II. LE RÉSEAU DES ALLIANCES FRANÇAISES
A. LA SITUATION DU FRANÇAIS EN INDE
1. La première langue étrangère
L'Inde
compte deux langues officielles, le Hindi et l'Anglais, et 18 langues
nationales. Le français est enseigné comme quatrième
langue, mais comme première langue étrangère.
Jusqu'en 1989, le français avait le statut de première langue
étrangère obligatoire dans les écoles indiennes. Il est
devenu langue optionnelle partout, sauf dans les instituts d'hôtellerie
et de tourisme où il est resté obligatoire. Le français a
perdu ce statut au bénéfice des langues maternelles. Cependant,
il reste la première langue étrangère
étudiée en Inde. Il est enseigné à tous les niveaux.
On estime le nombre d'élèves qui apprennent le français
dans les cycles d'enseignement primaire et secondaire à environ 300.000.
Les enseignants pour les deux cycles sont plus de 3.500. Ces chiffres sont en
augmentation constante.
Il y a environ 60.000 étudiants qui apprennent le français en
Inde au niveau de l'enseignement supérieur, sous la conduite de quelques
500 enseignants. Il convient d'ajouter à ces derniers les 24.000
étudiants des quinze établissements de l'Alliance
Française, qui relèvent de ce niveau ainsi que du secteur
professionnel.
2. Une francophonie résiduelle à Pondichéry
Le
français a perdu depuis longtemps à Pondichéry son statut
de langue véhiculaire, au profit de l'anglais et plus encore de la
langue locale, le tamoul. Située en plein coeur du Tamil Nadu,
l'agglomération de Pondichéry est d'abord une ville tamoule dont
l'immense majorité des 800.000 habitants est tamoulophone.
Parmi les 7000 Français d'origine indienne, une infime minorité,
200 tout au plus, utilise le français dans les échanges
quotidiens et moins d'un tiers ont une maîtrise courante de la langue. Le
tamoul est donc la langue maternelle des francopondichériens. La
francophonie " maternelle " est donc avant tout l'affaire des 600
Français de métropole qui travaillent dans les différentes
institutions françaises de Pondichéry, ou qui sont
installés à Auroville, soit moins de un pour mille.
Les francisants sont les 1400 élèves du lycée
français et les 400 élèves de l'école de l'Ashram
qui partagent le français comme langue d'enseignement, la centaine
d'étudiants des établissements indiens, du secondaire au
supérieur, qui apprennent le français comme langue
étrangère dans des conditions pédagogiques convenables,
les 600 étudiants de l'Alliance française et un petit millier de
personnes enfin, anciens fonctionnaires de l'administration coloniale,
enseignants de français ou membres de l'Ashram.
La francophonie " maternelle " ne cessera de s'affaiblir à
Pondichéry. Mais, au titre de langue étrangère, le
français peut conserver une place appréciable. A l'école,
il bénéficie d'une situation unique dans la mesure où,
l'anglais étant langue d'enseignement, il est la seule langue
véritablement étrangère : un grand nombre
d'élèves et d'étudiants le choisissent actuellement. A cet
égard, l'école de l'Ashram, l'Alliance française et la
jeune université centrale, qui revendique une ouverture sur la France et
le monde francophone, doivent jouer un rôle important pour le maintien
d'un foyer de francophonie à Pondichéry.
B. UN RÉSEAU DYNAMIQUE
1. Les quinze alliances françaises
Le
réseau des 15 Alliances françaises de l'Inde connaît depuis
plusieurs années un accroissement de ses effectifs
d'étudiants : accru de 14.000 en 1991 à 19.000 en 1996,
celui-ci a dépassé le chiffre de 21.000 en 1997. Les heures
annuelles d'enseignement du français sont passées dans le
même temps de 1.427.000 en 1991 à 2.000.000 en 1997. Ces
résultats font du réseau des Alliances françaises en Inde
le premier d'Asie et le troisième du monde, après ceux du Mexique
et du Brésil.
Les Alliances se répartissent dans 9 des 25 états et dans 3 des 7
territoires de l'Inde. Avec leurs antennes locales elles assurent une
présence dans 20 villes du pays : Delhi, Bombay, Calcutta, Madras,
Bangalore, Hyderabad, Ahmedabad, Chandigarh, Pondichéry, Karikal,
Mahé, Goa, Bhopal, Trivandrum, Pune, Mysore, Indore, Cochin, Jaipur et
Madurai.
Elles mettent à la disposition du public des bibliothèques riches
d'un fonds qui peut varier de 1.000 à 15.000 ouvrages et des rayons
spécialisés selon la demande du public : sciences à
Ahmedabad et Chandigarh, littérature à Madras et cinéma
à Pune et à Hyderabad.
Dans le système éducatif indien, le français est
représenté par des enseignements littéraires et des
certifications menant à l'enseignement dans les Universités ou
les lycées. La prise en charge du français fonctionnel est
assurée essentiellement par les Alliances françaises.
Mais le nombre de professeurs de français disponibles sur le
marché du travail est très insuffisant. La plupart des Alliances
doivent former elles-mêmes leur personnel enseignant, d'ou l'importance
vitale des centres régionaux de formation initiale de Delhi, Madras et
Bombay.
D'où également l'importance des actions de sensibilisation et de
formation visant à faire prendre en charge cet enseignement par le
réseau institutionnel local et à associer dans les actions de
formation les professeurs d'Universités ou de collèges et les
professeurs des Alliances françaises.
2. Des activités diversifiées
Les
Alliances françaises participent aux échanges culturels, en tant
que coorganisateurs avec l'AFAA de tournées ou d'interventions
artistiques.
Le recensement des partenariats culturels sur l'ensemble du territoire indien
mené en 1997 a montré que, dans un certain nombre de domaines, le
savoir-faire et la tradition particulière des Alliances
françaises permettent d'envisager la constitution de pôles de
compétences dans le domaine artistique : théâtre des
arts plastiques à Delhi, traduction et production en langues locales
à Madras, etc...
Souvent seul centre culturel étranger dans leur ville d'implantation, ou
le plus actif, les Alliances françaises ont vocation à être
les interlocuteurs naturels des institutions culturelles indiennes les plus
importantes et les plus réputées.
Dans les domaines de la politique du livre et de l'action audiovisuelle
extérieure, les Alliances françaises constituent d'efficaces
relais pour l'accueil d'opérations de promotion du film français
à Calcutta, Bombay, Poona, Madras ou à des opérations
comme le " Temps du Livre " qui permettent la promotion des auteurs
contemporains.
Toutefois, le réseau des Alliances françaises dans son ensemble
doit être encouragé à diffuser davantage à la
culture scientifique et technique française, notamment par l'invitation
de communicateurs scientifiques de haut niveau et par une diversification de
leurs bibliothèques visant à donner également de notre
pays l'image d'un pays à la pointe de la science et de la
technologie.
C. DES FAIBLESSES PRÉOCCUPANTES
1. Une forte contrainte budgétaire
Les
Alliances françaises, constituées sous la forme d'entités
de droit indien, bénéficient de recettes propres et de dons
privés. Les subventions budgétaires constituent une fraction
marginale de leurs budgets, dans des proportions d'ailleurs assez variables.
Toutefois, la situation matérielle des Alliances françaises n'est
pas aussi satisfaisante que ce taux élevé d'autofinancement
pourrait le laisser supposer.
D'une part, le réseau est confronté à l'érosion des
effectifs du personnel expatrié qui lui est affecté, passé
de 21 en 1994 à 15 en 1997, soit tout juste un expatrié par
établissement.
D'autre part, le réseau doit faire face à un besoin de
modernisation et d'extension, pour satisfaire une demande dynamique mais de
plus en plus exigeante. Il s'agit de réhabiliter certains locaux dont la
vétusté choque et qui souffrent de la comparaison avec les
" concurrents " britanniques ou allemands. Il s'agit également
de se doter d'outils de communication électroniques et de
médiathèques. Il s'agit enfin de s'adapter à
l'accroissement des agglomérations indiennes, qui implique la
création d'antennes dans les quartiers trop éloignés du
lieu d'implantation principal de l'Alliance française.
Pour répondre à ces besoins d'investissement multiples, le flux
courant des droits de scolarité n'est pas suffisant. Le
développement du réseau des Alliances françaises en Inde,
potentiellement important, apparaît ainsi structurellement contraint par
des limitations de nature budgétaire.
2. Des problèmes immobiliers préoccupants
La
solidité de l'implantation des Alliances françaises en Inde est
menacée par la situation immobilière que connaissent la plupart
d'entre elles. Hormis Chandigarh, Pondichéry et Madras, où elles
sont propriétaires, les Alliances sont locataires partout.
Jusqu'à une période récente, parce que les loyers
étaient relativement bon marché et que la loi indienne
surprotégeait les locataires, la gestion immobilière ne
préoccupait guère leurs responsables. Or, depuis quelques
années, la situation est en pleine évolution : l'immobilier
a connu à Bombay comme à Delhi un renchérissement
considérable qui s'étend à d'autres villes comme Poona,
Hyderabad, etc...
Les Alliances françaises en Inde seront de plus en plus
confrontées à une situation caractérisée par des
loyers en augmentation rapide et des propriétaires qui veulent
récupérer leurs biens immobiliers. Votre rapporteur a pu le
constater dans la plupart des villes où il s'est rendu.
A Calcutta, l'Alliance était installée en location dans des
locaux délabrés, indignes de l'image de la France et
préjudiciables à l'activité de l'établissement. Une
construction neuve est prévue, sur un terrain mis à disposition
par la municipalité. Toutefois, le propriétaire antérieur,
qui a été exproprié, conteste devant les tribunaux la
propriété de la ville et les conditions de la cession à
l'Alliance française.
Même si la procédure en cours se termine de manière
favorable, elle entraîne un retard regrettable dans la construction du
bâtiment. Une subvention de 2 millions de francs a d'ores et
déjà été versée par le ministère des
affaires étrangères sur le compte de l'Alliance française
de Paris pour cette opération, dont le coût total est
estimé à 3,5 millions de francs.
Cette opération est devenue d'autant plus urgente que les locaux actuels
ont été dévastés par un incendie, qui n'a
heureusement pas fait de victime, le 18 avril dernier.
A Hyderabad, le propriétaire des locaux de l'Alliance française
souhaite en recouvrer la disposition et a également engagé une
procédure contentieuse.
A Bombay, l'Alliance française se trouve menacée d'expulsion sur
l'un de ses sites annexes par le ministère de la défense indien,
tandis que la BNP, propriétaire de son site principal, souhaiterait en
recouvrer la disposition. Comme toutes les banques françaises
installées à Bombay, ses activités se développent
rapidement et elle se trouve dans la nécessité vitale de
s'agrandir en reprenant le local loué à l'Alliance. Les prix du
marché immobilier local sont nettement supérieurs à ceux
du marché parisien.
Dans ces circonstances, il convient de souligner la bonne volonté de la
BNP. Elle a fait une offre généreuse à l'Alliance
française, qui lui permettrait de devenir propriétaire
grâce à une opération de crédit bail assortie de
conditions financières particulièrement favorables. L'engagement
de cette opération nécessite une mise de fonds initiale de un
million de francs, qui fait pour l'instant encore défaut.