III. LES ÉTABLISSEMENTS SCOLAIRES ET SCIENTIFIQUES
A. DES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT PEU NOMBREUX
1. Un réseau d'écoles modeste
Le
réseau des établissements d'enseignement à programme
français en Inde comporte dix établissements. Mais seulement
trois d'entre eux relèvent de l'Agence pour l'Enseignement
Français à l'Etranger (AEFE). Les écoles françaises
de New Delhi, capitale politique, et de Bombay, capitale économique,
présentent les caractéristiques traditionnelles des
établissements de l'AEFE en Asie, le Lycée de Pondichéry
constituant un cas bien particulier.
Les effectifs de l'Ecole française de New Delhi, avec
192 élèves pour l'année scolaire 1997/1998, sont
plus de trois fois supérieurs à ceux de Bombay
(61 élèves). Ils comportent plus de 50 % de
ressortissants de pays étrangers tiers, alors que cette proportion n'est
que d'un tiers à Bombay. Dans les deux établissements, la
présence d'élèves indiens est marginale : 0,5 %
à Delhi et 3,3 % à Bombay.
Effectifs de l'Ecole française de New Delhi en 1997/1998
|
Maternelle |
Elémentaire |
Collège |
Lycée |
Total |
Français |
22 |
44 |
25 |
1 |
92 |
Indiens |
- |
- |
1 |
- |
1 |
Etrangers tiers |
31 |
50 |
15 |
3 |
99 |
Total |
53 |
94 |
41 |
4 |
192 |
Effectifs de l'Ecole française de Bombay en 1997/1998
|
Maternelle |
Elémentaire |
Collège |
Lycée |
Total |
Français |
11 |
15 |
10 |
2 |
38 |
Indiens |
2 |
- |
- |
- |
2 |
Etrangers tiers |
6 |
11 |
4 |
- |
21 |
Total |
19 |
26 |
14 |
2 |
61 |
Source : AEFE
Le niveau des droits d'écolage à Bombay est deux fois plus
élevé qu'à New Delhi. Avec un montant de
51.460 francs pour les classes de collège et de lycée, ces
droit situent l'Ecole française de Bombay parmi les
établissements les plus chers du réseau de l'AEFE. Pour
mémoire, les frais de scolarité pour un élève de
nationalité française en classe de lycée dans un
établissement dépendant de l'AEFE s'élèvent en
moyenne mondiale à 15.531 francs, et à 27.164 francs en
moyenne dans la zone Asie-Océanie, qui est la plus chère
après la zone Amérique du Nord (29.126 francs).
Frais de scolarité des écoles françaises de Bombay et New Delhi
|
Maternelle |
Elémentaire |
Collège |
Lycée |
||||
|
Bombay |
Delhi |
Bombay |
Delhi |
Bombay |
Delhi |
Bombay |
Delhi |
Français |
32 159 |
12 670 |
43 160 |
18 170 |
51 460 |
19 110 |
51 460 |
24 000 |
Indiens |
28 884 |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
- |
Etrangers tiers |
32 315 |
14 470 |
43 160 |
21 150 |
51 460 |
22 400 |
- |
27 380 |
Source : AEFE
En Inde, comme ailleurs en Asie, ce niveau élevé des droits
d'écolage produit des effets regrettables : l'accès aux
écoles françaises est de fait quasiment interdit aux
ressortissants indiens potentiellement intéressés, et devient
difficile pour certains ressortissants de pays tiers francophones ainsi que
pour les familles d'expatriés français qui ne disposent pas du
soutien financier d'une grande entreprise.
Cette participation importante des familles se retrouve dans la structure des
budgets des écoles françaises de Bombay et New Delhi.
Budget de l'école française de Bombay en 1997/1998
|
A la charge de l'AEFE |
A la charge des familles |
Total |
Salaire des personnels titulaires |
743 325 |
140 627 |
883 952 |
Bourses |
- |
- |
- |
Projet d'établissement |
5 000 |
- |
5 000 |
Fonctionnement |
- |
2 410 295 |
2 410 295 |
Investissements |
- |
- |
- |
Total |
748 325 |
2 550 922 |
3 299 247 |
Budget de l'école française de New Delhi en 1997/1998
|
A la charge de l'AEFE |
A la charge des familles |
Total |
Salaire des personnels titulaires |
1 855 738 |
1 002 211 |
2 857 949 |
Bourses |
78 757 |
- |
78 757 |
Projet d'établissement |
19 000 |
- |
19 000 |
Fonctionnement |
- |
2 423 212 |
2 423 212 |
Investissements |
2 500 |
- |
2 500 |
Total |
1 955 995 |
3 425 423 |
5 381 418 |
La participation financière des familles constitue ainsi 77,3 % du budget de l'école française de Bombay et 63,6 % du budget de l'école française de New Delhi. Pour mémoire, le taux de participation des familles n'est " que " de 54,7 % en moyenne mondiale au sein du réseau de l'AEFE.
2. Le cas particulier du lycée de Pondichéry
Le lycée de Pondichéry se distingue des autres établissements d'enseignement français en Inde par sa taille et par les caractéristiques de la population qu'il accueille, ainsi que par son statut d'établissement en gestion directe.
Effectifs du Lycée français de Pondichéry en 1997/1998
|
Maternelle |
Élémentaire |
Collège |
Lycée |
Autre |
Total |
Français |
218 |
426 |
368 |
153 |
60 |
1 225 |
Indiens |
11 |
83 |
45 |
29 |
9 |
177 |
Etrangers tiers |
0 |
0 |
2 |
3 |
0 |
5 |
Total |
229 |
509 |
415 |
185 |
69 |
1 407 |
Avec
1.400 élèves, le Lycée français de
Pondichéry est, de loin, le plus grand établissement
d'enseignement français en Asie. Ses élèves sont à
près de 90 % de nationalité française, dont 85 %
de franco-pondichériens.
L'établissement a doublé de taille en 1996, en absorbant
l'essentiel du lycée privé des soeurs de Cluny, dont seul le
secteur anglophone est demeuré indépendant. Toutefois, cet
agrandissement récent ne doit pas faire illusion : les effectifs
sont tendantiellement en baisse, à un rythme de 20 à
30 élèves de moins à chaque rentrée.
L'effectif du personnel est proportionné au nombre
d'élèves, puisqu'il s'élève au total à
172 personnes, réparties comme suit :
21 expatriés, dont 16 enseignants ;
22 résidents, tous enseignants ; 8 CSN, tous
enseignants ; 121 locaux, dont 44 enseignants.
Le Lycée français de Pondichéry est actuellement
centré sur la population des franco-pondichériens, pour laquelle
il remplit un rôle d'égalisateur des chances et de promotion
sociale remarquable. La plupart des enfants sont exclusivement tamoulophones
lorsqu'ils entrent dans l'établissement, et 80 % d'entre eux sont
boursiers.
En dépit de ce recrutement original, le Lycée français de
Pondichéry obtient des résultats plus qu'honorables au
baccalauréat, avec un taux de succès de 92 % en section
scientifique et de 90 % en section littéraire. Les
élèves qui poursuivent leurs études en classes
préparatoires en France rencontrent le succès. Mais le
lycée fonctionne également en coordination avec le Centre de
Formation Professionnel des Apprentis (CFPA) de Pondichéry, pour assurer
un avenir à ceux de ses élèves qui ne poursuivent pas leur
cursus jusqu'au baccalauréat.
Toutefois, une décision récente du ministère de
l'éducation nationale est venue compliquer la délicate mission du
Lycée français de Pondichéry : depuis un an, le
tamoul ne figure plus parmi les secondes langues vivantes à
l'épreuve du baccalauréat.
Cette décision, motivée par le caractère assez
confidentiel du tamoul en France, prive les élèves du
lycée de Pondichéry se présentant au baccalauréat
d'un petit avantage qui venait opportunément compenser les handicaps de
l'éloignement géographique et culturel. La suppression du tamoul
des programmes a d'ailleurs été symboliquement ressentie par la
communauté franco-pondichérienne comme le signe d'un
désintérêt de la France à son égard.
La spécificité du Lycée français de
Pondichéry se traduit dans sa situation financière.
Budget du Lycée français de Pondichéry en 1997/1998
|
A la charge de l'AEFE |
A la charge des familles |
Total |
Salaire des personnels titulaires |
16 616 978 |
349 717 |
16 966 695 |
Bourses |
1 949 602 |
- |
1 949 602 |
Projet d'établissement |
70 600 |
- |
70 600 |
Fonctionnement |
490 000 |
436 247 |
926 247 |
Investissement |
220 000 |
- |
220 000 |
Total |
19 347 180 |
785 964 |
20 133 144 |
Alors
que la participation des parents d'élèves représente en
moyenne 54,7 % des ressources des établissements dépendant
de l'AEFE, cette proportion n'est que de 3,9 % pour le Lycée
français de Pondichéry. Ce phénomène résulte
de la modicité des droits d'écolage, identiques pour les
Français et les Indiens, qui s'étagent de 1.417 francs en
maternelle à 2.793 francs en terminale.
On a vu que, en dépit de cette modicité des frais de
scolarité, la grande majorité des élèves sont
boursiers à 100 %. Un relèvement éventuel des droits
d'écolage n'aurait pour effet que de modifier le partage entre la
ressource fournie par les bourses et celle apportée par la subvention
d'équilibre de l'AEFE.
La situation financière du Lycée français de
Pondichéry apparaît difficile. Heureusement,
l'établissement ne connaît pas de souci de locaux : il est
propriétaire du bâtiment principal ainsi que de l'annexe
maternelle, et loue les bâtiments accueillant les classes primaires
à la Provinciale de Cluny. Lorsque les effectifs du lycée seront
tombés en-dessous de 1.000, soit vers 2010 au rythme actuel de leur
décroissance, un regroupement de l'ensemble des classes sur le site
principal sera possible.
Mais, compte tenu de la modicité des frais d'écolage, le
lycée est très dépendant de la subvention
d'équilibre de l'AEFE. Depuis deux ans, celle-ci est passée de
610.000 francs à 400.000 francs. En conséquence, la
trésorerie de l'établissement est devenue très
tendue : le fonds de réserve était tombé à
1,6 jour de fonctionnement, jusqu'à ce qu'une subvention
exceptionnelle de 300.000 francs accordée par l'AEFE lui permette
de remonter à 19,5 jours (alors que le ratio normal est de
60 jours).
Au-delà de ces problèmes financiers, l'avenir du Lycée
français de Pondichéry apparaît incertain. L'érosion
continue de la population des franco-pondichériens qu'il accueille, du
fait de l'émigration vers la France, pose la question de sa
pérennité. Pour élargir son recrutement à
l'ensemble de l'Inde, il lui faudrait être doté d'un internat, qui
ne peut pas être installé sur le site actuel. Même dans
cette hypothèse, la situation excentrée de Pondichéry et
son enclavement aérien risquent de dissuader les familles de
français expatriés dans les métropoles économiques
de l'Inde d'y placer leurs enfants.
B. DES ÉTABLISSEMENTS SCIENTIFIQUES ORIGINAUX
1. Le Centre Franco-Indien pour la Promotion de la Recherche Avancée
Le
Centre Franco-Indien pour la Promotion de la Recherche Avancée
(CEFIPRA), créé en 1988 sur une base d'égalité des
apports entre les deux pays, constitue le pilier de la coopération
scientifique entre la France et l'Inde. Il a pour mission d'identifier et de
mettre en place des projets conjoints de recherche dans le domaine des sciences
fondamentales : biologie, sciences des matériaux, informatique,
sciences médicales... Plus d'une centaine de projets ont
été ainsi retenus depuis la création du CEFIPRA, dont 52
sont en cours. Le Centre organise également des publications
scientifiques, des tables rondes et des ateliers spécialisés.
Financé à parité selon un calendrier pluriannuel, le
CEFIPRA a concentré en 1998 la moitié des crédits
consacrés par la France à la coopération scientifique et
technique avec l'Inde, soit 8,3 millions de francs sur un total de
16,6 millions de francs.
A la demande des deux gouvernements, le CEFIPRA a récemment axé
ses efforts en faveur de propositions pouvant déboucher sur un
développement industriel, associant centres de recherche et entreprises
français et indiens. On peut citer, par exemple, un projet de
matériau biocompatible pour des valves cardiaques ou un atelier sur les
anticorps monoclonaux.
Cependant, d'importantes actions de coopération scientifique demeurent
en dehors du CEFIPRA , dans les domaines des mathématiques
appliquées, de l'immunologie, de la lutte contre le sida, de la
géophysique, de l'astrophysique et de l'océanographie.
Le thème des biotechnologies, qui touche un grand nombre de disciplines
mérite particulièrement d'être signalé. Un accord
cadre a été signé en 1997 associant le CNRS, d'une part,
et le Conseil Indien pour la Recherche Scientifique et Industrielle (CSIR) et
la Direction générale des biotechnologies du ministère
indien de la science et de la technologie, d'autre part. Six axes de recherche
ont été retenus : génome humain, bio-informatique,
génome du vers à soie, pharmacogénétique,
leishmaniose et origines génétiques de l'épilepsie. A
terme, un laboratoire mixte pourrait être installé en Inde avec
des chercheurs permanents français et indiens.
2. Le Centre de Sciences Humaines de New Delhi
Fondé en 1989, le Centre de Sciences Humaines (CSH) de
New
Delhi et l'un des trente établissements dépendant du
ministère des affaires étrangères chargés de
conduire des recherches en sciences sociales et humaines en partenariat avec
les institutions locales.
Initialement axé sur l'archéologie et les études
indo-persanes, le CSH s'est ouvert depuis 1995 à l'Inde et l'Asie du
Sud-Est contemporaines. Il a développé cinq axes de
recherche :
- les relations internationales ;
- l'économie (eau, agriculture, énergie) ;
- la politique ;
- la sociologie anthropologique ;
- la dynamique urbaine.
Doté d'un budget de 830.000 francs, hors salaires des
expatriés, le CSH emploie 15 personnes, deux chercheurs
professionnels seulement, les autres étant des boursiers doctorants.
Compte tenu de la modicité de ses moyens matériels et humains, le
CSH travaille essentiellement en coopération et dispose d'un bon
réseau auprès des chercheurs indiens. Il a une petite
activité d'édition, de l'ordre de 4 à 5 ouvrages
par an.
3. L'Institut Français de Pondichéry
L'Institut Français de Pondichéry (IFP) a
été créé en 1956, dans la foulée de la
rétrocession du territoire à l'Inde. Comme le CSH de New Delhi,
il s'agit d'un centre de recherche pluridisciplinaire dépendant du
ministère des affaires étrangères.
L'IFP regroupe trois départements, respectivement d'indologie,
d'écologie et de sciences sociales, ainsi qu'un laboratoire de
géomatique (cartographie informatique). Dans tous ces domaines,
l'Institut travaille en collaboration avec les chercheurs indiens, ainsi que
pour la publication d'ouvrages et la tenue de bases de données. L'IFP
bénéficie du soutien de l'UNESCO et de la FAO. Il dispose d'une
bibliothèque spécialisée de 58.000 ouvrages et
830 périodiques.
L'Institut emploie 80 personnes, dont 60 recrutés locaux et
40 chercheurs. Doté de l'autonomie financière, l'IFP doit
faire face à une situation délicate, sa subvention étant
gelée depuis cinq ans au niveau de 2 ,3 millions de francs. Il
a su s'adapter en multipliant les programmes avec des organismes
extérieurs, mais doit faire face au besoin de renouvellement de ses
équipements scientifiques ainsi qu'à un décrochage
préoccupant des rémunérations servies à ses
recrutés locaux.
Actuellement, les chercheurs indiens employés par l'IFP auraient
financièrement intérêt à quitter l'Institut,
même si leur attachement à l'organisme les en dissuade. Mais la
question se pose pour le recrutement de nouveaux chercheurs, qui doivent
accepter, en intégrant l'IFP, une baisse de 30 % de leur
rémunération par rapport aux universités
indiennes.
4. L'Ecole Française d'Extrême-Orient
L'Ecole
Française d'Extrême-Orient (EFEO) dispose d'un centre à
Pondichéry, créé en 1956, en même temps que l'IFP
avec lequel il a pendant longtemps été réuni sous une
direction commune.
L'EFEO dépend du ministère de l'éducation nationale, mais
est liée par une convention avec l'IFP dépendant du
ministère des affaires étrangères pour la mise en commun
de leurs moyens.
Constituant la " base-arrière " de l'indologie
française, le centre pondichérien de l'EFEO abrite trois
directions de recherche :
- les études religieuses (shivaïsme et vishnonïsme) ;
- l'analyse des langues et littératures indiennes ;
- l'histoire de l'Inde du Sud des origines à 1600, à partir des
sources épigraphiques.
Le centre de l'EFEO dispose de 4 chercheurs, dont un seul expatrié,
soit un effectif équivalent à celui du département
d'indologie de l'IFP, et accueille des doctorants et chercheurs
associés. Outre son réseau précieux avec les chercheurs
indiens, le centre a noué des liens avec des chercheurs étrangers
venant de pays tiers (universités d'Austin, de Berkeley, de Melbourne,
Louvain, Cologne, La Sapienza de Rome).
Le budget du centre pondichérien de l'EFEO est de l'ordre de
360.000 francs par an , hors rémunération du directeur
expatrié. Le centre a la responsabilité de la gestion de la
bibliothèque d'indologie de l'IFP. Cette bibliothèque comporte,
outre 40.000 ouvrages imprimés du XIXe siècle, une
collection de 140.000 manuscrits fragiles dont la conservation ne
paraît pas assurée dans des conditions satisfaisantes, en
l'absence d'un catalogue exhaustif et d'un équipement
hygrométrique adéquat.