C. DES RESTRICTIONS DE CONCURRENCE : LE CAS DE CERTAINS RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES
L'arrêt Poucet et Pistre du 17 février 1993 par
lequel
la Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a
jugé que les organismes chargés de la gestion des régimes
légaux de sécurité sociale n'appartenaient pas au secteur
des assurances et n'étaient pas soumis aux règles de la
concurrence n'empêche pas que les mutuelles du code de la
mutualité soient soumises aux règles de la concurrence pour
toutes leurs activités d'assurance qui ne sont pas liées à
la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale. En
effet, les systèmes de prévoyance qu'elles proposent
interviennent en complément des régimes légaux et n'ont
pas de caractère obligatoire.
Par suite, une activité de gestion d'un système de retraite
complémentaire facultative fonctionnant en tout ou partie par
capitalisation constitue, au sens de la jurisprudence communautaire, une
activité concurrentielle à laquelle s'appliquent, en cas d'octroi
de droits exclusifs à une entreprise pour l'exercice de cette
activité, les dispositions de l'article 90 du Traité de Rome.
Ce dernier dispose que :
" les Etats membres, en ce qui concerne
les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des
droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent
aucune mesure contraire aux règles du présent traité,
notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94
inclus. "
Ainsi, après la CJCE (arrêt FFSA et autres du 16 novembre 1995,
affaire C. 244/94), le Conseil d'Etat a jugé, par un arrêt du 8
novembre 1996, que l'exclusion ou la restriction de concurrence sur le
marché des produits de retraite complémentaire des
exploitants
agricoles
31(
*
)
n'était
pas justifié par l'accomplissement de la mission particulière
impartie à la Mutualité sociale agricole. Peu après, la
loi du 18 novembre 1997 a ouvert la gestion du régime facultatif de
retraite complémentaire des exploitants agricoles à la
concurrence.
Néanmoins, il faut noter la subsistance d'un certain nombre de droits
exclusifs dans la gestion de régimes de retraite complémentaire.
Ainsi, en raison de l'avantage fiscal dont ils bénéficient
(notamment la déductibilité du revenu imposable des cotisations
versées),
la Caisse nationale de prévoyance de la fonction
publique
(PREFON), le
Comité de gestion des oeuvres sociales des
établissements d'hospitalisation
(CGOS) et
l'Union nationale des
mutuelles de retraite des instituteurs et des fonctionnaires de
l'éducation nationale et de la fonction publique
(UNMIFEN-FP)
demeurent les gestionnaires exclusifs des systèmes de retraite
complémentaires des assurés dont ils ont la charge.
Or, comme l'écrit le Conseil de la concurrence :
"
Ces dispositifs
de retraite complémentaire facultative
fonctionnant entièrement ou partiellement par capitalisation, ne
relèvent pas du champ de la protection sociale, mais
sont des
produits d'assurance assortis d'un avantage fiscal qui
place les
organismes auxquels est réservée, en droit ou en fait, la
distribution de cet avantage dans une situation plus favorable que les
opérateurs proposant d'autres produits d'épargne retraite, sans
que ces restrictions de concurrence soient nécessairement
justifiées par la mission particulière confiée à
ces organismes
. Même si ces derniers se voient imposer certaines
contraintes liées à la finalité sociale
alléguée de ces régimes de retraite, il n'est pas certain
que ces contraintes impliquent nécessairement une absence de
rentabilité économique, alors, par ailleurs, que l'existence de
l'avantage fiscal facilite la commercialisation du produit
.
"
La question de la justification des restrictions de concurrence pourrait
également se poser à propos des
rentes des anciens
combattants
dont la constitution est réservée aux groupements
mutualistes (article L.321-9 du code de la mutualité), alors que
ces produits d'épargne retraite complémentaire facultative par
capitalisation ouvrent droit à plusieurs avantages consentis par
l'Etat : une majoration de la rente et son non-assujettissement à
l'impôt sur le revenu (article 81-12 du code général
des impôts), ainsi que la déductibilité du revenu imposable
des cotisations versées. Dans ce cas, l'exclusivité n'est pas
accordée par les pouvoirs publics à une entreprise, mais à
une catégorie déterminée d'opérateurs.
Il convient par conséquent de s'interroger sur la
légitimité du maintien de ces avantages fiscaux.