III. FRANCE-INDE : DES RELATIONS AMICALES
A. LE RESSERREMENT RÉCENT DES RELATIONS BILATÉRALES
L'amitié entre la France et l'Inde est antérieure
à la période de domination britannique. En effet, jusqu'au
début du XIX
ème
siècle, les maharajas ont eu
recours à des mercenaires français pour résister à
la puissante Compagnie des Indes. Pendant la Guerre froide, le souci
d'indépendance de la France et la volonté de non-alignement de
l'Inde ont contribué à rapprocher les deux pays. Enfin,
après la guerre d'Indochine, la France a rétrocédé
à l'Inde les comptoirs qu'elle possédait encore.
Ces affinités historiques ne suffisent pas à expliquer le
resserrement récent des relations bilatérales entre la France et
l'Inde.
1. Un catalyseur : la visite d'Etat du Président de la République
La
visite d'Etat du Président de la République en Inde, du 24 au
26 janvier 1998 a donné une impulsion nouvelle aux relations
franco-indiennes et a permis de poser entre les deux pays les bases d'un
partenariat durable. Le maintien de cette visite, en dépit d'une
transition politique en Inde, et alors que les Présidents Clinton et
Eltsine avaient reporté leur déplacement à New Delhi, a
été particulièrement apprécié des Indiens.
Le Président Jacques Chirac a souhaité la mise en place d'un
partenariat global entre la France et l'Inde qui a commencé à se
mettre en place concrètement dès les premiers mois de
l'année 1998. Le Haut Comité pour la Coopération de
Défense s'est tenue, pour la deuxième fois, en mai. La Commission
économique mixte s'est réunie pour la première fois depuis
1991, les 23 et 24 novembre 1998 à New Delhi. La pièce
maîtresse de ce partenariat global est le forum d'initiative
franco-indien, co-présidé par notre excellent collègue
M. Jean François-Poncet.
Les essais nucléaires effectués par l'Inde au mois de mai 1998
auraient pu compromettre ce renouveau des relations bilatérales.
La France a certes marqué sa préoccupation devant les
conséquences que pouvaient avoir pour la non-prolifération et
pour la stabilité de la région les essais nucléaires
indiens. Elle a cependant souhaité, à la différence de
nombre de ses partenaires, maintenir ouvertes les voies du dialogue avec l'Inde
afin de l'amener à se rapprocher du régime international de
non-prolifération. Elle s'est opposée aux sanctions
internationales.
Cette position a fait de la France, aux yeux de l'Inde, un partenaire avec
lequel compter et l'un de ses interlocuteurs stratégiques principaux.
Notre pays jouit aujourd'hui d'une image particulièrement favorable
dans l'opinion publique indienne. La visite de M. Vajpayaee en France, les
29 et 30 septembre 1998, la première que celui-ci effectuait dans
un pays industrialisé, est venu renforcer ce sentiment.
Le partenariat franco-indien se nourrit également d'échanges
politiques nombreux
.
Quelque peu ralentis par la crise qui a suivi les
essais nucléaires, les visites bilatérales se sont
intensifiées : M. Laurent Fabius s'est rendu en Inde en septembre
1998 ; M. Joshi, le ministre indien du développement des ressources
humaines, de la science et de la technologie, était à Paris du 4
au 10 octobre 1998 et le ministre des finances de l'Inde, M. Sinha,
s'est rendu en visite en France du 2 au 4 novembre 1998. A l'occasion du
lancement de forums sur l'offre française en matière
d'enseignement supérieur, Mme Nicole Péry, la secrétaire
d'Etat à la formation professionnelle, et Mme Ségolène
Royal, la ministre déléguée à l'enseignement
scolaire, se sont rendus en Inde à la fin du mois de novembre 1998. Au
début de l'année 1999, MM. Gayssot et Kouchner se sont
rendus en visite en Inde, tandis que M. Fernandes, ministre de la
défense indien était à Paris.
2. Le forum d'initiative franco-indien
La
création du Forum d'initiative franco-indien a été
officiellement annoncée le 25 janvier 1998 à l'occasion de
la visite d'Etat du Président de la République en Inde. Cette
instance a pour objet d'associer étroitement des personnalités
éminentes françaises et indiennes au développement d'un
partenariat stable et durable entre nos deux pays. Un forum du même type
existe avec le Japon depuis 1995.
Le Président de la République et le Premier Ministre ont
décidé de nommer à la co-présidence
française du Forum M. Jean François-Poncet, ancien Ministre
des Affaires étrangères et Président de la commission des
affaires économiques du Sénat. Le Dr Karan Singh, ancien
ministre, a été désigné par le Premier Ministre
indien pour assurer la co-présidence du Forum.
Le Forum a vocation à rassembler des personnalités venus
d'horizons divers : économie, presse, recherche, culture, arts...
Une douzaine de membres ont été nommés côté
français.
Les membres du Forum sont nommés par le Ministre des affaires
étrangères, avec l'accord du Président de la
République et du Premier Ministre. Les membres proposés doivent
recueillir l'agrément des deux co-Présidents du Forum, ainsi que
des Ministres des affaires étrangères des deux pays.
Le secrétariat du Forum est assuré du côté
français par le sous-directeur Asie méridionale du
ministère des affaires étrangères et du côté
indien par le " Joint Secretary " Europe de l'Ouest du
ministère indien des affaires étrangères.
Le Forum a tenu sa première réunion les 2 et 3 juillet 1998
à Paris. Il a été installé par le Président
de la République. Les membres ont été reçus
à cette occasion par le ministre des affaires étrangères
et le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la
technologie. Le Forum a, lors de cette première réunion,
identifié plusieurs domaines de coopération, notamment dans le
secteur de l'eau, de l'éducation, de l'art, de l'économie. Une
semaine de l'eau associant notamment le secteur de la recherche, de
l'environnement et des affaires sera organisée à Delhi en octobre
ou novembre 1999.
La seconde réunion du Forum s'est tenue à New Delhi les 16 et
17 février 1999. Les membres du Forum ont été
reçus par le Président de la République, le Premier
Ministre, le ministre des affaires étrangères. Ils ont
également rencontré M. Joshi, ministre du
développement des ressources humaines. Cette seconde réunion a
été consacrée au suivi des initiatives prises en juillet
1998 et à la définition de nouveaux secteurs dans lesquels il
convient d'encourager la coopération franco-indienne : transports,
agriculture, technologie de l'information, coopération dans le domaine
scientifique dont la création d'un laboratoire haute technologie de
physique des lasers en Inde et d'un programme de recherche sur le
Sida.
B. UNE COOPÉRATION FINANCIÈRE SUBSTANTIELLE
1. L'importance de l'assistance financière extérieure à l'Inde
L'assistance financière extérieure a joué
un
rôle considérable dans les flux nets de capitaux à
destination de l'Inde jusqu'à une période récente.
Aujourd'hui, ce rôle a quasiment disparu, à un moment où
l'Inde consacre plus de moyens à rembourser cette dette qu'elle
n'absorbe de nouveaux capitaux. Le solde net de l'assistance extérieure
est ainsi passé de + 1,9 milliard de dollars US en 1991/1992
à - 157 millions de dollars en 1997/1998. Ce
phénomène, directement lié à l'accès
désormais aisé de l'Inde au marché privé des
capitaux, se traduit notamment par la réduction de la part
concessionnelle de la dette extérieure, qui est passée de
45,2 % en 1991/1992 à 39,2 % en 1997/1998.
Néanmoins, l'Inde absorbe encore une part importante de l'aide
internationale. Les engagements annuels oscillent autour de 4,5 milliards
de dollars US par an depuis 1990. Elle est constituée pour près
de 90 % de prêts à concessionnalité variable et pour
le solde, de dons.
L'assistance financière extérieure de l'Inde sur la
période récente de 1990/1991 à 1996/1997, provient pour
56 % des agences multilatérales et pour 44 % des donneurs
bilatéraux.
Au cours de la période allant de 1990/1991 à 1996/1997, la répartition sectorielle des aides extérieures a relativement peu varié : les infrastructures représentent plus de 60 % du total, l'énergie électrique absorbant à elle seule un tiers des montants déboursés.
On
observe néanmoins que les interventions dans le domaine social ont
enregistré une forte progression de 4,2 % à 14,7 % du
total, tandis que le secteur de l'environnement apparaît pour la
première fois au cours de l'exercice 1996/1997.
La répartition géographique de l'assistance extérieure
laisse apparaître une évolution intéressante : tandis
que 70 % des montants étaient affectés au Gouvernement
central de l'Union indienne en 1990/1991, cette proportion a chuté
à moins de 50 % en 1996/1997.
Paradoxalement, il apparaît que ce sont les Etats les
plus
riches ou les plus dynamiques qui ont canalisé la plus grande partie de
l'aide, tels le Maharashtra, le Tamil Nadu ou le Gujarat, tandis que les Etats
les plus pauvres, tels le Bihar ou l'Uttar Pradesh, enregistrent des montants
largement inférieurs à la moyenne.
Certes, il faudrait pouvoir nuancer ce constat en prenant en compte la
répartition régionale secondaire des aides reçues
directement par le gouvernement central, ou au titre des aides
" multi-Etats ".
Mais, ce phénomène s'explique, d'une part, par la
conditionnalité nouvelle des aides multilatérales, la Banque
mondiale comme la BAD réservant désormais leurs programmes
d'intervention aux Etats fédérés
" réformateurs " et, d'autre part, par les capacités
inégales de financement des parts locales des projets.
2. Une contribution significative de la France
Avec un montant cumulé d'aide bilatérale de 325 millions de dollars sur la période 1990/1991 à 1996/1997, la France se classe honorablement au 5 ème rang de l'assistance extérieure bilatérale à l'Inde. Cet effort est d'autant plus remarquable que la France n'est que le douzième partenaire commercial de l'Inde.
On
retrouve en Inde les orientations classiques des politiques d'aide des
principaux pays donneurs.
Les pays scandinaves et les Pays-Bas adoptent généralement une
politique d'aide au développement non marchande dans les domaines
sociaux et sanitaires, liée à des conditionnalités de
principe telles que la démocratie, les droits de l'Homme, le respect de
l'environnement, l'égalité des sexes. Elle prend le plus souvent
la forme de dons, couvrant à la fois de l'assistance technique
" liée " ou confiée à des ONG, et le financement
de la part locale des projets.
Les Etats Unis ont une approche plus géopolitique : aide
déliée sous forme de dons, orientée vers des objectifs de
réforme économique (libéralisation, privatisation) et sur
les actions de formation (bourses d'études notamment).
Le Royaume Uni, qui concentre généralement son aide sur un nombre
limité de pays, notamment ses anciennes colonies, est un important
contributeur : l'Inde est en effet le premier pays
bénéficiaire de l'aide britannique. Cette aide comprend depuis
1975 exclusivement des dons, mais une partie de ces enveloppes sert
néanmoins à bonifier des crédits commerciaux liés
à l'achat d'équipements et services britanniques.
Le Japon intervient essentiellement en prêts à caractère
délié, même si le taux de retour pour les entreprises
japonaises est, en Inde comme ailleurs, particulièrement
élevé.
L'Allemagne intervient majoritairement en prêts, mais les dons
représentent néanmoins 15 % du total.
La France intervient principalement en prêts, la part des dons
représentant 3,2 % du total sur la période
considérée.