II. L'ENVIRONNEMENT FISCAL ET RÉGLEMENTAIRE FRANÇAIS EST HANDICAPANT
A. UN ENVIRONNEMENT FISCAL PÉNALISANT
1. Certaines particularités fiscales sont handicapantes
Certaines spécificités fiscales françaises
constituent un handicap dans la concurrence opposant les opérateurs
établis en France à leurs concurrents étrangers.
Il en est ainsi par exemple de la
taxe sur les salaires
qui n'existe pas
dans les autres Etats membres. Assise sur la masse salariale dont elle peut
représenter jusqu'à 13,60 % du montant total, cette taxe
entraîne un prélèvement d'en moyenne 6 % du chiffre
d'affaires des compagnies d'assurance. Les sociétés d'assurance
ont acquitté 2,5 milliards de francs à ce titre en 1995 soit
environ 10 % des rémunérations versées.
S'appliquant également aux courtiers, dont la part des salaires avoisine
70 %, elle constitue un handicap sérieux dans la concurrence qui
les oppose aux opérateurs étrangers non établis en France
sur le marché de la couverture des grands risques.
A l'instar de la précédente, la
contribution spéciale
des institutions financières
est une spécificité
française qui a coûté 800 millions de francs aux
sociétés françaises d'assurance en 1996. Elle n'est pas
déductible de l'impôt sur les sociétés.
D'autres impôts particuliers pèsent sur les sociétés
d'assurance comme la
taxe sur les excédents de provisions
en
assurances de dommages depuis 1983 (article 235
ter
du CGI). Lorsqu'elle
constate que la provision constituée est supérieure au sinistre
effectivement enregistré, l'entreprise rapporte à son
résultat courant l'excédent ainsi réalisé. Mais
elle calcule l'impôt sur les sociétés qui aurait
été dû au titre de l'exercice pendant lequel la provision a
été déduite et applique à l'excédent
d'impôt un taux de 0,75 % par mois depuis la fin de l'exercice de la
constitution de la provision initiale. Le différé d'impôt
sur les sociétés, en trésorerie, est ainsi couvert par une
pénalisation significative, compte tenu des taux d'intérêt
actuariels.
Cette taxe rapporte 100 millions de francs par an.
2. Certaines provisions obligatoires ne sont pas déductibles
L'activité d'assurance repose sur la mise en
réserve,
dès le versement de la prime, des coûts futurs de sinistres ou de
remboursement de capitaux, auxquels l'entreprise s'expose pour le compte des
assurés pendant toute la période du contrat. La constitution de
provisions adéquates, en assurance de dommages comme en assurance vie,
constitue une des conditions de la qualité et de la
crédibilité du service rendu dans le temps. La
réglementation prévoit ainsi que les entreprises d'assurance
" doivent constituer, dès la souscription , les provisions
mathématiques ou techniques correspondant à la couverture de tous
les risques ou obligations du contrat ".
Ces obligations faites aux entreprises d'assurance ne doivent toutefois pas les
conduire à déduire ou anticiper des charges sur un exercice dans
un but d'optimisation fiscale. L'administration fiscale interprète
à cet égard de façon relativement stricte l'article 39-1-5
du code général des impôts qui prévoit que
" sont déductibles les provisions constituées en vue
de faire face à des pertes ou charges nettement précisées
et que des événements en cours rendent probables à
condition qu'elles aient été effectivement constatées dans
les écritures de l'exercice ".
Elle reconnaît ainsi la déductibilité des provisions
mathématiques
32(
*
)
dès lors que les méthodes de calcul du code des assurances sont
bien respectées.
Parfois, c'est la loi fiscale elle-même qui fixe les pratiques comptables
et de gestion ou qui détermine des règles forfaitaires ou des
méthodes relatives à la déduction de provisions
spécifiques (risques dus à des éléments naturels,
risque atomique, risques de responsabilité civile résultant de la
pollution...).
Toutefois, dans un certain nombre de cas, il peut exister des divergences
d'interprétation entre les règles prudentielles tirées des
directives européennes et mises en pratique par les entreprises et le
droit fiscal. Les entreprises sont alors exposées à des
redressements lorsque l'administration ne reconnaît pas des
méthodes de provisionnement nouvelles ou afférentes à de
nouveaux risques.
Ainsi, un certain nombre de provisions jugées indispensables par les
assureurs pour une gestion prudente et constituées conformément
aux règles déterminées par les autorités
prudentielles ne sont pas acceptées par l'administration fiscale en
franchise d'impôts. C'est notamment le cas de :
- la provision de gestion qui vise à couvrir l'ensemble des charges
de gestion lorsque les frais de gestion versés par l'assuré sont
insuffisants : en dépit du fait qu'il s'agisse d'une provision pour
perte probable, estimée de manière détaillée et
réajustée avec les paramètres du portefeuille de contrats,
l'administration conteste sa déductibilité.
- la provision pour aléas financiers, instituée en 1984 pour
couvrir des risques de baisse de rendement de l'actif par rapport à des
engagements garantis à un taux minimum vis-à-vis de
l'assuré : cette provision a été contestée par
l'administration fiscale malgré le caractère réglementaire
de son calcul ; depuis le 1
er
juillet 1993, elle a
été réformée sans pour autant que sa
déductibilité soit établie de façon certaine.
- le provisionnement des risques souscrits au titre de l'assurance
construction, établi à partir de 1983 de manière
forfaitaire, par référence au montant des primes perçues
pendant les trois premières années puis, en pourcentage de la
prime pendant les dix années suivantes. La modification en 1995 de ces
règles contestées par l'administration ne lui a toujours pas
donné satisfaction.
3. La fiscalité pesant sur les contrats d'assurance est très élevée
Les
opérations d'assurance supportent une taxe spécifique, la taxe
sur les conventions d'assurance. A l'exception des contrats d'assurance sur la
vie
33(
*
)
, des indemnités
de fin de carrière et de plusieurs autres garanties dans le domaine des
transports, de l'agriculture et des exportations, la taxe concerne tous les
versements de l'assuré à l'assureur pour des risques
situés en France.
Elle est calculée à des taux différents selon les types de
garantie et d'activité des assurés. Ainsi, l'assurance automobile
est taxée à 18 % dans sa composante de responsabilité
civile obligatoire comme pour la couverture des dommages ; l'assurance
incendie pour les particuliers est taxée à 30 % tandis que
les autres parties d'un contrat multirisque de l'habitation le sont à
9 %, taux de droit commun. Les biens professionnels des industriels,
commerçants et artisans relèvent quant à eux d'un taux de
7 %, de même que les pertes d'exploitation des entreprises.
Les sommes encaissées au titre des
taxes sur les conventions
d'assurance
représentaient
26,1 milliards de francs en 1996
,
soit, en moyenne, 13 % des cotisations d'assurance dommages
encaissées. Le montant de cette recette pour 1999 est estimé
à 26,5 milliards de francs.
Une parafiscalité variée
A la
taxe sur les conventions d'assurance s'ajoute une parafiscalité
variée, représentant 6 milliards de francs pour la seule
contribution à l'ACOSS sur les primes d'assurance automobile et
près de 3 milliards de francs pour les autres
prélèvements (cf. tableau n° 1 ci-dessous). On
dénombre sept catégories de prélèvements,
généraux ou particuliers, sur des contrats d'assurance de
dommages, à des fins de mutualisation nationale, sectorielle ou
professionnelle de risques importants ou de coûts collectifs :
L'assurance maladie
: la partie des primes relative à
l'assurance obligatoire de responsabilité civile, en matière
automobile, donne lieu, depuis 1967, à un prélèvement au
profit du régime général d'assurance maladie de la
sécurité sociale (versement à l'agence centrale des
organismes de sécurité sociale -ACOSS), dont le taux est
passé de 3 % à 15 % depuis sa création et dont
le produit global dépasse le montant des coûts supportés
par l'assurance maladie du fait des accidents automobiles : la couverture
obligatoire de la responsabilité fournit une assiette au financement de
la sécurité sociale.
L'indemnisation des dommages corporels et matériels des
victimes d'accidents de chasse et d'accidents de la circulation causés
par un inconnu, un non-assuré ou un insolvable :
alors même
que l'obligation d'assurance n'existait pas encore, le progrès qu'a
constitué, pour les victimes, la création, en 1951, d'un fonds de
garantie contre les accidents de circulation et de chasse, en cas d'accident
causé par un auteur inconnu, non assuré ou insolvable, est
financé par plusieurs types de ressources, dont une contribution des
entreprises d'assurances, à hauteur de 10 % des dépenses du
fonds, dont une taxe de 0,10 F par personne garantie pour les chasseurs,
mais aussi par une taxe additionnelle de 0,1 %, assise sur la partie
responsabilité civile des contrats automobile. Cette taxe a
été récemment réduite de 1,9 % à
0,1 %, soit un niveau symbolique compte tenu des provisions acquises par
le fonds, qui dispose de la personnalité et se comporte comme un
assureur. De tels mécanismes existent aussi à l'étranger.
Le champ de l'indemnisation des accidents automobile a été
très sensiblement accru en France, par la loi du 5 juillet 1985,
dite "loi Badinter".
L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres
infractions
: l'indemnisation des victimes du terrorisme, mais aussi de
toute infraction pénale non indemnisée à un autre titre,
est financée par une contribution obligatoire sur les contrats
d'assurance de biens, dont le montant est passé de 1 F en 1991 à
15 F en 1996. Le fonds reçoit ainsi environ 0,9 milliards de francs
de la part des assurés.
Le fonds de prévention des risques majeurs naturels
,
institué en 1995 (article L. 431-14 du Code des assurances) pour
l'expropriation et la sauvegarde des populations habitant des zones à
risques : le fonds, qui est géré par la caisse centrale de
réassurance (CCR), dispose d'un prélèvement, à la
charge des entreprises d'assurance, de 2,5 % sur les cotisations
additionnelles finançant les catastrophes naturelles.
Le fonds national de garantie
des calamités
agricoles
, normalement inassurables, est couvert par des contributions
calculées aux taux de 5 %, 7 % ou 15 % sur les contrats
d'assurance de dommages en agriculture (dommages aux cultures, aux
récoles, aux bâtiments et au cheptel ainsi que sur les
véhicules utilitaires agricoles), qui s'ajoutent aux dotations de
l'Etat, versées à la CCR.
En matière d'
assurance construction
, a été
mis au point un mécanisme destiné à prendre en charge les
sinistres des chantiers antérieurs à 1983, date de l'institution
d'une assurance par capitalisation pour les chantiers futurs : les primes
d'assurance des entreprises et des maîtres d'ouvrage (dommages à
la construction et responsabilité décennale) supportent une
contribution de 8,5 % (artisans) ou 25,5 % (autres assurés)
pour équilibrer les sinistres des travaux passés ; en outre une
contribution additionnelle de 0,4 % du chiffre d'affaires des
opérateurs du bâtiment a été recouvrée par
les entreprises d'assurances, garantissant la responsabilité
décennale de leurs clients, pour la période 1991-1996 (art. A 1
635
bis
AB et AC du Code général des impôts). Dans
un tel cas, les entreprises d'assurances, considérées par
l'administration fiscale comme solidairement responsables du paiement des
taxes, avaient un rôle de pur recouvrement d'un impôt dont elles ne
maîtrisaient pas l'assiette. Cette contribution additionnelle de
0,4 % n'a pas été prorogée en 1997.
Le fonds commun des accidents du travail agricole
est
alimenté, d'une part, par une contribution des exploitants (65 %)
sur les cotisations d'assurances légales d'accident du travail agricole
et, d'autre part, par une contribution des membres non salariés des
professions agricoles (exploitants et leurs familles), perçue sur les
cotisations d'assurance obligatoire acquittées au titre des contrats
d'assurance contre les accidents de la vie privée, les accidents du
travail et les maladies professionnelles. Le taux a été
porté de 3,5 % à 7 %, à compter du
1
er
janvier 1996, puis à 10 % à compter du
1
er
janvier 1997.
Si l'on ajoute à cette somme le montant des recettes encaissées
au titre des diverses mesures parafiscales recensées dans
l'encadré ci-dessus, le total de
prélèvements pesant
sur l'assurance de dommages
s'élève à
35,8 milliards de francs en 1996
, hors prélèvements
indirects. Cela représente 18 % des 198 milliards de francs de
primes d'assurance de dommages collectées en 1996.
Cette charge est supportée en réalité de manière
indistincte par les entreprises d'assurances et par les assurés. Elle
n'est pas spécifique à la France mais reste la plus
élevée d'Europe comme le montre le tableau
ci-après
34(
*
)
, constituant
à cet égard un frein à la couverture des risques
localisés en France.
Fiscalité et parafiscalité comparées
dans
les principaux pays de l'Union européenne en 1996
Chiffres en % ou en unités monétaires nationales T = taxes P =
parafiscalité
Risques assurés |
Incendie
|
Santé |
Automobile |
Transport |
||||||
Type d'impôt |
|
|
|
|
RC |
Dommages |
|
|||
|
T |
P |
T |
P |
T |
P |
T |
P |
T |
P |
Allemagne 8 |
10,00 |
8,00 |
0,00 |
0,00 |
15,00 |
0,00 |
15,00 |
0,00 |
15,00 |
0,00 |
Belgique |
9,25 |
6,50 |
9,25 |
10,00 |
9,25 |
17,75 |
9,25 |
17,50 |
9,25 |
0,00 |
Espagne 7 |
0,00 |
5,50 |
0,00 |
0,50 |
0,00 |
3,50 |
0,00 |
0,50 |
0,00 |
0,50 |
Italie 6 |
21,25 |
0,10 |
2,50 |
0,00 |
12,50 |
8,10 |
12,50 |
8,10 |
7,50 |
0,00 |
Pays-Bas |
7,00 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
7,00 |
0,00 |
7,00 |
0,00 |
7,00 |
0,00 |
Royaume-Uni 5 |
2,50 |
35 GBP |
2,50 |
0,00 |
2,50 |
0,00 |
2,50 |
0,00 |
0,00 |
0,00 |
France 4 |
7-30 1 2 |
15 F |
7,00 3 |
0,00 |
18,00 |
15,50 |
18,00 2 |
15 F |
0,00 |
15 F |
1. Tarif
normal de 30 % : pour les risques professionnels et les pertes
d'exportation : 7 %.
2. La loi du 02 février 1995 a institué, en outre, un
prélèvement de 2,50 % assis sur les primes ou cotisations
additionnelles relatives à la garantie " catastrophes
naturelles " au profit du fonds de prévention et risques majeurs.
3. Le taux réduit de 7 % (au lieu de 9 %) s'applique
uniquement lorsque la garantie prévoit le versement d'indemnités
ou le remboursement de frais qui, par nature, entrent dans le champ
d'application de la sécurité sociale.
4. L'assurance construction (RC, dommages) supporte des taxes de 9 % et
une parafiscalité variable de 8,50 % à 25,50 % à
laquelle s'ajoute une contribution de 0,40 % sur le chiffre d'affaires
réalisé en France par les assujettis pour la période du
01 janvier 1991 au 31 décembre 1996. Dans les autres
pays, le taux de droit commun de taxe s'applique généralement
(Allemagne : 15 ; Belgique : 9,25 ; Espagne :
0,50 ; Royaume-Uni : 2,50 puis 4,0 ; Italie :
21,25 ; Pays-Bas : 7).
5. 4 % au lieu de 2,50 % à partir du
1
er
avril 1997.
6. Une parafiscalité additionnelle de 0,10 % s'applique sur les
cotisations des contrats contre les risques incendie, RC
générale, auto " risques divers " et vol, pour
alimenter un fonds de solidarité pour les victimes d'extorsion.
7. Des taxes parafiscales additionnelles s'appliquent avec des taux variables,
faibles ou des montants fixés aux assurances de dommages aux biens
automobile, assurances de personnes et sont destinées au fonds pour
l'assurance des risques extraordinaires.
8. Par ailleurs, la taxe sur l'assurance multirisque habitation des
particuliers est fixée à 14 % à laquelle s'ajoute une
parafiscalité de 2 %.
Source : Encyclopédie de l'assurance, Jean-Pascal Beaufret, La
fiscalité de l'assurance
Ce tableau montre clairement que la France est le pays qui taxe le plus
lourdement les contrats d'assurance, devant l'Allemagne, l'Italie, la Belgique,
qui la suivent d'assez près, et loin devant la Grande-Bretagne, dont le
niveau de fiscalité contribue probablement au développement de
son marché de l'assurance. Ainsi, le véhicule assuré en
France paiera 335 F pour 1 000 F de cotisation obligatoire de
responsabilité civile contre 25 F au Royaume-Uni, 35 F en
Espagne, 150 F en Allemagne et 206 F en Italie.
Or, comme le fait très opportunément remarquer le Commissariat
Général du Plan, la charge fiscale globale qui pèse sur
les produits d'assurance est un élément du prix de revient qui
peut exercer un effet de détournement du flux de demande adressée
aux produits français, dans le cadre de la libre prestation de services.
En effet, bien que ce soit le lieu de localisation du risque qui emporte la
taxation, il est bien difficile en pratique de vérifier que les contrats
d'assurance passés auprès de compagnies étrangères
pour des risques théoriquement situés en France acquittent bien
les taxes françaises. En conséquence, il n'est pas exclu que le
gouvernement français se prive d'une partie de sa substance imposable en
maintenant des taux de taxation sur les contrats d'assurance qui incitent
à la délocalisation des risques.
Or, malgré un effort d'allégement de la fiscalité des
contrats d'assurances de dommages intervenu entre 1989 et 1993 dans un souci
d'harmonisation européenne et de réduction des taxes indirectes,
la fiscalité et la parafiscalité des contrats d'assurance se sont
encore alourdies récemment afin de contribuer au financement d'actions
publiques de couverture de risques collectifs. Il en résulte un "coin"
fiscal non négligeable qui n'est probablement pas sans lien avec le
tassement du marché de l'assurance dommages en France.
En effet, comme l'observe Jean-Pascal Beaufret, aujourd'hui directeur
général des impôts, "
cette situation fournit
probablement une explication partielle au niveau, relativement faible, des
primes d'assurances de dommages par habitant, en France, au regard du niveau de
richesse économique
35(
*
)
. "
4. L'instabilité du régime fiscal de l'assurance vie est source de délocalisation de l'épargne
Il est
incontestable que l'assurance vie a bénéficié
jusqu'à présent de conditions fiscales fort avantageuses. En
effet, non seulement les revenus générés par un tel
contrat étaient exonérés au bout de huit ans et le capital
transmis sans droits de succession, mais en outre le versement des primes
octroyait le droit d'en déduire un quart sur le montant même de
l'impôt sur le revenu. Un tel régime fiscal a fortement
contribué au succès de leur placement.
Toutefois, après un grignotage progressif de ces avantages (voir
encadré ci-dessous), la loi de finances pour 1998 a mis fin à
l'exonération générale dont bénéficiaient
les produits des bons de capitalisation et contrats d'assurance vie. Une telle
mesure a déstabilisé l'équilibre de ces placements au
point de tarir brutalement les flux de primes versées depuis le
début de l'année 1998.
L'article 24 du projet de loi de finances pour 1999 entaille à nouveau
le régime fiscal de faveur de l'assurance vie en remettant en cause
l'exonération de droits de mutation à titre gratuit dont
bénéficient les contrats. Il soumet en effet les sommes
reçues par chaque bénéficiaire d'une assurance vie
à raison du décès de l'assuré à un
prélèvement de 20 % sur la part des sommes excédant
un million de francs. Encore convient-il de préciser que cette mesure
est le résultat d'une amodiation considérable apportée par
l'Assemblée nationale.
En effet, initialement, le durcissement du régime était encore
plus sévère puisque le projet de loi prévoyait une
inclusion des contrats dans le patrimoine soumis à droit de mutation des
assurés décédés, lorsque la somme des valeurs de
rachat des contrats rachetables et des primes versées sur les contrats
non rachetables au jour de décès de l'assuré excède
un million de francs ou 30 % de cette somme augmentée de l'actif
net successoral et des donations de moins de dix ans. En outre, il était
prévu que cette disposition s'appliquerait aux successions ouvertes
à la suite du décès d'assurés survenus à
compter de 1999 quelle que soit la date à laquelle les contrats
d'assurance vie auraient été signés.
Modifications du régime fiscal de l'assurance vie
Régime fiscal des produits des contrats
d'assurance
vie
Depuis 1996, plusieurs dispositions sont venues écorner
l'exonération générale d'impôt dont
bénéficiaient les produits des bons de capitalisation et contrats
d'assurance vie d'une durée minimum de huit ans :
Ces produits ont tout d'abord été assujettis à la
contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) au taux de 0,5 %
lors de l'institution de cet impôt en février 1996. Echappent en
revanche à la CRDS les revenus des livrets A, des livrets
d'épargne populaire et des Codevi.
Puis, lors de la réforme de la contribution sociale
généralisée (CSG) opérée par la loi de
financement de la sécurité sociale du 27 décembre 1996,
ils ont été assujettis à cet impôt au taux de
3,4 %. Les produits attachés aux bons de capitalisation et aux
contrats d'assurance vie seront en particulier imposés en couru,
c'est-à-dire annuellement, à partir de 1997, ou lors du
dénouement pour les contrats en unités de compte. Seuls les
livrets A, les livrets d'épargne populaire et les Codevi restent
totalement exonérés.
Le prélèvement total sur les produits d'épargne-assurance,
précompté par les assureurs, atteint donc 3,9 % du total des
intérêts versés.
Cette réforme était importante puisqu'elle rendait les revenus de
l'épargne immobilisée en assurance vie sensibles à toute
augmentation de la CSG, ce qui n'allait pas tarder à se produire.
• En effet, la loi de financement de la sécurité sociale
pour 1998 a porté le taux de la CSG à 7,5 % et le total des
prélèvements sociaux à 10 %.
Enfin, la loi de finances pour 1998 a mis fin à l'exonération
des produits des contrats d'assurance vie pour les contrats souscrits à
compter du 1
er
janvier 1998 et au delà d'un plafond de
30.000 francs pour un célibataire et 60.000 francs pour un
couple marié. Les contribuables peuvent toutefois continuer à
opter pour un prélèvement libératoire au taux
spécifique de 7,5 % (hors prélèvements sociaux).
La loi a cependant prévu une exception pour les contrats dits "DSK"
placés à 50 % au moins en actions françaises.
Les réductions d'impôt sur le revenu
• Alors qu'elles permettaient précédemment une
déduction du revenu global, les primes d'assurance vie et les garanties
de rente viagère d'une durée minimale de 6 ans ont
donné droit, de 1984 à 1996, à une réduction
d'impôt, égale à 25 % de la fraction de la cotisation
représentative de l'opération d'épargne, plafonnée
à 4.000 francs plus 1.000 francs par enfant à charge.
L'avantage maximum était donc de 1.000 francs plus 250 francs
par enfant.
• La loi de finances pour 1996 a supprimé cet avantage pour les
nouveaux contrats conclu à compter du 20 septembre 1995 ainsi que pour
les primes relatives à des contrats anciens à versements libres.
Elle a maintenu la réduction d'impôt pour les contrats anciens
à primes périodiques jusqu'à la fin de ces contrats et
pour tous les contrats souscrits par des contribuables dont la cotisation
d'impôt sur le revenu et inférieure ou égale à
7.000 francs.
• La loi de finances pour 1997 a complété le dispositif en
supprimant totalement les réductions d'impôt, même pour les
souscripteurs acquittant moins de 7.000 francs d'impôt sur le
revenu. Une réduction d'impôt est, cependant, maintenue pour les
contrats de " rente-survie " et " d'épargne
handicap ", qui garantissent aux bénéficiaires infirmes le
versement d'un capital ou d'une rente viagère.
Il ne faut pas sous-estimer le risque de délocalisation de
l'épargne que ces mesures induisent. En effet, le Luxembourg vient
récemment de faire état d'un taux de croissance de son assurance
vie de 56 % dû, pour l'essentiel, au " captage " d'une
épargne limitrophe.
Or, dans l'assurance vie, les assureurs traditionnels subissent de plein fouet
la concurrence des bancassureurs. Ils ont fait face jusqu'à
présent en puisant dans leurs réserves de plus-values latentes et
grâce à des portefeuilles de contrats moins bien servis, notamment
en participation aux bénéfices. Aujourd'hui ces ressources se
sont taries. De plus, en raison de l'allongement de la durée de la vie,
il apparaît rétrospectivement que les primes de certains contrats
à taux garantis parfois élevés ont été
sous-tarifées.
Dans le contexte actuel de décrue des taux d'intérêt et de
grande volatilité des marchés financiers qui pèse sur les
résultats financiers des assureurs, tout nouveau choc de
fiscalité sur l'assurance vie pourrait donc encourager les
" fuites " de notre épargne vers l'étranger et
être source de difficultés graves pour les assureurs si des
retraits massifs devaient intervenir.
Une telle hypothèse est d'autant plus problématique qu'outre une
fiscalité pénalisante, les assureurs français sont soumis
à des règles de gestion plus restrictives que certains de leurs
compétiteurs étrangers.