3. Intervention de M. Pierre RADANNE, président de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME)
M.
Pierre RADANNE
. - Tout à fait. Je vais me présenter à
vous comme quelqu'un qui est heureux de la mise en place de la TGAP, et qui
vient solliciter la sagesse sénatoriale et vous présenter le cas
de l'ADEME et l'extrapolation qu'on peut en faire sur la question des agences
de l'eau. C'est sur l'ADEME que la TGAP va porter dès l'année
1999. L'ADEME se trouvait jusqu'alors dans une situation fort difficile avec un
morcellement des taxes gérées par l'agence, donc portant sur les
déchets ménagers, sur les déchets industriels
spéciaux pour financer la dépollution des sols, sur l'air, sur le
bruit, soit donc une situation extrêmement complexe entre les taxes et
les crédits budgétaires de l'agence, et il faut bien le dire, une
bien faible solidarité entre les tutelles d'Etat.
Ce morcellement des taxes fait notamment que notre coordination avec les
agences de l'eau sur la dépollution des sols est particulièrement
insuffisante. Nous intervenons sur les sols et les agences souvent ont à
intervenir en aval sur la pollution des nappes phréatiques, on gagnerait
donc à avoir une meilleure intégration. Donc, une première
image de morcellement.
Les textes qui ont institué ces taxes étaient souvent très
rigides, ils se sont de plus accompagnés de contentieux. Mais le
Parlement n'a pas modifié ces taxes en attendant la résolution
des contentieux. Maintenant nous avons des problèmes sur quasiment
toutes les taxes et je crois que le passage d'un système parafiscal
à un régime fiscal permettrait de résoudre ce genre de
choses. La taxe sur les huiles polluées aujourd'hui fait l'objet d'un
contentieux qui vient d'être tranché par le Conseil d'Etat et ce
litige porte sur un an de fiscalité.
On a là un système qui est fort peu robuste, très lourd,
avec une visibilité politique, notamment pour le Parlement, qui est
très faible.
En plus, nous avions des échéances qui venaient
régulièrement fragiliser le dispositif. On pare les taxes
existantes de vertus qu'elles n'ont pas eues dans le passé.
L'échéance de 2002, inscrite par la loi de 1992 sur les
déchets, aboutit à un net flottement parmi les acteurs pour ce
qui concerne la politique des déchets ménagers et il est
essentiel d'introduire de la visibilité dans ce mécanisme.
Les décrets, voire les lois qui instruisaient ces taxes, comportaient
des limites sur les modes d'intervention, qui n'ont aujourd'hui plus aucun
sens. Par exemple, la loi sur les déchets nous autorisait seulement
à financer des équipements. Ce financement nous interdit de faire
de la prévention à la source, alors qu'elle figure dans le texte
de loi comme étant une des priorités. On n'a pas le droit de
faire de la recherche et de l'innovation sur les déchets industriels
spéciaux, pourtant taxés, alors qu'on peut en faire sur les
déchets ménagers qui posent beaucoup moins de problèmes en
matière technologique. Et puis, autre perversion liée à un
système qui favorisait trop fortement les aides à
l'investissement et trop faiblement l'innovation : la
rémunération du personnel de l'ADEME était au prorata des
recettes des taxes, alors que l'action normale du personnel de l'ADEME a pour
but de réduire les taxes. On était dans un mécanisme qui
introduisait une nouvelle perspective de plan social sur l'ADEME, ce qui
déstabilisait encore plus l'établissement.
Le système en vigueur à l'ADEME, d'un mélange de taxes et
de crédits budgétaires était extrêmement immature.
Je ne peux que constater que la fiscalité des agences de l'eau a 35 ans
et on comprend avec quelle force vous la défendez parce que, à
travers l'histoire, elle s'est développée. La fiscalité
dont bénéficie l'ADEME a moins de 10 ans et elle n'est pas au
même niveau de maturité. Et c'est votre soutien que je sollicite
pour qu'on améliore le système existant.
Ce qui doit persister de la période actuelle, c'est bien sûr la
gestion partenariale. J'y suis fortement attaché, à la fois pour
l'attribution des aides et pour aider l'établissement dans sa
réflexion stratégique.
Il est utile, et la TGAP en est l'outil, d'introduire une plus grande
stabilité des systèmes d'aide et une plus grande
prévisibilité pour permettre aux opérateurs de
réaliser leurs investissements, sachant que les systèmes d'aide
de l'agence changent tous les deux ans et qu'il y a des effets d'aubaine.
(Protestation de la salle).
La réalité, c'est cela et je ne fais que demander une plus grande
stabilité. Il est essentiel aussi que le système fiscal, et
l'ADEME est en avance sur les agences de l'eau, aille dans le sens d'une
maîtrise des consommations et pas seulement dans le sens d'une
dépollution. Notre métier est d'économiser
l'énergie. Celui des agences de l'eau est aussi d'économiser
l'eau, et il faut que le système pousse à l'économie d'eau.
Enfin, quels sont les éléments de stabilisation qui peuvent
être introduits pour améliorer le système au-delà
des propositions actuelles ?
Il faut intégrer la TGAP dans une logique de contrat de plan, et je
souhaite que l'Etat passe avec l'ADEME un contrat de plan sur la période
2000-2006, ce qui nous permettrait enfin d'organiser nos programmes de
recherche, les systèmes d'aide, d'en faire une diffusion davantage
démocratique pour toutes les catégories de
bénéficiaires, et d'avoir une plus grande stabilité.
Cela permettra à l'ADEME de contractualiser avec les départements
et surtout les régions, alors que cela lui est impossible aujourd'hui
pour une partie de ces taxes.
Je souhaite également qu'on puisse moderniser les modes d'intervention
financière, notamment qu'on développe des fonds de garantie et
qu'on puisse avoir des mécanismes qui déclenchent des
financements bancaires, ce que les mécanismes des taxes actuelles ne
permettaient pas de faire.
Enfin, il faut qu'on puisse s'inscrire dans une perspective d'écotaxe
européenne assise sur les consommations d'énergie.
Dernière remarque : j'envisage comme un progrès de la
démocratie que la TGAP, par son mécanisme, soit l'objet d'une
présentation devant le Parlement chaque année et je souhaite que
le Parlement ait une visibilité sur l'ensemble de l'action de l'agence,
ce qui n'est pas aujourd'hui le cas.
M. Jacques OUDIN
. - Je vous remercie de l'attention que vous portez au
Parlement. Le seul regret que certains des parlementaires présents dans
cette salle ont, c'est de n'avoir été informés que par la
presse. Sinon, nous aurions pu peut-être y réfléchir avec
vous un peu en amont, mais finalement c'est le Parlement qui aura à en
débattre.
J'ai entendu dire : " le Parlement a déjà
adopté ". Non, pas encore. L'Assemblée nationale oui, mais
elle n'est qu'une chambre au sein du Parlement.
Nous avons entendu trois témoignages qui exposaient les raisons et les
motivations qui ont conduit à cette proposition. Je demande à M.
Alain LIPIETZ, directeur de recherche au CNRS, s'il veut intervenir rapidement.
Vous avez été un des artisans de cette réflexion.
Pouvez-vous nous dire comment elle a été amorcée ?