la situation et les perspectives du secteur des assurances en France.
LAMBERT (Alain)
RAPPORT D'INFORMATION 45 (98-99), Tome 1, 1ere Partie - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
- AVANT-PROPOS
- CHAMP D'INVESTIGATION
- INTRODUCTION
-
CHAPITRE PREMIER
LA BONNE SANTÉ APPARENTE DE L'ASSURANCE FRANÇAISE MASQUE SA VULNÉRABILITÉ STRUCTURELLE- I. UNE BONNE SANTÉ APPARENTE
- II. UNE PRESSION CONCURRENTIELLE INTENSE
-
III. UN ACCROISSEMENT DE LA VULNÉRABILITÉ DES ACTEURS
- A. DES ACTEURS STRUCTURELLEMENT FRAGILES
- B. UNE VULNÉRABILITÉ ACCRUE
-
C. UNE CONCENTRATION PÉRILLEUSE
- 1. La course à la part de marché remplace le souci de rentabilité
- 2. Au delà d'un certain seuil, les regroupements sont contre-productifs
- 3. Les restructurations bousculent les agents généraux2323 Voir article d'Olivier Piot, " Les restructurations dans l'assurance bousculent les agents généraux " Le Monde du mercredi 9 septembre 1998.
-
CHAPITRE II
LA PERSISTANCE DE FACTEURS DE VULNÉRABILITÉ COMPORTE DES RISQUES POUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE-
I. LE DÉCLOISONNEMENT DES MARCHÉS S'ACCOMODE MAL DE LA
PERSISTANCE DE CONDITIONS D'EXERCICE HÉTÉROGÈNES
- A. LE RÉGIME SPÉCIAL DES MUTUELLES DU CODE DE LA MUTUALITÉ
- B. LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'ASSURANCE PAR LA POSTE ET LE TRÉSOR PUBLIC
- C. DES RESTRICTIONS DE CONCURRENCE : LE CAS DE CERTAINS RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES
- II. L'ENVIRONNEMENT FISCAL ET RÉGLEMENTAIRE FRANÇAIS EST HANDICAPANT
- III. DES RISQUES POUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE DANS UN ENVIRONNEMENT DE PLUS EN PLUS CONCURRENTIEL
-
I. LE DÉCLOISONNEMENT DES MARCHÉS S'ACCOMODE MAL DE LA
PERSISTANCE DE CONDITIONS D'EXERCICE HÉTÉROGÈNES
-
CHAPITRE III
L'ADAPTATION DE L'ASSURANCE FRANÇAISE À LA MUTATION DES MARCHÉS PASSE PAR DES RÉFORMES INDISPENSABLES- I. SUPPRIMER LES HANDICAPS FISCAUX PESANT SUR L'ASSURANCE FRANÇAISE
-
II. HARMONISER LES CONDITIONS D'EXERCICE DU MÉTIER DE L'ASSURANCE
- A. TRANSPOSER LES 3ÈMES DIRECTIVES AUX MUTUELLES DE LA MUTUALITÉ
- B. HARMONISER LES RÈGLES FISCALES ENTRE SOCIÉTÉS EXERÇANT LE MÉTIER DE L'ASSURANCE
- C. FACILITER LES CHANGEMENTS DE STATUT DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES VERS LES SOCIÉTÉS DE CAPITAUX
- D. CANTONNER STRICTEMENT LES ACTIVITÉS DE DISTRIBUTION DE PRODUITS D'ASSURANCE PAR LA POSTE ET PAR LE TRÉSOR PUBLIC
- E. HARMONISER ET OUVRIR À LA CONCURRENCE LES RÉGIMES D'ÉPARGNE RETRAITE COMPLÉMENTAIRE
- III. PRIVILÉGIER LE CONTRÔLE POUR LIMITER LE RECOURS À LA GARANTIE
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
-
CONTRIBUTION PRESENTEE PAR M. MARC MASSION
AU NOM DU GROUPE SOCIALISTE - ANNEXES
-
ANNEXE 1
COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA SITUATION ET LES PERSPECTIVES
DU SECTEUR DES ASSURANCES EN FRANCE -
ANNEXE 2
AUDITIONS REALISEES
PAR LA COMMISSION DES FINANCES
N° 45
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999
Annexe au procès verbal de la séance du 29 octobre 1998.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la Nation (1),
sur
la situation et les perspectives du secteur des assurances en France .
TOME I
Par M. Alain LAMBERT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.
Assurances.
AVANT-PROPOS
Après s'être penchée sur la santé du
secteur bancaire en 1996 et révélé à cet occasion
la crise profonde qu'il traversait, la Commission des finances du Sénat
a estimé utile de continuer ses investigations dans le secteur des
assurances également grand pourvoyeur de fonds pour l'économie
française.
Elle a en conséquence décidé, le 3 juillet 1997, de
créer en son sein, un groupe de travail chargé d'étudier
la situation et les perspectives de l'assurance française.
Ce groupe de travail, installé le 4 mars 1998, est composé
de MM. Alain Lambert, président, Yann Gaillard, Paul Loridant,
vice-présidents, Denis Badré, Roland du Luart, Philippe Marini,
Marc Massion et Henri Collard
1(
*
)
.
Le présent rapport est le fruit des travaux de ce groupe. Il a pour
objet d'éclairer la Haute Assemblée sur les forces et les
faiblesses de l'assurance française, afin de lui permettre de poursuivre
sa croissance dans un contexte de plus en plus concurrentiel.
Le groupe de travail a procédé à l'audition des
personnalités représentatives des trois grands types d'acteurs
qui interviennent sur le marché de l'assurance, de leurs
autorités de contrôle ainsi que d'un grand nombre de
représentants d'organisations professionnelles et syndicales. La liste
des personnes auditionnées et le compte rendu de ces auditions figure en
annexe au présent rapport.
Comme en 1996, la commission des finances a fait appel au Commissariat
Général du Plan et saisi le Conseil de la concurrence, sur le
fondement de l'article 5 de l'ordonnance du 12 janvier 1986. Leurs deux
rapports sont reproduits intégralement en annexe de ce rapport.
La commission des finances a adopté le 29 octobre 1998 les conclusions
du présent rapport d'information et autorisé sa publication. L'un
des membres du groupe de travail a souhaité voir publiées ses
appréciations spécifiques. Cette contribution ainsi que le compte
rendu des débats en commission, sont consignés dans le
présent document.
CHAMP D'INVESTIGATION
L'élaboration d'un rapport d'information sur
l'assurance se
heurte d'emblée au problème de la définition du champ de
l'investigation. Le problème résulte, d'une part, de la nature
évolutive de la notion d'assurance
2(
*
)
,
mais aussi de la multiplicité et de
l'hétérogénéité des acteurs qui
interviennent sur les différents segments qui la composent.
Pour éviter confusions ou amalgames, il apparaît opportun de
donner quelques définitions. Le groupe de travail a d'abord
cherché à s'intéresser aux différents
marchés et métiers de l'assurance. Il s'est ensuite
attaché à connaître les multiples acteurs qui interviennent
sur ces marchés pour tenter de clarifier ce secteur complexe.
I. DÉFINITIONS DE L'ASSURANCE
Selon le
rapport du Conseil de la concurrence
3(
*
)
,
l'assurance est généralement définie comme
l'opération par laquelle une personne,
l'assureur
, s'engage
à exécuter une prestation au profit d'une autre personne,
l'assuré
, en cas de réalisation d'un
événement aléatoire, le
risque
, en contrepartie du
paiement d'une somme, la prime ou cotisation.
Le Commissariat Général du Plan
4(
*
)
rappelle quant à lui, que le savoir-faire fondamental de l'assureur
réside dans la transformation d'un ensemble de risques individuels et
aléatoires de pertes en un savoir approximativement certain de perte
mutuelle à attendre, permettant de proportionner la prime perçue
à la valeur moyenne estimée du sinistre ou du
dédommagement.
Il faut rappeler enfin que l'opération d'assurance a ceci de particulier
que les primes sont perçues avant que les charges soient payées,
l'intervalle entre les deux pouvant durer un grand nombre d'années.
Pendant ce temps, l'assureur investit l'argent, moyennant un certain nombre de
règles de prudence, afin d'être en mesure de dédommager les
assurés le moment venu.
Au total,
la technique assurantielle réside dans la mutualisation des
risques
, c'est-à-dire une division du coût des
conséquences de sa survenue entre plusieurs.
A ce stade, les définitions évoquées ci-dessus sont
suffisamment larges pour inclure dans le champ de l'assurance les
régimes de sécurité sociale obligatoires qui ne seront
pourtant pas traités dans le présent rapport.
Pour autant, la distinction entre assurances obligatoires et assurances
facultatives n'apparaît pas satisfaisante pour délimiter le champ
d'application du présent rapport dans la mesure où certaines
assurances obligatoires, comme l'assurance automobile ou l'assurance
habitation, seront incluses dans les développements qui suivent.
Il apparaît dès lors plus adéquat de prendre pour
critère de délimitation celui de la
concurrence
ou du
marché
: ne seront abordés dans ce rapport que les
marchés de l'assurance sur lesquels une concurrence s'exerce entre
différents acteurs afin de préserver la liberté de
l'assuré quant au choix de son assureur. A l'inverse, seront
écartés du champ du rapport les risques assurés par des
prélèvements obligatoires.
II. CLASSIFICATION DE L'ASSURANCE
Les
directives européennes distinguent deux branches principales au sein du
secteur de l'assurance : la
branche vie
(assurances vie,
décès, bons de capitalisation, fonds de retraite) et la
branche non-vie
.
Cette distinction recoupe la distinction traditionnelle entre assurance-vie et
assurance dommages (ou IARD pour Incendie Automobile et Risques Divers) qui
coïncide elle-même à peu près avec la classification
habituelle de la profession entre
assurance de personnes
et
assurance
des biens
. Il suffit en effet d'ajouter l'assurance santé à
l'assurance vie pour aboutir à l'assurance de personnes.
Le tableau ci-après synthétise les différents segments de
l'assurance.
Assurance des personnes |
Assurance (dommages) de biens
|
Assurance vie
|
Assurance automobiles
|
III. DESCRIPTION DES ACTEURS
La
description du monde de l'assurance relève de la gageure tant ce monde
est complexe. Pour être le produit d'une longue histoire, comme le
relève le Commissariat Général du Plan
5(
*
)
, cette complexité n'en demeure pas moins
problématique tant au regard d'une bonne législation que d'une
bonne compréhension. Comment, en effet, légiférer
clairement dans un " Orient aussi compliqué " ? Et si le
législateur ne s'y retrouve pas, que dire des assurés ?
Il est possible de distinguer les sociétés qui composent
l'ensemble du secteur de l'assurance en fonction du régime juridique et
du contrôle dont elles relèvent. Le paysage de l'assurance
française est alors composé de trois grands sous-ensembles.
Peuvent effectuer des opérations d'assurance, d'une part, les
entreprises d'assurance (sociétés commerciales ou
sociétés d'assurance mutuelles) régies par le code des
assurances, d'autre part, les mutuelles régies par le code de la
mutualité ou le code rural et, enfin, les institutions de
prévoyance régies par le code de la sécurité
sociale.
Néanmoins, tous ces acteurs n'interviennent pas sur tous les
marchés de l'assurance, même si les cloisonnements ont tendance
à s'effacer progressivement. En effet, c'est essentiellement sur le
terrain de la protection sociale complémentaire que les mutuelles du
code de la mutualité et les institutions de prévoyance sont en
concurrence avec les autres entreprises d'assurance. Les institutions de
prévoyance interviennent essentiellement dans le domaine de la
prévoyance collective, alors que l'essentiel du chiffre d'affaires des
mutuelles du code de la mutualité est réalisé sur le
segment de la couverture maladie complémentaire.
Les institutions de prévoyance ou de retraite complémentaires
Les
institutions de prévoyance ou de retraites complémentaires sont
définies comme des personnes morales de droit privé ayant un but
non lucratif, administrées par les partenaires sociaux. Elles sont
constituées sur la base d'une convention collective, d'un accord
d'entreprise ou d'un accord entre des membres adhérents et des membres
participants. Elles relèvent du code de la sécurité
sociale (Livre IX) ou du code rural (article 1050) pour celles qui
interviennent dans le secteur agricole. Le code de la Sécurité
sociale prévoit que les représentants des salariés doivent
constituer au moins la moitié des instances, mais dans la
réalité, c'est le caractère paritaire qui s'est
imposé.
A l'origine, ces institutions de retraite se sont principalement mises en place
pour gérer les régimes complémentaires (puis
supplémentaires) de retraite ainsi que pour reprendre les
activités des caisses patronales de prévoyance qui
prééxistaient à l'institution de la Sécurité
sociale.
Puis, les institutions paritaires ont été amenées
progressivement à créer des régimes de prévoyance
complémentaire, couvrant d'autres risques que la vieillesse.
Selon les cas, l'ensemble de ces régimes (retraite et prévoyance)
étaient gérés par la même institution ou par deux
institutions séparées. Depuis la loi du 31 décembre 1989,
ces institutions ont été conduites à distinguer plus
nettement dans leurs comptes les opérations de prévoyance. La loi
n° 93-121 du 27 janvier 1993 portant diverses mesures d'ordre social
a conduit à une clarification juridique plus grande, en distinguant les
institutions de retraite des institutions de prévoyance, et en imposant
une obligation de séparation d'ici le 1
er
juillet 1994.
Enfin, la loi du 8 août 1994 a entériné ces
évolutions en distinguant trois grands types d'institutions
paritaires :
- les institutions de retraite complémentaire, qui gèrent les
régimes complémentaire de retraite complémentaire
obligatoire par répartition, dont la plupart font l'objet d'une
compensation interprofessionnelle au sein de l'AGIRC ou de l'ARRCO ;
- les institutions de retraite supplémentaire (IRS) qui gèrent
des régimes collectifs de retraite par capitalisation, notamment dans
les entreprises publiques et dans le secteur pétrolier (on en
dénombrait 125 fin 1995) ;
- les institutions de prévoyance qui gèrent des risques et
engagements liés à la personne humaine, autres que la retraite
par répartition. On en comptait 87 au 31 décembre 1996.
Seuls ces deux derniers types d'institution réalisent des
opérations entrant dans le champ de l'assurance et sont soumises au
contrôle de la Commission de contrôle des mutuelles et des
institutions de prévoyance (CCMIP).
Précisons enfin que pour exercer leur activité, les institutions
de prévoyance doivent avoir obtenu un agrément
délivré par le ministre chargé de la
Sécurité sociale, agrément subordonné à la
constitution préalable d'un fonds d'établissement.
Par ailleurs, la confusion est souvent faite entre les
sociétés d'assurance mutuelles régies par le code des
assurances et les mutuelles du code de la mutualité - également
appelées mutuelles " 45 "
. Elles n'ont pourtant qu'un seul
point commun : gouvernées par l'esprit et le mode d'organisation
mutualiste
6(
*
)
, elles sont sans capital social et
ne peuvent distribuer à leurs membres leurs excédents
éventuels.
Car, en réalité, tout les distingue : champ d'intervention,
régime législatif, autorité de contrôle et
même mode de traitement des adhérents. Au demeurant, le terme
" mutuelle " est protégé par l'article L. 122-3 du
code de la mutualité qui oblige les organismes relevant du code des
assurances à associer au terme de " mutuelle " celui
" d'assurance " pour bien établir la distinction.
Ainsi, les sociétés d'assurance mutuelles (SAM), qui
interviennent principalement dans le domaine de
l'assurance de dommages
,
sont régies par le code des assurances et soumises au contrôle de
la commission de contrôle des assurances (CCA). Elles obéissent
aux dispositions des directives européennes d'assurance
7(
*
)
et notamment au
principe de
spécialisation
énoncé aux articles 8 de ces
directives, selon lequel elles doivent limiter leur objet social à
l'activité d'assurance et aux opérations qui en découlent
directement, à l'exclusion de toute autre activité commerciale.
Les 195 sociétés d'assurance mutuelles (SAM) se subdivisent
en :
-
Sociétés d'assurance mutuelles sans
intermédiaires
, souvent appelées MSI (telles que la
MACIF
8(
*
)
, la MAIF
9(
*
)
, la MAAF
10(
*
)
etc.)
regroupées professionnellement au sein du GEMA (Groupement des
entreprises mutuelles d'assurance) ; ce dernier regroupe 15 millions de
sociétaires ;
-
SAM avec intermédiaires
, telles que les Mutuelles du Mans ou le
groupe Azur, rattachées professionnellement au ROAM (Réunion des
organismes d'assurance mutuelles), proche de la FFSA ;
- et
SAM agricoles
,
locales ou professionnelles
(telles que
Groupama qui est historiquement la première SAM) et que
fédère l'AREMPA.
Les mutuelles " 45 " relèvent quant à elles, comme leur
nom l'indique, du code de la mutualité, interviennent dans le domaine de
la
protection sociale complémentaire
11(
*
)
et sont soumises au contrôle de la Commission
de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance
(CCMIP).
Par ailleurs, à la différence des SAM, qui perçoivent des
primes en rapport avec des risques, les MCM peuvent percevoir des cotisations
proportionnelles aux revenus, comme le font les mutuelles de fonctionnaires.
Enfin, en l'absence de transposition des directives européennes dans le
code de la mutualité, elles n'obéissent pour l'instant pas aux
dispositions européennes.
Le monde de la mutualité " 45 "
Les
mutuelles les plus importantes sont celles qui regroupent, à
l'échelon national, des fonctionnaires d'un même secteur (Mutuelle
générale de l'éducation nationale, Mutuelle
générale des PTT, Mutuelle nationale des hospitaliers et des
personnels de santé, Mutuelle générale du personnel des
collectivités locales, etc.). D'autres sont constituées à
l'échelon local et peuvent se regrouper dans des unions
départementales. Le mouvement mutualiste est également important
dans le secteur privé, avec des mutuelles d'entreprises, regroupant les
salariés appartenant à une même entreprise, ou des
mutuelles constituées sur une base professionnelle ou
interprofessionnelle.
Les mutuelles peuvent constituer entre elles des
unions
,
elles-mêmes susceptibles de se regrouper en
fédérations
. Ces groupements ont notamment pour objet de
gérer les réalisations sociales communes aux mutuelles
adhérentes, et de leur permettre de se réassurer.
Le terme de
groupement
utilisé pour désigner les
mutuelles, les unions et les fédérations rappelle leur
appartenance à l'économie sociale aux côtés des
associations et des coopératives.
Le remboursement complémentaire à celui du régime
d'assurance maladie obligatoire constitue l'activité principale des
mutuelles (environ 70 % du chiffre d'affaires total des mutuelles). Les
groupements mutualistes qui proposent en outre la couverture des risques
accident, invalidité, vie-décès et vieillesse, ainsi que
le service de prestations au delà d'un an doivent, sauf si ces
activités restent accessoires, constituer en leur sein une
caisse
autonome mutualiste
, seul groupement mutualiste habilité à
gérer les risques à long terme, ou transférer à la
Caisse nationale de prévoyance la gestion de ces risques (article
L. 321-1 du code de la mutualité). Ces caisses n'ont pas de
personnalité juridique distincte de celle de la mutuelle fondatrice,
mais tiennent une comptabilité complètement séparée.
Certaines mutuelles proposent également des services associés
à la couverture des risques (" réalisations sanitaires et
sociales " ou "
oeuvres sociales
") : elles
gèrent des établissements de soins, des centres dentaires et
d'optique, des pharmacies, des maisons de retraite, etc. Ces
établissements n'ont pas de personnalité juridique propre.
Au total, on comptait
5.780 groupements mutualistes
en 1995 (derniers
chiffres disponibles), dont
4.500 protégeaient moins de 3.501
personnes
et ne géraient pas d'oeuvres sociales. Il y avait 343
unions ou fédérations et 89 caisses autonomes mutualistes.
Les petites mutuelles protégeant moins de 3.501 personnes ne sont en
fait contrôlées par aucune autorité de tutelle. Les
mutuelles servant jusqu'à 150 millions de francs de prestations par an
sont contrôlées par les préfets de régions au
travers des directions régionales de l'action sanitaire et sociale
(DRASS). De sorte que 115 groupements seulement sont soumis au
contrôle direct de la CCMIP.
L'organisme le plus représentatif du monde de la mutualité est la
Fédération nationale des mutuelles de France (FNMF) qui regroupe
environ 80 % des mutuelles, qui protègent 30 millions de personnes.
Par ailleurs, les mutuelles de fonctionnaires, qui représentent 4,2
millions d'adhérents, sont fédérées et
représentées par la Mutualité fonction publique (MFP).
Enfin, les mutuelles interprofessionnelles, qui représentent un nombre
d'adhérents double de celui de la MFP, sont représentées
par la Fédération nationale de la mutualité
interprofessionnelle (FNMI).
Enfin, une confusion a souvent lieu, dans le public, entre les organismes
mutualistes et les organismes de Sécurité sociale. Elle a trait
au fait que d'importantes mutuelles - 167 au total -, notamment dans la
fonction publique, gèrent des régimes obligatoires de
Sécurité sociale, soit comme centres correspondants, ou comme
sections locales, pour le régime général, soit comme
organismes conventionnés dans le cadre du régime des travailleurs
non salariés ou du régime agricole, soit enfin comme
gestionnaires des régimes spéciaux. C'est notamment le cas de la
MGEN et de la MNEF. Elles sont rémunérées à ce
titre par des " remises de gestion " versées par les caisses
primaires d'assurance maladie.
INTRODUCTION
L'assurance est un des fleurons de l'économie
française. Elle paraît afficher une belle santé
financière.
Pourtant, l'examen attentif réalisé par la commission des
finances, avec le concours du Conseil de la concurrence et du Commissariat
général du plan, révèle des facteurs de
vulnérabilité, qui se sont traduits, notamment, par la
quasi-disparition de trois acteurs majeurs de l'assurance française.
Aujourd'hui, à quelques exceptions près, les compagnies
d'assurance françaises ne disposent pas des fonds propres
nécessaires à l'affirmation de leur présence sur les
marchés tiers et aux prises de participation dans un secteur de
l'assurance européen qui se restructure en prévision de
l'entrée en vigueur de l'euro. D'un statut de prédateur, elles
sont devenues les proies.
Par ailleurs, dans un marché de la couverture du risque, qui s'unifie du
point de vue des produits distribués et où la compétition
fait rage en France et de plus en plus sur le plan international, s'affrontent
des entreprises qui forment une mosaïque de statuts, de fiscalités,
de régimes juridiques et de modes de contrôles différents.
Les différences sont saines lorsqu'elles tiennent à la culture,
à la sensibilité ou à la philosophie du risque, de sa
prévention et de sa réparation.
Elles le sont moins lorsqu'elles entraînent des conditions d'exercice
différentes pour un même métier livré à la
concurrence.
Enfin, les compagnies d'assurance françaises évoluent dans un
marché européen dont la monnaie unique accélérera
l'intégration. Or, des spécificités fiscales et
réglementaires françaises lestent leur
compétitivité. Là aussi, il convient d'assurer à
nos champions nationaux l'environnement le plus propice à leur
développement.
Une fois les règles du jeu harmonisées, l'avenir des assureurs
leur appartiendra.
CHAPITRE PREMIER
LA BONNE SANTÉ APPARENTE DE
L'ASSURANCE FRANÇAISE MASQUE SA VULNÉRABILITÉ
STRUCTURELLE
I. UNE BONNE SANTÉ APPARENTE
A. UN CHIFFRE D'AFFAIRES EN FORTE CROISSANCE GRÂCE AU DÉVELOPPEMENT REMARQUABLE DE L'ASSURANCE-VIE
Quatrième marché mondial de l'assurance avec un
chiffre d'affaires global de plus de 1 000 milliards de francs, la France
occupe aujourd'hui le premier rang européen en assurance vie et le
deuxième en assurance de dommages.
Le tableau ci-après retrace la très forte croissance du chiffre
d'affaires de l'assurance française, passé de 186 milliards de
francs en 1982 à 1 097 milliards de francs en 1997.
C'est pour l'essentiel la remarquable croissance de l'assurance-vie qui
explique cette progression comme l'illustre le graphique ci-après.
Ainsi, alors que l'assurance-vie ne représentait que 25 % du
chiffre d'affaires total des compagnies d'assurance en 1963 (3 milliards de
francs sur 12), elle en représente aujourd'hui plus de 49 %. Elle
recueille 70 % des flux de placements financiers et constitue 20,8 %
de l'encours total des placements financiers des ménages. Le montant
annuel moyen consacré par habitant à l'assurance-vie est ainsi
passé de 1 200 francs en 1983 à 7 140 francs en 1995.
En 1997, avec 538 milliards de francs de primes collectées,
l'assurance-vie représentait 66 % du chiffre d'affaires
réalisé en France par les sociétés d'assurance
françaises alors que l'assurance dommages (y compris dommages corporels)
est un marché saturé avec 272 milliards de francs de primes.
Les assurances de personnes qui incluent, outre l'assurance-vie, l'assurance
santé et l'assurance contre les dommages corporels non automobile,
représentent aujourd'hui 75 % des cotisations contre 40 % en
1982. A l'inverse, les assurances de dommages ne constituent plus que 25 %
des cotisations d'assurance contre 60 % en 1982.
Le chiffre d'affaires réalisé à l'étranger par les
filiales de groupes français s'élève, par ailleurs,
à 258 milliards de francs, réalisé à 65 % en
Europe, à 24 % en Amérique du Nord et à
7 % en Océanie.
Le tableau suivant illustre les parts respectives de la France et de
l'étranger dans l'évolution de l'assurance française :
B. UNE EXCELLENTE PÉNÉTRATION
Deux
indicateurs permettent de mesurer le développement des marchés
d'assurance : la densité d'assurance (primes par habitant) et la
pénétration de l'assurance (part des primes d'assurance dans le
PIB).
A la lumière de ces indicateurs, l'assurance française
connaît un niveau de développement tout à fait comparable,
voire supérieur à celui des autres grands pays de l'OCDE,
à l'exception du Japon et de la Suisse. Mais, alors qu'une
corrélation peut être établie dans ces deux pays entre la
place de l'industrie de l'assurance privée et le faible niveau de
protection sociale publique, le résultat français est d'autant
plus remarquable que le système de protection sociale national assure
à la population une relative sécurité.
C. UNE IMPORTANCE DÉCISIVE DANS LE FINANCEMENT DE L'ÉCONOMIE
L'encours des placements
de l'assurance
française a
doublé tous les sept ans depuis quatorze ans : il est ainsi
passé de 410 milliards de francs en 1984 à 1 231 milliards
de francs en 1990 et à
3 712 milliards de francs
en
1997
. En valeur de marché, l'encours total des placements est
estimé à 4 085 milliards de francs en 1997, soit un montant
de plus-values latentes évalué à 373 milliards de francs
contre 282 milliards en 1996. Cette évolution renforce la
solvabilité des sociétés d'assurance.
Le graphique ci-après retrace l'évolution de l'encours des
placements depuis 1993 en distinguant assurance-vie et assurance dommages.
Le flux net de placements atteint 531 milliards de francs en 1997 contre 528
l'année précédente. Il a évolué comme
suit :
Ce flux, en valeur de bilan
12(
*
)
, se
décompose de la manière suivante : 71,6 % de placements
obligataires, 16,7 % d'actions, 1,7 % de prêts, 3,6 % de
titres de créances négociables et -0,8 % d'immobilier.
En stock, la structure des placements est la suivante :
Encadrée par la réglementation prudentielle, la gestion de leurs
placements se situe au coeur des sociétés d'assurance, les actifs
qu'elles détiennent constituant la contrepartie des engagements qu'elles
ont contractés à l'égard de leurs assurés.
L'activité financière des compagnies d'assurance contribue ainsi
aux performances des contrats d'assurance, aux résultats des
sociétés d'assurance et à leur solvabilité. Par
l'importance des placements nouveaux effectués chaque année, le
secteur de l'assurance apporte une contribution décisive au financement
de l'économie.
Ainsi, fin 1996, les placements nouveaux ont représenté
32,4 % de l'investissement national. Les sociétés
d'assurance détenaient en direct 6 % de la capitalisation
boursière de l'indice SBF 250. L'encours obligataire hors titres de
créances négociables correspond à environ 46 % de la
capitalisation des obligations françaises.
Selon le Conseil national du crédit et du titre (CNCT), le flux des
financements fournis par les sociétés d'assurance (144,4
milliards de francs en 1996) est devenu très proche de celui provenant
des établissements de crédit (153,6 milliards de francs). Le taux
d'intermédiation des sociétés d'assurance est passé
de 12,7 % en 1995 à 17,8 % en 1996, notamment du fait du
succès des produits d'assurance vie qui leur a fourni d'abondantes
ressources et du désintérêt relatif pour l'investissement
immobilier qu'a suscité les placements ou les titres obligataires.
L'assurance vie joue un rôle particulièrement déterminant.
Les opérations d'assurance vie et de capitalisation, qui correspondent
à des engagements de moyen et de long terme, entraînent en effet
la constitution de provisions importantes et en croissance. Les actifs de
l'assurance vie représentent ainsi 86 % de l'encours total et
92,1 % des placements nouveaux.
D. UNE SOLVABILITÉ TRÈS SUPÉRIEURE AU MINIMUM RÉGLEMENTAIRE
Le
livre III du code des assurances définit un ensemble de normes
prudentielles et comptables que doivent respecter les entreprises d'assurance,
destinées à faire en sorte que celles-ci soient toujours en
mesure de tenir leurs engagements envers les assurés et à
contrôler la situation réelle des entreprises.
C'est ainsi que doivent figurer au bilan des entreprises d'assurance des
provisions techniques suffisantes pour le règlement intégral de
leurs engagements vis-à-vis des assurés. Les principales
provisions sont, en assurance de dommages, la provision pour sinistres à
payer et la provision pour risques en cours et, en assurance sur la vie, la
provision mathématique (différence entre les valeurs actuelles
des engagements respectivement pris par l'assureur et par les assurés).
Ces provisions techniques et les autres engagements réglementés
doivent, à toute époque, être couverts par des actifs
équivalents (article R.332-1 du code des assurances). Le choix des
placements doit obéir à des règles de
sécurité, de dispersion et de liquidité.
Le cadre prudentiel et comptable des sociétés d'assurance
Dans le
domaine comptable, deux séries de dispositions conduisent à
retenir un évaluation prudente des actifs gérés par les
sociétés d'assurances. D'une part, les actifs sont
comptabilisés dans le bilan à leur valeur d'acquisition, la
valeur de marché apparaissant sur des états annexes que toute
société d'assurances doit obligatoirement établir.
D'autre part, certaines provisions doivent être constituées
lorsque les actifs recèlent des moins-values latentes (valeur de
réalisation éventuelle inférieure à la valeur
d'acquisition nette d'amortissement ou de dépréciation) :
- provision globale (provision pour risque d'exigibilité des engagements
techniques) lorsque l'ensemble des placements autres qu'obligataires est en
moins-value ;
- provision ligne à ligne pour chaque actif dont la
dépréciation est durable (pour les actions et les biens
immobiliers) ou en cas de risque de défaillance du débiteur (pour
les obligations).
Sur le plan prudentiel, les placements sont soumis à des règles
de répartition, de dispersion et de congruence, dont l'objet est de
diviser les risques et de supprimer le risque de change.
Ils doivent couvrir
à tout moment, à l'actif, les engagements pris envers les
assurés, dont le montant est représenté, au passif, par
les provisions techniques ou mathématiques
. A ces règles,
s'ajoute le mécanisme spécifique de la réserve de
capitalisation.
•
La liste des actifs réglementés
Le Code des assurances fixe la liste des valeurs mobilières et autres
titres admis en couverture des engagements réglementés,
c'est-à-dire des provisions techniques constituées. La liste
comporte cinq catégories principales : obligations, actions,
immobilier, prêts et dépôts. Les actifs ne faisant pas
partie de la liste et ceux qui ne répondent pas aux autres règles
d'admission prévues sont financés par les ressources propres de
l'entreprise.
•
La répartition
Les placements admis en couverture des engagements ne peuvent dépasser
certains plafonds pour les catégories d'actifs suivantes :
65 % pour les actions, 40 % pour l'immobilier et 10 % pour les
prêts.
•
La dispersion
Les sociétés d'assurances doivent diviser les risques de leurs
placements : elles ne peuvent pas placer plus de 5 % de leurs
provisions techniques en valeurs émises par une même
société (actions, obligations ou prêts). La limite de
5 % est portée à 10 %, à condition que le total
ne dépasse pas 40 % de l'ensemble des placements admis.
Le ratio de dispersion est de 0,5 % pour les actions non cotées. Il
est de 10 % pour un immeuble ou des parts d'une société
immobilière ou foncière.
•
La congruence
Les engagements pris dans une monnaie doivent être couverts par des
actifs libellés ou réalisables dans la même monnaie. Des
assouplissements à ce principe sont prévus et l'écu permet
de couvrir tous les engagements pris au sein de l'Union européenne.
•
La localisation
Les actifs doivent être localisés dans l'Union
européenne ; il s'agit toutefois uniquement d'une localisation
juridique du titre de propriété.
Réserve de capitalisation
Provision technique destinée à lisser les résultats
financiers des placements obligataires à taux fixe en cas de variation
de taux. Les plus-values réalisées en cas de cession
d'obligations sont versées à cette réserve. Les
moins-values réalisées sont compensées par un
prélèvement sur cette réserve, qui est admise dans la
marge de solvabilité.
En vertu de la réglementation, les sociétés doivent
disposer en plus de leurs provisions techniques, d'un montant minimal de fonds
propres appelé marge de solvabilité réglementaire, qui est
déterminé en fonction du niveau de leurs engagements. Ces
derniers sont évalués à partir des cotisations annuelles
(ou des sinistres) en assurances de dommages, à partir des provisions
mathématiques en assurance vie.
Selon les normes communautaires en vigueur, issues des 3
èmes
directives européennes, la marge de solvabilité minimale est de
16 % des cotisations en assurances de dommages (ou 23 % des sinistres
moyens des trois derniers exercices si ce montant est plus élevé)
et de 4 % des provisions mathématiques en assurance vie et
capitalisation (1 % pour les contrats en unités de compte). Cette
marge doit être constituée des fonds propres et des plus-values
latentes.
En raison de la forte croissance de leur activité, les engagements des
sociétés d'assurance vie augmentent rapidement. Leurs provisions
techniques s'élèvent à 3 147 milliards de francs en
1997, soit 5,8 années de cotisations. Face à ces engagements,
leurs fonds propres atteignent 127 milliards de francs et représentent
4 % des provisions mathématiques. Plus-values latentes comprises,
la marge de solvabilité des sociétés d'assurance vie
constitue 13,2 % des provisions mathématiques, soit plus de 3 fois
la marge minimale réglementaire.
Le graphique ci-après retrace l'évolution de la marge de
solvabilité depuis 1993.
Les sociétés d'assurance dommages traditionnelles disposent
également d'une solide assise financière : 130 milliards de
francs de capitaux propres en 1997 et 473 milliards de francs de provisions
techniques, soit l'équivalent de 1,7 année de cotisations. En
1997, leur marge de solvabilité s'élevait à 47,5 % et
à 78,8 % plus-values latentes comprises, soit 4,9 fois la marge
réglementaire.
E. DES CHAMPIONS NATIONAUX
La
France possède avec AXA-UAP le deuxième groupe mondial
d'assurances en termes d'actifs gérés et de chiffre d'affaires.
Groupama s'est hissé au 2ème rang national en acquérant le
GAN.
Par ailleurs, trois groupes français figurent parmi les vingt premiers
groupes européens. Le marché de l'assurance française se
situe au premier rang mondial en assurance crédit, spatial et assistance.
La privatisation de la CNP devrait lui permettre de financer plus
aisément sa croissance tout en lui imposant une contrainte de
rentabilité forte, gage d'un développement sain à long
terme.
II. UNE PRESSION CONCURRENTIELLE INTENSE
La
distribution des produits d'assurance est en pleine mutation, prise entre le
feu de la bancassurance et le développement de la vente directe. Cette
concurrence fragilise les réseaux de distribution traditionnels, agents
généraux et courtiers, qui n'ont pour l'instant tiré leur
épingle du jeu que grâce à la croissance forte du
marché (et à leur savoir-faire).
Au terme de cette évolution, la France se démarque de ses
principaux voisins par sa non-spécialisation en termes de distribution.
Dans les autres pays, on constate en effet une orientation plus marquée
vers un ou deux types de distributeurs dominants : agents
généraux en Italie, en Allemagne et en Espagne, courtiers au
Royaume-Uni et aux Pays-Bas, agents généraux et courtiers en
Belgique.
Par ailleurs, la concurrence est vive sur le marché de la protection
sociale complémentaire compte tenu du décloisonnement des
segments de ce marché.
Le ralentissement récent de la croissance de l'assurance vie comme de
l'assurance non vie traduit la saturation des marchés.
A. L'APPARITION DE NOUVEAUX ACTEURS
1. La montée en puissance de la bancassurance
Sur le
marché français, la concurrence extérieure est jusqu'ici
venue davantage des banques ou des groupes financiers français que des
assureurs européens, la liberté d'établissement
autorisée depuis juillet 1994 au sein de l'Union européenne ayant
eu un effet limité.
Au début des années 70, les groupes bancaires ont commencé
à constituer des filiales d'assurance vie et de capitalisation, dont les
produits étaient distribués par les réseaux de guichets
bancaires. Le premier banquier à s'être lancé dans la
bancassurance est ainsi le Crédit mutuel de l'Est qui a
créé une filiale, les Assurances du Crédit mutuel en 1972.
Les banques sont devenues très actives sur le marché de
l'assurance vie depuis que l'article 5 de la loi bancaire n° 84-46 du
24 janvier 1984 a étendu le champ des opérations qu'elles sont
autorisées à pratiquer. En effet, si elles ne peuvent exercer
directement une activité de production de produits d'assurance, à
l'exception des activités de caution, elles peuvent cependant
créer des filiales d'assurance ou distribuer des produits d'assurance.
Les banques filialisent rarement leur activité de distribution de
produits d'assurance et préfèrent étendre leur objet
social à l'activité de courtage. Elles concluent avec les
compagnies d'assurance ou avec leurs filiales d'assurance des accords
commerciaux aux termes desquels elles distribuent leurs produits par
l'intermédiaire de leurs guichets, moyennant le versement de commissions.
Elles sont ainsi devenues le premier réseau des produits d'assurance vie
avec une
part de marché de 61 % en 1997
13(
*
)
comme le retrace le graphique ci-après.
Cette évolution s'est faite au détriment des réseaux
d'agents généraux et des forces de ventes salariées.
La Caisse Nationale de Prévoyance (filiale commune de la Caisse des
dépôts et consignations, de La Poste et des caisses
d'épargne) et Predica (filiale du Crédit Agricole) occupent sur
ce marché des positions dominantes, mais on y trouve aussi Cardif
(groupe Compagnie bancaire), Natio-Vie (BNP), SOGECAP (Société
Générale) et les Assurances Fédérales
(Crédit Lyonnais).
Sur le marché de l'assurance dommages, le Crédit agricole a
créé sa filiale d'assurance de dommages, Pacifica, en 1989. Ont
suivi le Crédit Lyonnais (accord avec Allianz), les Banques populaires
(accord avec la MAAF), la BNP (accord avec l'UAP), la Société
générale (avec les AGF et Commercial Union) et le CCF. Les deux
derniers venus, les Caisses d'épargne (avec les Mutuelles du Mans
Assurances) et le CIC (avec le GAN) disposent d'un réseau important.
Par rapport aux réseaux traditionnels, les établissements
bancaires bénéficient d'une implantation géographique
remarquable. La distribution d'un produit nouveau par un réseau bancaire
se fait à coûts fixes pratiquement constants et à
coût marginal très faible. En outre, s'agissant de produits
d'assurance simples et banalisés, la compétence technique requise
de la part des vendeurs est relativement faible.
Enfin, la gestion des produits d'assurance vie est très similaire
à la gestion de produits d'épargne bancaire. En effet, les
activités de banque et d'assurance présentent une grande
complémentarité : complémentarité des
horizons, complémentarité dans la sensibilité aux cycles
économiques, complémentarité des risques subis.
Les filiales vie des banques et les compagnies d'assurance partenaires des
banques jouissent ainsi de taux de chargement de 5 %, très
inférieurs à leur principal canal concurrent sur ce type de
produits que sont les réseaux salariés.
Le Conseil de la concurrence précise
14(
*
)
toutefois que "
les avantages comparatifs dont jouissent les
" bancassureurs " par rapport aux réseaux traditionnels de
distribution de l'assurance ne constituent pas en eux-mêmes des
distorsions de concurrence, en l'absence de discriminations en leur faveur et
en l'absence de prix prédateurs avérés
. "
En matière d'assurance de dommages en revanche, les synergies sont plus
difficiles à mettre en évidence puisqu'il s'agit cette fois de
métiers très différents. La principale exigence du client
concerne la qualité du service, essentielle en cas de sinistre. Les
banques ont toutefois réussi à s'implanter dans la couverture des
risques de masse grâce :
- à la séparation des processus opérationnels de gestion
des ventes et de gestion des sinistres, avec centralisation au niveau
régional du traitement des sinistres et gains de productivité
associés ;
- à une gestion rapide et humanisée des sinistres,
c'est-à-dire grâce à la qualité du
" back-office " géré dans une perspective d'honorer les
engagements et non pas de les discuter ;
- à la prestation de services et à la fidélisation de la
clientèle.
Les " bancassureurs " ne détiennent ainsi que 6 % du
marché mais affichent l'ambition de conquérir 25 % du
marché des assurances de dommages du particulier d'ici 2005.
2. Le rôle croissant joué par les mutuelles sans intermédiaires dans l'assurance de dommages
Une des
caractéristiques du marché français est la part croissante
prise par les mutuelles sans intermédiaires (MSI) sur le marché
de l'assurance dommages. Elles sont ainsi passées de 44 % du
marché de l'automobile en 1987 à 50 % en 1996.
Grâce à un réseau de distribution intégrée
facile d'accès, à un fonds de commerce très solide et
à des coûts maîtrisés ne supportant pas l'exigence du
rendement minimal de fonds propres, les MSI proposent en effet des tarifs
inférieurs de 25 à 30 % à ceux des
sociétés traditionnelles, ce qui gêne les entreprises
classiques, françaises et étrangères.
Le tableau ci-après illustre la progression de leurs parts de
marché depuis dix ans. Cette ascension s'est faite essentiellement au
détriment des agents généraux d'assurance.
Les sociétés d'assurance mutuelle membres du GEMA (Groupement des
entreprises mutuelles d'assurance) viennent ainsi de dépasser le seuil
de 20 % du marché de l'assurance dommages et de
responsabilité. Elles regroupent 15 millions de sociétaires
(400 000 nouveaux sociétaires en 1997) et gèrent 120
milliards de francs d'actifs. Leur part de marché en assurance auto est
de 32 %. Leur taux moyen de frais généraux en 1996
était de 21,8 %, très inférieur à la moyenne
du marché qui était de 26,3 %.
La MACIF
15(
*
)
est le premier assureur
français auto avec une couverture de 4,7 millions de véhicules,
soit 16 % du parc automobile français.
3. L'arrivée timide de la vente directe
L'implantation des assureurs directs en France s'est
réalisée par vagues successives depuis les années 70.
Toutefois, les tentatives de certains assureurs (Création de Direct
Assurances par AXA, d'Eurofil par Commercial Union ou de Socad par le Groupe
Azur) se sont soldées par de lourds déficits. Même si
l'économie liée aux coûts de distribution permet à
la vente directe de pratiquer des tarifs de 10 % inférieurs
à ceux des meilleures mutuelles sans intermédiaires, la masse
critique se situerait entre 100 000 et 150 000 contrats, chiffre dont
la plupart des sociétés restent loin, d'autant que les
investissements sont particulièrement élevés.
La part de vente directe en France reste en conséquence faible et
progresse peu depuis une dizaine d'années. Elle ne représentait
en 1996 que 2,1 % de l'ensemble des assurances de dommages et 6 % des
assurances vie.
Pour le BIPE
16(
*
)
, qui rappelle que la vente
directe représente plus de 30 % du marché de
l'assurance-automobile en Grande-Bretagne, la cible est pourtant prometteuse
à moyen terme. Il s'agit d'une clientèle jeune, urbaine,
habituée au téléphone et sensible au prix. Le Conseil de
la concurrence rappelle quant à lui que c'est une clientèle
volatile dont la sinistralité est élevée
17(
*
)
.
4. La grande distribution : un concurrent à fort potentiel
Les
spécialistes de la grande distribution, hypermarchés ou
entreprises de vente par correspondance, souhaitent profiter du large potentiel
que représente leur clientèle en lui proposant des produits
d'assurance. Le CAPA estime que peuvent prendre pied sur le marché de
l'assurance et s'y enraciner les acteurs qui ont une clientèle stable,
avec une bonne relation de confiance, et qui disposent d'une base de
données bien nourrie. Toutefois, le principe consistant à
proposer des produits ciblés sur des segments de marché pour
mieux fidéliser la clientèle n'est pas facile à appliquer.
Carrefour a ainsi créé Carma, une société
d'assurance IARD (incendie, accidents, risques divers), en partenariat avec les
Mutuelles du Mans en 1991. Il a toutefois fallu attendre 1997 pour que cette
filiale dégage un bénéfice de 3 millions de francs sur un
chiffre d'affaires de 370 millions de francs. En outre, pour la première
fois en 1997, Carrefour a utilisé le fichier des 1,2 million de porteurs
de sa carte de crédit Pass. Son objectif est désormais d'assurer
1 % du parc automobile français en 2005.
Cofinoga applique également une stratégie de montée en
gamme, le principe étant de vendre un petit produit à faible
prime (lié aux accidents domestiques par exemple) au marketing
très étudié, puis, de solliciter le client en marketing
direct.
En revanche, Ikéa n'a vendu que quelques centaines de contrats depuis
que la société a créé ses quatre produits (MRH -
multirisque habitat, scolaire, hospitalisation et individuelle accident) en
1991 en partenariat avec la Société suisse. L'objectif pour Ikea
n'est pas de dégager un bénéfice mais d'équilibrer
les coûts tout en fidélisant les clients. Sont visés en
priorité les 250 000 porteurs de la carte Family.
B. L'ACCROISSEMENT DE LA CONCURRENCE SUR LES DIFFÉRENTS SEGMENTS DE LA PROTECTION SOCIALE COMPLÉMENTAIRE
Il n'y a
pas de définition légale de la protection sociale
complémentaire. Au sens large, elle désigne les avantages qui
s'ajoutent à ceux résultant de l'organisation de la
Sécurité sociale. D'un point de vue matériel, elle peut
être définie comme la couverture, dans un cadre individuel ou
collectif, des risques sociaux. D'un point de vue organique, elle est
assurée, soit par des mutuelles régies par le code de la
mutualité, soit par des institutions paritaires régies par le
code de la Sécurité sociale (institutions de prévoyance),
soit par des entreprises d'assurance régies par le code des assurances.
Le tableau ci-après recense les différents segments de la
protection complémentaire et les divers acteurs qui interviennent sur ce
marché.
Les différents segments et acteurs de la protection complémentaire
Protection complémentaire |
Type de garantie |
Cadre juridique |
Principaux risques couverts |
Institutions gestionnaires |
Autorité de contrôle |
Légalement obligatoire |
Contrat collectif |
Conventionnel et exceptionnellement réglementaire |
Retraite complémentaire par répartition |
Institutions de retraite complémentaire adhérant aux fédérations AGIRC et ARRCO |
Ministre et IGAS |
|
|
|
|
Institutions de retraite complémentaire n'adhérant pas aux fédérations AGIRC et ARRCO |
Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP) |
|
|
|
Mensualisation (1) |
Institutions de prévoyance, Mutuelles |
|
|
|
|
|
Entreprises d'assurances |
Commission de contrôle des assurances (CCA) |
Conventionnellement obligatoire |
Contrat collectif |
Conventionnel, ou accord d'entreprise, ou ratification (L911-1) ou décision unilatérale de l'employeur |
Retraite supplémentaire par capitalisation, maladie et autres risques de prévoyance (2) |
Institutions de retraite
supplémentaire
|
CCMIP |
|
|
|
|
Entreprises d'assurance |
CCA |
Facultative |
Contrat individuel ou collectif à adhésion facultative |
Adhésion ou contrat individuel |
Retraite supplémentaire par capitalisation, maladie |
Institutions de prévoyance
|
CCMIP |
|
|
|
et autres risques de prévoyance (3) |
Entreprises d'assurance |
CCA |
(1)
Le risque " mensualisation " correspond à l'obligation de
maintien de salaire en cas de maladie ou d'accident de travail. Le
salarié concerné reçoit, en complément des
prestations en espèces de la sécurité sociale, un
pourcentage de sa rémunération pendant une période
limitée et variable en fonction de l'ancienneté dans
l'entreprise. Ce risque, obligatoire pour les entreprises, est régi par
la loi n° 78-49 du 19 janvier 1978 ou par des conventions collectives
ou des accords d'entreprise s'ils sont plus favorables que la loi.
(2) L'article L 91-2 du code de la sécurité sociale donne une
définition de ces risques :
" ...la couverture du risque
décès, des risques portant atteinte à
l'intégrité physique de la personne ou liés à la
maternité, des risques d'incapacité de travail ou
d'invalidité, des risques d'inaptitude et du risque
chômage... "
(3) Les institutions de retraite supplémentaire doivent, depuis la
loi du 8 août 1994, poursuivre leurs engagements postérieurs
à la date de publication de la loi.
1. La suppression des cloisonnements
Les
institutions de prévoyance
18(
*
)
ou de
retraite complémentaires (ou supplémentaires) ont longtemps
bénéficié d'un monopole de droit sur les opérations
complémentaires collectives. En réalité, les incertitudes
du droit avaient rendu ce monopole tout à fait théorique.
En effet, depuis 1947, les mutuelles du code de la mutualité ont la
faculté de gérer la part obligatoire des prestations d'assurance
maladie servies par le régime général aux salariés
et aux fonctionnaires. La loi du 23 septembre 1948 a ainsi confié
aux mutuelles d'étudiants la gestion des prestations obligatoires pour
les étudiants.
Puis, en 1985, le nouveau code de la mutualité a ouvert aux mutuelles la
possibilité d'intervenir sur le segment de la protection collective,
introduisant ainsi une dérogation, tant au principe du monopole des
institutions de prévoyance, qu'à celui de la liberté
d'adhésion individuelle mutualiste.
Enfin, l'article 1
er
de la loi n° 89-1009 du 31
décembre 1989, modifié par la loi n° 94-678 du 8
août 1994 a ouvert l'activité de prévoyance
collective
19(
*
)
aux entreprises d'assurance
régies par le code des assurances et confirmé la
possibilité d'intervention des mutuelles du code de la mutualité
dans ce domaine.
A l'inverse, les institutions de prévoyance sont amenées
désormais à accepter des adhésions individuelles
puisqu'elles doivent proposer la poursuite des contrats à leurs membres
participants quand ils sortent du champ d'application des couvertures
collectives obligatoires (notamment lors du départ à la retraite).
Cette évolution est accentuée avec la transposition des
directives européennes d'assurance dans le code de la
sécurité sociale pour les institutions de
prévoyance.
2. Une concurrence accrue sur le segment de la protection complémentaire maladie
La
suppression des barrières institutionnelles dans un contexte de
croissance du marché se traduit par une concurrence accrue, notamment
sur le marché de la couverture complémentaire maladie qui se
développe sur longue période par extension du nombre de personnes
bénéficiant d'une couverture complémentaire, comme
l'indique le tableau ci-après.
Ce mouvement s'est accentué sur une période récente en
raison du plafonnement puis de la diminution de la prise en charge des
dépenses par la Sécurité sociale : création du
secteur 2 pour les médecins libéraux, niveau limité du
tarif de responsabilité, création du forfait hospitalier,
augmentation du ticket modérateur.
En 1994, 83 % de la population bénéficiaient d'une
couverture complémentaire maladie (contre 49 % en 1970 et 69 %
en 1980), obtenue soit par la souscription de contrats individuels, soit par le
biais de la prévoyance collective des entreprises.
Le marché de l'assurance maladie complémentaire
représentait ainsi un volume d'affaires de 81 milliards de francs en
1996, soit 11,5 % du total des dépenses de santé. Ces
dépenses, estimées à 705 milliards de francs, sont
financées à 73 % par la sécurité sociale (un
des plus faibles taux d'Europe), une part de 15 % restant à la
charge des ménages ou de l'Etat.
Ainsi, les institutions de prévoyance ont vu le volume de leurs
cotisations croître de 106 % en francs courants entre 1986 et 1991.
De même, les mutuelles ont vu leur activité se renforcer au cours
des années quatre-vingt : en matière de soins, qui
constituent 93 % de leur activité, alors que la consommation
médicale a augmenté de 48 % entre 1980 et 1990 et les
remboursements de la Sécurité sociale de 44 %, les
remboursements mutualistes se sont accrus de 82 %.
Ces évolutions se sont traduit par des restructurations importantes dans
le secteur mutualiste. Le graphique ci-après illustre le mouvement de
fusion et de dissolution qui a affecté ce secteur depuis vingt ans. Ce
sont en effet près de 2.700 sociétés mutualistes qui ont
disparu entre 1973 et 1993.
Aujourd'hui, les 5.780 mutuelles du code de la mutualité
détiennent 61,66 % marché de la protection sociale
complémentaire contre 29,6 % pour les assureurs du code des
assurances et 8,7 % pour les institutions de prévoyance.
La concurrence se traduit également par des incursions de chaque secteur
institutionnel dans les autres : par exemple, création d'une
mutuelle ou d'une institution de prévoyance par une
société d'assurance ou inversement.
C. LE RALENTISSEMENT RÉCENT DE LA CROISSANCE DES ASSURANCES TRADUIT LA SATURATION DES MARCHÉS
Selon la
plupart des interlocuteurs auditionnés par le groupe de travail, le taux
de croissance du marché français de l'assurance est en cours de
ralentissement. Ainsi, la progression du chiffre d'affaires de 6,1 % en
1997 par rapport à 1996 a été soutenue par la croissance
des primes des filiales étrangères très supérieure
à la croissance du marché domestique (+ 11,3 %).
Par ailleurs, pour la première fois depuis l'après-guerre, le
chiffre d'affaires de l'assurance-dommages a affiché une baisse de
1 % en 1997 à 231 milliards de francs, après une
croissance de 1,2 % en 1996. L'assurance automobile a ainsi fléchi
de 1,2 %. L'érosion s'explique par la baisse des tarifs qui se
poursuit cette année. Phénomène plus préoccupant
s'agissant de l'automobile (91 milliards de francs de primes), le nombre de
sinistres s'est aggravé de façon importante progressant de
6,1 %.
Au premier semestre 1998, avec une augmentation de trois points de la
sinistralité et de 10 % du nombre d'accidents graves, le chiffre
d'affaires de l'assurance automobile a baissé de 1,7 %.
L'assurance vie a connu une baisse de 22 % sur le premier semestre de 1998
après une augmentation de 10 % en 1997.
Pour l'avenir, le BIPE prévoit un rythme de croissance du chiffre
d'affaires métropolitain des sociétés d'assurance
françaises de 2,6 % en moyenne annuelle en valeur de 1996 à
2002 contre une croissance annuelle moyenne de 12,6 % de 1981 à
1996.
III. UN ACCROISSEMENT DE LA VULNÉRABILITÉ DES ACTEURS
L'accroissement de la concurrence sur tous les segments de
l'assurance a laminé les marges d'acteurs déjà
structurellement fragiles.
La concentration de l'offre a contribué à diminuer cette
intensification concurrentielle au niveau national sans conduire toutefois
à une amélioration sensible de la rentabilité du secteur.
A. DES ACTEURS STRUCTURELLEMENT FRAGILES
1. Le lourd héritage des nationalisations
Comme le
souligne le rapport du Commissariat Général du Plan
20(
*
)
, la
politique de nationalisation
des
compagnies d'assurance a conduit à sacrifier le souci de la
rentabilité et de la solvabilité au profit d'une recherche de la
part de marché et au détriment de la spécialisation des
acteurs. Les groupes publics sont en réalité devenus des
investisseurs institutionnels, outils d'une stratégie non
intrinsèquement économique. En outre, la fragilité de
certains groupes dans le cadre d'une compétition mondiale accrue a
été largement sous-estimée.
Par ailleurs, la succession rapide de dirigeants, qui n'étaient pas
nécessairement issus du monde de l'assurance, a eu pour
conséquence un manque de continuité stratégique qui a
pesé sur les performances et la qualité de la gestion ainsi que
sur la mobilisation des personnels et des cadres. L'UAP a ainsi connu six
présidents en vingt ans.
A l'inverse, la continuité stratégique de la direction d'AXA est
probablement un des ingrédients de sa réussite exceptionnelle,
comme le soulignait M. Jean-Louis Bellando, Secrétaire
Général de la Commission de contrôle des assurances, lors
de son audition devant le groupe de travail.
Le Commissariat Général du Plan cite également l'exemple
d'AIG présidé par Maurice R. Greenberg, qui a
été créé en 1919 et n'a connu jusqu'à
présent que deux dirigeants. Il est le groupe d'assurance le plus
rentable au monde (avec une rentabilité financière des fonds
propres de 15 %) et la première capitalisation
boursière mondiale dans l'assurance avec 90 milliards de dollars.
Compte tenu de l'érosion de leur efficacité, la part des
encaissements des sociétés nationalisées est ainsi
passée de 50 % au moment de la nationalisation à 38 %
en 1968.
En outre, avant son rachat par AXA, le ratio sinistres sur primes de l'UAP
était de 77 % contre 71 % pour AXA, rien ne justifiant
a
priori
un tel différentiel sauf une gestion moins
rigoureuse.
2. Une éviction lente des marchés du risque industriel et des grands comptes
Comme
l'observe le Commissariat Général du Plan, "
on se ferait
une idée vraisemblablement embellie de l'assurance française
à partir de la considération de sa bonne position sur le
marché des particuliers et des risques de masse et de la
considération complémentaire selon laquelle le marché des
particuliers génère, en France du moins, 80 % du total des
primes encaissées
".
Le CGP relève en effet que la France est en grave récession sur
la couverture des divers risques de l'entreprise et même, quoique dans
une bien moindre mesure, sur celle des particuliers.
L'assurance française occupe en effet une position très
défensive sur le marché des risques industriels sur lequel la
compétition internationale est très vive. Aux risques dont la
couverture échappe à la loi du grand nombre, les acteurs
français préfèrent les risques couverts par des produits
standardisés dont le prix est l'élément de
différenciation le plus important.
A tel point que le positionnement des groupes étrangers sur le
marché du risque crédit menacerait l'indépendance
industrielle française selon le Commissariat Général du
Plan qui évoque le retard technique, le manque d'innovation et la
frilosité générale des acteurs français à
l'égard des grands risques. En assurance-vie également, les
acteurs les plus innovants se situent en Grande-Bretagne.
Or,
" la haute technologie de l'assurance est du côté du
risque industriel ou du risque du transport et le dynamisme d'un marché
dépend largement de la capacité durable des offreurs sur ces
segments de marché. Par ailleurs, une maîtrise suffisante de ces
marchés est une des clés de la compétitivité
internationale dans la mesure où la composante assurance du commerce
international et des projets internationaux est loin d'être
négligeable ",
écrit le CGP.
Cette éviction des marchés du risque industriel et des grands
comptes est renforcée par le rachat des grands courtiers français
par les grands cabinets de courtage anglo-saxons qui accélère la
" délocalisation " de la gestion des risques de l'entreprise.
En effet, comme l'observe le Conseil de la concurrence
21(
*
)
, la prédominance de l'activité des
sociétés étrangères dans l'assurance de dommages
" n'est sans doute pas sans lien avec la prépondérance
exercée par les courtiers d'origine étrangère, en
particulier dans le secteur de la couverture des grands risques ".
Dans ce dernier secteur, les parts de marché détenues par des
sociétés d'origine étrangères seraient les
suivantes :
- risques crédit : 84 %
- risques industriels : 50 %
- transports gros risques : 40 %
Des obstacles réglementaires et fiscaux semblent également
expliquer la faible présence des sociétés d'assurance
française sur ces marchés. En particulier, les groupes
industriels français rencontrent des difficultés à
implanter leurs filiales " captives " de réassurance en France.
Au total, et en dépit de l'accroissement du poids des compagnies
françaises sur le marché de la réassurance à
travers la SCOR et AXA RÉ, on observe un déplacement des centres
de décision en matière de risques industriel vers Zürich,
Munich et Londres.
Le positionnement de l'assurance française se révèle
également non optimal au regard des marchés où la
densité et la pénétration de l'assurance sont les plus
élevés (Europe du Nord notamment).
B. UNE VULNÉRABILITÉ ACCRUE
1. Une rentabilité insuffisante
Comme le
montre le graphique ci-après, la rentabilité moyenne
(résultat net comptable sur fonds propres et réserves) des
sociétés d'assurance du marché français s'est
fortement dégradée au cours des dix dernières
années, en assurance vie comme en assurance de dommages.
La concurrence que se sont livrées les compagnies jusqu'à une
date récente a en effet eu pour effet de laminer les marges.
Le ratio sinistres à primes des sociétés françaises
d'assurance dommages est ainsi le plus élevé de l'espace
économique européen à l'exception de la Finlande et du
Danemark, et leur taux de chargement est parmi les plus élevés.
De surcroît, la France se distingue par la rentabilité technique
négative moyenne la plus élevée de - 11,6 % sur une
période allant de 1975 à 1992 couvrant diverses conjonctures.
L'effondrement des résultats d'exploitation en assurance de dommages
étant devenu insupportable (près de 10 milliards de francs de
pertes d'exploitation en 1992 pour l'ensemble des compagnies et encore
près de 9 milliards en 1993 contre un bénéfice de 6
milliards trois ans plus tôt), l'effort des compagnies s'est alors
tourné vers le redressement des résultats techniques au
détriment de la course à la part de marché et vers le
recentrage de leurs activités sur leur métier de base. Ce
changement de priorité a porté ses fruits puisque depuis 1995,
les résultats techniques de l'assurance sont positifs.
Toutefois, en dépit du redressement des résultats
enregistré à partir de trois ans, les indicateurs de
rentabilité restent médiocres au regard de la situation des
opérateurs européens de l'assurance (taux de rentabilité
de 7,4 % bien inférieur aux standards internationaux compris entre
10 et 15 %).
L'Assemblée plénière des sociétés
d'assurance-dommages (APSAD) prévoit une diminution sensible de la
rentabilité en 1998. Le résultat du compte technique devrait
ainsi revenir de 7,6 à 4,6 milliards de francs soit une
rentabilité inférieure à 5 %.
Par ailleurs, la consolidation des résultats de l'assurance dommages
s'est faite au prix d'une moindre vigilance sur les marchés
vie-capitalisation dont les résultats se sont significativement
dégradés jusqu'en 1996. Aujourd'hui, malgré un taux de
chargement comparativement bas, le taux de rentabilité plafonne
à 7,6 % contre 21 % en 1986.
S'appuyant sur une étude Sigma
22(
*
)
, le
Commissariat Général du Plan relève la situation atypique
de la France dont la rentabilité technique pour le moins médiocre
est confirmée par une rentabilité globale constamment faible, qui
devient négative de 1990 à 1994 et redevient positive à un
faible niveau en 1995 et 1996, sans augmenter en 1997 et 1998. Le graphique
ci-après décompose les éléments du résultat
dans l'assurance.
Eléments du résultat dans
l'assurance
(indicateurs unidimensionnels classiques)
Rendements courants des placements + Produit des placements / - pertes sur
placements
- frais sur revenu des placements
Primes nettes acquises
- sinistres nets (réglés et réservés)
- frais d'acquisition et de gestion, nets
= Rendement des placements
= Résultat technique
= Résultat global (en % des primes : rendements sur chiffre d'affaires)
Source : Sigma / Suisse de Réassurances 1/95.
Il ne faut pas perdre de vue comme le rappelle opportunément le Plan,
que la rentabilité apparente est largement dépendante de la
politique de provisionnement adoptée par les entreprises d'assurance
française, politique qui minore constamment le résultat global.
C'est donc en gardant à l'esprit que les politiques de provisionnement
anglo-saxonnes sont moins conservatrices que les politiques française et
allemande qu'il convient d'interpréter le tableau ci-après.
Comparaison des rentabilités financières
des
principaux groupes d'assurances européens
|
Capitalisation boursière |
|
|||
|
ROE** (%) |
En monnaie locale |
USD |
Flottant (%) |
Prévision ROE* 1998 |
France |
|||||
AGF |
9,0 |
31,519 |
5,169 |
78 |
|
AXA |
10,7 |
130,870 |
21,461 |
62 |
11,1 |
GAN |
3,2 |
8,466 |
1,388 |
20 |
|
Allemagne |
|||||
Allianz |
8,5 |
98,029 |
54,025 |
40 |
|
Hannover Re |
13,5 |
2,255 |
1,242 |
25 |
10,0 |
Munich Re |
8,5 |
49,958 |
27,533 |
34 |
9,9 |
Italie |
|||||
INA |
|
10,480 |
5,931 |
48 |
9,1 |
Pays-Bas |
|||||
Aegon |
18,0 |
44,604 |
21,825 |
54 |
14,0 |
ING Group |
- |
75,633 |
37,008 |
90 |
14,0 |
Espagne |
|||||
Corporacion Mapfre |
11,4 |
258,386 |
1,688 |
48 |
11,5 |
Mapfre Vida |
16,7 |
142,400 |
930 |
29 |
15,5 |
Suisse |
|||||
Swiss Re |
14,6 |
29,956 |
20,125 |
91 |
13,0 |
Winterthur |
11,5 |
12,149 |
8,162 |
80 |
9,0 |
Zurich |
13,5 |
28,283 |
19,001 |
95 |
|
Royaume-Uni |
|||||
Commercial Union |
13,1 |
5,145 |
8,183 |
91 |
14,2 |
General Accident |
11,9 |
4,552 |
7,240 |
100 |
15,0 |
GRE |
12,5 |
2,550 |
4,056 |
100 |
12,0 |
Royal & Sun Alliance |
14,2 |
7,915 |
12,589 |
100 |
16,5 |
Legal & General |
11,3 |
5,794 |
9,215 |
100 |
|
Norwich Union |
11,0 |
6,838 |
10,875 |
100 |
|
Prudential |
12,2 |
12,297 |
19,558 |
100 |
|
Le principal problème de l'assurance française est donc un problème de rentabilité apparente insuffisante, qui n'est pas sans lien avec le poids passé des sociétés nationales, écho au passé de capitalisme sans capital ni actionnaires véritable d'une fraction importante de l'assurance française.
2. Une sous-capitalisation chronique
En
dépit d'une part de marché et d'un chiffre d'affaires
supérieurs à ceux du groupe Allianz, la valeur boursière
d'AXA-UAP (21,4 milliards de dollars) représente moins de la
moitié de celle d'Allianz (54 milliards de dollars) avant
même l'absorption des AGF par cette dernière.
Le classement boursier des sociétés nationales d'assurance en
termes de capitalisation illustre bien la faiblesse capitalistique du secteur
de l'assurance en France : en décembre 1997, les AGF se situaient
au 15
ème
rang européen et le GAN au
25
ème
, bien après les premiers groupes britanniques,
hollandais, belges et suisses. Ils représentent respectivement un
huitième et un quatorzième de la capitalisation d'Allianz.
L'absorption de l'UAP par AXA, celle des AGF par Allianz et celle du GAN par
Groupama traduisent d'ailleurs la faiblesse dans laquelle se trouvaient ces
groupes publics.
C. UNE CONCENTRATION PÉRILLEUSE
Les
années récentes ont été marquées par de
nombreuses fusions-acquisitions. Mais loin d'avoir été les
prédateurs, les grandes se sont avérées être les
proies de telles opérations.
L'année 1996 a été marquée par le rachat de l'UAP
par AXA, donnant naissance à un géant de 300 milliards de
francs de chiffre d'affaires. Les AGF sont ensuite entrés dans le giron
de l'allemand Allianz fin 1997, Athéna étant partagée
entre les AGF et l'italien Generali qui a récupéré
l'allemand AMB. Groupama a enfin repris le GAN en 1998, se hissant au
2
ème
rang de l'assurance française derrière
AXA-UAP.
Or, en dépit d'une certaine rationalité, la concentration traduit
une lutte pour l'accroissement de la part de marché dans le contexte
d'un marché européen arrivé à maturité. Elle
reflète la rivalité des grands groupes pour le pouvoir de
marché et la maîtrise des politiques tarifaires.
1. La course à la part de marché remplace le souci de rentabilité
Le
secteur français de l'assurance est nettement plus concentré que
dans les pays de taille comparable en Europe ou dans le monde. Ceci est
certainement le résultat de l'action de l'Etat pendant la période
de nationalisation, qui a donc ainsi profité de la période
où il était propriétaire de l'assurance pour entreprendre
une certaine restructuration du secteur, contrairement à l'inaction qui
lui a été reprochée dans le domaine bancaire.
Cependant, paradoxalement, les acquisitions à un prix parfois trop
élevé, n'ont pas nécessairement renforcé les
géants nationaux comme en a témoigné la chute du cours de
l'action UAP trois mois après sa mise sur le marché. La
capitalisation de la société est ainsi passée de 50
à 30 milliards de francs, ce qui a facilité son rachat par
AXA.
Or, la concentration de l'assurance française s'est
accélérée ces dernières années. Elle devrait
encore se prolonger, même si le mouvement de fusion absorption semble
parvenir à un pallier.
Les dix premiers groupes d'assurance détenaient en 1997 près de
68 % des parts de marché (volume des primes) contre 60 % en
1990.
Cette concentration vise d'abord à répondre à
l'européanisation et à la globalisation de
l'économie : face à des acteurs économiques à
vocation mondiale, des partenaires financiers globaux sont requis pour
accompagner et soutenir les stratégies mondiales des entreprises et des
groupes industriels.
Les fusions permettent en effet :
- de profiter de synergies commerciales par complémentarité des
produits ;
- de réaliser des économies d'échelle par la mise en
commun d'un certain nombre de services administratifs, financiers ou
informatiques qui sont générateurs de frais fixes
élevés.
Toutefois, il est à craindre que cette lutte pour les parts de
marché l'emporte sur le souci de rentabilité, voire de
solidité, et qu'ainsi, comme l'observe le Commissariat
Général du Plan, "
la concentration infuse une dose
d'aléa moral non négligeable dans le système financier,
susceptible de produire des effets négatifs en cas de
crise
".
2. Au delà d'un certain seuil, les regroupements sont contre-productifs
En
effet, le commissariat Général du Plan estime que "
le
coût d'acquisition du contrôle des sociétés cibles
sur le marché financier et les limites des rendements d'échelle
peuvent restreindre sérieusement l'intérêt objectif pour
les actionnaires d'un certain nombre d'absorptions et du processus de
concentration au delà de certains seuils
".
Deux arguments sont avancés par le CGP :
Les prix d'acquisition de nouvelles filiales par des groupes d'assurance
intégrant souvent une prime de contrôle parfois
élevée comportant une survaleur (un " goodwill ")
importante, peuvent mettre en cause la rentabilité de ces
opérations.
Les économies d'échelle ne sont pas infinies. En effet, selon une
étude SIGMA, les économies d'échelle dans l'assurance sont
réelles jusqu'à 500 millions de dollars de primes émises.
L'étude montre à l'inverse que les petites structures d'assurance
opérant sur des niches ont des marges moyennes supérieures
à celles des plus grands groupes grâce à des frais
généraux et une sinistralité mieux
maîtrisés.
3. Les restructurations bousculent les agents généraux23( * )
Selon la
fédération nationale des syndicats d'agents
généraux d'assurance (FNSAGA) le nombre d'agents
généraux est passé de 25.000 au début des
années 80 à 17.000 aujourd'hui, soit 50.000 personnes avec
leurs collaborateurs.
Payés à la commission, les agents généraux sont les
mandataires d'un groupe d'assurances dont la stratégie affecte son
activité. Or, les stratégies de rationalisation mises en place
par le groupe d'assurances à l'égard de leurs réseaux de
distribution risquent de diminuer encore le nombre d'agents
généraux.
Pour autant, cette profession qui est l'une des plus anciennes dans le monde de
l'assurance est loin d'être amenée à disparaître mais
les mutations en cours nécessiteront chez les agents
généraux une adaptation de leur compétence. En
réduisant régulièrement les taux de commission et en
procédant à des regroupements d'agences, les assureurs poussent
en effet les agents à optimiser leurs techniques de marketing et
à accroître leur chiffre d'affaires.
Enfin, il faut noter que la convention signée en 1996 par la FNSAGA, la
fédération française des sociétés
d'assurances (FFSA) et les pouvoirs publics a réformé l'ancien
statut des agents généraux. Les compagnies d'assurance disposent
en effet de la possibilité de baisser les taux de commission et
d'imposer aux candidats à la reprise d'agences des conditions de plus
grande rentabilité.
Au terme de ce panorama rapide du secteur de l'assurance en France, si l'on
peut avoir des motifs de satisfaction et estimer, comme le Commissariat
Général du Plan, que les acteurs français de l'assurance
sont désormais bien aguerris au jeu de la concurrence, il convient
toutefois de ne pas perdre de vue la vulnérabilité très
grande de l'assurance française.
Cette vulnérabilité est d'autant plus préoccupante dans le
contexte actuel de volatilité des places boursières et de baisse
des taux d'intérêt que le résultat technique des
sociétés d'assurance est très dépendant des
produits financiers qu'elles réalisent.
Or, certains aspects réglementaires et fiscaux ont tendance à
entretenir cette vulnérabilité en constituant des distorsions de
concurrence ou en déstabilisant les flux de primes qui constituent le
chiffre d'affaires des assureurs.
CHAPITRE II
LA PERSISTANCE DE FACTEURS DE
VULNÉRABILITÉ COMPORTE DES RISQUES POUR L'ÉCONOMIE
FRANÇAISE
Au
moment où le marché français de l'assurance est
marqué par une fluidité croissante qui se traduit, d'une part,
par la montée en puissance de nouveaux canaux de distribution et,
d'autre part, par la diversification des acteurs sur des segments qu'ils
n'occupaient pas nécessairement jusque là,
les conditions
d'exercice du métier de l'assurance demeurent
hétérogènes
. Or, la persistance de distorsions de
concurrence sur le marché français est susceptible de conduire
à une allocation artificielle des ressources de l'assurance, au profit
des acteurs qui bénéficient des conditions d'exercice les plus
favorables, et indépendamment de la qualité de l'offre ou du
potentiel d'innovation.
Par ailleurs, le marché français de l'assurance comporte certains
handicaps fiscaux et réglementaires qui risquent de fragiliser les
acteurs français dans le contexte d'unification du marché
européen de l'assurance. En effet, en favorisant largement la
comparabilité des produits et des tarifs, l'euro tend à la
constitution d'un marché intérieur européen
véritable du point de vue du consommateur.
L'assurance française est aujourd'hui exposée à deux types
de risques :
- un risque de perte d'identité nationale déjà
largement concrétisé ;
- un risque de délocalisation des centres de production de produits
d'assurance sur les places financières offrant l'environnement le plus
favorable.
I. LE DÉCLOISONNEMENT DES MARCHÉS S'ACCOMODE MAL DE LA PERSISTANCE DE CONDITIONS D'EXERCICE HÉTÉROGÈNES
A. LE RÉGIME SPÉCIAL DES MUTUELLES DU CODE DE LA MUTUALITÉ
1. Les mutuelles " 45 " sont triplement avantagées
a) Un régime fiscal dérogatoire qu'elles partagent avec les institutions de prévoyance
Depuis
1992, toutes les entreprises d'assurance relevant du code des assurances,
qu'elles soient constituées sous forme de sociétés
anonymes ou de sociétés d'assurance mutuelles, sont soumises aux
mêmes règles fiscales. Elles sont en particulier assujetties
à l'impôt sur les sociétés et à la taxe
professionnelle.
En outre, certaines taxes spécifiques frappent les entreprises
d'assurance relevant du code des assurances :
- la contribution des institutions financières, également
acquittée par les établissements de crédit : son
montant pour 1999 est évalué à 2,9 milliards de
francs ;
- la taxe sur les excédents de provisions qui s'applique depuis 1983 aux
entreprises d'assurance de dommages : 110 millions de francs en 1995 ;
- des contributions à différents fonds de garantie : fonds
de garantie contre les accidents de circulation et de chasse, fonds de
prévention des risques naturels majeurs...
En revanche, en vertu de leur statut d'organismes à but non lucratif,
les mutuelles du code de la mutualité et les institutions de
prévoyance se voient appliquer des règles fiscales plus
favorables que celles auxquelles sont soumis les autres opérateurs pour
les mêmes activités.
Elles sont ainsi exonérées de la taxe professionnelle et de la
contribution sociale de solidarité des sociétés. Elles
échappent également, en vertu d'instruction administratives,
à la contribution des institutions financières, qui frappe
normalement toutes les entreprises d'assurance.
Elles sont assujetties à l'impôt sur les sociétés
aux taux réduits de 24 % ou de 10 % selon les produits
concernés, et certains de leurs revenus échappent à toute
imposition (dividendes d'actions, gains en capital). Il faut noter toutefois
que l'imposition à l'impôt sur les sociétés porte
sur les revenus réalisés quels que soient les résultats
comptables, et non sur les excédents.
Enfin, les contrats d'assurance maladie complémentaire souscrits
auprès de mutuelles du code de la mutualité ou d'institutions de
prévoyance sont exonérés de la taxe de 7 % sur les
conventions d'assurance. Les sociétés d'assurance ne sont pas
complètement exclues de son bénéfice puisque les contrats
de prévoyance collective sont exonérés de la taxe, quel
que soit l'opérateur qui les propose, lorsque la part des cotisations se
rapportant au risque maladie n'excède pas 20 % (article 998-1 du
CGI).
Le tableau ci-après recense les différences de régime
fiscal entre les mutuelles du code de la mutualité, les institutions de
prévoyance et les sociétés d'assurance.
Distorsions fiscales entre organismes assureurs
|
Sociétés d'assurances |
Mutuelles du code de la mutualité |
Institutions de prévoyance |
Fiscalité des produits |
|
|
|
Taxe sur les conventions d'assurance (risque maladie) |
Assujetties 1 |
Exonérées |
Exonérées |
Fiscalité de l'organisme |
|
|
|
Impôt sur les sociétés : |
|
|
|
- résultats |
33,33 % + contributions additionnelles² soit un taux effectif de 41,66 % pour 1997 |
Assiette limitée à certains revenus financiers - taux de 24 ou 10 % (pas de contributions additionnelles) |
Assiette limitée à certains revenus financiers - taux de 24 ou 10 % (pas de contributions additionnelles) |
- plus-values immobilières ou sur titres de placement |
|
|
Exonérées |
- plus-values à long terme sur titres de participation |
19 % + contributions additionnelles soit un taux effectif de 23,75 % pour 1997 |
Exonérées |
Exonérées |
- imposition forfaitaire annuelle |
Assujetties |
Exonérées |
Exonérées |
Avoir fiscal |
Perte des avoirs fiscaux non imputés |
Récupération des avoirs fiscaux non imputés |
Récupération des avoirs fiscaux non imputés |
Taxe professionnelle |
Assujetties |
Exonérées |
Exonérées |
Taxe sur les salaires |
Assujetties |
Assujetties 3 |
Assujetties |
Taxe d'apprentissage |
Assujetties |
Exonérées |
Exonérées |
Taxe sur les véhicules de société |
Assujetties |
Assujetties |
Exonérées |
Droit d'enregistrement sur les acquisitions immobilières |
Assujetties |
Assujetties 4 |
Exonérées |
Taxe sur les excédents de provisions |
Assujetties |
Non assujetties |
Non assujetties |
Contribution des institutions financières |
Assujetties |
Non assujetties |
Non assujetties |
Contribution sociale des institutions financières |
Assujetties |
Non assujetties |
Non assujetties |
Contribution sociale de solidarité des sociétés |
Assujetties |
Non assujetties |
Non assujetties |
1.
Sous réserve des contrats mixtes vie et maladie pour lesquels le risque
maladie est accessoire.
2. Pour l'exercice 1997, ces contributions additionnelles représentent
25 % de l'impôt calculé au taux de droit commun.
3. Partiellement pour les mutuelles de moins de 30 salariés.
4. taux réduit sur les acquisitions d'immeubles nécessaires au
fonctionnement des services des mutuelles ou de leurs oeuvres sociales.
En mars 1993, la Fédération française des
sociétés d'assurance (FFSA) a saisi la Commission
européenne de deux plaintes dirigées contre la France à
raison du régime fiscal accordé à ces deux
catégories d'organismes et de l'exonération de la taxe sur les
conventions d'assurance dont bénéficient leurs contrats
d'assurance maladie complémentaire (l'analyse de la Commission figure
ci-après).
Selon elle, l'exonération de la taxe de 7 % sur les conventions
d'assurance aurait permis aux mutuelles de porte leur part de marché sur
le segment du financement des dépenses de santé de 6,3 à
7 % depuis 1993 alors que la part de marché des assurances
commerciales plafonne à 3,1 % depuis 1994.
b) Des règles prudentielles et comptables moins strictes que pour les autres acteurs de l'assurance
Les
articles 8 des troisièmes directives sur les assurances de
1992
24(
*
)
disposent que les entreprises
d'assurance qui sollicitent l'agrément doivent adopter certaines formes
juridiques. Pour la France, outre les sociétés anonymes, les
sociétés d'assurance mutuelles et les institutions de
prévoyance
25(
*
)
, sont mentionnées
les mutuelles régies par le code de la mutualité. Ces directives
ont introduit un ensemble de nouvelles règles comptables et
prudentielles destinées à garantir une solvabilité
minimale des acteurs de l'assurance dans toute l'Union européenne.
Or, à ce jour et malgré une mise en demeure, un avis
motivé et, finalement, la saisine de la Cour de justice des
communautés européennes (CJCE) par la Commission
européenne
26(
*
)
, ces dispositions n'ont
pas été transposées pour les mutuelles du code de la
mutualité.
En l'absence de cette transposition, qui impliquerait l'adoption d'un
régime financier en adéquation avec leur statut d'entreprise
d'assurance, les mutuelles du code de la mutualité sont actuellement
soumises à des règles financières, prudentielles et
comptables moins contraignantes que celles que doivent respecter les autres
opérateurs du secteur, même si des améliorations ont
été apportées par les lois n° 85-773 du 25
juillet 1985 et 89-1009 du 31 décembre 1989 en ce qui concerne le
contrôle technique et financier.
En effet, les règles prudentielles qu'elles doivent respecter ont
été conçues pour la gestion de risques courts (protection
complémentaire maladie), en dépit du fait que la couverture de
risques longs (vieillesse, accidents, invalidité,
vie-décès) représente une part croissante de leur
activité (environ 12 % du chiffre d'affaires global en 1995).
La seule obligation qui pèse sur les mutuelles qui ne proposent que la
couverture complémentaire santé est la constitution d'une marge
de sécurité minimale, dans un délai de trois ans
après la création de la mutuelle. En revanche, les caisses
autonomes créées pour la couverture des risques longs doivent
disposer d'un fonds d'établissement et justifier d'une marge de
sécurité minimale égale à 14 % des cotisations
nettes de réassurance et 4 % des provisions techniques nettes de
réassurance qu'elles doivent constituer.
D'une façon générale, les experts soulignent la relative
inefficacité des règles de solvabilité applicables aux
mutuelles en raison de leur non-spécialisation empêchant la
séparation des risques.
Par ailleurs, sur le plan comptable, les mutuelles du code de la
mutualité appliquent le plan comptable général et non le
plan comptable particulier de l'assurance.
c) Des subventions substantielles
Les
mutuelles " 45 " chargées de la gestion de régimes
obligatoires d'assurance maladie reçoivent, pour cette activité,
des remises de gestion versées par les caisses primaires d'assurance
maladie. Les grandes mutuelles de fonctionnaires (MGEN, MGPTT...) et
d'étudiants (MNEF, SMEREP) reçoivent ainsi une somme forfaitaire
qui leur sert à traiter les dossiers de Sécurité sociale
de ses adhérents.
Par ailleurs, l'Etat peut accorder aux mutuelles de fonctionnaires et d'agents
de l'Etat et des établissements publics nationaux "
des
subventions destinées notamment à développer leur action
sociale et (...) à participer à la couverture des risques sociaux
assurée par ces mutuelles
".
Selon le Conseil de la concurrence, ces subventions peuvent représenter
pour les mutuelles concernées jusqu'à 25 % des cotisations
versées par les adhérents.
Par ailleurs, les mutuelles de fonctionnaires bénéficient de
facilités pour l'exercice de leur activité (locaux,
matériel de bureau parfois prêtés par l'administration), et
les plus grandes d'entre elles sont gérées par des personnels
fonctionnaires détachés ou mis à disposition.
d) Des clientèles captives
Les
mutuelles de fonctionnaires et d'étudiants sont chargées du
règlement des prestations du régime d'assurance maladie de la
sécurité sociale (obligatoire) en vertu des articles
L. 381-9 et L. 712-6 du code de la Sécurité sociale.
Elles disposent à ce titre d'une clientèle captive pour l'offre
de produits d'assurance complémentaire.
2. Les sujétions imposées aux mutuelles ne paraissent pas pouvoir justifier l'ensemble des facilités qui leur sont accordées
Comme le
note le Conseil de la concurrence dans son avis du 24 février 1998
annexé à ce rapport, les particularités d'organisation et
de fonctionnement des " mutuelles 45 " sont liées au
rôle dévolu aux mutuelles dans la gestion de la
sécurité sociale et dans le domaine de la solidarité, de
la santé publique et de l'action sociale. En effet, les facilités
qui leur sont accordées représentent pour une part la
contrepartie des sujétions qui découlent de l'accomplissement de
leurs missions.
Dans le cadre de leur activité concurrentielle, les contraintes
imposées aux mutuelles sont principalement de deux ordres :
- elles ne sont pas autorisées à effectuer d'autres
opérations d'assurance que celles qui entrent dans le champ de la
protection sociale complémentaire ;
- elles doivent respecter une certaine égalité de traitement
entre les assurés, ne pouvant introduire des discriminations que si
elles sont " justifiées par les risques apportés, les
cotisations versées ou la situation de famille des
intéressés " (article L.121-2 du code de la
mutualité).
Toutefois, pour le Conseil de la concurrence,
"
les
sujétions imposées aux mutuelles, somme toutes limitées,
ne paraissent pas pouvoir justifier l'ensemble des facilités qui leur
sont accordées pour l'exercice de leurs
activités
.
"
Il estime en particulier que les subventions et aides diverses accordées
aux mutuelles de fonctionnaires et le non-assujettissement des mutuelles et des
institutions de prévoyance à la taxe sur les conventions
d'assurance de 7 % "
pourraient s'analyser comme des
avantages
concurrentiels
dès lors qu'ils profitent directement à des
activités ouvertes à la concurrence, et que, ne
représentant pas la contrepartie d'une contrainte d'intérêt
général précisément identifiée et
chiffrée, ils introduisent un déséquilibre dans le cadre
d'une compétition par les mérites, entre les opérateurs
qui en bénéficient et ceux qui ne peuvent y
prétendre. "
La FFSA chiffre ainsi à près de 3 milliards de francs le montant
global de l'avantage lié à l'exonération de la taxe sur
les contrats d'assurance maladie complémentaire.
Certes, les mutuelles ne peuvent pratiquer " l'exclusion des mauvais
risques ", mais il faut nuancer l'argument selon lequel les
sociétés d'assurance pourraient sélectionner les risques
qu'elles acceptent de couvrir. En effet, le code des assurances interdit aux
sociétés d'assurance de dénoncer le contrat ou d'augmenter
la prime "
lorsque l'état de santé de l'assuré se
trouve modifié
", ce qui place les sociétés
d'assurance dans une position plus contraignante que ne l'allèguent les
mutuelles. En outre, depuis la loi Evin, les assureurs ne peuvent plus,
après l'expiration d'un délai de deux ans, refuser à un
assuré acquittant normalement ses cotisations, le maintien des garanties
maladies et accident souscrites, quelle que soit l'évolution de son
état de santé.
A l'inverse, les mutuelles ont la possibilité de moduler leurs tarifs en
fonction, non seulement du revenu des assurés, mais aussi des
" risques apportés ", notamment de l'âge au moment de
l'adhésion. Certaines d'entre elles subordonnent l'adhésion
à partir d'un certain âge soit au versement de droits
d'entrée, soit à la souscription de plusieurs garanties
liées à la couverture maladie (invalidité,
dépendance, décès).
S'agissant des
subventions
accordées aux mutuelles de
fonctionnaires et agents de l'Etat et des établissements publics
nationaux, le Conseil de la concurrence note que rien n'exclut la
possibilité d'employer ces subventions pour contribuer au financement
des activités d'assurance. Il observe en particulier que le principe de
non-spécialisation auquel sont attachées la plupart des
composantes du mouvement mutualiste rend très difficile le
contrôle de l'affectation des aides publiques.
Ainsi, l'absence d'une nette séparation entre les diverses
activités mutualistes fait courir le risque de subventions
croisées, et en particulier, de
transferts financiers
des
activités protégées vers les activités
concurrencées, ce que la Commission de contrôle des mutuelles et
des institutions de prévoyance ne dément pas. De tels transferts,
quand ils existent, rendent illusoire l'exercice du contrôle de
solvabilité.
Le Conseil conclut qu'une telle affectation de ces ressources peut avoir pour
effet direct de fausser le jeu de la concurrence sur les marchés
d'assurance concernés en défavorisant artificiellement les
concurrents. Il préconise en conséquence une clarification des
relations entre l'Etat et les mutuelles de fonctionnaires.
Auteur d'un rapport sur la Mutuelle nationale des étudiants de France
(MNEF), la Cour des comptes écrit quant à elle :
"
Pour une qualité de service comparable à celle des
caisses primaires d'assurance maladie, les dépenses de gestion
administrative du régime des étudiants ont fortement
progressé au cours des dernières années, sans qu'aucun
contrôle sur la réalité des coûts des mutuelles
d'étudiants ni aucune obligation de séparation des comptes des
différentes activités conduites par ces dernières n'aient
été institués
".
Ces remises, dont le montant est plus important que les coûts
réels de traitement des dossiers des étudiants, ont ainsi, selon
la Cour des comptes, permis à la MNEF "
d'investir dans des
secteurs concurrentiels qui éloignent ces organismes de leur vocation
purement mutualiste
".
B. LA DISTRIBUTION DE PRODUITS D'ASSURANCE PAR LA POSTE ET LE TRÉSOR PUBLIC
Au sein
des grands réseaux bancaires et financiers de distribution des produits
d'assurance vie, La Poste et, dans une moindre mesure, le Trésor,
figurent en bonne place en ce qui concerne le nombre de leur guichets ainsi que
leurs parts dans la collecte de l'épargne.
En effet, depuis la création de la Caisse nationale de prévoyance
(CNP), les services des administrations du Trésor distribuent, avec les
services de La Poste, les produits de la CNP. Il s'agit de produits
d'épargne et de retraite ainsi que des garanties de prévoyance.
La
distribution de produits d'assurance par La Poste et le Trésor
public
est néanmoins contestée par leurs compétiteurs
au motif qu'elle serait de nature à créer des distorsions de
concurrence.
Le Conseil de la concurrence, saisi par la Commission des finances, n'est
pourtant pas aussi catégorique.
1. La distribution de produits d'assurance par La Poste
a) Cadre juridique
La Poste
est habilitée à distribuer les produits d'assurance vie de la
Caisse nationale de prévoyance (CNP) depuis 1968, sur le fondement de
l'article R. 433-10 du code des assurances.
Depuis l'abrogation de cet article
27(
*
)
, c'est
l'article 2 de la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 qui habilite La
Poste à "
offrir, dans le respect des règles de la
concurrence, des prestations (...) relatives à tous produits
d'assurance
. " En conséquence, son activité peut
désormais s'étendre, en vertu d'une habilitation
législative générale, à la commercialisation en
propre ou pour le compte de tiers, de produits d'assurance de dommages.
En 1992, La Poste a adopté le statut commercial privé de courtier
en produits d'assurance, en s'immatriculant à cette fin au registre du
commerce de Nanterre.
La liberté commerciale de La Poste est toutefois limitée
puisqu'en vertu de l'article 12-2° de son cahier des charges, le lancement
de tout nouveau produit d'assurance est soumis à l'accord
préalable du ministre chargé des postes et
télécommunications, ainsi qu'à l'agrément du
ministre chargé de l'économie et des finances.
Ainsi, lorsque la Poste a souhaité, en mai 1997, étendre ses
activités à la distribution de produits d'assurance dommages en
partenariat avec les AGF, elle s'est heurtée à l'opposition des
agents généraux, des compagnies d'assurance et des
" bancassureurs ", au premier rang desquels le Crédit
agricole, et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
n'a pas avalisé ce projet.
Ainsi, à ce jour, La Poste distribue principalement des produits
d'épargne, de retraite et des garanties de prévoyance de la CNP,
mais aussi des produits d'assurance vie du groupe AGF (produit Valorea). Elle
bénéficie pour ce faire d'un réseau d'une ampleur et d'une
implantation exceptionnelles.
b) Place de l'activité de distribution d'assurance dans l'activité globale de La Poste
Au 31
décembre 1996, le poids de l'assurance vie dans l'encours des produits
financiers de La Poste représentait 22 % (contre 8,5 % en
1992), soit 185 milliards de francs. Cet encours a quadruplé depuis
1990.
Avec une part de marché évaluée à 10,8 %
pour 1997, La Poste occupe la seconde place derrière le Crédit
agricole et devant les Caisses d'épargne.
Le chiffre d'affaires réalisé avec La Poste par la CNP
s'élevait en 1995 à 33 milliards de francs et à 39
milliards de francs en 1996.
La CNP a versé 1,3 milliards de francs à La Poste en 1996 en
rémunération de son activité de distribution, dont 820
millions de francs sur flux et 456 millions de francs en encours, soit un
pourcentage de 3,3 % des primes collectées.
Comme le rappelle le Conseil de la Concurrence, c'est au sein du même
réseau de 17 000 bureaux et agences et avec l'aide du même
personnel que La Poste exerce l'activité de service public du courrier
et son activité financière appartenant au secteur concurrentiel,
dont la distribution de produits d'assurance fait précisément
partie.
Sur ce secteur, La Poste est en concurrence avec les autres
intermédiaires d'assurance, à savoir les agents
généraux d'assurance, les courtiers, les guichets bancaires et le
réseau du Trésor ainsi qu'avec les salariés ou mandataires
des opérateurs sans intermédiaires.
c) L'analyse du Conseil de la concurrence
La
Poste n'établit pas de comptabilité analytique permettant de
distinguer ce qui relève des activités de service public et ce
qui relève des activités concurrentielles.
Aussi lui est-il
souvent reproché de pratiquer des subventions croisées entre les
activités de distribution du courrier, qui font l'objet de subventions,
et les services financiers.
En particulier, l'allégement de taxe professionnelle et de taxes
foncières dont La Poste bénéficie
28(
*
)
en contrepartie de la contrainte de desserte de
l'ensemble du territoire et de participation à l'aménagement du
territoire a fait l'objet d'une plainte de plusieurs de ses
concurrents
29(
*
)
devant la Commission
européenne comme étant de nature à créer des
distorsions de concurrence dans le domaine de l'assurance.
Par décision du 8 février 1995,
la Commission a
considéré que cet avantage fiscal ne bénéficiait
pas aux activités concurrentielles de l'exploitant public dans la mesure
où son montant, évalué entre 1,32 et 1,82 milliard de
francs, ne dépasse pas le surcoût généré par
l'accomplissement de ses missions de service public
. La Commission a
toutefois invité La Poste à présenter des comptes
séparés de chacune de ses activités.
Le Tribunal de première instance des Communautés
européennes, devant lequel les requérants ont porté cette
décision, a confirmé la décision de la Commission en
estimant qu'elle avait à bon droit déduit l'absence de
subventions croisées de cette supériorité du surcoût
sur l'avantage fiscal.
Le Conseil de la concurrence
30(
*
)
souligne quant
à lui que
"
les disparités dans les modes de
fonctionnement entre les services financiers de La Poste et ses
concurrents
,
ainsi que l'absence de séparation entre les
activités sous monopole et les activités exercées en
concurrence,
rendaient difficile l'examen comparatif des conditions de
concurrence
. La Poste est un opérateur avantagé par un
réseau de guichets sans équivalent et par le prestige
attaché à l'image du service public, mais elle supporte des
contraintes de desserte et de participation à l'aménagement du
territoire et son autonomie commerciale est limitée "
.
Il estime que la mise en place d'un système de comptabilité
analytique fiable et transparent est nécessaire pour pouvoir
contrôler la tarification pratiquée par La Poste pour ses services
financiers et démontrer son caractère éventuellement
abusif.
Il précise toutefois que
" quelles que soient les
améliorations qui pourraient être apportées à la
comptabilité analytique de La Poste, le contrôle effectif des
règles de la concurrence restera difficile à effectuer tant que
ne sera pas intervenue
une séparation juridique des activités
sous monopole et des activités concurrentielles, par exemple, dans le
cadre d'une filialisation des services financiers. "
Au total, si l'on ne peut démontrer de façon certaine que les
activités de distribution de produits d'assurance par La Poste
bénéficient d'avantages indus par rapport à la
concurrence, le doute subsistera tant qu'une séparation nette ne sera
pas établie comptablement et juridiquement entre les activités
sous monopole et les activités concurrentielles.
2. L'activité de distribution du Trésor public
A
côté de ses missions régaliennes, le Trésor public
exerce également une activité de distribution de produits
financiers et d'assurance. En effet, en vertu de l'article 1
er
de la
convention signée entre l'Etat et la CNP le 5 mai 1995 pour une
durée de dix années,
" la société CNP
Assurances et ses filiales utiliseront le réseau du Trésor public
pour la présentation de leurs contrats et l'exécution de leurs
opérations (...) ".
Bien que les agents du Trésor ne détiennent plus d'habilitation
législative exprès pour distribuer les produits de la CNP depuis
l'abrogation de l'article R. 433-10 du code des assurances,
l'administration a habilité
4 357 agents spécialement
formés et qualifiés
de mandataires non salariés
pour la distribution des produits d'assurance dans les 4 500 postes
comptables. Ces agents perçoivent des commissions pour chaque contrat
placé. Ils ne peuvent utiliser pour ces activités des
informations de nature fiscale et notamment le fichier de la direction
générale des impôts. Il agit d'une activité
privée, exercée sous la responsabilité personnelle des
Trésoriers payeurs généraux.
Le réseau de distribution du Trésor détient ainsi
1,6 % du marché de l'assurance vie
. Le chiffre d'affaires
réalisé avec le Trésor par la CNP s'élevait en 1995
à 6 milliards de francs et en 1996 à 7,6 milliards de francs,
dont 605 millions dans le cadre d'Investissement Trésor Vie (ITV),
filiale commune des deux institutions. Les produits les plus largement
commercialisés par le réseau sont les produits d'épargne
" Trésor-Vie ", complétés par des contrats de
retraite et de prévoyance.
3. L'analyse du Conseil de la concurrence
Le
Conseil de la concurrence observe que les agents du Trésor
bénéficient par rapport à leurs concurrents d'une position
privilégiée compte tenu de la notoriété
attachée à l'image d'un service de l'Etat, de la présence
sur tout le territoire d'un réseau de postes comptables, de
l'utilisation des moyens logistiques de l'administration et de la force de
persuasion particulière des agents du Trésor. Il considère
que ces avantages sont de nature à générer des distorsions
de concurrence dans la distribution de l'assurance vie.
Ces distorsions de concurrence bénéficient en premier lieu
à la CNP qui dispose avec le Trésor d'un réseau
privilégié et qui lui est entièrement dédié,
le Trésor ne distribuant que les produits de la CNP (7 % des
produits de la CNP) aux côtés des Caisses d'épargne
(40 %), de La Poste (39 %), des établissements financiers
(6 %), des mutuelles de fonctionnaires (5 %) et des entreprises
(3 %).
Le Conseil de la concurrence préconise en conséquence les
mêmes remèdes que pour La Poste, c'est-à-dire la
séparation comptable et éventuellement juridique des
activités concurrentielles et non concurrentielles.
C. DES RESTRICTIONS DE CONCURRENCE : LE CAS DE CERTAINS RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES
L'arrêt Poucet et Pistre du 17 février 1993 par
lequel
la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a
jugé que les organismes chargés de la gestion des régimes
légaux de sécurité sociale n'appartenaient pas au secteur
des assurances et n'étaient pas soumis aux règles de la
concurrence n'empêche pas que les mutuelles du code de la
mutualité soient soumises aux règles de la concurrence pour
toutes leurs activités d'assurance qui ne sont pas liées à
la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale. En
effet, les systèmes de prévoyance qu'elles proposent
interviennent en complément des régimes légaux et n'ont
pas de caractère obligatoire.
Par suite, une activité de gestion d'un système de retraite
complémentaire facultative fonctionnant en tout ou partie par
capitalisation constitue, au sens de la jurisprudence communautaire, une
activité concurrentielle à laquelle s'appliquent, en cas d'octroi
de droits exclusifs à une entreprise pour l'exercice de cette
activité, les dispositions de l'article 90 du Traité de Rome.
Ce dernier dispose que :
" les Etats membres, en ce qui concerne
les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des
droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent
aucune mesure contraire aux règles du présent traité,
notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94
inclus. "
Ainsi, après la CJCE (arrêt FFSA et autres du 16 novembre 1995,
affaire C. 244/94), le Conseil d'Etat a jugé, par un arrêt du 8
novembre 1996, que l'exclusion ou la restriction de concurrence sur le
marché des produits de retraite complémentaire des
exploitants
agricoles
31(
*
)
n'était pas
justifié par l'accomplissement de la mission particulière
impartie à la Mutualité sociale agricole. Peu après, la
loi du 18 novembre 1997 a ouvert la gestion du régime facultatif de
retraite complémentaire des exploitants agricoles à la
concurrence.
Néanmoins, il faut noter la subsistance d'un certain nombre de droits
exclusifs dans la gestion de régimes de retraite complémentaire.
Ainsi, en raison de l'avantage fiscal dont ils bénéficient
(notamment la déductibilité du revenu imposable des cotisations
versées),
la Caisse nationale de prévoyance de la fonction
publique
(PREFON), le
Comité de gestion des oeuvres sociales des
établissements d'hospitalisation
(CGOS) et
l'Union nationale des
mutuelles de retraite des instituteurs et des fonctionnaires de
l'éducation nationale et de la fonction publique
(UNMIFEN-FP)
demeurent les gestionnaires exclusifs des systèmes de retraite
complémentaires des assurés dont ils ont la charge.
Or, comme l'écrit le Conseil de la concurrence :
"
Ces dispositifs
de retraite complémentaire facultative
fonctionnant entièrement ou partiellement par capitalisation, ne
relèvent pas du champ de la protection sociale, mais
sont des
produits d'assurance assortis d'un avantage fiscal qui
place les
organismes auxquels est réservée, en droit ou en fait, la
distribution de cet avantage dans une situation plus favorable que les
opérateurs proposant d'autres produits d'épargne retraite, sans
que ces restrictions de concurrence soient nécessairement
justifiées par la mission particulière confiée à
ces organismes
. Même si ces derniers se voient imposer certaines
contraintes liées à la finalité sociale
alléguée de ces régimes de retraite, il n'est pas certain
que ces contraintes impliquent nécessairement une absence de
rentabilité économique, alors, par ailleurs, que l'existence de
l'avantage fiscal facilite la commercialisation du produit
.
"
La question de la justification des restrictions de concurrence pourrait
également se poser à propos des
rentes des anciens
combattants
dont la constitution est réservée aux groupements
mutualistes (article L.321-9 du code de la mutualité), alors que
ces produits d'épargne retraite complémentaire facultative par
capitalisation ouvrent droit à plusieurs avantages consentis par
l'Etat : une majoration de la rente et son non-assujettissement à
l'impôt sur le revenu (article 81-12 du code général
des impôts), ainsi que la déductibilité du revenu imposable
des cotisations versées. Dans ce cas, l'exclusivité n'est pas
accordée par les pouvoirs publics à une entreprise, mais à
une catégorie déterminée d'opérateurs.
Il convient par conséquent de s'interroger sur la
légitimité du maintien de ces avantages fiscaux.
II. L'ENVIRONNEMENT FISCAL ET RÉGLEMENTAIRE FRANÇAIS EST HANDICAPANT
A. UN ENVIRONNEMENT FISCAL PÉNALISANT
1. Certaines particularités fiscales sont handicapantes
Certaines spécificités fiscales françaises
constituent un handicap dans la concurrence opposant les opérateurs
établis en France à leurs concurrents étrangers.
Il en est ainsi par exemple de la
taxe sur les salaires
qui n'existe pas
dans les autres Etats membres. Assise sur la masse salariale dont elle peut
représenter jusqu'à 13,60 % du montant total, cette taxe
entraîne un prélèvement d'en moyenne 6 % du chiffre
d'affaires des compagnies d'assurance. Les sociétés d'assurance
ont acquitté 2,5 milliards de francs à ce titre en 1995 soit
environ 10 % des rémunérations versées.
S'appliquant également aux courtiers, dont la part des salaires avoisine
70 %, elle constitue un handicap sérieux dans la concurrence qui
les oppose aux opérateurs étrangers non établis en France
sur le marché de la couverture des grands risques.
A l'instar de la précédente, la
contribution spéciale
des institutions financières
est une spécificité
française qui a coûté 800 millions de francs aux
sociétés françaises d'assurance en 1996. Elle n'est pas
déductible de l'impôt sur les sociétés.
D'autres impôts particuliers pèsent sur les sociétés
d'assurance comme la
taxe sur les excédents de provisions
en
assurances de dommages depuis 1983 (article 235
ter
du CGI). Lorsqu'elle
constate que la provision constituée est supérieure au sinistre
effectivement enregistré, l'entreprise rapporte à son
résultat courant l'excédent ainsi réalisé. Mais
elle calcule l'impôt sur les sociétés qui aurait
été dû au titre de l'exercice pendant lequel la provision a
été déduite et applique à l'excédent
d'impôt un taux de 0,75 % par mois depuis la fin de l'exercice de la
constitution de la provision initiale. Le différé d'impôt
sur les sociétés, en trésorerie, est ainsi couvert par une
pénalisation significative, compte tenu des taux d'intérêt
actuariels.
Cette taxe rapporte 100 millions de francs par an.
2. Certaines provisions obligatoires ne sont pas déductibles
L'activité d'assurance repose sur la mise en
réserve,
dès le versement de la prime, des coûts futurs de sinistres ou de
remboursement de capitaux, auxquels l'entreprise s'expose pour le compte des
assurés pendant toute la période du contrat. La constitution de
provisions adéquates, en assurance de dommages comme en assurance vie,
constitue une des conditions de la qualité et de la
crédibilité du service rendu dans le temps. La
réglementation prévoit ainsi que les entreprises d'assurance
" doivent constituer, dès la souscription , les provisions
mathématiques ou techniques correspondant à la couverture de tous
les risques ou obligations du contrat ".
Ces obligations faites aux entreprises d'assurance ne doivent toutefois pas les
conduire à déduire ou anticiper des charges sur un exercice dans
un but d'optimisation fiscale. L'administration fiscale interprète
à cet égard de façon relativement stricte l'article 39-1-5
du code général des impôts qui prévoit que
" sont déductibles les provisions constituées en vue
de faire face à des pertes ou charges nettement précisées
et que des événements en cours rendent probables à
condition qu'elles aient été effectivement constatées dans
les écritures de l'exercice ".
Elle reconnaît ainsi la déductibilité des provisions
mathématiques
32(
*
)
dès lors que
les méthodes de calcul du code des assurances sont bien
respectées.
Parfois, c'est la loi fiscale elle-même qui fixe les pratiques comptables
et de gestion ou qui détermine des règles forfaitaires ou des
méthodes relatives à la déduction de provisions
spécifiques (risques dus à des éléments naturels,
risque atomique, risques de responsabilité civile résultant de la
pollution...).
Toutefois, dans un certain nombre de cas, il peut exister des divergences
d'interprétation entre les règles prudentielles tirées des
directives européennes et mises en pratique par les entreprises et le
droit fiscal. Les entreprises sont alors exposées à des
redressements lorsque l'administration ne reconnaît pas des
méthodes de provisionnement nouvelles ou afférentes à de
nouveaux risques.
Ainsi, un certain nombre de provisions jugées indispensables par les
assureurs pour une gestion prudente et constituées conformément
aux règles déterminées par les autorités
prudentielles ne sont pas acceptées par l'administration fiscale en
franchise d'impôts. C'est notamment le cas de :
- la provision de gestion qui vise à couvrir l'ensemble des charges
de gestion lorsque les frais de gestion versés par l'assuré sont
insuffisants : en dépit du fait qu'il s'agisse d'une provision pour
perte probable, estimée de manière détaillée et
réajustée avec les paramètres du portefeuille de contrats,
l'administration conteste sa déductibilité.
- la provision pour aléas financiers, instituée en 1984 pour
couvrir des risques de baisse de rendement de l'actif par rapport à des
engagements garantis à un taux minimum vis-à-vis de
l'assuré : cette provision a été contestée par
l'administration fiscale malgré le caractère réglementaire
de son calcul ; depuis le 1
er
juillet 1993, elle a
été réformée sans pour autant que sa
déductibilité soit établie de façon certaine.
- le provisionnement des risques souscrits au titre de l'assurance
construction, établi à partir de 1983 de manière
forfaitaire, par référence au montant des primes perçues
pendant les trois premières années puis, en pourcentage de la
prime pendant les dix années suivantes. La modification en 1995 de ces
règles contestées par l'administration ne lui a toujours pas
donné satisfaction.
3. La fiscalité pesant sur les contrats d'assurance est très élevée
Les
opérations d'assurance supportent une taxe spécifique, la taxe
sur les conventions d'assurance. A l'exception des contrats d'assurance sur la
vie
33(
*
)
, des indemnités de fin de
carrière et de plusieurs autres garanties dans le domaine des
transports, de l'agriculture et des exportations, la taxe concerne tous les
versements de l'assuré à l'assureur pour des risques
situés en France.
Elle est calculée à des taux différents selon les types de
garantie et d'activité des assurés. Ainsi, l'assurance automobile
est taxée à 18 % dans sa composante de responsabilité
civile obligatoire comme pour la couverture des dommages ; l'assurance
incendie pour les particuliers est taxée à 30 % tandis que
les autres parties d'un contrat multirisque de l'habitation le sont à
9 %, taux de droit commun. Les biens professionnels des industriels,
commerçants et artisans relèvent quant à eux d'un taux de
7 %, de même que les pertes d'exploitation des entreprises.
Les sommes encaissées au titre des
taxes sur les conventions
d'assurance
représentaient
26,1 milliards de francs en 1996
,
soit, en moyenne, 13 % des cotisations d'assurance dommages
encaissées. Le montant de cette recette pour 1999 est estimé
à 26,5 milliards de francs.
Une parafiscalité variée
A la
taxe sur les conventions d'assurance s'ajoute une parafiscalité
variée, représentant 6 milliards de francs pour la seule
contribution à l'ACOSS sur les primes d'assurance automobile et
près de 3 milliards de francs pour les autres
prélèvements (cf. tableau n° 1 ci-dessous). On
dénombre sept catégories de prélèvements,
généraux ou particuliers, sur des contrats d'assurance de
dommages, à des fins de mutualisation nationale, sectorielle ou
professionnelle de risques importants ou de coûts collectifs :
L'assurance maladie
: la partie des primes relative à
l'assurance obligatoire de responsabilité civile, en matière
automobile, donne lieu, depuis 1967, à un prélèvement au
profit du régime général d'assurance maladie de la
sécurité sociale (versement à l'agence centrale des
organismes de sécurité sociale -ACOSS), dont le taux est
passé de 3 % à 15 % depuis sa création et dont
le produit global dépasse le montant des coûts supportés
par l'assurance maladie du fait des accidents automobiles : la couverture
obligatoire de la responsabilité fournit une assiette au financement de
la sécurité sociale.
L'indemnisation des dommages corporels et matériels des
victimes d'accidents de chasse et d'accidents de la circulation causés
par un inconnu, un non-assuré ou un insolvable :
alors même
que l'obligation d'assurance n'existait pas encore, le progrès qu'a
constitué, pour les victimes, la création, en 1951, d'un fonds de
garantie contre les accidents de circulation et de chasse, en cas d'accident
causé par un auteur inconnu, non assuré ou insolvable, est
financé par plusieurs types de ressources, dont une contribution des
entreprises d'assurances, à hauteur de 10 % des dépenses du
fonds, dont une taxe de 0,10 F par personne garantie pour les chasseurs,
mais aussi par une taxe additionnelle de 0,1 %, assise sur la partie
responsabilité civile des contrats automobile. Cette taxe a
été récemment réduite de 1,9 % à
0,1 %, soit un niveau symbolique compte tenu des provisions acquises par
le fonds, qui dispose de la personnalité et se comporte comme un
assureur. De tels mécanismes existent aussi à l'étranger.
Le champ de l'indemnisation des accidents automobile a été
très sensiblement accru en France, par la loi du 5 juillet 1985,
dite "loi Badinter".
L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres
infractions
: l'indemnisation des victimes du terrorisme, mais aussi de
toute infraction pénale non indemnisée à un autre titre,
est financée par une contribution obligatoire sur les contrats
d'assurance de biens, dont le montant est passé de 1 F en 1991 à
15 F en 1996. Le fonds reçoit ainsi environ 0,9 milliards de francs
de la part des assurés.
Le fonds de prévention des risques majeurs naturels
,
institué en 1995 (article L. 431-14 du Code des assurances) pour
l'expropriation et la sauvegarde des populations habitant des zones à
risques : le fonds, qui est géré par la caisse centrale de
réassurance (CCR), dispose d'un prélèvement, à la
charge des entreprises d'assurance, de 2,5 % sur les cotisations
additionnelles finançant les catastrophes naturelles.
Le fonds national de garantie
des calamités
agricoles
, normalement inassurables, est couvert par des contributions
calculées aux taux de 5 %, 7 % ou 15 % sur les contrats
d'assurance de dommages en agriculture (dommages aux cultures, aux
récoles, aux bâtiments et au cheptel ainsi que sur les
véhicules utilitaires agricoles), qui s'ajoutent aux dotations de
l'Etat, versées à la CCR.
En matière d'
assurance construction
, a été
mis au point un mécanisme destiné à prendre en charge les
sinistres des chantiers antérieurs à 1983, date de l'institution
d'une assurance par capitalisation pour les chantiers futurs : les primes
d'assurance des entreprises et des maîtres d'ouvrage (dommages à
la construction et responsabilité décennale) supportent une
contribution de 8,5 % (artisans) ou 25,5 % (autres assurés)
pour équilibrer les sinistres des travaux passés ; en outre une
contribution additionnelle de 0,4 % du chiffre d'affaires des
opérateurs du bâtiment a été recouvrée par
les entreprises d'assurances, garantissant la responsabilité
décennale de leurs clients, pour la période 1991-1996 (art. A 1
635
bis
AB et AC du Code général des impôts). Dans
un tel cas, les entreprises d'assurances, considérées par
l'administration fiscale comme solidairement responsables du paiement des
taxes, avaient un rôle de pur recouvrement d'un impôt dont elles ne
maîtrisaient pas l'assiette. Cette contribution additionnelle de
0,4 % n'a pas été prorogée en 1997.
Le fonds commun des accidents du travail agricole
est
alimenté, d'une part, par une contribution des exploitants (65 %)
sur les cotisations d'assurances légales d'accident du travail agricole
et, d'autre part, par une contribution des membres non salariés des
professions agricoles (exploitants et leurs familles), perçue sur les
cotisations d'assurance obligatoire acquittées au titre des contrats
d'assurance contre les accidents de la vie privée, les accidents du
travail et les maladies professionnelles. Le taux a été
porté de 3,5 % à 7 %, à compter du
1
er
janvier 1996, puis à 10 % à compter du
1
er
janvier 1997.
Si l'on ajoute à cette somme le montant des recettes encaissées
au titre des diverses mesures parafiscales recensées dans
l'encadré ci-dessus, le total de
prélèvements pesant
sur l'assurance de dommages
s'élève à
35,8 milliards de francs en 1996
, hors prélèvements
indirects. Cela représente 18 % des 198 milliards de francs de
primes d'assurance de dommages collectées en 1996.
Cette charge est supportée en réalité de manière
indistincte par les entreprises d'assurances et par les assurés. Elle
n'est pas spécifique à la France mais reste la plus
élevée d'Europe comme le montre le tableau
ci-après
34(
*
)
, constituant à cet
égard un frein à la couverture des risques localisés en
France.
Fiscalité et parafiscalité comparées
dans
les principaux pays de l'Union européenne en 1996
Chiffres en % ou en unités monétaires nationales T = taxes P =
parafiscalité
Risques assurés |
Incendie
|
Santé |
Automobile |
Transport |
||||||
Type d'impôt |
|
|
|
|
RC |
Dommages |
|
|||
|
T |
P |
T |
P |
T |
P |
T |
P |
T |
P |
Allemagne 8 |
10,00 |
8,00 |
0,00 |
0,00 |
15,00 |
0,00 |
15,00 |
0,00 |
15,00 |
0,00 |
Belgique |
9,25 |
6,50 |
9,25 |
10,00 |
9,25 |
17,75 |
9,25 |
17,50 |
9,25 |
0,00 |
Espagne 7 |
0,00 |
5,50 |
0,00 |
0,50 |
0,00 |
3,50 |
0,00 |
0,50 |
0,00 |
0,50 |
Italie 6 |
21,25 |
0,10 |
2,50 |
0,00 |
12,50 |
8,10 |
12,50 |
8,10 |
7,50 |
0,00 |
Pays-Bas |
7,00 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
7,00 |
0,00 |
7,00 |
0,00 |
7,00 |
0,00 |
Royaume-Uni 5 |
2,50 |
35 GBP |
2,50 |
0,00 |
2,50 |
0,00 |
2,50 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
France 4 |
7-30 1 2 |
15 F |
7,00 3 |
0,00 |
18,00 |
15,50 |
18,00 2 |
15 F |
0,00 |
15 F |
1. Tarif
normal de 30 % : pour les risques professionnels et les pertes
d'exportation : 7 %.
2. La loi du 02 février 1995 a institué, en outre, un
prélèvement de 2,50 % assis sur les primes ou cotisations
additionnelles relatives à la garantie " catastrophes
naturelles " au profit du fonds de prévention et risques majeurs.
3. Le taux réduit de 7 % (au lieu de 9 %) s'applique
uniquement lorsque la garantie prévoit le versement d'indemnités
ou le remboursement de frais qui, par nature, entrent dans le champ
d'application de la sécurité sociale.
4. L'assurance construction (RC, dommages) supporte des taxes de 9 % et
une parafiscalité variable de 8,50 % à 25,50 % à
laquelle s'ajoute une contribution de 0,40 % sur le chiffre d'affaires
réalisé en France par les assujettis pour la période du
01 janvier 1991 au 31 décembre 1996. Dans les autres
pays, le taux de droit commun de taxe s'applique généralement
(Allemagne : 15 ; Belgique : 9,25 ; Espagne :
0,50 ; Royaume-Uni : 2,50 puis 4,0 ; Italie :
21,25 ; Pays-Bas : 7).
5. 4 % au lieu de 2,50 % à partir du
1
er
avril 1997.
6. Une parafiscalité additionnelle de 0,10 % s'applique sur les
cotisations des contrats contre les risques incendie, RC
générale, auto " risques divers " et vol, pour
alimenter un fonds de solidarité pour les victimes d'extorsion.
7. Des taxes parafiscales additionnelles s'appliquent avec des taux variables,
faibles ou des montants fixés aux assurances de dommages aux biens
automobile, assurances de personnes et sont destinées au fonds pour
l'assurance des risques extraordinaires.
8. Par ailleurs, la taxe sur l'assurance multirisque habitation des
particuliers est fixée à 14 % à laquelle s'ajoute une
parafiscalité de 2 %.
Source : Encyclopédie de l'assurance, Jean-Pascal Beaufret, La
fiscalité de l'assurance
Ce tableau montre clairement que la France est le pays qui taxe le plus
lourdement les contrats d'assurance, devant l'Allemagne, l'Italie, la Belgique,
qui la suivent d'assez près, et loin devant la Grande-Bretagne, dont le
niveau de fiscalité contribue probablement au développement de
son marché de l'assurance. Ainsi, le véhicule assuré en
France paiera 335 F pour 1 000 F de cotisation obligatoire de
responsabilité civile contre 25 F au Royaume-Uni, 35 F en
Espagne, 150 F en Allemagne et 206 F en Italie.
Or, comme le fait très opportunément remarquer le Commissariat
Général du Plan, la charge fiscale globale qui pèse sur
les produits d'assurance est un élément du prix de revient qui
peut exercer un effet de détournement du flux de demande adressée
aux produits français, dans le cadre de la libre prestation de services.
En effet, bien que ce soit le lieu de localisation du risque qui emporte la
taxation, il est bien difficile en pratique de vérifier que les contrats
d'assurance passés auprès de compagnies étrangères
pour des risques théoriquement situés en France acquittent bien
les taxes françaises. En conséquence, il n'est pas exclu que le
gouvernement français se prive d'une partie de sa substance imposable en
maintenant des taux de taxation sur les contrats d'assurance qui incitent
à la délocalisation des risques.
Or, malgré un effort d'allégement de la fiscalité des
contrats d'assurances de dommages intervenu entre 1989 et 1993 dans un souci
d'harmonisation européenne et de réduction des taxes indirectes,
la fiscalité et la parafiscalité des contrats d'assurance se sont
encore alourdies récemment afin de contribuer au financement d'actions
publiques de couverture de risques collectifs. Il en résulte un "coin"
fiscal non négligeable qui n'est probablement pas sans lien avec le
tassement du marché de l'assurance dommages en France.
En effet, comme l'observe Jean-Pascal Beaufret, aujourd'hui directeur
général des impôts, "
cette situation fournit
probablement une explication partielle au niveau, relativement faible, des
primes d'assurances de dommages par habitant, en France, au regard du niveau de
richesse économique
35(
*
)
. "
4. L'instabilité du régime fiscal de l'assurance vie est source de délocalisation de l'épargne
Il est
incontestable que l'assurance vie a bénéficié
jusqu'à présent de conditions fiscales fort avantageuses. En
effet, non seulement les revenus générés par un tel
contrat étaient exonérés au bout de huit ans et le capital
transmis sans droits de succession, mais en outre le versement des primes
octroyait le droit d'en déduire un quart sur le montant même de
l'impôt sur le revenu. Un tel régime fiscal a fortement
contribué au succès de leur placement.
Toutefois, après un grignotage progressif de ces avantages (voir
encadré ci-dessous), la loi de finances pour 1998 a mis fin à
l'exonération générale dont bénéficiaient
les produits des bons de capitalisation et contrats d'assurance vie. Une telle
mesure a déstabilisé l'équilibre de ces placements au
point de tarir brutalement les flux de primes versées depuis le
début de l'année 1998.
L'article 24 du projet de loi de finances pour 1999 entaille à nouveau
le régime fiscal de faveur de l'assurance vie en remettant en cause
l'exonération de droits de mutation à titre gratuit dont
bénéficient les contrats. Il soumet en effet les sommes
reçues par chaque bénéficiaire d'une assurance vie
à raison du décès de l'assuré à un
prélèvement de 20 % sur la part des sommes excédant
un million de francs. Encore convient-il de préciser que cette mesure
est le résultat d'une amodiation considérable apportée par
l'Assemblée nationale.
En effet, initialement, le durcissement du régime était encore
plus sévère puisque le projet de loi prévoyait une
inclusion des contrats dans le patrimoine soumis à droit de mutation des
assurés décédés, lorsque la somme des valeurs de
rachat des contrats rachetables et des primes versées sur les contrats
non rachetables au jour de décès de l'assuré excède
un million de francs ou 30 % de cette somme augmentée de l'actif
net successoral et des donations de moins de dix ans. En outre, il était
prévu que cette disposition s'appliquerait aux successions ouvertes
à la suite du décès d'assurés survenus à
compter de 1999 quelle que soit la date à laquelle les contrats
d'assurance vie auraient été signés.
Modifications du régime fiscal de l'assurance vie
Régime fiscal des produits des contrats
d'assurance
vie
Depuis 1996, plusieurs dispositions sont venues écorner
l'exonération générale d'impôt dont
bénéficiaient les produits des bons de capitalisation et contrats
d'assurance vie d'une durée minimum de huit ans :
Ces produits ont tout d'abord été assujettis à la
contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 %
lors de l'institution de cet impôt en février 1996. Echappent en
revanche à la CRDS les revenus des livrets A, des livrets
d'épargne populaire et des Codevi.
Puis, lors de la réforme de la contribution sociale
généralisée (CSG) opérée par la loi de
financement de la sécurité sociale du 27 décembre 1996,
ils ont été assujettis à cet impôt au taux de
3,4 %. Les produits attachés aux bons de capitalisation et aux
contrats d'assurance vie seront en particulier imposés en couru,
c'est-à-dire annuellement, à partir de 1997, ou lors du
dénouement pour les contrats en unités de compte. Seuls les
livrets A, les livrets d'épargne populaire et les Codevi restent
totalement exonérés.
Le prélèvement total sur les produits d'épargne-assurance,
précompté par les assureurs, atteint donc 3,9 % du total des
intérêts versés.
Cette réforme était importante puisqu'elle rendait les revenus de
l'épargne immobilisée en assurance vie sensibles à toute
augmentation de la CSG, ce qui n'allait pas tarder à se produire.
• En effet, la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1998 a porté le taux de la CSG à 7,5 % et le total des
prélèvements sociaux à 10 %.
Enfin, la loi de finances pour 1998 a mis fin à l'exonération
des produits des contrats d'assurance vie pour les contrats souscrits à
compter du 1
er
janvier 1998 et au delà d'un plafond de
30.000 francs pour un célibataire et 60.000 francs pour un
couple marié. Les contribuables peuvent toutefois continuer à
opter pour un prélèvement libératoire au taux
spécifique de 7,5 % (hors prélèvements sociaux).
La loi a cependant prévu une exception pour les contrats dits "DSK"
placés à 50 % au moins en actions françaises.
Les réductions d'impôt sur le revenu
• Alors qu'elles permettaient précédemment une
déduction du revenu global, les primes d'assurance vie et les garanties
de rente viagère d'une durée minimale de 6 ans ont
donné droit, de 1984 à 1996, à une réduction
d'impôt, égale à 25 % de la fraction de la cotisation
représentative de l'opération d'épargne, plafonnée
à 4.000 francs plus 1.000 francs par enfant à charge.
L'avantage maximum était donc de 1.000 francs plus 250 francs
par enfant.
• La loi de finances pour 1996 a supprimé cet avantage pour les
nouveaux contrats conclu à compter du 20 septembre 1995 ainsi que pour
les primes relatives à des contrats anciens à versements libres.
Elle a maintenu la réduction d'impôt pour les contrats anciens
à primes périodiques jusqu'à la fin de ces contrats et
pour tous les contrats souscrits par des contribuables dont la cotisation
d'impôt sur le revenu et inférieure ou égale à
7.000 francs.
• La loi de finances pour 1997 a complété le dispositif en
supprimant totalement les réductions d'impôt, même pour les
souscripteurs acquittant moins de 7.000 francs d'impôt sur le
revenu. Une réduction d'impôt est, cependant, maintenue pour les
contrats de " rente-survie " et " d'épargne
handicap ", qui garantissent aux bénéficiaires infirmes le
versement d'un capital ou d'une rente viagère.
Il ne faut pas sous-estimer le risque de délocalisation de
l'épargne que ces mesures induisent. En effet, le Luxembourg vient
récemment de faire état d'un taux de croissance de son assurance
vie de 56 % dû, pour l'essentiel, au " captage " d'une
épargne limitrophe.
Or, dans l'assurance vie, les assureurs traditionnels subissent de plein fouet
la concurrence des bancassureurs. Ils ont fait face jusqu'à
présent en puisant dans leurs réserves de plus-values latentes et
grâce à des portefeuilles de contrats moins bien servis, notamment
en participation aux bénéfices. Aujourd'hui ces ressources se
sont taries. De plus, en raison de l'allongement de la durée de la vie,
il apparaît rétrospectivement que les primes de certains contrats
à taux garantis parfois élevés ont été
sous-tarifées.
Dans le contexte actuel de décrue des taux d'intérêt et de
grande volatilité des marchés financiers qui pèse sur les
résultats financiers des assureurs, tout nouveau choc de
fiscalité sur l'assurance vie pourrait donc encourager les
" fuites " de notre épargne vers l'étranger et
être source de difficultés graves pour les assureurs si des
retraits massifs devaient intervenir.
Une telle hypothèse est d'autant plus problématique qu'outre une
fiscalité pénalisante, les assureurs français sont soumis
à des règles de gestion plus restrictives que certains de leurs
compétiteurs étrangers.
B. UN ENVIRONNEMENT RÉGLEMENTAIRE FRAGILISANT
1. Des dispositions " consuméristes " pénalisantes
Les
compagnies d'assurance-vie sont d'autant plus vulnérables que la loi du
7 janvier 1981 a fixé le montant des
valeurs de rachat des
contrats
à des niveaux
inégalés en
Europe
: 95 % de la provision mathématique pendant les dix
premières années et 100 % ensuite. La loi (articles
L. 132-5 et L. 132-51 du code des assurances) permet ainsi un
exercice facile de la faculté de résiliation sans
pénalité par le souscripteur qui se traduit par une option
ouverte à tout moment sur le passif de la société
d'assurance et se reflète par conséquent négativement sur
les performances et la compétitivité des sociétés
d'assurance française.
Les garanties de rachat échelonnées dont sont assortis les
contrats en France expliquent en partie (outre les critères prudentiels
assez stricts) la place prépondérante des placements obligataires
dans les portefeuilles d'investissement des sociétés d'assurance
française. C'est au contraire l'absence de garanties de rachat (avec il
est vrai l'existence d'importants fonds de pension) qui explique la place des
actions dans le portefeuille des sociétés britanniques.
Comme l'écrit le Commissariat Général du Plan,
"
le point commun de ces deux types de dispositions
réglementaires concernant la gestion d'actifs par création
d'obligations unilatérales excessives, du moins comparativement, est de
privilégier le souci du court terme par rapport à celui du long
terme. Dans la mesure où elles exercent leurs influences principales
vis-à-vis de la branche assurance-vie de l'assurance, dont le souci et
le métier sont la mutualisation et le lissage temporel dans une optique
de long terme,
on peut se demander si elles ne risquent pas de handicaper
gravement les produits d'assurance et les sociétés qui les
offrent par rapport à leurs rivales européennes et
internationales
. "
Ainsi dans l'assurance-vie, une forte hausse des taux d'intérêt
pourrait déclencher une vague de rachat de la part des assurés,
exposant les assureurs à de lourdes pertes.
2. Des règles de gestion contraignantes
a) La règle de fonctionnement de la réserve de capitalisation n'est pas optimale
La
réserve de capitalisation est une provision technique destinée
à lisser les résultats financiers des placements obligataires
à taux fixe en cas de variation de taux. Les plus-values
réalisées en cas de cession d'obligations sont versées
à cette réserve. Les moins-values réalisées sont
compensées par un prélèvement sur cette réserve,
qui est admise dans la marge de solvabilité.
Toutefois, en pratique, le caractère global de la règle de
fonctionnement de la réserve de capitalisation combiné à
la règle comptable " premier entré, premier sorti ",
dissuade les assurances d'utiliser cette réserve de plus-values pour y
imputer en cas de besoin les moins-values qui peuvent survenir, comme c'est son
objet.
b) L'utilisation des produits dérivés est trop restrictive
En
matière de gestion d'actifs, les instruments financiers à terme
ne peuvent pour l'instant pas être utilisés en couverture des
provisions techniques.
Selon le Commissariat Général du Plan, "
s'ils devaient
le devenir prochainement, se poserait alors la question de savoir comment les
comptabiliser sans remettre en cause le principe de comptabilisation en
coût historique des actifs qu'ils couvriraient, alors que prévaut
par ailleurs une tendance à la généralisation d'une
comptabilisation à la valeur de marché issue de la philosophie
des normes comptables IASC, qui peut être jugée
négativement dans la perspective de long terme propre à la
gestion de l'assurance
".
Les règles d'évaluation des actifs des sociétés d'assurances
Les
textes communautaires prévoient une double évaluation des actifs,
à leur valeur historique et en valeur de réalisation. Ces deux
évaluations doivent être publiées par les
sociétés d'assurance, mais le choix est offert pour l'inscription
au bilan. Au Royaume-Uni, les actifs sont comptabilisés à leur
valeur de réalisation, alors que, en Allemagne, ils sont inscrits
à leur valeur d'acquisition. La situation en France est la suivante.
•
Le principe général
Les actifs des sociétés d'assurances sont comptabilisés au
bilan à leur valeur d'acquisition ou à leur prix de revient,
après déduction d'éventuels amortissements et
dépréciations. Cela concerne tous les actifs, ceux qui
garantissent les engagements pris envers les assurés (provisions
techniques) comme ceux qui représentent les fonds propres.
•
La publication extracomptable des valeurs de
réalisation
Tous les actifs sont par ailleurs évalués à leur valeur de
réalisation : cours de Bourse du jour de l'inventaire ; prix
de rachat pour les OPCVM ; pour les actifs immobiliers, évaluation
par un expert agréé par la Commission de contrôle des
assurances. La valeur de réalisation est publiée chaque
année par les sociétés d'assurance, dans une annexe
spéciale.
•
Les provisions pour dépréciation
Les valeurs amortissables (obligations, titres participatifs, titres de
créances négociables) ne font pas l'objet d'une provision en cas
de constat d'une moins-value latente.
En revanche, pour tous les autres actifs, une provision doit être
inscrite au bilan dès lors que le total des valeurs de
réalisation fait apparaître une moins-value globale.
III. DES RISQUES POUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE DANS UN ENVIRONNEMENT DE PLUS EN PLUS CONCURRENTIEL
Le
marché unique de l'assurance est en cours de constitution. En
témoignent les restructurations qui ont eu lieu dans le secteur de
l'assurance ces dernières années.
Dans ce contexte, l'assurance française est exposée à deux
types de risques :
- un risque de perte d'identité nationale en passant sous le
contrôle de capitaux étrangers ;
- un risque de délocalisation des centres de production de produits
d'assurance dans les pays qui offrent l'environnement fiscal et
réglementaire le plus favorable.
A. LE MARCHÉ UNIQUE DE L'ASSURANCE : UN MYTHE DEVENU BIENTÔT RÉALITÉ ?
1. La libre prestation de services est encore théorique
Depuis
1964
36(
*
)
, un marché des assurances
aujourd'hui étendu à l'ensemble des pays de l'Espace
économique européen (E.E.E.) s'édifie à travers une
série de textes qui visent à faciliter la libre circulation des
prestations et le libre établissement des opérateurs.
Nonobstant les directives générales concernant les
opérations financières dont le champ d'application dépasse
le seul secteur des assurances, près d'une trentaine de directives
intéressant directement ce secteur ont été adoptées
par le Conseil des communautés européennes. Ces textes qui ont
permis l'émergence d'un marché unique de l'assurance laissent
encore une place importante aux réglementations nationales.
En dépit de la troisième génération de directives
européennes, les tarifs assurantiels en Europe sont restés
dispersés, contrairement aux prévisions du rapport Cecchini.
Par ailleurs, une étude menée par la Cegos en Grande-Bretagne
montre que la libre-prestation de services est encore très peu
pratiquée dans ce pays, en dépit de son entrée en vigueur
précoce (1990 pour les " grands risques ", juillet 1994 pour
tous les risques).
Pour l'instant, la mise en place du marché européen de
l'assurance s'est traduite par un mouvement de consolidation, une tendance
à la baisse des coûts d'exploitation liée à la
maturité des marchés, une croissance de la productivité
(la hausse médiane du ratio primes/employés a été
de 13,5 % en écus constants de 1989 à 1995 pour la
France, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Royaume-Uni) et un tassement de la
rentabilité des entreprises (le ratio médian
bénéfice net sur capital est passé de 12,06 % en 1979
à 9,5 % en 1995).
2. L'entrée en vigueur de l'euro rendra les prix plus transparents
Si l'on
en croit les spécialistes de l'assurance, l'euro devrait être le
véritable déclencheur du mouvement de convergence des tarifs de
l'assurance en rendant les comparaisons plus faciles, sous réserve des
différences contractuelles importantes qui demeurent et demeureront
longtemps.
Ainsi, entendu par le groupe de travail, M. Michel Rémond,
président des sociétés d'assurance mutuelle sans
intermédiaires réunies dans le GEMA, déclarait :
" Il est essentiel de comprendre que la monnaie unique sera un facteur
important de concurrence auprès des consommateurs qui pourront comparer
termes à termes les prix des biens et services qui leur seront
proposés sur le marché européen. Or, cette comparaison
fera apparaître que la fiscalité des produits d'épargne
français diminue significativement leur rendement par rapport aux
produits concurrents. "
B. UN RISQUE DE PERTE D'IDENTITÉ NATIONALE
A la
différence du secteur bancaire français qui reste encore sous
contrôle national, certaines compagnies d'assurance françaises et
la plupart des sociétés de courtage sont déjà
passées sous le contrôle de capitaux étrangers.
Or, comme il a été vu dans le chapitre I, l'assurance
française contribue très largement au financement de
l'économie française par l'ampleur de ses investissements. Il est
par conséquent à craindre qu'un changement de la structure
capitalistique de l'assurance française fragilise le financement de
notre économie.
1. L'opéabilité des sociétés d'assurance
Compte
tenu des barrières à l'entrée sur le marché
français et de la structure de la distribution, les assureurs
étrangers désirant opérer en France ont du procéder
à l'acquisition d'entreprises françaises, de façon
à bénéficier de leurs réseaux de distribution.
La sous-capitalisation des sociétés d'assurance françaises
a facilité leur tâche. Dans un passé récent, les
opérations suivantes ont ainsi été
réalisées :
- août 1994 : la compagnie britannique Commercial
Union rachète le groupe Victoire ; cette opération
s'est achevée par la fusion en 1996 des sociétés Sinafer
et SEV au sein d'Abeille Vie, filiale de Commercial Union ; Grâce
à cette opération, Commercial Union a pu réaliser en 1995
un chiffre d'affaires supérieur à 20 milliards de francs.
- 1997 : le groupe italien Generali lance une OPA sur les AGF
(n° 3 français) finalement rachetés par Allianz.
Cette opération, qui s'est accompagnée de la cession de la
société Athéna à Generali, aura également
pour effet une prise de participation d'Allianz dans la COFACE.
A la fin de l'année 1997, trois des dix premières entreprises
françaises étaient contrôlées par des compagnies
étrangères ; elles représentaient 16,2 % du
total des primes recueillies, toutes assurances confondues, mais seulement
11 % dans le secteur de l'assurance-vie.
Grâce à ces acquisitions, le poids global des assureurs
étrangers sur le marché français continue sa progression.
Après l'acquisition des AGF, Allianz est devenu le premier intervenant
étranger sur le marché français devant Generali. Ce
dernier a récemment déclaré vouloir augmenter sa part de
marché en assurance dommage en France et disposer de moyens suffisants
pour financer une opération de croissance externe.
Le Commissariat Général du Plan relève en outre la forte
dégradation des positions de l'assurance française à
l'occasion des restructurations qui se sont produites dans l'industrie de
l'assurance. On peut mesurer ce recul en observant la part du marché
français qui est désormais celle des acteurs de l'assurance
détenus par des capitaux non-français.
Parts de marché français détenues par les
sociétés d'assurance sous contrôle étranger en % en
1996 :
sans AGF, ATHÉNA et GAN Y compris AGF et ATHENA
mais sans le GAN
Particuliers : 13,4 % 24,8 %
Risques industriels : 25,2 % 39,3 %
Transport : 16,5 % 42,9 %
Construction : 9,9 % 15,9 %
Crédit caution : 7,5 % 84,4 %
Autres : 5 % 8,9 %
A l'inverse, dans les grandes restructurations récentes, il ne
paraît pas y avoir eu d'acquisitions françaises
équivalentes en Europe (à l'exception du rachat par AXA de la
Royale Belge, deuxième assureur belge, en mai 1998). Les acquisitions
françaises ont plutôt eu lieu aux Etats-Unis. Par ailleurs, le
positionnement international traditionnel de la croissance française
s'est très orienté vers le Sud et très peu vers l'Europe
du Nord.
2. Des sociétés de courtage sous influence
A
l'exemple de leurs clients (les entreprises) dont elles accompagnent la
croissance, les sociétés de courtage sont confrontées
à une course à la taille.
Or, comme l'observe le Commissariat Général du Plan, à
l'occasion de cette concentration internationale par fusions et acquisitions,
la plupart des grandes sociétés de courtage françaises
sont passées
sous contrôle étranger
.
Ainsi, en dix-huit mois, la Cecar, Gras Savoye et Le Blanc de Nicola ont suivi
le chemin tracé par Faugère et Jutheau, entré dans le
giron du numéro un mondial, Marsh McLennan en 1992. Aucun des quatre
premiers courtiers français n'a pu conserver son
indépendance
37(
*
)
. Seul Gras Savoye ne
l'a pas totalement aliénée, en faisant entrer le Britannique
Willis Corroon, quatrième courtier mondial dans son capital, à
hauteur de 31,7 % en juillet 1997. Un an après, Willis Corroon
était racheté par l'américain Kohlberg Kravis Roberts
(KKR).
Il ne faut pas sous-estimer les risques qu'une telle évolution induit
en termes d'influence. En effet, étant donné l'ampleur et la
qualité des informations qu'ils détiennent, les courtiers peuvent
être de très efficaces agents de l'intelligence économique
au service de leurs nouveaux actionnaires.
Par ailleurs, une telle évolution
risque
d'entretenir, voire
de
pérenniser l'éviction des assureurs français
du marché des grands risques
industriels comme cela a
été évoqué plus haut
38(
*
)
, si les filiales françaises des courtiers
anglo-saxons étaient amenées à favoriser les compagnies
d'assurance d'origine anglo-saxonne.
Le même phénomène de concentration s'observe dans le
courtage français de réassurance.
Le groupe de travail estime que la spécificité du courtage
français mérite d'être défendue. En effet, à
la différence des courtiers anglo-saxons qui se contentent de vendre des
contrats et qui n'ont que le souci du vendeur, le courtier français est
un conseil en achat de contrats d'assurance pour son client. Non seulement il
émet les primes d'assurance, gère les encaissements et les
relances, mais il assure la gestion des sinistres et s'occupe du client en
continu en cas de survenance du risque couvert. Il a, par rapport au
" broker ", le souci global de son client.
Certes cette spécificité du courtage français est
coûteuse à gérer, ce qui expliquerait la moindre
rentabilité du courtage français. Mais, elle représente un
service beaucoup plus important pour le client, que les courtiers
français sont susceptibles de pouvoir valoriser commercialement dans un
contexte d'interpénétration des marchés nationaux
européens.
C. UN RISQUE DE DÉLOCALISATION DES ACTIVITÉS DE PRODUCTION AU DÉTRIMENT DE L'EMPLOI EN FRANCE
1. Le risque de délocalisation
Compte tenu de la séparation fonctionnelle entre la production de produits d'assurance et leur distribution, la France est exposée à un risque de déplacement des centres de traitement des dossiers et de concentration des compétences sur les marchés apportant l'environnement général le plus favorable. La gestion des risques industriels par les AGF a ainsi déjà été délocalisée en Allemagne.
2. Les enjeux en termes d'emplois
En 1997,
le secteur de l'assurance employait 207 800 personnes en France, dont
133 100 salariés dans les sociétés d'assurance et 74
700 intermédiaires indépendants.
Si on incorpore les 30 000 à 40 000 personnes qui
opèrent en matière d'assurance dans les réseaux bancaires,
du Trésor, des Caisses d'épargne et de La Poste, les effectifs
représentent environ 1 % de l'emploi national.
En conséquence, le groupe de travail sur le secteur des assurances ne
croit pas inutile de préconiser un certain nombre de réformes
afin de permettre à nos entreprises d'assurance de relever le
défi de l'unification du marché.
CHAPITRE III
L'ADAPTATION DE L'ASSURANCE
FRANÇAISE À LA MUTATION DES MARCHÉS PASSE PAR DES
RÉFORMES INDISPENSABLES
I. SUPPRIMER LES HANDICAPS FISCAUX PESANT SUR L'ASSURANCE FRANÇAISE
A. METTRE EN CONFORMITÉ LES RÈGLES FISCALES AVEC LES RÈGLES PRUDENTIELLES
Pour
prévenir les requalifications par l'administration fiscale de provisions
constituées par les compagnies d'assurance en conformité avec les
règles prudentielles et leur assujettissement à l'impôt sur
les sociétés, le groupe de travail propose une harmonisation des
règles prudentielles et fiscales. Les provisions à constituer
conformément au code des assurances seraient, de ce fait,
systématiquement déductibles.
Toutefois, afin que cette harmonisation ne conduise pas à rigidifier les
règles d'évaluation de certaines provisions, chacune des
provisions réglementaires serait étudiée au cas par
cas.
B. MODERNISER LA FISCALITÉ DE L'ASSURANCE
Deux
contributions particulières pèsent lourdement sur la
rentabilité du secteur des assurances (comme d'ailleurs sur celle du
secteur bancaire) : la taxe sur les salaires et la contribution sur les
institutions financières.
Ces contributions ont trois défauts : elles pèsent sur
l'emploi et non sur la richesse produite, elles pénalisent les
assurances par rapport aux autres secteurs de l'économie, et elles les
affaiblissent par rapport aux compagnies étrangères qui
n'acquittent pas ce type d'impôt.
1. Supprimer la taxe sur les salaires
Assise
sur la masse salariale dont elle peut représenter jusqu'à
13,60 % du montant total, cette taxe entraîne un
prélèvement d'en moyenne 6 % du chiffre d'affaires des
compagnies d'assurance.
Les sociétés d'assurance ont acquitté 2,5 milliards de
francs à ce titre en 1995 soit environ 10 % des
rémunérations versées.
S'appliquant également aux courtiers, dont la part des salaires avoisine
70 % du chiffre d'affaires, elle constitue un handicap sérieux dans
la concurrence qui les oppose aux opérateurs étrangers non
établis en France sur le marché de la couverture des grands
risques.
Il convient donc de supprimer cette taxe progressivement, dans le respect de
l'équilibre des finances publiques.
A cet égard, comme pour le secteur des banques, le groupe de travail
propose deux solutions :
- prévoir une suppression progressive sur cinq ou dix ans ;
- remplacer la taxe sur les salaires par une fiscalité substitutive, de
type TVA, qui ne pénalise pas l'emploi.
2. Supprimer la contribution des institutions financières
Comme
les établissements de crédit, les entreprises d'assurance sont
assujetties à une taxe spécifique dénommée
contribution annuelle des institutions financières et égale
à 1 % de leurs dépenses de fonctionnement.
En 1996, les entreprises d'assurance ont acquitté à ce titre
environ 800 millions de francs.
Lorsqu'elle avait été créée en 1982, la
contribution des institutions financières devait être
exceptionnelle, la caractéristique principale des
prélèvements exceptionnels en France étant d'être
finalement pérennisés... ce qui nuit à la
crédibilité des décisions fiscales.
Comme pour les banques, le groupe de travail estime que la contribution
annuelle des institutions financières doit être supprimée.
Il se considère d'autant plus fondé à préconiser
une telle suppression pour les entreprises du secteur de l'assurance qu'elles
seront les premières victimes du triplement du taux de la cotisation
minimale de taxe professionnelle prévu par le projet de loi de finances
pour 1999 pour financer la suppression progressive de la part salariale de
l'assiette de la taxe professionnelle. En effet, la cotisation minimale de taxe
professionnelle
39(
*
)
touche essentiellement les
entreprises dont les bases d'imposition à la taxe professionnelle
(investissements et masse salariale) sont faibles, au premier rang desquelles
figurent les compagnies d'assurance.
Il paraît donc équitable d'exonérer ces mêmes
entreprises d'une taxe qui, encore une fois, n'était pas destinée
à devenir pérenne et qui handicape nos entreprises dans la
compétition internationale.
Afin d'éviter de nuire à l'équilibre des finances
publiques, cette suppression peut se réaliser en trois
étapes :
- autoriser sa déduction du bénéfice imposable ;
- supprimer la partie de l'assiette constituée par les salaires ;
- enfin, la supprimer totalement.
3. Réduire la fiscalité pesant sur les contrats d'assurance
En
matière d'assurance vie, les directives posent le principe de
l'application de la législation fiscale (impôts indirects et taxes
parafiscales) en vigueur dans l'Etat membre où le risque est
situé et au profit de cet État membre.
De même, en matière d'assurance non vie, les directives
prévoient que les contrats sont exclusivement soumis aux impôts
indirects et taxes parafiscales dans l'Etat membre où le risque est
situé. Les contrats d'assurance de dommages vendus en France par des
assureurs étrangers qui n'ont ni établissement, ni succursale, ni
agence, et opérant en libre prestation de services supportent donc les
taxes françaises : les entreprises étrangères sont
tenues d'effectuer une déclaration d'existence et d'y désigner un
représentant fiscal responsable du paiement de la taxe.
De telles dispositions pourraient
a priori
laisser penser qu'une
harmonisation fiscale européenne n'est pas nécessaire dans la
mesure où tous les assureurs souhaitant exercer en France, soit
directement, soit en libre prestation de services, sont assujettis aux
mêmes règles fiscales.
Mais une telle appréciation ne prend pas en compte les dangers
réels de délocalisation des risques, notamment industriels,
induits par la forte pression fiscale pesant sur les contrats d'assurance
français. En effet, comment empêcher les entreprises de s'assurer
dans le pays dont la fiscalité directe est la plus favorable s'agissant
de risques difficilement localisables ?
C'est pourquoi, à défaut d'une harmonisation
européenne, le groupe de travail recommande l'alignement progressif des
taux de la taxe sur les conventions d'assurance sur la moyenne
européenne des taux de cette taxe.
4. Stabiliser la fiscalité de l'assurance vie
Grisé par ses pouvoirs prométhéens, le
gouvernement est traditionnellement pris en étau entre deux
positions :
- orienter l'épargne dans des placements qu'il estime utiles à
l'économie par des mesures fiscales incitatives ;
- limiter le poids de la dépense fiscale.
Ce dilemme l'a conduit à modifier 19 fois le régime fiscal de
l'assurance vie depuis 1980, 12 fois depuis le 1
er
janvier 1990 et 5
fois depuis 1996.
Aujourd'hui, la préoccupation du gouvernement est clairement de limiter
la dépense fiscale au détriment des contribuables qui ont
placé leur épargne dans des produits d'assurance vie en
réponse aux incitations fiscales.
Outre la nécessaire sécurité fiscale des
épargnants, deux arguments incitent le groupe de travail à
préconiser une stabilisation de la fiscalité de l'assurance vie.
En premier lieu, comme on l'a vu dans le chapitre I, l'assurance vie explique
l'essentiel de la croissance de l'assurance ces dix dernières
années. L'épargne investie dans des contrats d'assurance vie
contribue ainsi très largement au financement de l'économie
nationale. Or, le choc fiscal qu'a constitué la fin de
l'exonération des produits d'assurance vie a engendré une forte
contraction de la collecte au début de l'année 1998, qui,
même si elle n'est que conjoncturelle, illustre bien la très
grande sensibilité de ce type de produits à la fiscalité.
En second lieu, loin de se reporter sur d'autres produits d'épargne
nationaux, l'épargne française ainsi libérée risque
fort de se reporter sur des contrats d'assurance vie souscrits à
l'étranger lorsque l'euro aura rendu les prix et la fiscalité
plus transparents. Les récentes mesures de sévérisation de
la fiscalité de l'assurance-vie en France ne sont probablement pas sans
rapport avec la croissance exceptionnelle des flux de placements de
l'assurance-vie au Luxembourg : ils ont en effet augmenté de
56 % en un an.
En effet, deux facteurs rendent la France moins attractive que ses
voisins :
- Tout d'abord, pour des raisons prudentielles, le rendement garanti des
contrats d'assurance vie est plafonné selon plusieurs options. Cette
règle, transférée dans le livre premier du code des
assurance, s'applique à tous les opérateurs ayant une
activité sur le territoire français car elle est
considérée comme étant d'intérêt
général.
Un souscripteur pourra donc avoir avantage à souscrire une assurance vie
auprès d'une compagnie garantissant un rendement qui soit en rapport
avec celui des actifs réels placés par l'entreprise
(Grande-Bretagne ou Luxembourg), plutôt qu'auprès d'un de ses
concurrents qui ne peut garantir qu'un rendement limité, par exemple
à un pourcentage du taux d'émission des emprunts d'Etat.
- Par ailleurs, la fin de l'exonération des revenus des contrats
d'assurance vie et l'augmentation récente des prélèvements
pesant sur ces produits distingue désormais la France de certains
États voisins qui ne pratiquent aucun impôt sur les revenus
versés.
Dans ces conditions, il convient de s'interroger sur un niveau d'imposition qui
soit conforme à l'équité fiscale, tout en ne risquant pas
de fragiliser les assureurs nationaux et l'économie nationale en
constituant un facteur de délocalisation de l'épargne. Une
étude comparative de la fiscalité pratiquée dans les pays
européens sur l'assurance vie pourrait servir de base de
réflexion.
En tout état de cause, il convient de prohiber toute mesure
rétroactive qui romprait le pacte implicite passé entre les
citoyens et l'Etat et qui contribuerait à creuser davantage le
fossé entre gouvernants et gouvernés.
C. PERMETTRE L'AMORTISSEMENT FISCAL DES SOCIÉTÉS DE COURTAGE
Le
contrôle progressif des sociétés de courtage
françaises par des capitaux anglo-saxons est la résultante des
règles fiscales françaises moins favorables dans un environnement
très concurrentiel. En effet, alors qu'il est possible à une
société de courtage américaine d'amortir en trois ans le
coût d'acquisition d'une société de courtage ou du
portefeuille de clientèles qu'elle rachète, cela est tout
à fait impossible en France.
Ce qui est fiscalement logique du point de vue des règles
françaises aboutit en l'espèce, par le biais d'une concurrence
fiscale très forte, à un avantage compétitif
décisif pour le courtage anglo-saxon.
Il convient donc d'adopter un dispositif fiscal aux effets équivalents
à un amortissement du coût d'acquisition d'une
société afin de faciliter les regroupements nationaux.
II. HARMONISER LES CONDITIONS D'EXERCICE DU MÉTIER DE L'ASSURANCE
Comme
l'a précisé le Conseil de la concurrence dans son avis du
17 septembre 1996 relatif aux conditions de concurrence dans le
système bancaire et de crédit français
40(
*
)
, "
le bon fonctionnement de la concurrence
sur un marché n'implique pas nécessairement que tous les
opérateurs aient des conditions d'exploitation identiques, mais suppose
toutefois qu'aucun d'entre eux ne bénéficie pour son
développement de facilités que les autres ne pourraient obtenir
et d'une ampleur telle qu'elles lui permettent de fausser le jeu de la
concurrence, en empêchant des concurrents aussi efficaces de progresser
sur ce marché, sauf à ce que ces facilités soient
justifiées par des considérations d'intérêt
général
".
Le groupe de travail respecte la diversité des statuts juridiques des
acteurs qui interviennent sur le marché de l'assurance mais
considère qu'ils doivent pouvoir évoluer dans un contexte fiscal,
prudentiel et réglementaire le plus neutre possible pour ne pas fausser
le jeu de la concurrence. C'est notamment vrai sur le segment de la protection
sociale complémentaire qui est le plus ouvert.
Il convient donc d'harmoniser ce qui doit l'être.
A. TRANSPOSER LES 3ÈMES DIRECTIVES AUX MUTUELLES DE LA MUTUALITÉ
1. Rappel historique
Les
troisièmes directives européennes 92/49/CEE du 18 juin 1992 sur
l'assurance non-vie et 92/96/CEE du 10 novembre 1992 sur l'assurance vie visent
à mettre en place un véritable marché unique de
l'assurance reposant pour l'essentiel sur l'existence d'une licence unique
permettant à toute entreprise agréée dans un État
de s'établir ou de prêter ses services dans l'ensemble du
territoire communautaire, sous le seul contrôle de l'autorité
compétente de son pays d'origine. Ce mécanisme entraîne la
suppression de l'approbation préalable et de la communication
systématique des conditions et des tarifs d'assurance aux
autorités chargées du contrôle, sauf pour les assurances
obligatoires.
Compte tenu de l'inclusion des mutuelles " 45 " dans le champ
d'application de ces directives, celles-ci auraient du être
transposées dans le code de la mutualité avant le 31
décembre 1993
41(
*
)
.
Leur non transposition dans le code de la mutualité a, jusqu'à
présent, appelé une lettre de mise en demeure (31 janvier 1996)
puis un avis motivé (5 mars 1997) de la part de la Commission
européenne. En dépit des propositions françaises tendant
à transposer les directives tout en respectant la
spécificité mutualiste, la Commission a finalement saisi la Cour
de justice des communautés européenne le 8 mai 1998 pour
transposition incomplète.
Il paraît donc désormais difficile aux mutuelles du code de la
mutualité de se soustraire à l'application de dispositions
qu'elles avaient, au demeurant, elles-mêmes appelées en 1991 afin
de bénéficier de la liberté d'établissement et de
la liberté de prestations de services.
Elles sont revenues en 1996 sur cette position
42(
*
)
pour trois raisons.
En premier lieu, les directives imposent le principe de spécialisation
selon lequel "
chaque État membre exige que les entreprises
d'assurance qui sollicitent l'agrément (...) limitent leur objet social
à l'activité d'assurance et aux opérations qui en
découlent directement, à l'exclusion de toute autre
activité commerciale
. "
Non seulement ce principe obligerait les groupements mutualistes à
" filialiser " les oeuvres sociales (voir encadré ci-dessous)
que beaucoup d'entre elles ont créées, mais surtout, il rendrait
difficile, voire impossible les transferts de fonds entre activités
bénéficiaires et déficitaires, permis jusqu'à
présent par l'absence de séparation entre activités
d'assurance et activités sociales. Les mutuelles craignent en
conséquence la disparition d'un certain nombre d'établissements
non profitables.
Les oeuvres sociales des mutuelles " 45 "
Les
mutuelles ne limitent pas leurs activités à la seule couverture
des risques. Un certain nombre d'entre elles gèrent en effet divers
types de services associés : établissements de soins,
centres dentaires et d'optique, pharmacies, maisons de retraite, etc. Ces
établissements n'ont pas de personnalité juridique propre
(article L. 411-2 du code de la mutualité).
Dans certains cas, les services proposés n'ont qu'un rapport lointain
avec la "
prévention des risques sociaux liés à la
personne et à la réparation de leurs
conséquences
", objet principal de l'activité
mutualiste, mais se rattachent plutôt à l'objectif très
large de "
développement culturel, moral, intellectuel et
physique de leurs membres et l'amélioration de leurs conditions de
vie
" également poursuivi par les mutuelles en vertu de
l'article L. 111-1 du code de la mutualité : centres de
vacances et de loisirs, cautionnement de prêts, tarifs réduits sur
des produits culturels, etc.
La Fédération nationale de la mutualité française
(FNMF) évalue à 10 milliards de francs le chiffre d'affaires
réalisé par les 1 500 établissements
gérés par les mutuelles affiliées et parmi lesquels on
compte :
- 322 centres d'optique,
- 257 centres de santé dentaire,
- 43 centres médicaux,
- 311 établissements et services pour les personnes âgées,
- 174 services et centres de loisirs vacances,
- 59 établissements court moyen séjour et de santé mentale.
En second lieu, la transposition des directives accentuerait les règles
de sécurité prudentielles applicables aux mutuelles et mettrait
fin à l'obligation de réassurance dans le réseau
mutualiste.
Enfin, les directives prévoient la possibilité de
transférer le portefeuille de mutuelles au profit des
sociétés d'assurance et des institutions de prévoyance.
Comme le rappelle M. Bacquet
43(
*
)
,
président de la section sociale du Conseil d'Etat, dans un rapport remis
au ministre des affaires sociales en mai 1994 :
"
Les instances mutualistes ne sont pas hostiles, par principe,
aux transferts de portefeuille, mais elles voudraient que ces transferts ne
soient possibles qu'entre organismes mutualistes, donc n'interviennent
qu'à l'intérieur de la famille mutualiste. Ceci en vue de
préserver les caractère spécifiques de la mutualité
et d'éviter la banalisation des mutuelles au sein du secteur des
assurances, mais aussi pour écarter le risque d'absorption d'entreprises
de l'économie sociale par le secteur de l'économie à but
lucratif. "
2. Une transposition réaliste
Précisons d'emblée que si le groupe de travail
s'est
prononcé pour la transposition des directives européennes dans le
code de la mutualité, c'est en ayant pleinement conscience et en
respectant les spécificités de la mutualité
française. Il considère cependant qu'une transposition ne serait
pas nécessairement contraire aux intérêts des groupements
mutualistes si elle s'accompagne d'un certain nombre d'aménagements.
Au demeurant, comme le rappelle M. Bacquet, les directives ont
elles-mêmes prévu d'exclure du champ de la transposition un
certain nombre de mutuelles :
en non vie
(directive 92/49) :
- les mutuelles dont le statut prévoit la possibilité de
procéder à des rappels de cotisations (ou réduction des
prestations), ne couvrant pas les risques responsabilité civile,
crédit et caution, percevant moins d'un million d'Ecus
(6,5 MF de cotisations annuelles) et dont la moitié au moins des
cotisations provient des membres affiliés ;
- les mutuelles ne versant que des prestations d'assistance en nature et
percevant moins de 200 000 Ecus par an (1,3 MF) ;
- les mutuelles intégralement réassurées auprès
d'une entreprise d'assurance de même nature ou pour lesquelles le
cessionnaire se substitue à la cédante pour l'exécution
des engagements ;
en vie
(directive 92/96) :
- les mutuelles dont le statut prévoit la possibilité de
procéder à des rappels de cotisations (ou réduction des
prestations ou de faire appel au concours d'autres personnes ayant souscrit un
engagement à cette fin) et ayant perçu moins de 0,5 million
d'Ecus (3,2 MF) de cotisations annuelles pendant au moins
3 années consécutives ;
- les mutuelles ne versant que des allocations pour frais d'obsèques.
En pratique, ces dispositions pourraient permettre d'exclure de très
nombreuses petites mutuelles
44(
*
)
maladie dans
la mesure où :
- soit le code de la mutualité serait modifié pour leur permettre
de procéder à des rappels de cotisations
45(
*
)
;
- soit elles se réassureraient intégralement auprès d'une
union de mutuelles, qui elle-même pourrait se réassurer
auprès de toute société de réassurance.
Bien qu'elles n'affichent pas un front uni
, les mutuelles se montrent
d'ailleurs disposées à évoluer
. Elles se disent ainsi
prêtes à séparer dans une comptabilité analytique
leurs activités d'assurance complémentaire santé et celles
de gestionnaire d'oeuvres sociales auxquelles pourrait être étendu
le champ de la surveillance de leurs commissaires contrôleurs. Elles
proposent de filialiser toutes les activités commerciales qui n'ont pas
de lien avec l'assurance santé à l'image notamment des centres de
vacances et de loisirs. Elles considèrent enfin comme légitime
leur assujettissement aux mêmes règles prudentielles que les
sociétés du code des assurances
46(
*
)
.
Il convient néanmoins d'aller plus loin
et, comme le
préconisait M. Bacquet,
" de
modifier les
dispositions du code de la mutualité afin de séparer
juridiquement la gestion des oeuvres sociales de celle des activités
d'assurance et de prévoyance des mutuelles. "
En effet, bien que la filialisation juridique ne soit pas une condition de la
transparence comme le rappelle très justement le Commissariat
Général du Plan, la prohibition du cumul d'activité doit
néanmoins empêcher que les résultats éventuellement
négatifs d'une activité non soumise aux disciplines rigoureuses
des règles prudentielles viennent " polluer " les
résultats de la gestion de l'activité d'assurance, et le cas
échéant, réduire l'efficacité du système
spécifique de sécurité financière que constitue
l'ensemble des règles prudentielles.
Mais pour permettre que les établissements gérés par les
groupements mutualistes continuent à jouer leur rôle de
régulateur sur le marché de la santé en incitant au
respect des tarifs conventionnels et à la modération des prix en
général,
il convient de préserver un mécanisme
de transfert de fonds, pourvu qu'il s'opère en toute transparence et en
conformité avec les règles prudentielles
. Le code de la
mutualité doit donc permettre à une mutuelle de subventionner sa
filiale chargée de gérer ses oeuvres sociales, étant
observé que la mutuelle exerçant l'activité de protection
sociale complémentaire aura dû préalablement satisfaire
à toutes les règles de sécurité financière
qui s'imposent à elle.
S'agissant des transferts de portefeuille, outre que rien n'obligera un
organisme mutualiste à transférer tout ou partie de son
portefeuille à une société du secteur lucratif, il sera
toujours loisible à l'autorité de tutelle des mutuelles de
s'opposer au transfert de portefeuille de mutuelles à des organismes non
mutualistes si elle estime qu'il en va de l'intérêt des
assurés et des créanciers. En tout état de cause, il
paraît souhaitable que toute cession soit subordonnée à une
décision prise par l'assemblée générale de la
mutuelle dans des conditions particulières de quorum et de vote, et que
le prix du transfert vienne abonder les réserves de la mutuelle.
Enfin, l'application des directives au secteur mutualiste ne devrait pas porter
atteinte au principe de la réassurance interne obligatoire pour les
mutuelles auprès des fédérations mutualistes, pourvu que
les fédérations nationales aient la liberté de se
réassurer à l'extérieur de la mutualité,
auprès de tout organisme pratiquant la réassurance.
Au total, comme la FNIM
47(
*
)
, le groupe de
travail estime que la spécificité mutualiste n'est pas
incompatible avec les règles européennes de l'assurance. La
transposition aux mutuelles " 45 " des directives européennes
n'empêcherait nullement la préservation d'une certaine
spécificité réglementaire et fiscale liée, soit aux
modalités de fonctionnement propres à une société
de personnes, soit aux contraintes sociales spécifiques qu'elles peuvent
choisir d'assumer en liaison avec leur caractère non lucratif.
B. HARMONISER LES RÈGLES FISCALES ENTRE SOCIÉTÉS EXERÇANT LE MÉTIER DE L'ASSURANCE
Si le
cloisonnement des marchés et les sujétions imposées aux
mutuelles du code de la mutualité et aux institutions de
prévoyance pouvaient jusqu'à présent justifier un
régime fiscal dérogatoire, s'agissant notamment de la taxe de
7 % sur les contrats d'assurance, l'accentuation de la concurrence rend
désormais illégitimes de telles exceptions.
Votre rapporteur s'associe donc totalement à Jean-Pascal Beaufret
lorsqu'il écrit
48(
*
)
:
" Le
développement nécessaire de la prévoyance
complémentaire, au delà des régimes obligatoires de
sécurité sociale, imposera à l'avenir, d'égaliser
les règles fiscales affectant des entreprises ayant des activités
et une réglementation identiques. "
C'est également l'avis du Conseil de la concurrence qui
écrit :
" Une banalisation du régime fiscal des produits d'assurance
commercialisés par les mutuelles du code de la mutualité
paraît d'autant plus s'imposer que le comportement de certaines grandes
mutuelles s'apparente de plus en plus à celui des sociétés
commerciales : notamment, gestion pour le compte de tiers
d'activités commerciales ne relevant pas des objectifs mutualistes et
donnant lieu à rémunération sous forme de
commissions ; recours dans certains cas à des intermédiaires
rémunérés pour le placement de leurs produits ;
publicité commerciale émanant soit des fédérations
de mutuelles, soit même de certaines mutuelles. "
Au demeurant, s'agissant de la fiscalité pesant sur les
opérateurs, l'administration fiscale a déjà
procédé au redressement sur la TVA d'une cinquantaine de
mutuelles pour un montant d'un milliard de francs en raison de la
requalification d'une partie de leurs activités en activités
lucratives.
C. FACILITER LES CHANGEMENTS DE STATUT DES SOCIÉTÉS DE PERSONNES VERS LES SOCIÉTÉS DE CAPITAUX
Il doit être loisible aux associés d'une société de personnes de transformer leur entreprise en société de capitaux. Le développement qui suit concerne toutes les mutuelles, relevant du code des assurances comme du code de la mutualité.
1. Le statut mutualiste comporte des avantages, mais aussi des inconvénients
Les
sociétés d'assurance mutuelles (SAM) et les mutuelles du code de
la mutualité sont, comme leur nom l'indique, constituées sous une
forme mutualiste. A ce titre, elles reposent sur les trois principes
suivants :
- propriété collective des fonds propres de l'entreprise, sans
affectation individuelle due à des titres représentatifs ;
à ce titre, les sociétés mutuelles ne peuvent faire
l'objet d'offre public d'achat (OPA) et sont donc moins vulnérables que
les sociétés anonymes ;
- participation des assurés-assureurs (les sociétaires) aux
orientations de l'entreprise : cette participation est fondée sur
le principe démocratique propre et commun aux entreprises de
l'économie sociale, " un homme, une voix " ;
- nature non lucrative de l'activité, qui se traduit par le refus de
l'appropriation individuelle des excédents et permet l'ajustement des
garanties et des tarifs au plus près des intérêts des
sociétaires assurés.
Mais, en tant que sociétés de personnes, les organismes
mutualistes souffrent de deux handicaps :
- ils ne peuvent augmenter leurs fonds propres par d'autres moyens que
l'autofinancement ;
- ils ne peuvent constituer de groupes en contrôlant d'autres mutuelles.
Les sociétés mutuelles ne disposent en effet pas d'un capital
social divisé en actions ou parts sociales mais d'un fonds
d'établissement constitué à fonds perdus par les
fondateurs et les sociétaires. Leurs excédents non
ristournés aux adhérents appartiennent à la
" collectivité indivise et intemporelle des
sociétaires ". Ceux-ci sont à la fois individuellement
assurés et collectivement assureurs.
Cette situation interdit actuellement aux mutuelles d'augmenter leurs fonds
propres autrement que par la mise en réserve d'excédents. Les
droits d'adhésion perçus auprès des nouveaux
assurés sont compris dans le calcul de la valeur de l'actif net servant
à déterminer le résultat imposable et sont donc
taxés au taux normal de l'impôt sur les sociétés.
Par ailleurs, en tant que sociétés de personnes, les mutuelles ne
sont pas " opéables ", et constituent à ce titre un
pôle de stabilité économique et sociale très
important. Mais en contrepartie, elles ne peuvent contrôler une autre
mutuelle également société de personnes. Ce faisant, elles
ne peuvent pas constituer de groupe fonctionnant selon les principes de la
démocratie mutualiste.
2. Il convient de lever le tabou de la démutualisation
Pour
pouvoir lutter à armes égales contre les grands groupes
capitalistiques, les sociétés d'assurance mutuelle revendiquent
des instruments leur permettant d'alimenter leurs fonds propres et la
possibilité de créer des structures juridiques de groupe.
Sur le premier point, un certain nombre d'assouplissements ont
déjà été accordés aux SAM comme aux
mutuelles du code de la mutualité.
Les assouplissements déjà accordés en matière de renforcement des fonds propres
Les
sociétés d'assurance mutuelles (SAM) peuvent, si leur statut le
prévoit, constituer un fonds social complémentaire par emprunt
auprès des sociétaires après accord de l'autorité
de tutelle. Elles peuvent également émettre des titres
participatifs, qui ne sont remboursables qu'en cas de liquidation de la
société ou, à son initiative, à l'issue d'un
délai non inférieur à sept ans.
En outre, l'article 8 de la loi n° 96-314 du 12 avril 1996 les a
autorisées à émettre des titres de créance sous
forme de titres subordonnés à durée
indéterminée (TSDI) ou d'emprunts obligataires, à l'instar
des sociétés anonymes, après approbation à
l'assemblée générale.
Toutefois, les SAM font valoir que les titres de dette sont plus propres
à financer l'exploitation que les investissements de
développement, et qu'ils ne sont pas, en pratique, accessibles aux
mutuelles de taille moyenne. La mise en oeuvre de ces possibilités
d'émission est en effet limitée, en pratique, par la notation des
titres par les agences, qui n'ont pas une bonne connaissance des
sociétés mutuelles d'assurance dans la mesure où ces
dernières ne sont pas cotées en bourse.
En réponse à cet argument, un article du projet de loi de
finances pour 1999, ajouté par les députés, propose
d'assimiler à des apports sur le plan fiscal - et donc de les
exonérer - les droits d'adhésion versés par les nouveaux
sociétaires et inscrits au compte " fonds
d'établissement ".
Quant aux mutuelles, elles peuvent, en vertu de l'article L. 124-5-1
du code de la mutualité, émettre des titres participatifs dans
les conditions de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés
commerciales.
Sur le deuxième point, il convient de noter que rien n'interdit aux
sociétés mutuelles de créer des filiales commerciales,
possibilité à laquelle elles font d'ailleurs largement appel.
Le groupe de travail souhaite aller plus loin. En effet, sans remettre en
cause l'originalité et les atouts du statut mutualiste, il
considère que ce statut doit relever de la volonté toujours
renouvelée des sociétaires, et qu'au delà d'une certaine
taille, le principe de la participation des sociétaires aux orientations
de l'entreprise selon le principe démocratique " un homme, une
voix " devient relativement théorique.
Le groupe de travail partage à cet égard totalement l'analyse du
Commissariat Général du Plan lorsqu'il écrit :
" les sociétés mutuelles sont des sociétés
de personnes, caractérisées par la responsabilité
personnelle et solidaire des associés et, pour cette raison juridique,
par un fort
affectio societatis
, qui exerce en principe un impact
limitatif sur la taille de telles sociétés
49(
*
)
".
Le CGP rappelle par ailleurs à juste titre que c'est pour
dépasser les limites propres aux sociétés de personnes que
les sociétés de capitaux, et en particulier les
sociétés anonymes, ont été autorisées puis
banalisées à partir de 1867.
A la veille de l'euro et d'un nouveau choc de concurrence, il convient en effet
de s'interroger sur l'opportunité d'
autoriser la transformation des
sociétés d'assurance mutuelle en sociétés de
capitaux
, ce qui leur permettrait de lever des fonds plus facilement pour
financer leur croissance et faire face à la compétition
internationale.
Les règles actuelles de dévolution de l'actif net en cas de
dissolution volontaire ou forcé d'une mutuelle interdisent, pour
l'instant, une telle opération. S'agissant des sociétés
d'assurance mutuelles (SAM), l'article L. 322-26-5 du code des assurances
prévoit en effet qu'en cas de dissolution, l'excédent de l'actif
net des sociétés mutuelles est dévolu, soit à
d'autres sociétés d'assurance mutuelles, soit à des
associations reconnues d'utilité publique. Pour les mutuelles
régies par le code de la mutualité, l'article L. 126-5
prévoit que le surplus éventuel de l'actif social est
attribué au Fonds national de solidarité et d'action mutualistes.
Il suffirait donc d'élargir les possibilités de dévolution
de l'actif net des sociétés mutuelles en cas de dissolution vers
des sociétés de statut coopératif
50(
*
)
, ou vers des sociétés commerciales
comme les sociétés anonymes. Dès lors, les
possibilités d'appel public à l'épargne seraient les
mêmes.
Bien entendu, une telle transformation ne serait qu'une faculté et
resterait subordonnée à l'autorisation préalable de la
majorité des sociétaires dans des conditions particulières
de quorum et de vote. Comme pour la dissolution d'une mutuelle, il serait
légitime d'exiger que la transformation de statut soit
décidée par une assemblée générale
réunissant la majorité des membres inscrits et que le vote ne
soit acquis qu'à la majorité des deux tiers des membres
présents.
Une telle option pourrait d'ailleurs être l'occasion pour les
sociétaires de renouveler leur attachement à l'esprit mutualiste
et de renforcer la légitimité de ce dernier.
Comme l'écrit en effet le Commissariat Général du Plan,
" faire en sorte que la mutualité ne se survive le cas
échéant qu'au moyen de contraintes réglementaires, serait
prendre le risque de laisser penser que l'esprit mutualiste n'est pas le seul
intérêt en cause ".
Le groupe de travail ne sous-estime pourtant pas les problèmes qu'une
telle réforme ne manquerait pas d'occasionner. En particulier, la
question de la légitimité de l'appropriation par une
génération particulière de sociétaires, sous la
forme de parts sociales ou d'actions, d'un actif net accumulé par les
générations successives sous une forme individuellement non
appropriable devra faire l'objet d'un débat le plus large possible afin
d'éviter, dans toute la mesure du possible, que la
démutualisation ne soit motivée chez les sociétaires, que
par la seule perspective d'un gain financier.
D. CANTONNER STRICTEMENT LES ACTIVITÉS DE DISTRIBUTION DE PRODUITS D'ASSURANCE PAR LA POSTE ET PAR LE TRÉSOR PUBLIC
1. Etablir une comptabilité analytique indiscutable et éventuellement filialiser la distribution de produits d'assurance par La Poste
Dans son
avis du 24 février 1998 annexé au présent rapport, le
Conseil de la concurrence
51(
*
)
souligne que
"
les disparités dans les modes de fonctionnement
entre les services financiers de La Poste et ses concurrents
,
ainsi que l'absence de séparation entre les activités sous
monopole et les activités exercées en concurrence,
rendent
difficile l'examen comparatif des conditions de concurrence
"
.
Il ajoute : "
lorsqu'une entreprise détenant une position
dominante sur un marché exerce à la fois des activités
d'intérêt général et des activités ouvertes
à la concurrence, le contrôle du respect des règles de la
concurrence nécessite que soit opérée une
séparation claire entre ces deux types d'activités, de
manière à empêcher que les activités en concurrence
ne puissent bénéficier pour leur développement, au
détriment des entreprises opérant sur les mêmes
marchés, des conditions propres à l'exercice des missions
d'intérêt général
".
" Dans ce cas, la mise en place de comptes distincts par type
d'activité, s'appuyant sur une comptabilité analytique aussi
fiable et transparente que possible, constitue une condition nécessaire
à l'exercice du contrôle du respect des règles de la
concurrence. "
Or, en dépit des progrès accomplis depuis la mise en place du
nouveau plan comptable en janvier 1991, la comptabilité analytique de La
Poste n'apparaît pas encore véritablement
" invulnérable ", comme l'écrit notre collègue
M. Gérard Larcher, dans un rapport d'information très
documenté sur La Poste
52(
*
)
.
En particulier, le système de comptabilité analytique de La Poste
ne permet pas encore :
- l'imputation à chaque activité du coût d'utilisation du
réseau ;
- la distinction entre coûts fixes et coûts variables en fonction
de l'activité ;
- la mise en place de normes par l'autorité de tutelle permettant une
analyse des coûts à usage externe.
Au delà, le Conseil de la concurrence considère qu'une
filialisation des services financiers de La Poste serait le meilleur moyen de
parvenir à une clarification.
Le Conseil écrit ainsi
: " En raison des difficultés
qu'implique l'établissement d'une comptabilité analytique de
qualité, cette condition n'est pas toujours suffisante pour permettre un
contrôle effectif des comportements au regard des règles de la
concurrence et il peut être nécessaire d'opérer une
séparation juridique entre les activités d'intérêt
général et les activités concurrentielles. Cette
séparation juridique peut éventuellement être
effectuée par voie de filialisation, en isolant chaque type
d'activité exercée dans une structure autonome fonctionnant de
préférence avec un personnel et des moyens matériels
propres ".
Le groupe de travail partage largement cet avis. Comme votre rapporteur l'avait
déjà écrit dans le rapport d'information n° 52
de la Commission des finances sur le secteur bancaire
53(
*
)
, il est possible de filialiser les services
financiers de La Poste. Il suffit de les structurer en services centraux et
régionaux. Le réseau continuerait d'appartenir à la
branche courrier et percevrait une redevance d'utilisation de la part des
services financiers. Cette solution a été mise en place en
Allemagne et au Royaume-Uni (où plusieurs établissements
financiers utilisent le réseau postal).
Ces aménagements sont d'autant plus urgents qu'ils sont aussi
préconisés, pour certains d'entre eux, par la Commission
européenne dans sa décision du 8 février 1995, ainsi que
par la directive concernant des règles communes pour le
développement du marché intérieur des services postaux de
la Communauté.
2. Interdire à La Poste la distribution de produits d'assurance dommages
Comme il
a été rappelé dans le chapitre II, le ministre de
l'économie et des finances a, pour l'instant, mis un terme au projet de
La Poste d'élargir son offre de produits d'assurance à
l'assurance de dommages.
Compte tenu de la régression du marché de l'assurance dommages,
comme il a été vu dans le chapitre I de ce rapport, il
n'apparaît pas opportun de risquer de déstabiliser le
marché en permettant à La Poste d'y distribuer des produits par
l'intermédiaire de ses 17 000 guichets et bureaux.
A cet égard, le contrat de Plan signé entre La Poste et le
gouvernement en juin 1998 pour la période 1998-2001 n'est pas
suffisamment explicite. Il se contente en effet d'indiquer que
" La
Poste pourra dès 1998 diversifier son offre en assurance de
personnes "
, sans lui interdire d'étendre ses activités
à l'assurance de dommages.
3. Cantonner l'activité de distribution du réseau du Trésor
Comme pour la Poste, il convient de séparer comptablement les activités concurrentielles et non concurrentielles du Trésor Public.
E. HARMONISER ET OUVRIR À LA CONCURRENCE LES RÉGIMES D'ÉPARGNE RETRAITE COMPLÉMENTAIRE
1. Ouvrir à la concurrence les régimes d'épargne retraite des fonctionnaires
Il
existe actuellement trois régimes d'épargne retraite
complémentaire facultative pour les fonctionnaires :
- le CREF, complément d'épargne retraite de la fonction publique,
géré par l'Union des mutuelles retraite des instituteurs et des
fonctionnaires de l'éducation nationale et de la fonction publique
(UNMRIFEN/FP) ;
- le régime géré par le CGOS, comité de gestion des
oeuvres sociales du ministère de la santé publique et des
établissements publics d'hospitalisation, de soin, de cure et de
prévention ;
- la PRÉFON, régime le plus connu, est un complément de
retraite viager offert à tous les agents et ex-agents du secteur public
et leurs conjoints, dans le cadre d'une convention conclue entre une
association de syndicats de la fonction publique (la PRÉFON) et la
Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique.
Ces trois régimes, qui interviennent en dehors de tout cadre
législatif et réglementaire d'ensemble, ont conservé un
caractère assez confidentiel. Ils bénéficient en outre de
conditions fiscales avantageuses.
En effet, l'article 83-1°
bis
du code général des
impôts dispose que
" les cotisations afférentes au
régime de retraite complémentaire institué par la Caisse
nationale de prévoyance de la fonction publique "
sont
déductibles du revenu brut imposable. Cette déduction fiscale
généreuse obtenue par le régime PRÉFON en 1967 a
été étendu en 1969 au CGOS et en 1989 au CREF. Le
coût pour le budget de l'Etat d'une telle déduction est
estimée à 370 millions de francs en 1997.
En raison de ces avantages fiscaux le CGOS, l'UNMIFEN/FP et la Caisse nationale
de prévoyance sont les gestionnaires exclusifs de régimes qui
pourraient parfaitement être ouverts à la concurrence.
En effet, comme le rappelle le Conseil de la concurrence,
" ces
dispositifs de retraite complémentaire facultative fonctionnant
entièrement ou partiellement par capitalisation, ne relèvent pas
du champ de la protection sociale, mais sont des produits d'assurance assortis
d'un avantage fiscal qui place les organismes auxquels est
réservée, en droit ou en fait, la distribution de cet avantage,
dans une situation plus favorable que les opérateurs proposant d'autres
produits d'épargne retraite, sans que ces restrictions de concurrence
soient nécessairement justifiées par la mission
particulière confiée à ces organismes
54(
*
)
"
.
Il convient donc d'ouvrir à la concurrence l'épargne retraite des
fonctionnaires en généralisant l'avantage fiscal auquel elle
donne droit. Aucune disposition légale ou réglementaire
n'interdit d'ailleurs une telle ouverture, qui pourrait s'accompagner d'une
réflexion sur les règles prudentielles actuellement
applicables.
2. Généraliser les régimes d'épargne retraite complémentaire par capitalisation
Le
groupe de travail n'insistera pas sur la nécessité d'ouvrir aux
salariés du secteur privé la possibilité de constituer une
épargne complémentaire pour leur retraite par le biais de
" fonds de pension
55(
*
)
". Cette
nécessité est aujourd'hui reconnue par tous, et seuls font
obstacle à sa concrétisation les divergences de vue sur la nature
des gestionnaires ou l'étendue des incitations fiscales qu'il faudra
consentir pour encourager la constitution d'une telle épargne.
Il convient cependant de rappeler que la loi du 11 février 1994 relative
à l'initiative et à l'entreprise individuelle, dite " Loi
Madelin ", a prévu des contrats d'assurance de groupe en vue de la
retraite complémentaire des travailleurs indépendants. Le
régime fiscal de ce dispositif
56(
*
)
est
d'ailleurs moins favorable que celui des régimes d'épargne
complémentaire des fonctionnaires évoqué plus haut.
Les salariés du secteur privé sont donc désormais les
seuls à ne pouvoir constituer une épargne complémentaire
par capitalisation.
III. PRIVILÉGIER LE CONTRÔLE POUR LIMITER LE RECOURS À LA GARANTIE
Le très faible nombre de faillites intervenu depuis l'origine du contrôle de l'assurance démontre la relative efficacité des règles prudentielles. Si faillites il y a eu, c'est que les contrôles n'ont pas été assez efficaces. Il convient dès lors de renforcer le contrôle interne des entreprises d'assurance et de donner aux organes de contrôle les moyens nécessaires à leur mission afin qu'un éventuel mécanisme de garantie de place intervienne le moins possible.
A. TRANSPOSER DANS LE MONDE DE LA MUTUALITÉ LES DIVERS OUTILS DU GOUVERNEMENT D'ENTREPRISE
Les
mutuelles fonctionnent théoriquement selon le principe
démocratique, " un homme, une voix ". Comme l'écrit
Edmond Proust, premier président de la MAIF, "
à la fois
bénéficiaires et responsables des garanties accordées, les
adhérents d'une mutuelle ne sont bien assurés que s'ils sont bons
assureurs
. "
S'il convient de préserver un tel principe, il paraît pourtant
nécessaire d'améliorer la gestion des mutuelles du code de la
mutualité et de leurs réalisations sociales, afin de la rendre
plus rigoureuse et plus transparente.
Il convient en particulier de transposer dans le monde de la mutualité
les divers outils du
gouvernement d'entreprise
pour rendre la gestion
des mutuelles moins dépendante de la décision de
l'autorité politique.
A cet égard, il apparaît opportun de professionnaliser
l'échelon de contrôle de la structure managériale des
mutuelles. Il convient également de développer des rapports plus
transparents, plus réactifs et plus participatifs entre les mutuelles et
les sociétaires pour relancer la flamme mutualiste.
Il paraît enfin opportun d'améliorer le contrôle interne des
sociétés mutuelles en permettant la nomination d'administrateurs
indépendants.
1. Une gestion comptable et financière parfois artisanale
Le
rapport de la Commission de contrôle des mutuelles et des institutions de
prévoyance (CCMIP) pour les exercices 1994 et 1995 montre que la gestion
comptable pose fréquemment des problèmes dans les petites
mutuelles. Les points les plus souvent signalés, outre
l'élaboration et l'approbation souvent tardive des comptes, concernent
le mauvais suivi des créances et des dettes, la tenue insuffisante des
comptes de tiers et l'absence de suivi comptable des cotisations non
payées.
Les rapports soumis à la commission montrent ainsi pour les exercices
examinés une certaine liberté prise par les services comptables
des organismes mutualistes :
- les mutuelles qui gèrent un régime de sécurité
sociale ne reportent pas toujours dans les états statistiques les
remises allouées en déduction des frais de gestion. C'est surtout
vrai pour celles jouant le rôle d'organismes conventionnés du
régime des travailleurs non salariés.
- les cotisations aux unions et fédérations sont diversement
traitées ;
- certaines charges afférentes soit aux caisses autonomes, soit aux
oeuvres sociales, pourraient figurer dans les coûts de fonctionnement de
la mutuelle elle-même.
Certains contrôles ont mis en évidence l'absence de calcul de
rendement des placements, et plus généralement, une gestion trop
artisanale des placements. Enfin, on peut regretter la faiblesse ou l'absence
fréquente de gestion prévisionnelle.
2. La méconnaissance de certaines dispositions du code de la mutualité
Les
contrôles déconcentrés effectués par les directions
régionales des affaires sanitaires et sociales ont permis de constater
que les obligations déclaratives auxquelles sont en principe astreintes
les mutuelles du code de la mutualité ne sont pas toujours
respectées. Ainsi, certaines mutuelles fonctionnent sur la base de
statuts dont le contenu ou les modifications n'ont pas été
approuvés par l'autorité administrative, en infraction avec
l'article L. 122-7 du code de la mutualité.
Par ailleurs, les contrôles ont mis en évidence un certain nombre
d'irrégularités graves :
- la non tenue des instances, notamment de l'assemblée
générale ;
- la tenue parfois rudimentaire, voire l'inexistence, des registres de
présence aux conseils d'administration ;
- des modifications statutaires non soumises au préalable à
l'assemblée générale ;
- l'absence de règlement intérieur, malgré les
dispositions des statuts, ou un document imprécis sur les conditions
d'administration ou de gestion du groupement ;
- des indemnités aux administrateurs dont la justification ou le montant
n'est pas fondé.
Ces observations relativisent l'attachement porté par certaines
mutuelles à leur statut mutualiste.
3. Moderniser le statut de l'élu
Dans une
mutuelle d'assurance, le mandataire mutualiste exerce son mandat
bénévolement. Une telle situation ne semble plus adaptée
aux contraintes de la gestion moderne qui implique transparence et
professionnalisme dans un contexte de plus en plus concurrentiel. Cette
évolution appelle donc une professionnalisation du statut de
l'élu afin, comme le préconise le Commissariat
général du Plan, "
d'éviter les tentations
liées à la cohabitation du bénévolat et du pouvoir
dans un monde non dépourvu d'argent et où sa liberté
d'affectation est particulièrement grande
57(
*
)
".
Le groupe de travail soutient par conséquent sans réserve
l'initiative des sociétés d'assurance mutuelles tendant à
élaborer un statut juridique de mandataire mutualiste, prévoyant
une juste rémunération du mandataire de mutuelle, proportionnelle
au temps qu'il y consacre et aux responsabilités qu'il y exerce. Ce
statut devra également prévoir l'assujettissement de cette
rémunération aux charges fiscales et sociales
légales.
4. Mettre en place des administrateurs indépendants
Bien
qu'il ne paraisse guère souhaité par les sociétés
mutualistes, le développement de postes d'administrateurs
indépendants pourrait être le pendant, dans le secteur mutualiste,
de la collégialisation du pouvoir dans les sociétés
anonymes. Ces dernières ont en effet la possibilité d'adopter le
statut de société à directoire et à conseil de
surveillance, ce qui permet une dissociation du président et du
directeur général au plus grand bénéfice de la
transparence et de la bonne gestion.
A défaut d'adopter une structure identique, les mutuelles pourraient
mettre en place des administrateurs indépendants ce qui permettrait
d'éviter que certains choix stratégiques de placements ou
d'investissements soient le fait d'un seul homme.
5. Créer un droit d'interpellation pour les sociétaires
Comme le
relève le Commissariat Général du Plan, les
adhérents des grandes mutuelles qui ont atteint la taille de compagnies
d'assurance font davantage preuve d'une attitude consumériste que d'un
esprit mutualiste parfois un peu instrumentalisé.
En phase avec cette analyse, le groupe de travail suggère, pour relancer
la flamme mutualiste, de développer de nouveaux rapports plus
transparents et plus participatifs entre les mutuelles et les
sociétaires, afin que l'adhésion à une mutuelle
relève davantage de la conviction que de l'opportunisme.
B. AMÉLIORER LE CONTRÔLE DES STRUCTURES DE GROUPE
La loi
du 8 août 1994, prévoyant un contrôle prudentiel des
groupes d'assurances sur la base de comptes consolidés ou
combinés, n'est pour l'instant pas entrée dans le droit positif,
faute de décrets d'application.
Or, l'absence de consolidation présente des risques au regard de la
solvabilité dès lors que des placements croisés risquent
d'offrir des garanties financières fictives.
La Commission européenne est en train de mettre en place de nouvelles
règles pour la surveillance complémentaire des entreprises
d'assurance faisant partie d'un groupe, afin d'éviter tout risque de
double-emploi des fonds propres, d'imposer un calcul de solvabilité
ajustée et de durcir les obligations de déclarations relatives
aux transactions intragroupes. Une directive devrait être adoptée
avant la fin de l'année 1998, qu'il conviendra de transposer rapidement
dans le droit français.
C. RENFORCER LES MOYENS DES COMMISSIONS DE CONTRÔLE
Les
moyens des commissions de contrôle du secteur de l'assurance ne sont pas
proportionnés à l 'étendue de leur mission et n'ont pas
suivi la croissance du marché.
Pour mettre en oeuvre l'ensemble de ses missions, la Commission de
contrôle des assurances (CCA) dispose du corps de contrôle des
assurances. Les commissaires contrôleurs sont chargés des
activités de contrôle sur pièces et sur place. Au 31
décembre 1997, l'effectif des services de la Commission était de
133 personnes, dont 48 commissaires contrôleurs.
Au total, 77 rapports ont été établis en 1997 à la
suite de contrôles contre 75 en 1996. 68 rapports portaient sur des
entreprises d'assurance, 6 sur des entreprises de réassurance et 3 sur
des sociétés de courtage d'assurance en vertu d'une
décision expresse de la CCA.
Toutefois, l'affaire Europavie a montré que les contrôles de la
CCA étaient insuffisants.
A côté de ces moyens qui servent au contrôle de 478
entreprises d'assurance et de réassurance, on ne peut que
déplorer le dénuement de la Commission de contrôle des
mutuelles et des institutions de prévoyance (CCMIP) face aux quelques
6 000 organismes qu'elle est chargée de contrôler.
La lecture du dernier rapport de la CCMIP pour les exercices 1994 et 1995 est
à cet égard particulièrement éclairante.
La CCMIP s'est en effet réunie 26 fois en séance
plénière au cours des années 1994 et 1995 (à titre
de comparaison, la CCA s'est réunie 22 fois au cours de la seule
année 1997) et a contrôlé 10 organismes mutualistes (dont 5
sur la base d'un contrôle sur pièces) et 5 institutions de
prévoyance.
Il convient toutefois de préciser que depuis la loi n° 91-1046
du 31 décembre 1991, le contrôle des mutuelles est
déconcentré au niveau régional. Les préfets de
région disposent en effet des pouvoirs de contrôle de la
Commission pour les mutuelles dont les prestations sont inférieures
à 150 millions de francs.
Ainsi, en dépit d'un contexte marqué par l'insuffisance des
moyens, notamment en personnel, les directions régionales de l'action
sociale et sanitaire (DRASS) ont assuré le contrôle de 97
mutuelles en 1994 et 1995.
La Commission déplore cependant l'imperfection du système
d'information propre à la mutualité et notamment le retard avec
lequel lui sont communiqués les documents statistiques et les chiffres.
Il est symptomatique à cet égard de constater que les indications
statistiques portées dans le dernier rapport de la CCMIP
s'arrêtent à l'exercice 1993 et que ce rapport porte sur deux
exercices (contre une fréquence annuelle pour la CCA).
La Commission écrit en conclusion :
" l'insuffisance des
moyens affectés à la mission de contrôle des organismes
assureurs à but non lucratif rend aléatoire le contrôle
permanent des mutuelles et des institutions de prévoyance ".
Elle observe ainsi que les services compétents (IGAS pour la Commission
et DRASS pour le contrôle déconcentré) ne disposent pas
d'un système d'information adapté et que la mobilisation des
personnels relevant des services du ministre du travail et des affaires
sociales est encore limitée compte tenu de l'importance des tâches
qui sont les leurs.
Elle préconise en conséquence de mettre en place un
système d'information déconcentré qui permettrait aux
DRASS de mieux assurer leurs responsabilités dans le domaine du
contrôle.
Par ailleurs, le contrôle effectué par la CCMIP lui a permis de
constater qu'un certain nombre de mutuelles s'écartaient des normes
prudentielles préconisées par l'administration.
L'équilibre de la couverture des risques peut notamment être
mesuré au travers de deux types d'indicateurs : le ratio
prestations sur cotisations, qui ne doit pas excéder 90 %, et la
marge de sécurité qui doit être au minimum égale
à 10 % du total des cotisations nettes de réassurance.
Enfin, la CCMIP relève la très grande variabilité des
frais de gestion : alors qu'ils devraient rester en deçà
d'un taux de 35 %, ils s'élèvent parfois à
57 %.
D. GARANTIR LES ASSURÉS MAIS PAS LES ENTREPRISES
En
dépit des règles prudentielles destinées à
protéger les assurés, tout risque d'insolvabilité n'est
pas totalement écarté en matière d'assurance, comme en
témoigne la défaillance de la société Europavie. La
probabilité d'une conjonction d'événements financiers
susceptibles de provoquer, par des effets de panique, des défaillances
en chaîne (ce que l'on appelle le risque " systémique ")
est certes très faible, mais des cas de faillite isolés sont
possibles, bien qu'ils aient été très limités
depuis l'origine du contrôle en 1938 : 2 cas en assurance vie et
plusieurs cas, mais de portée limitée, en assurance non vie.
Il convient toutefois d'observer que la faillite d'Europavie aurait pu
être évitée par un contrôle plus scrupuleux de la
Commission de contrôle des assurances. En effet, bien que la FFSA ait par
deux fois refusé l'adhésion d'Europavie dans ses rangs, loin de
lui retirer son agrément, la CCA a opté en 1995 pour la reprise
de la société par le groupe Thinet.
Quoi qu'il en soit, il n'existe pas de garantie de place destinée
à indemniser les adhérents de sociétés d'assurance
mises en liquidation dans le secteur de l'assurance en France.
Une telle lacune a incité le gouvernement à envisager la mise en
place d'un système de garantie dont le champ serait limité aux
assurances de personnes (assurance vie, opérations de capitalisation,
accidents, maladie) et qui serait destiné à préserver les
droits des assurés en cas de défaillance d'une entreprise
d'assurance régie par le code des assurances, constatée par la
Commission de contrôle des assurances.
Un tel système, qui devrait faire l'objet d'un volet dans le projet de
loi sur la protection de l'épargne populaire en préparation,
s'inspire des dispositifs existant à l'étranger.
Les fonds de garantie d'origine législative
Le fonds
de garantie représente le mécanisme le plus accompli en
matière de protection des créanciers mais aussi le plus
contraignant pour les sociétés d'assurances.
L'
Espagne
s'est dotée en 1985 d'une commission de liquidation des
entreprises d'assurances, entité publique soumise à un
régime de droit privé. La commission est dirigée par un
conseil d'administration composé d'un Président
désigné par l'autorité de contrôle de quatre
représentants des sociétés d'assurances ainsi que de
quatre représentants de l'autorité de contrôle. Cette
structure, mise en place par le législateur espagnol soucieux d'assainir
un marché caractérisé par un trop grand nombre de petites
sociétés parfois fragiles, est financée par un
prélèvement de 0,5 % sur toutes les primes nettes à
l'exception de celles collectées en assurance-vie. La commission
intervient à la demande des autorités publiques lorsque le
liquidateur ne gère pas correctement la liquidation. Elle peut avancer
des fonds aux assurés ou aux tiers victimes pour des montants
supérieurs aux actifs nets de la sociétés liquidée.
Les actifs représentatifs sont affectés par priorité aux
créanciers d'assurance, à moins qu'ils n'aient été
grevés d'un droit réel ou frappés d'une saisie
préalablement à la mesure de blocage décidée par
l'autorité de contrôle.
Elle intervient également en cas de difficultés des entreprises
opérant en assurance RC automobile, et ce en complément du fonds
commun de garantie. Elle fonctionne avec efficacité depuis 12 ans
à la satisfaction de l'autorité de contrôle et de
l'association professionnelle. Conçue à l'origine comme une
instance temporaire, elle s'est vue reconnaître par une loi de 1995 un
statut définitif. Les défaillances des sociétés ont
été assez nombreuses et ont, jusqu'à présent,
concerné exclusivement la branche dommages. Néanmoins, si une
entreprise d'assurance-vie était mise en liquidation, la commission
interviendrait dans les mêmes conditions.
Au
Royaume-Uni
, le
Policyholders protection Act
adopté en
1975 et modifié en 1997 a mis en place un fonds contrôlé
par le gouvernement. Ce fonds est alimenté par une cotisation d'un
maximum de 0,8 % des primes prélevées auprès de
l'ensemble des assureurs agréés afin d'indemniser les
assurés victimes de la faillite d'un assureur. Ce système mis en
place par la loi permet de garantir les créances des assurés et
des personnes physiques bénéficiaires d'assurance y compris dans
le cadre de contrats groupe, à concurrence de 100 % en assurance
obligatoire et de 90 % dans les autres branches. Les polices souscrites
par les sociétés ainsi que les contrats MAT (marine, aviation et
transport) et la réassurance sont exclus du dispositif. Le Lloyd's, qui
possède depuis 1982 son propre système d'indemnisation, en cas de
faillite de l'un de ses membres, ne bénéficie pas du
mécanisme du PPP.
Le
Policyholders Protection Board
, composé d'un président,
de trois assureurs et d'un représentant des consommateurs et
désigné par le secrétaire d'Etat, gère le
mécanisme. Il est autorisé à prélever au maximum
0,8 % des primes nettes par an (à l'origine 1 %) auprès
de l'ensemble des sociétés d'assurances communautaires
agréées, opérant sur le territoire par voie
d'établissement ou de LPS, y compris auprès des courtiers. Le
Board
a des attributions très larges, puisqu'il peut
procéder à un transfert de portefeuille, orienter les
investissements, redistribuer les fonds et aider les sociétés
à poursuivre leur activité. Le
Board
intervient aussi bien
de manière préventive lorsque la société rencontre
des difficultés financières que lorsque la procédure de
liquidation est engagée. Il accomplit sa mission en collaboration avec
le
department of trade and industry
-DTI- (autorité de
contrôle) qu'il consulte et peut également recourir aux services
d'un actuaire indépendant afin d'évaluer la méthode
alternative à la liquidation (run-off, transfert du portefeuille..) la
plus efficace et la moins coûteuse.
La modification de la loi en 1997 fait suite aux montants élevés
des indemnités qu'a dû verser le fonds en 1984. Les assureurs ont
tenté de limiter le champ d'application de la loi en ce qui concerne les
bénéficiaires. La Chambre des Lords a néanmoins
refusé d'en limiter le bénéfice aux seuls assurés
" domestiques " et d'en exclure les
partnerships
de
professions libérales. Les modifications adoptées en 1997
visaient à exclure du mécanisme de garantie les risques couverts
en dehors de l'Espace économique européen, de l'Ile de Man et des
Iles anglo-normandes. En revanche, les risques souscrits au Royaume-Uni par les
sociétés communautaires ayant reçu le passeport
européen sont désormais couverts.
En
Irlande
, l'
Insurance Act
de 1983, complété en
1989, régit les cas de défaillance des sociétés
d'assurances. La loi a instauré une phase intermédiaire
préalable à la liquidation qui prévoit la nomination d'un
administrateur judiciaire veillant à la poursuite des contrats des
assurés. La création de l'
Insurance Compensation Fund
,
suite aux très graves problèmes de solvabilité de la plus
importante société d'assurance automobile du pays, est l'une des
principales innovations de cette loi. Le fonds est financé par les
contributions des sociétés d'assurances solvables et a pour
fonction de régler les sinistres des assurés. Ses attributions
sont limitées aux faillites des sociétés d'assurance
non-vie. Par ailleurs, la loi fixe la limite maximum de remboursement à
65 % aux assurés et aux tiers demandeurs et exclut le remboursement
des primes par le fonds.
En
Norvège
, l'
Insurance Activities Act
du 10 juin 1988
prévoit un chapitre spécial consacré à la
procédure suivie en cas de difficultés financières d'une
entreprise d'assurances. Cette procédure mise en oeuvre par
l'autorité de surveillance prévoit un transfert des pouvoirs
à un comité nommé pour gérer l'entreprise en
difficultés. Un fonds de garantie, alimenté par une contribution
de 1,5 % sur les primes des sociétés d'assurances, permet
d'indemniser les créanciers. Les assurés et les employés
bénéficient d'un privilège par rapport aux autres
créanciers. Le fonds de garantie ne fonctionne qu'en assurance non-vie.
La faillite d'une entreprise d'assurance non-vie, il y a quatre ans, a permis
à la Norvège de tester sa législation. Cette
dernière s'est révélée trop peu précise
à cette occasion. Depuis, des mesures d'application ont
été adoptées afin de détailler la procédure
à suivre lors de la liquidation d'une entreprise d'assurances.
La
Belgique
ne s'est pas dotée d'une loi sur les faillites
spécifique aux entreprises d'assurances. Les salariés et les
assurés sont considérés comme des créanciers
privilégiés. La loi du 9 juillet 1975, qui organise le
contrôle des assurances, prévoit la constitution d'un fonds de
garantie minimum qui correspond à un tiers de ce qui serait dû aux
assurés en cas de réalisation du risque.
Aux
Etats-Unis
, tous les Etats et territoires ont établi des
fonds de garantie visant à couvrir, dans des limites statutairement
définies, les obligations financières d'une entreprise
défaillante vis-à-vis de ses assurés, épargnants et
tiers. Lorsqu'une entreprise exerce ses activités dans un Etat
donné, elle devient assujettie au paiement de cotisations, dont le
montant est proportionnel, par ligne d'activité exercée par
l'entreprise et couverte par le fonds de garantie, au montant des primes sur
une période de référence statutairement définie,
mais toujours plafonné à un certain pourcentage de celles-ci.
Dans tous les Etats, à l'exception notable de celui de New-York qui
dispose d'un système de préfinancement,
le dispositif est
activé postérieurement à la faillite d'une entreprise
.
Tous les Etats disposent au minimum de deux fonds de garantie principaux,
destinés, l'un à la couverture des demandes d'indemnisation de
propriété-dommages, l'autre à celle des demandes
d'indemnisation d'assurance vie et d'assurance médicale.
Le système devrait intervenir pour compléter le fossé
apparaissant entre l'actif et le passif d'une entreprise lors du transfert de
son portefeuille pour lequel la Commission de contrôle des assurances
(CCA) procéderait à un appel d'offre.
Comme le système de garantie des dépôts bancaires, le
système de garantie des assurés serait une personne morale de
droit privé. Il serait géré par un directoire de trois
membres agissant sous le contrôle d'un Conseil de surveillance de douze
membres nommés par les entreprises adhérentes.
Les établissements adhérant au système de garantie
devraient lui fournir par avance les moyens financiers nécessaires
à l'accomplissement de ses missions.
Sous réserve d'un examen approfondi de ce projet, qui est encore en
préparation, le groupe de travail peut, d'ores et déjà,
rappeler deux positions constantes.
D'une part, il estime qu'un système de sécurité de place
ne doit pas conduire les dirigeants d'entreprise à relâcher leur
vigilance dès l'instant où ils sont sûrs que les
conséquences de leurs erreurs de gestion seront limitées pour les
assurés. C'est ce que l'on appelle " l'aléa moral ". Il
est nécessaire également de responsabiliser les assurés
à la nécessité de choisir des entreprises bien
gérées (la certitude de recouvrer leurs créances pourrait
les inciter à une indifférence de ce point de vue).
Au surplus, l'intervention, même à titre préventif, du
système de garantie auprès d'une compagnie d'assurance risque de
précipiter sa chute en encourageant les assurés à racheter
leurs contrats.
Le groupe de travail estime en conséquence que la mise en jeu d'un
système de garantie doit s'accompagner du
retrait systématique
de l'agrément des organismes secourus
, afin de supprimer
l'aléa moral tout en garantissant les assurés.
D'autre part, selon la base du raisonnement suivi dans l'ensemble du
présent rapport, il est nécessaire que tout entreprise ou
organisme intervenant dans le secteur, quel que soit son statut, soit couvert
par un fonds de garantie. Il n'y a pas de raison qu'il en existe pour certains
acteurs et pas pour d'autres.
CONCLUSION
Malgré sa bonne santé financière
apparente,
l'assurance française présente des signes de
vulnérabilité.
Affaiblies par une politique de nationalisation qui a sacrifié le souci
de la rentabilité et de la solvabilité sur l'autel de la part de
marché et handicapées par leur manque de spécialisation,
les compagnies d'assurance sont aujourd'hui livrées à une
concurrence sans merci sur un marché en voie de saturation.
Or, le décloisonnement des marchés de l'assurance ne s'est pas
accompagné de la nécessaire harmonisation des conditions
d'exercice du métier de l'assurance sur un marché
caractérisé par une mosaïque d'acteurs. De même,
à la veille de l'entrée en vigueur de l'euro qui a des chances de
rendre réel le marché unique de l'assurance, les acteurs
français demeurent lestés par des contraintes
réglementaires et fiscales d'un autre âge.
Elles se trouvent aujourd'hui exposées à deux dangers :
- la perte d'identité nationale induite par le rachat progressif des
compagnies d'assurance françaises par des assureurs étrangers
mieux capitalisés et plus profitables ;
- la
délocalisation de l'épargne des assurés et des
centres de traitement des dossiers sur les marchés apportant
l'environnement général le plus propice, au détriment de
l'emploi national.
L'Etat ne peut rester indifférent car de la santé des assurances,
grandes pourvoyeuses de financements, dépend en partie la santé
et la stabilité de l'économie.
Alléger la fiscalité pour renforcer les entreprises
françaises vis à vis de l'étranger, harmoniser les
conditions d'exercice du métier et supprimer les querelles de chapelles,
mieux contrôler les entreprises pour protéger leurs clients et non
leurs dirigeants, telles sont les principales propositions de la commission des
finances.
Il reviendra ensuite aux compagnies d'assurance d'assurer leur avenir et
peut-être à l'Etat de leur ouvrir de nouveaux champs
d'intervention.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le 29 octobre sous la présidence de
M. René Ballayer
, doyen d'âge, puis de
M. Philippe Marini, rapporteur général
, la commission
des finances a procédé, sur le rapport de
M. Alain
Lambert, président
, à l'examen des conclusions du groupe de
travail sur la situation et les perspectives du secteur des assurances en
France.
Après avoir remercié
MM. Yann Gaillard
et
Paul
Loridant
pour leur participation très assidue au cycle d'auditions
organisé par le groupe de travail,
M. Alain Lambert,
président,
a rappelé que l'étude du groupe du
travail sur le secteur des assurances s'inscrivait dans le prolongement de
l'enquête réalisée en 1996 sur la santé des banques
qui avait révélé la grande fragilité de ces
dernières. Il a également précisé que le groupe de
travail avait de nouveau jugé utile de recueillir l'avis du Conseil de
la concurrence et du Commissariat Général du Plan sur le secteur
des assurances.
Il a ensuite présenté les principales conclusions du groupe de
travail après avoir, dans un avant-propos, rappelé quelques
définitions.
M. Alain Lambert,
président,
a tout d'abord
estimé que la bonne santé apparente de l'assurance
française masquait une vulnérabilité structurelle.
Parmi les indicateurs de bonne santé de l'assurance française, il
a cité :
- un chiffre d'affaires mondial de 1 097 milliards de francs en 1997
réalisé par les sociétés d'assurance régies
par le code des assurances (sociétés commerciales et
sociétés d'assurance mutuelle) dont 538 milliards de francs
pour l'assurance vie et 272 milliards de francs pour l'assurance dommages ;
- une densité (primes par habitant) et une pénétration de
l'assurance (part des primes d'assurance dans le PIB) tout à fait
comparables, voire supérieures à celles des autres grands pays de
l'OCDE, à l'exception du Japon et de la Suisse ;
- un encours des placements passé de 410 milliards de francs en 1984
à 3 712 milliards de francs en 1997. En valeur de marché,
l'encours total des placements est estimé à 4 085 milliards
de francs en 1997, ce qui traduit un montant de plus-values latentes de 373
milliards de francs.
- Enfin, une marge de solvabilité des sociétés d'assurance
tout à fait satisfaisante et expliquant en partie le très
faible nombre de faillites enregistré dans le secteur des assurances.
Toutefois,
M. Alain Lambert,
président,
a
considéré qu'un certain nombre de facteurs avaient conduit
à vulnérabiliser les sociétés d'assurance :
Il a ainsi estimé que la politique de nationalisation des compagnies
d'assurance avait conduit à sacrifier le souci de la rentabilité
et de la solvabilité au profit d'une recherche de la part de
marché et au détriment de la spécialisation des acteurs.
Il a observé que la fragilité de certains groupes dans le cadre
d'une compétition mondiale accrue avait été largement
sous-estimée et que la succession rapide des dirigeants a eu pour
conséquence un manque de continuité stratégique qui avait
pesé sur les performances et la qualité de la gestion ainsi que
sur la mobilisation des personnels et des cadres.
Il a ensuite noté que le positionnement trop généraliste
et frileux des assureurs français avait pour corollaire une
éviction lente des marchés du risque industriel et des grands
comptes, renforcée par le rachat des courtiers français par les
grands cabinets de courtage anglo-saxons. Il a souligné qu'une telle
faiblesse accélérait la délocalisation de la gestion des
risques de l'entreprise.
Enfin, il a fait valoir que l'accroissement de la concurrence induit par le
décloisonnement des différents segments de l'assurance et par
l'apparition de nouveaux acteurs (" bancassureurs ", vente directe,
grande distribution) avait érodé les marges des entreprises. Les
sociétés d'assurance mutuelle sans intermédiaires ont
ainsi opéré une percée spectaculaire sur le marché
de l'assurance dommage atteignant aujourd'hui 32 % du marché de
l'assurance dommages et 50 % du marché de l'assurance automobile et
les " bancassureurs " ont conquis 61 % du marché de
l'assurance vie. Enfin, il a rappelé que le marché de l'assurance
complémentaire de santé, traditionnellement tenu par les
institutions de prévoyance, avait été ouvert aux mutuelles
du code de la mutualité, puis, plus récemment, aux
sociétés d'assurance traditionnelles.
M. Alain Lambert, président,
a estimé que ces
éléments expliquaient aujourd'hui la
faible
rentabilité des acteurs français de l'assurance, liée
à la fois au niveau très concurrentiel des tarifs et à des
inefficacités de gestion, et contribuaient à la
sous-capitalisation de l'assurance française. Il a observé que
cette faiblesse des fonds propres accroissait l'opéabilité des
acteurs français. Il a enfin indiqué que de telles
évolutions étaient à l'origine du mouvement de
concentration qui a touché l'assurance française ces
dernières années, qui a vu AXA racheter l'UAP, Allianz
acquérir les AGF et Groupama s'emparer du GAN. La concentration a
également touché, de façon plus relative, les mutuelles du
code de la mutualité qui sont passées de plus de 6.400 en 1991
à 5.780 aujourd'hui.
Or,
M. Alain Lambert,
président,
a
considéré que certains aspects réglementaires et fiscaux
avaient tendance à entretenir la vulnérabilité des
assureurs en constituant des distorsions de concurrence, à la veille de
l'entrée en vigueur de l'euro qui devrait renforcer la concurrence
extérieure.
Il a, à cet égard, distingué deux aspects :
A l'interne, il a estimé que le décloisonnement des
marchés s'accommodait mal du maintien de conditions d'exercice du
métier de l'assurance hétérogènes.
Il a indiqué en premier lieu, que les avantages concurrentiels dont
bénéficient les mutuelles du code de la mutualité
engendraient des distorsions de concurrence. Parmi ces avantages, il a
cité :
- un régime fiscal dérogatoire que les mutuelles du code de la
mutualité partagent avec les institutions de prévoyance :
elle échappent ainsi à la taxe professionnelle, à la
contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) et
à la contribution des institutions financières ; elles sont
assujetties à l'IS aux taux réduits de 24 % ou de 10 %
selon les produits concernés, et certains de leurs revenus
échappent à toute imposition ; enfin, les contrats
d'assurance maladie complémentaire souscrits auprès de mutuelles
du code de la mutualité ou d'institutions de prévoyance sont
exonérés de la taxe de 7 % sur les conventions d'assurance.
- des règles prudentielles et comptables moins strictes que les autres
acteurs de l'assurance en raison de la non transposition des
3
èmes
directives de l'assurance dans le code de la
mutualité.
- des subventions de l'Etat qui peuvent représenter jusqu'à
25 % des cotisations versées par les adhérents ;
- des facilités en nature pour l'exercice de leur activité
(locaux, matériel de bureau parfois prêtés par
l'administration, mise à disposition de personnels fonctionnaires...).
M. Alain Lambert,
président,
a rappelé que le
Conseil de la concurrence, saisi par le groupe de travail, avait estimé
que ces
" sujétions ne justifient pas l'ensemble
des facilités qui leur sont accordées pour l'exercice de leurs
activités "
dès lors que ces facilités
"
profitent directement à des activités ouvertes à
la concurrence et introduisent un déséquilibre entre les
opérateurs dans le cadre d'une compétition par les
mérites ".
Puis il a nuancé l'argument selon lequel les sociétés
d'assurance peuvent sélectionner les risques en rappelant que le code
des assurances interdisait aux sociétés d'assurance de
dénoncer le contrat ou d'augmenter la prime lorsque l'état de
santé de l'assuré se trouve modifié et que la loi Evin
interdisait aux assureurs, après l'expiration d'un délai de deux
ans, de refuser à un assuré acquittant normalement ses
cotisations, le maintien des garanties maladies et accident souscrites, quelle
que soit l'évolution de son état de santé.
Enfin, il a rappelé, s'agissant de l'épargne retraite
complémentaire facultative, que les fonctionnaires
bénéficiaient d'un avantage fiscal considérable à
travers la déduction intégrale de leur revenu imposable des
cotisations qu'ils acquittent aux trois régimes existants, la PREFON, le
CGOS, et le CREF, et que ces trois organismes jouissaient en conséquence
d'un avantage concurrentiel déterminant.
Au total, sur le segment de l'assurance maladie complémentaire et de la
prévoyance qui est un marché en forte croissance, il a
estimé que les assureurs traditionnels, sociétés anonymes
ou mutuelles, étaient en position d'infériorité par
rapport aux mutuelles du code de la mutualité et aux institutions de
prévoyance, sans que les avantages dont bénéficient ces
derniers soient justifiés par des considérations
d'intérêt général.
En second lieu,
M. Alain Lambert,
président,
a
rappelé que la distribution de produits d'assurance par La Poste
(11 % du marché de l'assurance vie) et le Trésor public
était contestée par leurs compétiteurs au motif qu'elle
serait de nature à créer des distorsions de concurrence. Il a
cependant précisé que le Conseil de la concurrence ne pouvait se
prononcer tant que ne serait pas intervenue une séparation juridique des
activités sous monopole et des activités concurrentielles, par
exemple, dans le cadre d'une filialisation des services financiers.
Abordant le volet externe,
M. Alain Lambert,
président,
a jugé que l'environnement fiscal et
réglementaire français était handicapant dans un contexte
fortement concurrentiel.
Il a d'abord observé que la fiscalité pesant sur les
opérateurs comme sur les opérations d'assurance était
d'autant plus pénalisante qu'elle était élevée et
instable.
Il a en effet rappelé que contrairement à leurs
compétiteurs étrangers, les opérateurs subissaient en
France la taxe sur les institutions financières et la taxe sur les
salaires. Il a souligné que la taxe sur les conventions d'assurance
pesant sur les opérations d'assurance, dont les taux
s'échelonnent entre 7 et 30 % selon le type de risque, était
la plus élevée d'Europe, constituant à cet égard un
frein à la couverture des risques localisés en France.
Puis, rappelant que l'assurance-vie constituait 66 % des primes
collectées en France,
M. Alain Lambert
a
considéré que les modifications incessantes du régime
fiscal de l'assurance-vie étaient de nature à déstabiliser
les assureurs, l'épargne étant éminemment
délocalisable.
Il a ensuite indiqué que l'administration fiscale française
avait tendance à remettre en cause la déductibilité
fiscale d'un certain nombre de provisions de bonne gestion constituées
par les entreprises en application des consignes prudentielles
européennes, ce qui placait les entreprises françaises dans une
position inconfortable.
Enfin,
M. Alain Lambert,
président,
a
évoqué un certain nombre d'étroitesses
réglementaires handicapantes (caractère trop global de la
règle de fonctionnement de la réserve de capitalisation,
restrictions dans l'utilisation de produits dérivés...).
Ces handicaps fiscaux et réglementaires lui sont apparus d'autant plus
préoccupants que l'entrée en vigueur prochaine de l'euro rendra
les prix et les tarifs transparents et fera du marché unique de
l'assurance une réalité.
Il a considéré à cet égard que la persistance de
facteurs de vulnérabilité comportait deux types de risques :
- un risque de rachat des sociétés françaises par des
groupes étrangers dans le cadre des restructurations internationales. Il
a souligné que ce risque n'était plus virtuel depuis que trois
des dix premières entreprises françaises étaient
passées sous contrôle étranger. Il a précisé
en outre que la plupart des sociétés de courtage étaient
déjà passées sous le contrôle de capitaux
étrangers.
- un risque de déplacement des centres de traitement des dossiers et de
concentration des compétences sur les marchés apportant
l'environnement général le plus propice. Il a appelé
l'attention des commissaires sur le fait que ce risque mettait en péril
les 207 800 emplois français du secteur des assurances. Il a
rappelé à cet égard que la gestion des risques industriels
par les AGF avait déjà été
délocalisée en Allemagne.
M. Alain Lambert
a ensuite présenté les principaux
axes de réforme préconisés par le groupe de travail afin
de permettre aux entreprises d'assurance françaises de relever le
défi de l'unification du marché.
Il est tout d'abord apparu indispensable au groupe de travail de supprimer les
handicaps réglementaires et fiscaux pesant sur l'assurance
française, a-t-il indiqué.
Soulignant que la réforme de la taxe professionnelle prévue par
le projet de loi de finances pour 1999 allait avoir pour conséquence une
forte hausse de la cotisation minimale de taxe professionnelle acquittée
par les sociétés d'assurance, il a préconisé en
contrepartie une suppression de la taxe sur les salaires et de la contribution
des institutions financières.
M. Alain Lambert, président,
a, en outre, souhaité
une harmonisation des taux de la taxe sur les contrats d'assurance sur la
moyenne européenne de ces taux.
Il a par ailleurs fait valoir que la stabilité de la fiscalité de
l'assurance-vie était indispensable à la visibilité des
épargnants et aux nécessités du financement à long
terme de l'économie française.
Enfin, pour stopper la remise en cause par l'administration fiscale de
certaines provisions prudentielles constituées par les entreprises en
vertu de la réglementation européenne, il a appelé
à une harmonisation des règles prudentielles et fiscales
applicables aux entreprises dans toute la mesure où cette harmonisation
restera compatible avec la nécessaire souplesse dont les entreprises ont
besoin pour évaluer leurs provisions.
Abordant le deuxième axe de propositions,
M. Alain Lambert,
président,
a indiqué que le groupe de travail s'était
prononcé pour une harmonisation des conditions d'exercice du
métier de l'assurance.
S'appuyant sur les conclusions du rapport de M. Alain Bacquet de mai
1994, il a appelé à une transposition des 3
èmes
directives dans le code de la mutualité. Il a précisé que
les directives prévoyaient d'exclure de leur champ un certain nombre de
mutuelles.
Par ailleurs, il a considéré que la séparation juridique
de la gestion des oeuvres sociales de celle des activités d'assurance et
de prévoyance des mutuelles qu'induirait la transposition des
3
èmes
directives dans le code de la mutualité
n'interdirait pas la compensation des déficits d'exploitation des
oeuvres sociales par les excédents de gestion des activités
d'assurance et de prévoyance, pourvu que ces transferts de fonds soient
transparents, justifiés et expressément approuvés par les
sociétaires.
S'agissant des règles fiscales,
M. Alain Lambert,
président,
a estimé que l'accentuation de la concurrence
rendait désormais illégitimes les disparités de
régimes fiscaux entre organismes exerçant le même
métier.
Il s'est par ailleurs, montré favorable à une harmonisation des
régimes fiscaux entourant l'épargne retraite des fonctionnaires
et celle des travailleurs indépendants non agricoles ainsi qu'à
une généralisation d'un tel dispositif à l'ensemble des
salariés par le biais de l'institution de fonds de pension. Il a en
outre appelé à l'ouverture à la concurrence de
l'épargne retraite complémentaire des fonctionnaires.
Il a enfin souhaité que soient clarifiées les relations entre
l'Etat et les mutuelles des fonctionnaires et des étudiants.
Puis, pour permettre aux sociétés d'assurance mutuelles de se
développer,
M. Alain Lambert, président,
a
préconisé une modernisation de leur statut.
A la veille de l'euro et d'un nouveau choc de concurrence, il a appelé
à une réflexion sur la transformation des sociétés
d'assurance mutuelles en sociétés anonymes dès lors que
les sociétés d'assurance mutuelles excèdent une certaine
taille. Il a souligné qu'une telle option leur permettrait de lever des
fonds plus facilement pour financer leur croissance et de constituer des
structures de groupe. Il a toutefois insisté sur la
nécessité de subordonner une telle transformation à
l'autorisation préalable de la majorité des sociétaires.
Il a enfin fait valoir qu'une telle faculté pouvait être
l'occasion, pour les sociétaires d'un certain nombre de
sociétés d'assurance mutuelles, de renouveler leur attachement au
statut mutualiste.
S'agissant des activités de distribution de produits d'assurance par la
Poste, il a préconisé l'établissement d'une
comptabilité analytique indiscutable et la filialisation de la
distribution de produits d'assurance par La Poste. Il s'est montré
opposé à la distribution de produits d'assurance dommage par la
Poste.
Abordant enfin le troisième volet de propositions du groupe de travail,
M. Alain Lambert, président,
a indiqué que le groupe
de travail était plus favorable à une amélioration du
contrôle des entreprises et des mutuelles d'assurance qu'à la mise
en place d'un système de garantie.
Il a rappelé que l'amélioration du contrôle passait par
une transposition dans la gestion des mutuelles d'une certaine dose de
" gouvernement d'entreprise " afin de rendre cette gestion plus
transparente et moins dépendante de la décision de
l'autorité politique. Il s'est montré favorable à la
professionnalisation de
l'échelon de contrôle de la
structure managériale des mutuelles et au développement de
rapports plus transparents, plus réactifs et plus participatifs entre
les mutuelles et les sociétaires pour relancer la flamme mutualiste.
Puis
,
il a appelé à un renforcement des moyens des
Commissions de contrôle (CCA et CCMIP) afin d'éviter des faillites
comme celle d'Europavie. Il a considéré que cette faillite ne
remettait pas en cause l'efficacité des règles prudentielles mais
reflétait l'insuffisance des contrôles. Soulignant le
dénuement de la Commission de contrôle des mutuelles et des
institutions de prévoyance face aux quelques 6 000 organismes
qu'elle est chargée de contrôler, il a conclu qu'il convenait de
donner aux organes de contrôle les moyens nécessaires à
leur mission.
Enfin,
M. Alain Lambert, président,
a insisté sur la
nécessité de garantir les assurés mais pas les
entreprises. Observant qu'une garantie de place risquait d'inciter à une
mauvaise gestion, il a s'est montré très attaché à
ce que la mise en jeu d'un système de garantie s'accompagne du retrait
de l'agrément des organismes secourus afin de supprimer tout
" aléa moral ".
A l'issue de la présentation des conclusions, un débat s'est
instauré auquel ont participé MM. Philippe Marini, Yann Gaillard,
Maurice Blain et Denis Badré.
Après avoir félicité le groupe de travail pour ses travaux
et ses propositions,
M. Philippe Marini
,
rapporteur
général
, a considéré que l'analyse du secteur
de l'assurance venait utilement compléter celle effectuée sur le
système bancaire et permettait d'avoir une vue globale du paysage
financier français.
M. Yann Gaillard
a également considéré que les
travaux sur le secteur des assurances étaient indissociables de ceux sur
le système bancaire et apportaient une contribution importante à
la réforme des institutions financières françaises.
Il a fait valoir qu'à la différence du système bancaire,
le secteur de l'assurance avait déjà subi une crise dont la
manifestation était la quasi disparition des trois anciens géants
français, AGF, GAN ET UAP. Il s'est étonné à cet
égard de la relative indifférence qui avait accompagné
cette évolution et de la position apparemment confiante des assureurs.
Il s'est inquiété des dangers de délocalisation des
segments les plus techniques et pointus de l'assurance. Il a enfin
formulé l'espoir que le rapport appelle l'attention des acteurs et des
pouvoirs publics sur la vulnérabilité de l'assurance
française et les risques pour notre économie.
Après avoir interrogé le président sur les raisons qui
avaient présidé à la constitution d'un groupe de travail
sur les assurances,
M. Maurice Blin
a souhaité savoir si
l'on risquait d'assister à la disparition de pans entiers de
l'assurance. Il s'est enquis du rôle des nationalisations dans
l'affaiblissement de ce secteur et a souhaité savoir si d'autres pays
disposaient d'un secteur mutualiste aussi important qu'en France.
M. Denis Badré
a estimé que le travail de comparaison
des régimes juridique, réglementaires et fiscaux dans lesquels
évoluent les sociétés d'assurance fonctionnant selon le
code des assurances, les mutuelles du code de la mutualité et les
institutions de prévoyance avait été tout à fait
utile. Il a considéré que les distorsions de concurrence qui
pouvaient exister entre ces trois types d'acteurs étaient une
spécificité française à laquelle il fallait mettre
un terme. Estimant que les secteurs des banques et des assurances
étaient complémentaires pour le financement des investissements,
il s'est demandé si l'on pouvait faire apparaître des synergies
entre les deux. Enfin, il a appelé l'attention sur le fait qu'il
était très difficile pour les entreprises de trouver des
assureurs qui acceptent de couvrir le risque industriel en France en se
demandant si l'assurance française allait être
reléguée dans la couverture des petits risques, les moins
générateurs de profits.
En réponse aux intervenants,
M. Alain Lambert,
pésident,
a rappelé que la création d'un groupe de
travail sur les assurances avait fait l'objet d'un débat dans la mesure
où certains avaient estimé que la nécessité
d'enquêter sur ce secteur ne se justifiait pas. Il s'est personnellement
montré heureux d'un tel choix, dont il avait été un
vigoureux partisan, en soulignant qu'à l'instar du secteur bancaire, le
secteur de l'assurance occupait une place centrale dans le financement de
l'économie française et présentait de nombreux points
communs avec la banque. En particulier, il a observé que les
insuffisances de l'Etat actionnaire avait conduit dans les deux cas aux
mêmes errements et aux mêmes fragilités. Il a cependant
estimé qu'en dépit de la vulnérabilité des acteurs
de l'assurance, il ne fallait pas se montrer excessivement pessimistes.
Il s'est montré favorable à la diversité des statuts
juridiques des différents acteurs évoluant sur le marché
de l'assurance pourvu que les conditions d'exercice de ce métier soient
les mêmes pour tous. Il a appelé à cet égard
à une suppression des distorsions de concurrence en observant qu'une
telle préconisation avait pour objet de servir l'intérêt
général et non les intérêts particuliers des
compagnies d'assurance commerciales. Il a précisé que celles-ci
ne s'étaient d'ailleurs pas manifestées avec autant
d'empressement que les banques.
S'agissant de la couverture des grands risques, il a observé qu'elle
nécessitait une assise financière solide et s'est
inquiété du passage sous contrôle étranger d'un
certain nombre de compagnies d'assurance et de sociétés de
courtage françaises.
Il a enfin estimé que la rétroactivité des mesures
fiscales était un des fléaux de la fiscalité moderne, et a
préconisé une stabilisation de la fiscalité de l'assurance
vie.
La commission a ensuite adopté les conclusions du groupe de travail et
décidé de les publier sous la forme d'un rapport
d'information.
CONTRIBUTION PRESENTEE PAR M. MARC MASSION
AU
NOM DU GROUPE SOCIALISTE
Le groupe de travail " Assurances " de la commission des finances
du Sénat a effectué l'examen approfondi que nécessitait ce
secteur, important pour notre économie.
Devant l'ampleur du travail réalisé, les conclusions
tirées nous apparaissent comme partielles et ne répondant pas
à l'ensemble des questions posées pour l'avenir à ce
secteur pour faire face à la fois aux nouveaux défis et à
l'attente des assurés.
En préambule, rappelons l'excellente qualité des assureurs
français par rapport à leurs concurrents étrangers,
notamment européens, en matière technique, comme d'innovation.
Rappelons également, contrairement à ce que sous-tend le
rapport, que c'est bien en raison de fautes de gestion de certains dirigeants
que certaines compagnies ont connu des difficultés dans le passé
et non pas, en raison de leur statut d'entreprise publique. D'ailleurs, des
errements semblables ont été observés dans le même
temps, dans des compagnies privées.
Le rapport écarte ou présente de manière biaisée,
les points suivants :
En premier lieu, le rapport ne traite pas des assurés. Cette question
est pourtant importante, au regard du droit du consommateur. Par ailleurs, les
couvertures complémentaire maladie et de prévoyance ne peuvent
être considérées comme de simples produits. Ce sont des
opérations qui doivent être réglementées. La loi
Evin a permis un certain nombre d'avancées dans ce domaine. Aucun bilan
n'est dressé dans le rapport. Sur le même sujet, il est important
de rappeler que les régimes existants doivent rester collectifs. Toute
orientation vers des risques individuels porterait atteinte au principe
même de la non sélection.
En second lieu, le rapport analyse le secteur de l'assurance sous l'angle
exclusivement franco-français, en abordant principalement les
distorsions de concurrence entre les différents acteurs. Il aurait
été intéressant de mettre également en exergue la
dimension européenne et d'analyser les mouvements de restructuration qui
y sont attachés, comme de même la difficulté d'installation
des assureurs français dans certains pays de l'union, très
protectionnistes comme par exemple, l'Allemagne, alors même que notre
pays a depuis longtemps laissé s'implanter bon nombre d'assureurs
étrangers.
En troisième lieu, les distorsions de concurrence
évoquées nous paraissent très largement
surdimensionnées. Celles-ci tout d'abord s'amenuisent au fil du temps et
sont beaucoup moins importantes aujourd'hui que par le passé. En outre,
ces distorsions n'existent que pour une part limitée du marché de
l'assurance, celui de la prévoyance. Dans ce domaine, il n'est pas
inutile tout de même de rappeler le rôle précurseur qu'ont
eu les mutuelles pour le plus grand bien des assurés. Ces distorsions de
concurrence ne sont pas négligeables mais elles ne résument donc
pas à elles seules, loin s'en faut, la problématique du secteur
de l'assurance.
Les propositions de ce rapport apparaissent également partielles.
Premièrement, sur l'allégement de la fiscalité
attachée à l'assurance et l'accroissement de la santé
financière des intervenants :
Alors que les actionnaires souhaitent une rentabilité du capital de
plus de 10% par an et que les ratios prudentiels soumettent les intervenants
à un renforcement de fonds propres, il n'est nullement pris en compte
les conséquences sur les assurés de tels impératifs. Comme
de même, n'est pas démontrée une quelconque surimposition
fiscale dans notre pays par rapport aux autres pays européens. Au
demeurant, seule la taxe sur les conventions d'assurance nous apparaît
comme un obstacle véritable. Rappelons néanmoins qu'en
matière d'assurance vie, cette taxe a été supprimée.
Deuxièmement, la banalisation des mutuelles du code de la
mutualité :
La richesse d'une économie comme la notion même de marché,
repose pourtant bien sur la diversité. Il convient donc tout au
contraire de faire en sorte que celle-ci puisse continuer à s'exprimer
dans le respect des règles d'intérêt général.
Si certaines distorsions fiscales doivent disparaître, il faut de la
même manière, faire en sorte que les sociétés de
personnes ne soient pas désavantagées par rapport aux
sociétés de capitaux, notamment au niveau de l'accumulation de
leurs fonds propres. Vouloir comme le souhaite le rapport que ces
sociétés de personnes se transforment en sociétés
de capitaux revient à les faire disparaître, ce qui n'est pas
acceptable. Rigoureusement rien dans le droit communautaire n'oblige à
une telle évolution. Par ailleurs, il n'est pas négligeable, au
regard du contexte décrit par le rapport, de souligner que les
sociétés de personnes ne sont pas opéables.
Pour notre part, d'autres sujets doivent être également
abordés :
Nous souhaitons qu'une réglementation scrupuleuse de
l'intérêt des assurés soit développée par les
pouvoirs publics, en matière de transparence et de
sécurité. Le rapport met l'accent sur la non transposition des
directives propres à la mutualité, mais ne fait aucunement
mention de la directive communément appelée " BCCI "
non encore transposée dans notre pays depuis deux ans et qui doit
comporter des avancées dans ce domaine.
Enfin, parallèlement au renforcement souhaité par le rapport,
des moyens des commissions de contrôle, il serait utile, sachant que
certains intervenants ne respectent pas toujours le caractère prudentiel
de leurs opérations, que le recours à un actuaire
réellement indépendant soit rendu obligatoire et que cette
profession soit enfin réglementée.
ANNEXES
ANNEXE 1
COMPOSITION DU GROUPE DE TRAVAIL SUR LA
SITUATION ET LES PERSPECTIVES
DU SECTEUR DES ASSURANCES EN
FRANCE
Président
:
Alain LAMBERT
Groupe de l'Union Centriste (UC), Orne
Vice-présidents
:
- Yann GAILLARD
Apparenté au Groupe du Rassemblement pour la
République (RPR), Aube
- Paul LORIDANT
Groupe Communiste Républicain et Citoyen (CRC),
Essonne
Membres
:
- Denis BADRÉ
Groupe de l'Union Centriste (UC), Hauts-de-Seine
- Roland du LUART
Groupe des Républicains et Indépendants
(RI), Sarthe
- Philippe MARINI
Groupe du Rassemblement pour la République
(RPR), Oise
- Marc MASSION
Groupe Socialiste (Soc.), Seine-maritime
- Henri COLLARD
58(
*
)
Groupe du
Rassemblement Démocratique et Social Européen (RDSE),
Eure
ANNEXE 2
AUDITIONS REALISEES
PAR LA COMMISSION
DES FINANCES
|
|
Pages |
|||
Mercredi 4 mars |
M. Michel RÉMOND, Président |
|
|||
|
Groupement des Entreprises Mutuelles d'Assurances (GEMA) |
137 |
|||
|
M. Gérard ATHIAS, Président |
|
|||
|
Association Française d'Epargne et de Retraite (AFER) |
144 |
|||
Jeudi 5 mars |
M. Jean ARVIS, Président
|
|
|||
|
Fédération Française des Sociétés d'Assurances (FFSA) |
146 |
|||
Mercredi 25 mars |
M. Jean-Pierre
DAVANT, Président
|
|
|||
|
Mutualité Française |
149 |
|||
Jeudi 26 mars |
Mme PALLEZ, Sous-directeur des assurances |
|
|||
|
Ministère de l'Economie et des Finances |
152 |
|||
|
M. Jean SIMONNET, Président
|
|
|||
|
Mutuelle Assurance des Commerçants et Industriels de France et de leurs salariés (MACIF) |
|
|||
|
M. Jean-Paul CHALLET, Président du directoire |
|
|||
|
MUTAVIE |
157 |
|||
Mercredi 1er avril |
M. Jean FOURRE, Président
|
|
|||
|
Commission de Contrôle des Assurances (CCA) |
160 |
|||
|
M. Didier PFEIFFER, Président directeur général |
|
|||
|
Groupe des Assurances Nationales (GAN) |
165 |
|||
|
M. Jean BALIGAND, Président
|
|
|||
|
GROUPAMA |
169 |
|||
Jeudi 2 avril |
Mme MORGENSTERN, Président |
|
|||
|
Fédération Nationale des Cadres et Agents de Maîtrise et Techniciens de l'Assurance (FNCATA) |
|
|||
Mercredi 8 avril |
M. BLONDEAU, Président directeur général
|
|
|||
|
SCOR |
175 |
|||
Jeudi 9 avril |
M. Dominique BAZY, Président directeur général |
|
|||
|
ALLIANZ FRANCE |
180 |
|||
Mardi 26 mai |
M. Philippe DULAC, membre du Directoire |
|
|||
|
Compagnie PARIBAS |
183 |
|||
|
Pierre DE VILLENEUVE, Directeur général |
|
|||
|
CARDIF |
183 |
|||
Jeudi 28 mai |
M. Nicolas LARMAGNAC, Responsable du secrétariat |
|
|||
|
Mouvement UFC Que Choisir |
186 |
|||
|
|
|
|||
Mardi 9 juin |
M. Dominique DENIS, Délégué général |
|
|||
|
Fédération Nationale des Syndicats d'Agents Généraux d'Assurances (FNSAGA) |
|
|||
Jeudi 11 juin |
M. Claude TENDIL, Directeur général |
|
|||
|
AXA |
192 |
|||
|
M. Pierre DARNIS, Président du directoire |
|
|||
|
Caisse Nationale de Prévoyance (CNP) |
198 |
|||
Jeudi 18 juin |
M. BROUHMANN, Secrétaire fédéral |
|
|||
|
Fédération Nationale des Personnels des
Secteurs
|
|
|||
|
M. Michel LUCAS, Président directeur général |
|
|||
|
Assurances du Crédit Mutuel |
204 |
|||
Mercredi 17 juin |
M. Jean FOURRE, Président
|
|
|||
|
Commission de Contrôle des Mutuelles et des Institutions de Prévoyance (CCMIP) |
|
|||
Mardi 29 septembre |
M. Jean-Hervé LORENZI, Directeur général
délégué, membre du Conseil d'analyse économique
|
|
|||
|
Société de Courtage en Assurance Gras Savoye |
211 |
|||
|
|
|
|||
|
CONTRIBUTION |
|
|||
Jeudi 1 er octobre |
M. Alain TEMPELAERE, Président |
|
|||
|
Fédération
Française des
Sociétés d'Assurance
|
|
|||
|
M. Gérard OUTTERS, Délégué général |
|
|||
|
Réunion des Organismes d'Assurance Mutuelle (ROAM) |
216 |
|||
|
|
|
Audition de M. Michel RÉMOND
Président du Groupement des Entreprises
Mutuelles d'Assurances (GEMA)
Mercredi 4 mars 1998
M.
Alain Lambert, président,
a rappelé que le groupe de travail
sur la situation et les perspectives de l'assurance en France avait deux
objectifs :
- évaluer les différences de traitements juridiques et
fiscaux entre les entreprises exerçant les divers métiers de
l'assurance et leurs effets sur le marché français ;
- analyser la situation des acteurs français de l'assurance d'un
point de vue économique, afin d'évaluer leurs perspectives de
développement dans le cadre de l'intégration européenne et
de la concurrence mondiale.
En préliminaire,
M. Michel Rémond
a
présenté les mutuelles d'assurances membres du GEMA. Il a
souligné tout d'abord l'originalité de leurs structures, dont la
dénomination est généralement connue, mais souvent
confondue avec les mutuelles santé, leurs cousines. Ce sont des
sociétés de personnes régies par un droit propre ;
leur cadre juridique spécifique est organisé par le code des
assurances. La présence de la forme mutualiste dans le secteur de
l'assurance remonte au XIXème siècle. Très rapidement, il
est apparu que cette structure, faisant converger les intérêts des
consommateurs et des bailleurs de fonds, était particulièrement
bien adaptée au secteur de l'assurance. Cette forme d'entreprises
particulières s'est vu reconnaître une place originale par le
législateur dès les premiers textes organisant la profession de
l'assurance (décret-loi de 1938).
Les principes sur lesquels reposent ces structures sont :
•
la propriété collective des fonds propres,
•
la participation des assurés-assureurs (les
sociétaires) à la gestion de l'entreprise, participation
fondée sur le principe : un homme, une voix,
•
la nature non lucrative de l'activité, qui se
traduit par le refus de l'appropriation individuelle des excédents et
permet l'ajustement des garanties et des tarifs.
Pour
M. Michel Rémond
, le respect de la diversité des
formes juridiques d'entreprises qui ne se limitent pas à celle de la
société anonyme, en particulier dans le secteur de l'assurance,
constitue la meilleure garantie de l'adaptabilité de notre
économie aux évolutions de la société.
En dépit de leur originalité, les mutuelles d'assurances ont
été en grande partie à l'origine du caractère
très concurrentiel du marché français de l'assurance, et
ce, sans bénéficier d'aucun privilège par rapport aux
sociétés anonymes, leurs collègues et concurrentes
opérant sur le marché. En particulier, la fiscalité sur
les opérations et sur les entreprises, ainsi que les règles de
droit social sont exactement les mêmes.
Les seules différences résultent de modes d'organisation et de
distribution bien adaptés à la volonté des particuliers.
Ainsi, les mutuelles regroupées au sein du GEMA ont pris la
décision de travailler sans intermédiaires
rémunérés (agents généraux et courtiers), ce
qui confère un avantage concurrentiel et organisationnel décisif.
Ainsi,
M. Michel Rémond
a souligné que les mutuelles
du GEMA avaient souvent un taux de frais de gestion nettement inférieur
à l'ensemble du marché.
A ce stade de son exposé,
M. Michel Rémond
a
souligné la part significative occupée par les mutuelles du GEMA
sur le marché français : 15 millions de
sociétaires, dont 800.000 ont adhéré depuis 1995 ;
dans le secteur dommages, le volume total des cotisations des membres du GEMA
s'est élevé, en 1996, à près de 39 milliards
de francs, en augmentation de 5,5 % par rapport à 1995 ; en
assurance santé, les sociétés spécialisées
appartenant au GEMA couvrent plus d'un million de personnes et ont,
l'année dernière, encaissé 8,3 milliards de francs en
augmentation de 31,5 % ; sur le plan social, environ
19.000 salariés travaillent dans les mutuelles, ce qui
représente 20 % du total des effectifs salariés de la
profession de l'assurance et ont créé près de
1.500 emplois entre 1995 et 1996.
M. Michel Rémond
a rappelé que les mutuelles du GEMA ont
comme caractéristique essentielle d'être des assureurs de
particuliers et que plus de 40 % des automobiles et 30 % des
logements étaient assurés auprès des mutuelles. Elles ont
également investi des domaines nouveaux, telle l'assistance à
domicile où elles sont les premières en Europe.
M. Michel Rémond
a ensuite abordé la question des
différences de traitements juridiques et fiscaux entre les entreprises
du secteur de l'assurance.
La fiscalité des entreprises et des produits est souvent un facteur de
distorsion de concurrence ; souvent aussi les différences fiscales
découlent des différences de statuts. Dans un environnement
économique qui a pour maître mot la banalisation et la concurrence
au profit des consommateurs, l'harmonisation fiscale peut être un
objectif conjoint des pouvoirs publics et des entreprises. En tout état
de cause, il appartient à chacune des familles de l'assurance, de la
santé et de la prévoyance de présenter sa situation et les
problèmes qu'elle rencontre.
En tant que président des mutuelles d'assurances sans
intermédiaire,
M. Michel Rémond
a toutefois
estimé qu'une harmonisation fiscale ne devait pas avoir pour effet de
faire disparaître les spécificités de chacune des familles.
Les mutuelles du GEMA sont assujetties à une fiscalité de droit
commun.
Abordant la question du droit d'entrée,
M. Michel Rémond
a précisé que le statut de mutuelle a notamment pour
particularité que les fonds propres de ces entreprises sont
représentés par un fonds d'établissement et non par un
capital divisé en actions ou parts sociales. Cette situation interdit
actuellement aux mutuelles d'augmenter leurs fonds propres autrement que par la
mise en réserve d'excédents. Or, pour pouvoir lutter à
armes égales contre les grands groupes, déjà
constitués ou en voie de l'être, et qui sont très fortement
capitalisés, les mutuelles d'assurances ont besoin de disposer
d'instruments leur permettant d'accroître leurs fonds propres.
L'autorisation donnée aux mutuelles d'assurances en avril 1996
d'émettre, par appel public à l'épargne des obligations,
des titres participatifs et des titres subordonnés leur a, certes,
ouvert un moyen de financement ; mais, s'agissant de titres de dette,
d'une part, ce moyen est plus propre à financer l'exploitation que les
investissements de développement, et, d'autre part, il n'est pas, en
pratique, accessible aux mutuelles de taille moyenne.
M. Michel
Rémond
a en conséquence préconisé un droit
d'entrée en partie défiscalisé, qui aurait un
caractère obligatoire et ne serait ni répétitif ni
rémunéré.
M. Michel Rémond
a ensuite analysé la structure juridique
des mutuelles. Les mutuelles d'assurances sont des sociétés de
personnes. A ce titre, elles représentent une force importante pour la
collectivité nationale, car en tant que sociétés de
personnes, elles ne sont pas "opéables". A ce titre, elles constituent
un pôle de stabilité économique et sociale de
première importance. Mais, elles ne peuvent, en retour, contrôler
une autre mutuelle également société de personnes. Et pour
M. Michel Rémond,
les mutuelles ne peuvent accepter de se
"démutualiser" pour servir mieux leurs sociétaires. C'est la
raison pour laquelle les mutuelles réfléchissent à la
création de structures juridiques de groupes et de groupements
mutualistes. Ces groupes devraient permettre aux mutuelles de contrôler
leurs mutuelles filles et aux petites mutuelles de se réunir dans une
structure mutualiste commune pour pouvoir lutter à armes égales
avec les grands groupes. Pour ce faire, comme pour le droit d'entrée non
fiscalisé,
M. Michel Rémond
a souhaité le
soutien actif du législateur.
Enfin,
M. Michel Rémond
a préconisé la
création d'un statut de mandataire mutualiste en précisant que le
fait que les mandataires mutualistes exercent cette fonction à titre
gratuit constitue une distorsion de concurrence au profit des mutuelles.
Les mutuelles travaillent donc à l'élaboration d'un statut
juridique moderne de mandataire mutualiste, à l'exemple, notamment, de
celui de l'élu local, prévoyant un temps libre, une juste
rémunération du temps consacré à sa mutuelle et des
responsabilités qu'il y exerce, une juste compensation à son
employeur, et le moyen de satisfaire aux dispositions fiscales et aux
prélèvements sociaux.
M. Michel Rémond
a enfin abordé la question des
rapports entre les mutuelles et la construction européenne. Il a tout
d'abord souligné l'importance de l'harmonisation entre la
législation française et la législation européenne.
M. Michel Rémond
a justifié l'instauration d'un
contrôle de la surface financière des groupes d'assurance ;
à ce sujet, il a exprimé son inquiétude quant aux projets
de directives relatifs, d'une part, au contrôle des groupes d'assurance
et, d'autre part, au secteur du commerce de l'électronique.
Par ailleurs,
M. Michel Rémond
s'est inquiété
des risques de déstabilisation du marché français de
l'assurance en évoquant le souhait de la Poste d'entrer sur le
marché de l'assurance dommage des particuliers. En premier lieu, il
semble que l'équilibre d'exploitation du réseau de la Poste passe
d'abord par la rationalisation de celui-ci et par un meilleur exercice de sa
mission de service public, à savoir l'acheminement du courrier.
En second lieu, et indépendamment du risque réel pour le
marché que ferait courir la puissance de son réseau de plus de
17.000 guichets,
M. Michel Rémond
a estimé que
l'entrée éventuelle de la Poste dans l'assurance de dommages ne
devait être autorisée que dans le respect des procédures
d'appels d'offres obéissant au droit européen des marchés
publics.
Au niveau européen, il a considéré que la prise de
position de la commission européenne sur le bonus-malus correspond
à l'expression d'une vision tout droit sortie des manuels de
théorie économique plutôt qu'à la
réalité du fonctionnement transparent et fluide d'un
marché.
M. Michel Rémond
a appelé la
commission européenne à réfléchir sur
l'utilité de ce système plutôt qu'à le
détruire. Enfin,
M. Michel Rémond
a souhaité
que s'ouvre le chantier de l'harmonisation des fiscalités, domaine
où l'assurance française est extrêmement
désavantagée.
Pour conclure sur le sujet de l'intégration européenne,
M. Michel Rémond
a regretté les modifications de la
fiscalité de l'assurance-vie au moment où l'apparition de l'euro
va bouleverser le paysage de l'assurance française. A cet égard,
M. Michel Rémond
a souligné que la monnaie unique
sera un facteur important de concurrence auprès des consommateurs qui
pourront comparer en termes de coût les services offerts sur le
marché européen. Il a estimé que l'harmonisation des
fiscalités pesant sur les produits d'épargne était une
étape incontournable de l'intégration européenne.
Enfin,
M. Michel Rémond
a insisté sur le fait que
l'épargne longue, si utile à l'économie nationale pour
garantir l'investissement, requiert un environnement légal et fiscal le
plus stable et le plus prévisible possible. Dans cette perspective, il a
appelé à une trêve des modifications fiscales, au moins
pendant la période des changements monétaires de 1999 à
2002.
M. Alain Lambert, président,
a souhaité connaître
l'importance du GEMA dans les différents secteurs de l'assurance .
M. Michel Rémond, président du GEMA
a indiqué que
dans l'automobile, le GEMA assurait 40 % du parc automobile
français, ce qui représentait 70 à 80 milliards de
francs et 32 % du chiffre d'affaires du secteur ; pour
l'assurance-habitation, il représente un tiers du marché et
25 % du chiffre d'affaires. Enfin, le GEMA détient une part
marginale (7/9ème) du marché de l'assurance-vie.
Au sujet des structures du groupe,
M. Michel Rémond
a
précisé que pour l'assurance-vie, les mutuelles ont
créé des sociétés anonymes ; le problème est
que l'on ne peut consolider des sociétés anonymes avec des
mutuelles. Qui plus est, cela pose le problème de l'autorité des
mutuelles sur ces sociétés ; comme il n'y a pas
d'actionnaires dans les mutuelles, le seul pouvoir qu'elles ont sur ces
"filiales" sont des compétences techniques, notamment par le biais de la
réassurance. Les mutuelles agricoles ont réglé au mieux
ces problèmes, mais il n'en reste pas moins une question de principe
qu'il faudrait régler. L'idée de M.
Michel
Rémond
serait de créer des groupements d'assurance qui
permettraient d'asseoir l'autorité du GEMA.
Interrogé sur d'éventuelles alliances internationales,
M.
Michel Rémond
a expliqué qu'il avait des contacts avec les
mutuelles du monde entier. Un groupement d'intérêt
économique (GIE), " EURESA " ,a été
créé ; il rassemble des mutuelles d'Italie, de Belgique, de
Suède, d'Allemagne et de France (Macif, Maif). Son but est de promouvoir
des actions communes. Il existe également une association de mutuelles
et de coopératives européennes régulièrement
auditionnée par les fonctionnaires européens.
Le rapporteur général s'est interrogé ensuite sur
l'émigration de sociétés françaises à
l'étranger à cause du différentiel de fiscalité et
sur la protection du consommateur telle qu'elle existe en France par rapport
à la législation étrangère.
Ce à quoi il lui a été répondu que la vente de
services financiers à distance place les mutuelles et les assurances
dans une position difficile par rapport au délai de rétractation
de 30 jours accordé aux consommateurs français ;
ailleurs, ce délai est de sept jours ; et la directive
européenne précise que c'est la loi du pays d'origine qui
s'applique.
Pour ce qui est de la captation de l'épargne française,
M.
Michel Rémond
a dit n'avoir rien observé pour le moment.
Mais, les sociétaires sont des épargnants moyens. Ceci dit, il y
a un risque évident liée à la liberté de
circulation des capitaux et la création de l'euro. Il faut donc
espérer une harmonisation.
M. Henri Collard
a souhaité recueillir plus d'informations sur
le rôle des mandataires dans une société mutualiste.
M. Michel Rémond
a répondu que les mandataires sont des
mandataires électoraux et non financiers ; ils sont
bénévoles. Différents problèmes se posent :
formation professionnelle, limite d'âge, présence, etc.
M.
Michel Rémond
a jugé souhaitable de valoriser cette fonction.
Il a cependant reconnu que ce choix, essentiellement politique, a permis aux
mutuelles d'accéder plus vite à l'informatique que les assureurs.
Il a ajouté qu'il n'existait pas en Europe de groupements de mutuelles
d'assurance aussi importants que le GEMA en raison de la moindre importance du
secteur mutualiste.
M.
Marc Massion
s'est préoccupé de savoir si des moyens
concurrentiels étaient développés.
M. Michel Rémond
a indiqué que, si les
sociétés mutuelles d'assurance possédaient l'avantage de
ne pouvoir faire l'objet d'OPA, elles ne pouvaient, contrairement aux
sociétés anonymes, faire appel aux marchés financiers pour
accroître leurs fonds propres, le fonds d'établissement ne pouvant
être alimenté que par des excédents.
M. Yann Gaillard
s'est demandé si l'opposition entre
sociétés anonymes et sociétés mutualistes
était aussi forte dans le secteur de l'assurance que dans le secteur
bancaire.
Il a par ailleurs observé que, si les mutuelles ne sont pas
"opéables", elles peuvent acheter.
Enfin, il a demandé quels avantages il y avait à adhérer
à une mutuelle.
M. Michel Rémond, président du GEMA
a répondu
qu'il entretenait des relations soutenues avec la FFSA et qu'avec les
assurances, les gros litiges étaient passés. Certaines
divergences persistent mais ne sont pas de la teneur de celles qui existent
entre le Crédit agricole et l'AFB, par exemple. Il a été
d'accord sur les deux autres points.
Evoquant la récente faillite d'Europavie,
M. Alain Lambert
a
évoqué la création d'un fonds de garantie.
M. Michel Rémond
a estimé que dans l'affaire d'Europavie,
la faillite provenait de la lenteur de la réaction de la commission de
contrôle ; le transfert des actifs s'est fait sur une
société allemande qui a ensuite fait faillite. Ce sont les
assurés qui vont payer.
Il a plaidé, dans un tel cas, pour le retrait d'agrément, donc
la liquidation au cas où la société ne pourrait faire face
à ses engagements. Il a préconisé la création d'un
mécanisme de garantie commun à tous les assureurs de la place,
qu'ils soient sociétés anonymes ou mutuelles. Restent
posés, les problèmes particuliers des Mutuelles 1945 et des
institutions de prévoyance dans ce dispositif.
Audition de M. Gérard ATHIAS
Président de l'Association française
d'épargne et de
retraite (AFER)
Mercredi 4 mars 1998
Le groupe de travail a procédé à l'audition de
M. Gérard Athias, président de l'Association
française d'épargne et de retraite
(AFER).
M. Gérard Athias
a tout d'abord indiqué qu'en
matière d'assurance vie, l'effet des nouveaux prélèvements
intervenus depuis le 1er janvier 1998 était catastrophique. Il a
expliqué que la collecte de l'épargne avait connu deux
très forte chutes, l'une après l'annonce le 25 septembre du
nouveau dispositif la concernant dans le projet de loi de finances, puis
l'autre à son entrée en vigueur en début d'année.
(Il a toutefois précisé que des mesures avaient permis de
dégeler la situation au cours du dernier trimestre de 1997 et que
30 % de la collecte avait été réalisée en
décembre).
Tout en souhaitant ne pas se montrer alarmiste,
M. Gérard
Athias
a cependant attiré l'attention sur la proportion de cette
baisse, de l'ordre de 50 à 70 % depuis janvier. Il a
regretté cette situation, déplorant que la surtaxation
n'intervienne que si peu de temps avant la mise en place de la monnaie unique
qui, de son point de vue, ne pourra que faciliter les comparaisons entre
régimes fiscaux des pays membres. Emettant des doutes quant à la
rentabilité fiscale des mesures prises, il a déploré la
complexité du nouveau statut fiscal de l'assurance-vie en prenant
l'exemple des nouveaux prélèvements sociaux, qui varient selon le
type de contrats.
Evoquant enfin la faiblesse des rentrées budgétaires pendant les
huit prochaines années, il a regretté que l'on fragilise un
secteur qui est à l'origine de nombreux investissements.
A
M. Yann Gaillard
, qui s'interrogeait sur un éventuel lien
direct entre le rachat des Assurances générales de France (AGF)
et l'alourdissement de la fiscalité de l'épargne,
M.
Gérard Athias
n'y a pas vu de relations mais a craint que les
nouvelles dispositions fiscales ne soient pas de nature à renforcer les
AGF dans leur défense contre les "prédateurs étrangers".
Interrogé sur ses contacts avec le pouvoir exécutif,
M. Gérard Athias
a indiqué que la
Fédération française des sociétés
d'assurance (FFSA) en était l'interlocuteur privilégié. Il
a relevé toutefois qu'aucune consultation n'avait été
effectuée avant la loi de finances, et que la direction du Trésor
et le Service de législation fiscale (SLF) avaient initiés seuls
le nouveau dispositif. Il a informé le groupe de travail que
3.000 milliards de francs environ s'étaient accumulés sur
les contrats d'assurance vie et que les Français les utilisaient
majoritairement comme substitut de complément de retraite à
défaut de fonds de pension.
A
M. Alain Lambert, rapporteur général,
qui
s'inquiétait de savoir si le secteur se trouvait en situation de
décollecte nette,
M. Gérard Athias
a répondu que ce
n'était pas le cas de son entreprise. Il a précisé que
quelques fortes décollectes avaient été
enregistrées au profit du Luxembourg. Ce pays bénéficie du
fait que la contribution sociale généralisée (CSG) n'est
pas un impôt. Elle ne figure donc pas dans les accords européens
de coopération fiscale signés dans ce domaine. Il a
également indiqué que des contrats d'assurance-vie, basés
sur des actions françaises et répondant aux nouveaux
critères d'exonération (dits "contrats DSK"), étaient en
cours de constitution. Il a fait remarquer que les textes réglementaires
afférents n'étaient pas à ce jour publiés. Sur ce
sujet, il a souhaité que les actions des sociétés
européennes cotées puissent être intégrées
à ce nouveau produit.
M. Alain Lambert, rapporteur général,
a également
interrogé
M. Gérard Athias
sur les avantages qui,
à son avis, étaient les plus importants pour les souscripteurs.
Il lui a répondu que les Français étaient
particulièrement sensibles à la simplicité et à la
lisibilité de la fiscalité. Il a indiqué qu'à son
avis, les épargnants étaient confrontés à une crise
de confiance et que l'instabilité fiscale était très
nocive pour l'assurance-vie. Il a ajouté que les Français
étaient hostiles à l'idée d'acquitter un impôt sur
les versements.
Au sujet de l'introduction de l'euro,
M. Gérard Athias
a
indiqué que le marché risquait d'être
déstabilisé. Enfin, abordant la question des défaillances,
il s'est opposé à l'éventuelle création d'un fonds
de garantie, en argumentant qu'il était difficile de demander à
des organismes qui n'ont aucun pouvoir de contrôle, de contribuer au
sauvetage de sociétés qui ont commis des imprudences et des
erreurs de gestion.
Audition de
M. Jean ARVIS
Président
et de M. Jean-Pierre MOREAU,
délégué
général adjoint
Fédération française
des sociétés d'assurances
(FFSA)
Jeudi 5 mars 1998
M.
Jean Arvis
a tout d'abord décrit les principales
caractéristiques de l'activité d'assurance. Il s'agit, en premier
lieu, de l'inversion du cycle de production. En effet, la cotisation est
fixée avant que la charge du sinistre ne soit connue. Il s'agit ensuite
de la prise de risque au passif. L'assureur qui vend un contrat d'assurances
prend un engament ferme qui vient alourdir son passif. Enfin, la durée
des engagements souscrits, notamment pour l'assurance vie, est
généralement longue et ce secteur est particulièrement
sensible à la variation des taux d'intérêt.
Puis,
M. Jean Arvis
a insisté sur l'émergence de nouveaux
risques. En matière de dommages et de responsabilité, l'assurance
est aujourd'hui confrontée à la couverture de risques
sériels qui prennent une ampleur catastrophique, qu'il s'agisse de la
transfusion sanguine, du cas de l'amiante ou, à une
échéance très rapprochée, des risques informatiques
liés à l'an 2000. Or, les assureurs, pour pouvoir exercer leur
métier ont avant tout besoin de règles stables, ce qui n'est pas
le cas aujourd'hui ; le droit, essentiellement jurisprudentiel, ne cesse
de varier. Concernant l'assurance des personnes, de nouveaux besoins de
couverture sont également apparus, en raison des grandes tendances
démographiques, principalement en matière de retraite et de
dépendance.
En conclusion,
M. Jean Arvis
a évoqué les pistes de
réformes qui devraient s'articuler autour de quatre axes
principaux :
- assainir la concurrence en éliminant les distorsions de
concurrence, non seulement fiscales, mais aussi réglementaires et
commerciales, qui existent au détriment des sociétés
d'assurance et au bénéfice des mutuelles du code de la
mutualité et des institutions de prévoyance ;
- renforcer la protection des assurés. En effet, un système
de place doit, d'une part, avoir pour finalité de couvrir les
assurés et non pas les assureurs, d'autre part, avoir un
caractère universel, c'est-à-dire, indemniser tous les
assurés, quel que soit le type d'organisme auquel il s'adresse ;
- assurer un cadre réglementaire plus clair et plus stable. La
législation des assurances est trop complexe du fait de la juxtaposition
de trois codifications différentes du droit des assurances. De
surcroît, la législation fiscale des produits d'assurance est
frappée d'une grande instabilité qui demeure
pénalisante ;
- enfin, développer la complémentarité entre
régimes obligatoires et régimes complémentaires.
Un débat s'est ensuite engagé au cours duquel
MM. Alain
Lambert, rapporteur général
et
Yann Gaillard
sont
intervenus.
M. Jean Arvis
a alors pu apporter les précisions suivantes :
- s'agissant des distorsions de concurrence entre les trois
opérateurs du secteur des assurances, il a rappelé notamment que
la taxe de 7 % ne s'appliquait qu'aux seuls contrats d'assurance-maladie
complémentaire souscrits auprès des sociétés
d'assurances et que seules ces dernières étaient soumises
à l'impôt sur les sociétés, les institutions de
prévoyance et les mutuelles étant considérées comme
des organismes sans but lucratif ;
- concernant l'éventuelle recomposition du monde de l'assurance,
il a insisté sur la nécessité, d'une part, de rationaliser
ce secteur en créant une profession unique soumise à des
règles communes, d'autre part, de redéfinir le
périmètre de l'assurance en investissant des champs nouveaux
d'activité, notamment dans le domaine financier (produits
dérivés...) ;
- évoquant l'avenir d'une Europe de l'assurance, il a
rappelé que le maintien actuel de législation et de pratique
différentes en matière de droit du contrat rendait impossible la
commercialisation de polices standards et contraignait les opérateurs
à respecter les règles imposées par le pays
d'accueil ;
- s'agissant de la constitution future d'un fonds de garantie, il s'est
déclaré très favorable à ce projet qui devrait
aboutir très prochainement ;
- enfin, concernant les contrats dits "DSK", il a indiqué que les
textes d'application n'étaient pas encore au point et a insisté,
à ce propos, sur la nécessité de rétablir en
France, à l'instar de la Grande-Bretagne, une égalité
entre l'épargne en actions et l'épargne à revenu fixe.
Audition de
M. Jean-Pierre DAVANT
Président
et
M. Jean-Louis
BANCEL
Directeur général
MUTUALITE FRANCAISE
Mercredi 25 mars 1998
M. Jean-Pierre Davant, président de la
Mutualité française,
a d'abord souligné l'importance
qu'il attache à la prévention, 1 % des dépenses de
son groupe y sont consacrées. Les domaines de prédilection sont
la toxicomanie, l'alcool, le tabagisme et le sida. Diverses opérations
sont menées en partenariat avec le ministère de l'Education
nationale et Médecins du monde.
Le premier métier de la Mutualité française est la
prévoyance dans le domaine de la santé (50 milliards de
francs collectés chaque année).
Il a indiqué que les pouvoirs publics sont les clients
privilégiés du groupe.
La Mutualité française compte 1.500 établissements
médicaux, para-médicaux et sociaux parmi lesquels :
- 322 centres d'optique ;
- 257 centres de santé dentaire ;
- 43 centres de santé médicaux ;
- 311 établissements et services pour les personnes
âgées ;
- 174 services et centres de loisirs vacances ;
- 59 établissements court moyen séjour et de santé
mentale.
Il a fait valoir que cette organisation révélait la
volonté de son groupe d'humaniser les services conformément
à l'idée selon laquelle "la santé n'est pas un commerce".
Abordant les enjeux de la transposition des directives européennes
d'assurances dans le code de la mutualité,
M.
Jean-Pierre
Davant
a plaidé pour la reconnaissance de la
spécificité de la forme juridique de la mutualité.
Se défendant de tout esprit archaïque, il a souligné
l'importance de la prise en considération de la cohésion sociale
et de la solidarité nationale.
Il a souhaité que l'intégration soit soucieuse du respect des
différences qui existent entre sociétés commerciales et
mutualistes.
Il a rappelé que devant les congrès de la mutualité, tant
le président François Mitterrand, le 17 septembre 1994
à Bayonne, que le président Jacques Chirac le 7 juin 1997
à Lille, avaient soutenu publiquement le mouvement. Il s'est
déclaré favorable à toutes les dispositions
européennes valorisant la transparence, et la protection des
assurés, rejetant celles qui conduiraient au rapprochement des
sociétés de personnes et des sociétés de capitaux.
Il a indiqué que, contrairement à la rumeur, la non-transposition
des directives dans le code de la mutualité n'entravait pas la
liberté d'accès des opérateurs européens au
marché français.
M. Henri Collard
s'est interrogé, d'une part sur la relation
entre prévention et prévoyance, d'autre part sur les avantages
offerts par les mutuelles par rapport aux sociétés commerciales.
Il a également demandé à Jean-Pierre Davant s'il prenait
en charge le forfait hospitalier.
M. Jean-Pierre Davant
a répondu que la prévention
permettait de limiter le nombre de malades potentiels, à l'exemple de la
toxicomanie. Il a souhaité à ce sujet voir renforcée la
législation réprimant la vente de drogue. Il a également
indiqué que son groupe avait ouvert des centres afin de venir en aide
aux héroïnomanes.
Le forfait hospitalier est bien évidemment pris en charge et pèse
lourd dans le budget de la mutualité française.
Il a enfin expliqué que l'avantage de la mutualité
résidait dans la redistribution sous forme de prestations en nature au
bénéfice des sociétaires.
M. Yann Gaillard
a remarqué qu'il existe en France une
confusion, dans le secteur public, entre les caisses primaires et les
mutuelles. Evoquant la mutuelle de l'Education nationale, il s'est
interrogé sur les retards des prestations servies par elle.
M. Jean-Pierre Davant
a expliqué que certaines mutuelles
européennes assumaient le rôle de caisse primaire. Pour des
raisons historiques, en France, la gestion administrative du régime des
fonctionnaires de l'Etat relève de la mutualité.
Il a déclaré n'avoir pas eu connaissance de retard dans les
prestations versées par la mutuelle de l'Education nationale.
A
M. Paul Loridant
qui s'inquiétait de savoir dans quels
domaines s'exerçait la concurrence entre les mutuelles et les
sociétés commerciales,
M. Jean-Pierre Davant
a
indiqué qu'elle se situait essentiellement dans les contrats collectifs.
Le champ d'action des assureurs est également plus large ; il
s'étend par exemple aux biens des entreprises. Ils pratiquent
auprès des chefs d'entreprise le dumping dans le domaine de la
santé afin de conquérir l'ensemble des contrats.
Evoquant les institutions de prévoyance,
M. Alain Lambert,
rapporteur général,
s'est enquis de connaître le
périmètre qui leur était réservé. Il a
également abordé l'exonération de la taxe professionnelle.
M. Jean-Pierre Davant
a expliqué que les institutions de
prévoyance sont paritaires et choisies par les syndicats et les chefs
d'entreprise. Le salarié n'a pas le choix, contrairement aux mutuelles
auxquelles il est libre d'adhérer.
Il a confirmé que les mutuelles ne paient pas la taxe professionnelle,
mais acquittent la taxe sur les salaires.
Il a déclaré enfin qu'il souhaitait vivement voir entrer les
futurs fonds de pensions dans la compétence des mutuelles.
Audition de Mme PALLEZ
Sous-directeur des assurances
Ministère de l'économie et des
finances
Jeudi 26 mars 1998
Mme
Pallez, sous-directeur des assurances au ministère de l'économie
et des finances,
a, tout d'abord, souligné que le groupe de travail
sénatorial effectuait ses travaux au moment où les marchés
français de l'assurance-vie et de l'assurance-dommage connaissent de
fortes évolutions. L'assurance-vie est fortement influencée par
les décisions législatives ou réglementaires ;
l'assurance-dommage est actuellement dans un cycle baissier. S'ajoutent
à cela l'internationalisation et la concentration des groupes.
Mme Pallez
s'est ensuite interrogée sur les conséquences
des différents régimes juridiques et fiscaux qui régissent
le monde de l'assurance. Elle a d'emblée rappelé que ces
spécificités ne sont pas propres à la France.
Pour les institutions qui relèvent du code des assurances,
Mme
Pallez
a considéré que la concurrence s'exerçait sans
distorsions. Les mêmes règles prudentielles et fiscales
s'appliquent à toutes les institutions.
Les mutuelles, pour
Mme Pallez,
ne connaissent pas d'avantages
discriminants puisque si elles ne rémunèrent pas les fonds
propres, elles ont en revanche des contraintes que ne connaissent pas les
compagnies d'assurance. Le statut des mutuelles n'en est pas pour autant un
frein à leur développement puisqu'elles ont maintenant la
capacité d'emprunter sur les marchés et qu'elles peuvent, sous
certaines conditions, à la limite, créer des
sociétés anonymes, ce que certaines ont fait.
S'agissant des institutions de prévoyance,
Mme Pallez
a
constaté qu'elles avaient adopté les règles
européennes et qu'elles étaient en train de mettre en place un
plan comptable proche de celui des entreprises du Code des assurances. En
revanche, leur organe de contrôle est distinct de celui des entreprises
du Code des assurances. Elle a toutefois souligné que la commission de
contrôle des assurances et la commission de contrôle des mutuelles
et des institutions de prévoyance étaient dirigées par un
président commun.
Un seul sujet fiscal reste pendant s'agissant des institutions de
prévoyance : la taxe de 7 % sur les contrats à laquelle
elles ne sont pas assujetties (ainsi d'ailleurs que les mutuelles).
En revanche,
Mme Pallez
a constaté que les directives
européennes n'étaient pas encore transposées aux mutuelles
dites " de 1945 "(Code de la Mutualité). Il n'y a donc pas
actuellement identité des règles prudentielles, comptables et
fiscales. Le Gouvernement, sensible à ce problème, estime que la
transposition des directives doit et peut respecter la
spécificité de ces mutuelles qui sont très
présentes dans les secteurs de la santé et de la
solidarité.
Sur les réseaux de distribution,
Mme Pallez
a noté qu'ils
étaient, en France, très variés et très nombreux,
ce qui donne lieu à une concurrence intense. Les réseaux
bancaires, par exemple, se sont investis dans le "secteur vie" et commencent
à le faire dans le "secteur dommages".
Elle a ensuite abordé la question des deux réseaux
spécifiques que sont le Trésor et la Poste. Pour la Poste,
Mme
Pallez
a jugé importante l'adoption d'une comptabilité
analytique et son inscription dans le nouveau contrat de plan afin de respecter
la directive postale européenne. Elle a considéré que
l'introduction de la Poste sur le marché de l'assurance ne devait se
faire que de manière expérimentale et sur des branches
d'activité limitées compte tenu de l'impact possible sur les
agents généraux. Puis,
Mme Pallez
a relativisé
l'importance du Trésor public en notant qu'il ne représentait que
1 % du marché de l'assurance-vie. Elle a ajouté que les
éléments de comptabilité analytique transmis par le
Trésor public à la suite des observations de la Cour des comptes
montraient qu'il n'exerçait pas ses activités à perte et
que son impact sur la concurrence était donc faible.
Abordant la question de la place de l'assurance française dans le
monde,
Mme Pallez
a souligné que la France constituait le
premier marché européen et le troisième marché
mondial de l'assurance et comptait des acteurs significatifs sur le plan
international, parmi lesquels le groupe Axa-UAP, un des premiers acteurs
mondiaux. Les assureurs français sont bien armés face à
leurs concurrents et ont renforcé leur solvabilité dans les
années récentes en anticipant les normes européennes, ce
qui les met à l'abri de sinistres éventuels. Il reste à
surveiller la rentabilité de certains groupes français, qui
semble parfois inférieure à celle de leurs concurrents anglais ou
allemands. Par ailleurs,
Mme Pallez
a remarqué que le
marché de l'assurance-dommage montrait quelques signes de diminution des
tarifs qui risquait de peser sur les résultats.
Pour conclure son propos liminaire,
Mme Pallez
a abordé
différents sujets concernant le marché de l'assurance
française :
- la sécurité de place : il faut que la place soit capable
de régler les problèmes des entreprises d'assurance en
difficulté sans que les intérêts des assurés soient
compromis et leur confiance ébranlée. C'est le sens du dispositif
de renforcement de la sécurité des assurés-vie qui est
proposé par le ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie. Dans ce cadre, les intermédiaires, les courtiers par
exemple, devront être mieux contrôlés ;
- les entreprises doivent pouvoir gérer dans le temps leurs
engagements dans un contexte juridique et fiscal stable ; elles devront
constituer des provisions suffisantes et qui soient fiscalement
déductibles. Les ministres concernés, MM. Strauss Kahn et Sautter
ont demandé aux directions compétentes du ministère de
faire très vite des propositions sur ce sujet.
- la fiscalité indirecte sur les contrats d'assurance est
élevée en France. Il faut veiller à ne pas nuire à
la compétitivité du marché français ;
- il est essentiel de poursuivre l'harmonisation des règles
prudentielles au niveau européen et notamment les exigences en termes de
fonds propres consolidés des groupes d'assurance ;
- il faut savoir préserver certaines caractéristiques
positives du marché français comme le système du
bonus-malus ;
- ne pas croire qu'on puisse assurer des risques non assurables ; il faut
être rigoureux en la matière pour éviter qu'à
l'exemple de ce qui s'est passé pour la garantie décennale en
matière de construction, les entreprises se retirent du marché.
En réponse à
MM. Yann Gaillard et Paul Loridant, Mme Pallez
a précisé que si l'existence de certaines
différenciations était indéniable, elle ne nuisait pas
à la concurrence de manière significative. Elle a fait remarquer
qu'il n'existait pas, comme pour les banques, de mécanisme similaire
à celui de l'article 52 de la loi bancaire, mais que les
modalités de l'agrément relevaient de la même philosophie.
A
M. Henri Collard
, qui relevait la contradiction entre la bonne
santé du groupe Axa-UAP et la dégradation de la
rentabilité des opérateurs,
Mme Pallez
a
répondu qu'il fallait distinguer les tendances moyennes sur les
marchés et les situations individuelles et que le résultat
d'Axa-UAP était en partie lié à l'activité
internationale du groupe, plus de 50 % de son chiffre d'affaires
étant réalisé à l'étranger. Pour ce qui est
des assurances-retraite par capitalisation, elle a souligné que les
contrats dits "DSK" avaient comme objectif de favoriser le placement en actions
pour l'assurance-vie. Elle a précisé que le ministre avait
déclaré que les travaux menés par D. Migaud et
J. Cahuzac aboutiraient dans le courant de l'été.
A
M. Yann Gaillard, Mme Pallez
a précisé que le
système du bonus-malus ne posait pas un problème de concurrence,
mais au contraire l'encouragerait en permettant une mutualisation transparente
entre "assurés risqués" et "assurés non risqués".
En Grande-Bretagne, où ce système n'existe pas, il y a un taux
très élevé de non assurés parmi les jeunes
conducteurs (contre 1 à 3 % en France).
Pour ce qui est des règles prudentielles des mutuelles du Code de la
mutualité, les ministres concernés ont fait des propositions
à la Commission de Bruxelles pour les rapprocher de celles des
entreprises du Code des assurances et des institutions de prévoyance,
d'autant qu'il y a des organes de contrôle distincts.
Puis,
Mme Pallez
a souligné que si les organes de contrôle
des assurances et des institutions de prévoyance étaient
distincts, ils avaient un président commun qui était le garant
d'une jurisprudence commune.
Mme Pallez
a ensuite évoqué le marché unique de
l'assurance. Elle a noté qu'il existait juridiquement mais était
plus lent à démarrer du point de vue économique. La libre
prestation de services était peu utilisée au vu de la
difficulté à mettre au point un contrat standard. En revanche, le
libre établissement a été plus sollicité.
Mme
Pallez
a noté que l'adoption de l'euro allait
accélérer l'intégration des acteurs de l'assurance,
notamment dans le secteur de l'assurance-vie qui a une logique de
comparabilité très forte.
Puis,
Mme Pallez
a nuancé et relativisé l'existence d'un
risque systémique dans le secteur des assurances en précisant que
les phénomènes de défaillance étaient beaucoup plus
lents que dans le secteur bancaire et que leur propagation dans le
système était beaucoup moins rapide. En revanche, elle a
souligné qu'il pouvait exister des risques émanant du
marché. Elle a ainsi indiqué qu'une hausse importante et durable
des taux d'intérêt pouvait inciter les assurés à
résilier leurs contrats d'assurance-vie pour placer les sommes ainsi
récupérées sur de nouveaux contrats. Cependant, les
études menées semblent indiquer qu'il faut une modification
importante et durable des taux pour que le marché en soit affecté
compte tenu des coûts de gestion et de la perte des avantages fiscaux
liés à la durée de détention.
Répondant à une dernière série de questions,
Mme Pallez
a précisé qu'en matière
d'agrément, il n'y avait pas de règle écrite demandant des
actionnaires de référence mais que le comportement des acteurs
était proche de celui des acteurs du secteur bancaire.
L'évaluation des actionnaires se fait au cas par cas avec une absence
d'obligation d'être un assureur ; mais elle a reconnu qu'il était
plus facile d'évaluer la capacité des assureurs à
être actionnaires cars ils avaient l'avantage de présenter une
situation connue des autorités prudentielles.
S'agissant de la garantie de place,
Mme Pallez
a indiqué que ses
services avaient mené une large enquête internationale sur ce
sujet : en général, les dispositions de contrôle
prémunissent largement le secteur des accidents en France et beaucoup de
cas ont été traités par anticipation.
Mais, elle a ajouté que l'image du marché et la confiance des
assurés pouvaient cependant être ébranlés par un
accident qui ne préjuge en rien de la sécurité globale du
système. Elle a enfin estimé que la mise en place d'un
mécanisme de solidarité de place supposait une grande
efficacité des contrôles afin de prévenir la
déresponsabilisation des acteurs.
Audition de
M. Jean SIMONNET,
Président de la MACIF
de
M. Gérard
ANDRECK
Directeur général de la MACIF
et de
M. Jean-Paul
CHALLET,
Président du directoire de MUTAVIE
(Jeudi 26 mars 1998)
M.
Jean Simonnet, Président
a présenté, en
préambule, les activités de la MACIF. Elles sont centrées
sur l'assurance non-vie. Les trois quarts de son chiffre d'affaires est
réalisé dans le secteur de l'assurance automobile.
Le solde est effectué dans le domaine de l'assurance multirisque
habitation, et les contrats d'assurance individuelle accidents. La MACIF compte
près de 4 millions de sociétaires, emploie
6.000 salariés, son chiffre d'affaires s'élève
à 13,5 milliards de francs pour 1997, elle a réalisé
200 millions d'excédents la même année.
M. Jean Simonnet
a insisté sur le fait que la
MACIF se veut
une
vraie mutuelle respectant des critères non marchands
tels
que la solidarité active entre ses membres, le fonctionnement
démocratique de ses structures, le désintéressement de ses
dirigeants ainsi que la volonté de lutter contre l'exploitation des
besoins de prévoyance. Reconnaissant les spécificités du
mouvement mutualiste qui repose sur le principe "un
homme, une voix
", il
a plaidé pour une modernisation par le législateur des textes
fondateurs de cette forme juridique, dans le respect de la tradition et
l'esprit de solidarité.
Abordant ensuite les
différences de traitements juridiques
entre
les mutuelles et les sociétés anonymes,
M. Jean Simonnet
a
souligné que les seules différences résultaient du mode de
commercialisation des produits d'assurances : les sociétés
anonymes utilisent des intermédiaires alors que
les mutuelles
traitent directement, sans agents généraux ni courtiers
.
Evoquant les évolutions juridiques souhaitables,
M.
Jean
Simonnet
a expliqué qu'il souhaitait voir
défiscalisé le droit d'adhésion des
sociétaires
. Cette innovation permettrait d'accroître les
fonds propres, surtout ceux des petites mutuelles pour lesquelles
l'autorisation de faire appel public à l'épargne autorisée
par la loi depuis 1996 est particulièrement délicate à
mettre en oeuvre.
Il a expliqué que des discussions étaient en cours à ce
sujet entre les pouvoirs publics, le GEMA et la FFSA. Il a invité le
législateur à les appuyer le moment venu.
Ensuite,
M.
Jean Simonnet a dénoncé les
évolutions récentes de la fiscalité
parmi lesquelles
la réduction du champ d'application du régime des plus et moins
values à long terme, les deux majorations temporaires d'impôt sur
les sociétés et l'imposition des écarts de valorisation
des titres d'OPCVM détenus par les entreprises d'assurance.
Par ailleurs, l'interprétation restrictive par les contrôleurs
fiscaux des textes relatifs aux déductibilités des provisions
techniques nuit à l'ensemble de la profession.
Soulignant l'effet néfaste des nouveaux prélèvements
sociaux sur l'assurance vie,
M.
Jean Simonnet
a
dénoncé l'instabilité juridique et fiscale
actuelle. Dans ce domaine là encore, la déductibilité des
provisions, techniques cette fois, est de plus en plus souvent contestée
par le fisc. L'ensemble de ces évolutions sont éminemment
nuisibles au secteur de l'assurance.
Analysant l'
intégration européenne et la concurrence
mondiale
,
M.
Jean Simonnet
a déclaré
adhérer totalement aux thèses défendues par le GEMA.
Les sociétés mutualistes demandent instamment
que soit
préservée leur spécificité
, en particulier le
rappel de cotisation admis à hauteur de 50 % pour la couverture de
la marge de solvabilité et l'abattement de 25 % de leur fonds de
garantie minimum. Les titres participatifs ne doivent pas être
traités différemment des actions.
Il a incité
les sénateurs à encourager le gouvernement
à remettre à l'ordre du jour du Parlement européen, le
projet de statut européen des mutuelles
actuellement bloqué.
Il a enfin attiré l'attention du groupe sur le projet d'une
communication interprétative de la libre prestation de services (LPS)
qui viserait à la rendre temporaire.
Il a souhaité que l'on
observe une "pause" fiscale
dans le
domaine des assurances en France afin de mieux préparer l'harmonisation
européenne.
M.
Jean-Paul Challet, directeur des assurances de personnes,
MACIF et président du directoire de MUTAVIE, filiale de la MACIF,
a
regretté les dernières mesures fiscales pesant sur l'assurance
vie. Il a de plus expliqué que la gestion matérielle d'un double
fichier, liée aux deux régimes d'imposition existants posait des
problèmes techniques extrêmement délicats.
Il a par ailleurs
dénoncé la complexité de
l'instruction fiscale du 30 décembre
1997
sur le sujet,
ajoutant qu'elle était incomplète.
Il a déploré le flou dont est entourée la
déductibilité des provisions qui pousse
la réassurance
hors de nos frontières
.
En réponse à
M.
Paul Loridant
qui l'interrogeait
sur une éventuelle solidarité de place,
M.
Jean Paul
Challet
a évoqué des difficultés ponctuelles, rejetant
toute discussion alarmiste, compte tenu des taux d'intérêts
actuels.
M.
Paul LORIDANT
a ensuite interrogé
M.
Jean SIMONNET
sur la possibilité de regroupement
de certaines mutuelles afin, à l'exemple des sociétés
anonymes, de constituer des structures plus concentrées.
Il lui a été répondu que le
monde mutualiste jouait
dans la proximité
aux dépends de la taille. Son
ambition
est au plus européenne et
non mondiale
. Il a indiqué
que l'accent était mis actuellement sur l'assurance directe par
téléphone.
M. Gérard ANDRECK, directeur général de la MACIF
a
expliqué que des filiales communes à plusieurs mutuelles
européennes avaient été créées avec des
résultats prometteurs, comme en Pologne. Il s'est félicité
de la
création d'un contrat européen de protection
juridique
.
Interrogé sur la bancassurance,
M. Jean SIMONNET
a
dénoncé la concurrence déloyale de certaines
banques
qui profitent de leur position dominante dans le domaine du
crédit pour vendre des produits d'assurance, effectuant ainsi une
économie substantielle en matière de frais généraux.
Audition de
M. Jean FOURRÉ,
Président
et de M. Jean-Louis
BELLANDO,
Secrétaire général
Commission de
contrôle des assurances
(CCA)
(Mercredi 1
er
avril 1998)
Dans un
propos liminaire,
M. Jean Fourré
a rappelé le rôle
de la commission de contrôle des assurances en évoquant les
difficultés auxquelles elle se heurte dans l'exercice de ses
prérogatives. Tout d'abord, des difficultés de fait tenant
à une certaine opacité des structures et des comptes des
sociétés d'assurances. Souvent organisées en grand groupe,
avec de nombreuses filiales et participations, ces entreprises, malgré
la consolidation de leurs comptes, ne permettent pas une bonne
lisibilité et une claire appréciation de leurs actifs.
Parfois quelques difficultés naissent des procédures. Pour
illustrer ce propos,
M. Jean Fourré
a précisé
qu'aujourd'hui entre l'injonction et les éventuelles mesures
disciplinaires, il se passe un délai considérable pouvant, dans
certains cas, dépasser un an. Il a ajouté que des
dévoiements de la procédure pouvaient permettre, encore, un gain
de temps. En effet, une entreprise qui défère à une
injonction pour la forme, après plusieurs mois, peut continuer ses
activités, même lorsqu'elles sont contraires à la
réglementation ou à la sécurité des assurés.
Actuellement, seule la loi bancaire prévoit une procédure de
sanction d'urgence, contradictoire, limitée à six mois, à
l'issue de laquelle les poursuites sont soit confirmées soit
arrêtées; mais, dans le code des assurances, l'urgence
existe par la surveillance spéciale ou la désignation d'un
administrateur provisoire. Or, l'essentiel est de préserver les
intérêts des assurés plus que de sanctionner les
dirigeants. Il n'y pas nécessairement à aligner les textes.
Réaffirmant les propos du président Jean Fourré,
M.
Jean-Louis Bellando
, secrétaire général, a tenu
à préciser qu'en quarante ans de carrière il n'avait
jamais eu à traiter de deux problèmes identiques, montrant ainsi
la difficulté de leur tâche. Il a également rectifié
le chiffre d'affaires des entreprises d'assurance sur lesquelles la CCA
exerçait un contrôle en l'estimant aux alentours de
800 milliards de francs et non pas à 1.000 milliards comme il
a pu l'être avancé pour 1996.
M. Jean-Louis Bellando
a ensuite dressé le panorama du secteur
de l'assurance en France.
Particularité française, l'assurance est fortement mutualiste
(2/3 des automobilistes par exemple).
Dans le classement européen des grands groupes d'assurance, parmi les
15 premiers figurent quatre Français : AXA, CNP, Crédit agricole
et le GAN. AXA réalise un chiffre d'affaires plus important (2/3 ; 1/3)
à l'étranger que dans l'hexagone. Le devenir du GAN est
lié à sa privatisation.
Evoquant l'impact de l'ouverture des frontières sur le secteur,
M. Jean-Louis Bellando
a estimé que le point positif
était, sans doute, la reconnaissance mutuelle des activités de
contrôle des commissions de chaque pays. Sur le plan des échanges
commerciaux, on n'assiste pas encore à de grands transferts, l'assurance
demeurant un outil de proximité.
L'assurance française dans l'Union européenne ne
représente encore que 4 milliards de francs (0 franc en
Grande-Bretagne pour l'assurance-vie).
Abordant ensuite la répartition de l'activité sur notre
territoire,
M. Jean-Louis Bellando
a relevé que 85% des
720 milliards de francs de chiffre d'affaires étaient
réalisés par 15 grands groupes :
Essentiellement AXA/UAP pour 15 %, ALLIANZ/AGF/PFA, GENERALI et
COMMERCIAL UNION pour 20 % à eux trois, quelques filiales
étrangères (Norwich, Zurich...) pour près de 5 %, le reste
revenant à la CNP, à GROUPAMA, au Crédit mutuel, aux
Mutuelles du Mans...
M. Jean-Louis Bellando
a ensuite commenté le rapprochement
AXA/UAP. Constatant qu'au cours des vingt dernières années,
l'UAP, alors première en France, avait connu 6 présidents,
il a considéré que cela avait conduit à la fois à
un certain immobilisme et à une politique commerciale et de
développement de l'entreprise désordonnée.
Il a ajouté que quelques investissements stratégiques trop
onéreux et la relance coûteuse de l'activité assurance-vie
avaient considérablement altéré la rentabilité du
groupe UAP.
Dans le même temps, il a observé qu'AXA avait gardé une
bonne solvabilité, un management continu, des investissements de
qualité. En outre, restée hors de la spéculation
immobilière, AXA n'a pas subi les conséquences de cette crise.
Conformément à sa stratégie de croissance externe, AXA a
absorbé successivement plusieurs sociétés,
acquérant ainsi une grande expérience dans le domaine des
fusions; le rapprochement avec l'UAP lui permet aussi d'accéder à
son réseau de filiales à l'étranger,
particulièrement en Allemagne.
Cette stratégie d'acquisitions externes a permis à AXA
d'être bien implantée aux Etats-Unis, en Australie et même
au Japon.
La force d'AXA, selon
M. Jean-Louis Bellando
est que le groupe ne
s'occupe que d'assurance, ce qui doit le mener, à terme, à
procéder à des cessions des participations de l'UAP hors
assurance.
Il a conclu en estimant que le groupe était solide et crédible
sur le marché.
M. Jean-Louis Bellando
a ensuite présenté les
différents secteurs de l'assurance.
S'agissant de l'assurance automobile, il a estimé que le secteur
était relativement facile à gérer du fait d'une bonne
maîtrise des risques. Le volume important des contrats permet une
compensation des risques plus aisée. Observant que sur les 25
dernières années, il y avait eu 20 années
bénéficiaires, il a indiqué que cela avait permis de
consolider tout le secteur.
Selon
M. Jean-Louis Bellando
, l'assise financière est solide et
depuis 1972, les entreprises d'assurance ont gagné de l'argent sur cette
activité grâce au placement des provisions à des taux
élevés et à l'affaiblissement progressif de l'inflation.
Il a précisé qu'en France, malgré des niveaux
d'indemnisation forts, la bonne connaissance des risques après à
l'arrivée des mutuelles, la liberté tarifaire (depuis
20 ans) et des systèmes informatiques performants ont permis une
bonne rentabilité.
Poursuivant son exposé,
M. Jean-Louis Bellando
a
énuméré quelques points difficiles :
- dans la construction, les garanties décennale nécessitent
des provisionnements importants ;
- les assurances crédit et caution ;
- l'assurance dépendance où il existe un problème de
tarification en l'absence de statistiques fiables dans ces domaines
évolutifs ;
- les DOM/TOM où il est toujours difficile pour les assurés
de souscrire des contrats.
Abordant le secteur de l'assurance-vie qui représentait 65% de
l'assurance en 97 contre 24% en 1950 et 27% en 1980,
M. Jean-Louis
Bellando
a révélé que toutes les entreprises, soit
135, étaient aujourd'hui confrontées à des
problèmes.
L'émergence des filiales de groupes bancaires a
révolutionné le marché avec des coûts d'acquisition
et de gestion plus faibles. Il a indiqué que ces derniers
représentaient 20 % à l'UAP, 17 % au GAN, 5 % pour
CNP et 3,5 % pour Natio-vie.
Les assureurs traditionnels ont pu survivre en puisant dans leurs
réserves, en réalisant des plus-values latentes et grâce
à des portefeuilles de vieux contrats moins bien servis notamment en
participation aux bénéfices, mais aujourd'hui ces ressources sont
en voie de disparition. D'où une situation difficile pour beaucoup.
Parmi les causes de ces difficultés, la loi consumériste du 7
janvier 1981, qui fixe le montant minimum des valeurs de rachat à un
niveau inégalé en Europe, soit 95% de la provision
mathématique pendant les dix premières années du contrat
et 100% ensuite. En Grande-Bretagne, en revanche, les sociétés ne
sont pas tenues de s'engager a priori sur un niveau de valeur de rachat, et
sont donc libres de s'adapter au nombre des demandes et à leur situation
financière du moment.
De plus, la garantie de taux élevés de
rémunération et l'allongement de la durée de la vie font
apparaître une sous-tarification des rentes.
Selon
M. Jean-Louis Bellando
, toute nouvelle décrue des taux
d'intérêt pourrait induire de graves difficultés.
Il a enfin évoqué les menaces que faisait peser la
fiscalité sur les compagnies d'assurance et notamment sur l'assurance
construction.
Répondant à
M. Paul Loridant
qui s'étonnait des
renversements de tendance récents,
M. Jean-Louis Bellando
a
confirmé que la prévision il y a un an sur les activités
"non-vie" était très pessimiste alors que l'assurance-vie,
était considérée, à tort, comme solide.
Interrogés par
M. Henri Collard
sur l'apparent manque de pouvoir
de la CCA,
Messieurs Jean Fourré et Jean-Louis Bellando
ont
estimé qu'en matière d'investigation ses pouvoirs étaient
suffisants. En revanche, elle ne peut prononcer des injonctions qu'après
une procédure longue et complexe d'environ un an pendant laquelle
l'entreprise contrôlée ne respecte pas les règles
prudentielles. Le recours, dans certains cas, à une procédure
d'urgence permettrait, sans doute, un meilleur respect de la
réglementation en permettant la nomination d'un administrateur
provisoire.
Enfin, répondant à
M. Alain Lambert, M. Jean Fourré
a indiqué que les différences entre les commissions de
contrôle se situaient essentiellement au niveau des procédures et
du type des contrôles : fonctionnel ou prudentiel, et que la plupart
des reproches adressés par la Commission de contrôle des mutuelles
et des institutions de prévoyance ont trait aux règles de
fonctionnement de la démocratie mutualiste.
Audition de
M. Didier PFEIFFER,
Président directeur
général
du Groupe des Assurances Nationales
(GAN)
Mercredi 1er avril 1998
M.
Didier Pfeiffer
a indiqué que le métier de l'assurance
engendrait une méfiance certaine de la part de nos concitoyens.
Pourtant, l'assurance libère les énergies des entrepreneurs et
répond aux demandes de protection sociale de la population et les
capitaux qu'elle draine contribuent aux besoins de financement de
l'économie. Il a fait remarquer que les risques sont de moins en moins
bien assumés par le corps social et cet état de fait provoque une
confusion entre mutualité et solidarité, entre
responsabilité et indemnisation.
Il a, en premier lieu, évoqué le contexte actuel dans lequel
évoluent les assurances en précisant que la mondialisation
modifiait tant la structure de la demande que de l'offre. Il a rappelé
l'impact des nouvelles technologies sur les modes de distribution des produits,
la recherche d'un meilleur rapport qualité/prix de la part des
ménages, et le vieillissement de la population qui fait naître des
besoins nouveaux. Il a ajouté que la concentration du secteur, en voie
d'accélération, avait pour objectif une diminution des
coûts et visait à faire face à une demande globale de plus
en plus internationale.
Abordant les problèmes que rencontre actuellement le secteur des
assurances,
M. Didier Pfeiffer
a noté que le secteur de
l'assurance-dommages était arrivé à maturité, et
que le secteur de l'assurance de personne tendait vers la maturité.
Evoquant la concurrence très vive entre assureurs traditionnels
banquiers, sociétés mutuelles et institutions de
prévoyance, il a insisté sur la nécessité d'un
environnement concurrentiel loyal et de règles fiscales et sociales
stables. A ce sujet, il a indiqué que l'incertitude qui pèse sur
la fiscalité de l'assurance est très nuisible à ce secteur.
S'agissant de la prévoyance, il a estimé que la protection
offerte par l'Etat n'était plus suffisante, et que l'assurance
privée pouvait y remédier. Il a regretté que cet
instrument tarde à être mis en place alors que les
Européens occupent d'ores et déjà ce marché.
Il a considéré que l'assurance-vie répondait au
déséquilibre démographique et à la volonté
de ne pas faire reposer tout le poids du financement des retraites sur les
générations futures. Evoquant les dispositions fiscales
adoptées fin 1997, il s'est élevé contre les changements
de régime fiscal en déclarant que toute nouvelle modification
serait porteuse de danger compte tenu de la sensibilité des
épargnants à l'environnement fiscal.
S'agissant de la retraite par capitalisation, il a considéré que
le succès des fonds de pensions reposait sur l'ouverture d'un nouvel
espace de dialogue social au sein de l'entreprise et qu'en limitant le jeu de
la concurrence à la seule gestion financière, on risquait de voir
fuir les actifs à l'étranger. Estimant que les fonds de pension
ne devaient pas être perçus comme un nouveau
prélèvement obligatoire, il a prédit l'échec de
tout mécanisme qui reposerait sur un système centralisé,
monolithique et obligatoire.
Observant que les ordonnances Juppé avaient autorisé les
assureurs traditionnels à intervenir dans le domaine de la santé,
M. Didier Pfeiffer
a déploré la distorsion de concurrence
entre assurances et mutuelles. Il a évoqué, à cet
égard, la taxe de 7 % sur les contrats à laquelle
échappent la mutualité de 1945, l'impôt sur les
sociétés et le régime fiscal des plus-values qui frappent
plus lourdement les assureurs, et la taxe sur les véhicules de
société. Il a estimé que le régime fiscal ne devait
pas être fonction du statut juridique de l'assureur mais du type de
contrat ou de produits. Il s'est enfin élevé contre le report de
la transposition de la troisième directive européenne dans le
code la mutualité.
Abordant l'assurance dommage,
M. Didier Pfeiffer
a noté une
stagnation de la masse assurable. Le marché est saturé surtout
pour ce qui concerne les contrats multirisque habitation et l'assurance
automobile. Il a jugé que l'émergence d'un nouvel acteur tel que
la Poste dans ce domaine déstabiliserait les agents
généraux d'assurances dont l'activité, en milieu
semi-rural, participe au développement de certaines régions.
Traitant de la solidarité nationale,
M. Didier Pfeiffer
a
observé qu'elle devait faire face à de nouveaux risques
sériels de nature catastrophique tels que ceux relevant de la
transfusion sanguine. Dans ce type de risque, il est nécessaire de
définir le champ et la durée de responsabilité de
l'assureur car les indemnisations sont fort coûteuses.
Il a noté à cet égard une évolution
préoccupante de la jurisprudence depuis le début des
années 90. En effet, soucieux d'indemniser les victimes, les juges ont
tendance à rechercher des responsabilités et à requalifier
les contrats, ce qui encourage les assureurs à se retirer de certains
risques.
En conclusion,
M. Didier Pfeiffer
a insisté sur la
nécessité d'établir des règles claires, stables et
équitables afin d'aborder la concurrence européenne sereinement.
M. Philippe Marini
a interrogé
M. Didier Pfeiffer
sur la
sécurité de place et sur les nouveaux produits en action
créés par la loi de finances pour 1998. Abordant les nouveaux
risques sériels, il s'est interrogé sur l'opportunité de
créer un nouveau régime légal obligatoire.
M. Didier Pfeiffer
a estimé que les nouveaux produits en action
devraient recevoir un bon accueil. Evoquant les transferts vers ces produits
à une période où les marchés financiers sont
particulièrement hauts, il s'est interrogé sur l'avenir,
évoquant des lendemains peut-être difficiles. Les entreprises non
cotées étant en volume peu nombreuses, il a évoqué
la difficulté d'en trouver assez pour aboutir aux 5 % qui leur sont
réservés dans ces Sicav, par la loi.
Ces produits ayant une durée de vie longue, il a été
conduit à relativiser les dangers évoqués
précédemment.
Il a par ailleurs considéré que la question de la
sécurité de place résultait des déboires d'une
société de taille modeste de l'assurance-vie qui s'était
laissée aller à des pratiques répréhensibles.
Observant que le code de la mutualité ne prévoyait ni
règles prudentielles, ni organe de contrôle, il a plaidé
pour un renforcement de ces règles et pour l'instauration d'un corps de
contrôle unique dans l'hypothèse où les mutuelles de 1945
entraîneraient sur le marché de la capitalisation, afin de donner
à tous les clients les mêmes garanties à très long
terme.
S'agissant des risques sériels, il s'est déclaré hostile
à la responsabilité sans faute, estimant qu'elle constitue
fondamentalement une commodité permettant d'éviter de
répondre à un vrai problème : celui où doit
jouer la solidarité nationale.
A
M. Henri Collard
qui s'interrogeait sur la montée de la
concurrence,
M. Didier Pfeiffer
a répondu que le secteur
s'adaptait ; toutefois, il n'est pas souhaitable d'introduire un nouvel
intervenant, faute de quoi l'on assisterait à un transfert de
chômage.
Répondant à une autre question de
M. Henri Collard
au
sujet de la couverture du risque liée à la responsabilité
médicale,
M. Didier Pfeiffer
a décrit les excès
qu'ont connu les Etats-Unis. Ce pays a rencontré de graves
difficultés médicales liées à une pénurie
d'obstréticiens lassés par d'incessants procès et des
primes d'assurance parfois supérieures aux revenus potentiels qu'ils
pourraient tirer de leur activité.
La Cour suprême tente aujourd'hui d'infléchir la jurisprudence.
M. Alain Lambert, rapporteur général,
s'est enquis des
mesures les plus urgentes à prendre afin de rendre la concurrence plus
loyale et de l'impact de la nouvelle fiscalité sur la collecte de
l'assurance vie.
M. Didier Pfeiffer
a répondu qu'il lui semblait urgent d'unifier
les systèmes fiscaux et les règles prudentielles. Quant à
l'assurance vie, la décollecte observée au premier trimestre 1998
ne met pas le secteur en péril car les contrats à taux fixes,
majoritaires, ne sont pas touchés. La baisse du rendement des actifs,
liée à la baisse des taux d'intérêt, engendre un
risque systémique qui, au fil des années, s'atténuera pour
disparaître progressivement aux environ de 2002.
Audition de
M. Jean BALIGAND,
Président de GROUPAMA,
M. Bernard
DELAS,
Directeur général,
M. Gilles
LAPORTE,
Directeur général adjoint,
et M.
DUPLAN
Mercredi 1er avril 1998
M.
Jean Baligand
a tout d'abord présenté Groupama. Il a
rappelé qu'il s'agissait d'une organisation professionnelle agricole,
à structure mutualiste et décentralisée. Les
activités du Groupama s'articulent autour de trois pôles :
l'assurance-dommage, l'assurance de la personne, la collecte et la gestion de
l'épargne.
Il a indiqué que Groupama était avant tout l'assureur des
professionnels de l'agriculture mais que pour être compétitif, il
était nécessaire d'évoluer, ce qui expliquait la
candidature de son groupe au rachat du GAN.
M. Bernard Delas
a ensuite évoqué les
préoccupations de Groupama relatives aux distorsions de concurrence et
à la fiscalité. Les distorsions de concurrence sont
particulièrement sensibles dans le domaine des assurances de personnes
où interviennent des acteurs d'origine et de statuts très
différents : entreprises d'assurance (sociétés par
actions ou à forme mutuelle), mutuelles de la loi de 1945, institutions
de prévoyance et caisses de retraite.
A ce titre, il paraît indispensable de supprimer l'écart de
fiscalité sur les cotisations d'assurance-maladie et d'un point de vue
prudentiel, de soumettre les mutuelles de la loi de 1945 aux règles des
troisièmes directives européennes. Il s'est également
déclaré inquiet des projets de distribution de contrats
d'assurance-dommage par la Poste.
S'agissant ensuite de la fiscalité de l'épargne et de
l'assurance-vie, il a souligné que la complexité des dispositifs
existants et l'instabilité dans laquelle évolue ce secteur
pénalisaient son réseau. Celui-ci a d'ailleurs constaté
une baisse de ses encaissements, de l'ordre de 30 %, au premier trimestre 1998.
Puis, il a évoqué le dossier des fonds de pension et
insisté sur la nécessité de mettre rapidement en place des
mécanismes pour éviter que certains acteurs disposent dans ce
domaine d'un monopole de droit ou de fait.
Abordant enfin l'assurance agricole,
M. Gilbert Duplan
a relevé
que l'une des préoccupations de Groupama était d'aider les
agriculteurs français à aborder les nouvelles étapes de la
politique agricole commune (PAC) et de l'organisation mondiale du commerce
(OMC) relatives au dossier assurance-récolte. Un concours de l'Etat
serait alors nécessaire et pourrait être admis au regard des
règles de l'OMC. Il s'agit là d'un dossier fondamental pour la
place de l'agriculture française dans la nouvelle donne de l'agriculture
mondiale.
Un débat s'est ensuite engagé au cours duquel MM. Alain
Lambert, rapporteur général, et Philippe Marini, sont intervenus.
MM. Bernard Delas et Gilles Laporte
ont alors pu apporter des
précisions sur les points suivants :
- s'agissant de la réforme de la sécurité sociale et
du rôle de l'assurance privée, selon
M. Bernard Delas
,
Groupama, contrairement à AXA, estime que celle-ci n'a pas à se
substituer à la sécurité sociale, mais doit s'y associer
en proposant une garantie supplémentaire ;
- concernant le sinistre d'Europavie,
M. Gilles Laporte
a
estimé que cet incident n'était pas représentatif d'un
risque systémique. Il a cependant noté que le capital minimum
requis pour créer une société d'assurance-vie était
trop faible en France. Il a par ailleurs rappelé que le marché
français avait été entraîné dans une course
à la hausse des taux d'intérêt servis. Le risque
systémique résiderait alors dans une conjoncture baissière
des taux. Il serait donc nécessaire, pour éviter une
éventuelle catastrophe, de mieux calculer les ratios prudentiels dans
l'assurance-vie, notamment en consolidant les structures d'actifs ;
- il a estimé nécessaire la création de fonds de
pension compte tenu de l'évolution démographique
française. Il faudrait, dans ce contexte, donner la possibilité
aux assureurs privés de créer des produits individuels ou
collectifs et ouvrir le dossier des fonds de retraite gérés par
les institutions de prévoyance.
Enfin, il s'est déclaré défavorable à la mise en
place d'un fonds de garantie mais si celui-ci devait être
créé, il a jugé nécessaire, d'une part, que la
commission de contrôle des assurances en garde la maîtrise, d'autre
part, que sa composition soit tripartite (assurances, institutions de
prévoyance et mutuelles du code de la mutualité).
Audition de Mme MORGENSTERN
Président de la Fédération nationale des cadres
et
agents de maîtrise et techniciens de l'assurance
(FNCATA)
Jeudi 2 avril 1998
Mme
Morgenstern
a débuté son exposé en limitant son propos
à l'aspect social de l'état actuel du monde des assurances.
Elle a déploré le défaut d'évolution du monde de
l'assurance, au cours de la dernière décennie, qui a abouti
à la perte de 20.000 emplois alors que le chiffre d'affaires du
secteur était multiplié par quatre dans le même temps.
Constatant que, parallèlement, l'activité d'assurance avait
permis de sauvegarder des emplois chez des opérateurs qui ne sont pas
des assureurs -tels que les banques, la Poste, les instituts de
prévoyance-,
Mme Morgenstern
a stigmatisé les
distorsions de concurrence existant entre tous les acteurs qui pratiquent en
fait une activité d'assureur.
Elle a insisté sur le fait que les assureurs ne sont pas soumis aux
mêmes obligations que leurs concurrents et ne supportent pas non plus les
mêmes charges. Ces disparités sont aggravées par des
différences de régime, au niveau européen, entre les
législations des Etats membres. Ainsi,
Mme Morgenstern
a
considéré que les différences entre pays de l'Union
européenne sur le plan des obligations déclaratives
étaient plus pénalisantes que les disparités fiscales et
provoquaient des hémorragies de capitaux injustifiées de la part
d'un public insuffisamment informé (vers le Luxembourg, par exemple).
Du fait de cette concurrence inégale entre les opérateurs, les
assureurs sont tentés de faire de la finance et le professionnalisme de
l'assurance se dilue au sein de la banque.
A cet égard,
Mme Morgenstern
a regretté que les assureurs
se déspécialisent, en prenant pour exemple le problème de
la dépendance, qui, bien que constituant un problème d'assurance
typique compte tenu de l'allongement de la durée de vie, est pris en
charge par les pouvoirs publics plutôt que par les assureurs. Pour ces
derniers, l'assurance-vie est davantage un produit de placement qu'un produit
d'assurance, a-t-elle estimé. Elle a ajouté que les assureurs
faisaient preuve de peu de créativité dans l'émission de
nouveaux produits/contrats.
Mme Morgenstern
a ensuite abordé la question de la
différence de traitement fiscal entre les assureurs et les autres
intervenants, source d'aggravation des problèmes déjà
rencontrés par les assureurs. Relevant, à titre d'exemple, que
dans le domaine de l'assurance maladie, les contrats proposés par les
assureurs sont grevés d'une taxe de 7 % alors que les contrats des
mutuelles ou des instituts de prévoyance ne sont pas taxés, elle
a conclu que le secteur de l'assurance collective des entreprises risquait
d'échapper aux assureurs. Elle a ajouté que certains
sociétés d'assurance étaient ainsi amenées à
créer des institutions de prévoyance pour
bénéficier des avantages fiscaux et qu'inversement des
institutions de prévoyance créaient des sociétés
d'assurance pour pouvoir lever des capitaux.
Mme Morgenstern
a également évoqué le
problème crucial de la concurrence déloyale des banques par
défaut de chargement. Elle a ainsi fait valoir que les banques
utilisaient leurs guichets pour vendre des assurances alors que leurs frais de
structure et de personnel sont déjà amortis, ce qui leur permet
de présenter des chargements de l'ordre de 1 % à 2 %
là où les assureurs, qui font entrer dans leurs comptes la
réalité des frais de structures, affichent 3 ou 4 fois plus.
Observant que de nombreux commerciaux quittaient la profession parce qu'ils ne
gagnent plus leur vie, elle a émis le souhait de voir clarifiée
cette question.
Abordant le domaine plus général de
l'hyper-réactivité du public à la mesure fiscale,
Mme
Morgenstern
a souhaité qu'une plus grande stabilité permette
aux assureurs de se consacrer à leur métier plus qu'à la
vente de mesures fiscales successives.
Un débat s'est ensuite engagé au cours duquel sont intervenus
MM. Alain Lambert, Denis Badré
et
Paul Loridant.
En
réponse aux intervenants,
Mme Morgenstern
a apporté les
précisions suivantes :
- s'agissant de l'altération de l'image de l'assureur et du
produit, elle a déploré la passivité de la FFSA en
matière de défense de l'image de la profession. Elle a admis
qu'il était difficile, pour l'assuré, de s'y retrouver, d'autant
plus que la profession n'a exercé aucune discipline interne pour
éviter collectivement la tentation de ne faire que de la finance ;
- en ce qui concerne l'Europe et la réalisation du marché
unique,
Mme Morgenstern
a précisé que les
études réalisées faisaient apparaître de très
grandes différences entre les compagnies selon leur origine. Ainsi, la
législation, qui encadre les activités de façon
très stricte en Allemagne et en Belgique, a permis d'éviter la
concurrence d'opérateurs extérieurs à l'assurance. A
l'inverse, chez les Anglo-saxons, la profession a toujours été
ouverte sur l'extérieur et l'assurance s'est largement tournée
vers la capitalisation à long terme liée à
l'assurance-retraite. La France et les autres pays latins -Espagne et Italie
notamment- se situent entre ces deux extrêmes. Elle a fait observer que
les 3.000 milliards de francs placés dans l'assurance-vie en France
étaient,eux, placés à trop court terme.
Elle a estimé que l'attitude encore très protectionniste qui
prévaut, malgré le discours, s'oppose à une
réalisation rapide du marché unique, un délai de dix ans
environ lui paraissant être un terme assez réaliste.
S'agissant des implantations à l'étranger, elle a estimé
que les produits s'européaniseront mais que la gestion et la
commercialisation resteront assurées localement, les assurés
-notamment les particuliers- restant très attachés à la
proximité de leur interlocuteur. Elle a ajouté que les clients
craignaient plutôt qu'en s'internationalisant, les compagnies d'assurance
les négligent, ce qui était une des raisons pour lesquelles ils
favorisaient les mutuelles. Il n'y a pas de fidélité sans
proximité, a-t-elle conclu.
A
M. Paul Loridant
qui considérait qu'elle
dépeignait les grandes compagnies comme des "monstres aux pieds
d'argile",
Mme Morgenstern
n'a pas caché son inquiétude
quant à la viabilité de certains colosses de l'assurance,
déplorant en outre la perte de la dimension humaine de ces
sociétés.
Répondant à
M. Alain Lambert,
qui s'interrogeait sur la
place des courtiers,
Mme Morgenstern
a brossé un tableau assez
pessimiste de la profession. Elle a indiqué que la plupart des
compagnies disposaient de courtiers attachés car les courtiers restent
très appréciés par la clientèle, du fait notamment
de leur disponibilité. Mais ils sont soumis à la concurrence
interne et à celle de la finance et des consultants extérieurs.
Ce qui explique, selon elle, les nombreux regroupements de cabinets
déjà intervenus et les prises de participations
financières des assureurs au sein des cabinets de courtages devenus eux
aussi des opérateurs puissants.
Elle a conclu en exprimant l'avis que seuls survivent les plus grands et les
plus professionnels des cabinets de courtiers.
Audition de
M. BLONDEAU, Président directeur général,
et M. OSOUF, Directeur général
SCOR
Mercredi 8 avril 1998
M.
Blondeau, président directeur général
du groupe
SCOR
, a défini la réassurance comme étant
l'opération par laquelle un assureur (la "cédante") s'assure
auprès d'un tiers (le réassureur) pour une partie ou la
totalité des risques qu'il a garantis, moyennant le paiement d'une
prime. Le réassureur intervient ainsi en dernier ressort dans le
processus de mutualisation des risques.
L'activité de la réassurance s'exerce dans trois domaines
d'activités : l'assurance des dommages directs aux biens
(incendie), l'assurance des dommages indirects aux biens et aux personnes
(responsabilité civile), et enfin les dommages liés à la
personne (vie, prévoyance, retraites, santé).
Le réassureur a un rôle essentiellement financier. Il apporte aux
compagnies d'assurances des fonds propres, assure un développement plus
rapide de leurs portefeuilles par le transfert des risques opéré,
protège contre les cumuls des risques (catastrophes naturelles...) et
contre les grands risques industriels. Le réassureur est le
véritable preneur de risques.
M. Blondeau
a ensuite présenté les
caractéristiques du marché mondial de la réassurance, en
précisant que l'enjeu des assurances portait essentiellement sur
l'assurance-vie avec 58 % du marché mondial (en France, environ
1.000 milliards de francs, soit les deux tiers du marché).
Il a indiqué que la réassurance était divisée, au
niveau mondial, en deux grands marchés : l'Amérique du Nord et
l'Europe. Les Etats-Unis et le Japon sont des importateurs nets de
réassurance, alors que l'Europe est plutôt exportatrice
-l'Allemagne et la Suisse sont les plus grands exportateurs- et
représentent respectivement 31 % et 14 % du marché
mondial. Le groupe SCOR assure un tiers de l'offre nationale et exporte
à hauteur de 7 % du marché mondial, la demande nationale
représentant environ 6 % du marché mondial.
M.
Blondeau
a relevé le cas des Bermudes exportateurs de
réassurance à hauteur de 4 % de la demande, essentiellement en
matière de catastrophes naturelles.
Le marché mondial de la réassurance est concentré depuis
5 ou 6 ans, les grands réassureurs se sont considérablement
renforcés, les 20 plus grands détenant 51 % du marché
mondial (contre 36 % en 1990). Certains réassureurs
européens, qui étaient présents de très longue
date, n'ont pas résisté à la tourmente de la crise des
assurances au tournant des années 90. Le marché de la
réassurance est un marché sans frontière, qui
connaît actuellement une tendance de rapprochement avec les produits
financiers, ce qui entraîne la concentration et la formation de grands
groupes d'assurance internationaux et de conglomérats financiers.
M. Blondeau
a ensuite présenté le groupe SCOR,
précisant qu'il était le 1er groupe français de
réassurance, le 6ème mondial et le 4ème européen,
les deux premiers groupes étant la Munich Réassurance (Allemagne)
et la Swiss Réassurance (Suisse). La SCOR est cotée à
Paris, New York et Francfort. Son chiffre d'affaire s'élève
à près de 16 milliards de francs, et son
bénéfice pour 1997 à 925 millions de francs. Ses
effectifs sont peu nombreux (1.182, dont 620 en France). Le groupe a
25 implantations dans le monde, avec une forte présence en
Amérique du Nord, une présence ancienne en Asie. Il ouvrira cette
année deux nouveaux pôles à Pékin et Moscou. SCOR
est actionnaire à hauteur de 14 % dans EULER, anciennement SFAC
-première société d'assurance Crédit dans le monde-
et le plus grand actionnaire de la Coface (45 %).
M. Blondeau
a ensuite indiqué que le chiffre d'affaires du
groupe SCOR était bien réparti, tant géographiquement
(40 % en Amérique du Nord, 46 % en Europe, dont 18 % en
France) que par produit.
La réassurance se trouve aujourd'hui dans un contexte similaire aux
marchés financiers. Le groupe SCOR subit à la fois la forte
concurrence des produits financiers et des pays à réglementation
et fiscalisation privilégiées (Suisse, Bermudes). Il a
souligné que l'aspect international du marché, l'absence de
barrière réglementaire, la légèreté des
infrastructures et la liberté des mouvements de capitaux favorisaient
les tentatives de délocalisations.
M. Blondeau
a ensuite évoqué les enjeux du marché
français, précisant qu'il était nécessaire de
garantir la sécurité des opérations, favoriser le
développement des réassureurs de l'Union européenne
confrontés à la concurrence mondiale, harmoniser les
règles prudentielles et de contrôle dans l'Union et combattre les
atteintes à l'égalité de concurrence. La
réassurance européenne est soumise à la directive
européenne de 1964, qui n'a pas subi de modification alors que s'est
développée une mosaïque de réglementations nationales
disparates.
M. Blondeau
considère qu'il est nécessaire
d'instaurer, comme pour les assureurs, un "passeport unique" qui permettrait
d'agir partout. Pour intervenir dans un pays où un réassureur n'a
pas d'agrément -ce qui est le cas par exemple en France- il est
obligé d'apporter des garanties, sous forme de nantissements, qui ne
permettent pas une gestion d'actifs normale.
Selon
M. Blondeau,
il est important que l'Europe accorde à la
réassurance un traitement similaire à celui de l'assurance, avec
une harmonisation des règles prudentielles et du contrôle. Il
souhaite une directive européenne visant à l'élimination
du double emploi des fonds propres entre groupes d'assurance et de
réassurance.
En ce qui concerne la réglementation française, le
président de SCOR souhaite que les avancées législatives
d'août 1994, soient poursuivies en vue d'établir un réel
contrôle des réassureurs et une réglementation uniforme du
marché français et européen pour assurer une
égalité face à la concurrence, en particulier des
réassureurs américains.
M. Blondeau
a ensuite abordé le problème de la
fiscalité en Europe, soulignant qu'en ce domaine, la France,
l'Allemagne, l'Italie, le Royaume-Uni formaient un groupe homogène,
alors que la Suisse permettait d'obtenir des résultats nettement plus
favorables compte tenu de la faiblesse des impôts dans le pays. Le fait
que la réassurance achetée auprès de pays non soumis
à une convention bilatérale n'entraîne pas de taxation, est
un handicap concurrentiel majeur.
En conclusion, le président de SCOR a considéré que, pour
assurer un avenir à la réassurance française, il
était nécessaire que l'administration fiscale reconnaisse la
spécificité de ce métier et la concurrence des pays
à fiscalité privilégiée, tels la Suisse ou les
Bermudes. La facilité des délocalisations, qui peuvent se faire
par un simple détournement des courants d'affaires, sans transfert de
personnel ou d'activités, constitue un risque grave. Enfin, il a
souhaité l'établissement d'un droit européen des
sociétés de réassurance.
En réponse aux questions de
M. Paul Loridant
,
M. Blondeau
a tout d'abord indiqué que les revenus du groupe résultaient
de deux activités : une activité parafinancière, en
apportant aux clients assureurs des fonds propres et pour laquelle le groupe
reçoit une marge commerciale, et une activité d'assureur, en
percevant des rémunérations sur la différence entre les
primes et les risques qu'ils règlent.
En ce qui concerne les règles de répartition des risques,
M.
Blondeau
a indiqué que le groupe SCOR travaillait sur toutes les
branches, et tous les marchés afin de diversifier les risques.
M. Blondeau
a enfin reconnu que le risque systémique est un
risque de l'épargne et qu'en cas de dysfonctionnement entre le taux
garanti et le taux du marché, il y avait un risque potentiel
sérieux.
En réponse à
M. Marc Massion,
qui l'interrogeait sur
l'importance du processus de concentration,
M. Blondeau
a répondu
qu'il était avancé en Europe et se poursuivait aux Etats-Unis. Il
a précisé que le marché mondial de réassurance
serait limité, dans 10 ou 20 ans, à une vingtaine de groupes.
Répondant aux questions de
M. Alain Lambert, président,
le président du groupe SCOR a indiqué que le capital
était détenu majoritairement par des fonds d'investissement
(SICAV, FCP, en majorité français -53 %, 30 %
américains et le reste européens). Environ 10 % du capital
sont détenus par des mutuelles françaises, dont le groupe SCOR
est le réassureur, en particulier du GEMA. Le reste du capital est
détenu par des assureurs professionnels français et
européens comme la CNP, la société suisse d'assurance sur
la vie...
S'agissant des effets de l'harmonisation européenne,
M. Blondeau
a rappelé qu'en 1964, à la date de la
directive, il y avait peu de réassureurs, le débat avait lieu
entre six groupes, les Français en étant absents. La Munich
réassurance et la Swiss réassurance, qui dominent la
réassurance européenne, n'ont jamais été favorables
à l'évolution de la réglementation à Bruxelles. Il
a précisé qu'aujourd'hui, SCOR détenait 15 % du
marché français et la Swiss de Réassurances 25 %.
Concernant les relations des réassureurs avec les marchés
financiers,
M. Blondeau
a indiqué que SCOR jouait à
l'occasion un rôle de banquier. Les assureurs qui ont des besoins de
couverture se tournent soit vers les réassureurs soit directement sur
les marchés financiers. Il a relevé que ces compagnies
étaient tentées de titriser des pans entiers de leur
portefeuille, pour les céder aux investisseurs sur les marchés
financiers.
A propos de l'assurance française,
M. Blondeau
a
déclaré qu'il existait plusieurs mouvements de fond
contradictoires en Europe. Il y a à la fois une augmentation du nombre
des assureurs, qui se livrent bataille sur les formes et les coûts de
distribution, et une grande différenciation des produits par la
distribution. Ainsi, aux Etats-Unis, la concentration entraîne un
caractère défensif de l'assurance, contrairement à
l'Europe où la concurrence entre les sociétés
entraîne des coûts variant du simple au double. Ainsi, par exemple
en matière d'assurance automobile, le coût d'intermédiation
moyen en Europe s'élève à 27 %, 21 % pour les
mutuelles opérant sans intermédiaires, 18 % pour certaines
sociétés très performantes et 15 % pour les
sociétés de vente par téléphone. Certaines
connaissent un réel succès telles, par exemple, les filiales du
Crédit agricole ou les mutuelles, alors que d'autres stagnent comme le
groupe AXA-UAP qui, en 1997, détient le même nombre de parts de
marché que la société UAP en 1977.
Il a enfin considéré que le taux garanti ne présentait un
risque qu'en assurance-vie à cause de l'accroissement de la
longévité de la population.
M. Blondeau
a souligné que le passage à l'euro n'aurait
aucune influence sur le marché des réassurances. Il pourrait y
avoir une incidence sur l'assurance-vie car, la frontière des monnaies
disparaissant, un marché européen plus fluide se
développera. Quant à l'assurance-dommage des ménages, elle
devrait garder son caractère très national, le facteur
proximité étant très important dans cette branche.
Audition de
M. Dominique BAZY
Président directeur général
ALLIANZ FRANCE
Jeudi 9 avril 1998
M.
Dominique Bazy
a tout d'abord indiqué que selon lui les
différences de traitement juridique et fiscal entre les
sociétés mutuelles et les sociétés par actions
expliquaient, comme dans le secteur bancaire, les différences de
résultat entre ces deux catégories.
Les sociétés mutualistes bénéficient en effet de
divers avantages par rapport aux sociétés par action : non
taxation des plus-values, non assujettissement à la majoration
exceptionnelle de 10 % à l'impôt sur les
sociétés, exonération de la taxe professionnelle et de la
taxe d'apprentissage.
M. Dominique Bazy
a fait remarquer que si le secteur mutualiste
était très important en Grande-Bretagne et en Allemagne, dans ces
pays, les résultats étaient distribués soit sous forme de
réductions de tarifs pour les assurés soit sous forme de
participation au capital (démutualisation). En France, en revanche, le
capital social des mutuelles est assimilé à un bien de main
morte, ce qui entraîne une situation économiquement inégale
et dangereuse (absence de contrôles, opérations dispendieuses...).
Selon lui, l'établissement de règles prudentielles claires
s'imposant à tout le monde de la même façon est
indispensable. Les autorités ne doivent pas ignorer que, d'une part, il
existe de grandes sociétés françaises qui échappent
à la loi de 1994 sur la surveillance consolidée des groupes et
que, d'autre part, il n'y a pas au sein de l'Europe une position commune sur
cette question.
M. Dominique
Bazy
a ensuite fait observer que dans le secteur de
l'assurance, une maison mère ne garantit pas la solvabilité de
ses filiales, au contraire de ce qui se passe dans le secteur bancaire. Chaque
société doit pouvoir remplir par elle-même les conditions
de solvabilité.Il
a conclu la première partie de son
exposé en insistant sur la nécessité de revoir les
dispositions du DDOEF de 1994 sur la surveillance consolidée des groupes
sous peine de voir les sociétés françaises
désavantagées par rapport à leurs concurrents
européens.
M. Dominique Bazy
a ensuite abordé la situation actuelle du
secteur de l'assurance dans notre pays. Le marché français se
situe au quatrième rang dans le monde et au second dans la
Communauté européenne, devant la Grande-Bretagne. Ce
marché est appelé à connaître une forte expansion du
fait du désengagement des institutions de sécurité sociale
en matière de retraite, de prévoyance et de santé. Selon
lui, le secteur de l'assurance en Europe va connaître des modifications
substantielles en termes de marketing et d'investissements en raison du passage
à l'euro. Le fait que ce secteur soit en France prisonnier d'un
" cocon " fiscal et réglementaire est préjudiciable. Il
a à nouveau souligné la nécessité que les
sociétés mutuelles obéissent aux mêmes règles
que les autres sociétés d'assurance en termes de compte rendus
d'activités et de règles prudentielles. Dégager des marges
est une nécessité pour les sociétés. Or,
l'organisation française du secteur mutualiste ne donne pas la
fluidité nécessaire à sa restructuration.
Un débat s'est ensuite instauré auquel ont participé
MM. Alain Lambert et Paul Loridant.
M. Dominique Bazy
a précisé que dans le domaine des
assurances, contrairement au secteur bancaire où la maison mère
est responsable à 100 % de ses filiales, la solvabilité se
regarde pays par pays, société par société. Il a
cité l'exemple de la Grande-Bretagne où, durant ces
dernières années, des groupes néerlandais ont
préféré abandonner une de leurs filiales plutôt que
de lui venir en aide.
Les disparitions de sociétés d'assurance en France sont
relativement fréquentes . La seule façon d'assurer la
solvabilité est de la considérer société par
société. La constitution d'un groupe crée à cet
égard un problème et il faut veiller à ce que les
règles de placement soient claires et dissuadent les prêts aux
sociétés soeurs, mères et filles à
l'intérieur d'un même groupe. Dans les pays scandinaves plusieurs
groupes ont fait faillite à cause de prêts intragroupes. En
Grande-Bretagne, l'engagement d'une compagnie est étudié par
l'autorité de tutelle sur l'ensemble de la durée de vie alors
qu'en France on l'étudie année après année,
obligeant ainsi les sociétés françaises à faire des
placements obligataires, au détriment de l'intérêt
patrimonial de l'assuré.
Il n'est pas souhaitable qu'une compagnie d'assurances soit l'actionnaire
majoritaire d'une banque. L'expérience française montre qu'il y a
là un danger.
Selon lui, un assureur performant n'est pas nécessairement de grande
taille. Néanmoins, si l'on souhaite être présent sur
l'ensemble du marché des particuliers, il faut faire des investissements
importants qui ne seront rentabilisés que par des gros volumes de
chiffres d'affaires. Par ailleurs, les risques industriels supposent
d'être assurés par des sociétés ayant les reins
solides. La mise en place de l'euro rend indispensable une harmonisation de la
fiscalité patrimoniale si l'on veut éviter les
délocalisations. L'évolution du marché va de plus en plus
vers des produits européens, ce qui suppose des sociétés
ayant une capacité d'investissement très forte. Un mouvement de
concentration est inévitable dans ce secteur.
Le marché de l'assurance est un marché intermédié
et le courtage en représente 20 %. Les grands courtiers
français ont été rachetés par des
sociétés américaines et anglaises. Les centres de
décision risquent désormais de se situer de plus en plus à
New York et à Paris.
M. Dominique Bazy
a ensuite déclaré que l'éventuel
fonds de garantie des assurances serait impuissant à traiter les grands
problèmes. Il permettrait seulement d'absorber une petite faillite
d'une petite société et aurait finalement pour effet de
déresponsabiliser les petits acteurs. Il est plus important de valoriser
une discipline de la profession qui s'exercerait à travers la
capacité de la fédération française des compagnies
d'assurances à exclure certains de ses membres.
Les risques liés aux taux garantis sont variables suivant les
compagnies. Actuellement, la commission de contrôle cherche à
imposer des règles qui risquent de mettre plusieurs compagnies en
difficulté et vont à l'encontre des intérêts des
assurés. Ces taux garantis représentent un engagement de
plusieurs centaines de milliards de francs pour l'ensemble des compagnies.
Audition de
M. Philippe DULAC
Membre du Directoire de la Compagnie
PARIBAS
et de M. Pierre de VILLENEUVE
Directeur
général de CARDIF
Mardi 26 mai 1998
M.
Pierre de Villeneuve
, directeur général de Cardif, a
débuté en soulignant l'importance de la bancassurance en Europe.
En France, au cours de l'année 1997, 70 % des produits d'assurance-vie,
ont été commercialisés par l'intermédiaire de
banques. Ce fut le cas de 6 % des contrats dommages. Cette progression est
moindre dans d'autres pays, tels que l'Espagne, où les chiffres
s'élèvent respectivement à 50 % et 6 %. Pour le
stock existant, les provisions mathématiques
générées par la bancassurance s'élèvent
à 45 % - 50 % du total.
Dans le cadre de l'industrialisation des services financiers, il a
considéré que des accords passés entre banques et
assurances avaient permis de développer bien des atouts dans la
distribution.
Il a précisé que Cardif avait été un des pionniers
dans le secteur, en associant son savoir-faire dès 1973 à celui
de la Compagnie bancaire.
Il a expliqué que le succès de Cardif s'expliquait par la
simplicité des produits commercialisés. Ils formaient
historiquement une gamme réduite de bons de capitalisation qui s'est
enrichie de produits d'assurance-vie avec désignation des
bénéficiaires et a, enfin, été
complétée récemment par des produits de pure
prévoyance et par des contrats en unité de compte dont la gestion
est plus complexe.
Il a estimé que la compétence professionnelle atténuait
les risques de transferts des contrats entre sociétés
d'assurances, réaffirmant par là-même que le marché
était assez vaste pour les deux familles d'acteurs.
Il a rappelé que de nombreuses associations entre banquiers et assureurs
étaient intervenues depuis les années 70, telles que celle du
Crédit Agricole avec PREDICA pour la vie et PACIFICA pour le dommage. Il
a remarqué, qu'en France, l'assurance-vie était
particulièrement bon marché.
M. Philippe Dulac
a ensuite dressé un historique rapide des
relations entre banques et compagnies d'assurances. La
ségrégation réglementaire entre ces deux professions a
été renforcée après la crise des années 30.
Ce n'est que depuis une vingtaine d'années que les deux professions se
sont rapprochées. Malgré cela, deux écoles persistent.
Certains comme Allianz, Générali ou Axa considèrent que
les deux métiers restent très différents, d'autres comme
Paribas ou des compagnies suisses et américaines travaillent main dans
la main.
Puis il a recensé les arguments en faveur du développement d'une
industrie financière globalisé. Il s'est prononcé pour la
fusion de la gestion de certains domaines, tels que l'assurance-vie et
l'assurance-dommage.
Il a considéré que d'autres secteurs devaient rester
partagés. Parmi ceux-ci, il a cité la gestion d'actifs, la
participation des réserves des assureurs et celle des banques, estimant
qu'en la matière les deux acteurs effectuaient le même
métier.
Il a indiqué, qu'à son sens, l'évolution se ferait
à l'aide de participations croisées et non pas grâce
à la création de grands groupes intégrés. Les
conglomérats conduisent, certes, à des économies
d'échelle mais également a un "miss management" très
nuisible.
M. Henri Collard
s'est interrogé sur les différences,
dans le domaine de l'assurance non vie entre la Grande-Bretagne et l'Allemagne
et sur les conséquences d'un euro.
Il a demandé son opinion à M. Dulac sur les paroles de
Marc Blondel :
"le jour où l'assurance rapportera de
l'argent, je serai pour"
.
M. Pierre de Villeneuve
a indiqué qu'en Allemagne, les
assureurs provisionnaient les moins-values, d'où la faible part
d'actions dans leurs bilans. En Grande-Bretagne, il a expliqué que les
actions représentaient 63 % des bilans des compagnies d'assurance, les
assureurs ne prenant pas d'engagement sur les valeurs des contrats,
contrairement aux Français.
Il a plaidé, dans le cadre de la monnaie unique, pour une harmonisation
des législations nationales, tant dans le secteur fiscal que dans que
dans celui du droit. Il a proposé trois types d'adaptation : introduire
plus de souplesse dans les contrats longs en accroissant la part affectable aux
contrats anciens, créant ainsi un "terminal bonus".
Il a ensuite proposé d'améliorer la gestion financière des
contrats en "francs" en reconnaissant réglementairement et fiscalement
les actifs cantonés.
Enfin, il a suggéré d'élargir le champ des actifs admis en
unité de compte, référençant ainsi les actifs au
prix du marché à long terme, comme le pratique la Belgique.
M. Yann Gaillard
s'est interrogé sur les raisons qui
conduisaient l'AFB à s'opposer au développement des
conglomérats.
M. Philippe Dulac
s'est défendu de favoriser la patrie
bancaire. Il a déclaré que la spécialisation était
la clef de l'efficacité. Il a expliqué que le nouveau Paribas
comptait trois pôles et 16 unités de profits. Au-delà de ce
chiffre, un déficit de surveillance risquerait de s'exprimer.
M. Yann Gaillard
s'est enquis d'une éventuelle limitation de
la bancassurance.
M. Pierre de Villeneuve
a estimé qu'en matière de dommage,
la progression ne pouvait être que faible et concernerait surtout la
distribution des produits simples.
M. Philippe Dulac
a rappelé que le problème de
l'assurance-dommage résidait dans la gestion du sinistre et que cette
gestion était prise en charge par les assureurs et non les banquiers.
Se référant au passage prochain à la monnaie unique en
Europe,
M. Alain
Lambert
s'est enquis de l'urgence de faire
converger les législations.
Dans le domaine de l'assurance-vie,
M. Pierre de Villeneuve
a
répondu qu'un simple toilettage suffirait.
Audition de
M. Nicolas LARMAGNAC,
Responsable du
secrétariat du
Mouvement UFC Que Choisir
Jeudi 28
mai 1998
M.
Nicolas Larmagnac
a débuté son exposé en indiquant que
l'Union fédérale des consommateurs-Que Choisir avait vocation
à défendre les consommateurs et traitait sur le terrain 100 000
litiges par an dont 12 % concernent les assurances. Ce n'est pas le sujet qui
revient le plus souvent mais le caractère financier que ces dossiers
présentent toujours ainsi que les montants en jeu, souvent importants,
rendent le consommateur très attentif à cette question.
Aujourd'hui les différends avec les assureurs portent moins que par le
passé sur les clauses obscures des contrats. L'essentiel des litiges
concerne la non-exécution ou l'exécution partielle ou partiale du
contrat. Les assurés ont besoin de plus de loyauté :
loyauté dans la conception des contrats, dans leur distribution, dans
leur gestion et dans leur exécution le jour du sinistre.
Au niveau de la conception des contrats, les assureurs ont fait des
progrès en matière de lisibilité et de clarté.
Cependant, un contrat clair n'est pas forcément conforme au droit comme
le montrent certaines clauses de contrats d'assurances
décès-invalidité qui tentent de contourner le principe du
secret médical. De même, un contrat clair n'est pas
forcément efficient. Il existe des contrats qui ne peuvent produire
leurs effets. C'est le cas particulièrement de certains contrats
multirisques habitation garantissant le vol avec usage de fausses clés
ou avec pénétration clandestine à condition que
l'assuré puisse en apporter la preuve, ce qui est pratiquement
impossible.
Il subsiste également des problèmes au niveau de la conception
des contrats groupe, notamment ceux liés aux assurances emprunteurs ou
aux assurances voyages qui sont trop fréquemment accompagnés de
notices d'information incompréhensibles pour la majorité des
assurés.
M. Larmagnac
a ensuite abordé la question de la distribution des
contrats en soulignant le problème de la réalité du
commissionnement des vendeurs et distributeurs de contrats. Le vendeur ayant
intérêt à vendre le contrat qui lui rapporte le plus, il
s'ensuit que ce dernier ne sera pas forcément conforme aux besoins du
souscripteur.
Dans le domaine de la gestion des contrats, trois type de comportement
déloyaux peuvent être relevés : la modification des
conditions générales du contrat au moment de la souscription
(c'est souvent le cas des mutuelles) ou à la date
d'échéance du renouvellement, sans en informer l'assuré;
la modification unilatérale des clauses du contrat; la complexification
des relations assureurs-assurés dans le cadre des contrats groupe.
M. Larmagnac
a exprimé ses craintes de voir une multiplication
de ces pratiques au moment du passage à l'euro même si un
règlement européen prévoit la continuité juridique
des contrats.
Le manque de loyauté dans l'exécution des contrats est
certainement l'élément le plus conflictuel dans les relations
assureurs-assurés. Dans le domaine des assurances emprunteurs, les
assureurs sont tentés d'opposer systématiquement la
nullité puisque la tarification de groupe ne permet que difficilement
d'appliquer la règle de proportionnalité. Dans le cas de
l'assurance automobile, les modalités d'application de la convention
IRSA-IDA pénalisent souvent l'assuré au niveau de son
indemnisation. Enfin, les délais d'exécution des contrats
étant très souvent abusifs et très variables d'un
assuré à l'autre, l'UFC souhaiterait que soient très
explicitement indiqués dans les contrats des délais précis
pour chacune des phases de procédure : nomination d'un expert, remise du
rapport de celui-ci, décision de la compagnie, règlement, avec
des sanctions pour les assureurs qui ne respecteraient pas ces délais.
A une question de
M. Alain Lambert
concernant la corrélation
entre le type de contrat et la façon de régler le sinistre,
M.
Larmagnac
a répondu qu'aucune analyse n'avait été
réalisée.
Abordant le thème du passage à l'euro,
M. Larmagnac
a
fait part du souci des organisations de consommateurs quant à la
façon dont les assureurs appliqueront le règlement
européen sur la continuité des contrats, craignant que ce soit
l'occasion pour les assureurs de modifier unilatéralement les contrats.
Par ailleurs, l'article R 332-1 du Code des assurances prévoit que les
engagements pris dans une monnaie doivent être couverts par des actifs
congruents, c'est-à-dire libellés ou réalisables dans
cette monnaie. Or, le passage à l'euro va permettre aux
sociétés d'assurances de prendre des engagements en euro ou dans
les monnaies des autres Etats de la zone euro. L'UFC souhaite que cette
nouvelle opportunité pour les assureurs soit compensée par une
surveillance accrue de la part de la commission de contrôle afin
d'éviter que se reproduise le cas d'Europavie.
M. Alain Lambert
s'étant interrogé sur la nature du dispositif d'exception
à mettre en place pour indemniser les souscripteurs et sur la pertinence
d'un tel dispositif,
M. Larmagnac
a répondu que la solution
consistant à instaurer une solidarité de place équivalait
à valider les gestionnaires indélicats et qu'il craignait que la
mise en place d'un fonds de garantie se fasse au détriment de l'exercice
du contrôle en amont. Il s'est montré favorable à un
renforcement des pouvoirs et des moyens de la commission de contrôle des
assurances.
A une question de
M. Alain Lambert
désirant savoir si les
contrats à taux garanti d'assurance-vie faisaient l'objet de
problèmes particuliers,
M. Larmagnac
a répondu que
ces contrats n'étant développés que depuis quelques
années, les conflits commençaient seulement maintenant à
surgir et qu'aucune statistique n'avait encore pu être établie.
Pour conclure
M. Larmagnac
a évoqué le système du
bonus-malus. Contre la commission européenne qui s'interroge sur l'effet
anticoncurrentiel des dispositifs réglementaires du système
français de bonus-malus, les associations de consommateurs comme les
assureurs estiment de façon unanime qu'il faut maintenir un
système unique car c'est la seule façon de comparer les offres.
L'abandon du système unique aurait des effets discriminatoires
préjudiciables à la défense des intérêts
individuels des assurés et entraînerait la segmentation du
marché et l'exclusion de certaines catégories de consommateurs.
M. Larmagnac
a cependant observé que certains assureurs
dénaturaient le système actuel : en effet, alors que le taux de
bonus est censé servir de modérateur final au tarif de base, il
est intégré dans la détermination du tarif de base. Si le
système unique est maintenu au niveau européen, l'UFC sera
très attentive à ce qu'il n'y ait pas de distorsion de la
réglementation.
Audition de
M. Dominique DENIS,
Délégué général
de la fédération nationale
des syndicats d'agents
généraux d'assurances
(FNSAGA)
Mardi 9 juin
1998
M.
Dominique Denis
a tout d'abord présenté l'activité des
agents généraux d'assurances. Au nombre de 17.000, ils emploient
un peu plus de 30.000 personnes, leur collecte s'élève
à 150 milliards de francs pour 14,4 milliards de chiffre
d'affaires propre.
Répartis sur l'ensemble du territoire français, ils ont pour
clients la moitié de la population. Forts de cette implantation, y
compris dans les zones peu peuplées,
M. Dominique Denis
a
insisté sur le rôle actif des agents généraux, dans
l'aménagement du territoire. Il a indiqué que leur régime
de retraite complémentaire comptait
20.000 bénéficiaires.
Soulignant les points positifs caractéristiques du marché
national, quatrième marché mondial, il a noté qu'il
était parvenu à un bon niveau de maturité technique. Les
prix pratiqués y sont bas et ce, surtout pour les particuliers,
consommateurs qui semblent globalement satisfaits ; il a attribué
ce sentiment en particulier au professionnalisme des agents
généraux et à la proximité des services qu'ils
apportent. Il a expliqué qu'une très forte concurrence
s'exerçait sur le marché, y compris de la part des assureurs
étrangers. Toutefois, il a précisé que près de
300 milliards de francs de chiffre d'affaires étaient
effectués par l'ensemble des assureurs français à
l'exportation, en contrepartie.
Il a ensuite évoqué plusieurs points négatifs. Il a
cité en premier la concurrence déloyale des opérateurs de
la Mutualité et de l'Etat lui-même. A ce sujet,
M. Dominique
Denis
a souligné l'ambiguïté du rôle de l'Etat qui
se trouve être à la fois acteur, par le biais de la CNP et de la
Poste, par exemple, et régulateur. Il a ainsi considéré
que les comptables du Trésor utilisaient leur position d'autorité
pour vendre des contrats d'assurance. Abordant le problème de
l'éventualité de la distribution de contrats d'assurance-dommage
par la Poste, il a craint une déprofessionnalisation des métiers
de l'assurance et un risque de désertification du territoire lié
à la disparition probable des agents généraux d'assurances
dans les zones peu peuplées.
Il a enfin rappelé la faiblesse des assurances de la personne telles
que la retraite par capitalisation et le risque de dépendance des plus
âgés. Il a estimé que les retraites par répartition,
souvent mal gérées, devaient être consolidées, en
tant que pilier prépondérant de notre système de retraite
français, mais également complétées par des
systèmes d'épargne-retraite complémentaire par
capitalisation, dotés d'un avantage fiscal à l'entrée, de
type PREFON.
M. Dominique Denis
a souhaité voir s'estomper les
différences comptables, prudentielles et fiscales existantes entre les
opérateurs de la Mutualité et le reste du secteur, notamment par
l'introduction des troisièmes directives dans le code de la
mutualité. Il s'est élevé contre la distribution par les
comptables du Trésor, de produits d'assurance. Critiquant la
bancassurance, il a émis des réserves sur la formation du
personnel et a dénoncé le phénomène de vente
liée (un prêt/une assurance).
Evoquant les perspectives de la protection sociale complémentaire,
M. Dominique Denis
a souhaité voir se développer les
assurances à la personne tant dans la santé que dans le domaine
des retraites.
Sceptique quant à l'utilité de la venue de nouveaux acteurs sur
le marché, il a craint l'aggravation de l'actuelle guerre des prix qui,
à terme, se traduirait pour le consommateur par une baisse de la
qualité du service rendu.
Abordant le marché unique,
M. Dominique Denis
a
déploré les retards pris en matière d'harmonisation des
fiscalités ainsi que le non fonctionnement de la liberté de
prestation de service.
Ouvrant le débat,
M. Denis Badré
a interrogé
M.
Dominique Denis
sur les opérations avec l'étranger et la
liberté de prestations de service en Europe.
M. Dominique
Denis
a précisé que le chiffre d'affaires global du secteur
de l'assurance français s'élevait à 1.000 milliards
de francs dont 300 milliards provenaient de primes collectées
à l'étranger. Il a indiqué qu'en Europe les
problèmes de liberté de prestation de service se situaient, de
manière prépondérante, sur le marché des
particuliers
En réponse à
M. Denis Badré
au sujet de la
prévoyance,
M. Dominique Denis
a indiqué que les
agents généraux pourraient être les interlocuteurs
privilégiés des salariés des PME. Seules les grandes
entreprises sont capables de négocier des contrats collectifs. Il a
expliqué que les Français avaient bien compris la
nécessité d'un système de retraite par capitalisation et a
rappelé que seul manquait un levier fiscal pour faire démarrer le
système.
M. Henri Collard
a évoqué la fiabilité des
entreprises d'assurances et la venue de la Poste sur le marché.
M.
Dominique Denis
a estimé que le seul cas de carence d'un assureur
relevait d'un groupe peu scrupuleux qui, par deux foix, s'était vu
refser son adhésion à la FFSA.
Les assureurs ont depuis longtemps appris à gérer des actifs
financiers sur six ou huit ans. La gestion à plus long terme n'est pas
plus périlleuse et ne demande qu'une adaptation. Elle aurait, de plus,
l'avantage de favoriser le marché des actions et donc la constitution de
fonds propres pour les entreprises.
Il a estimé que le nouveau contrat de plan de la Poste qui ne
prévoit pas la possibilité pour l'établissement public de
vendre des contrats d'assurance-dommage ne garantissait pas que cette
faculté ne lui serait jamais laissée à terme. (Il court
jusqu'à 2001). Cette hypothèse entraînerait la disparition
de 4.000 à 5.000 agents généraux en six ans, dans des
zones géographiquement défavorisées, car le marché
est saturé.
Audition de
M. Claude TENDIL,
Directeur général d'AXA
Jeudi
11 juin 1998
Monsieur Claude Tendil
a tout d'abord souligné
que le
secteur de l'assurance était dans une conjoncture particulière
dans la mesure où, il est en train de connaître à la fois
une décroissance de son activité et une concentration de ses
acteurs. Dans ce secteur de plus en plus mondialisé, l'industrie
française ne connaît qu'un seul acteur de taille internationale :
AXA.
Par ailleurs, il a fait observer que la rentabilité de son groupe (11%
des fonds propres en 1997), bien que jugée satisfaisante à l'aune
des critères nationaux, était inférieure à celle de
ses principaux meilleurs concurrents internationaux qui atteint ou
dépasse, avec régularité, la barre des 15%.
C'est pourquoi, malgré un deuxième rang mondial quant au volume
des primes, le groupe AXA n'est qu'à la cinquième place en termes
de capitalisation boursière et ne figure pas encore parmi les dix
premiers quant à la rentabilité des fonds propres.
Selon lui, cette situation s'explique en partie par les distorsions de
concurrence dont les effets sont particulièrement négatifs sur le
marché français et gênent les acteurs français sur
le marché international.
Supprimer les facteurs de distorsion de concurrence entre les intervenants
sur le marché français
Sur le plan réglementaire,
Monsieur Claude Tendil
a
rappelé l'urgence à achever la transposition de la
troisième directive assurance.
Pour l'heure, les dispositions comptables et prudentielles
édictées par la Directive sont applicables aux
sociétés anonymes et aux sociétés mutuelles
d'assurances relevant du Code des Assurances.
Il conviendrait d'en étendre rapidement l'application comme la Directive
le prévoit aux Institutions de Prévoyance et aux Mutuelles
d'assurances Maladie, relevant d'autres réglementations pour restaurer
une concurrence loyale entre les intervenants sur le marché
français.
De la même manière,
Monsieur Claude Tendil
a
déploré la taxe de 7% qui frappe les contrats Maladie
complémentaire souscrits auprès des sociétés
d'assurances et se répercute sur le prix de l'assurance alors que les
mutuelles régies par le Code de la Mutualité et les Institutions
de Prévoyance en sont exonérées.
Monsieur Claude Tendil
a également insisté sur la
différence de traitement fiscal des bénéfices entre les
différentes catégories d'acteurs sur le marché de
l'assurance. Il a rappelé que les sociétés traditionnelles
et les mutuelles du Code des Assurances relevaient de l'IS de droit commun,
alors que les autres mutuelles et les Institutions de Prévoyance
exerçant une activité rigoureusement identique
bénéficiaient d'un régime fiscal particulièrement
favorable.
En outre,
Monsieur Claude Tendil
a insisté sur la
nécessité d'une stabilité du régime fiscal de
l'assurance vie. A cet égard, il a déploré les
modifications trop fréquentes des dispositions fiscales, facteurs de
déstabilisation du marché et dommageable pour les assurés,
comme on le voit actuellement avec la contraction du marché.
Supprimer les freins au développement des intervenants
français sur le marché unique
Monsieur Claude Tendil
a mis l'accent sur la nécessité
d'aligner les règles prudentielles nationales sur les dispositions
communautaires pour garantir l'égalité de concurrence sur le
marché unique. Il a illustré son propos en citant l'exemple du
renforcement des provisions techniques sur risques longs réclamé
par les autorités de contrôle françaises qui va à
l'encontre de l'harmonisation européenne et ne tient pas compte des
évolutions techniques des provisions par branches.
Monsieur Claude Tendil
a insisté sur la fiscalité
indirecte excessive qui pesait sur les sociétés d'assurances
françaises, supérieure à celle des concurrents
européens.
C'est le cas de la taxe sur les conventions d'assurance. Cette taxe dont le
taux va de 7% à 30% selon les garanties, s'applique aux primes
d'assurances.
Monsieur Claude Tendil
a précisé que cette
taxe avait pour effet direct d'élever le montant des primes, de
réduire la profitabilité des entreprises françaises et
donc leur capacité de développement à l'étranger.
Monsieur Claude Tendil
a poursuivi son propos en indiquant que cette
taxe constituait un facteur de distorsion de concurrence aujourd'hui
théoriquement résolu par le principe communautaire d'imposition
des primes dans le pays où se situe le risque, ce qui soumettait
normalement les opérateurs étrangers opérant en France
à cette taxe.
Toutefois, il a indiqué que cette fiscalité ne pourrait
résister à la mise en place du marché unique et à
la délocalisation des activités.
Monsieur Claude Tendil
a par ailleurs évoqué la mise en
place de l'EURO en précisant que la monnaie unique permettrait une
liquidité et une plus grande diversité de placements pour les
assureurs communautaires et qu'il était donc très favorable
à sa mise en place.
-ooo-
Monsieur Claude Tendil
a ensuite présenté
l'activité de son groupe, en France et à l'international.
Monsieur Claude Tendil
a précisé que le marché
français représentait 30% du chiffre d'affaires annuel d'AXA avec
110 milliards de francs sur un total de 370 milliards. AXA a fait le choix
à l'inverse des grandes compagnies américaines ou nippones, de
répartir les risques entre les pays et les monnaies afin de ne pas voir
ses résultats dépendre d'un seul marché.
Sur le marché français, AXA détient 16% de
l'activité d'assurance-dommages et 11% de l'assurance vie, de sorte que
le groupe est loin d'avoir une position dominante.
Cette activité domestique s'appuie d'une part sur les agents
généraux, puisqu'un tiers des agents français, soit
environ 4500, travaillent pour AXA, et d'autre part sur un réseau de
salariés qui représente 50% environ des salariés
commerciaux de ce secteur.
Pour
Monsieur Claude Tendil
, la croissance soutenue d'AXA dans les
années 1990-1996 doit beaucoup à son mode d'organisation
décentralisé, qui a été étendu au nouveau
périmètre du groupe résultant de la fusion avec l'UAP. La
forte décentralisation au sein du groupe autorise une grande souplesse
de fonctionnement.
Cette organisation a pu constituer une difficulté lors du rapprochement
avec l'UAP.
Mais la qualité du dialogue, et particulièrement du dialogue avec
les partenaires sociaux, a permis à la fusion d'intervenir dans des
conditions harmonieuses sur le plan social.
Monsieur Claude Tendil
précise qu'un accord de méthode a été signé
le 18 mars 1997 avec huit organisations syndicales. Cet accord a permis de
créer un groupe de concertation dont l'objectif était de
créer un lieu d'échange entre responsables opérationnels
et organisations syndicales sur l'organisation future du groupe.
Monsieur Claude Tendil
a donc pu se féliciter de ce qu'à
l'heure actuelle, toutes les sociétés aient été
mises en place et que tous les salariés y aient été
affectés.
Il a indiqué que le groupe a dû faire une pause dans sa politique
de recrutement, du fait de la fusion, après qu'AXA seul a vu augmenter
de 6% en 1996 le nombre de ses salariés titulaires d'un contrat à
durée indéterminée. A cet égard,
Monsieur Claude
Tendil
a, également précisé qu'aucun licenciement
collectif n'était intervenu lors de la fusion, conformément
à l'engagement de la Direction Générale du groupe.
Concernant la législation relative aux 35 heures,
Monsieur Claude
Tendil
a rappelé que depuis 1995, des accords ponctuels ont
été négociés dans certaines filiales du groupe AXA
sur la base de 33 heures hebdomadaires. Il a cité l'exemple de la
filiale Direct Assurances qui a mis en place une gestion annualisée du
temps de travail avec maintien des salaires. La réussite de cette
organisation a permis son extension aux entités allemande et espagnole
de marketing direct d'assurance. Des possibilités existent donc au
niveau de certaines sociétés opérationnelles.
Evoquant les bons résultats du groupe en 1997,
Monsieur Claude
Tendil
a indiqué qu'ils devraient être conformes aux
prévisions pour 1998.
Il a ensuite évoqué les activités transversales du groupe
: la réassurance et les grands risques.
Monsieur Claude Tendil
a présenté la filiale du groupe
dédiée à l'assurance des grands risques : AXA Global
Risks. Il a précisé que cette société avec un
chiffre d'affaires de 11 milliards de francs était présente sur
tous les continents directement ou à travers des sociétés
du groupe et des correspondants et avait vocation à commercialiser
auprès des grandes entreprises tous types de couvertures IARD et Marine
Aviation Transports.
En ce qui concerne la réassurance,
Monsieur Claude Tendil
a
rappelé que son groupe est en deuxième position sur le
marché français, avec un chiffre d'affaires 1997 de 9 milliards
de francs. Il a déploré que la France ne dispose pas de grands
réassureurs sur le plan international, AXA ne se situe qu'en
dixième position,
Monsieur Claude Tendil
a fait part de son
intention de poursuivre la réflexion dans le domaine de la
réassurance comme dans celui des grands risques.
Plus généralement,
Monsieur Claude Tendil
a indiqué
que l'Asie était un axe stratégique de développement du
groupe AXA. A cet égard,
Monsieur Claude Tendil
a rappelé
que l'activité d'AXA dans la région Asie-Pacifique ne
représentait que 6% du chiffre d'affaires global du groupe dans le monde.
Pour illustrer son propos, il a indiqué qu'AXA venait d'obtenir une
licence du gouvernement chinois pour opérer dans la province de
Shanghai, qu'en outre, au Japon une filiale dédiée à
l'activité d'assurance directe était créée.
-ooo-
Evoquant
la présence de mutuelles au sein du groupe AXA,
Monsieur Alain
Lambert, rapporteur général,
s'est interrogé sur le
frein éventuel qu'elles constituaient quant aux possibilités de
croissance du groupe.
Monsieur Claude Tendil
a répondu que si le groupe AXA comprenait,
pour des raisons historiques, des mutuelles d'assurances, celles-ci ne
représentaient plus que 9 milliards de francs de chiffre d'affaires par
an sur les 370 milliards de chiffre d'affaires du groupe, le chiffre d'affaires
des sociétés anonymes n'ayant cessé de croître
depuis 1982.
Il a indiqué que le contrôle par les mutuelles d'assurances du
capital de la holding tête de groupe avait sans doute permis, dans le
passé d'éviter toute OPA (offre publique d'achat) tout
particulièrement lors d'opérations de croissance externe.
Monsieur Claude Tendil
a précisé qu'actuellement, 70% du
capital étaient dans le public et donc, à ce titre,
théoriquement opéables, mais que la taille de la capitalisation
boursière d'AXA - 230 milliards de francs à fin juin 1998-
mettait le groupe AXA relativement à l'abri d'une telle
éventualité.
Monsieur Claude Tendil
a indiqué que de nombreuses mutuelles
étaient actuellement freinées dans leur croissance par leur
incapacité à lever des fonds, tout en rappelant qu'il
n'était pas possible, en France, de démutualiser.
Monsieur Alain Lambert, rapporteur général,
ayant
souhaité savoir si les professionnels ressentaient le besoin d'une loi
pour fixer les règles de la démutualisation, Monsieur Claude
Tendil a répondu de façon positive.
Monsieur Alain Lambert, rapporteur général,
ayant
souhaité connaître les raisons pour lesquelles le groupe AXA ne
développait pas une activité de bancassurance,
Monsieur Claude
Tendil
a précisé qu'AXA pratiquait de fait la bancassurance,
en Vie avec plusieurs banques et en IARD, à travers l'accord qui se
continue, qu'avait l'UAP avec la BNP.
Mais d'une façon générale, il a précisé que
les stratégies des banques et des assurances avaient vocation à
demeurer différentes. En outre, il a estimé dans ces conditions
que le développement de la bancassurance ne saurait inquiéter AXA
notamment parce que ce phénomène ne se retrouve pas à la
même échelle dans tous les pays.
Monsieur Yann Gaillard
, s'étant interrogé sur le
départ, relaté par la presse, de plusieurs dirigeants de l'UAP
lors de la fusion,
Monsieur Claude Tendil
a fait valoir que le nombre de
départs - une dizaine de personnes- avait été très
faible, mais que, s'agissant de dirigeants appartenant à la holding,
leur départ avait été plus " visible ". Il a
souligné que ces départs n'avaient fait l'objet d'aucune critique
de la part des syndicats ou des salariés, et a fait valoir que l'un des
trois directeurs généraux des sociétés d'assurances
AXA en France était issu de la Compagnie UAP.
Audition de
M. Pierre DARNIS
Président du directoire
Caisse Nationale de Prévoyance
(CNP)
Jeudi 11 juin 1998
M.
Pierre Darnis
a tout d'abord présenté la situation d'ensemble
du marché de l'assurance de personnes. Selon lui, ce marché qui a
connu un fort développement pendant les " douze glorieuses "
(1978 à 1990), où sa croissance a été de 20 % par
an, est devenu désormais "moins porteur". Depuis 1990, la croissance
s'est ralentie et le marché a même diminué en 1998. Ce
déclin progressif s'explique par deux facteurs. D'une part, le
marché est arrivé à maturité et un Français
sur deux détient aujourd'hui un contrat d'assurance. D'autre part, le
régime fiscal de l'assurance-vie est devenu moins favorable depuis
quelques années. En mai 1998 le chiffre d'affaires de l'ensemble des
compagnies d'assurance françaises a été inférieur
de 20 % à celui de mai 1997. On estime qu'il y aura un rattrapage fin
1998 et la diminution ne devrait plus être que de 8 %. La Caisse
nationale de Prévoyance (CNP) espère pour sa part faire un peu
mieux que le marché et limiter la diminution de son chiffre d'affaires,
qui s'élevait à 110 milliards en 1997, à 2 %.
Ce déclin progressif va de pair avec un fort développement de la
concurrence puisque le marché français se partage entre 150
sociétés dont 20 sont étrangères. Depuis 2 ou 3 ans
l'arrivée de nouveaux intervenants, tels que les mutuelles et les
institutions de retraite et de prévoyance, préoccupe les
assureurs et a amené la Fédération française des
sociétés d'assurance (FFSA) à exiger l'extension de la
réglementation à tous les acteurs du marché.
L'âpreté de la compétition se traduit par des comportements
de dumping ainsi que des concentrations et des restructurations. Les assureurs
traditionnels représentent aujourd'hui 40 % du marché contre 60 %
pour les bancassureurs, cette proportion étant exactement
inversée il y a quelques années. Les bancassureurs tendent
à diversifier leurs produits et s'ouvrir à d'autres
marchés tels que la prévoyance, la santé, la retraite et
la dépendance.
Le marché de l'assurance est moins rentable du fait de l'alourdissement
des charges fiscales des assureurs (la CNP a acquitté 1,4 milliard
de francs de taxes et impôts en 1997), de la diminution du rendement des
placements et de l'augmentation régulière de la
rémunération des réseaux distributeurs.
M. Pierre Darnis
a ensuite abordé les différences de
traitement juridique et fiscal entre les différents acteurs
présents sur le marché de l'assurance : entreprises d'assurance,
mutuelles et institutions de prévoyance. En dépit d'une
amélioration en matière juridique, les écarts restent
importants en matière fiscale. En effet, s'agissant des contrats, les
assureurs doivent acquitter une taxe sur les conventions d'assurance qui varie
de 7 % à 9 % et dont ne sont pas passibles les mutuelles. En 1997,
ainsi, cette charge fiscale a représenté 268 millions de
francs pour la CNP. S'agissant de la fiscalité qui pèse sur les
entreprises, les différences sont nombreuses et complexes. Les
sociétés d'assurance se voient imposer un taux maximal au titre
de l'impôt sur les sociétés auquel s'ajoutent des taxes
additionnelles alors que les mutuelles bénéficient d'un taux
minoré ou d'exonérations. Ces différences de traitement
contribuent à l'instauration de relations tendues et antagonistes entre
les sociétés d'assurances et les mutuelles. La CNP s'efforce de
jouer un rôle d'élément de pondération entre les
assurances de la FFSA et le monde de la mutualité.
Enfin,
M. Pierre Darnis
a évoqué la place de la CNP en
précisant que celle-ci avait une part de marché de 20 %, ce qui
la situe en tête pour l'assurance de personnes. En 10 ans, son
résultat net a été multiplié par 2,5 et sa
rentabilité se situe autour de 12 %. L'originalité de la CNP
tient à cinq atouts : sa taille importante qui lui permet de faire face
aux investissements nécessaires, sa gamme très large de produits
(prévoyance, épargne, retraite, santé, etc.), des
partenaires puissants et fidèles qui constituent ses réseaux de
distribution (la Poste, la comptabilité publique, les Caisses
d'épargne, les mutuelles de fonctionnaires, le Crédit agricole),
enfin le caractère public de la CNP et sa relation de filiation avec la
Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui assure la gestion de
son portefeuille.
Répondant à
M. Alain Lambert
,
M. Pierre Darnis
a
reconnu que le fait d'avoir l'Etat pour actionnaire présentait parfois
quelques difficultés tenant, par exemple, au fait que l'Etat
répugnait à investir dans des projets considérés
comme risqués et aux fréquents changements d'interlocuteurs,
notamment au sein du conseil de surveillance de la CNP. Par ailleurs une
certaine lenteur étatique combinée à des recommandations
parfois différentes venant de l'Etat et de la CDC viennent compliquer la
tâche.
M. Alain Lambert
s'interrogeant sur la
légitimité de la présence de l'Etat,
M. Pierre
Darnis
a répondu que si cette présence était
historiquement justifiée lors de la fondation de la CNP, il était
vrai que maintenant elle était moins nécessaire. Depuis 1992,
date où la CNP est devenue société anonyme, le retrait de
l'Etat et l'ouverture de la CNP en bourse ont été plusieurs fois
envisagés et repoussés.
Jusqu'à il y a une dizaine d'années, les cadres de la CNP
étaient issus en majorité de la fonction publique. Actuellement,
sur les 50 principaux cadres, environ 40 proviennent du secteur privé et
10 sont des fonctionnaires en situation intermédiaire
(disponibilité, hors-cadre, détachement). Cette évolution
s'explique notamment par les compétences de plus en plus
spécialisées requises du personnel.
Parmi les critiques adressées à la CNP, la collaboration avec la
comptabilité publique semble à
M. Pierre Darnis
la plus
récurrente. Il y a deux arguments avancés quant à la
légitimité de la comptabilité publique à distribuer
des produits d'assurance. D'une part, cette pratique, qui existe depuis 1860,
donne lieu à un intéressement du personnel et d'autre part elle
constitue un ferment de modernité permettant au Trésor public
d'acquérir des compétences commerciales. La comptabilité
publique est un partenaire important puisqu'elle représente pour la CNP
un chiffre d'affaires de 6 à 7 milliards en contrepartie duquel la CNP
verse un commissionnement de plusieurs centaines de millions de francs.
En réponse à
M. Lambert
,
M. Pierre Darnis
a
indiqué que le marché de l'épargne était
appelé à stagner voire légèrement régresser
tandis que celui de la prévoyance comportait des marges de
développement dans les secteurs notamment des risques
décès et invalidité ainsi que dans celui des couvertures
d'emprunts immobiliers et de crédits à la consommation. Le
marché le plus porteur semble celui de la santé du fait du
retrait progressif des systèmes obligatoires dans les années
à venir. Seules les sociétés ayant une taille suffisamment
importante pourront faire face aux investissements qu'il réclame,
notamment, en matière d'équipement informatique.
En conclusion,
M. Yann Gaillard
s'est déclaré sceptique
quant aux chances de survie de la CNP en dehors des accords qu'elle a avec les
réseaux de la Poste et des Caisses d'épargne.
Audition de
M. BROUHMANN
Secrétaire fédéral de
la
Fédération nationale des personnels
des secteurs
financiers CGT
Jeudi 18 juin 1998
M.
Brouhmann
a tout d'abord salué la décision du Sénat de
créer un groupe de travail sur les assurances. Il lui paraît
urgent que la représentation nationale examine l'avenir des outils
financiers à base nationale comme moyen d'assurer l'accompagnement
général de la reprise économique et il a souhaité
l'organisation d'un débat public concernant la place, le rôle et
les missions de service public des secteurs financiers dont fait partie
l'assurance.
Beaucoup d'entreprises françaises dans le secteur de l'assurance sont
actuellement sous domination étrangère. Comment dans ces
conditions continuer à parler de l'assurance française ? Un
secteur des assurances à base française est une
nécessité pour notre pays. En effet les sociétés
d'assurances de par leur statut d'investisseurs institutionnels contribuent au
soutien de la dette d'Etat et au financement de sa politique de lutte contre le
chômage et l'exclusion. L'épargne collectée dans l'hexagone
par les sociétés d'assurances françaises s'élevait
en 1996 à 769,4 milliards de francs. Les placements de cette
épargne doivent servir à l'investissement pour le pays, les
régions, les départements.
La particularité française est la cohabitation de
sociétés nationalisées, privées et mutualistes. La
recomposition du paysage financier de l'assurance en France doit être
l'occasion de mettre en place une coopération respectant cette
mixité des secteurs financiers au sein d'un pôle public. Cette
politique de coopération est d'autant plus nécessaire que la
libre concurrence est menacée par l'apparition de groupes géants.
La politique actuelle du gouvernement, menée au coup par coup,
écarte aussi bien la représentation nationale que les
organisations syndicales et les institutions représentatives des
salariés. Un droit supensif doit être mis en place pour les
opérations qui visent la baisse de la masse salariale et la
réduction de l'emploi. Un examen sérieux devrait redéfinir
la déontologie et la limite d'activité sur des secteurs qui ne
relèvent pas de l'assurance. En effet, depuis plusieurs années ce
secteur est confronté à une très vive concurrence de la
part des banques, de la Poste et de la grande distribution et il est
nécessaire de revenir sur cette banalisation. La
Fédération CGT a pour sa part plusieurs propositions à
faire à ce sujet.
En 1996, les sociétés d'assurance employaient 210.300 personnes,
ce qui représentait 1% de l'emploi national. Dans les opérations
de rachat, l'emploi est la variable d'ajustement or il est indispensable de
maintenir et de développer le niveau d'emploi pour mettre en place un
service de qualité. C'est le meilleur moyen de permettre aux
sociétés d'assurances françaises de se renforcer car
l'assuré en France reste attaché à une forme
spécifique de rapports avec son assureur.
S'agissant du traitement juridique et fiscal des différents acteurs du
secteur de l'assurance,
M. Brouhmann
a déclaré que la CGT
n'avait aucune observation à faire sur le refus de la mutualité
française d'appliquer les directives européennes. Il lui semble
légitime de respecter les différentes structures des entreprises
car c'est ce qui constitue la spécificité française. Par
ailleurs il ne pense pas qu'il y ait un problème au niveau de la
fiscalité de l'assurance. Le vrai problème se situe plutôt
au niveau de l'ensemble de la fiscalité du pays. L'assureur a une
fiscalité dans le cadre d'une solidarité et d'une mutualisation
des risques. En même temps, il répond à un besoin de
consommation. Si un examen de la fiscalité doit avoir lieu, il doit se
faire dans le cadre d'un texte sur la consommation en général et
non sur l'assurance. La Fédération CGT milite pour la mise en
place d'une taxation des exportations de produits financiers à
l'étranger car il s'agit là d'opérations
financières n'ayant pas pour objectif la couverture de risques mais la
réalisation de rentabilité financière.
Admettant qu'il était utile de conserver une base nationale importante
même si l'instauration de la libre circulation des capitaux rendait cette
question très controversée,
M. Alain Lambert
a
souhaité que
M. Brouhmann
lui fournisse des arguments
déterminants. Celui-ci a répondu qu'il était indispensable
que le pays conserve la maîtrise de l'outil financier et que soit
développée la coopération entre les différents
acteurs, y compris au niveau européen, afin d'éviter les OPA et
d'assainir le climat. Leur regroupement, autour d'un pôle public,
permettrait d'intervenir sur l'investissement, le financement et la
création d'emplois, d'éviter de fragiliser l'outil financier et
de faciliter l'intervention de la représentation nationale.
M. Alain Lambert
ayant ensuite demandé si les différences
de statuts ne risquaient pas de nuire aux salariés du secteur non
mutualiste,
M. Brouhmann
a répondu qu'il ne pensait pas que
les différences de traitement fiscal pénalisaient les
salariés du secteur privé. Si les assureurs privés
réclament un changement de statut de la mutualité dite " de
1945 ", c'est surtout parce qu'ils veulent investir son activité.
Mais, selon lui, les assurances complémentaires de santé doivent
rester entre les mains des mutuelles.
M. Alain Lambert
ayant évoqué l'entrée de La Poste
sur le marché de l'assurance,
M. Brouhmann
a répondu que
si le métier de l'assurance ne s'improvisait pas, La Poste ne pourrait
éternellement vivre de la vente de timbres. Il a ajouté qu'une
réflexion commune était menée actuellement avec la
Fédération des PTT pour en définir le cadre.
Audition de M. Michel LUCAS
Président-directeur général
des Assurances du
Crédit Mutuel
Jeudi 18 juin 1998
M.
Michel Lucas, président directeur général des Assurances
du Crédit mutuel
(ACM)
a souhaité limiter son propos
aux sociétés françaises.
Enumérant les facteurs qu'il estimait défavorable au secteur
des assurances,
M. Michel Lucas
a tout d'abord émis le souhait
d'une diminution de l'interventionnisme de l'Etat et le désir d'une
refonte des règles régissant la profession d'assureur.
Evoquant les disparités de traitement fiscal,
M. Michel Lucas
a
notamment déploré que l'impôt sur les
sociétés et la taxe sur les contrats d'assurance ne frappent que
les sociétés d'assurance. Il a d'ailleurs exprimé
l'idée que les avantages fiscaux consentis aux mutuelles ou aux
institutions de prévoyance n'étaient pas nécessairement la
meilleure façon de les aider à se dynamiser et à se
développer à l'étranger.
M. Michel Lucas
a regretté le retard pris par la France dans la
transposition des directives européennes, qu'il a estimé
préjudiciable aux acteurs de la vie économique.
Stigmatisant la déresponsabilisation du consommateur par le juge et par
le législateur,
M. Michel Lucas
a émis la crainte d'une
déresponsabilisation de l'entreprise en cas de création d'un
fonds de protection ou de garantie des assurés. Rappelant qu'il
incombait à la commission de contrôle de prévenir les
sinistres en amont, il a considéré que la création d'un
fonds de protection des assurés risquait de donner carte blanche aux
mauvais gestionnaires.
Présentant les résultats de son groupe,
M. Michel Lucas
a
estimé que les ACM se portaient bien : au sixième rang
français en matière d'assurance-vie, avec un chiffre d'affaires
de 13,2 milliards de francs, les primes dans le domaine de
l'assurance-décès et de la prévoyance dépassent
1 miliard de francs. Les ACM pratiquent la bancassurance depuis 1971.
M. Michel Lucas
a souligné qu'en matière d'assurance IARD
(incendie, accidents, risques divers) le réseau des caisses de
Crédit mutuel permettait de faire l'économie d'un
intermédiaire et avait totalisé 4 milliards de francs de
primes en 1997. Il a précisé que dans le même souci, le
groupe développait des réseaux de télésurveillance
et de gestion téléphonique des sinistres, l'ensemble de ces
mesures permettant de parvenir à un taux de gestion inférieur de
8 points à celui des compagnies classiques. Il a mentionné
un taux de pénétration de la clientèle bancaire du groupe
de l'ordre de 30 % et une vente moyenne de deux produits d'assurance par
client.
M. Michel Lucas
a insisté sur l'importance de la formation des
hommes et de l'utilisation des technologies et a indiqué que son groupe
souhaitait renforcer sa base nationale avant de renforcer sa présence
à l'étranger qui se limite à une participation de
10 % dans une entreprise canadienne et au sein d'une caisse espagnole.
Il a dévoilé que l'objectif du groupe était d'atteindre
une part de 10 % du marché français, la part de
marché actuelle étant de 2,6 % pour l'assurance-vie et de
1,5 % pour l'assurance IARD avec une progression annuelle de l'ordre de
0,6 à 0,7 %.
Cet intérêt pour le marché national est notamment
justifiée, pour
M. Michel Lucas,
par la faible
rentabilité des activités des assureurs français à
l'étranger, à l'exception de celles d'AXA.
Rappelant que les ACM on su être toujours en avance, qu'il s'agisse de
l'entrée sur le marché de l'IARD des mutuelles sans
intermédiaires dans les années 50, de la bancassurance dans les
années 70 ou de la vente de produits sur Internet, qui marche
déjà très bien,
M. Michel Lucas
a conclu son propos
en insistant sur l'importance de la formation et de l'informatique, bases de la
qualité du service à la clientèle qui représente,
selon lui, l'atout majeur pour l'avenir et importe davantage que le niveau des
primes.
Au cours du débat qui s'est ensuite engagé,
M. Alain Lambert,
rapporteur général
, a invité
M. Michel Lucas
à préciser son propos quant au fonctionnement du
contrôle qui pèse sur les assureurs.
En réponse,
M. Michel Lucas
a précisé qu'il
était extrêmement difficile de se mettre en conformité avec
les exigences simultanées et souvent contradictoires qui
découlent de la direction des assurances, du ministère de
l'économie et de la direction des impôts. Il a également
déploré que l'on surprotège l'assuré sans assurer,
parallèlement, le respect de règles régissant l'assurance.
Il s'est notamment déclaré choqué que l'on laisse un
assureur utiliser 20 % de ses provisions techniques pour acheter des
compagnies à l'étranger ce qui est largement au-delà de ce
que la réglementation en vigueur autorise.
Il a en outre rappelé que le défaut d'harmonisation entre les
directives et la législation française ne favorisait pas la
clarté.
M. Michel Lucas
s'est élevé contre
l'insécurité qui résulte de modifications trop
fréquentes de la règle fiscale.
A
M. Alain Lambert, rapporteur général
, qui se demandait
s'il y avait un intérêt pour la profession à voir unifier
la commission de contrôle des assurances et celle en charge des
mutuelles et des institutions de prévoyance,
M. Michel Lucas
a
répondu qu'une telle fusion supposait au préalable une
unification des règles de fonctionnement respectives de ces acteurs.
Répondant toujours au rapporteur général,
M. Michel
Lucas
a indiqué que la monnaie unique allait concourir à
accroître la concurrence qui est déjà intense dans les
régions frontalières, notamment en Alsace où de nombreuses
officines appliquent la liberté de prestation de services et vendent des
contrats d'assurances de compagnies allemandes.
Il a précisé qu'en matière bancaire, l'informatique
permettait déjà de pratiquer 90 % des opérations
courantes sans disposer d'agences à l'étranger et a
déploré que deux banques françaises seulement travaillent
à l'étranger dans la monnaie locale.
Interrogé sur la forme juridique des ACM,
M. Michel Lucas
a
rappelé que le statut de mutuelle, qui avait été plus ou
moins imposé au groupe à l'origine, avait été
abandonné au profit de celui de la société anonyme. Il a
par ailleurs précisé que la Banque fédérative du
Crédit mutuel détenait 67 % des actions de cette
société anonyme.
En conclusion,
M. Michel Lucas
a insisté sur la
nécessité d'associer l'ensemble du personnel au
développement technologique, d'une part pour éviter les blocages
sociaux, et d'autre part parce que seule la maîtrise de ces outils
permettra de garantir le succès des activités de service.
Audition de
M. Jean FOURRE, Président
et de M. Laurent GRATIEUX,
Secrétaire général adjoint
de la commission de
contrôle des mutuelles
et des institutions de prévoyance
Mercredi 17 juin 1998
M.
Jean Fourré
, président de la commission de contrôle des
mutuelles et des institutions de prévoyance, a précisé, en
préambule, que le secrétaire général de la
commission était le chef du service de l'inspection des affaires
sociales, assisté d'un secrétaire général adjoint,
M. Gratieux
.
M. Laurent Gratieux
a tout d'abord précisé que si les
mutuelles et les institutions de prévoyance étaient tous les deux
des entreprises d'assurances, au sens européen du terme, les
premières relevaient du code de la mutualité et les secondes du
code de la sécurité sociale. Il a ensuite ajouté que les
institutions, dont le Conseil d'administration était
désigné à parité, oeuvraient sur le marché
de la prévoyance collective tandis que les mutuelles étaient des
organismes gérés par les adhérents, selon le principe de
la démocratie sociale. Il a cependant précisé que les deux
types d'organismes étaient des sociétés de personnes
à but non lucratif et non de capitaux.
Poursuivant cette comparaison
, M. Laurent Gratieux
a rappelé que
les institutions de prévoyance étaient entrées dans le
champ des directives européennes de 1992 (dites "troisièmes
directives"), à la différence des mutuelles, relevant du code de
la mutualité, qui n'avaient pas encore fait l'objet d'une transposition
de leurs règles en matière de sécurité
prudentielle. Il a également fait remarquer que, si les règles
applicables aux institutions étaient pratiquement identiques à
celles des sociétés d'assurance, celles qui concernaient les
mutuelles étaient moins rigoureuses, sur les marges de
solvabilité notamment. Il a rappelé la concurrence de plus en
plus accrue entre sociétés d'assurance, mutuelles et institutions
de prévoyance, ces dernières ayant gagné de nombreuses
parts de " marché " dans le secteur de l'assurance maladie. Il
a souligné la difficulté pour les mutuelles et institutions de
prévoyance de maintenir le principe de solidarité dans un
marché concurrentiel.
A titre d'exemple
,
la mutualisation pratiquée par les mutuelles
implique une forme de redistribution où les plus jeunes
sociétaires cotisent plus que le risque qu'ils présentent. De ce
fait, les tarifs des mutuelles sont moins concurrentiels auprès des
jeunes que ceux des assurances et la moyenne d'âge des adhérents
mutualistes a tendance à augmenter.
Il a ensuite exposé les efforts de concentration et de fusion,
effectuées par les mutuelles, pour s'adapter à cette
évolution. Ainsi, leur nombre est passé de 10.600 il y a vingt
ans à 5.700 en 1997, dont 4.500 protègent moins de
3000 personnes. Elles se sont dirigées vers une plus grande
spécificité se traduisant par des fusions ou des unions
techniques intermutualistes, pour utiliser des services communs. Il a
précisé que, même en dehors de l'impact de la transposition
des directives, ces mouvements de concentration devraient se poursuivre afin de
permettre aux mutuelles de réaliser des économies de gestion,
d'améliorer leur technicité et la professionnalisation des
gestionnaires et de satisfaire aux règles prudentielles.
Par comparaison, il a fait remarquer que 90 institutions de
prévoyance étaient en activité, avec toutefois un chiffre
d'affaires moyen supérieur à celui des mutuelles, ce qui montre
l'hétérogénéité financière des
institutions à but non lucratif.
M. Jean Fourré
a alors précisé que les mutuelles
les plus petites étaient contrôlées par l'inspection
départementale des affaires sociales.
M. Jean Fourré
a indiqué que, bien que le contrôle
permanent sur pièces par la transmission de données
chiffrées, mensuelles, trimestrielles et annuelles, récemment
instituée, n'avait pas encore donné sa pleine mesure, les marges
de solvabilité des mutuelles apparaissaient, dans leur ensemble, comme
respectées.
Abordant les problèmes d'adaptation rencontrés par les mutuelles,
M. Jean Fourré
a mis en évidence la contradiction qui
existait entre la taille nécessaire à leur solidité
financière et la sauvegarde de la démocratie qui avait
présidé à leur création. Il s'est en effet
inquiété d'un éventuel effacement de l'adhérent
dans la prise des décisions. La commission de contrôle veille
à la régularité du fonctionnement des mutuelles, au regard
de la législation et de la réglementation, estimant que mieux les
procédures prévues par le code de la mutualité sont
respectées, plus faibles sont les risques dans la gestion.
Il a cependant comparé la situation d'administrateur-mutualiste à
celle des élus locaux dans la mesure où cette charge relevait,
pour être accomplie efficacement, d'une activité à plein
temps. Il a pris exemple des mutuelles d'étudiants dont les dirigeants
exécutifs ne peuvent être étudiants, compte tenu du
caractère éphémère de ce statut. Il n'a, toutefois,
pas caché que cette voie, d'une direction laissée à des
spécialistes à plein temps, présentait le risque d'une
perte d'identité pour la mutuelle.
M. Jean Fourré
a ensuite précisé, en ce qui
concernait la violation de certaines règles, que la commission de
contrôle n'était saisie que d'une demi-douzaine de dossiers par
an, mais que les sanctions prises n'empêchaient pas toujours l'apparition
de nouvelles infractions.
Abordant la solidité financière des mutuelles, il a
déclaré que si celles-ci ne rencontraient pas de problèmes
tarifaires, leur attachement au service social et sanitaire pouvait parfois
susciter des risques financiers.
M. Marc Massion
s'est étonné de la contradiction entre
l'affirmation que la clientèle était fidélisée et,
dans le même temps, le constat d'une diminution des parts de
marché.
M. Laurent Gratieux
a précisé qu'il fallait
différencier les mutuelles de fonctionnaires, qui gèrent un
régime obligatoire, des mutuelles professionnelles ou
interprofessionnelles. En effet, si les premières citées
bénéficient de ce fait d'un avantage concurrentiel, tel n'est pas
le cas des secondes.
Il
a souligné la difficulté
que ces mutuelles éprouvent à cet égard à respecter
des règles leur interdisant de rémunérer des courtiers ou
leur personnel en fonction de leur résultat commercial, dans un contexte
concurrentiel.
Il a considéré, en conséquence, que ce problème ne
pouvait être résolu que par le législateur.
M. Alain Lambert
a demandé ce qui pouvait justifier les
différences de règles appliquées entre les mutuelles et
les institutions de prévoyance, s'il pouvait être envisagé
de fusionner les deux commissions de contrôle et si l'infraction "d'abus
de biens sociaux" pouvait être étendue aux mutuelles.
En réponse,
M. Laurent Gratieux
a constaté qu'il
s'agissait d'un problème de choix entre paritarisme ou mutualisme, les
institutions de prévoyance relevant du mode de gestion paritaire et les
mutuelles d'un regroupement spontané d'adhérents pour
bénéficier d'un système de solidarité.
Il a relevé que le code de la mutualité était plus
exigeant sur la non lucrativité, même si le courtage
n'était pas autorisé pour les institutions, et qu'il interdisait
la rémunération des administrateurs, les excédents ne
devant profiter qu'aux adhérents. Il a ajouté que le rapport de
la commission de contrôle était la somme d'examens et de constats
d'irrégularités, qui toutefois avaient été
contrôlées, dénoncées et sanctionnées,
remarquant au passage que pour les sociétés anonymes, c'est
surtout le respect des règles prudentielles qui est
contrôlé, alors que les mutuelles et institutions de
prévoyance subissent un contrôle relatif à l'ensemble des
règles qui leur sont applicables, notamment celles qui régissent
leur vie institutionnelle.
Concernant le regroupement des organismes de contrôle, précisant
qu'il concernait 4 professions et que l'Etat ne pouvait en être
écarté, il s'est interrogé sur sa pertinence : le
regroupement en une commission unique nécessiterait qu'elle soit
divisée en deux sections. Il s'est donc plutôt
déclaré partisan d'une collaboration technique entre corps de
contrôle. Il a également précisé que la commission
de contrôle était juge mais ne disposait pas des pouvoirs de
tutelle, dont au demeurant, le ministère des affaires sociales
n'envisageait pas de se défaire au titre des actions sociales, et que,
par ailleurs, le corps de contrôle des assurances ne semble pas demandeur
d'une telle responsabilité. Il a cependant souligné que les
institutions elles-mêmes sont demandeuses d'un contrôle exigeant.
Il a enfin précisé que le code de la mutualité ne
prévoit, pour sanctionner les règles qu'ils édicte, que
des contraventions de 5e classe, ce qui apparaît peu dissuasif.
Au sujet de l'extension de l'abus de bien sociaux aux mutuelles,
M. Laurent Gratieux
a indiqué que les seuls délits
actuellement susceptibles de permettre la mise en oeuvre de poursuites
pénales étaient l'abus de confiance et l'escroquerie.
M. Alain Lambert
a demandé leur avis aux intervenants sur
d'éventuels regroupements dans le mouvement mutualiste. Il a aussi
demandé si les différences d'organisation et de statut
justifiaient des règles prudentielles différentes.
M. Laurent Gratieux
, rappelant que 700 mutuelles avaient disparu ces
dernières années, a indiqué que les regroupements et les
réorganisations autour d'unions mutualistes pourraient être
accélérés en cas de transposition des directives
européennes. Il a rappelé qu'une taille critique était
nécessaire pour satisfaire les exigences de solvabilité de la
directive.
M. Jean Fourré
, exprimant également ses inquiétudes
à ce sujet, a estimé que les mutuelles risquaient de ne plus
être, à l'avenir, que des cabinets de courtage auxquels les
réassureurs fixeraient leurs règles.
M. Laurent Gratieux
a précisé que, si la transposition des
directives pouvait s'adapter au mode de fonctionnement particulier des
mutuelles, sociétés de personnes à but non lucratif, il
était peu probable qu'elle puisse prévoir des règles
prudentielles différentes pour des engagements de même naturel
selon le statut de l'assureur du risque.
Audition de
M. Jean-Hervé LORENZI
Directeur général
délégué
de la Société de Courtage en
assurance GRAS SAVOYE
membre du Conseil d'analyse
économique
et de M. Alain AUBERT
Mardi 29 septembre 1998
Précisant qu'en sa qualité d'universitaire
spécialiste en économie industrielle, il percevait l'assurance de
façon plus large qu'au travers de la seule activité de courtage,
M. Jean-Hervé Lorenzi
a rappelé, dans son propos
introductif, l'importance de ce secteur d'activité, l'assurance
volontaire française draînant chaque année 850 à
900 milliards de francs de primes et 250 milliards de francs
supplémentaires si l'on inclut l'activité des
sociétés d'assurance françaises à l'étranger.
M. Lorenzi
a précisé que ce secteur employait environ
250.000 personnes réparties entre 500 entreprises relevant du
code des assurances, (incluant les mutuelles sans intermédiaire),
87 institutions de prévoyance et environ 6.000 mutuelles
relevant du code de la mutualité.
Il a indiqué que l'activité "dommages", qui représente le
tiers de l'activité du secteur des assurances, générait
35 milliards de francs au titre de la fiscalité directe.
M. Lorenzi
a conclu son propos introductif en évoquant les
distorsions de concurrence, bien connues entre les différents acteurs du
monde de l'assurance : les taxes variant de 7 à 33 %, beaucoup
moins importantes dans des pays tels que la Grande-Bretagne ; la
nécessité pour les sociétés anonymes d'assurance de
rémunérer leurs actionnaires, nécessité que ne
connaissent pas les mutuelles ; la taxe professionnelle, l'impôt sur
les sociétés et la taxe de 7 % sur les conventions auxquels ne
sont astreintes ni les mutuelles ni les institutions de prévoyance. Il a
illustré le résultat de cette distorsion en notant que sur les
15 dernières années, les institutions de prévoyance
ont vu leur part de marché passer de 0 à 13 % en
matière d'assurance maladie complémentaire.
M. Lorenzi
a ensuite procédé à une analyse du monde
de l'assurance en six points.
1.
La concentration est " phénoménale "
dans le secteur des assurances, tous acteurs confondus : assureurs,
courtiers ou réassureurs. Un réassureur comme General Ré
dispose ainsi de 80 milliards de dollars de provisions. Les agents
d'assurances sont passés de 40.000 à 23.000 au cours des
15 dernières années. Les économistes ne semblent
toutefois pas persuadés de l'avantage que peut constituer le gigantisme,
qu'il s'agisse d'assurance-vie ou d'IARD.
2.
Le niveau des primes baisse
de façon très
sensible depuis trois ans, dans le secteur de l'assurance dommages. Cette
baisse -de l'ordre de 30 à 40 %- est liée à la
sinistralité des années précédentes et au
phénomène de l' "overshooting".
3.
On constate un
phénomène
d'overshooting
à la baisse ou à la hausse : lorsqu'il y
a moins de primes, les assureurs font moins appel à la
réassurance, ce qui conduit les réassureurs à concurrencer
directement les assureurs sur les risques de sinistralité de
fréquence qui ne sont pas leur marché naturel, renforçant
ainsi la concurrence et la baisse des primes.
4.
On constate une grande fluidité entre tous les
marchés : Groupama, assureur agricole, a racheté un
généraliste. Les institutions de prévoyance créent
des assureurs-filiales et la mutualité, dont la vocation d'origine est
le secteur de la santé, propose désormais des produits IARD en
créant des mutuelles sans intermédiaires.
5.
La structuration des courtiers au sein de réseaux mondiaux,
principalement anglo-saxons, témoigne de la banalisation, en tant que
fonction de conseil, d'une profession autrefois très spécifique.
6.
L'apparition de quelques très grands acteurs -dont un seul est
français- qui, au niveau européen, mènent le secteur de
l'assurance de façon très directive (Axa, Allianz, Generali,
Commercial union) est significative d'un renversement de tendance, si l'on veut
bien se souvenir qu'il y avait, 10 ans auparavant, au moins 5 grands
acteurs français reconnus (Axa, UAP,GAN, Groupe Victoire et les AGF).
Puis
M. Lorenzi
a fait part au groupe de travail de trois
réflexions. Il a ainsi souhaité que l'on encourage, au cours du
mouvement actuel de regroupement, l'émergence d'acteurs importants. Il a
évoqué le risque de création d'un monstre financier, dans
le cadre de la privatisation du Crédit lyonnais, dans l'hypothèse
d'un rachat par le groupe Deutsche Bank-Allianz. Il a enfin souhaité
voir préserver le domaine traditionnel de la mutualité en
invitant à procéder à un toilettage du système
permettant d'unifier, au profit de l'ensemble des acteurs, les règles
régissant le secteur. Il a notamment jugé que la protection dont
jouissaient indûment les mutuelles "45" en faisait des acteurs
inadaptés et sclérosés. Il a enfin indiqué que
l'enjeu de la distribution de produits d'assurance par la Poste ne justifiait
pas la dépense d'énergie qu'il a motivé de la part des
sociétés d'assurance et des mutuelles.
M. Alain Lambert
s'est ensuite interrogé sur les tendances en
matière de distribution des produits et sur les avantages et
inconvénients des différents canaux de distribution.
M. Alain Aubert
a précisé que les mutuelles du GEMA, avec
un chiffre d'affaires de l'ordre de 40 milliards, voient depuis plusieurs
années leur part du marché auto (leur fer de lance) stagner
à 48 %. C'est pourquoi elles cherchent à se
développer sur le multi-risques et le corporel. Cette progression se
fait au détriment des grandes compagnies qui perdent
régulièrement des parts de marché avec leur réseau
d'agents traditionnels. Ce phénomène est accentué par la
montée en puissance de la bancassurance et des réseaux de
distribution "extra professionnels". A ce propos,
M. Lorenzi
a
précisé que les grands groupes de distribution détenaient
désormais 6 à 7 % de marché de l'assurance-dommages.
En réponse à M. Alain Lambert qui s'inquiétait du risque
de disparition des agents généraux,
M. Alain Aubert
a
souligné que seules la qualité du service rendu et leur
disponibilité permettraient aux agents généraux de
survivre dans un univers de plus en plus concurrentiel.
Toujours en réponse à M. Alain Lambert, qui se demandait si
la conjoncture française était réellement
défavorable aux assureurs,
M. Lorenzi
a fait valoir que les
compagnies ou groupes français désireux de s'étendre dans
le monde devraient renforcer leur base nationale car la concurrence est
très forte sur les produits simples. Il s'est inquiété de
la concurrence de la grande distribution qui vise les assurances de personnes,
en rappelant que ce type de produits, qui représente 70 % à
75 % du chiffres d'affaires, est la base du métier. Il a souhaité
une réforme des mutuelles sans intermédiaire GEMA, un peu
enfermées dans leurs statuts et des Mutuelles "45", beaucoup trop
nombreuses, afin de les mettre au standard mondial.
M. Lorenzi
a ensuite évoqué la profession de courtier.
Avec une centaine de grands courtiers en France, la profession assiste à
un fort développement des réseaux de courtage dans le monde
(150.000 courtiers en Belgique), à l'exception de l'Allemagne. Il a
exposé les raisons de l'évolution que connaît la
profession :
- la disparition progressive de la fonction d'intermédiation du
fait de la diminution du nombre de compagnies,
- l'augmentation du poids de la ligne d'assurance dans le budget des
entreprises (plus de 100 millions de francs). Ce dernier facteur a
profondément changé les mentalités en amenant les
entreprises à sélectionner les risques transférés
en faveur des chocs risquant de mettre en péril la survie de
l'entreprise, l'assurance n'étant en définitive qu'une technique
financière de lissage des difficultés,
- l'apparition de sociétés captives de réassurance a
également transformé le paysage. Il en existe actuellement
4.000 environ, domiciliées essentiellement dans des paradis
fiscaux : 300 au Luxembourg, 500 à Jersey et Guernesey et
un certain nombre aux Bermudes et dans l'île de Man. Il s'agit de
sociétés créées exclusivement par des groupes
industriels et commerciaux pour régler un problème d'assurance de
risque majeur. Inquiet du phénomène, le Service de la
législation fiscale requalifie désormais les provisions
passées en franchise fiscale par les sociétés
françaises de réassurance, ce qui les place en position de
faiblesse par rapport à leurs homologues qui continuent à pouvoir
constituer des provisions déductibles de leurs impôts. En effet,
le Luxembourg oblige depuis 1984 les compagnies de réassurance à
provisionner les risques aléatoires sous le nom de provisions pour
fluctuation de sinistralité,
- enfin, la profession évolue également du fait de
l'apparition de grands réseaux qui rachètent progressivement les
cabinets de courtage.
Le premier de ces groupes, Marsh-Mac Lennan, caractéristique de la
poussée américaine, réalise un chiffre d'affaires annuel
de 6 milliards de dollars, engrange un résultat d'un milliard de
dollars et emploie 50.000 personnes dans différents pays. Ce groupe
a la capacité d'intervenir sur tous les marchés : courtage,
gestion de fortune, stratégie.
Le deuxième est le groupe AON, avec un chiffre d'affaires annuel de
4 milliards de dollars dont 1 milliard environ pour la partie
française.
Le troisième est le groupe WILLIS, qui vient d'être racheté
par le groupe d'investisseurs KKR.
Willis possède une participation de 31,5 % dans Gras-Savoye.
Après ce panorama de la profession,
M. Lorenzi
a rappelé
que Gras Savoye avait été victime d'une attaque, il y a trois
ans, mais que les compagnies Athena, AGF et AXA étaient entrées
dans son capital afin d'éviter que Gras Savoye tombe dans le giron
américain.
M. Lorenzi
a rappelé qu'il existe encore en
France quelques grands courtiers de qualité : Gras Savoye, actuellement
franco-britannique, avec un chiffre d'affaires annuel de près de
1,5 milliard de francs, Verspieren (600 millions de francs), BC
(500 millions de francs) et DUO (500 millions de francs). Il a
toutefois observé que les acquisitions ne se faisaient pas en fonction
de la valeur de l'entreprise mais plutôt en fonction de la part de
marché escomptée. Il a également déploré que
les courtiers perdent peu à peu leur relation capitalistique avec la
France alors qu'ils sont appelés à prendre de l'importance dans
la distribution et qu'une complicité s'établit naturellement
entre les courtiers et les assureurs.
M. Lorenzi
a regretté que
l'assurance française, qui disposait d'un capital de force et de
compétence qui ne se retrouve plus guère que chez AXA, perde peu
à peu une partie de sa substance.
En réponse à M. Alain Lambert, s'inquiétant des
alternatives à cet effet d'aspiration,
MM. Lorenzi et Aubert
ont
indiqué que de nombreuses PME-PMI traitaient encore avec de petits
courtiers ou agents, et formulé le souhait que les assureurs aient la
sagesse de réorganiser le courtage de taille moyenne, pour conserver
cette capacité d'intermédiation.
Interrogé sur les réformes à entreprendre dans le secteur
de l'assurance,
M. Lorenzi
a évoqué le nécessaire
regroupement des 6000 mutuelles du code de la mutualité. Puis, en
matière d'assurance-maladie, après avoir estimé que l'on
confondait la nature du financement et la nature des institutions
destinées à couvrir le risque santé, il s'est
montré partisan d'une concurrence entre les différents acteurs
sousmis aux mêmes règles de concurrence pour couvrir un risque
" santé " protégé réglementairement et
clairement défini. Il a émis l'idée que l'axe fiscal
pourrait constituer un levier utile à l'accélération du
processus de réorganisation nécessaire, tout en regrettant qu'il
ne soit pas actuellement possible, en France, de démutualiser.
M. Lorenzi
a conclu son propos en prédisant que la concurrence de
la bancassurance et de la grande distribution ferait évoluer le courtage
de l'intermédiation vers le conseil et la gestion de produits.
Contribution de
M. Alain TEMPELAERE
Président de la Fédération
française des sociétés d'assurance mutuelle (FFSAM)
et
de
M. Gérard OUTTERS
Délégué
général de la Réunion des Organismes d'Assurance Mutuelle
(ROAM)
Jeudi 1er octobre 1998
M.
Alain Tempelaere
a tout d'abord indiqué que la
Fédération française des sociétés
d'assurance mutuelle regroupait toutes les sociétés d'assurance
mutuelle, avec ou sans intermédiaire, à l'exception des
entreprises du Groupement des Entreprises Mutuelles d'Assurance (GEMA). Le
chiffre d'affaires des 120 entreprises de la Fédération
s'élève à 500 milliards de francs, ce qui
représente approximativement la moitié de l'assurance
française.
M. Alain Tempelaere
s'est donc étonné de
ne pas voir la position de la Fédération figurer dans le
pré-rapport du Commissariat Général au Plan sur la
situation et les perspectives de l'assurance française.
Il a, à cet égard, contesté l'affirmation selon laquelle
les sociétés d'assurance mutuelle n'échapperaient pas
à un phénomène de forte concentration. Il a cité en
exemple les Etats-Unis
*(
*
)
. Il a
également fait observer qu'en France, les petites mutuelles ne sont pas
celles qui se portent le plus mal.
M. Alain Tempelaere
a ensuite déploré l'amalgame
établi par le pré-rapport entre les 6.000 mutuelles relevant
du code de la mutualité et les 120 entreprises, qu'il
représente, et qui relèvent du code des assurances. Il a
rappelé que les mutuelles du code de la mutualité sont sous la
tutelle du ministère des affaires sociales et bénéficient
d'un traitement fiscal privilégié : elles ne paient pas
d'impôts sur les bénéfices ni la taxe de 7 %, ne sont
pas assujetties à l'impôt de solidarité dit "ORGANIC" et
n'ont pas à acquitter de droits d'enregistrement. Il a estimé que
cela constituait une grave distorsion des conditions de concurrence.
Pour
M. Alain Tempelaere
, le système mutuel français a
fait la preuve de sa fiabilité. La moitié des
sociétés ont été créées il y a plus
de 100 ans et un tiers a plus de 150 ans d'existence. Dans ces
conditions, la nécessité d'une réforme complète du
système préconisé par le pré-rapport lui
apparaît fortement contestable.
M. Alain Tempelaere
a ensuite précisé que le droit
d'interpellation du sociétaire, également préconisé
par le pré-rapport, existait déjà au sein des entreprises
de la Fédération, de même que l'indépendance des
administrateurs. En effet, ceux-ci bénéficient, de facto, d'une
large indépendance et ne quittent généralement leurs
fonctions que lorsqu'ils atteignent la limite d'âge. La fixation de la
liste des administrateurs se fait généralement par cooptation
comme dans les sociétés anonymes. Les
délégués sociétaires ainsi désignés
sont élus par les sociétaires et élisent ensuite les
membres du conseil d'administration. Il a déploré la
difficulté de la faible participation des sociétaires aux
élections, faisant observer que, dans un exemple
*(
*
)
, sur 700.000 contrats, le premier tour pour
l'élection des délégués sociétaires ne
mobilisait que 1 à 2 % des sociétaires. Selon lui, cette
désaffection n'est pas un phénomène spécifiquement
français, puisqu'au Japon on observe un taux de participation pour les
plus grandes sociétés du marché, de l'ordre de 3 %.
Par ailleurs, l'envoi de demandes de candidatures par lettre recommandée
et l'information du résultat du vote aux sociétaires
également par lettre recommandée, impliqueraient un surcoût
estimé à 10 % des frais généraux des entreprises
mutuelles.
M. Alain Tempelaere
a ensuite abordé la question de la
démutualisation. En France, la démutualisation est rendue
impossible par la loi qui interdit la distribution de l'actif net d'une
société mutuelle à une entreprise qui ne serait pas de
même nature. Selon lui, ce système que les Anglais nous envient
doit absolument être préservé.
Certes, la démutualisation présente plusieurs avantages :
ouverture du financement, possibilité de restructuration de l'entreprise
et possibilité pour les dirigeants d'avoir des stock options. Ce dernier
élément aurait joué un rôle tout à fait
décisif dans la démutualisation au Royaume-Uni. C'est pourquoi
selon
M. Alain Tempelaere
, ceux qui ont le pouvoir de
démutualiser ne devraient jamais avoir la possibilité de
souscrire des stock options. Les sociétaires britanniques des
sociétés d'assurance démutualisées ont
touché beaucoup d'argent. Maintenant les pouvoirs publics britanniques
ne veulent plus démutualiser et souhaitent mettre en place des verrous
législatifs calqués sur le modèle français.
A contrario, l'avantage de la forme mutuelle est de mettre à l'abri les
structures qu'elle recouvre, de toute tentative d'offre publique d'achat. Cette
situation présente le grand avantage d'éviter que ces
sociétés ne tombent dans les mains d'investisseurs
étrangers, contrairement à ce qui s'est passé pour nombre
de sociétés anonymes françaises. A cet égard,
M.
Alain Tempelaere
a souligné l'importance des mutuelles d'assurance
dans le maintien des centres de décision financiers en France.
M. Gérard Outters
a
souligné l'attrait que peut
représenter, pour les sociétaires, la vente d'un bien collectif
ayant pris de la valeur. En Grande-Bretagne, tous les ans les mutuelles doivent
convaincre leurs sociétaires de ne pas voter la démutualisation.
Or, il serait regrettable, à l'heure où nos voisins s'efforcent
de mettre en place un système similaire au nôtre, de permettre de
procéder à une démutualisation.
M. Alain Tempelaere
a précisé qu'en Grande-Bretagne le
secteur mutualiste représentait 35 % du marché de
l'assurance-vie. En France, sur l'ensemble des risques, cette proportion est
passée d'environ 36 % à 50 % en l'espace de quelques
années, car bon nombre des sociétés anonymes ont
été rachetées par des mutuelles.
M. Alain Tempelaere
a ensuite abordé le sujet de l'application
aux mutuelles des règles de bonne gouvernance
*(
*
)
. Depuis 25 ans qu'il dirige sa
société, il a vu se multiplier les contrôles de toutes
sortes tant de la part des sociétaires que des différentes
administrations. A cet égard, il a rappelé que les
contrôles sont les mêmes que pour les sociétés
anonymes d'assurances. Les différences se situent à un autre
niveau : pas de capital, pas de dividende à verser, pas de risque
d'OPA, des possibilités de financement et de restructuration moindres.
La dérive autocratique citée dans le rapport n'est pas du tout
ressentie au niveau des sociétés d'assurance mutuelle du code des
assurances.
M. Alain Tempelaere
a également évoqué le
problème du risque d'OPA "internes". En effet, si les salariés en
tant que tels sont exclus des assemblées générales, en
revanche, les agents généraux, peuvent y participer et tenter d'y
prendre le pouvoir. Selon lui, c'est une anomalie. Le système actuel
donne à chaque homme une voix et permet au plus petit contrat de
participer à une assemblée générale. Il n'est pas
normal que des agents généraux exclusifs, qui sont des
mandataires, puissent devenir les mandants des futurs mandataires. Selon lui,
une entreprise devient vulnérable si le réseau de distribution
peut investir le conseil d'administration.
M. Alain Tempelaere
a réitéré son souhait de voir
les mutuelles d'assurance rester le noyau dur de l'assurance française
et souligné le danger que représenterait pour l'économie
française le fait que les sociétés d'assurance mutuelle
puissent passer sous le contrôle de capitaux étrangers. Il est en
effet impossible de maîtriser une situation lorsque le pouvoir de
décision se situe à l'étranger, même si cela reste
dans les limites de l'Europe. Dans les sociétés d'assurance
mutuelle, l'assureur est l'assuré. Il n'y a pas de conflit
d'intérêt.
M. Gérard Outters
a fait remarquer que l'on pouvait observer,
particulièrement en Amérique latine, un regain de
l'activité mutualiste du fait du désengagement de l'Etat dans des
secteurs d'intérêt collectif. Il serait dommage de porter un coup
à la mutualité française au moment où celle-ci est
citée en exemple à travers le monde entier.
Pour conclure,
M. Alain Tempelaere
a déclaré que le
principal reproche qu'il faisait au pré-rapport du Commissariat
Général au Plan était le regrettable amalgame fait entre
les sociétés d'assurance relevant du code de la mutualité
et celles relevant du code de l'assurance, ces dernières n'étant
très généralement pas concernées par les critiques
formulées. Il a enfin demandé une égalisation des
conditions de concurrence, notamment fiscales, avec les mutuelles du code de la
mutualité.
1
M. Henri Collard a participé aux
travaux jusqu'au 1
er
octobre 1998, date de l'achèvement de
son mandat de sénateur.
2
Il est symptomatique de constater à cet égard qu'il
n'existe pas de définition légale de l'assurance dans le code des
assurances.
3
Voir en annexe (tome II) de ce rapport l'avis n° 98-A-03
du Conseil de la concurrence du 24 février 1998 relatif à une
demande d'avis de la Commission des finances du Sénat concernant la
situation de la concurrence dans le secteur de l'assurance.
4
Voir en annexe (tome II) le rapport sur la situation et les
perspectives de l'assurance française, Commissariat
Général du Plan, août 1998.
5
Op. cité, page 59.
6
Les principes mutualistes sont :
- la propriété collective des fonds propres de l'entreprise, sans
affectation individuelle due à des titres représentatifs ;
- la participation des assurés-assureurs (les sociétaires) aux
orientations de l'entreprise, participation fondée sur le principe
démocratique : un homme, une voix ;
- la nature non lucrative de l'activité qui se traduit par le refus de
l'appropriation individuelle des excédents.
7
Directives 73/239/CEE et 79/267/CEE, modifiées par
les directives 92/49 et 92/96.
8
Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France
9
Mutuelle assurance des instituteurs de France
10
Mutuelle assurance artisanale de France
11
La protection sociale complémentaire peut être
définie comme la couverture des risques sociaux liés à la
personne (maladie, maternité, incapacité, invalidité,
dépendance, décès) s'ajoutant à celle
organisée par le régime de base obligatoire de
sécurité sociale.
12
Montant des placements figurant au bilan des
sociétés d'assurances, évalués à leur prix
d'achat ou de revient, diminué, le cas échéant, des
amortissements et dépréciations.
13
Dont 11 % pour La Poste.
14
Op. cité page 34.
15
Mutuelle assurance des commerçants et industriels de
France.
16
Perspectives sectorielles 1995-2001 sur le secteur des
assurances, Les prévisions glissantes détaillées du BIPE,
Edition 1996.
17
Op. cité, page 31.
18
Pour plus de détails sur la genèse de ces
institutions et leur statut, voir en avant-propos.
19
A l'exception des risques " vieillesse "
gérés en répartition.
20
Op. cité page 52.
21
Op. cité, page 68.
22
Op. cité page 149 et suivantes.
23
Voir article d'Olivier Piot, " Les restructurations dans
l'assurance bousculent les agents généraux " Le Monde du
mercredi 9 septembre 1998.
24
Directive " non vie " 92/49 du 18 juin 1992 et
directive " vie " 92/96 du 10 novembre 1992, dont les dispositions
devaient être transposées avant le 31 décembre 1993,
transposées pour les entreprises du code des assurances par la loi
n° 93-1944 du 31 décembre 1993.
25
La loi du 8 août 1994 relative à la protection
sociale des salariés, et, plus récemment, les décrets des
2 avril et 9 septembre 1996, ont transposé les dispositions des
directives européennes d'assurance dans le code de la
Sécurité sociale dont relèvent les institutions de
prévoyance.
26
Lettre de mise en demeure de M. Mario Monti au ministre
français des affaires étrangères du 31 janvier 1996 ;
avis motivé de la Commission du 5 mars 1997 ; saisine de la CJCE le
8 mai 1998.
27
L'article R. 433-10 du code des assurances, qui habilitait
la CNP à utiliser les services des administrations du Trésor et
des Postes pour la présentation de ses contrats et l'exécution de
ses opérations a été abrogé par la loi
n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché
unique européen de la législation applicable en matière
d'assurance et de crédit.
28
En vertu de l'article 21 de la loi n° 90-568 du 2
juillet 1990 relative à l'organisation du service public de la poste et
des télécommunications codifié à l'article 1635
sexies
du code général des impôts, les bases
d'imposition de La Poste à la taxe professionnelle et aux taxes
foncières font l'objet d'un abattement de 85 % de leur montant.
29
Fédération française des
sociétés d'assurance (FFSA), Groupama, BIPAR,
Fédération nationale des agents généraux
d'assurance (FNSAGA).
30
Op. cité page 40.
31
La gestion du régime facultatif de retraite
complémentaire des exploitants agricoles avait été
confié, par un décret du 26 novembre 1990, à la seule
Caisse nationale d'assurance vieillesse mutuelle agricole (CNAVMA).
32
Estimation au passif de l'entreprise d'assurances, grâce
à des tables de mortalité et un taux d'intérêt, de
la différence actualisée entre les engagements de l'entreprise et
les engagements de l'assuré.
33
Les contrats individuels d'assurance vie ne supportent plus de
taxe sur les conventions d'assurance depuis le 1
er
juillet 1990.
34
Tableau extrait de " La fiscalité de
l'assurance ", contribution de Jean-Pascal Beaufret à
l'Encyclopédie de l'assurance
, Economica, 1998, page 314, sous la
direction de J-H. Lorenzi et F. Ewald.
35
Op. cité, page 313.
36
Directive n° 64/225/CEE du Conseil, du 25
février 1964, visant à supprimer en matière de
réassurance et de rétrocession les restrictions à la
liberté d'établissement et à la libre prestation des
services (J.O., édition spéciale 1963/131 du 3 avril 1964).
37
Voir l'enquête de l'Agefi sur le courtage d'assurance en
France, juin-octobre 1998
38
Voir chapitre I, II, C.
39
Cette taxe, créée par la loi de finances pour 1996,
est égale à 0,35 % de la valeur ajoutée des entreprises de
plus de 50 millions de francs de chiffre d'affaires dont la cotisation de taxe
professionnelle est inférieure à ce montant.
40
Avis n° 96-A-12 du Conseil de la concurrence
demandé par la Commission des finances du Sénat à
l'occasion du rapport d'information n° 52 sur la situation et les
perspectives du système bancaire français, " Banques, votre
santé nous intéresse ", octobre 1996.
41
Elles l'ont été dans le code des assurances et dans
le code de la Sécurité sociale par les lois
n
os
93-1944 du 31 décembre 1993 et 94-5 du 4 janvier
1994 respectivement.
42
Cf. délibérations de la Fédération
nationale de la mutualité française lors de son congrès de
Lille en 1996.
43
Etude de certaines difficultés soulevées par
l'application aux mutuelles régies par le code de la mutualité de
plusieurs dispositions des directives européennes concernant les
assurances, mai 1994.
44
On estime en effet que plus des trois quarts des groupements
mutualistes ont perçu un montant de cotisations inférieur
à chacun des deux seuils fixés par les directives. L'application
des dispositions des directives à ces petites mutuelles leur imposerait
des contraintes que beaucoup auraient du mal à respecter, notamment la
constitution d'un fonds de garantie.
45
Dans sa rédaction actuelle, le code de la mutualité
interdit aux mutuelles de procéder à des rappels de cotisations.
Elles peuvent seulement modifier pour l'avenir le taux des cotisations et des
prestations.
46
Auditionné par le groupe de travail le 25 mars 1998,
M. Jean-Pierre DAVANT déclarait :
" Il faut
rappeler que la Mutualité française n'a jamais prétendu
s'opposer à la démarche prudentielle voulue par les directives
d'assurance ".
47
La Fédération nationale
interprofessionnelle de la mutualité regroupe 100 mutuelles
d'entreprises qui couvrent 2,5 millions de personnes.
48
Voir " La fiscalité de l'assurance " in
Encyclopédie de l'assurance
, ouvrage cité, page 335.
49
Op. cité page 421.
50
qui seraient en l'espèce, vraisemblablement des Unions
d'économie sociale (UES).
51
Op. cité page 40.
52
Rapport d'information n° 42 présenté par
M. Gérard Larcher au nom de la Commission des Affaires
économiques et du Plan : " Sauver La Poste : devoir
politique, impératif économique ", octobre 1997.
53
Op. cité page 138.
54
Op. cité page 20.
55
Les décrets d'application de la loi du 25 mars 1997
créant les plans d'épargne retraite pour les salariés du
secteur privé n'ont jamais été publiés.
56
Les versements des adhérents sont déductibles de
l'impôt sur le revenu à hauteur de 19 % de huit fois le
plafond de la sécurité sociale.
57
Op. cité page 423.
58
M. Henri Collard a participé aux travaux jusqu'au
1
er
octobre, date de l'achèvement de son mandat de
sénateur.
*
La NAMIC (National Association for Mutual Insurance Company)
regroupe 1300 mutuelles d'assurance dont 1 000 réalisent un chiffre
d'affaires inférieur à 50 millions de francs.
*
Le taux de participation est très variable selon les
sociétés. Certaines arrivent à des taux de participation
élevés (exemples : MACSF : 23 %, le SOU MEDICAL : 25 %)
*
Corporate Governance selon la terminologie
anglo-saxonne.