II. LES SECTEURS PORTEURS
A. L'EAU
L'Inde
va connaître dans les prochaines années de fortes tensions dans le
secteur de l'eau, qui relève des compétences de chaque Etat de
l'Union ; les tensions sont l'effet de deux phénomènes
majeurs.
Le premier est l'urbanisation, puisqu'on prévoit une population urbaine
de plus de 300 millions de personnes en l'an 2000, concentrée aux
deux-tiers dans les 300 villes de plus de 100.000 habitants que
compte l'Inde, dont douze de plus de 1,5 million d'habitants, alors qu'il
n'existe à l'heure actuelle que trois ou quatre grandes villes qui sont
alimentées en eau 24 heures sur 24.
La deuxième source de tensions consiste en la baisse
généralisée des niveaux des nappes phréatiques,
conséquence directe de l'expansion du système de pompage
privé permis par une production locale de pompes bon marché et
par le prix subventionné de l'électricité. Cette baisse de
niveau se traduit dans certaines régions côtières, comme le
Tamil Nadu, par une intrusion d'eaux marines.
Pour faire face à cette situation, le Gouvernement indien a dans un
premier temps tenté, dans le cadre de la National Water Policy
engagée en 1987, de coordonner la gestion de l'eau par les
différents Etats de l'Union. Mais sans organismes capables de mettre en
oeuvre une utilisation planifiée de l'eau par les différents
utilisateurs (municipalités et industries, irrigation,
hydro-électricité, etc.), le problème est resté
entier. Les réseaux d'adduction et de traitement de l'eau en milieu
urbain sont saturés.
Les organismes financiers multinationaux comme la Banque mondiale ou la Banque
asiatique de développement sont prêts à soutenir
financièrement la restructuration de ce secteur, à la condition
qu'une certaine vérité des prix soit instaurée par le
biais d'une privatisation partielle.
B. LES ROUTES
Avec
plus de deux millions de kilomètres de routes, l'Inde possède le
deuxième réseau du monde. Ce réseau relève de la
compétence des Etats, à l'exception des routes nationales, qui
sont gérées par la National Highways Authority of India, mais qui
ne représentent que 1,7 % du total.
Près de 23 millions de véhicules y circulent, dont
15 millions de deux-roues, 3,5 millions de voitures, jeeps ou taxis,
1,5 million de camions et 350.000 autocars. La route
représente aujourd'hui 58 % du tonnage de marchandises
transportées et 80 % du trafic passager. L'importance de la route
devrait croître encore. On prévoit qu'en l'an 2000 elle permettra
de transporter 65 % des marchandises et 85 % des passagers, alors que
les premiers Plans indiens envisageaient une répartition entre le rail
et la route de 70 % et 30 %.
Si le trafic des autocars a été multiplié par plus de dix
depuis 1950 et celui des camions par près de vingt, comme celui des
véhicules individuels, le réseau routier n'a fait que quintupler
en longueur, du fait surtout des routes de villages, qui représentent
49 % du réseau.
Inadapté au volume croissant de trafic, le réseau l'est aussi sur
le plan technique. Seule la moitié du réseau est dotée
d'un revêtement d'asphalte. Cette inadaptation renforce les coûts
en usure des véhicules, en consommation de carburant et en accidents.
Ces coûts sont encore accrus par d'autres facteurs, comme l'âge des
véhicules, leur entretien sommaire et la mauvaise qualité des
essences.
Le plan routier lancé en 1981 prévoyait que
66.000 kilomètres d'autoroutes supplémentaires seraient
construits d'ici à 2001. Cet objectif très optimiste ne pourra
à l'évidence pas être atteint au rythme actuel des
investissements, d'autant qu'il est aussi nécessaire de construire un
réseau national de voies expresses d'environ
10.000 kilomètres.
Pour relever le défi, le Gouvernement a fait appel aux investisseurs
privés et aux capitaux étrangers pour participer à des
projets de construction matière, une gageure : il n'y aurait que 5
à 6 % du réseau routier qui justifierait la mise en place de
concessions. Les entreprises privées investissant dans les projets
autoroutiers seraient autorisées à percevoir des péages
pendant un délai déterminé. A la fin de la période
de concession, les installations reviendraient à l'Etat. Les terrains
nécessaires à la construction, aux équipements et aux
installations seront fournis par le Gouvernement, libres de charges, et les
investisseurs privés pourront être autorisés à
développer des services et à aménager des aires de repos
le long des routes qui leur seront confiées, ceci afin de rentabiliser
leurs investissements.
C. LE TRANSPORT AÉRIEN
Bien
plus développé que les autres modes de transports, le transport
aérien est lui aussi menacé de saturation, compte tenu d'une
perspective de croissance de 7 % par an au cours des dix prochaines
années.
En 1993-1994, 21 millions de passagers et 440.000 tonnes de
marchandises ont transité par les cinq aéroports internationaux
de Bombay, Calcutta, Delhi, Madras et Thiruvantapuram, en augmentation
respectivement de 11,5 % et 11,2 % par rapport à
l'année précédente.
Le marché de l'aviation civile (équipements aéroportuaires
et appareils) est estimé à 6 milliards de dollars pour les
prochaines années, selon une étude des Laboratoires
aéronautiques indiens et du Département de la Science et de la
Technologie.
Les investisseurs privés nationaux et étrangers ont
été fortement encouragés à participer à la
construction, l'extension et la modernisation des infrastructures
aéroportuaires. De nombreux projets sont en cours de réalisation
ou prévus : agrandissement des terminaux domestiques et
internationaux, modernisation des systèmes de navigation et de
télécommunications, installation de nouveaux radars de
surveillance, amélioration des services aéroportuaires.
Parmi ces projets, figurent notamment :
• la construction de nouveaux aéroports privés,
• le triplement de la capacité du terminal international de Delhi
et la construction d'un nouveau terminal pour les vols intérieurs,
chacun destiné à accueillir 10 millions de passagers,
• la modernisation des structures de l'aéroport de Calcutta,
entamée en janvier 1995,
• le remplacement du système d'aide à la navigation au sol
par satellite,
• la manutention au sol dans les aéroports de Delhi et Bombay
devrait également faire l'objet d'une privatisation.
D. L'ÉLECTRICITÉ
Avec une
capacité installée de 70.000 Mw, l'Inde est
confrontée à un déficit chronique en approvisionnement
d'électricité, estimé à 10 % en moyenne et
à 20 % en période de pointe, ainsi qu'à de nombreux
délestages. Il lui faut accélérer son programme de
construction de centrales électriques, pour faire face à la
demande, qui devrait croître à un rythme de 8 % par an d'ici
l'an 2000. A peine la moitié des 40.000 Mw inscrits au
VIII
ème
Plan (1992-1997) ont été mis en service.
Le rendement des installations augmente, mais le taux des pertes
enregistrées durant le transport de l'électricité ne
descend pas en-dessous de 23 % depuis plusieurs années. L'Inde doit
donc également améliorer les réseaux de transmission et de
distribution, qui desservent 84 % de ses villages.
En vue de ce double objectif, et compte tenu de ses contraintes
budgétaires, l'Inde n'a d'autre ressource que d'encourager
l'entrée des opérateurs et des producteurs privés
étrangers.
C'est ainsi que le secteur de la production électrique a
été complètement ouvert dès avril-mai 1991, et
qu'une prise de participation majoritaire ou une création à
100 % sont désormais possibles pour les étrangers, à
condition d'obtenir les autorisations de l'Autorité électrique
centrale (Central Electrical Authority : CEA), de la Commission de
planification, du ministère de l'environnement et du ministère
des finances.
Depuis lors, les mesures se sont succédées pour favoriser
l'investissement privé et étranger dans le secteur
électrique : exemption de la règle d'équilibre entre
sortie des bénéfices du pays et revenus d'exportation ;
exemption de l'impôt sur le revenu pendant 15 ans pour les
sociétés de production ; garantie par le Gouvernement du
paiement des State Electricity Boards (SEB) qui détiennent un
quasi-monopole d'achat de l'électricité ;réduction
à 20 % des droits de douane sur les équipements de projets
de production électrique ; durée de l'amortissement des
investissements privés réduite de 20 à 10 ans ;
possibilité de fixer en devises les tarifs des centrales
électriques
Deux problèmes restent en suspens : celui du monopole des SEB
régionales pour le transport et la distribution
d'électricité, auxquels les producteurs doivent obligatoirement
la vendre malgré leur mauvaise gestion, et celui du prix de
l'électricité, administré et fixé à un
niveau très bas. Comme les villes de Bombay et de Calcutta, Delhi a
décidé de privatiser la distribution de son
électricité.
E. LES TÉLÉCOMMUNICATIONS
Dans ce
secteur longtemps négligé (1 à 3 % des crédits
du Plan avant 1990), les besoins sont immenses. L'absence de concurrence a
favorisé les retards technologiques et le réseau de base ne
compte que 8 millions de lignes téléphoniques pour
890 millions d'habitants, soit 0,8 % de la population, ce qui
représente le plus faible taux de pénétration
téléphonique de toute l'Asie.
L'accès au téléphone a été
réservé en priorité aux chefs-lieux administratifs et aux
zones politiquement sensibles (zones-frontières ou zones connaissant des
troubles politiques et religieux). Une grande partie du territoire reste ainsi
isolée des marchés et des investisseurs.
Pour pallier l'insuffisance d'offre de téléphones privés,
le Gouvernement a entrepris d'augmenter sensiblement le nombre de
téléphones publics (Public Call Offices : PCO) sur
l'ensemble du territoire et a notamment autorisé l'ouverture de PCO
privés.
Ayant pris conscience du rôle des télécommunications en
tant que moteur de la croissance, les pouvoirs publics se sont fixés des
objectifs ambitieux : le nombre de connexions devrait passer de 8 à
20 millions d'ici l'an 2000, soit un taux de desserte de 2 %, et
à 40 millions en 2005. Ceci permettrait d'assurer la connexion de
576.000 villages des zones rurales. 20.000 kilomètres seraient
desservis par faisceaux hertziens et 23.000 kilomètres par fibre
optique. Les nouvelles technologies de télécommunications sont en
outre introduites (téléphonie mobile GMS, réseaux à
valeur ajoutée).
Pour atteindre ces objectifs, le Gouvernement a décidé en 1991 de
libéraliser le secteur et de l'ouvrir aux investisseurs privés,
par un double mouvement de déréglementation et de privatisation
qui met fin au monopole public en matière d'équipement, de
maintenance et de vente.
Les services de télécommunications à valeur ajoutée
ont été libéralisés en premier ; l'ouverture
résultant d'une loi de 1992, mise en oeuvre depuis la fin de 1994.
Le secteur privé est appelé à devenir le principal
fournisseur pour ces services, sur la base de licences octroyées pour le
courrier électronique, le courrier vocal, le vidéotexte,
l'audiotexte, la vidéoconférence, la radiomessagerie,
l'ingénierie des réseaux cellulaires, la transmission par
satellite.
Les réseaux téléphoniques cellulaires ont
été ouverts au secteur privé en 1992 pour les quatre
grandes métropoles et en 1994 pour le reste du pays. La deuxième
série d'appels d'offres, incluant les services de
téléphonie mobile, est intervenue en janvier 1995.
Dans une seconde étape, les services de base ont été
libéralisés, le monopole de l'opérateur public
étant levé par une loi adoptée en 1994. Les
opérateurs privés peuvent désormais concourir au
développement de ces services, à condition de respecter un strict
équilibre entre zones rurales et urbaines. Pour les communications
locales, l'opérateur public a été mis en concurrence, sur
la base d'appels d'offres lancés en janvier 1995, avec un
opérateur privé unique bénéficiant d'une licence de
15 ans, dans chacun des 21 " cercles " du pays. Pour les
communications longue distance, le monopole public a été maintenu
pour une durée de cinq ans, à l'issue de laquelle la situation
sera réexaminée.