant-garde, c'est bien ceux de la politique étrangère
et de la défense.
"
Dans son document de réflexion du 10 novembre 1999, sous le titre
"
Adapter les institutions pour réussir
l'élargissement : contribution de la Commission à la
préparation de la Conférence intergouvernementale sur les
questions institutionnelles
", la Commission européenne
souligne la nécessité de prévenir le risque de dispersion
entraîné par l'élargissement de l'Union
européenne et formule deux remarques.
1.
" On doit observer que les Etats membres qui se proposent
d'instaurer entre eux une coopération renforcée en matière
policière et judiciaire ou dans des domaines communautaires s'exposent
à un risque de blocage par le Conseil réuni au niveau des chefs
d'Etat ou de gouvernement. Cette possibilité de veto peut inciter les
Etats souhaitant coopérer entre eux de manière plus approfondie
à ne pas se situer à l'intérieur du cadre institutionnel
prévu par les traités. "
2.
" Il y aura lieu d'examiner également, en matière
de politique étrangère et de sécurité commune, si
le mécanisme d'abstention constructive prévu par le traité
d'Amsterdam répond efficacement au besoin que certaines actions puissent
être élaborées et menées à bien au nom de
l'Union européenne par certains Etats membres seulement ".
III - Faut-il modifier le régime des coopérations
renforcées dans le cadre de la prochaine Conférence
intergouvernementale ?
A titre de remarque préalable, je crois qu'il convient de prendre garde
au concept de coopération renforcée.
Il doit d'abord être clair que les coopérations renforcées
ne doivent viser qu'à une intégration plus poussée, non
à ouvrir la possibilité d'opting-out. Mais, même dans cet
esprit, la multiplication des coopérations renforcées ne serait
pas sans risques pour la cohérence du fonctionnement institutionnel de
l'Union européenne : risque de diminution du sens d'appartenance
à une même Communauté ; risque d'affaiblissement
possible du rôle d'initiative de la Commission et de sa fonction de
représentation de l'intérêt général ;
risque d'encouragement objectif aux opting-outs ; risque de fragmentation
de l'ordre juridique communautaire ; risque de complication des
règles et procédures déjà peu lisibles pour le
citoyen européen. Le rapport Quermonne, dans cette logique, souligne
qu'"
en rendant ainsi plus facile le recours à la clause de
coopération renforcée, on exposerait l'Union à la
confusion institutionnelle et on perdrait toute chance de lui donner une
identité politique à la mesure de sa capacité. Car si les
coopérations renforcées devaient proliférer et
créer des cercles multiples, la cohésion de la Communauté
et de l'Union pourraient être mises en cause
".
Enfin, nous devons garder à l'esprit que les pays candidats sont
très attentifs à l'évolution institutionnelle de l'Union.
Pour l'élargissement, il a été décidé une
reprise de l'acquis communautaire. Comme le rappelle très justement la
Commission, dans son document du 10 novembre dernier, "
l'acquis
ne doit en aucun cas être considéré comme une forme de
coopération renforcée entre les Quinze, avec de nouveaux Etats
membres qui entreraient dans cette coopération à leur gré,
sur leur demande
". Une trop grande ouverture des possibilités
de coopération renforcée ne doit pas donner un mauvais signal aux
pays candidats à l'adhésion.
Par ailleurs, je rappelle que, dans l'optique retenue pour les cinq
communications de notre délégation, nous ne cherchons pas la
création d'une construction institutionnelle idéale pour l'Union
européenne, mais nous tentons de délimiter ce qui paraît
réaliste pour la Conférence intergouvernementale qui se tiendra
l'an prochain.
Je crois que notre réflexion sur les coopérations
renforcées ne peut s'effectuer que pilier par pilier.
1. Le premier pilier
Concernant le
premier pilier
, dès lors qu'il y a vote à la
majorité qualifiée, la coopération renforcée ne
présente plus la même utilité.
Notre collègue Aymeri de Montesquiou nous a proposé, dans sa
communication sur le Conseil, de soutenir une large extension du domaine de la
majorité qualifiée. Si nous retenons ces propositions et si nous
retenons également, comme nous le propose notre collègue Aymeri
de Montesquiou, l'abaissement du seuil de la majorité qualifiée,
la flexibilité ne me paraît plus offrir de grandes
possibilités dans le premier pilier.
De plus, pour les secteurs où nous pourrions souhaiter une plus grande
harmonisation, comme la fiscalité ou la politique sociale, la
coopération renforcée n'est sans doute pas une solution. On peut
donner comme exemple le protocole sur la politique sociale qui avait
été annexé au traité de Maastricht. Pendant toute
la période de son application, plusieurs Etats membres ont estimé
que le Royaume-Uni, en n'étant pas partie à l'accord contenu dans
le protocole, bénéficiait en réalité d'une forme de
concurrence déloyale. A quoi servirait en effet demain une
coopération renforcée dans le domaine fiscal si le Royaume-Uni
gardait la maîtrise de sa fiscalité et par là même la
possibilité d'exercer une concurrence fiscale proche du dumping
fiscal ?
2. Le deuxième pilier
Concernant la politique étrangère et de sécurité
commune
, je vous rappelle l'opinion qu'avait émise devant notre
délégation Jacques Delors lors de son audition du 16 juin
dernier. "
En ce qui concerne la politique étrangère,
est-ce vraiment le cadre institutionnel qui est en cause ? Je ne crois pas
que l'introduction du vote à la majorité qualifiée ferait
disparaître les difficultés rencontrées dans ce domaine. En
réalité, les différences entre les Etats membres rendent
très difficile un accord sur les objectifs et les moyens d'une action
commune dans le monde d'après la guerre froide
", nous
disait-il.
En ce domaine, encore relativement neuf pour l'Union européenne, le
système de l'abstention constructive a l'avantage de faire peser le
poids d'un blocage sur le pays qui refuse d'agir pour une opération
déterminée. Or si un pays est, pour des raisons fondamentales,
opposé à une action dans ce domaine, il y a peu de chances pour
qu'il laisse une coopération renforcée s'organiser. Mais nous
devons constater qu'actuellement il se pratique des coopérations
parallèles en matière de politique étrangère et de
sécurité commune par la mise en place des groupes de contact.
Peut-on aller plus loin et chercher à institutionnaliser des
coopérations renforcées ? J'aimerais qu'un débat
s'instaure au sein de la délégation sur ce point mais j'y suis a
priori assez favorable pour tenter de donner une visibilité
européenne à des actions qui se déroulent pour l'heure
hors de l'Union.
Sur les affaires de défense
, l'Europe a connu quelques
progrès depuis un an. Des négociations vont se poursuivre durant
l'année qui vient. Ce n'est qu'au terme de celles-ci que l'on pourra
apprécier s'il convient d'inclure les dispositions concernant la
défense dans la Conférence intergouvernementale. En tout
état de cause, il me semble que les coopérations
parallèles ont déjà fait leurs preuves en ce domaine,
notamment avec l'Eurocorps. Les propositions actuellement formulées en
matière de " capacités militaires " (corps
d'armée de 50.000 hommes capables d'intervenir dans les soixante jours)
ne visent pas à mettre en place une armée européenne, mais
un ensemble de forces armées nationales rassemblées autour d'un
objectif ; il apparaît d'ailleurs que l'Eurocorps pourrait
constituer le noyau central de cette force européenne.
Il me semble donc que, pour la défense, l'essentiel, dans la perspective
souhaitable à terme de coopérations renforcées, est de
laisser subsister la possibilité, qui existe actuellement, de recourir
à des coopérations parallèles, c'est-à-dire
à des coopérations hors du traité. Cette
possibilité de coopération parallèle est tout à la
fois un aiguillon pour progresser à Quinze et le moyen d'avancer,
même si les Quinze ne vont pas du même pas.
3. Le troisième pilier
Concernant le
troisième pilier,
et dans la perspective de
l'élargissement,
il s'agit sans doute d'un des domaines où une
coopération renforcée peut s'avérer des plus
fructueuses
. C'est d'ailleurs dans ce domaine de la coopération
policière et judiciaire qu'est née précisément la
première coopération renforcée avec les accords de
Schengen. Il est probable que les matières du troisième pilier
qui ont été transférées dans le premier pilier par
le traité d'Amsterdam se prêtaient mal à ce type de
coopération. On peut évoquer notamment la matière des
visas, de l'asile et de l'immigration. Il s'agit de matières pour
lesquelles des règles juridiques doivent être adoptées, en
particulier sous la forme de directives ou de règlements communautaires.
En revanche, dans la ligne des conclusions du programme d'action adopté
par le Conseil européen de Tampere, il est vraisemblable qu'un certain
nombre d'initiatives prises dans le cadre de l'actuel troisième pilier
pourraient être rapidement plus efficaces si elles étaient mises
en oeuvre en recourant à des coopérations renforcées. Ne
pourrait-on pas ainsi mettre en place " Eurojust ", même si
quelques Etats membres traînaient les pieds. Je crois donc que nous
devrions souhaiter que la Conférence intergouvernementale assouplisse
les conditions de recours à la coopération renforcée pour
le troisième pilier.
b) Compte rendu sommaire du débat
M. Aymeri de Montesquiou :
J'aimerais savoir si le rapport Quermonne fait des propositions pour remédier aux insuffisances du traité d'Amsterdam.
M. Xavier de Villepin :
Le rapport Quermonne établit un constat sur les limites et les restrictions dans la mise en oeuvre des coopérations renforcées dans le cadre du traité d'Amsterdam. Il laisse entendre, comme je le crois personnellement, que toutes les propositions qui permettront d'éviter des enlisements dans les actions entreprises en commun seront utiles, notamment dans le domaine de la politique de sécurité.
M. Pierre Fauchon :
La question des coopérations renforcées conduit à une réflexion particulière qui va être dominante du fait de l'élargissement. D'un côté, on peut se demander si le recours à une coopération renforcée, pour contourner l'impossibilité d'avancer ensemble, ne relève pas de la politique de la facilité. D'une manière plus générale, on doit être conscient du fait que l'élargissement, avec la multiplication de coopérations particulières, peut conduire à une dilution des politiques communautaires, comme le souhaitent d'ailleurs les Anglo-saxons. Mais d'un autre côté, on doit aussi considérer que la question des coopérations renforcées est une question importante : c'est une arme et un argument de persuasion pour les pays qui sont conscients d'avoir un destin propre dans la construction de l'Europe et qui ont des ambitions dans ce domaine. Il faut être conscient du fait que le droit de veto risque de devenir de plus en plus dangereux. Il faudra bien que les grands pays fondateurs de l'Union européenne puissent passer outre aux positions des nouveaux pays adhérents lorsque ceux-ci ne voudront pas s'engager dans de nouvelles politiques européennes que souhaiteront pourtant les grands pays.
M. Xavier de Villepin :
Je voudrais faire deux remarques. La première tient au fait que la criminalité organisée est un problème essentiel de l'Europe. Une initiative de quelques Etats pour lancer des actions dans ce domaine me semblerait extrêmement utile. Ma seconde remarque est que les idées sur l'avenir de l'Europe ne sont pas stabilisées. Je suis par exemple perplexe devant la déclaration du Président des Etats-Unis concernant l'entrée de la Bulgarie, qui est un pays géographiquement proche de la Russie, dans l'OTAN. Devant des initiatives qui pourraient passer pour des provocations aux yeux de certains partenaires, je crois qu'il faut bien réfléchir et prendre des positions reposant sur le bon sens ; nous devons aussi nous préoccuper des préoccupations de nos opinions plutôt que de nous lancer dans de grandes spéculations théoriques.
M. Louis Le Pensec :
Les coopérations renforcées sont une des réponses du traité d'Amsterdam aux préoccupations d'efficacité des institutions. La question doit être examinée dans la perspective de l'élargissement d'une Europe à vingt-cinq Etats ou plus. Les coopérations renforcées doivent être prises comme un outil destiné à donner de la souplesse au fonctionnement des institutions. Sans remettre en cause la cohérence d'ensemble du dispositif auquel nous tenons. M. Moscovici a bien souligné qu'il ne s'agit pas, par ce moyen, d'établir une Europe à la carte. Il est bien clair que les coopérations renforcées ne peuvent être une réponse valable que pour autant que le reliquat d'Amsterdam, et notamment le vote à la majorité, aura été réglé, ainsi que le fonctionnement de la Commission.
M. Lucien Lanier :
Je suis entièrement d'accord avec la politique de prudence retenue par M. de Villepin. Revenant sur les propos de notre collègue Fauchon, il me semble qu'il faut avoir un certain nombre de garde-fous pour ces coopérations renforcées pour le cas où certains pays seraient tentés, entre eux, de régionaliser ces coopérations au profit de leurs intérêts propres. Je pense en particulier aux pays anglo-saxons qui pourraient à titre d'exemple souhaiter une coopération renforcée sur certaines de leurs pratiques juridiques.
M. Hubert Haenel :
Un des garde-fous actuel est que ces coopérations ne peuvent être contraires au traité.
F. EXAMEN D'ENSEMBLE DES PROPOSITIONS
Les propositions des rapporteurs ont été examinées par la délégation lors de la réunion de mercredi 15 décembre 1999.
M. Hubert Haenel :
Le
moment est venu de conclure nos premiers travaux concernant la CIG. Il s'agit
d'une première étape, car, naturellement, nous aurons à
revenir sur ce sujet à plusieurs reprises l'année prochaine.
Mais il était utile que nous commencions dès maintenant à
prendre certaines positions, en particulier pour deux raisons :
- tout d'abord, c'est pour nous le moyen d'apporter en temps utile notre
contribution au débat : en effet, nous savons que pour pouvoir
être écoutés -sinon suivis-, nous devons intervenir en
amont et non pas quand les négociations sont déjà
engagées ;
- ensuite, nous disposerons ainsi d'une base pour le dialogue que nous
aurons tout au long de l'année prochaine avec le Gouvernement :
ayant indiqué ce qui nous paraît souhaitable pour cette CIG, nous
pourrons demander au Gouvernement de tenir compte de nos préoccupations.
Dès le début, nous avons retenu une approche de la CIG
centrée sur les questions non résolues par le traité
d'Amsterdam, conformément aux conclusions du Conseil européen de
Cologne (juin 1999). Cette approche réaliste était
justifiée puisque le Conseil européen d'Helsinki a
confirmé que la CIG travaillerait dans cet esprit.
On voit bien que l'heure n'est pas à un grand débat philosophique
sur la nature de l'Union : il s'agit d'améliorer sa capacité
de décision et les conditions de fonctionnement dans la perspective d'un
élargissement qui pourrait commencer dès 2004.
Si nous voulons réussir cet exercice, il faut se concentrer sur lui. Si
d'autres thèmes et d'autres préoccupations venaient se
surajouter, ils pourraient servir d'alibi pour repousser une fois de plus la
décision sur les questions non résolues à Amsterdam. Mieux
vaut faire en sorte que la CIG soit condamnée à réussir.
Un mot pour rappeler la méthode que nous avons adoptée : au
mois de novembre, nous avons entendu cinq communications :
- celle de M. Aymeri de Montesquiou sur le Conseil de l'Union
européenne,
- celle de M. Robert Badinter sur la Cour de justice,
- celle de M. Pierre Fauchon sur le contrôle parlementaire,
- celle de M. Xavier de Villepin sur les coopérations
renforcées,
- et celle de M. Lucien Lanier sur la Commission européenne.
En fonction des débats que nous avons eus, les rapporteurs ont pu
préciser leurs propositions, qui ont été envoyées
à tous les membres de la délégation le
2 décembre, afin que chacun dispose d'un délai de
réflexion.
Je vais maintenant appeler ces différentes propositions.
1 - Le Conseil de l'Union européenne (Rapporteur :
M. Aymeri de Montesquiou)
M. Hubert Haenel :
La
première proposition présentée concerne la
repondération des votes au Conseil. Je rappelle que, dans la perspective
de l'élargissement, une repondération est
impérative : sans repondération, le
déséquilibre entre " grands " et " petits "
Etats va fortement s'aggraver, ce qui compromettra la légitimité
du Conseil et sa capacité de décision.
Le rapport de la présidence finlandaise pour le Conseil européen
d'Helsinki mentionne que " Lors des consultations, deux formules possibles
ont été abordées :
" i) une pondération modifiée des voix ;
" ii) l'instauration d'un système de " double
majorité " (à savoir une majorité convenue en termes
de voix et de population). "
Il ajoute que " Les consultations ont fait apparaître qu'une nette
majorité est favorable à une pondération modifiée
des voix. "
D'après les informations que j'ai pu recueillir, seuls la Grèce,
l'Irlande et le Danemark se prononceraient encore en faveur de la double
majorité. La Belgique et le Luxembourg y seraient également assez
favorables, mais ils se seraient ralliés, en accord avec les Pays-Bas,
à une position ouverte aussi bien à la repondération
qu'à la double majorité.
Par rapport à sa communication du 9 novembre, M. Aymeri
de Montesquiou a renforcé sa proposition dans le sens d'une
représentation plus adéquate des " grands " Etats au
sein du Conseil. En effet, il paraît à peu près acquis que
les " grands " Etats vont perdre " leur " second
commissaire européen ; la contrepartie de cette moindre
représentation des " grands " Etats au sein de la Commission
doit être une repondération substantielle des votes au Conseil.
La proposition de M. Aymeri de Montesquiou tend à augmenter le
nombre de voix de tous les Etats en augmentant davantage le nombre de voix des
" grands " Etats. Pour les Etats ayant actuellement 10 voix
(Allemagne, France, Italie, Royaume-Uni) et 8 voix (Espagne), ce nombre serait
multiplié par 3 ; pour les Pays-Bas, il serait multiplié par
2,4 ; pour les autres Etats, il serait multiplié par 2 sauf pour le
Luxembourg (multiplication par 1,5). Ce schéma serait ensuite
transposé aux nouveaux adhérents en fonction de leur population
(les pays de moins de trois millions d'habitants seraient assimilés au
Luxembourg, ceux ayant entre trois et six millions d'habitants seraient
assimilés à l'Irlande, au Danemark et à la Finlande).
Cette proposition a été approuvée par la
délégation.
M. Hubert Haenel :
La
deuxième proposition de M. Aymeri de Montesquiou concerne le
vote à la majorité qualifiée.
Le rapport de la présidence finlandaise pour le Conseil européen
d'Helsinki précise, je le rappelle, que " Les consultations ont
révélé que les Etats membres sont très largement
disposés à étendre le vote à une majorité
qualifiée dans la perspective de l'élargissement ".
Le domaine du vote à la majorité qualifiée a
été déjà sensiblement étendu par les
précédents traités : l'Acte Unique, Maastricht,
Amsterdam. Mais certaines décisions concernant, au sens large, la vie
économique et sociale de la Communauté restent prises à
l'unanimité. Il est proposé de remplacer pour ces
décisions la règle de l'unanimité par celle de la
majorité qualifiée, sauf dans le cas particulier des choix
énergétiques.
Plus précisément, la décision à la majorité
qualifiée serait étendue aux matières suivantes relevant
du traité instituant la Communauté européenne (TCE) :
- les aspects de la politique sociale communautaire encore régis
par l'unanimité (articles 42, 137 à 144 du TCE) ;
- l'accès aux professions réglementées (article 47 du
TCE) ;
- les aides d'Etat (article 88 du TCE) ;
- l'harmonisation de la fiscalité indirecte (article 93 du
TCE) ;
- le rapprochement des législations ayant une " incidence
directe " sur le fonctionnement du marché intérieur (article
94 du TCE) ;
- l'assistance financière exceptionnelle à un Etat membre
(article 100 du TCE) ;
- la politique culturelle (article 151 du TCE) ;
- la politique industrielle (article 157 du TCE) ;
- les fonds structurels (articles 159 et 161 du TCE) ;
- les aspects de la politique de l'environnement encore régis par
l'unanimité (article 175 du TCE), à l'exception des choix
énergétiques, qui continueraient à relever de
l'unanimité.
En revanche, il est proposé de maintenir, lorsqu'elle existe, la
règle de l'unanimité pour les domaines touchant au fonctionnement
des institutions
lato sensu
.
Par ailleurs, toujours dans le but de rendre plus facile la prise de position,
M. Aymeri de Montesquiou propose d'abaisser le seuil de la
majorité qualifiée. Ce seuil est aujourd'hui de 71 % des
voix. Il est proposé de l'abaisser à 60 %.
Au cours du débat, les membres socialistes de la
délégation ont indiqué que, plutôt que de se livrer
à une énumération de nouveaux domaines pour le vote
à la majorité qualifiée, ils souhaitaient que la
délégation se prononce pour une généralisation du
vote à la majorité qualifiée, sous réserve
d'exceptions limitativement énumérées, en estimant qu'il
n'était pas nécessaire de préciser, au stade actuel, la
liste exacte de ces exceptions. Ils se sont en outre prononcés pour que
les règles concernant le droit de circulation et de séjour des
citoyens de l'Union soient adoptées à la majorité
qualifiée.
A l'issue du débat, la délégation a approuvé
à la majorité la proposition présentée par M.
Aymeri de Montesquiou.
M. Hubert Haenel :
Enfin,
la troisième proposition d'Aymeri de Montesquiou concerne le
fonctionnement du Conseil.
Comme le Conseil " Affaires générales ", absorbé
par la PESC, n'assure plus suffisamment en pratique la coordination des travaux
du Conseil, il est suggéré de dédoubler le Conseil
" Affaires générales " en deux formations
distinctes : l'une spécifiquement chargée de la PESC,
l'autre chargée de la coordination. Celle-ci pourrait être
assurée par des ministres résidant à Bruxelles afin
d'assurer une supervision permanente des travaux du Conseil, ce qui garantirait
la primauté du politique sur l'administratif.
Par ailleurs, il est proposé que le Conseil " Ecofin "
reçoive un pouvoir d'arbitrage sur toute question impliquant de
façon significative le budget de l'Union, afin d'éviter que les
Conseils spécialisés ne délibèrent sur des
programmes communautaires sans que soit assurée une pleine
cohérence avec les données budgétaires.
Enfin, il est proposé de diminuer, par des regroupements, le nombre des
formations spécialisées du Conseil, dont la multiplication
favorise l'inflation législative communautaire.
A l'issue du débat, la délégation a approuvé
à la majorité la proposition présentée.
2 - La Cour de justice (Rapporteur : M. Robert Badinter)
M. Hubert Haenel :
La Cour
de justice doit, elle aussi, s'adapter à la perspective de
l'élargissement. Pour cela, trois propositions sont avancées par
M. Robert Badinter.
La première proposition est de maintenir la règle d'un membre de
la Cour de justice par Etat membre, et de scinder la Cour en deux chambres non
spécialisées, qui pourraient se réunir en formation
plénière sur les affaires les plus délicates.
La deuxième est d'allonger et de rendre non renouvelables les mandats
des magistrats de la Cour de justice et du Tribunal de Première instance.
La troisième est de conférer à la Cour de justice le
pouvoir de déterminer elle-même son règlement de
procédure, sous réserve d'une approbation tacite par le Conseil.
La délégation a approuvé ces trois propositions.
M. Hubert Haenel :
Par
ailleurs, la Cour de justice souffre d'engorgement en raison du nombre des
renvois préjudiciels en interprétation du droit communautaire,
pour lesquels le délai de procédure atteint près de deux
ans. Ce phénomène d'engorgement ne peut que s'aggraver avec
l'élargissement.
D'où trois autres propositions de M. Robert Badinter, qui forment un
ensemble cohérent : il s'agit d'instaurer un filtrage pour
détecter les renvois préjudiciels les plus importants et les plus
urgents, d'instaurer une procédure d'urgence pour les renvois
préjudiciels les plus sensibles, et de transférer au contraire
les renvois préjudiciels les moins importants au Tribunal de
Première instance des Communautés.
La délégation a approuvé ces trois propositions.
M. Hubert Haenel :
Par
ailleurs, M. Robert Badinter propose d'étendre au Parlement
européen la possibilité de solliciter l'avis de la Cour de
justice sur la compatibilité avec le droit communautaire des accords
internationaux négociés au nom de l'Union européenne,
avant leur signature définitive.
La délégation a approuvé cette proposition.
M. Hubert Haenel :
Enfin,
M. Robert Badinter propose d'instaurer un contrôle
a priori
du
respect du principe de subsidiarité par la Cour de justice, avant que
l'acte communautaire concerné devienne définitif. Le recours
serait ouvert aux institutions de l'Union et aux Etats membres.
Au cours du débat, plusieurs membres de la délégation
se sont opposés à une extension du rôle de la Cour de
justice en matière de subsidiarité, estimant que le respect de ce
principe plus politique que juridique relevait plutôt d'une instance
parlementaire.
A l'issue du débat, cette proposition a été
repoussée à la majorité.
3 - Le contrôle parlementaire (Rapporteur :
M. Pierre Fauchon)
M. Hubert Haenel :
Dans le
domaine du contrôle parlementaire, M. Pierre Fauchon avance, au
total, six propositions.
Première proposition : compte tenu de l'alourdissement
inéluctable du fonctionnement du Parlement européen lorsque
l'Union comptera 27 membres, il est proposé de désencombrer
son ordre du jour par une nouvelle rédaction de l'article 95 du
traité, qui est relatif aux rapprochements des législations pour
le fonctionnement du marché intérieur. Les dispositions
générales resteraient définies en codécision par le
Parlement européen et le Conseil, mais les textes d'application de
caractère technique (caractéristiques des véhicules,
normes applicables aux ascenseurs...) seraient arrêtés par le
Conseil sur proposition de la Commission.
La délégation a approuvé cette proposition.
M. Hubert Haenel :
Deuxième proposition : il est
suggéré de
redéfinir les conditions de la responsabilité de la Commission
devant le Parlement européen.
Afin de clarifier les choses, il est proposé de maintenir
explicitement :
- que la responsabilité de la Commission est uniquement
collégiale ;
- que la Commission ne peut être renversée que par le vote
d'une motion de censure à la majorité des membres composant
l'assemblée ;
- et d'ajouter la précision que seuls les votes favorables à
la censure sont recensés.
Ainsi, l'exigence d'une majorité des deux-tiers des suffrages
exprimés disparaîtrait, mais le système serait en
réalité plus protecteur pour la Commission sur le plan politique,
car seuls les votes favorables à la censure seraient recensés.
La délégation a approuvé cette proposition.
M. Hubert Haenel :
Troisième proposition : il est
suggéré
d'adopter une nouvelle répartition des sièges entre les Etats
membres, afin d'assurer le respect du plafond de 700 membres tout en
répartissant les sièges de manière plus équitable.
La solution proposée serait d'accorder 4 sièges à tous les
Etats, puis ensuite, de manière proportionnelle, d'accorder un
siège supplémentaire par tranche de 820 000 habitants. Elle
maintiendrait, tout en la réduisant, une certaine
sur-représentation des " petits " Etats, permettant ainsi la
représentation de leur diversité politique interne ;
parallèlement, elle assurerait néanmoins un certain
rééquilibrage au profit des " grands " Etats.
Au cours du débat, plusieurs membres de la délégation
ont souligné que, si cette proposition avait le mérite d'assurer
un meilleur équilibre entre " grands " et " petits "
Etats, elle creusait à l'excès la différence entre la
France et l'Allemagne.
A l'issue du débat, la délégation a décidé
à la majorité d'approuver le principe de cette proposition (soit
l'attribution d'un nombre de sièges déterminé à
tous les Etats, puis la distribution des sièges supplémentaires
proportionnellement à la population), mais d'en réexaminer
ultérieurement les modalités, afin d'éviter une
altération trop marquée des équilibres actuels.
M. Hubert Haenel :
Quatrième proposition : il est
suggéré
d'étendre la procédure de codécision (qui donne au
Parlement européen les mêmes pouvoirs qu'au Conseil) aux
matières législatives pour lesquelles la règle de
l'unanimité serait remplacée par la décision à la
majorité qualifiée. A cet égard, le rapport de la
présidence finlandaise mentionne que " Un large consensus s'est
dégagé pour inviter la conférence à examiner dans
quelle mesure il conviendrait d'associer l'extension du vote à la
majorité qualifiée pour les actes législatifs à la
procédure de codécision. "
Cette proposition a été approuvée à la
majorité par la délégation.
M. Hubert Haenel :
Cinquième proposition : en ce qui concerne les
parlements nationaux, la priorité retenue est l'application effective du
protocole annexé au traité d'Amsterdam. Ce protocole garantit
notamment aux parlements nationaux un délai de six semaines, sauf cas
d'urgence, pour l'examen des propositions législatives soumises au
Conseil. Il est proposé que les parlements nationaux puissent saisir la
Cour de justice pour assurer le respect de ce délai garanti.
Au cours du débat, plusieurs membres de la délégation,
tout en estimant nécessaire le plein respect du protocole annexé
au traité d'Amsterdam, ont jugé qu'il n'était pas
souhaitable que la Cour de justice soit appelée à arbitrer dans
un tel domaine.
A l'issue du débat, la proposition a été repoussée
à la majorité.
M. Hubert Haenel :
Sixième proposition : enfin, toujours en ce qui
concerne
les parlements nationaux, il est suggéré qu'une
" enceinte " analogue à celle prévue pour
l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux soit mise en place,
le moment venu, pour préparer l'harmonisation législative
nécessaire à la mise en place d'un " espace judiciaire
européen ".
Au cours du débat, les membres socialistes de la
délégation se sont opposés à cette proposition, en
faisant valoir que la construction d'un espace judiciaire européen
était déjà bien engagée selon les procédures
classiques, et que la nouvelle structure proposée compliquerait
inutilement le système de décision.
A l'issue du débat, la proposition a été approuvée
à la majorité.
4 - La Commission européenne (Rapporteur :
M. Lucien Lanier)
M. Hubert Haenel :
Pour ce
qui est de la composition de la Commission, M. Lucien Lanier propose de
choisir entre trois formules :
- une Commission resserrée, dont le nombre de membres serait
fixé par son Président ;
- une Commission composée d'un commissaire par Etat membre ;
- une Commission composée selon les règles actuelles (un
commissaire par Etat membre, et un second commissaire pour les plus grands
Etats).
Sur ce sujet, le rapport de la présidence finlandaise a estimé
que " Les consultations ont permis de cerner deux solutions de base :
" i) premièrement, la meilleure garantie de la
légitimité de la Commission est un collège
constitué d'un ressortissant de chaque Etat membre ;
" ii) deuxièmement, il faut que la Commission soit
composée d'un nombre réduit et fixe de membres. Il s'ensuit que
la Commission aurait moins de membres qu'il n'y aurait d'Etats membres.
D'aucuns estiment que cette solution constitue le meilleur moyen de permettre
à la Commission de s'acquitter efficacement de sa mission en tant que
collège. "
Au cours du débat, plusieurs membres de la délégation
ont estimé que, si une repondération substantielle des votes au
Conseil était obtenue, la France devrait se rallier à la solution
d'attribuer un commissaire par Etat membre. Ils ont fait valoir que, lors de la
précédente CIG, la position française en faveur d'une
Commission resserrée avait été perçue comme
l'expression d'une volonté d'hégémonie des grands Etats et
avait ainsi contribué à isoler notre pays. D'autres membres de la
délégation ont estimé que la collégialité et
l'indépendance de la Commission ne seraient pleinement garanties que par
la formule d'une Commission restreinte, dont le nombre de membres serait
dissocié du nombre des Etats membres, et où une
hiérarchisation serait introduite.
A l'issue du débat, la délégation s'est prononcée,
à la majorité, pour une Commission composée d'un national
de chaque Etat membre, sous réserve d'un accord sur une
repondération des votes au sein du Conseil.
M. Hubert Haenel :
Par
ailleurs, M. Lucien Lanier propose que le Président de la
Commission dispose d'une autorité accrue sur les membres de la
Commission, en recevant explicitement la possibilité de
réaménager son équipe.
Cette proposition a été approuvée par la
délégation.
5 - Les coopérations renforcées
(Rapporteur : M. Xavier de Villepin)
M. Hubert Haenel :
Le
problème des coopérations renforcées est le dernier que
nous ayons à aborder.
A ce sujet, le rapport de la présidence finlandaise n'est guère
encourageant. Il rappelle que " Lors des consultations, on a
suggéré d'explorer certains aspects des dispositions du
traité relatives au renforcement de la coopération (notamment le
nombre d'Etats membres requis pour une coopération renforcée,
l'exigence d'un consensus, certaines des conditions spécifiques à
remplir et la nécessité d'adopter pour le deuxième pilier
des dispositions qui soient analogues à celles relevant des premier et
troisième piliers). "
Et il conclut que " Durant les consultations, une nette majorité
s'est dessinée pour ne pas inscrire ce point à l'ordre du jour de
la CIG
.
"
Les conclusions du Conseil européen d'Helsinki ne prévoient pas
l'inscription de cette question à l'ordre du jour de la CIG, mais elles
mentionnent que la présidence portugaise pourra proposer l'inscription
à son ordre du jour de points autres que les trois
éléments du reliquat d'Amsterdam. C'est ce qui a permis notamment
au Chancelier Schröder de déclarer, à l'issue du Conseil
européen, que l'idée de la flexibilité restait sur la
table.
M. Xavier de Villepin avance deux propositions dans ce domaine.
Première proposition : dans le cas de la PESC, il est
suggéré que les dispositions relatives à
l'" abstention constructive " soient rédigées de
manière à permettre plus facilement à certains Etats
membres d'agir au nom de l'Union pour la réalisation des objectifs
assignés à celle-ci par le traité.
Deuxième proposition : dans le cas du troisième pilier, il
est proposé de supprimer la possibilité pour un Etat membre de
s'opposer au lancement d'une coopération renforcée.
Au cours du débat, les membres socialistes de la
délégation ont déclaré douter de l'utilité
d'une révision de la procédure des coopérations
renforcées. Ils ont souligné que le processus de construction de
la défense européenne s'effectuait sous la forme d'une
" coopération parallèle " qui avait pu
s'élaborer sans modification du traité. En matière de PESC
et de défense, ont-ils déclaré, mieux vaut progresser de
manière pragmatique, les Etats membres s'associant progressivement aux
initiatives lancées par certains d'entre eux, et les modifications
institutionnelles éventuellement nécessaires n'intervenant qu'au
terme du processus. Pour le troisième pilier, ils ont estimé que
des coopérations renforcées pourraient nuire à la
cohérence de l'espace de sécurité et de justice, et, dans
la perspective de l'élargissement, compromettre la reprise
intégrale de l'acquis communautaire par les pays candidats.
A l'issue du débat, la délégation a approuvé
à la majorité les deux propositions.
M. Hubert Haenel :
La
délégation doit maintenant se prononcer sur l'ensemble des
propositions, compte tenu des modifications qui leur ont été
apportées.
La délégation a approuvé à la majorité
l'ensemble des propositions, les membres socialistes s'abstenant, les membres
communistes ne prenant pas part au vote et M. Emmanuel Hamel votant
contre.
G. PREMIÈRES RÉPONSES DU MINISTRE DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Au cours de la réunion du 21 décembre 1999, le ministre délégué chargé des Affaires européennes a fait part à la délégation de ses premières réactions au sujet des propositions qu'elle avait formulées.
M. Pierre Moscovici :
La
réforme institutionnelle était, vous le savez, un des points
principaux de ce Conseil, puisque, conformément aux conclusions du
Conseil européen de Cologne, était attendu le rapport de la
présidence finlandaise sur les principales questions qui devront
être examinées au cours de cette CIG.
Vous connaissez bien le sujet pour y avoir déjà beaucoup
travaillé. Aussi, je me contenterai de rappeler brièvement les
termes du débat tel qu'il se posait à la veille d'Helsinki. La
principale difficulté à trancher concernait l'ordre du jour, qui,
pour nous, comme pour la grande majorité des Etats membres, et la
Présidence finlandaise la première, devait être ambitieux,
sans pour autant compromettre le respect du calendrier fixé à
Cologne, ce qui, à notre sens, eut été le risque si nous
avions totalement suivi certaines idées exprimées
l'été dernier au Parlement européen et à la
Commission.
Et c'est finalement cette approche, à la fois réaliste et
ambitieuse, qui a prévalu :
- réaliste, parce qu'il est clair désormais que la CIG se
concentrera, d'abord, sur les trois grandes questions laissées sans
solution à Amsterdam, et qui sont aussi, il faut bien le
reconnaître, les plus difficiles ;
- mais une approche ambitieuse, aussi, parce que nous devons aller au fond
de ces trois grandes questions, et aussi parce que avons laissé la porte
ouverte pour que d'autres questions puissent éventuellement figurer
à l'ordre du jour : les questions directement connexes aux trois
principales, mais aussi d'autres sujets, parmi lesquels l'importante question
des coopérations renforcées.
Je crois donc que nous pouvons nous féliciter de ce que notre point de
vue ait été écouté, puisque c'est à notre
Présidence qu'il reviendra de conclure la Conférence.
Plus précisément, que retenir des conclusions d'Helsinki ?
- D'abord, donc, que la conférence devra examiner -je cite-
" la taille et la composition de la Commission, la pondération
des voix au Conseil, l'extension éventuelle du champ du vote à la
majorité qualifiée, ainsi que d'autres modifications qu'il faudra
apporter aux institutions en liaison avec les questions
précitées
. "
C'est donc l'approche que nous avions explicitement consignée dans la
déclaration franco-italo-belge de l'été 1997, en formulant
le préalable institutionnel à l'élargissement, qui a, en
grande partie, prévalu.
Mais la possibilité d'aborder d'autres questions n'est pas
écartée : elle est renvoyée à une
décision du Conseil européen, qui sera prise lors de l'examen, en
juin prochain, du rapport de la Présidence portugaise sur les travaux
des premiers mois de la CIG ; nous souhaitons que ces travaux soient
fructueux et que, sur la base d'un inventaire précis, nous puissions,
sous notre Présidence, avoir un ordre du jour optimal pour conclure fin
décembre.
- En outre, le Conseil européen a rappelé que d'importantes
modifications devaient être apportées aux méthodes de
travail du Conseil. Ceci est essentiel, vous le savez, et j'y reviendrai,
même si ces modifications ne nécessitent pas de nouveau
traité.
Sur le fond, j'aimerais faire quelques commentaires, pour préciser la
position du Gouvernement et, ce faisant, répondre à certaines
propositions que vous avez formulées : je pense à celles du
Président de Villepin sur les coopérations
renforcées, à celles de M. Fauchon sur le contrôle
parlementaire, de M. Lanier sur la Commission, du Président
Badinter sur la CJCE et de M. de Montesquiou sur la réforme du
Conseil.
Ne m'en veuillez pas si je ne réponds pas à toutes vos
propositions, qui sont nombreuses, et qui témoignent du travail
important qui a été accompli au sein de cette assemblée
sur les questions institutionnelles depuis le printemps dernier.
J'en relèverai quelques-unes, d'autres pourront être
évoquées lors de la discussion qui suivra. En tout état de
cause nous les avons lues avec attention et je puis vous assurer qu'elles
éclairent utilement notre propre réflexion.
Si vous le voulez bien, je reprendrai donc les trois questions centrales, dans
l'ordre des conclusions du Conseil européen :
- S'agissant de la Commission, l'objectif, vous l'avez maintes fois
souligné lors de nos débats, est de renforcer sa
collégialité et son efficacité, et de donner plus de
pouvoir à son Président ; pour y parvenir, il faut
restreindre le nombre de ses membres, ou, à tout le moins, en limiter
l'augmentation au fur et à mesure des prochains élargissements.
A cet égard, certains Etats membres souhaitaient poser d'emblée
le principe d'un Commissaire par Etat membre. Cela ne nous a pas paru
être la bonne méthode, même s'il y a de fortes chances pour
que cela soit le point d'arrivée.
Une telle solution ne sera acceptable que si nous obtenons par ailleurs un
résultat satisfaisant sur la repondération. Et, en tout
état de cause, il faudra introduire une forme de hiérarchisation
au sein du collège des Commissaires.
- S'agissant de la repondération, je n'entrerai pas ici dans le
détail des solutions envisageables : je crois que nous d'accord sur
le constat et sur l'objectif à atteindre. Et je note, avec satisfaction,
que la plupart de nos partenaires sont aujourd'hui favorables à la
repondération plutôt qu'à la double majorité.
- Quant au vote à la majorité qualifiée -assorti
d'une extension de la codécision législative avec le Parlement
européen- il devrait être quasiment
généralisé, en tout cas dans le premier pilier, et
l'unanimité devrait rester l'exception ; ceci pourrait être
grosso modo
le postulat de départ ; nous verrons ensuite
comment la négociation évolue ; il est certain que des
difficultés existent dont il faut tenir compte, notamment sur la
fiscalité. Mais je crois que nous avons tout intérêt
à continuer à afficher une position de départ très
ambitieuse.
Voilà donc ce que sera le coeur du mandat de la CIG, qui sera
complété par l'examen de questions directement liées
à celle-ci -j'ai mentionné la codécision, mais on peut
penser aussi à l'abaissement du seuil de majorité
qualifiée- mais aussi, par d'autres questions institutionnelles
connexes, au-delà des trois principales institutions : je pense,
notamment, à l'organisation de la Cour de Justice.
Mais, comme je vous l'indiquais, la porte a aussi été
laissée ouverte pour encore d'autres sujets, parmi lesquels, au premier
chef, celui des coopérations renforcées : il s'agit
là d'un sujet délicat et qui, comme vous le savez, fait l'objet
de débats, certains Etats membres, la Commission et le Parlement
européen ayant souhaité qu'il soit abordé dans la CIG
dès le départ.
Nous en comprenons bien l'intérêt, même si nous savons que
c'est une question qui est beaucoup plus complexe qu'il n'y paraît, parce
qu'elle touche à l'architecture de l'Union.
Il ne sera donc pas aisé d'apporter des améliorations
substantielles aux mécanismes instaurés à Amsterdam :
des idées, comme celle consistant à traiter le sujet sous le
chapitre de la majorité qualifiée, pour supprimer la clause
d'appel au Conseil européen -comme le préconisent les Allemands-,
comme celle visant à geler
ad vitam aeternam
le seuil minimal de
pays participants requis par le Traité, et, bien sûr, comme celle
visant à étendre les coopérations renforcées au
deuxième pilier, méritent donc d'être examinées avec
soin.
Quant au contrôle parlementaire, enfin, je ne l'ai pas
évoqué, non qu'il s'agisse d'un sujet sans importance, bien au
contraire, mais plutôt parce qu'il n'est pas prévu de le traiter
dans la CIG, sauf peut-être sous l'angle de la responsabilité
individuelle des Commissaires.
Il faudra sans doute y revenir un jour, ultérieurement, non seulement
pour évoquer les conditions de la responsabilité de la Commission
devant cette assemblée.
S'agissant du nombre des membres du Parlement, plafonné à 700 par
Amsterdam, il faudra voir si on définit les moyens de respecter ce
plafond, une fois pour toutes, lors de cette CIG, ou bien si on renvoie cela
aux négociations d'élargissement à venir.
Enfin, un mot sur le fonctionnement du Conseil. J'ai relevé avec
beaucoup d'intérêt la proposition que vous avez adoptée
concernant la nécessité de redonner au " Conseil Affaires
générales " le rôle de coordination qui était
le sien, en le scindant en deux formations, l'une chargée de la PESC,
réunissant les ministres des Affaires étrangères, l'autre
de la coordination générale, réunissant les ministres des
affaires européennes.
En revanche, je ne puis vous suivre lorsque vous suggérez de
conférer au seul Conseil Ecofin un rôle d'arbitrage
général sur toute question ayant une implication
financière. Une telle formule me semble difficilement compatible avec la
précédente, puisqu'elle conduirait inévitablement à
mettre les deux formations du Conseil (Conseil Affaires générales
et Ecofin) directement en concurrence.
Voilà les quelques remarques que je souhaitais faire, à ce stade,
sur l'ordre du jour de la CIG, Il revient maintenant à la
Présidence portugaise de conduire les travaux selon les orientations
arrêtées à Helsinki. La date de lancement de la CIG n'a pas
encore été fixée, mais elle devrait se situer quelque part
dans les premiers jours de février.