PREMIÈRE PARTIE

LE CONTRÔLE FINANCIER :

UN DISPOSITIF RELATIVEMENT NOVATEUR
AU BILAN CONTRASTÉ

Au travers des auditions auxquelles il a procédé, le groupe de travail a été guidé par une double volonté : d'une part , prendre la mesure du degré de novation, par rapport à l'ancien régime dit de la "tutelle financière", du dispositif de contrôle financier institué par la loi du 2 mars 1982, afin de mieux appréhender la pertinence des critiques formulées à l'encontre du contrôle et, d'autre part , dresser un bilan, après seize années d'existence, du nouveau système de contrôle juridictionnel a posteriori.

D'emblée, deux observations peuvent être formulées :

en premier lieu, le dispositif de 1982, qui s'inscrit dans une démarche de suppression de la tutelle financière, compte, à l'évidence, des aspects novateurs comme la création, dans chaque région, d'une juridiction financière ; mais force est de constater que l'édifice bâti en 1982, dont l'architecture emprunte davantage au foisonnement du style baroque qu'à la pureté de l'art roman, comporte des points de ressemblance avec l'ancienne construction.

Entre l'ancien régime et le nouveau, il s'agit davantage d'une évolution que d'une révolution ;

en second lieu, le bilan dressé par le groupe de travail fait apparaître que si le nouveau dispositif a trouvé son équilibre, avec notamment une montée en puissance des chambres régionales des comptes, au gré des textes subséquents et successifs qui ont renforcé leurs pouvoirs, les modalités d'exercice de certaines des missions dévolues aux juridictions financières, comme l'examen de la gestion des collectivités locales, peuvent encourir des reproches.

Institutions jeunes, les chambres régionales des comptes ont certes acquis, en peu de temps, une réelle autorité ; mais elles demeurent néanmoins perfectibles.

CHAPITRE PREMIER

UN DISPOSITIF ATYPIQUE A LA
RECHERCHE DE SA MATURITÉ

I. DE LA TUTELLE AU CONTRÔLE OU LA MISE EN PLACE D'UN SYSTEME HYBRIDE

A. L'ANCIEN RÉGIME : UNE TUTELLE FINANCIÈRE BIEN TEMPÉRÉE

La tutelle financière, à laquelle la loi du 2 mars 1982 a mis fin, comportait trois aspects principaux qui emportaient des contraintes d'une portée inégale pour l'autonomie des collectivités locales proclamée par l'article 72 de la Constitution :

- l'approbation préalable des actes budgétaires et financiers des collectivités locales ;

- le contrôle tatillon des comptables publics ;

- et, la vérification des comptes des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

1. L'approbation préalable des actes budgétaires et financiers des collectivités locales

Présenté comme une atteinte insupportable au principe de l'autonomie locale par une partie de la doctrine, et de la classe politique, irritée par l'emploi même du mot de tutelle, qui renvoyait à une relation inégalitaire entre un tuteur (le préfet) et des mineurs (les collectivités locales), le régime de contrôle préalable des actes des collectivités locales, en vigueur avant 1982, était globalement admis par les élus locaux.

Ce régime, qui avait été considérablement assoupli, au point d'être presque vidé de sa rigueur, n'inquiétait plus guère les élus locaux auxquels le dialogue quotidien avec le préfet apportait un sentiment de sécurité juridique : avant la décentralisation, la décision locale était soit une co-décision avec le préfet dans le cas des actes soumis à son approbation, soit une décision négociée pour les autres catégories d'actes.

En effet, à la suite de l'intervention de la loi du 31 décembre 1970, le régime d'approbation préalable par le préfet des actes des communes avait été remplacé par un dispositif d' approbation tacite ou implicite.

Les délibérations des conseils municipaux, y compris celles relatives au budget, étaient exécutoires de plein droit, quinze jours après leur dépôt à la préfecture ou à la sous-préfecture. Ce délai de quinze jours, qui retardait la naissance juridique de l'acte, pouvait même être abrégé soit d'office par le préfet ou le sous-préfet, soit à la demande du maire.

Pendant ce délai de latence, le préfet ne devait contrôler que la légalité de l'acte, en s'interdisant toute appréciation de son opportunité.

Ne demeuraient soumises à approbation préfectorale préalable qu'un certain nombre de délibérations limitativement énumérées par la loi .

Cette liste comprenait les budgets des communes dont le compte administratif du dernier exercice fait apparaître un déficit de la section de fonctionnement ou un déficit global. Elle comportait également les délibérations portant sur les emprunts lorsqu'ils étaient souscrits par une commune dont le précédent budget avait fait apparaître un déficit ou lorsqu'ils étaient contractés auprès d'un établissement bancaire privé. En outre, figuraient sur cette liste, les délibérations par lesquelles les communes apportaient leur garantie à des emprunts contractés par des organismes autres que les établissements publics locaux, les organismes d'habitation à loyer modéré et les sociétés de crédit immobilier.

Enfin, échappaient au droit commun de l'approbation tacite, les délibérations relatives à l'établissement de certaines taxes locales lorsque leur quotité excédait le maximum fixé, les délibérations portant sur les échelles de traitement du personnel communal, les délibérations relatives aux interventions économiques des communes et les délibérations concernant l'établissement ou les changements de foires et marchés autres que les simples marchés d'approvisionnement.

Pour ces décisions soumises à son approbation, le préfet pouvait demander au conseil municipal de procéder à une seconde lecture .

En outre, si le préfet (ou le sous-préfet), saisi à fin d'approbation d'une délibération d'un conseil municipal, n'avait pas fait connaître sa décision dans un délai de trente jours, la délibération était considérée comme approuvée. Enfin, lorsque le préfet (ou le sous-préfet) refusait explicitement d'approuver une délibération, le conseil municipal pouvait se pourvoir devant le ministre de l'Intérieur.

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