B. LES FAIBLESSES DES STRUCTURES ÉCONOMIQUES ET SOCIALES MEXICAINES
1. Des fragilités économiques et financières ravivées par la crise financière internationale
Après avoir surmonté la crise financière
de
décembre 1994 et obtenu de bonnes performances en 1997, le Mexique a vu
à nouveau ses acquis malmenés et ses fragilités
structurelles ravivées par la crise financière internationale
asiatico-russe et par la baisse des cours du pétrole.
Cette nouvelle crise a mis à mal les progrès récents de
l'économie mexicaine. La croissance économique a
été réduite en 1998 à 4 %, les gains boursiers de
1997 ont été effacés, les investissements étrangers
se sont ralentis, et l'inflation n'a pu descendre en 1998 en-dessous des 20 %.
La balance commerciale, jusqu'alors excédentaire, a été
déficitaire en 1998 et les réserves internationales ont
diminué pour la défense du peso, légèrement
déprécié par rapport au dollar.
Une nouvelle interrogation a été posée, début 1999,
par les
conséquences potentielles
pour l'économie
mexicaine
de la crise brésilienne.
Un échec du plan
d'ajustement brésilien entraînerait en effet inévitablement
un mouvement de défiance envers l'ensemble des pays de la région,
qu'il s'agisse des questions de change, des taux d'intérêt ou de
l'accès aux marchés internationaux. De tels
effets
négatifs
pourraient entraîner une nouvelle crise
financière au Mexique si le
parapluie
commercial et financier
américain
ne parvient plus à jouer, vis-à-vis de
l'économie mexicaine, son rôle d'amortisseur des effets
négatifs de la crise internationale.
Ces turbulences et cette
mauvaise conjoncture,
si elles se poursuivaient
en 1999, risqueraient en tout cas d'accélérer la montée
des déséquilibres internes et externes dus aux
faiblesses
structurelles
du modèle économique mexicain.
- Au premier rang de ces fragilités figure
la dépendance du
Mexique par rapport aux recettes pétrolières.
Celles-ci
représentent en effet environ
40 % des recettes publiques
et la
baisse considérable du cours du baril affecte directement le budget de
l'Etat.
- Il faut également relever
la détérioration des
comptes extérieurs,
dont les déficits s'accroissent, moins en
raison de la baisse des exportations de pétrole -qui ne
représentent que 11 % de l'ensemble des exportations- que de la
concurrence accrue des produits étrangers, notamment asiatiques, aux
Etats-Unis. La
dépendance extrême
du commerce
extérieur mexicain
par rapport aux Etats-Unis
explique aussi les
conséquences directes et négatives qu'aura inévitablement
sur le Mexique tout ralentissement de la croissance américaine. C'est
là la contrepartie inévitable des bénéfices de
l'ALENA qui a renforcé la sécurité des
débouchés du Mexique vers les Etats-Unis et le Canada.
- La crise de 1994 a par ailleurs laissé au Mexique un
système
bancaire fragile,
rendu vulnérable par le niveau élevé
des taux d'intérêt qui obère la capacité d'emprunts
des agents économiques. La situation des banques mexicaines est
également liée au sort réservé aux passifs de
l'organisme d'Etat ayant repris leurs créances impayées,
le
FOBAPROA
(fonds bancaire de protection de l'épargne) :
créé il y a quatre ans pour assurer, en pleine crise, la
solvabilité du système bancaire, cet organisme détenait 65
milliards de dollars de créances échues non recouvrées,
représentant 16 % du PIB ; le gouvernement a finalement obtenu du
Congrès, en décembre 1998, sa transformation en un
" institut de protection de l'épargne bancaire "
(IPEB),
qui n'a toutefois pas encore pu être mis en place.
Il est clair enfin que
les incertitudes politiques
évoquées plus haut (cf. I ci-dessus) pèsent
également sur l'économie mexicaine, dans la perspective
d'élections présidentielles très ouvertes en l'an 2000.
Dans ce contexte, le Président Zedillo avait assuré, à
l'issue de la crise de 1994, qu'à la fin de son mandat, le Mexique ne
serait pas plongé dans une nouvelle crise -comme on a pu l'observer
à plusieurs reprises dans le passé lors des successions à
la tête de l'Etat mexicain. Il a plus récemment
réitéré son souhait de laisser à son successeur une
situation assainie. Le pourra-t-il ?
L'économie mexicaine,
compte tenu de la faiblesse de ses
structures économiques et financières qui la rend
particulièrement sensible aux évolutions de la conjoncture
internationale, apparaît ainsi
capable aussi bien de spectaculaires
rebonds que de réelles rechutes.
Il semble clair, en tout cas, que les années 1999 et 2000 -jusqu'aux
élections présidentielles- resteront placées sous la signe
de l'austérité alors que le pays a besoin d'une croissance
soutenue. Pour atteindre ce résultat, le Mexique devra
consolider ses
réformes internes afin de lutter contre les faiblesses structurelles de
son économie,
qui sont les causes profondes des crises
conjoncturelles qui l'affectent périodiquement.