B. L'ACCROISSEMENT DE LA CONCURRENCE SUR LES DIFFÉRENTS SEGMENTS DE LA PROTECTION SOCIALE COMPLÉMENTAIRE
Il n'y a
pas de définition légale de la protection sociale
complémentaire. Au sens large, elle désigne les avantages qui
s'ajoutent à ceux résultant de l'organisation de la
Sécurité sociale. D'un point de vue matériel, elle peut
être définie comme la couverture, dans un cadre individuel ou
collectif, des risques sociaux. D'un point de vue organique, elle est
assurée, soit par des mutuelles régies par le code de la
mutualité, soit par des institutions paritaires régies par le
code de la Sécurité sociale (institutions de prévoyance),
soit par des entreprises d'assurance régies par le code des assurances.
Le tableau ci-après recense les différents segments de la
protection complémentaire et les divers acteurs qui interviennent sur ce
marché.
Les différents segments et acteurs de la protection complémentaire
Protection complémentaire |
Type de garantie |
Cadre juridique |
Principaux risques couverts |
Institutions gestionnaires |
Autorité de contrôle |
Légalement obligatoire |
Contrat collectif |
Conventionnel et exceptionnellement réglementaire |
Retraite complémentaire par répartition |
Institutions de retraite complémentaire adhérant aux fédérations AGIRC et ARRCO |
Ministre et IGAS |
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Institutions de retraite complémentaire n'adhérant pas aux fédérations AGIRC et ARRCO |
Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP) |
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Mensualisation (1) |
Institutions de prévoyance, Mutuelles |
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Entreprises d'assurances |
Commission de contrôle des assurances (CCA) |
Conventionnellement obligatoire |
Contrat collectif |
Conventionnel, ou accord d'entreprise, ou ratification (L911-1) ou décision unilatérale de l'employeur |
Retraite supplémentaire par capitalisation, maladie et autres risques de prévoyance (2) |
Institutions de retraite
supplémentaire
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CCMIP |
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Entreprises d'assurance |
CCA |
Facultative |
Contrat individuel ou collectif à adhésion facultative |
Adhésion ou contrat individuel |
Retraite supplémentaire par capitalisation, maladie |
Institutions de prévoyance
|
CCMIP |
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et autres risques de prévoyance (3) |
Entreprises d'assurance |
CCA |
(1)
Le risque " mensualisation " correspond à l'obligation de
maintien de salaire en cas de maladie ou d'accident de travail. Le
salarié concerné reçoit, en complément des
prestations en espèces de la sécurité sociale, un
pourcentage de sa rémunération pendant une période
limitée et variable en fonction de l'ancienneté dans
l'entreprise. Ce risque, obligatoire pour les entreprises, est régi par
la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 ou par des conventions collectives
ou des accords d'entreprise s'ils sont plus favorables que la loi.
(2) L'article L 91-2 du code de la sécurité sociale donne une
définition de ces risques :
" ...la couverture du risque
décès, des risques portant atteinte à
l'intégrité physique de la personne ou liés à la
maternité, des risques d'incapacité de travail ou
d'invalidité, des risques d'inaptitude et du risque
chômage... "
(3) Les institutions de retraite supplémentaire doivent, depuis la
loi du 8 août 1994, poursuivre leurs engagements postérieurs
à la date de publication de la loi.
1. La suppression des cloisonnements
Les
institutions de prévoyance
18(
*
)
ou de retraite complémentaires
(ou supplémentaires) ont longtemps bénéficié d'un
monopole de droit sur les opérations complémentaires collectives.
En réalité, les incertitudes du droit avaient rendu ce monopole
tout à fait théorique.
En effet, depuis 1947, les mutuelles du code de la mutualité ont la
faculté de gérer la part obligatoire des prestations d'assurance
maladie servies par le régime général aux salariés
et aux fonctionnaires. La loi du 23 septembre 1948 a ainsi confié
aux mutuelles d'étudiants la gestion des prestations obligatoires pour
les étudiants.
Puis, en 1985, le nouveau code de la mutualité a ouvert aux mutuelles la
possibilité d'intervenir sur le segment de la protection collective,
introduisant ainsi une dérogation, tant au principe du monopole des
institutions de prévoyance, qu'à celui de la liberté
d'adhésion individuelle mutualiste.
Enfin, l'article 1
er
de la loi n° 89-1009 du 31
décembre 1989, modifié par la loi n° 94-678 du 8
août 1994 a ouvert l'activité de prévoyance
collective
19(
*
)
aux entreprises
d'assurance régies par le code des assurances et confirmé la
possibilité d'intervention des mutuelles du code de la mutualité
dans ce domaine.
A l'inverse, les institutions de prévoyance sont amenées
désormais à accepter des adhésions individuelles
puisqu'elles doivent proposer la poursuite des contrats à leurs membres
participants quand ils sortent du champ d'application des couvertures
collectives obligatoires (notamment lors du départ à la retraite).
Cette évolution est accentuée avec la transposition des
directives européennes d'assurance dans le code de la
sécurité sociale pour les institutions de
prévoyance.
2. Une concurrence accrue sur le segment de la protection complémentaire maladie
La
suppression des barrières institutionnelles dans un contexte de
croissance du marché se traduit par une concurrence accrue, notamment
sur le marché de la couverture complémentaire maladie qui se
développe sur longue période par extension du nombre de personnes
bénéficiant d'une couverture complémentaire, comme
l'indique le tableau ci-après.
Ce mouvement s'est accentué sur une période récente en
raison du plafonnement puis de la diminution de la prise en charge des
dépenses par la Sécurité sociale : création du
secteur 2 pour les médecins libéraux, niveau limité du
tarif de responsabilité, création du forfait hospitalier,
augmentation du ticket modérateur.
En 1994, 83 % de la population bénéficiaient d'une
couverture complémentaire maladie (contre 49 % en 1970 et 69 %
en 1980), obtenue soit par la souscription de contrats individuels, soit par le
biais de la prévoyance collective des entreprises.
Le marché de l'assurance maladie complémentaire
représentait ainsi un volume d'affaires de 81 milliards de francs en
1996, soit 11,5 % du total des dépenses de santé. Ces
dépenses, estimées à 705 milliards de francs, sont
financées à 73 % par la sécurité sociale (un
des plus faibles taux d'Europe), une part de 15 % restant à la
charge des ménages ou de l'Etat.
Ainsi, les institutions de prévoyance ont vu le volume de leurs
cotisations croître de 106 % en francs courants entre 1986 et 1991.
De même, les mutuelles ont vu leur activité se renforcer au cours
des années quatre-vingt : en matière de soins, qui
constituent 93 % de leur activité, alors que la consommation
médicale a augmenté de 48 % entre 1980 et 1990 et les
remboursements de la Sécurité sociale de 44 %, les
remboursements mutualistes se sont accrus de 82 %.
Ces évolutions se sont traduit par des restructurations importantes dans
le secteur mutualiste. Le graphique ci-après illustre le mouvement de
fusion et de dissolution qui a affecté ce secteur depuis vingt ans. Ce
sont en effet près de 2.700 sociétés mutualistes qui ont
disparu entre 1973 et 1993.
Aujourd'hui, les 5.780 mutuelles du code de la mutualité
détiennent 61,66 % marché de la protection sociale
complémentaire contre 29,6 % pour les assureurs du code des
assurances et 8,7 % pour les institutions de prévoyance.
La concurrence se traduit également par des incursions de chaque secteur
institutionnel dans les autres : par exemple, création d'une
mutuelle ou d'une institution de prévoyance par une
société d'assurance ou inversement.