2. Une population jeune et métissée, aux niveaux de vie très contrastés
A la
fois actrice et fruit de cette histoire, la population mexicaine se
caractérise d'abord par sa
jeunesse
. Si la mortalité y a
été abaissée plus tôt qu'au Brésil, le taux
de fécondité n'a en effet marqué de repli au Mexique
qu'après 1970 ; le nombre moyen d'enfants par femme est toutefois
passé de six en 1950 à trois aujourd'hui.
Le
métissage
constitue une autre caractéristique majeure
de la population du Mexique, de plus en plus urbaine. L'historien Enrique
Krause a ainsi pu estimer : "
en dépit du conflit dans
l'Etat du Chiapas, le passé nous a libérés, en grande
partie, de l'antagonisme ethnique. A la différence des Etats-Unis ou du
Chili, qui ont exterminé ou mis à l'écart leurs
indigènes, ou du Pérou, où les indigènes et les
blancs ont formé deux sociétés méfiantes, on a
assisté au Mexique au phénomène persistant du
mélange racial et culturel, connu sous le nom de
métissage
".
Il demeure que plus de
huit millions d'Indiens
forment une mosaïque
de plus d'une cinquantaine de groupes linguistiques regroupés en
une
trentaine d'ethnies.
Le groupe le plus important est naturellement
constitué par
les Mayas
qui rassemblent, au sud, près d'un
million de personnes. Mais bien d'autres groupes minoritaires sont
dispersés sur le territoire, y compris dans les faubourgs de la capitale.
La population mexicaine est par ailleurs très
inégalement
répartie
sur le territoire du pays. Le noyau de peuplement le plus
ancien se situe dans la
partie centrale
du Mexique qui se distingue du
nord et du sud du pays, où les densités sont
généralement faibles -sauf dans certaines zones indigènes
au sud. Les zones rurales ont connu une évolution lente et, aujourd'hui
encore, prés de la moitié de la population des campagnes n'a pas
accès à l'électricité.
Au total, la densité moyenne de la population mexicaine est de 46
habitants au km
2
. Mais elle dépasse 5 600 habitants au
km
2
dans le district fédéral de Mexico alors qu'elle
est inférieure à 15 habitants au km
2
dans certains
Etats, comme la Basse-Californie du sud, le Chihuahua, ou le Durango.
Le Mexique a connu, depuis trois décennies, une
impressionnante
progression de sa population urbaine
, due principalement à une
industrialisation accélérée dans les années 1960.
L'immense agglomération de Mexico réunit, à elle seule,
avec 20 millions d'habitants, plus de 40 % de la population urbaine -qui
représente elle-même les trois-quarts de la population totale-,
tandis que les deux autres villes principales, Guadalajara et Monterrey,
approchent les trois millions d'habitants.
La chute de la production et de l'emploi agricoles a joué un rôle
majeur dans la puissance de ce
flux migratoire
des zones rurales
vers
les zones urbaines
. La population mexicaine est ainsi devenue plus mobile.
Environ 8 % de la population travaillent aux Etats-Unis et alimentent un
phénomène spectaculaire de franchissement quotidien de la
frontière américano-mexicaine.
La population du Mexique se caractérise enfin par
de très
grandes disparités en termes de niveaux de vie.
On estime ainsi que
5 % des Mexicains détiennent 25 % du revenu national. Par ailleurs,
l'accroissement de la part du secteur tertiaire (environ 53 % de la population
active) par rapport au secondaire (passé de 28 % en 1990 à 24 %
en 1995) et, plus encore, à l'agriculture (23 %) est très
révélateur. Près de 8 millions de Mexicains sont
enfin relégués dans un secteur tertiaire informel, principalement
urbain.
L'Etat a lancé plusieurs programmes contre la pauvreté pour
remédier à ces déséquilibres -et notamment aux
disparités entre villes et campagnes. Mais le mal est profond et la
crise n'a pu être surmontée :
la " pauvreté
extrême "
touchait 11 millions de personnes en 1984 ; elle
affecterait
aujourd'hui -estime-t-on- 26 millions d'habitants, soit
le quart de la population
mexicaine, tandis que la
" pauvreté moyenne " en toucherait encore 14 %
supplémentaires. Relever ce défi constitue bien aujourd'hui un
enjeu décisif pour un système politique mexicain désormais
en pleine mutation.
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