CHAPITRE II :
UN MARCHÉ PROMETTEUR
I. UNE ÉCONOMIE QUI S'OUVRE SUR L'EXTÉRIEUR
A. UN MARCHÉ ACCESSIBLE
1. Des droits de douanes et des formalités en voie d'allégement
La
libéralisation engagée par l'Inde depuis 1991 a conduit à
la suppression d'un certain nombre de barrières réglementaires,
qui constituaient une entrave au commerce beaucoup plus lourde que les tarifs
douaniers élevés. L'importation de certains produits continue
cependant d'être contrôlée et les restrictions quantitatives
sont encore nombreuses.
Le droit de douane pondéré moyen est passé de 87 % en
1990 à 20,3 % en 1996. L'objectif du Gouvernement est d'atteindre
le niveau moyen des droits de douane des pays d'Asie du Sud Est, soit 12 %.
Certes, les contrôles administratifs auxquels doit se soumettre
l'investisseur étranger en Inde sont loin d'avoir disparus. Six branches
industrielles demeurent réservées au secteur public (armement,
centrales nucléaires, transport ferroviaire...) et quinze branches
d'activité, essentiellement les industries considérées
comme stratégiques ou dangereuses pour l'environnement, demeurent
soumises à des permis d'investir.
De nombreux secteurs continuent à relever d'un régime de licences
d'importation. Il s'agit essentiellement des biens de consommation :
• les produits alimentaires et les boissons alcoolisées, les
licences n'étant accordées qu'aux hôtels, aux restaurants
touristiques et aux bénéficiaires du régime hors taxe
(missions diplomatiques, boutiques duty free) ;
• la bijouterie, certains produits pharmaceutiques, les pesticides et les
insecticides, les articles de bureau, les matériels de transport
(avions, hélicoptères, navires).
Les règles s'assouplissent peu à peu, 75 catégories
de biens de consommation peuvent être importées sans licence
spécifique et 75 autres catégories de biens de consommation
durables peuvent être importés par les grands importateurs
agréés.
En ce qui concerne les services, la réglementation indienne demeure
restrictive. Un traitement différencié est appliqué
à chaque type de service, en fonction de l'intérêt plus ou
moins grand que les autorités indiennes trouvent à leur
implantation. L'implantation des banques étrangères en Inde se
fait au cas par cas, et le secteur des assurances reste exclu du partenariat
avec l'étranger.
Pour les entreprises étrangères qui veulent s'implanter en Inde,
le plus difficile est bien souvent d'obtenir d'administrations
différentes la mise à disposition des services de base
nécessaires à leur implantation (eau, électricité,
télécommunications) ou l'importation des machines et des
matériels indispensables à leur activité.
Une étude de la Confédération of Indian Industry a fait
ressortir que pour la construction d'une centrale électrique, il
était nécessaire d'obtenir, en moyenne, 17 approbations
émanant de 19 administrations différentes.
Toutefois, conscients de cette difficulté, les Etats les plus dynamiques
de l'Union indienne ont mis en place des services à l'usage des
investisseurs étrangers qui font office de guichets uniques pour les
formalités administratives.
2. Une tradition de droit anglo-saxon
L'une
des difficultés de l'investisseur étranger en Chine est qu'il
n'existe pas encore de système juridique vraiment constitué, si
bien que les négociations peuvent poser problème et que la mise
en oeuvre des accords conclus réserve toutes sortes de surprises.
Il n'en va pas de même en Inde, qui dispose d'un passé juridique
et d'un ensemble constitué de règles et de lois appliqués
par des tribunaux réellement indépendants.
Toutefois, le système juridique indien relève d'une culture de
type " common law ", dans laquelle les règles de droit
écrites ne sont pas très bien positionnées dans les
raisonnements juridiques, qui procèdent au cas par cas. Il existe
rarement une règle suprême et incontestable permettant
de cadrer la question en invoquant des principes simples comme dans les
pays de droit civil.
L'entreprise qui souhaite opérer en Inde doit donc consacrer le temps
nécessaire à identifier les règles applicables et à
en chercher les interprétations, de manière à avoir le
projet le plus adapté possible.
La condition du succès est en fait le recours à des
professionnels indiens, réellement bilingues et rompus à la
" common law ". Le système juridique indien
génère ainsi une armée de consultants
réglementaires et fiscaux, très procéduriers, et aboutit
à un engorgement des tribunaux, qui peut constituer une entrave
sérieuse aux relations commerciales internationales.
Cependant, une récente ordonnance sur l'arbitrage et la conciliation
inspirée des modèles de l'ONU, et vivement demandée par
les Etats de l'Union indienne, devrait contribuer à mettre en place des
systèmes plus efficaces de résolution des litiges.
3. Des incitations aux investissements étrangers
Des
incitations générales à l'investissement sont disponibles
pour toutes les sociétés enregistrées en Inde, quel que
soit le niveau de participation étrangère dans leur capital. Il
n'y a pas de processus spécifique de demande pour les incitations
fiscales. Toutes les réductions accordées doivent être
inscrites dans la déclaration de revenus, accompagnée de preuves
qui prennent la forme de certificats émanant des autorités
supervisant l'éligibilité.
Ces incitations générales peuvent prendre les formes
suivantes :
• amortissement accéléré pour les équipements
permettant des économies d'énergie (100 %) et les
bâtiments d'hôtels ;
• déductibilité, pour moitié, de l'assiette
imposable pour les redevances, commissions, droits et paiements de même
nature reçus de l'étranger par des sociétés
indiennes, à condition qu'ils soient reçus en devises
convertibles. Une déduction similaire est possible pour des profits
provenant de projets menés dans des pays étrangers ;
• déductibilité fiscale à 100 % des revenus
d'exportation de logiciels.
Le Gouvernement indien offre par ailleurs, des incitations sectorielles aux
entreprises exportatrices ou dont l'activité permet des entrées
de devises aux PME et aux sociétés qui s'implantent dans des
régions faiblement développées. Les investissements des
sociétés privées, incluant les firmes
étrangères, dans les infrastructures et les
télécommunications peuvent aussi être éligibles
à des incitations variées.
Quelques exemples de ces incitations fiscales :
• entreprises industrielles, hôtels agréés et
compagnies de navigation bénéficient d'exonérations
fiscales de 30 % sur les profits pour une durée de 10 ans
à compter de leur première année d'activité ;
• les sociétés engagées exclusivement dans la
recherche et le développement scientifique à des fins
commerciales obtiennent une exonération fiscale de 5 ans ;
• une déduction fiscale de 50 % sur les profits
engendrés par les services fournis à des touristes
étrangers, si les revenus sont en devises, est accordée aux
hôtels, tour opérateurs et agences de voyages. Les dépenses
d'exploitation à des fins de promotion du tourisme sont
déductibles ;
• les entreprises qui construisent, effectuent la maintenance ou
gèrent des travaux d'infrastructures tels que les autoroutes, les ponts,
les aéroports, les ports, les transports en commun, ou investissent dans
l'irrigation, la fourniture de l'eau, les systèmes sanitaires et
d'égouts peuvent bénéficier d'une exonération
fiscale de 5 ans et d'une déduction de 25 % sur les cinq
années suivantes, ainsi que de droits de douane dérogatoires.
Enfin, il existe également en Inde des incitations régionales
à l'investissement.
Ainsi, une subvention de 50 à 90 % est accordée aux
entreprises situées dans des zones éloignées sur les
coûts de transport des matières premières et des produits
finis à partir de gares et de ports désignés. Les Etats
concernés sont l'Himachal Pradesh, le Cachemire et Jammu, les Etats du
nord-est, le Sikkim, les îles Andaman, Nicobar et Lakshadweep, le
district de Darjeeling dans le Bengale occidental et huit districts de collines
dans l'Uttar Pradesh.
Le Gouvernement indien propose de même une subvention allant
jusqu'à 15 % de l'investissement en capital fixe à des
industries sélectionnées dans des zones
défavorisées bien déterminées. Ce schéma est
valide jusqu'au 31 mars 2000, et pour sept années
supplémentaires dans la région Nord-Est.
4. La nécessité du recours à un partenariat local
Les
investissements étrangers sont désormais possibles dans
pratiquement tous les secteurs de l'économie, sous réserve de
l'autorisation de la banque centrale ou du Foreign Investment Policy Board
(FIPB). Les prises de participation étrangère peuvent
dépasser 51 % du capital dans la majeure partie de
l'économie. Il en est ainsi dans 63 secteurs prioritaires
qui bénéficient d'une procédure d'autorisation
automatique de la banque centrale, de même que dans le secteur des
industries de haute technicité où les collaborations techniques
sont encouragées.
Compte tenu des spécificités du marché indien, il reste
toutefois vivement conseillé à l'investisseur étranger de
ne pas procéder à une implantation contrôlée
à 100 % mais de recourir à un partenaire local. Toutes les
expériences commerciales ou industrielles réussies en Inde
confirment que la qualité de ce partenaire est l'une des clefs du
succès.
Le relèvement des seuils de participation autorisés dans les
joint-ventures au-delà de la majorité de contrôle est
d'autant mieux venu que le droit des sociétés indien offre encore
peu de garanties aux minoritaires. Jusqu'à 26 % des parts, ceux-ci
n'ont, aux termes du droit des sociétés de l'Inde, aucun
contrôle sur la marche de la société. Ils ne disposent
d'une minorité de blocage que lorsqu'ils possèdent de 26
à 50 % du capital.
B. UNE STRUCTURE DU COMMERCE EXTÉRIEUR EN ÉVOLUTION
1. Des importations plus dynamiques que les exportations
Les échanges extérieurs indiens pour l'exercice fiscal 1997/1998 (hors matériel militaire et stratégique) confirment le mouvement de détérioration du déficit commercial apparu il y a deux ans. Les exportations n'ont progressé que de 1,5 % tandis que les importations enregistraient une croissance de 4,2 %. Le taux de couverture s'établit ainsi à 83,3 % contre 85,5 % en 1996/1997.
Ces
résultats confirment une rupture avec les taux de progression
enregistrés pendant les exercices 1993/1994, 1994/1995 et 1995/1996, qui
s'élevaient à près de 20 % par an.
Le ralentissement de la conjoncture économique intérieure et les
effets de la crise monétaire en Asie du Sud-Est expliquent sans doute
pour partie cette évolution récente. Mais la raison principale
tient sans doute plus encore au manque de compétitivité de
l'industrie indienne, puisque les exportations sont constituées pour
l'essentiel par des produits non transformés et par le secteur
textile-habillement.
S'agissant des importations, on constate tout d'abord une diminution importante
de la facture pétrolière qui ne représente plus que
20 % du total, contre près de 25 % l'année
précédente.
Les importations de perles et pierres précieuses, comme celles d'or et
d'argent ont enregistré une croissance soutenue. C'est également
le cas des demi-produits chimiques, qui sont essentiellement destinés
à une industrie locale puissante et par ailleurs fortement exportatrice.
Ce sont surtout les biens d'équipement qui ont enregistré une
baisse importante de 13 %, liée tant au ralentissement de la
croissance intérieure qu'au report d'un certain nombre de projets
d'infrastructures.
S'agissant des exportations, les produits agricoles représentent
18,8 % du total, contre 20,5 % l'année
précédente, avec une forte progression des exportations de riz
basmati, de thé et d'épices.
Les secteurs du cuir, du textile et du prêt à porter, qui
représentent ensemble près de 40 % des exportations
indiennes ont en revanche évolué plus modestement, voire
reculé dans le cas du cuir, tandis que le secteur de la chimie-pharmacie
a enregistré de très bons résultats.
2. Une réorientation géographique des échanges vers l'Europe
Si les Etats-Unis demeurent le principal pays client de l'Inde avec près de 20 % du total de ses exportations, l'Union européenne, dans son ensemble, apparaît comme son premier client, avec 26,2 % du total exporté par l'Inde. En revanche, les pays d'Asie du Sud-Est ont nettement diminué leurs achats en provenance d'Inde. La France devient le 12 ème client de l'Inde, en absorbant 2,2 % des exportations indiennes, et gagne ainsi une place par rapport à l'exercice précédent.
L'Union européenne renforce sa position de premier partenaire commercial de l'Inde, avec respectivement 25,4 % des importations et 26,2 % des exportations indiennes. Les échanges avec l'Union européenne ont évolué conformément à la moyenne, mais le déficit de l'Inde s'est réduit de 460 millions de dollars, en passant de 1,970 milliard de dollars en 1996/1997 à 1,511 milliard de dollars en 1997/1998.
C. UNE PRÉSENCE ÉCONOMIQUE DE LA FRANCE INSUFFISANTE
1. Une balance commerciale déséquilibrée pour la France
Les résultats des échanges commerciaux en 1997, comme les premiers chiffres connus pour 1998 (7 mois), sont médiocres. Les exportations françaises se dégradent sensiblement, de 10,1 % en 1997 par rapport au résultat de 1996, alors que les importations en provenance de l'Inde augmentent de 9 %. Le déficit de nos échanges passe de 373 millions de francs en 1996 à 1,45 milliard de francs en 1997, soit le quinzième déficit commercial de la France. Le déficit pour les sept premiers mois de 1998 est de 1,67 milliard de francs.
Avec
1,9 % de part de marché, notre position en Inde n'est pas
très éloignée de la part de marché moyenne
détenue par la France en Asie. On notera toutefois que l'écart
avec nos principaux concurrents est plus défavorable : l'Allemagne
détient en effet 6,1 % (2
ème
rang derrière
les Etats-Unis), la Belgique 6 %, le Royaume-Uni 5,7 %, le Japon
5,2 %, l'Australie 3,2 %, l'Italie 2,3 %. Néanmoins, si
l'on exclut les produits pétroliers, les métaux et les pierres
précieux, la France se situe au 11
ème
rang des
fournisseurs.
La structure des exportations françaises reste dominée par les
biens d'équipement professionnel et les semi-produits industriels, qui
représentent respectivement 43,5 % et 31,4 % de nos
exportations vers l'Inde. Le secteur des équipements de transport
terrestre enregistre une baisse de 36,5 %. Seul le secteur
agro-alimentaire bénéficie d'une évolution favorable sur
la période, avec une progression de 158,5 %, partant toutefois d'un
niveau modeste de 41 millions de francs. Les biens de consommation sont
stables, à 542 millions de francs en 1997, soit 11 % du total
de nos exportations.
Les importations en provenance de l'Inde sont constituées à
62 % de biens de consommation. L'essentiel se compose de produits du
textile-habillement (47 % du total). Les importations agro-alimentaires,
en revanche, reculent de 11,2 %, de 1,1 milliard de francs en 1996
à 989 millions de francs en 1997.
Il est intéressant de noter que les échanges bilatéraux
avec l'Asie, hors OCDE, ont connu une évolution plutôt moins
favorable qu'avec l'Inde : les exportations de la France dans cette zone
ont chuté de 15,4 % au cours des neuf premiers mois de 1998 par
rapport à la même période de l'année
précédente, tandis que ses exportations progressaient de
10,1 %. Les échanges entre la France et l'Inde, bien qu'en repli,
apparaissent moins affectés que ceux avec le reste de l'Asie
émergente.
2. Une part réduite dans les investissements étrangers en Inde
La part
de la France dans le stock des investissements étrangers en Inde peut
être estimée à environ 2 %.
Sur la période 1993/1997, la France occupe le 12
ème
rang des investisseurs étrangers en Inde avec des flux estimés
à 135 millions de dollars sur cette période, derrière
l'Ile Maurice, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l'Allemagne, les Pays-Bas, le
Japon, la Corée du sud, la Suisse, les Indiens Non Résidents
(NRI), Hong Kong et Singapour. Si l'on exclut l'Ile Maurice et les
investissements réalisés par les Indiens Non Résidents, la
France occupe le 10
ème
rang des pays investisseurs.
Les investissements français en Inde ont certes connu une progression en
1997, atteignant 845 millions de francs. Mais, la France n'occupe encore
que la 8
ème
place, avec seulement 1,5 % de
l'investissement étranger.