b) La communauté française du Mexique
L'influence de notre pays au Mexique peut s'appuyer sur une
communauté française relativement importante
-la
quatrième communauté étrangère du pays après
les Américains, les Libanais et les Espagnols- comportant environ
9
500 immatriculés
(9 321 en 1997) auxquels
s'ajoutent
6 000 à 7 000 non-immatriculés
, sans
parler d'un puissant flux touristique français, de l'ordre de
70 000 personnes par an.
Cette communauté française est composée de
deux
catégories
principales :
- d'une part,
les Français d'implantation relativement
récente
, depuis les années 1960, qui, comme dans les autres
pays, travaillent dans des entreprises françaises et n'effectuent
généralement qu'un séjour temporaire au Mexique ;
- mais aussi, d'autre part,
les descendants d'immigrants
venus au
Mexique au siècle dernier, ou avant 1945, qui représentent
environ les deux tiers de la colonie française mais qui, dans bien des
cas, sont totalement " mexicanisés " et ont souvent perdu tout
contact avec la France.
Il est nécessaire de faire ici une mention particulière, parmi
ces descendants d'immigrants,
du phénomène migratoire
exceptionnel des " barcelonnettes "
, Français originaires
de la vallée de l'Ubaye dans le département des Alpes de haute
Provence et qui se sont installés au Mexique jusqu'en 1950 mais dont
l'origine remonte à 1821 (cf. extrait ci-dessous). Cette aventure hors
du commun, qui a concerné des milliers de personnes dont on estime
aujourd'hui à environ 50 000 le nombre des descendants pour la
seule ville de Mexico, a principalement concerné l'industrie textile
-à commencer par les filatures de soie- et les grands magasins. Une
exposition " Barcelonnette " vient d'ailleurs de retracer à
Mexico cette émigration qui a durablement marqué l'histoire des
relations franco-mexicaines.
LES BARCELONNETTES AU MEXIQUE
Arnaud
fut le premier qui, de la vallée de Barcelonnette, partit vers 1821 pour
le Mexique. Il venait de fermer à Jausiers une filature de soie qu'il y
avait fondée précédemment et où il avait
médiocrement réussi. Quelque temps après son
arrivée, il s'associait avec un Français du nom de Maillefert, et
tous deux fondaient à Mexico le
Cajon de Ropa de las Siete
Puertas
, magasin de tissu des Sept Portes, dans la rue de Bajos de
Portaceli. Leurs débuts ayant été promptement
couronnés de succès, Arnaud appela ses deux frères
auprès de lui. Et dans les années qui suivirent, d'autres jeunes
gens de la vallée vinrent aussi les rejoindre.
En 1837, Caire, Derbez et Jauffred, venus aussi comme employés dans la
maison Arnaud, créèrent à leur tour, au Portal de las
Flores, un nouvel établissement. Enfin, cinq ans plus tard, Edouard
Gassier fonda à Mexico la troisième maison barcelonnette, qui
devint la première des trois en importance.
Dès 1845, Caire et Jauffred, revenaient au pays avec assez d'argent
gagné pour encourager les hésitants.
Mexico compta bientôt cinq maisons barcelonnettes, Puebla , Zacatecas,
Guadalajara et Toluca eurent aussi les leurs (...).
En 1870, la ville de Mexico possède seize grands
cajones de ropa
(maisons barcelonnettes) vendant en gros et au détail toute sorte de
tissus de provenances étrangères ou indigènes et articles
de Paris ; cinq maisons faisant le courtage et la commission, et si l'on
veut avoir le nombre total des industriels barcelonnettes établis et
l'énumération complète des industries
représentées, ajoutons-y une importante chapellerie, deux maisons
de confections et articles divers, une papeterie, un fabricant d'huile, un
fabricant de bouchons, trois boulangers, un cafetier et un menuisier (...).
Bientôt, il y a en tout cent trente-deux établissements
barcelonnettes au Mexique, parmi lesquels quatre-vingt-six magasins de
nouveautés, dont le chiffre d'affaires représente annuellement
plusieurs centaines de millions de francs et s'accroît chaque jour
suivant une progression constante (...).
A partir de 1875-76, le commerce des tissus au Mexique gros et détail,
resta presque exclusivement aux mains des Barcelonnettes ; et leurs
établissements, dès lors, n'ont, comme on l'a vu, cessé de
prospérer.
Emile CHABRAND
(Bibliothèque illustrée des
Voyages
autour du monde par terre et par mer,
Plon, 1897)
Les immigrants français ont ainsi joué un
rôle
économique prépondérant au Mexique jusque dans les
années 1950,
étant les fondateurs d'une industrie textile
puissante et de grands magasins dont certains sont encore parmi les plus
importants du pays. Ils ont depuis, dans la plupart des cas, perdu de leur
influence sous l'effet notamment de la concurrence américaine.
Ils ont, depuis les années 1960, été remplacés par
une nouvelle communauté française
composée de
cadres ou de salariés d'entreprises implantées au Mexique qui
effectuent, le plus souvent, des séjours de courte durée et
disposent, comme expatriés temporaires, d'un niveau de vie
généralement très supérieur à celui des
Français établis depuis longtemps au Mexique, dont le salaire
local a subi le choc des dernières crises économiques et
financières. La
composition socio-professionnelle
de la
communauté française immatriculée fait ainsi
apparaître une majorité de cadres supérieurs du commerce et
de l'industrie (1839 en 1997), de professions libérales (775) ou de
chefs d'entreprises (552).
Deux caractéristiques d'ensemble de la communauté
française du Mexique méritent enfin d'être
relevées :
- les
doubles nationaux
représentent
les deux-tiers
des
immatriculés, ce qui souligne la volonté de nombreux
Français installés au Mexique de prendre la nationalité
mexicaine, bien que, jusqu'à une réforme toute récente, le
droit mexicain n'ait pas reconnu la double nationalité ;
- par ailleurs, sur le plan géographique,
75 %
de la
communauté française réside
à Mexico
ou dans
ses environs immédiats, même si la deuxième ville du
Mexique, Guadalajara, accueille près d'un millier de nos compatriotes.