Chambres régionales des comptes et élus locaux : un dialogue indispensable au service de la démocratie locale
OUDIN (Jacques)
RAPPORT D'INFORMATION 520 (97-98) - COMMISSION DES FINANCES
Table des matières
- INTRODUCTION
-
PREMIÈRE PARTIE
LE CONTRÔLE FINANCIER :
UN DISPOSITIF RELATIVEMENT NOVATEUR
AU BILAN CONTRASTÉ -
CHAPITRE PREMIER
UN DISPOSITIF ATYPIQUE A LA
RECHERCHE DE SA MATURITÉ -
CHAPITRE II
DES JURIDICTIONS DONT LE BILAN EST CONTRASTÉ- I. LE JUGEMENT DES COMPTES : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE
- II. LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE : UNE FONCTION STABILISÉE ET BIEN ACCEPTÉE
-
III. UNE PROCÉDURE ENCORE IMPARFAITE D'EXAMEN DE LA GESTION
-
A. DES MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE PEU
SATISFAISANTES
- 1. Une délimitation difficile entre le contrôle de la régularité et le contrôle de l'opportunité
- 2. L'absence de critères fiables et communs aux différentes chambres régionales des comptes dans la mise en oeuvre de l'examen de la gestion
- 3. Les limites de la procédure contradictoire
- 4. L'absence de procédure de recours
- B. LES COLLECTIVITÉS LOCALES FACE À L'EXAMEN DE LA GESTION : UNE SITUATION FRAGILISÉE
-
A. DES MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE PEU
SATISFAISANTES
- IV. LES INSUFFISANCES DU RÉGIME DE LA GESTION DE FAIT
-
DEUXIEME PARTIE
LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL :
RENOVER LES CONDITIONS D'EXERCICE DE L'EXAMEN DE LA GESTION ET RENFORCER LA SECURITE JURIDIQUE DES ACTES DES COLLECTIVITES LOCALES -
CHAPITRE PREMIER
RENOVER LES CONDITIONS DE L'EXAMEN DE LA GESTION DES COLLECTIVITES LOCALES- I. ELABORER UN " CODE DU BON USAGE DU CONTRÔLE " ET DEFINIR L'OBJET DE L'EXAMEN DE GESTION
-
II. RENFORCER LES GARANTIES DONT BENEFICIE LE CONTRÔLÉ
- A. ASSURER UNE PLUS GRANDE SÉRÉNITÉ DE LA PROCÉDURE
- B. RENFORCER LE PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE
-
III. POUR UNE MODERNISATION DU FONCTIONNEMENT DES CHAMBRES RÉGIONALES
DES COMPTES
- A. CONFORTER LA "FRONTIÈRE" ENTRE LE RÉGIME DE L'APUREMENT ADMINISTRATIF ET LE JUGEMENT DES COMPTES
- B. LE RESSORT TERRITORIAL DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES
- C. AMÉLIORER LE STATUT DES MAGISTRATS DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES : VERS UN ALIGNEMENT SUR LE STATUT DES MAGISTRATS DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS
- IV. ADAPTER LE REGIME DES SANCTIONS DE LA GESTION DE FAIT A LEUR VERITABLE OBJET
-
CHAPITRE II
RENFORCER LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES ACTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES- I. LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DE CERTAINS ASPECTS DE LA LÉGISLATION
- II. DÉVELOPPER LA MISSION DE CONSEIL DES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES : UNE FAUSSE BONNE IDÉE
- III. AMÉLIORER LE CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
- IV. RENFORCER LES PROCÉDURES DE CONTRÔLE INTERNE DES COLLECTIVITES LOCALES
- LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
- CONCLUSION
- ANNEXES
-
-
ANNEXE N° I
EXAMEN DU RAPPORT DU GROUPE DE TRAVAIL PAR LA COMMISSION DES FINANCES ET LA COMMISSION DES LOIS -
ANNEXE N° II
LISTE DES PERSONNES
ENTENDUES PAR LE GROUPE DE TRAVAIL -
ANNEXE N° III
COMPTES RENDUS DES AUDITIONS AUXQUELLES A PROCÉDÉ LE GROUPE DE TRAVAIL-
M. Jacques BONNET
Président de chambre à la Cour des Comptes,
Chef de la mission d'inspection
des chambres régionales des comptes -
Mme Hélène GISSEROT
Procureur général
près la Cour des comptes -
M. Jacques BLANC
Président de la région Languedoc-Roussillon
en sa qualité de
Vice-président de
l'Association des présidents de conseils régionaux -
M. Jean-Pierre GASTINEL
Président de la Chambre régionale des comptes de
Nord-Pas-de Calais -
M. Jean PUECH
Sénateur,
Président de l'Association des présidents de conseils généraux (APCG)
Mardi 17 juin 1998 -
M. Pierre JOXE
Premier Président
de la Cour des comptes
-
M. Jacques BONNET
-
ANNEXE N° IV
L'OBJET ET LA FORME DES OBSERVATIONS DE GESTION
DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES
N°
520
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 23 juin 1998
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) et de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (2), par le groupe de travail (3) sur les chambres régionales des comptes ,
Par M.
Jacques OUDIN,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart,
Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René
Régnault,
vice-présidents
; Emmanuel Hamel,
Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré,
René Ballayer, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Jean-Pierre Camoin, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques
Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert
Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc
Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin,
Henri Torre, René Trégouët.
(2) Cette commission est composée de :
MM.
Jacques
Larché,
président
; René-Georges Laurin, Germain
Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges
Othily,
vice-présidents
; Michel Rufin, Jacques Mahéas,
Jean-Jacques Hyest, Paul Masson,
secrétaires
; Guy Allouche,
Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François
Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing,
Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière,
Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye,
Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour,
Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien
Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet,
Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice
Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
(3) Ce groupe de travail est composé de :
MM. Jean-Paul
Amoudry, Joël Bourdin, Philippe de Bourgoing, Henri Collard, Jean-Paul
Delevoye, Michel Dreyfus-Schmidt, Yann Gaillard, Patrice Gélard, Paul
Girod, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Jacques Oudin, Robert
Pagès.
Chambres régionales des comptes.
INTRODUCTION
Fidèle à sa vocation constitutionnelle de
représentant des collectivités territoriales de la
République, le Sénat ne se contente pas d'apporter une
contribution positive, car éclairée par l'expérience
locale de ses membres, à l'amélioration des textes relatifs aux
communes, aux départements et aux régions.
" Veilleur de
la décentralisation ",
il suit, avec une particulière
attention et une constante vigilance, le déroulement de ce processus de
redistribution des rôles entre l'Etat et les collectivités de
proximité.
C'est ainsi que depuis l'avènement de la loi fondatrice du 2 mars
1982, le Sénat a constitué, à trois reprises, des
missions d'information sur la décentralisation, communes à
plusieurs de ses commissions permanentes.
Les travaux de ces trois missions d'information, qui avaient pour objet de
dresser un état des lieux de la décentralisation, dans toutes ses
dimensions, ont débouché sur la publication de rapports proposant
des ajustements, des infléchissements et des améliorations
répondant à l'attente des élus locaux et des
citoyens
1(
*
)
. Par ailleurs, deux des
commissions du Sénat (la commission des finances et la commission des
lois) constituent, au sein de la Haute assemblée, des
observatoires
permanents de la décentralisation
2(
*
)
.
Dans le prolongement de ces travaux, consacrés principalement aux
compétences des collectivités locales et à leur
nécessaire clarification, à la réforme de la
fiscalité directe locale, à la compensation financière des
transferts de compétences, aux relations financières entre l'Etat
et les
collectivités locales, à l'intercommunalité
et au statut de la fonction publique territoriale, il est apparu
nécessaire de traiter, de manière plus approfondie, du
thème du contrôle des actes financiers et budgétaires des
collectivités locales.
En effet, depuis quelques années, un certain malaise semble affecter le
climat dans lequel s'inscrivent les relations entre les élus locaux et
les chambres régionales des comptes, qui assurent trois fonctions
aussi essentielles que complémentaires : le jugement des comptes
des comptables publics des collectivités locales, la participation au
contrôle des actes budgétaires et l'examen de la gestion des
collectivités locales.
Aujourd'hui, trois types de griefs sont parfois formulés à
l'encontre sinon des missions des chambres régionales des comptes, du
moins de leurs pratiques dans la mise en oeuvre du contrôle financier.
Tout d'abord, nombre d'élus locaux déplorent la
médiatisation, jugée
excessive
, des observations
provisoires que les chambres régionales des comptes peuvent être
amenées à formuler sur la gestion des collectivités
locales. Cette publicité exacerbée jetterait l'opprobre sur
l'ensemble des élus locaux, alors même que la quasi
totalité des collectivités locales sont gérées de
manière régulière, prudente et avisée.
Elle contribuerait ainsi à alimenter les fantasmes des mouvements
extrémistes qui se nourrissent, par amalgame, des éventuels
dysfonctionnements de la gestion locale, et de manière plus
générale, des incidents de parcours de la démocratie
représentative, pour tenter de déstabiliser notre système
politique
3(
*
)
.
Ensuite, l'absence d'articulation entre le contrôle de
légalité mis en oeuvre par les préfets et le
contrôle financier exercé par les chambres régionales des
comptes constituerait
un facteur d'insécurité juridique
pour les élus locaux. En effet, ces derniers admettent difficilement
qu'un acte d'une collectivité locale qui a franchi, avec succès,
l'épreuve du contrôle de légalité puisse, quelques
années plus tard, se voir
"mis en cause"
par une chambre
régionale des comptes, dans le cadre d'une vérification des
décisions financières ou d'un examen de la gestion de la
collectivité locale.
Ce sentiment d'insécurité juridique, très répandu
chez les élus locaux, serait conforté par des
inégalités entre les chambres régionales au regard de
leurs ressources humaines, des disparités territoriales de traitement
entre les collectivités locales, des contradictions ou des
contrariétés dans les jugements et des divergences dans
l'interprétation des textes.
Enfin, les exécutifs territoriaux sont sans cesse plus nombreux à
contester les modalités d'exercice de l'examen de la gestion des
collectivités locales comme en témoignent les réponses
à " l'enquête " conduite par l'association des maires de
France auprès des présidents des associations
départementales de maires. Les élus locaux déplorent
l'absence de hiérarchisation des observations, regrettent l'accent mis
par les chambres sur les seuls aspects négatifs de la gestion et
s'insurgent contre une dérive -réelle ou supposée- vers un
contrôle de l'opportunité des choix politiques effectués
par la collectivité locale.
Tel est le climat de suspicion dans lequel est intervenue la proposition de loi
n° 229, déposée le 25 février 1997 et dont
les deux premiers signataires étaient nos collègues
Patrice Gélard et Jean-Patrick Courtois. Ce texte, qui fut
renvoyé pour examen à la commission des finances, avait pour
objet de modifier le code des juridictions financières afin de
préciser les compétences des chambres régionales des
comptes.
Pour les auteurs de la proposition de loi, le fonctionnement des chambres
régionales des comptes irait à l'encontre de la volonté du
législateur, exprimée notamment dans la loi n° 88-13 du
5 janvier 1988 : loin de se cantonner à un contrôle de
la régularité de l'emploi des fonds publics, elles exerceraient
un
"véritable contrôle de l'opportunité sur les
décisions prises par les assemblées élues au suffrage
universel direct".
Cette situation heurterait
"les principes mêmes de la
décentralisation qui a précisément tendu à
supprimer le contrôle financier a priori sur les actes des
collectivités locales".
En outre, une telle dérive serait
"en contradiction avec les
dispositions de l'article L. 231-5 du code des juridictions
financières qui dispose que la chambre régionale des comptes n'a
pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf sur ceux qu'elle a
déclarés comptables de fait".
Cet exposé des motifs trouvait son prolongement dans un dispositif qui
consistait à exclure de l'examen de la gestion d'une collectivité
locale
"les choix de gestion qui résultent de
délibérations prises par l'assemblée
délibérante de cette collectivité".
Certaines voix se sont alors élevées pour faire valoir que ce
dispositif conduirait à vider de sa substance l'examen de la gestion
d'une collectivité locale. Deux arguments furent mis en avant.
Tout d'abord, il a été souligné que la rédaction
retenue conduirait à soustraire à l'examen de la gestion,
l'ensemble des délibérations prises par la collectivité
locale. Or, les décisions "délibérées" ne se
limitent pas à la définition des politiques que les élus
locaux entendent conduire. La plupart des décisions de gestion
inhérentes à la mise en oeuvre de ces politiques font
également l'objet d'une délibération, le plus souvent
prévue par la nomenclature des pièces justificatives des
dépenses. C'est le cas, par exemple, pour la dévolution des
marchés publics, la conclusion des contrats et des conventions, et
l'attribution de subventions.
Ensuite, il a été objecté que le dispositif proposé
aboutirait à mettre les collectivités locales à l'abri des
investigations du juge financier puisqu'il suffirait, pour atteindre ce
résultat, de soumettre volontairement à l'assemblée
délibérante les décisions relevant, en principe, de la
compétence de l'ordonnateur
4(
*
)
.
Pour restituer toute sa sérénité à ce débat,
les présidents des deux commissions compétentes pour l'examen de
la proposition de loi Gélard-Courtois, M. Christian Poncelet pour
la commission des finances et M. Jacques Larché, pour la commission
des lois, ont alors décidé de proposer à leurs commissions
respectives, qui les ont suivis, de créer un groupe de travail commun.
Composé de sept représentants de la commission des finances
et de sept représentants de la commission des lois, ce groupe de
travail, qui a été constitué en avril 1997, s'est
assigné pour mission de dresser un bilan, après
quinze années de pratique, des modes d'exercice du contrôle
exercé par les chambres régionales des comptes et, le cas
échéant, de proposer les voies et moyens d'une
normalisation
des relations
entre les élus locaux et les chambres
régionales des comptes ainsi que d'une
modernisation des
modalités
du contrôle financier.
Le groupe de travail a alors procédé, lors des huit derniers
mois de l'année 1997, à l'audition des principaux "acteurs" du
contrôle financier
5(
*
)
: les
représentants des associations d'
élus locaux
(Association
des maires de France, Association des districts et communautés de
France, Association des présidents de conseils généraux,
Association des présidents de conseils régionaux), les
représentants des
juridictions financières
(M. le
Premier président, Mme le procureur général,
M. le chef de la mission d'inspection des chambres régionales des
comptes, six présidents de chambres régionales des comptes
et le président de l'association professionnelle des magistrats des
chambres régionales des comptes), le
ministère de
l'Intérieur
(M. le directeur général des
collectivités locales et M. le président de l'Association du
corps préfectoral), les
comptables publics
(les trésoriers
payeurs généraux par le truchement du président de leur
association et le directeur de la comptabilité publique au
ministère de l'Économie, des finances et de l'industrie), des
avocats
spécialisés dans le conseil aux
collectivités locales, et les
fonctionnaires territoriaux
(par la
voix du président de l'Association nationale des directeurs de service
des conseils généraux et régionaux).
A l'issue de ce programme d'auditions, qui s'est achevé à la fin
du mois de février 1998, le groupe de travail était en
mesure de présenter ses conclusions.
Toutefois, afin d'éviter d'interférer avec la campagne en vue des
élections cantonales et régionales, en risquant de l'alimenter
- si besoin en était - par une éventuelle
polémique sur le contrôle financier des collectivités
locales, le groupe de travail a décidé de
"surseoir à
statuer"
jusqu'à la fin des opérations électorales.
Cette hypothèque étant levée, le groupe de travail peut
désormais présenter ses observations et propositions.
L'état d'esprit qui a présidé aux travaux du groupe peut
être résumé de la manière suivante : les
membres du groupe de travail ne contestent pas la nécessité d'un
contrôle
a posteriori
des collectivités locales qui
s'inscrit dans le droit fil de l'article 15 de la Déclaration des
droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789. Cet article
dispose, en effet, que
"la société a le droit de
demander
compte
à tout agent public de son administration".
Par ailleurs, le renforcement de l'autonomie et des responsabilités des
collectivités locales, qui sont devenues des acteurs majeurs de la vie
économique et sociale de notre pays, trouve sa contrepartie naturelle et
légitime dans l'existence d'un contrôle financier.
Ce contrôle, qui participe d'une mission de
régulation
de
la décentralisation, constitue un indéniable facteur de
transparence de la gestion publique locale.
Au-delà de son principe, qui n'est pas contesté, le
contrôle financier des collectivités locales peut faire l'objet de
critiques dans sa mise en oeuvre ou ses pratiques.
Il est vrai que ce contrôle, sous sa forme actuelle de contrôle
juridictionnel exercé
a posteriori
, est
récent
puisqu'il a été institué, il y a seulement seize ans,
par la loi du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des
communes, des départements et des régions.
Il est vrai également que ce contrôle est
pluriel
et donc
complexe, puisqu'il fait intervenir les préfets et les tribunaux
administratifs au titre du contrôle de la légalité, les
trésoriers-payeurs généraux pour l'apurement des comptes
des petites collectivités, et les chambres régionales des comptes
pour le contrôle des actes budgétaires, en liaison avec les
préfets, la vérification des comptes et l'examen de la gestion
des collectivités locales.
Les chambres régionales des comptes, qui sont des juridictions
financières, apparaissent comme les
pièces
maîtresses
de ce dispositif.
Les investigations du groupe de travail, tout en envisageant l'ensemble du
dispositif, se sont donc plus particulièrement portées sur les
activités des chambres régionales des comptes.
Dans la
première partie
du présent rapport, le groupe
de travail tentera d'évaluer la portée de la novation introduite
en 1982 et de dresser un bilan de la mise en oeuvre du contrôle financier
qui apparaît comme
contrasté
et affecté par un
déficit
de
dialogue.
Dans la
seconde partie
de ce rapport, le groupe de travail
formulera des propositions qui lui paraissent de nature à constituer les
voies et moyens d'une
normalisation
des relations entre les élus
locaux et les chambres régionales des comptes et d'une
modernisation
du contrôle financier.
Ces propositions reposent sur l'idée que seul
l'établissement
de
relations confiantes
entre les contrôleurs et les
contrôlés conférera au contrôle financier toute
sa
légitimité démocratique
et partant,
toute son
efficacité
au service de la transparence de la gestion publique
locale
.
PREMIÈRE PARTIE
LE CONTRÔLE
FINANCIER :
UN DISPOSITIF RELATIVEMENT NOVATEUR
AU BILAN
CONTRASTÉ
Au
travers des auditions auxquelles il a procédé, le groupe de
travail a été guidé par une double volonté :
d'une part
, prendre la mesure du degré de novation, par rapport
à l'ancien régime dit de la
"tutelle financière",
du dispositif de contrôle financier institué par la loi du
2 mars 1982, afin de mieux appréhender la pertinence des critiques
formulées à l'encontre du contrôle et,
d'autre part
,
dresser un bilan, après seize années d'existence, du nouveau
système de contrôle juridictionnel
a posteriori.
D'emblée,
deux observations
peuvent être
formulées :
en premier lieu,
le dispositif de 1982, qui s'inscrit dans une
démarche de suppression de la tutelle financière, compte,
à l'évidence, des aspects novateurs comme la création,
dans chaque région, d'une juridiction financière ; mais
force est de constater que l'édifice bâti en 1982, dont
l'architecture emprunte davantage au foisonnement du style baroque qu'à
la pureté de l'art roman, comporte des points de ressemblance avec
l'ancienne construction.
Entre l'ancien régime et le nouveau, il s'agit davantage d'une
évolution que d'une révolution ;
en second lieu,
le bilan dressé par le groupe de travail
fait apparaître que si le nouveau dispositif a trouvé son
équilibre, avec notamment une montée en puissance des chambres
régionales des comptes, au gré des textes subséquents et
successifs qui ont renforcé leurs pouvoirs, les modalités
d'exercice de certaines des missions dévolues aux juridictions
financières, comme l'examen de la gestion des collectivités
locales, peuvent encourir des reproches.
Institutions jeunes, les chambres régionales des comptes ont certes
acquis, en peu de temps, une réelle autorité ; mais elles
demeurent néanmoins perfectibles.
CHAPITRE PREMIER
UN DISPOSITIF ATYPIQUE A
LA
RECHERCHE DE SA MATURITÉ
I. DE LA TUTELLE AU CONTRÔLE OU LA MISE EN PLACE D'UN SYSTEME HYBRIDE
A. L'ANCIEN RÉGIME : UNE TUTELLE FINANCIÈRE BIEN TEMPÉRÉE
La
tutelle financière, à laquelle la loi du 2 mars 1982 a mis
fin, comportait
trois aspects principaux
qui emportaient des
contraintes d'une portée inégale pour l'autonomie des
collectivités locales proclamée par l'article 72 de la
Constitution :
- l'approbation préalable des actes budgétaires et financiers des
collectivités locales ;
- le contrôle tatillon des comptables publics ;
- et, la vérification des comptes des collectivités territoriales
et de leurs établissements publics.
1. L'approbation préalable des actes budgétaires et financiers des collectivités locales
Présenté comme une atteinte insupportable au
principe
de l'autonomie locale par une partie de la doctrine, et de la classe politique,
irritée par l'emploi même du mot de tutelle, qui renvoyait
à une relation inégalitaire entre un tuteur (le préfet) et
des mineurs (les collectivités locales), le régime de
contrôle préalable des actes des collectivités locales, en
vigueur avant 1982, était globalement admis par les élus locaux.
Ce régime, qui avait été considérablement assoupli,
au point d'être presque vidé de sa rigueur, n'inquiétait
plus guère les élus locaux auxquels le dialogue quotidien avec le
préfet apportait un sentiment de sécurité juridique :
avant la décentralisation, la décision locale était soit
une
co-décision
avec le préfet dans le cas des actes
soumis à son approbation, soit une
décision
négociée
pour les autres catégories d'actes.
En effet, à la suite de l'intervention de la loi du
31 décembre 1970, le régime d'approbation préalable
par le préfet des actes des communes avait été
remplacé par un dispositif d'
approbation tacite
ou
implicite.
Les délibérations des conseils municipaux, y compris celles
relatives au budget, étaient
exécutoires de plein droit,
quinze jours
après leur dépôt à la
préfecture ou à la sous-préfecture. Ce délai de
quinze jours, qui retardait la naissance juridique de l'acte, pouvait
même être abrégé soit d'office par le préfet
ou le sous-préfet, soit à la demande du maire.
Pendant ce délai de latence, le préfet ne devait contrôler
que la légalité de l'acte, en s'interdisant toute
appréciation de son opportunité.
Ne demeuraient soumises à approbation préfectorale
préalable qu'un certain nombre de délibérations
limitativement énumérées
par la
loi
.
Cette liste comprenait les
budgets
des communes dont le compte
administratif du dernier exercice fait apparaître un déficit de la
section de fonctionnement ou un déficit global. Elle comportait
également les délibérations portant sur les
emprunts
lorsqu'ils étaient souscrits par une commune dont le
précédent budget avait fait apparaître un déficit ou
lorsqu'ils étaient contractés auprès d'un
établissement bancaire privé. En outre, figuraient sur cette
liste, les délibérations par lesquelles les communes apportaient
leur
garantie
à des emprunts contractés par des organismes
autres que les établissements publics locaux, les organismes
d'habitation à loyer modéré et les sociétés
de crédit immobilier.
Enfin, échappaient au droit commun de l'approbation tacite, les
délibérations relatives à l'établissement de
certaines taxes locales lorsque leur quotité excédait le maximum
fixé, les délibérations portant sur les échelles de
traitement du personnel communal, les délibérations relatives aux
interventions économiques des communes et les
délibérations concernant l'établissement ou les
changements de foires et marchés autres que les simples marchés
d'approvisionnement.
Pour ces décisions soumises à son approbation, le préfet
pouvait demander au conseil municipal de procéder à une
seconde lecture
.
En outre, si le préfet (ou le sous-préfet), saisi à fin
d'approbation d'une délibération d'un conseil municipal, n'avait
pas fait connaître sa décision dans un délai de
trente jours, la délibération était
considérée comme approuvée. Enfin, lorsque le
préfet (ou le sous-préfet) refusait explicitement d'approuver une
délibération, le conseil municipal pouvait se pourvoir devant le
ministre de l'Intérieur.
2. Le contrôle tatillon des comptables publics
Si la
"tutelle"
préfectorale était globalement
tolérée et admise par les élus locaux, il n'en allait pas
de même du contrôle exercé par les comptables publics qui
constituait un motif d'irritation très répandu.
Dans leur action quotidienne, ces comptables pouvaient soit retarder la mise en
oeuvre d'une décision locale en demandant, avant de procéder au
paiement, des pièces justificatives sans cesse plus variées et
nombreuses, soit opposer à l'élu local un refus de paiement
équivalent à une remise en cause d'une décision politique.
Lors de l'examen du texte qui allait devenir la loi du 2 mars 1982, le
Sénat, se faisant l'écho des récriminations des
élus locaux, devait attacher un soin tout particulier à la
définition des rôles respectifs de l'élu et du comptable.
C'est ainsi que l'action du Sénat a abouti à l'interdiction faite
au comptable
"de subordonner ses actes de paiement à une
appréciation de
l'opportunité
des décisions prises
par l'ordonnateur".
Par ailleurs, la Haute assemblée a obtenu qu'un décret fixe
"la liste des pièces justificatives que le comptable peut exiger
avant de procéder au paiement".
Enfin, le grand conseil des collectivités territoriales a apporté
sa contribution, enrichie par l'expérience locale de ses membres,
à la délimitation des contours du
droit de réquisition
du comptable
que la loi du 2 mars 1982 a institué au profit de
l'ordonnateur élu.
3. Le contrôle des comptes des collectivités locales
Avant
l'entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982, la Cour des comptes
était le juge de droit commun des comptes des collectivités
locales et des établissements publics locaux.
Toutefois, elle n'en contrôlait, en réalité, qu'un faible
nombre, soit 1.300 sur un total de 80.000 comptes locaux.
La quasi totalité des comptes, sinon en montant du moins en nombre,
relevait de la compétence des trésoriers-payeurs
généraux qui avaient été investis, par un
décret-loi du 8 août 1935, et par
délégation
de la Cour des comptes, de la responsabilité de l'apurement
administratif de ces comptes.
Cet apurement s'exerçait sous le contrôle de la Cour des comptes
et sous réserve de ses droits de réformation et
d'évocation.
En outre, la Cour détenait, seule, le pouvoir de statuer
définitivement sur la mise en débet d'un comptable.
B. LE SYSTÈME ISSU DES LOIS DE 1982 : RÉVOLUTION OU ÉVOLUTION ?
S'agissant du contrôle des actes des collectivités
locales, en général, la philosophie de la réforme
intervenue en 1982, dans le cadre de la relance du processus de
décentralisation, est simple : à un régime
d'approbation préalable assorti du pouvoir d'annulation, et parfois
animé par des considérations d'opportunité, a
succédé un contrôle
a posteriori,
fondé sur
l'examen de la
légalité de l'acte dont il revient
désormais au seul juge administratif de sanctionner le non respect.
Il s'agit là d'un changement majeur, même si des
éléments de continuité avec l'ancien régime
subsistent, au point que certains observateurs ont pu considérer que
cette réforme s'était traduite par une transformation de la
tutelle plutôt que par son allégement.
1. Les éléments novateurs
Deux
éléments de la réforme constituent, à
l'évidence, des ruptures avec l'ancien régime dit de la
"tutelle".
Il s'agit :
- d'une part, de la
consécration
du
principe
du
caractère
immédiatement exécutoire des actes des
collectivités locales,
- et, d'autre part, de l'
avènement
de
juridictions
financières
de
proximité
: les chambres
régionales des comptes.
a) Le caractère immédiatement exécutoire des actes des collectivités locales
Depuis
la loi du 2 mars 1982, modifiée et précisée sur ce
point par la loi du 22 juillet 1982, les actes des collectivités
locales, y compris leurs délibérations budgétaires et
leurs décisions financières, sont
exécutoires de
plein droit,
dès qu'ils ont été
publiés
(actes réglementaires) ou
notifiés
(décisions
individuelles)
et
pour certains d'entre-eux (limitativement
énumérés par catégories)
transmis
au
représentant de l'Etat dans le département ou à son
délégué dans l'arrondissement
6(
*
)
.
Le contrôle s'exerce donc
a posteriori
et ne porte que sur la
légalité des actes.
Cette mission de contrôle de la légalité des actes incombe
au représentant de l'Etat qui, conformément aux dispositions du
dernier alinéa de l'article 72 de la Constitution, a
"la charge
des intérêts nationaux, du
contrôle
administratif
et du respect des lois".
S'il apparaît au préfet que l'acte est entaché
d'illégalité, il doit demander son annulation au juge
administratif, à moins que l'autorité locale, dans le cadre de
son dialogue avec le représentant de l'Etat, ait accepté de
rapporter cet acte ou de le modifier pour supprimer l'illégalité.
Le déféré préfectoral est enserré dans le
délai de droit commun de deux mois.
Toutefois, la loi du 2 mars 1982 prévoit deux règles
particulières de procédure qui découlent des
caractères propres de la mission de contrôle administratif
prévue par la Constitution :
- le sursis à exécution demandé par le représentant
de l'Etat est accordé de plein droit par le juge administratif
dès lors qu'un des moyens d'illégalité invoqué par
le préfet est sérieux ;
- une procédure de sursis à exécution exceptionnelle est
instituée pour les actions de nature à porter atteinte à
une liberté publique ou individuelle : en ce cas, le sursis
à exécution est accordé dans un délai de
quarante-huit heures.
Enfin, le représentant de l'Etat est tenu d'informer, sans délai,
l'autorité locale concernée, en cas de saisine du juge
administratif.
b) La création des chambres régionale des comptes
La
seconde innovation de la loi fondatrice du 2 mars 1982, dans le domaine du
contrôle des actes des collectivités locales, et en particulier
celui des actes budgétaires et financiers, réside dans
l'émergence de juridictions financières : les chambres
régionales des comptes.
Ces chambres régionales des comptes, qui surgissent quasiment
ex
nihilo
dans notre paysage institutionnel, peuvent trouver leur origine
conceptuelle dans la proposition de loi n° 1557 portant
décentralisation de l'Etat, présentée le
10 décembre 1979, par les députés membres du groupe
socialiste.
La proposition de loi portant décentralisation de l'Etat
Cette
proposition de loi, dont les premiers signataires étaient
MM. François Mitterrand, Gaston Defferre et Pierre Joxe,
comportaient trois articles (93 à 95), regroupés sous une
section intitulée
"du contrôle
financier",
qui
prévoyaient l'institution, dans chaque département, d'une
"magistrature financière"
de trois membres, et dans chaque
région, d'une
"magistrature financière supérieure"
,
de même effectif, l'édifice ainsi constitué étant
placé
"sous l'autorité"
du Premier président de la
Cour des comptes.
Les magistrats départementaux étaient chargés de juger les
comptes communaux et les magistrats régionaux les comptes des
départements et des régions.Ces jugements pouvaient faire l'objet
d'un appel devant la Cour des comptes.
En outre, la proposition de loi prévoyait l'établissement, chaque
année, par un magistrat, d'une
"note financière"
sur la
gestion de l'année précédente de chaque
collectivité, avec divers ratios à comparer aux ratios moyens et
une analyse comparative des taux d'impôts locaux.
Enfin, la proposition de loi contenait, à propos des
"situations de
crise budgétaire"
(budgets votés ou exécutés en
déficit), l'amorce du contrôle des actes budgétaires
institué par la loi du 2 mars 1982.
La seconde source d'inspiration des chambres régionales des comptes
pourrait être constituée par la Cour des comptes dont les chambres
apparaissent, à maints égards, comme des
" miniatures "
ou des
reproductions
régionales.
C'est ainsi que les chambres régionales des comptes se sont
inspirées de l'organisation ainsi que des méthodes
d'investigation et de jugement de la cour des comptes.
Le législateur a voulu que le contrôle budgétaire,
financier et comptable des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics relève d'institutions
indépendantes, constituées de magistrats
spécialisés et géographiquement proches des
collectivités contrôlées. Mais à leur échelon
régional, les chambres disposent de compétences plus
réelles pour le jugement des comptes des collectivités locales,
exercent une fonction originale avec la possibilité d'intervenir, aux
côtés du préfet, dans le contrôle des actes
budgétaires et détiennent la faculté de procéder
à l'examen de la gestion des collectivités locales.
En définitive, les chambres régionales des comptes sont des
institutions
sui generis
qui peuvent être définies comme
des
services déconcentrés de l'Etat
dont les membres ont
le statut de magistrat.
Avec la Cour des comptes, les chambres régionales forment les
juridictions financières, alors
qu'une seule catégorie de
leurs attributions
, le jugement des comptes, susceptible d'appel devant la
Cour des comptes,
relève d'une fonction juridictionnelle
.
En effet, il n'en va pas de même pour les deux autres missions remplies
par les chambres régionales des comptes : le
contrôle des
actes budgétaires
, dans le cadre duquel les chambres émettent
des avis non susceptibles de recours (sauf dans un cas, celui de la
décision déclarant une dépense non obligatoire) et
l'
examen
de la
gestion
des
collectivités locales,
lequel donne lieu à des observations qui, pour l'instant, sont
réputées ne pas faire grief.
Bien plus, chaque chambre régionale des comptes constitue une
juridiction indépendante et autonome qui règle librement les
conditions de ses activités de contrôle au sein de son domaine de
compétence.
Toutefois, les chambres régionales des comptes, sans pour autant former
avec la Cour des comptes un véritable ordre de juridiction,
entretiennent avec cette dernière des
relations organiques
et des
relations fonctionnelles.
La première des relations organiques unissant les chambres
régionales et la Cour des comptes réside dans le fait que la Cour
est le juge d'appel des jugements rendus par les chambres sur les comptes des
collectivités locales. Cet appel exerce une fonction régulatrice
et "harmonisante" de la jurisprudence.
Par ailleurs, les présidents des chambres régionales des comptes,
qu'ils soient issus ou non de la Cour des comptes, deviennent
ès
qualités
membres de la Cour.
En outre, le conseil supérieur de chambres régionales des
comptes, compétent en matière d'avancement et de discipline des
magistrats du corps des chambres régionales des comptes, comprend
trois personnalités qualifiées, désignées
respectivement par le Président de la République, le
président de l'Assemblée nationale et le président du
Sénat, le procureur général près la Cour des
comptes, trois magistrats de la Cour dont un exerçant les fonctions
de président de chambre régionale des comptes et
quatre magistrats des chambres régionales des comptes : il est
présidé par le Premier président de la Cour des comptes.
Au-delà de ses compétences en matière d'avancement et de
discipline, ce conseil est consulté sur toute question relative à
l'organisation, au fonctionnement ou à la compétence des chambres
régionales.
Par ailleurs, depuis la loi du 5 janvier 1988, la Cour des comptes est
chargée, comme l'a obtenu le Sénat, d'une
mission
permanente
d'inspection
à l'égard des chambres
régionales et territoriales des comptes. Composée de
quatre magistrats de la Cour désignés par le Premier
président, cette mission permanente a pour finalité de s'assurer
du bon fonctionnement des chambres régionales. Au terme de ses
inspections, conduites sur pièces et sur place, la mission remet un
rapport au Premier président qui en donne connaissance au
président de la chambre régionale des comptes afin de lui
permettre de répondre aux observations formulées par la mission.
Enfin, la gestion des ressources financières allouées aux
chambres régionales est assurée par la Cour des comptes qui
délègue, chaque année, sa dotation à chacune des
chambres.
Ces liens organiques, qui unissent la Cour des comptes aux chambres
régionales, sont complétés par des
relations
fonctionnelles
qui contribuent à l'harmonisation et à la
coordination des activités des juridictions financières.
La coordination entre les programmes annuels de contrôle des juridictions
financières est confiée, par l'article 53 du décret
n° 85-199 du 11 février 1985, à un comité,
appelé
"comité de liaison",
qui
"détermine l'orientation des thèmes de vérification en
vue de l'élaboration de la partie du rapport public de la Cour
consacrée aux collectivités et organismes relevant de la
compétence des chambres régionales des comptes".
Cette instance, présidée par un conseiller-maître à
la Cour et composée de sept conseillers-maîtres de la rue
Cambon et de sept présidents de chambres régionales des
comptes, exerce des fonctions qui vont au-delà de la simple
détermination des observations susceptibles de faire l'objet d'une
insertion au rapport public de la Cour.
Ce comité intervient en amont de la programmation des contrôles
pour définir des sujets d'enquêtes communes à plusieurs
chambres régionales ou à une chambre de la Cour et à
plusieurs chambres régionales des comptes, pour arrêter des
thèmes de vérification communs et jouer un rôle d'alerte en
sensibilisant l'ensemble des chambres régionales à des pratiques
irrégulières relevées par certaines d'entre elles.
Enfin, une fois les contrôles achevés, le comité
sélectionne les observations des chambres régionales susceptibles
de figurer au rapport public de la Cour.
Par ailleurs, au début de l'année 1996, le Premier
président de la Cour a créé, par arrêté, une
commission des méthodes.
Cet organe, qui comprend douze membres, a pour mission, en vue d'une
harmonisation, de réfléchir sur les méthodes des chambres
régionales des comptes, c'est-à-dire sur leur manière de
conduire leurs contrôles.
La commission, dont le seul pouvoir réside dans sa force de persuasion
et sa capacité d'incitation, recense les
"méthodes
innovantes"
expérimentées dans certaines chambres, afin de
promouvoir leur diffusion dans les autres chambres.
C'est ainsi qu'un
"logiciel d'édition automatisée"
des
petits jugements a été diffusé ainsi qu'un document sur
les
"diligences normales"
du contrôle.
En outre, la commission diffuse une note trimestrielle destinée à
porter à la connaissance de l'ensemble des chambres une méthode
mise en pratique dans l'une d'entre elles.
Enfin, le
ministère public
exerce une
fonction
unificatrice
dans la mesure où des relations permanentes existent
entre le Parquet général de la Cour et les commissaires du
Gouvernement des chambres régionales des comptes.
En effet, le procureur général, qui
"veille au bon exercice du
ministère public"
près les chambres régionales, est
"tenu informé de l'exécution du ministère public"
par les commissaires du Gouvernement.
Par ailleurs, le procureur général de la Cour
oriente
et
harmonise
l'action du ministère public près les chambres
régionales des comptes, au besoin
"par des recommandations
écrites".
En définitive, le procureur général, qui note chaque
année les commissaires du Gouvernement, exerce sur eux
un quasi
pouvoir hiérarchique
7(
*
)
.
2. Les éléments de continuité
Si l'architecture du dispositif de contrôle financier, bâti en 1982, comporte les éléments novateurs qui viennent d'être décrits, avec notamment l'apparition des chambres régionales des comptes, le nouvel édifice comprend également des éléments de continuité. Ces éléments sont au nombre de deux avec, d'une part, la permanence du préfet, même si son rôle a évolué, et, d'autre part, le retour de l'apurement administratif des comptes des petites collectivités.
a) La permanence du préfet, immuable et changeant
Certes,
le préfet, n'exerce plus, comme sous l'empire du système dit de
la tutelle, un contrôle préalable des actes des
collectivités locales, d'ailleurs très atténué au
fil du temps ; mais il demeure, en sa qualité constitutionnelle de
responsable du contrôle administratif, un
acteur majeur
du
contrôle des actes, tant administratifs que financiers ou
budgétaires, des collectivités locales.
Tout d'abord, il participe avec le juge administratif au contrôle de la
légalité des actes des collectivités
locales
8(
*
)
. Plus original apparaît
son rôle dans le contrôle des actes budgétaires qui
intervient dans les
"situations de
crise"
: absence de
budget voté dans les délais légaux, budget adopté
en déséquilibre, budget faisant apparaître un
déficit en exécution et dépense obligatoire non
" budgétée ".
Dans les trois premiers cas,
il appartient au préfet de
saisir la chambre régionale des comptes, qui va le conseiller, pour
faciliter le retour à
" la normalité
budgétaire ".
C'est ainsi, par exemple, que lorsque l'arrêté des comptes d'une
commune fait apparaître, en exécution, un déficit
égal ou supérieur à 10 % des recettes de
fonctionnement, pour les communes de moins de 20.000 habitants et à
5 %, dans les autres cas, la chambre régionale des comptes, saisie
par le préfet, propose les mesures nécessaires au
rétablissement de l'équilibre budgétaire.
Dans le cas où le budget d'une commune a fait l'objet de mesures de
redressement, le représentant de l'Etat transmet à la chambre
régionale le budget primitif afférent à l'exercice suivant.
Si l'examen de ce budget primitif fait apparaître que la commune n'a pas
pris de mesures suffisantes pour résorber le déficit, la chambre
régionale des comptes propose les mesures nécessaires au
préfet, qui règle le budget et le rend exécutoire.
Cet exemple montre que le préfet dispose d'une grande latitude pour
dialoguer avec la collectivité et tenter d'aboutir à un
"règlement amiable",
avant de saisir la chambre régionale
qui fait office de conseiller du préfet.
En effet, le préfet reste la pièce maîtresse du
contrôle budgétaire et la chambre régionale n'a qu'un
rôle consultatif : ses avis ne lient pas le préfet qui peut
s'en écarter, à condition de motiver sa décision.
Dans le quatrième cas d'ouverture du contrôle
budgétaire, celui de l'omission de l'inscription d'une dépense
obligatoire, le préfet ne dispose pas du monopole de la saisine de la
chambre régionale des comptes : il partage ce droit avec toute
personne ayant intérêt à l'inscription de la dépense
omise. La chambre régionale des comptes pourra mettre la
collectivité en demeure de procéder à cette inscription
ou, le cas échéant, demander au préfet l'inscription
d'office des crédits
"oubliés".
Enfin, la loi d'orientation sur l'administration territoriale de la
République (n° 92-125 du 6 juin 1992) a renforcé
le rôle du préfet dans la mise en oeuvre du contrôle
financier en l'autorisant (ainsi que les autorités territoriales)
à adresser aux chambres régionales des comptes des demandes
motivées de vérification de la gestion d'une collectivité
locale.
Toutefois, les chambres peuvent ne pas donner suite -ou une suite
immédiate- à ces demandes motivées si celles-ci
s'avèrent incompatibles avec l'exécution de leur programme de
vérification.
b) Le retour de l'apurement administratif
Après cinq années de fonctionnement des
chambres
régionales des comptes, la loi n° 88-13 du 5 janvier 1988
a rétabli le système de l'apurement administratif des comptes, en
vigueur avant 1982, mais en limitant ce "retour" des trésoriers payeurs
généraux et des receveurs particuliers des finances aux
collectivités de "petite taille".
En effet, le rétablissement de l'apurement administratif, par les
comptables supérieurs du Trésor, ne concerne que les comptes des
communes ou de leurs groupements dont la population n'excède pas
2.000 habitants et dont le montant des recettes ordinaires figurant au
dernier compte administratif est inférieur à 2 millions de
francs.
Toutefois, la chambre régionale des comptes, qui n'est pas totalement
tenue à l'écart de ce processus, conserve
trois séries d'attributions :
- le
monopole
du prononcé de la mise en débet du
comptable ;
- un
droit d'évocation
qui lui permet de dessaisir les comptables
supérieurs du Trésor ;
- un
droit de réformation
d'un arrêté de
décharge qui constitue une voie de recours contre les décisions
prises par les comptables supérieurs du Trésor.
En définitive,
l'équilibre trouvé par le
législateur de 1988 paraît satisfaisant : il conserve aux
chambres régionales un droit de regard sur le comptes des petites
collectivités, tout en leur permettant de concentrer leur contrôle
sur les collectivités plus importantes.
C. UNE EXCEPTION BIEN FRANÇAISE
Né de la nécessité de combler le vide
créé par la suppression de la tutelle, le contrôle des
actes financiers et budgétaires des collectivités locales, qui
est exercé, à titre principal, par les préfets et les
chambres régionales des comptes, constitue, donc, à maints
égards, une novation par rapport aux traditions institutionnelles et
administratives de notre pays. Original au regard de notre histoire, le
contrôle financier représente également une
spécificité française
par rapport à nos
partenaires européens.
En effet, si notre système de contrôle externe des finances n'est
pas sans équivalent en Europe, il demeure sans homologue, ni analogue
dans sa dimension juridictionnelle.
Les éléments de droit comparé, qui ont été
rassemblés par l'organisation européenne des institutions
européennes chargées du contrôle externe des finances
publiques (EURORAI)
9(
*
)
et par le
comité des experts du Conseil de l'Europe concluent à une grande
diversité
des systèmes de contrôle selon la nature
et la forme de l'Etat :
Etat fédéral
comme
l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique et la Confédération
helvétique ;
Etat régionalisé
ou
"autonomique"
comme l'Italie ou l'Espagne ;
Etat unitaire
décentralisé
comme la France et
Etat unitaire
centralisé
comme le Portugal ou la République d'Irlande.
Au-delà de cette diversité des situations, des traits communs
peuvent être dessinés et des grandes tendances esquissées.
Tout d'abord, tous les Etats semblent être confrontés au
même dilemme celui qui découle de la nécessité de
concilier deux mouvements en apparence contradictoires : d'une part,
une aspiration générale à l'autonomie locale qui se
traduit par un processus de réduction des contrôles sur les
collectivités locales et, d'autre part, les difficultés
budgétaires et financières des Etats qui renforcent la propension
naturelle des gouvernements à surveiller l'évolution des budgets
locaux et à mettre en place des mécanismes de contrôle
régulier de l'emploi des fonds publics.
Deuxième ligne
de
fond
et de
force,
une tendance
à une
"normalisation",
voire à une
"banalisation"
du contrôle financier : la distinction entre les actes ou
délibérations à caractère financier et les autres
tend à s'estomper et le contrôle financier s'insère dans un
ensemble plus vaste celui du contrôle de légalité.
Toutefois, cette évolution générale laisse subsister des
exceptions pour certaines décisions relevant de la politique
financière de la collectivité, avec des survivances de
contrôle préalable et même d'un contrôle
d'opportunité exercé par l'organe de contrôle externe.
Tel est le cas en
Italie
où les comités régionaux
de contrôle (CORECO) exercent un quasi contrôle
d'opportunité en matière financière puisque dans l'examen
du budget et des comptes annuels, le contrôle de légalité
s'étend
"à la cohérence interne des actes"
et
à
"la correspondance des données comptables avec celles des
délibérations et avec les pièces justificatives jointes
à ces dernières".
Tel est le cas en
Autriche
où les décisions
financières les plus importantes font l'objet d'une approbation
préalable.
Mais le plus souvent les mécanismes d'approbation préalable ne
portent, de manière ponctuelle, que sur certaines décisions.
C'est ainsi qu'au
Portugal
les principaux contrats des
collectivités, qu'il s'agisse de travaux publics, de fournitures ou de
recrutements, doivent être soumis au contrôle préventif de
la Cour des comptes.
Quant aux décisions de recourir à l'
emprunt,
elles
demeurent fréquemment soumises à autorisation préalable,
comme notamment en
Autriche,
en
Belgique,
en
Espagne,
en
Irlande,
en
Norvège
et au
Royaume-Uni.
La
troisième tendance,
qui peut être observée,
réside dans une multiplication des procédures destinées
à déceler puis à faire face aux
"situations de crise
budgétaire"
comme un budget en déficit, lors de son adoption
ou en cours d'exécution.
La situation de déficit est généralement constatée
par l'autorité de contrôle ou à l'initiative de la
collectivité elle-même. Ce constat se traduit
généralement par la mise en oeuvre d'un
"mécanisme de
double commande",
en application duquel la collectivité est tenue de
se conformer aux prescriptions de l'autorité chargée du
contrôle.
La
quatrième tendance
est constituée par une
évolution assez générale vers un contrôle de gestion
axé sur un contrôle de
"l'économie, de l'efficience et
de l'efficacité de l'action publique"
(la
" règle des
3 E "
) qui se rapproche de l'audit ou de l'évaluation,
tout en évitant d'
apprécier
les choix politiques
effectués par la collectivité locale.
Enfin,
dernier élément
commun à tous les pays
européens, une tendance à confier le contrôle externe des
collectivités locales à des institutions autonomes et, de
façon générale, à des autorités
administratives indépendantes. Ces instances peuvent prendre la forme
d'un service de l'Etat comme en
Irlande
où les agents du
"service du contrôle financier des collectivités locales"
sont juridiquement des fonctionnaires du ministère de l'environnement,
ayant la qualité d'experts-comptables et bénéficiant d'une
indépendance reconnue.
Il peut s'agir également, comme au
Royaume-Uni,
de
commissions
de contrôle financier des administrations locales,
instituées
sous la forme d'organismes indépendants et disposant d'une autonomie
financière, puisque leurs ressources proviennent, en totalité,
des honoraires versés par les collectivités locales en
contrepartie des contrôles effectués.
Il peut s'agir, enfin, de cours des comptes, comme en
Allemagne
où il existe une cour par Land. En règle
générale, le président d'une cour et les
vice-présidents sont élus par le parlement du Land (le
Landstag
) et les membres des cours sont, pour partie, élus par le
parlement du Land et, pour partie, nommés par le gouvernement du Land.
En outre, sans être à proprement parler des magistrats, les
membres des Cours des comptes bénéficient de
l'indépendance d'un juge : ils ne sont pas révocables et ne
peuvent, sans leur consentement, être affectés à un autre
emploi.
Indépendant de l'Etat fédéral et de la Cour
fédérale des comptes, chaque cour se situe à mi-chemin
entre le parlement du Land, sur lequel elle s'appuie et dont elle tire sa
légitimité et son indépendance, et le gouvernement du Land
qui, comme le parlement, est destinataire des observations de la Cour.
En définitive,
les chambres régionales des comptes
françaises occupent une place particulière dans ce concert
européen tant par leur statut de juridiction -qui n'a pas
d'équivalent en Europe- que par l'étendue et la
variété de leurs attributions.
II. DES INSTITUTIONS CONSTITUÉES DE MANIÈRE EMPIRIQUE
La création "ex nihilo" de cet ensemble de juridictions impliquait évidemment de les constituer "humainement" et matériellement dans un délai assez bref, ce qui n'a pas été sans conséquence sur le fonctionnement initial de ces juridictions. A cet égard, la plupart des personnes auditionnées par le groupe de travail ont convenu qu'au cours des premières années de leur fonctionnement, les chambres régionales des comptes ont commis un certain nombre de "péchés de jeunesse".
A. L'INSTALLATION INITIALE DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES
Existant
"sur le papier" du fait de l'article 84 de la loi n° 82-213 du
2 mars 1983, les chambres régionales des comptes devaient
être composées, en application de l'article 85 de la
même loi, de magistrats et présidées par des conseillers
maîtres ou référendaires à la Cour des comptes.
La mise en place effective de ces nouvelles institutions n'a commencé
qu'à partir du début de l'année 1983, dans la mesure
où
plusieurs adaptations législatives et
réglementaires, des nominations, des recherches de locaux provisoires
ainsi que des recrutements de magistrats constituaient autant de
préalables à leur fonctionnement.
A cet égard, il convient de rappeler tout d'abord que la loi
n° 82-594 du 10 juillet 1982 contenait les principales
dispositions relatives aux procédures applicables devant ces
juridictions financières et que la loi n° 82-595 ainsi que le
décret n° 82-970 du 16 novembre 1982 pris pour son
application définissaient le statut de leurs magistrats.
Ce sont ensuite des arrêtés des 16 et 22 novembre 1982 et du
23 février 1983 qui ont réglé les dispositions
concernant les nominations initiales des présidents et des magistrats.
Les présidents de ces nouvelles juridictions ont été
nommés par décret du président de la République du
23 décembre 1982, puis solennellement installés en sa
présence, le 3 février 1983, par la Cour des comptes.
Un décret n° 83-370 du 4 mai 1983 est ensuite venu fixer
officiellement les sièges des vingt-quatre chambres régionales
des comptes, dont il faut noter qu'ils n'ont pas toujours été
choisis au chef-lieu de région.
B. LE RECRUTEMENT DES MAGISTRATS
L'article 12 de la loi n° 82-595 relative aux
présidents de chambres régionales des comptes et au statut des
membres de chambres régionales des comptes posait le principe d'un
recrutement des conseillers de deuxième classe parmi les anciens
élèves de l'Ecole nationale d'administration (ENA).
Les dix premiers magistrats issus de l'ENA (promotion 1983), voie normale du
recrutement des conseillers des chambres régionales des comptes, ont
été nommés et affectés au mois de juin 1983.
Ce premier mouvement d'affectation a cependant été
"complété", à la suite du décret du 27 juillet
1983, qui nomme
117 magistrats, provenant du recrutement exceptionnel
organisé en 1983
dans le corps des magistrats de chambres
régionales des comptes
10(
*
)
.
Ces juridictions ont ensuite vu leurs moyens matériels et leurs
effectifs en magistrats, assistants de vérification et personnels
administratifs progressivement renforcés au cours des années
1984, 1985 et 1986. Un
deuxième recrutement exceptionnel a
été organisé en 1996, au terme duquel 117 magistrats
supplémentaires sont entrés en fonction.
Ainsi, les effectifs budgétaires étaient parvenus au
31 décembre 1986 et pour l'ensemble des chambres, à
283 magistrats à la suite de la sortie des promotions de l'Ecole
nationale d'administration et de ces deux recrutements exceptionnels.
Outre l'affectation de magistrats issus de leur scolarité à
l'ENA, un
troisième recrutement exceptionnel de
45 magistrats
est venu compléter cet effectif
en 1991
.
Ainsi, le corps des magistrats de chambres régionales des comptes a
été très largement constitué par des
procédures de recrutement exceptionnel dictées par la
nécessité de donner rapidement une consistance à ces
nouvelles juridictions.
C. UN "DÉMARRAGE" PROGRESSIF
Ayant
pris leurs fonctions le 1er janvier 1983, les présidents de
chambres régionales des comptes ont été saisis, à
partir d'avril 1983, par les préfets (alors rebaptisés
commissaires de la République), des premiers
déférés de contrôles budgétaires ainsi que
des demandes relatives à l'inscription de dépenses obligatoires
par des "personnes y ayant intérêt".
A cet égard, il convient de rappeler qu'en application de
l'article 25
bis
de la loi n° 82-594 du 10 juillet
1982 (résultant de l'article 116 de la loi n° 83-8 du
7 janvier 1983 relative à la répartition de
compétences entre les communes, les départements, les
régions et l'Etat) la chambre régionale des comptes pouvait,
jusqu'au 30 juin 1983, statuer à juge unique en matière de
contrôle budgétaire. Ainsi, les présidents de chambres
régionales des comptes, alors seuls membres en exercice dans chaque
juridiction, ont été autorisés à déroger au
principe de la collégialité des décisions dans ce domaine.
S'agissant du jugement des comptes, la loi du 2 mars 1982 prévoyait
que les premiers comptes de gestion des receveurs des collectivités
locales et de leurs établissements publics soumis aux chambres
régionales des comptes seraient ceux de la gestion de l'année
1983. La réglementation d'alors fixant la date limite de
dépôt des comptes devant les juges au 30 septembre de
l'année suivant celle de l'exercice, l'analyse des comptes n'a
débuté qu'en septembre 1984, les premiers jugements provisoires
sur ceux-ci n'ayant été rendus qu'au début de 1985.
La
"montée en puissance"
des nouvelles juridictions s'est donc
dessinée progressivement entre 1984 et 1990 en liaison avec le
renforcement de leurs moyens.
D. DES TÂTONNEMENTS SUCCESSIFS
Signe de
la jeunesse de ces institutions, un grand nombre de modifications
législatives sont venues préciser ou adapter les textes
fondateurs, traduisant globalement un renforcement des pouvoirs des chambres
régionales des comptes et, le plus souvent un développement de
leurs compétences.
•
Après les textes fondateurs (
articles 84
à 89
de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux
droits et libertés des collectivités locales et de la loi
n° 82-594 du 10 juillet 1982), les chambres régionales
des comptes ont en effet connu une
"vie législative"
soutenue,
marquée par une préoccupation d'ajustement de leurs
compétences et des procédures applicables dans l'exercice de
celles-ci.
Force est de constater que
ces épisodes législatifs
successifs,
bien qu'accompagnés d'un renforcement des garanties de
procédure pour les collectivités locales, tendent globalement
vers un
accroissement des pouvoirs des chambres régionales des
comptes, de leurs "moyens de pression" sur les collectivités ainsi que
de leurs capacités d'investigation
.
Sans qu'il soit question d'analyser la dizaine de modifications
législatives, de portée diverse, intervenues dans le domaine du
contrôle financier local depuis la création des chambres
régionales des comptes, il convient cependant d'insister sur quelques
grandes étapes de ce processus.
•
La
première grande étape
de la
"vie législative"
des chambres régionales des comptes
résulte de la
loi n
o
88-13 du 5 janvier 1988
d'amélioration de la décentralisation.
Ce premier
" ajustement majeur "
des compétences des
chambres régionales des comptes résulte assez largement de la
réaction d'un très grand nombre de collectivités locales,
à la mise en oeuvre souvent mal maîtrisée, des pouvoirs
conférés à ces juridictions. Certaines maladresses dans la
mise en oeuvre des contrôles, en particulier dans les petites
collectivités locales ont en effet suscité un émoi
d'autant plus compréhensible que, ce qui a très largement
été reconnu comme traduisant quelques excès de la part de
ces juridictions financières, accompagnait l'annonce d'une suppression
des tutelles.
A cet égard, la loi du 5 janvier 1988, bien que relativement
éloignée des principales conclusions et réflexions de la
commission des lois du Sénat, a cependant permis à cette
dernière d'introduire, notamment, une modification substantielle du
droit existant et une correction conséquente du droit proposé.
La modification substantielle apportée au texte initial de la loi du
2 mars 1982 a consisté à bien séparer les fonctions
juridictionnelles des chambres régionales des comptes, de leurs
fonctions d'ordre administratif relatives à la gestion des
collectivités locales. Une confusion des genres résultait en
effet de la rédaction retenue dans la loi de 1982 pour définir le
jugement des comptes dans la mesure où cette définition incluait
la vérification du
"
bon emploi
des crédits, fonds et
valeurs".
La substitution à cette formule de la notion
"
d'emploi
régulier
"
des crédits et l'institution, distincte, d'une
procédure spécifique d'examen de la gestion est ainsi venue
clarifier et, surtout, séparer ces deux champs de compétences des
chambres régionales des comptes.
La principale modification du droit proposé tenait à l'adjonction
d'un critère financier au critère démographique pour la
détermination de la ligne de partage entre le jugement des comptes par
les chambres régionales des comptes et l'apurement administratif par les
comptables supérieurs du Trésor.
Fixant un nouvel équilibre au système défini en 1982, la
loi du 5 janvier 1988 a cependant été rapidement suivie par
d'autres textes, qui ont eu pour effet principal de renforcer et
d'étendre les compétences des chambres régionales des
comptes.
•
La
loi n
o
90-55 du 15 janvier 1990
relative au financement des partis et des campagnes électorales,
comporte une
novation fondamentale
dans la mesure où elle
pose
le principe
de
la communication à l'assemblée
délibérante des observations définitives
formulées par les chambres régionales des comptes dans le cadre
de l'examen de la gestion des collectivités locales.
Le principe de communication, introduit dans une procédure dont l'objet
est de contribuer à la bonne gestion locale a, en effet, pesé de
façon décisive sur la signification et la portée de
l'examen de la gestion.
Inédit dans un tel cadre, ce principe de communication, dont il faut
souligner qu'il n'est pas applicable aux services de l'Etat,
tend à
transformer ce qui devrait essentiellement être conçu comme une
aide à la bonne gestion en un instrument de régulation
politico-médiatique.
Ce texte comporte, en outre, la suppression de la non-applicabilité aux
seuls travaux issus des délibérés des chambres
régionales des comptes, des dispositions de la loi
n
o
78-753 du 17 juillet 1978 relative à la
communication des actes administratifs, introduite par la loi du 5 janvier
1988 pour l'ensemble des juridictions financières ; il en
résulte qu'il existe un droit à obtenir ces documents concernant
les collectivités locales alors que, s'agissant de l'Etat, ce droit
reste exclu.
Cette loi réaffirme cependant en contrepartie de ces
éléments le principe du contradictoire à tous les stades
des procédures relevant des chambres régionales des comptes.
•
Est ensuite venue s'ajouter
la loi du 29 janvier
1993, relative à la prévention de la corruption et à la
transparence des activités économiques
qui, pour l'essentiel,
a renforcé et précisé certaines règles de
procédure applicables devant les chambres régionales des comptes.
Ce texte comporte en effet plusieurs mesures importantes. Il s'agit tout
d'abord de la création d'un délit d'entrave au contrôle des
magistrats et des rapporteurs des juridictions financières.
Il s'agit ensuite de l'obligation de joindre le texte des lettres
d'observations définitives à la convocation de la séance
de l'assemblée délibérante au cours de laquelle celles-ci
doivent être communiquées.
Ces dispositions sont accompagnées, à nouveau, d'un renforcement
des droits de la défense, dans la mesure où un droit
général à l'audition est ouvert aux
intéressés à tous les stades intermédiaires des
différentes procédures.
Enfin, il convient de préciser que la loi du 29 janvier 1993
précitée rend, pour la première fois, justiciables de la
Cour de discipline budgétaire et financière, des élus
locaux au titre de l'inexécution des décisions de justice et de
l'emploi irrégulier et abusif du droit de réquisition du
comptable public.
•
Enfin, la
loi n
o
95-127 du
8 février 1995
a renforcé les pouvoirs de contrôle
des juridictions financières sur les services publics
délégués.
Au total, depuis leur naissance, les chambres régionales des comptes
connaissent un lent cheminement vers la maturité, qui s'accompagne d'un
renforcement de leurs pouvoirs, dont le groupe de travail estime qu'il n'est
qu'imparfaitement compensé par le renforcement des différentes
garanties de procédure dont disposent les collectivités
locales.
CHAPITRE II
DES JURIDICTIONS DONT LE BILAN EST
CONTRASTÉ
I. LE JUGEMENT DES COMPTES : UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE
Héritée de la Cour des comptes, la fonction de jugement des comptes des comptables des collectivités et des établissements publics locaux, constitue la fonction première des chambres régionales des comptes qui, seule, justifie leur statut de juridiction .
A. UN MOUVEMENT DE BALANCIER
1. Avant 1982 : une compétence partagée
Avant
l'entrée en vigueur de la loi du 2 mars 1982, la Cour des comptes
était en effet le juge de droit commun de l'ensemble de ces comptes.
En pratique, cependant, la Cour n'exerçait effectivement son
contrôle que sur une petite partie des comptes des organismes locaux
dotés d'un comptable public dont le nombre total s'élevait aux
environs de 80.000, puisque seuls les comptes des régions, des
départements et des communes les plus importantes, ainsi que ceux des
principaux établissements publics locaux, soit environ 1.500,
étaient directement soumis au contrôle juridictionnel de la Cour.
Le contrôle des comptes des autres communes et établissements
publics locaux avait pour sa part été
délégué par la Cour aux trésoriers-payeurs
généraux en vertu des dispositions d'un décret-loi du
8 août 1935, ainsi qu'aux receveurs particuliers des finances depuis
un décret du 21 février 1974.
Ces derniers étaient donc investis de la responsabilité de
l'apurement administratif de ces comptes, c'est-à-dire qu'ils devaient
" les vérifier dans tous leurs éléments (comptes et
pièces justificatives), en fixer les masses (les dépenses admises
et les recettes allouées), en arrêter les soldes (dont le total
constitue la " ligne de compte ") ".
Il convient de préciser que cet apurement s'exerçait sous le
contrôle de la Cour des comptes et sous réserve de ses droits de
réformation et d'évocation.
2. 1982-1988 : une " déconcentration " totale du jugement des comptes aux chambres régionales des comptes rapidement contestée
La
réforme instituée par le loi de 1982 a eu un
double effet
,
puisque pour les petites collectivités,
d'une part
, elle
substituait à l'apurement administratif, un contrôle
juridictionnel assuré par les chambres régionales des comptes et
que pour les grandes collectivités,
d'autre part
, elle
procédait à une déconcentration du jugement des comptes de
la Cour des comptes aux chambres régionales des comptes.
A cet égard, il faut rappeler que l'article 100 de la loi du
2 mars 1982 disposait que les premiers comptes de gestion de receveurs des
collectivités locales et de leurs établissements publics soumis
au jugement des chambres régionales des comptes, seraient ceux de la
gestion 1983. Les premiers jugements provisoires des chambres régionales
des comptes dans ce domaine ne sont donc intervenus qu'à partir du
début de l'année 1985.
A compter de cette date,
l'immense majorité des comptables publics
des collectivités locales
, qui n'avaient jusqu'alors connu que
l'apurement administratif, mis en oeuvre par leur propre hiérarchie,
"découvrent" le contrôle juridictionnel des comptes
exercé par les toutes récentes chambres régionales des
comptes
.
A cette novation s'ajoutent les exigences du décret
n
o
83-16 du 13 janvier 1983 fixant la liste des
pièces justificatives sur lesquelles devaient dorénavant
être appuyés les mandats de paiement.
Enfin, cet ensemble était complété par l'attribution aux
ordonnateurs, en vertu de l'article 15 de la loi n
o
82-213 du
2 mars 1982, d'un pouvoir de réquisition qui n'était pas
sans susciter une certaine inquiétude chez les comptables publics locaux.
Les
comptables des collectivités locales
et des établissements publics locaux
Si les
collectivités ont en leurs présidents ou maires des
ordonnateurs propres, leurs comptables sont, de droit, des comptables du
Trésor.
Les comptables des régions et des départements étaient,
jusqu'à la loi du 2 mars 1982, les trésoriers-payeurs
généraux. Depuis lors, ce sont des comptables du Trésor
affectés à titre principal à ce service,
dénommés payeurs régionaux ou payeurs
départementaux.
Les communes ont eu longtemps l'option d'avoir des comptables propres ou de
laisser assurer leur services par les comptables subordonnés du
Trésor. Depuis la loi du 14 septembre 1941, les comptables
subordonnés du Trésor sont de droit comptables des communes, soit
à titre principal, soit plus fréquemment à titre
accessoire.
Les comptables des établissements publics locaux sont soit des
fonctionnaires de l'Etat qui assurent ce service à titre principal ou
accessoire, soit des comptables propres à ces établissements
désignés, sur la proposition des conseils
délibérants et après avis des trésoriers-payeurs
généraux, par les préfets.
Source: Jacques Magnet, "Les comptables publics" aux éditions
LGDJ.
a) Une lourde tâche pour les chambres régionales des comptes
La
"montée en charge" de cette compétence a rapidement
été à l'origine d'une très lourde tâche pour
les chambres régionales des comptes, sa mise en oeuvre ayant
elle-même été à l'origine de contestations.
Ainsi, de moins de 9.500 jugements portant sur 5.800 comptes, rendus
en 1985, les chambres régionales des comptes sont passées
à 28.354 jugements "principaux" et 5.353 jugements "de suite"
portant sur plus de 50.000 comptes en 1989.
Les
jugements rendus sur les comptes des comptables locaux
|
||||
1985 |
1986 |
1987 |
1988 |
1989 |
9.332 |
14.795 |
22.319 |
29.186 |
33.707 |
(Source : Cour des comptes ) |
Les
chambres régionales des comptes se sont donc trouvées très
rapidement confrontées à une forte progression du niveau de leur
activité juridictionnelle, qui a été multipliée par
plus de trois en quatre ans.
Ainsi, dès la fin de l'année 1986, plus de 150.000 comptes
se trouvaient en instance de jugement, sachant que l'objectif de
périodicité retenu par les juridictions financières en
matière de jugement des comptes était de quatre ans.
Il apparaissait donc clairement que, si les chambres voulaient éviter
d'être prises dans une situation de retards cumulatifs, il fallait
qu'elles satisfassent un objectif moyen annuel d'au moins 25.000 jugements
portant sur quatre exercices cumulés.
Les chambres régionales des comptes ont donc vu une grande part de
leur capacité d'action être "absorbée" par l'exercice de
leurs fonctions juridictionnelles.
b) Un "démarrage" laborieux
Le
contrôle juridictionnel des comptes exercé par les chambres
régionales des comptes met donc, à l'origine, en
vis-à-vis,
d'une part, des juridictions débutantes, dont la
plupart des magistrats sont issus des concours exceptionnels organisés
en 1983 et 1986
, n'ayant reçu pour l'essentiel qu'une rapide
formation théorique et pratique à l'exercice de leurs
compétences et,
d'autre part, des collectivités locales et des
comptables publics n'ayant, dans leur immense majorité, jamais
été confrontés à cette forme de contrôle.
Une telle situation ne pouvait manquer de susciter des difficultés. A
cet égard, certains représentants des juridictions
financières ont relevé que les chambres régionales des
comptes avaient, au cours des premières années d'exercice de
leurs fonctions juridictionnelles, fait un usage probablement excessif de leur
pouvoir d'infliger aux comptables des amendes pour retard dans la production
des comptes de gestion.
Plus largement, cette déconcentration du jugement des comptes a
débouché sur un contrôle moins pragmatique que celui
exercé antérieurement par les trésoriers-payeurs
généraux. Ainsi, comme le relèvent
MM. Jean-François Larger et Patrick Bonniaud
11(
*
)
, un certain nombre de mises en débet furent
prononcées à l'encontre de comptables à raison
d'irrégularités commises soit par le comptable lui-même,
tel que le manque de diligences dans le recouvrement de créances, soit
dues à l'ordonnateur, comme l'insuffisance de pièces
justificatives.
Les mêmes auteurs notent sur ce point qu'afin d'éviter ces mises
en causes, les comptables ont donc été amenés à
"accroître leurs exigences envers les ordonnateurs, à
multiplier les refus de payer ou les observations. Ces exigences sont apparues
lourdes aux ordonnateurs, particulièrement à ceux des petites
collectivités, aux moyens administratifs limités, et d'autant
plus difficiles à supporter qu'elles
marquaient, alors même que
la loi accroissait leur liberté, un retour à des pratiques de
contrôle que la comptabilité publique avait
atténuées, depuis quelques années, au profit
d'activités d'assistance et de conseil".
B. LA RÉFORME DE 1988 : UN AJUSTEMENT LÉGISLATIF MAJEUR
1. Un retour à la "case départ" ?
a) Le nouveau dispositif
Les
difficultés rencontrées à l'occasion de la mise en oeuvre
du contrôle juridictionnel des comptes par les chambres régionales
des comptes, ont conduit le législateur, cinq années seulement
après l'entrée en vigueur du régime défini par la
loi du 2 mars 1982, à revenir, pour l'immense majorité des
communes, à un système d'apurement administratif des comptes.
Ayant fait l'objet d'un très large débat devant chacune des deux
assemblées parlementaires, l'article 23 de la loi
n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la
décentralisation a en effet prévu notamment de confier aux
comptables supérieurs du Trésor (les trésoriers-payeurs
généraux et les receveurs particuliers des finances) l'apurement
administratif des "comptes des communes ou groupement de communes dont la
population n'excède pas 2.000 habitants
et dont le
montant des recettes ordinaires
figurant au dernier compte administratif
est inférieur à 2 millions de francs
ainsi que de
leurs établissements publics".
La compétence d'apurement administratif des comptes, ainsi rendue aux
comptables supérieurs, s'est donc exercée à nouveau
à l'égard des comptes de l'exercice 1987.
Cette réforme devait permettre de concrétiser certaines
réflexions conduites à l'époque par la commission des lois
du Sénat au sujet des adaptations nécessaires des
modalités d'exercice du contrôle financier par les chambres
régionales des comptes. Cette démarche, dont le principe
était inscrit dans le projet de loi, procédait au moins aussi
largement d'une volonté de tenir compte des difficultés
suscitées par le jugement des comptes des petites communes que du souci
de répondre à "l'encombrement" des chambres régionales des
comptes dans ce domaine.
b) Un apurement administratif mieux encadré
Reposant
très largement sur les mêmes principes que ceux du système
en vigueur avant la loi du 2 mars 1982, le dispositif d'apurement
administratif rétabli par l'article 23 de la loi du 5 janvier
1988 précitée fait cependant l'objet d'un "cadrage" juridique
plus strict, qu'il s'agisse des compétences des comptables
supérieurs ou des conditions d'évocation et de réformation
de leurs décisions par les chambres régionales des
comptes
12(
*
)
. Ces règles nouvelles
figurent, pour l'essentiel, dans le décret n° 89-342 du
25 mai 1989 portant application de l'article 23 de la loi du
5 janvier 1988 ainsi que dans l'instruction n° 89-64 T 1 du
27 juin 1989 de la direction de la comptabilité publique.
A cet égard, les compétences des comptables supérieurs,
qui s'étendent du recensement annuel des comptes relevant ou non de
l'apurement administratif jusqu'aux décisions définitives
statuant sur ces comptes, se trouvent très précisément
définies.
Par ailleurs, et surtout, il ressort de ces textes que
"l'apurement
administratif des comptes de gestion s'effectue sous la
surveillance
des
chambres régionales des comptes"
13(
*
)
qui disposent d'un certain nombre de pouvoirs.
•
Au premier rang de ces pouvoirs, se trouve
le droit
d'évocation
conféré aux chambres régionales des
comptes sur l'ensemble des comptes soumis à l'apurement administratif.
L'exercice de ce pouvoir d'évocation s'effectue par jugement
motivé de la chambre régionale des comptes, et dessaisit le
comptable supérieur du compte concerné. Cette "évocation"
peut s'exercer soit, avant que les comptables supérieurs aient
apuré ces comptes, soit, dans le délai de six mois qui suit la
notification au comptable local de la décision définitive du
comptable supérieur.
•
Le deuxième mode de "surveillance" exercé
par les chambres régionales des comptes dans le domaine de l'apurement
administratif découle des
recours en réformation
qui
peuvent être engagés contre les arrêtés de
décharge pris par les comptables supérieurs.
Deux voies de recours sont ainsi ouvertes. La première voie de recours
en réformation est ouverte dans un délai de six mois à
compter de la notification des arrêtés de décharge aux
comptables. La seconde voie est ouverte après l'expiration de ce
délai de six mois et pour les seuls motifs d'erreur, d'omission de faux
ou de double emploi
14(
*
)
.
•
Le
troisième pouvoir
des chambres
régionales des comptes au regard de l'apurement administratif concerne
les cas où le comptable supérieur prend un
arrêté
de charge provisoire
lorsqu'un comptable local n'a pas satisfait à
une injonction. Cet arrêté est adressé à la chambre
régionale des comptes accompagné du compte de gestion
concerné et de l'ensemble des pièces justificatives, des
observations, des injonctions formulées par le comptable
supérieur ainsi que des réponses du comptable local.
Dans un tel cas, la chambre régionale des comptes doit alors rendre un
jugement sur le compte, prononçant ou non son débet.
•
Enfin, il convient de préciser que les
chambres régionales des comptes sont seules compétentes pour
statuer sur les gestions de fait
, même lorsque la gestion concerne un
organisme public local dont les comptes sont soumis à l'apurement
administratif.
Au total,
cette réforme de 1988 s'analyse comme un
rétablissement rationalisé -et "surveillé"- de l'apurement
administratif des petites communes.
2. Un impact important
a) L'allégement des tâches des chambres régionales des comptes
L'effet de cette réforme sur la charge de travail des chambres régionales des comptes en tant que juges des comptes a été très important puisque, de ce fait, les juridictions ont été "déchargées" d'un nombre important de comptes.
Les
jugements rendus sur les comptes des comptables publics locaux
|
|||
1989 |
1990 |
1991 |
1992 |
33.707 |
22.062 |
17.879 |
15.925 |
Source : Cour des comptes |
Ainsi,
le
nombre de jugements
rendus par les chambres régionales des
comptes au titre du contrôle des comptes a été
divisé par deux en trois ans
, traduisant la "sortie" des comptes
d'environ 24.000 communes.
Dans son rapport public de 1991, la Cour des comptes a relevé que
"cette diminution ne traduit pas une baisse de l'activité
juridictionnelle des chambres régionales des comptes mais sa
concentration sur le contrôle des grandes collectivités et des
établissements publics importants"
.
A la suite de cette réforme, le jugement des comptes a approché
le rythme quadriennal, retenu comme objectif pour cette activité
juridictionnelle.
b) Une fonction d'apurement administratif satisfaisante
Pour les
petites communes "rétrocédées" à l'apurement
administratif, le bilan de la réforme de 1988 apparaît globalement
positif.
Ce résultat tient très largement à l'esprit qui
préside à la mise en oeuvre de ce pouvoir par les comptables
supérieurs et qui se trouve résumé dans l'instruction du
27 juin 1989.
Dans ce texte, la direction de la comptabilité publique souligne que :
"ce contrôle doit être
principalement orienté vers la
prévention
. En d'autres termes, il
doit viser, par le biais
d'observations, la régularisation d'opérations erronées ou
insuffisamment justifiées et de faible gravité et éviter
la répétition de telles irrégularités
. A ce
titre, il s'insère totalement dans la mission d'évaluation et
d'animation des comptables locaux qui incombe aux comptables
supérieurs".
Bien que cette forme de contrôle ne concerne que les comptables locaux,
le groupe de travail
se félicite de l'esprit dans lequel celui-ci est
mis en oeuvre
. Sans méconnaître la spécificité
des différents contrôles opérés par les chambres
régionales des comptes sur la gestion des collectivités locales,
il souhaite que ces derniers puissent s'en inspirer.
Le dispositif défini en 1988 connaît cependant une limite tenant
au caractère figé des critères cumulatifs retenus pour
fixer la "frontière" entre le jugement des comptes par les chambres
régionales des comptes et l'apurement administratif des comptes
confié aux comptables supérieurs du Trésor.
Aussi, le groupe de travail proposera-t-il de conforter le régime
défini en 1988 en adaptant cette frontière.
II. LE CONTRÔLE BUDGÉTAIRE : UNE FONCTION STABILISÉE ET BIEN ACCEPTÉE
Né du "vide" créé par la suppression de la
tutelle budgétaire et financière exercée avant la loi du
2 mars 1982 par le préfet, le "contrôle" budgétaire
est à la fois précisément défini et relativement
bien accepté par les collectivités locales.
Or, à l'origine, la mise en oeuvre de cette nouvelle compétence
n'allait pas de soi, dans la mesure où les chambres régionales
des comptes agissaient dans un domaine alors "inexploré" par les
juridictions financières.
Aussi, le contrôle budgétaire pouvait-il apparaître comme
chargé d'ambiguïtés et, de ce fait, susceptible de soulever
des difficultés d'application.
A. UNE COMPÉTENCE À "STATUT PARTICULIER"
A cet
égard, il faut noter d'emblée que le contrôle
budgétaire est marqué par des caractéristiques
spécifiques.
En effet, au-delà d'une
délimitation législative
précise de son objet
, ce contrôle met en évidence la
nature ambivalente des chambres régionales des comptes,
juridiction
dotée de pouvoirs de nature administrative
, ce qui a des
conséquences tant sur la procédure
que
sur la nature
juridique des actes
pris dans ce cadre.
1. L'exigence d'une saisine externe
Au
regard de la procédure, le contrôle budgétaire
présente la
spécificité de devoir être
déclenché par l'action d'un tiers.
En effet, les principales compétences des chambres régionales des
comptes (à l'instar de celles de la Cour des comptes) s'exercent
"spontanément", c'est-à-dire indépendamment de toute
saisine extérieure. Ainsi, l'action des chambres régionales des
comptes est, en règle générale, soit
déclenchée "mécaniquement" par la production d'un compte,
soit engagée par "autosaisine" dans les cas où ces juridictions
peuvent se saisir d'office.
Or, s'agissant du contrôle budgétaire, l'action des chambres
régionales des comptes se trouve subordonnée soit à
l'intervention du préfet, soit, dans un cas, à l'intervention
concurrente du préfet, du comptable public concerné ou de "toute
personne y ayant intérêt".
Les travaux préparatoires à la loi n° 82-213 du
2 mars 1982, traduisent en effet clairement la volonté du
législateur
d'éviter l'institution d'une "tutelle
juridictionnelle"
sur le budget des collectivités locales qui aurait
pu découler de l'attribution aux chambres régionales des comptes
d'une compétence budgétaire autonome.
A cet égard, le Gouvernement de l'époque, par la voix de
M. Gaston Defferre, ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de
la décentralisation reconnaissait que
"lors de la rédaction du
texte, nous avions envisagé les hypothèses suivantes : soit
la saisine par le seul représentant de l'Etat, soit l'autosaisine de la
chambre régionale des comptes, soit une combinaison de ces deux
formules. Après y avoir réfléchi, je pense que la saisine
par le représentant de l'Etat est suffisante et qu'il n'est pas
nécessaire de prévoir une autosaisine."
15(
*
)
Se félicitant de cette inflexion du texte initial, M. Michel
Giraud, rapporteur de la commission des lois du Sénat, relevait qu'en
conséquence, les chambres régionales des comptes ne disposaient,
dans ce domaine, que d'une
"compétence d'avis en matière de
contrôle budgétaire a priori et a posteriori"
et
que
"la chambre régionale des comptes se voyait confier davantage une
vocation d'expert, voire de conseil, qu'une fonction de censeur".
16(
*
)
2. Des actes de nature administrative
La
nature juridique des actes pris par les chambres régionales des comptes
dans l'exercice du contrôle budgétaire présente de la
même façon une certaine spécificité.
Héritant, dans ce domaine, pour l'essentiel, de compétences
antérieurement assumées par le représentant de l'Etat, les
chambres régionales des comptes n'interviennent pas comme juridictions.
Elles sont chargées d'émettre des avis à la suite d'une
saisine externe. Ces avis possèdent donc, incontestablement, une nature
administrative dont il convient d'analyser le "statut" en termes de voies de
recours.
En effet, bien que rendus en forme quasi juridictionnelle, les avis en
matière budgétaire -du fait de leur nature administrative- ne
peuvent faire l'objet d'un appel auprès de la Cour des comptes, à
la différence des jugements prononcés sur les comptes.
Ces avis ne bénéficient pas pour autant d'une immunité
juridictionnelle
. Le groupe de travail a en effet relevé que le juge
administratif a, dans certains cas, admis la recevabilité des recours
engagés contre les actes pris par la chambre régionale des
comptes dans le domaine budgétaire.
Le Conseil d'Etat s'est, très rapidement après l'entrée en
vigueur des lois de décentralisation, prononcé par un jugement de
principe.
L'arrêt du 23 mars 1984,
(Organisme de gestion des
écoles
catholiques de Couëron)
précise en effet
que
"la décision par laquelle une chambre régionale des
comptes rejette une demande tendant à ce qu'elle constate qu'une
dépense obligatoire n'a pas été inscrite au budget d'une
commune et à ce qu'elle adresse une mise en demeure à la commune
concernée ne constitue ni un jugement sur les comptes, dont la Cour des
comptes serait compétente pour connaître, [...] ni une
décision juridictionnelle à l'encontre de laquelle un recours en
cassation pourrait être formé devant le Conseil d'Etat ; qu'elle
constitue une décision administrative
dont le tribunal
administratif, juge de droit commun du contentieux administratif est
compétent pour connaître en premier ressort".
A l'occasion de cet arrêt, le Conseil d'Etat a donc marqué
d'emblée sa volonté de ne pas soustraire de façon
générale cette catégorie d'actes au contrôle du juge
administratif.
B. UNE COMPÉTENCE EXERCÉE "EN TANDEM"
La fonction du contrôle budgétaire est de veiller à ce que les collectivités locales disposent d'un budget et à ce que celui-ci respecte les règles en vigueur. Sa mise en oeuvre implique l'action combinée du préfet et de la chambre régionale des comptes , en liaison avec la collectivité locale concernée. La chambre régionale des comptes jouant ici, en quelque sorte, un rôle de " filtre" obligatoire conditionnant l'exercice des pouvoirs de réformation de l'autorité préfectorale .
1. Des cas d'ouverture bien définis
Mission
exercée en amont du contrôle juridictionnel, le contrôle
budgétaire concerne quatre cas bien définis : budget
voté tardivement, budget voté en déséquilibre,
compte administratif adopté en déséquilibre et non
inscription au budget d'une dépense obligatoire.
Il convient, à cet égard, de noter que, sur le fond, ces quatre
situations correspondent exactement à celles où
s'exerçait, avant 1982, la tutelle budgétaire et
financière du préfet qui, à l'époque réglait
en tant que de besoin, le budget par arrêté après avis du
comptable supérieur de l'arrondissement financier
concerné.
a) Le budget non voté dans les délais légaux
Le
premier cas d'ouverture du contrôle budgétaire, défini par
l'article 7 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982, est aujourd'hui
inscrit à l'article L. 1612-2 du code général
des collectivités territoriales.
L'absence d'adoption par une collectivité de son budget avant le
31 mars, ou avant le 15 avril l'année de renouvellement de son
organe délibérant
17(
*
)
doit
conduire le préfet à saisir sans délai la chambre
régionale des comptes qui doit formuler, dans le mois et par un avis
public, des propositions pour le règlement du budget.
Procédant des exigences constitutionnelles de fonctionnement
régulier des pouvoirs publics et de continuité des services
publics, cette substitution du "tandem" préfet-chambre régionale
des comptes à l'organe délibérant de la
collectivité, garantit à celle-ci la disposition d'un budget.
Les effets d'une saisine préfectorale de la chambre régionale des
comptes dans ce cadre sont importants puisque "
à compter de la
saisine [...] et jusqu'au règlement du budget par le représentant
de l'Etat, l'organe délibérant
ne peut adopter de
délibération
sur le budget de l'exercice en cours
18(
*
)
.
Il convient de préciser que la
suspension expresse du pouvoir
budgétaire
de la collectivité concernée, en cas de
saisine de la chambre régionale des comptes d'un budget non voté
dans les délais légaux, ne résulte pas de la
rédaction initiale de la loi du 2 mars 1982, mais d'une précision
apportée à celle-ci par l'article 28 de la loi du 25 janvier 1985.
De ce fait, tout budget qui serait voté et transmis après la date
de la saisine préfectorale, et avant l'intervention de l'avis de la
chambre régionale des comptes serait illégal. A l'inverse, le
budget voté tardivement mais avant la saisine de la chambre
régionale des comptes par le préfet, débouche sur un non
lieu à statuer de la juridiction financière.
Dans cette procédure, la chambre régionale des comptes doit donc,
dans un délai d'un mois
à compter de sa saisine, formuler,
par un avis public, des propositions en vue du règlement du budget.
Au cours de cette phase, la Chambre régionale des comptes prend, en
pratique, contact avec la collectivité concernée, dont le
représentant peut présenter oralement ses observations.
Le préfet doit ensuite, dans un délai de vingt jours,
procéder au règlement du budget à partir des propositions
formulées par la Chambre régionale des comptes. Si le
représentant de l'Etat décide de s'écarter de ces
propositions, il doit assortir sa décision d'une motivation
explicite.
b) Le budget voté en déséquilibre
Lorsqu'une collectivité territoriale ne respecte pas
l'exigence d'un budget voté en équilibre réel posée
et définie par l'article L.1612-4 du code général des
collectivités territoriales, elle s'expose à une saisine de la
chambre régionale des comptes par le préfet et, par suite,
à la procédure de rétablissement du budget qui s'en
suit.
19(
*
)
A la différence de la procédure relative au budget non
voté dans les délais légaux, celle-ci
ne
débouche pas automatiquement sur un règlement du budget par le
préfet
.
L'engagement de cette procédure n'entraîne, pas en effet,
ipso
facto
,
la substitution du préfet, à la
collectivité concernée pour le rétablissement de
l'équilibre budgétaire.
La saisine, dans un délai de trente jours à compter de la
transmission du budget par le représentant de l'Etat à la chambre
régionale des comptes conduit en effet cette dernière à
proposer à la collectivité concernée, des mesures
destinées à rétablir l'équilibre de ce budget
.
Il existe donc, dans ce cas
, une forme de "dialogue" entre la chambre et la
collectivité
, puisque cette dernière est appelée, dans
un délai d'un mois à partir de la communication des propositions
de redressement, à prendre une nouvelle délibération
destinée à rétablir l'équilibre de son budget.
La collectivité concernée ne se trouve pas dans l'obligation de
suivre exactement les propositions de la chambre régionale des comptes.
L'objectif de cette procédure étant de garantir le
rétablissement de l'équilibre budgétaire,
l'assemblée délibérante peut en effet décider de
parvenir à ce résultat en retenant d'autres moyens que ceux
proposés par la chambre.
Dans ce cas, la chambre régionale des comptes évalue, dans un
délai de quinze jours, du caractère "suffisant" ou non des
mesures de redressement prises et, c'est
seulement en cas d'insuffisance de
ces mesures que le préfet intervient à nouveau dans la
procédure en vue du règlement du budget
.
Cette intervention du préfet se produit également lorsque
l'assemblée délibérante ne prend aucune
délibération en vue du rétablissement de
l'équilibre budgétaire.
Il convient enfin de noter que le
règlement du budget par le
préfet a pour effet de placer la collectivité concernée
sous une forme de "surveillance"
.
A la suite de cette intervention, et en application de
l'article
L.1612-9
du code général des collectivités
territoriales, les budgets supplémentaires afférents au
même exercice que le budget réglé par le préfet
sont, en effet, transmis d'office à la chambre régionale des
comptes.
En outre, l'assemblée délibérante devra, par la suite,
se prononcer sur son compte administratif avant d'adopter le budget de
l'exercice suivant
.
Si ce compte administratif fait apparaître un déficit, celui-ci
doit alors être reporté au budget primitif de l'exercice suivant,
qui est alors transmis d'office à la chambre régionale des
comptes .
Ainsi, la collectivité qui ne procède pas d'elle même au
rétablissement de l'équilibre de son budget déclenchant de
ce fait l'intervention du préfet se trouve engagée dans un suivi
relativement contraignant destiné à garantir le retour effectif
de cet équilibre.
c) Le compte administratif en déficit
Prévu par
l'article 9
de la loi du 2 mars 1982
précitée, aujourd'hui repris aux
articles L.1612-12
à
L.1612-14
du code général des
collectivités territoriales, ce
troisième cas d'ouverture du
contrôle budgétaire, fait l'objet d'une mise en oeuvre
graduée
.
D'une part, en effet, la saisine de la chambre régionale des comptes par
le préfet n'intervient que si le montant du
déficit
excède une certaine proportion des recettes de fonctionnement
et,
d'autre part, cette
proportion varie en fonction de l'importance
démographique
de la collectivité concernée.
Le contrôle budgétaire dans ce domaine n'est donc engagé
que lorsque les déficits constatés dépassent 10 % des
recettes de la section de fonctionnement pour les communes de moins de 20.000
habitants et 5 % pour les autres collectivités.
Si la procédure de redressement suivie dans ce cas s'apparente à
celle définie pour les budgets votés en
déséquilibre, elle en diffère cependant sur certains
points.
Tout d'abord, l'avis formulé par la chambre régionale des comptes
contenant les propositions de redressement ne peut être pris en compte,
par la collectivité concernée, par définition, qu'à
l'occasion d'un
budget correspondant à un exercice
ultérieur.
Les
budgets primitifs des exercices correspondants doivent ensuite
être transmis d'office à la chambre régionale des
comptes
, afin que celle-ci puisse vérifier la prise en compte ou
non de ses propositions.
Dans le cas où la chambre régionale des comptes estime que les
mesures prises ne sont pas suffisantes, elle propose directement au
représentant de l'Etat les mesures nécessaires, ce dernier devant
alors régler le budget et le rendre exécutoire, sous
réserve de son droit de s'écarter de ces propositions par
décision motivée.
d) Le défaut d'inscription au budget d'une dépense obligatoire
Dernier
cas d'intervention des chambres régionales des comptes dans le cadre du
contrôle budgétaire, le défaut d'inscription d'une
dépense obligatoire
20(
*
)
défini
aux
articles L.1612-15
et
L.1612-16
du code général
des collectivités territoriales qui reprennent le dispositif
prévu par les articles 11 et 12 de la loi du 2 mars 1982
précitée, présente
une certaine originalité par
rapport aux trois cas précédents
.
La principale originalité tient à la
pluralité des
auteurs potentiels de la saisine
de la chambre régionale des
comptes. A la différence des autres cas en effet, où le
préfet détient seul le pouvoir d'engager les procédures,
le défaut d'inscription d'une dépense obligatoire
peut
être contesté par le comptable de la collectivité ou par
toute autre personne y ayant intérêt
.
Interprétée de façon large, la notion de personne ayant
intérêt à l'inscription d'une dépense obligatoire
ouvre, en pratique, à de nombreuses personnes la possibilité de
saisir dans ce cadre la chambre régionale des comptes (par exemple :
organismes gestionnaires d'écoles privées sous contrat,
associations, entreprises et même particuliers).
Dans tous les cas, la chambre régionale des comptes, qui se prononce
dans le délai d'un mois à compter de sa saisine, doit tout
d'abord procéder à l'
analyse juridique du caractère
obligatoire
ou non de la dépense considérée.
Puis, après s'être prononcée sur son montant, elle
vérifie si la dépense est inscrite ou non et, dans l'affirmative,
si celle-ci l'a été pour un montant suffisant.
Si la chambre régionale des comptes
constate que la
collectivité n'a pas inscrit ces crédits à son budget,
elle met celle-ci en demeure d'y procéder
, tous en lui laissant la
liberté de déterminer le moyen d'équilibrer son budget en
conséquence.
Puis,
si la collectivité concernée ne procède pas, dans
le mois qui suit, à l'inscription de cette dépense
, la
chambre régionale des comptes
demande au représentant de
l'Etat d'inscrire cette dépense
au budget
et propose, s'il y
a lieu, les mesures de correction budgétaire nécessaires. Sous
réserve de son droit de s'écarter de ces propositions par
décision motivée, le préfet règle ensuite et rend
exécutoire le budget ainsi rectifié.
Le caractère contraignant de l'ensemble de cette procédure est
complété par une dernière mesure, puisqu'au terme de
celle-ci, en cas de refus de la collectivité de mandater une
dépense obligatoire, le préfet peut mettre en demeure
l'exécutif territorial de mandater cette dépense, à
défaut de quoi il peut y procéder d'office.
C. BILAN QUANTITATIF ET QUALITATIF
1. Une apparente stabilité sur longue période.
L'analyse de l'évolution du nombre des saisines des
chambres
régionales des comptes au titre du contrôle budgétaire,
depuis son origine en 1983, met en évidence plusieurs phases :
une
phase "d'explosion" initiale
en
1983 et 1984
,
essentiellement due aux budgets non votés dans les délais
légaux.
une
phase de diminution marquée en 1985
avec la chute
brutale du nombre de saisines au titre des budgets non votés dans les
délais légaux ;
une
phase de stabilisation
à la baisse
entre 1986
et 1990
, année où le nombre des saisines est le plus faible,
avec une tendance à la diminution de l'ensemble des cas de saisines des
chambres régionales des comptes, à l'exception de celles
liées au défaut d'inscription des crédits obligatoires ;
une
phase de "redressement" caractérisée entre 1991 et
1996
, où se confirme le déclin des saisines au titre du
budget non voté dans les délais qui descendent, pour la
première fois depuis 1983, en dessous de la centaine (77) en 1996 et
où s'affirme la croissance du nombre des saisines liées au trois
autres cas de contrôle budgétaire, cette tendance étant
surtout marquée pour les saisines concernant les comptes administratifs
en déficit et celles relatives au défaut d'inscription des
dépenses obligatoires.
Au total
, il ressort donc très nettement qu'à travers
une relative stabilité globale du nombre des saisines
des
chambres régionales des comptes au titre du contrôle
budgétaire,
ces saisines connaissent en réalité une
forte évolution de leur structure
. En effet, si les saisines
relatives aux budgets non votés dans les délais légaux
semblent quasiment en voie d'extinction, la croissance en moyenne
période des autres cas de saisines est révélatrice de la
persistance, voire de l'aggravation des difficultés budgétaires
rencontrées par certaines collectivités locales.
2. Une analyse qualitative nuancée
L'exercice du contrôle budgétaire apparaît bien accepté, une analyse plus fine fait néanmoins ressortir certaines difficultés et certaines limites.
a) Un contrôle bien accepté
Les
craintes que pouvait, initialement, susciter l'institution d'un contrôle
budgétaire, exercé de concert par le préfet et les
chambres régionales des comptes, se sont en effet rapidement
dissipées
.
Tout d'abord, ce contrôle
ne s'exerce qu'à l'encontre d'un
très petit nombre d'actes budgétaires
puisqu'il ne porte au
total que sur
moins d'un pour cent
des actes budgétaires pris,
chaque année, par les collectivités locales.
En outre, la mise en oeuvre de ce contrôle constitue, parmi les
différentes fonctions exercées par les chambres régionales
des comptes, celle qui
recueille le plus fort "indice de satisfaction" de la
part des maires
. C'est en effet ce que révèle l'enquête
conduite par l'association des maires de France auprès des
présidents de ses associations départementales
21(
*
)
. En réponse à la question "
Les
chambres régionales des comptes exercent trois types de
contrôle
financiers
.
Selon vous, les maires aspirent-ils
à voir réformer ceux- ci ?"
, moins de 14 % des
réponses indiquent le souhait de voir réformer le contrôle
budgétaire (contre 24 % pour le jugement des comptes et 47 % pour
l'examen de la gestion, 15 % ne souhaitant aucune réforme).
La pratique du contrôle budgétaire présente cependant
quelques "aspérités".
b) Le contrôle budgétaire est marqué par une concentration géographique
La Cour
des comptes relève en effet, depuis plusieurs années dans son
rapport public, que certaines régions concentrent un nombre très
élevé de saisines.
Pour l'année 1994, la chambre régionale des comptes de
Guadeloupe-Guyane-Martinique
a
reçu
"près du quart
du total des saisines enregistrées par l'ensemble des chambres"
.
Dans le même document, la Cour relève la proportion anormalement
élevée des saisines au titre du contrôle budgétaire
concernant les collectivités et établissements publics de la
région Corse (6,6 % du total national en 1994)
. La chambre
régionale des comptes de Picardie avait, pour sa part, reçu 5 %
des saisines en 1994.
Un constat similaire est fait dans le rapport public de 1996 sur l'année
1995, la Cour soulignant que "
la répartition des dossiers entre les
chambres régionales des comptes reste très
différenciée
" : la chambre des comptes de
Guadeloupe-Guyane-Martinique ayant encore reçu plus du cinquième
des saisines et celle de Corse 6,7 % d'entre elles, tandis que la chambre
régionale des comptes d'Ile-de-France en recevait 8 %.
Dans son dernier rapport public sur l'année 1996, la Cour confirme cette
analyse en précisant que
"quatre chambres régionales des
comptes ont reçu près de la moitié des saisines en
1996
" : la chambre des comptes de Guadeloupe-Guyane-Martinique en recevant
près de 18 %, celle de Rhône-Alpes 15,2 %, suivie par les chambres
des comptes d'Ile-de-France (8,5 %) et de Provence-Alpes-Côte d'Azur (6,9
%).
La chambre des comptes de Corse reste pour sa part à un niveau
élevé avec 5 % du total.
Cette analyse doit cependant être relativisée en fonction du
nombre de budgets de chaque région.
c) Le règlement de certaines difficultés hors des procédures légales
Par
ailleurs, la pratique du contrôle budgétaire soulève, du
point de vue de la Cour des comptes, un certain nombre de difficultés.
La critique la plus grave formulée par la Cour dès son rapport
public de 1991 et développée dans celui de 1995, tient
aux
difficultés budgétaires "réglées hors
procédures légales
".
A cet égard, avant de présenter les observations de la Cour, le
groupe de travail note que celle-ci défend le champ de compétence
des chambres régionales des comptes en se montrant très
réservée, voire en récusant les diverses formes de
"règlement amiable" d'un certain nombre de difficultés
pratiquées par les préfets.
Cette appréciation témoigne d'une une lecture rigide des
dispositions relatives au contrôle budgétaire.
•
S'agissant des
budgets non votés ou
votés et non transmis
dans les délais, la Cour a noté
en 1991 qu'à "compter des budgets de 1984 et
surtout de 1985, les
préfets ne se sont plus estimés obligés de saisir les
chambres [...]. C'est seulement lorsqu'ils ont la conviction que le budget ne
pourra pas être voté, fût-ce au prix d'un délai
supplémentaire, qu'ils se résolvent à alerter la
chambre
".
Reconnaissant que "
cette évolution
[n'était]
pas
sans avantages pratiques
", la Cour relevait néanmoins que cette
pratique tendait à aggraver le caractère tardif de la date
d'adoption des budgets locaux. Revenant sur ce point dans son rapport public de
1995, la Cour a cependant estimé qu'il était "
normal que le
préfet vérifie si ces situations sont seulement accidentelles, et
susceptibles d'être rapidement réglées par les
assemblées délibérantes elles-mêmes, plutôt
que de multiplier les saisines inutiles".
La Cour assortit tout de
même l'énoncé de cette "tolérance" d'une demande
tendant à ce que les préfets tiennent les chambres
régionales des comptes informées des situations où ceux-ci
s'abstiennent d'une saisine de la chambre régionale des comptes, ce que
le droit en vigueur ne prévoit pas.
•
S'agissant
des autres critères légaux
d'ouverture d'une procédure budgétaire
, la Cour insiste, en
revanche, dans son rapport public de 1995, sur la nécessité que
"
le représentant de l'Etat saisisse la chambre régionale dans
les conditions fixées par la loi
".
Soulignant que "
les exemples persistent, de cas où les chambres
régionales n'ont pas été saisies de situations
insincères ou déséquilibrées, qui étaient
pourtant connues
", la Cour indique que ces pratiques tendent à
favoriser l'aggravation de situations de déséquilibre.
Le groupe de travail relève cependant que dans son rapport public de
1991, la Cour des comptes avait émis des appréciations
relativement nuancées sur ces "
difficultés
réglées hors procédures légales
".
Ainsi, en ce qui concerne les
dépenses obligatoires
et les dettes
exigibles non acquittées, la Cour notait que les "
diverses
procédures informelles
" conduites entre le préfet et les
personnes demandant l'inscription des crédits obligatoires au budget
concerné donnaient "
souvent des résultats jugés
satisfaisants
".
Enfin, pour ce qui touche aux
budgets votés en
déséquilibre
, la Cour constatait de la même
façon qu'il "
arrive que des préfets s'efforcent d'obtenir de
la collectivité concernée une nouvelle délibération
rétablissant cet équilibre, plutôt que de saisir la
chambre
". Dans ce cas, la Cour des comptes adopte
une position plus
réservée considérant que "
ces pratiques ne semblent
pouvoir se justifier que dans les situations les plus claires et les plus
simples
lorsque le déséquilibre est flagrant, qu'il
résulte d'une simple erreur et qu'il est aisé à
redresser
".
•
L'analyse du contrôle budgétaire
effectuée par la Cour des comptes porte
, par ailleurs, sur les
"
difficultés budgétaires non décelées
".
A cette occasion, la Cour insiste sur
l'insuffisance des moyens dont
disposent les services des préfectures pour exercer cette mission
et, plus largement, sur les faiblesses de l'articulation de l'action conduite
dans ce domaine avec celle des services extérieurs du ministère
des finances et plus particulièrement ceux de la direction de la
comptabilité publique.
Soulignant que les
moyens des services des représentants de l'Etat
"
demeurent notoirement insuffisants, au regard de la tâche
considérable que la loi impose
, la Cour rappelle que "
les
différents documents budgétaires et comptables leur parviennent,
chacun, en quelques semaines groupées, pour la totalité des
communes et autres collectivités du ressort : ce qui représente
selon la taille des arrondissements et la dispersion des structures locales
,
de l'ordre de la centaine à celui du millier, ou davantage
pour
chaque catégorie d'actes ; le représentant de l'Etat dispose d'un
mois pour saisir la chambre, ses services étant réputés,
selon les cas, apprécier la réalité et la
sincérité des dépenses et recettes, l'équilibre
prévisionnel des budgets".
3. Le jugement du groupe de travail : un équilibre conforme à l'esprit du législateur de 1982.
Sans
méconnaître l'intérêt qu'il peut y avoir à
développer une perspective d'analyse plus large des budgets locaux, dont
l'objet serait, en particulier, de favoriser la prévention des
situations de grave difficulté financière que peuvent
connaître certaines collectivités,
le
groupe de travail
tient à souligner son attachement à l'équilibre du
contrôle budgétaire, tel qu'il a été défini
en 1982
.
Ainsi qu'il a été rappelé au début de cette analyse
du contrôle budgétaire, le
législateur a en effet
clairement entendu écarter l'institution d'une forme quelconque de
"tutelle juridictionnelle" pesant sur les actes budgétaires des
collectivités locales.
Le groupe de travail pourrait faire sienne la réponse du ministre de
l'intérieur aux observations formulées par la Cour des comptes
dans son rapport public de 1991 au sujet des "difficultés
réglées hors procédure légale". Le ministre indique
que "
même si c'est parfois, au prix d'un décalage plus grand
entre dates du début d'exercice et du vote du budget, les préfets
s'efforcent effectivement de régler le maximum de cas de façon
préventive, par un contact direct avec les élus, comme ils le
font également en matière de contrôle de
légalité des actes administratifs
".
Cette analyse se situe en effet au coeur de la problématique du
contrôle budgétaire et, plus largement, des pouvoirs de
contrôle exercés par les chambres régionales des comptes
dans leurs fonctions non juridictionnelles. Elle pose,
in fine
, la
question de la finalité de ces pouvoirs et, par conséquent, de
l'esprit qui doit présider à leur mise en oeuvre : s'agit-il
d'exercer une fonction coercitive destinée à redresser
systématiquement tout écart, même purement formel, aux
règles ou s'agit-il d'exercer un arbitrage, une fonction de
régulation ayant pour objectif premier de contribuer à une bonne
gestion locale ?
Sur ce point, le groupe de travail considère que, dans la mesure
où les procédures "amiables" conduites par le représentant
de l'Etat en vue du règlement de certaines difficultés
contribuent au respect des principes budgétaires, ces procédures
sont parfaitement compatibles avec la volonté du législateur,
ainsi qu'avec la finalité du contrôle budgétaire. Ce
dernier doit, en effet, veiller à ce que les collectivités
locales disposent d'un budget et à ce que celui-ci respecte les
règles en vigueur.
III. UNE PROCÉDURE ENCORE IMPARFAITE D'EXAMEN DE LA GESTION
Parallèlement aux missions qui leur sont imparties en
matière de contrôle juridictionnel des comptes et de
contrôle budgétaire, les chambres régionales des comptes
ont été chargées par le législateur de
procéder à un examen de la gestion des collectivités
locales.
S'inspirant des dispositions prévues pour la Cour des comptes par la loi
du 22 juin 1967 -dispositions qui n'avaient pas soulevé de
difficultés particulières dans leur application- la loi du
2 mars 1982 avait prévu, dans son article 87, que les chambres
régionales des comptes devraient s'assurer du "
bon emploi des
crédits, fonds et valeurs
".
Mais face à la dérive constatée dans la mise en oeuvre de
cette mission par des institutions jeunes et encore
inexpérimentées, le législateur -à la suite
d'initiatives prises par le Sénat- est de nouveau intervenu. La loi
n° 88-13 du 5 janvier 1988 d'amélioration de la
décentralisation a ainsi remplacé la notion de "
bon
emploi
" par celle d' "
emploi régulier
".
Cette loi a néanmoins confirmé une compétence initialement
définie par le dernier alinéa de l'article 87 de la loi du 2 mars
1982 qui disposait que la chambre régionale des comptes "
peut
présenter aux collectivités territoriales soumises à sa
juridiction des observations sur leur gestion
".
Le code des juridictions financières -entré en vigueur en 1994-
affirme donc désormais dans deux articles distincts que les chambres,
d'une part, vérifient la régularité des écritures
comptables (
article L.211-3
) et, d'autre part, qu'elles examinent
la gestion des collectivités territoriales (
article L.211-8
).
Selon le rapport public de 1997 de la Cour des comptes, les observations
portant sur la gestion des collectivités territoriales et organismes
contrôlés ont donné lieu à
2 868
communications
aux ordonnateurs ou autorités administratives, dont
1 199 lettres d'observations provisoires
et
1 109 lettres
d'observations définitives.
Sur les 1 109 lettres d'observations définitives, 515 ont
été adressées à des collectivités
territoriales et 442 à des établissements publics. Les 152 autres
ont concerné la gestion de sociétés d'économie
mixte ou d'associations.
L'activité des chambres régionales des comptes en matière
d'examen de la gestion a ainsi connu une forte montée en puissance (on
dénombrait 813 lettres d'observations définitives en 1992).
Très clairement, l'intention du législateur a été
d'écarter toute
appréciation d'opportunité
des
chambres régionales des comptes sur les décisions politiques
prises par les élus et dont seul le suffrage universel peut être
juge.
Pourtant, force est de constater qu'en dépit des précisions
apportées par le législateur, le contrôle de la gestion ne
s'exerce pas avec
une suffisante sérénité
. Telle
serait pourtant la condition pour que ce contrôle puisse donner lieu
à un dialogue constructif entre les chambres et les élus et qu'il
contribue ainsi à la
bonne gestion locale
.
Le groupe de travail a souhaité établir un constat objectif qui
puisse permettre d'expliquer le malaise ressenti -souvent à juste titre-
par beaucoup d'élus locaux, sans pour autant sous-estimer les
difficultés auxquelles les magistrats peuvent être
confrontés dans l'exercice de leur mission.
Comme l'ont fait observer devant le groupe de travail plusieurs
représentants des juridictions financières, il n'est pas inutile
de rappeler que le législateur s'est jusqu'à présent,
abstenu de définir le
contenu
que devait revêtir l'examen
de la gestion.
La loi du 5 janvier 1988 et le contrôle de gestion par les chambres régionales des comptes
L'article 87 de la loi du 2 mars 1982 a ouvert la voie au
contrôle de gestion des collectivités locales par les chambres
régionales des comptes, à travers deux dispositions. Dans sa
rédaction initiale, le deuxième alinéa de cet article
permettait aux chambres de s'assurer "
du bon emploi des
crédits, fonds et valeurs
". Le dernier alinéa du
même article les habilitait à présenter aux
collectivités territoriales soumises à leur juridiction
"
des observations sur leur gestion
".
Les travaux préparatoires de la loi du 5 janvier 1988 témoignent
de la volonté du législateur d'écarter tout contrôle
d'opportunité à l'occasion de cet examen de la gestion. Ainsi,
devant le Sénat, M. Yves Galland, ministre délégué
aux collectivités locales, a-t-il clairement indiqué
(séance du 22 octobre 1987) que
" l'exercice de cette
compétence a suscité chez les élus de vives
inquiétudes. Nombre d'entre eux ont attiré mon attention sur les
risques de dérive vers un contrôle d'opportunité. Il faut,
sur ce point, bien clarifier les choses. Il n'est nullement dans l'esprit de la
loi ni dans celui du Gouvernement de porter atteinte par le biais du
contrôle de gestion à la liberté qu'ont les élus de
décider de leur politique. Si des dérives vers le contrôle
d'opportunité ont eu lieu, il convient d'y mettre fin ; tout le
monde en est d'accord.
" (...) Mais, à l'inverse, il ne saurait être question de
remettre en cause le principe fondamental des institutions républicaines
(...) selon lequel toute collectivité publique qui manie des derniers
publics et perçoit des impôts sur les citoyens doit pouvoir fait
l'objet d'un contrôle de sa gestion.
" Ce contrôle que la Cour des comptes a exercé excellemment
pendant des décennies sur les collectivités locales - et qu'elle
continue d'exercer sur les services de l'Etat et les entreprises publiques - ne
porte nullement sur l'opportunité de la politique arrêtée
par le conseil municipal. Les objectifs étant fixés, la chambre
régionale qui a succédé dans cette mission à la
Cour des comptes doit seulement pouvoir faire connaître, s'il y a lieu,
à l'ordonnateur ses observations sur les modalités de mise en
oeuvre de ces objectifs.
" Le contrôle de la gestion existe dans toutes les organisations
modernes. Il a pour vocation de dégager des solutions mieux
adaptées et moins coûteuses pour l'avenir. Bien exercé, il
doit être un instrument de gestion utile aux élus.
" C'est pourquoi son exercice doit être mieux organisé pour
prévenir les difficultés que l'on constate parfois
actuellement. "
Souhaitant écarter tout risque de contrôle d'opportunité,
le Sénat a substitué à la notion de "
bon
emploi "
celle d'
" emploi régulier "
. Il a par
ailleurs modifié de dernier alinéa de l'article 87
précité afin de mettre en place une sorte de
" code de
bonne conduite "
qui impose un entretien préalable avec
l'ordonnateur de la collectivité locale concernée avant que la
chambre ne formule des observations sur la gestion et prévoit que ces
obserations ne peuvent être arrêtées définitivement
avant que l'ordonnateur n'ait été en mesure de leur apporter une
réponse écrite.
La procédure contradictoire a ainsi été
améliorée même si de nouveaux progrès apparaissent
souhaitables dans ce domaine. En revanche, les débats parlementaires
n'ont pas abouti à définir l'objet même et le contenu de
l'
" examen de la gestion "
. Il s'agit, à
l'expérience, d'une lacune de la législation.
Certes, par référence à la longue expérience de la
Cour des comptes dans ce domaine, une telle définition a pu
paraître ne pas s'imposer.
Ce choix a néanmoins probablement sous-estimé la
spécificité de ce contrôle
qui, en l'occurrence, est
opéré sur des ordonnateurs élus
et qui fait l'objet
d'une publicité susceptible d'avoir un impact considérable sur
l'opinion publique. Il a également abouti à ce que les
juridictions en soient conduites à définir elles-mêmes le
contenu du contrôle de gestion ainsi que les critères sur lesquels
celui-ci devait s'appuyer.
Cette construction empirique et par définition éclatée
entre les différentes juridictions explique en bonne partie les
difficultés actuelles recensées par le groupe de
travail.
A. DES MODALITÉS DE MISE EN OEUVRE DE LA PROCÉDURE PEU SATISFAISANTES
1. Une délimitation difficile entre le contrôle de la régularité et le contrôle de l'opportunité
Si le
principe des contrôles opérés par les chambres
régionales des comptes ne semble pas mis en cause par les élus
locaux, les conditions dans lesquelles ces contrôles sont mis en oeuvre
sont trop souvent
mal ressenties
.
Le contrôle de gestion se situe au coeur de ce malaise bien réel.
L'enquête précitée menée par l'Association des
maires de France met ainsi en évidence que 47 % des maires
souhaitent que le contrôle de gestion soit réformé. La
délimitation entre contrôle de la régularité et
contrôle de l'opportunité est, à ce titre, la
préoccupation essentielle. Selon la même enquête, 89 %
des maires souhaiteraient que le contrôle de gestion porte sur la seule
régularité des décisions prises.
En l'absence de précisions législatives, force est d'observer que
les chambres régionales des comptes ne disposent pas de bases objectives
ni pour programmer leurs enquêtes, ni pour définir le champ et la
portée du contrôle de gestion
22(
*
)
.
S'agissant du moment où interviennent ces enquêtes,
l'article 111
du décret du 23 août 1995
précise que l'examen de la gestion s'exerce concomitamment ou non au
contrôle juridictionnel des comptes.
Il appartient à la chambre régionale des comptes de
programmer
elle-même les enquêtes qu'elle entend diligenter.
En application de
l'article 3
du décret du
23 août 1995, il revient au président -après
consultation de la chambre et avis du ministère public- de
définir l'organisation et le programme annuel des travaux.
La chambre régionale des comptes peut également assurer ces
vérifications sur la demande motivée soit du représentant
de l'Etat dans le département ou la région soit de
l'autorité territoriale.
Quant au champ et à la portée du contrôle de gestion,
chaque chambre a été amenée à en préciser
les contours.
Il en est résulté des
difficultés
d'interprétation
des compétences des chambres
régionales des comptes, difficultés qui portent tant sur le
contrôle de la régularité des dépenses et des
recettes que sur celui de l'efficacité des dépenses
engagées par la collectivité.
a) L'appréciation de la régularité de la gestion
Le
contrôle de gestion doit d'abord porter sur la
régularité
des dépenses et des recettes,
c'est-à-dire sur leur conformité aux lois et règlements.
A ce titre, la chambre régionale des comptes -sans disposer du pouvoir
d'annuler un acte qu'elle estime illégal- peut examiner la
légalité des mesures prises par les ordonnateurs que sont les
maires, présidents de conseils généraux ou
régionaux, directeurs ou présidents d'établissement
publics.
Or, cet exercice est en lui-même difficile. D'une part, le champ couvert
par le contrôle de la régularité peut être plus ou
moins étendu selon l'interprétation que l'on en donne. Il couvre
la régularité formelle d'un acte (la qualité d'ordonnateur
en fonction des délégations consenties, par exemple). Il peut
également concerner le respect de certains principes
généraux qui s'imposent à la gestion publique, tels que le
respect de l'égalité devant les charges publiques. Enfin, sous
l'effet de la jurisprudence, la régularité d'un acte peut
être subordonnée à son efficacité pour la gestion
publique, exigence que le juge administratif sanctionne par l'erreur manifeste
d'appréciation.
En outre, le droit applicable à tel ou tel aspect de la gestion publique
locale peut lui-même être sujet à interprétation. De
très grandes incertitudes apparaissent compte tenu de l'évolution
rapide des structures locales (développement de
l'intercommunalité, responsabilités renforcées dans le
domaine économique et social). Cette situation confère au juge
financier un "
pouvoir créateur
" durement ressenti par
les élus locaux, dans certains cas, comme l'ont mis en évidence
les auditions du groupe de travail.
Ce
" pouvoir créateur "
peut être d'autant plus
mal accepté par les élus locaux lorsqu'il fait abstraction du
contexte de la gestion locale
.
Ainsi, lorsqu'une chambre régionale des comptes relève qu'une
collectivité locale agit "
hors de son champ de
compétence
s", elle ignore parfois la "
clause
générale de compétence
" qui est reconnue
à chaque collectivité. De même, lorsqu'il est
reproché à une collectivité locale de financer des
investissements qui relèvent de l'Etat, un tel reproche fait abstraction
du retrait progressif de ce dernier de toute une série d'actions
publiques ce qui place les collectivités en première ligne pour
répondre aux demandes de la population.
Ces difficultés sont accentuées par le fait que trop souvent les
chambres régionales des comptes
ne motivent pas leurs
observations
en indiquant les textes ou les principes
généraux sur lesquels elles se fondent. Une telle motivation
devrait être obligatoire.
Enfin, les observations des chambres ne font, dans certains cas, que dresser le
constat de la
complexité des règles juridiques
à
laquelle les élus locaux sont confrontés. Les procédures
applicables en matière de marchés publics ou la distinction
-devenue artificielle- entre les aides économiques directes et
indirectes témoignent de cette réalité.
b) La crainte d'une dérive vers le contrôle de l'opportunité
Le
contrôle de
l'efficacité des dépenses
constitue le
second aspect du contrôle de gestion. Il est évidemment au coeur
du débat sur le glissement du contrôle de gestion vers un
contrôle d'opportunité. Il cristallise les incompréhensions
entre beaucoup d'élus locaux et les magistrats des chambres
régionales des comptes.
En principe, il revient aux chambres à partir d'un objectif
déterminé par l'assemblée délibérante -et
sur lequel il ne lui appartient pas de se prononcer- d'examiner le choix des
moyens, le coût de l'opération et les résultats obtenus.
Une chambre régionale des comptes est dans son rôle lorsqu'elle
relève les risques attachés à une opération
donnée ou les conséquences négatives qui peuvent
résulter d'une mauvaise organisation des services.
L'attribution d'un marché public, tout en respectant les
procédures de mise en concurrence, peut s'appuyer sur des
critères de choix qui ne sont pas exempts de risques.
L'application du critère du
" mieux disant "
est aussi
souvent source de difficultés pour les décideurs publics. Ce
critère ne permet pas à ces derniers de disposer d'un instrument
efficace d'aide à la décision.
De même, le mauvais fonctionnement des services d'une collectivité
locale, chargés de la commande publique, peut expliquer le
dépassement des seuils permettant le règlement des achats sur
simple facture.
Certaines chambres régionales des comptes veillent à circonscrire
expressément dans leurs lettres d'observations définitives leur
champ d'investigation par rapport aux compétences des assemblées
élues.
Pour autant, force est de constater l'existence d'un
très grand
décalage
entre les conditions dans lesquelles l'action locale doit
être mise en oeuvre et la perception que peut en avoir un contrôle
opéré souvent plusieurs années après les
décisions prises.
Les collectivités locales -confrontées au désengagement de
l'Etat- doivent prendre en compte les
attentes de plus en plus
diversifiées
de nos concitoyens, qu'elles concernent la
sécurité, l'emploi, le logement, les transports ou encore
l'environnement.
Elles sont ainsi conduites à
innover
, à
prendre des
risques
, souvent pour faire face à des situations urgentes.
La gestion locale est elle-même de plus en plus éclatée
sous l'effet du partage des compétences mais aussi du
développement de l'intercommunalité.
Or, le contrôle
a posteriori
, s'il s'abstrait de ce contexte, ne
peut que rendre compte de manière déformée de la gestion
locale.
Ainsi, une chambre régionale des comptes qui relève qu'une
collectivité locale intervient dans le domaine qui relève de la
compétence de l'Etat omet que cette intervention est motivée par
le désengagement de ce dernier qui compromet gravement la
réalisation d'un équipement essentiel sur le plan local, tel que
la construction d'une université.
De même, comme il a été souligné devant le groupe de
travail, une interprétation trop stricte des compétences des
établissements publics de coopération intercommunale -qui sont
libellées de manière assez large- a pour effet négatif de
brider inutilement la capacité d'initiative
de ces
établissements, capacité qui est essentielle pour le
développement local.
Les incertitudes du cadre législatif et règlementaire dans un
grand nombre de domaines pèsent également sur la gestion locale.
Elles ne peuvent être ignorées dans la mise en oeuvre du
contrôle financier.
L'évaluation des résultats obtenus peut, par ailleurs, conduire
certaines chambres à remettre en cause les choix opérés
par l'assemblée délibérante en toute clarté. Le
contrôle de l'efficacité de la dépense risque alors de
dériver vers un contrôle de l'opportunité des choix.
Une chambre régionale des comptes est-elle fondée à
adopter une telle démarche ? Certes, il lui revient
d'évaluer le coût financier de l'opération,
d'apprécier le choix des moyens. Mais peut-elle sans glisser vers
l'opportunité mettre en cause la décision elle-même de
l'assemblée délibérante ? Tel est bien ce qui
résulte de certaines lettres d'observations définitives.
Or, cette pratique contribue à l'incompréhension des élus
concernés qui ont le sentiment que les chambre régionales des
comptes substituent leur propre appréciation à celle des organes
délibérants élus démocratiquement et seuls
responsables devant le suffrage universel.
Ainsi les observations portées sur une opération de construction
d'un ouvrage public critiquant le choix même de la collectivité de
financer l'ouvrage ainsi que l'emplacement retenu pour celui-ci peuvent
apparaître aux yeux des élus concernés comme une mise en
cause de la libre décision de la collectivité.
De même, une appréciation relativement sommaire sur les
retombées financières d'une épreuve sportive pour une
collectivité locale qui lui a apporté son appui financier peut
être perçue comme une critique injustifiée d'un choix
librement décidé par cette collectivité.
2. L'absence de critères fiables et communs aux différentes chambres régionales des comptes dans la mise en oeuvre de l'examen de la gestion
a) L'absence de références homogènes
Pour
être efficace et homogène, le contrôle de gestion devrait
reposer sur des critères
fiables
et
communs
aux
différentes chambres régionales des comptes.
Or, un chantier immense est ouvert en matière de
références, comme l'ont fait observer certains magistrats
financiers entendus par le groupe de travail.
Les données statistiques indispensables à l'analyse
financière sont souvent
tardives
,
hétérogènes
et
difficiles à
interpréter
. L'absence de références communes,
modulées selon la taille des collectivités, ne permet pas de
définir de manière incontestable les coûts qui paraissent
acceptables pour l'achat de fournitures, la réalisation
d'investissements ou de prestations de services.
Le souci légitimement manifesté au moment de la
décentralisation de mettre un terme à la tutelle technique qui
s'exprimait à travers diverses recommandations ou cahiers des charges
type n'a pas été relayé par un effort de
clarification
et de
regroupement
pourtant souhaité par le
législateur. Ainsi, le code des prescriptions et procédures
techniques particulières -voulu par la loi du 2 mars 1982 et
repris, sur l'initiative du Sénat, à
l'article L.1111-3
du code général des
collectivités territoriales- n'a-t-il jamais vu le jour.
b) Une lacune préjudiciable au bon exercice de contrôle de gestion
Cette
absence de critères communs laisse aux chambres régionales des
comptes une marge d'appréciation très large pour définir
ce qui est conforme ou non à une bonne gestion locale.
Il en résulte une très grande
hétérogénéité
des solutions retenues
qui explique l'incompréhension manifestée par beaucoup
d'élus locaux.
Comment, en effet, justifier qu'un niveau d'endettement ou encore le coût
de prestations de services soit jugé acceptable dans une région
et ne le soit plus dans une autre ?
Cette situation est d'autant plus préjudiciable que l'utilisation de
ratios n'a de sens que pour autant qu'ils sont resitués dans le contexte
global d'une gestion locale. Tel est par exemple le cas des
établissements publics de coopération intercommunale -qui, pour
accomplir leurs missions au service du développement local- doivent
pouvoir innover.
De même, des ratios moyens sont inutilisables pour certaines communes.
Ainsi en est-il de la référence aux habitants permanents pour les
communes touristiques.
Le groupe de travail juge donc regrettable que les chambres régionales
des comptes n'aient pas à ce jour bénéficié d'une
réflexion globale associant des représentants des
collectivités locales, des services de l'Etat et des juridictions
financières, et
destinée à promouvoir des
critères homogènes et adaptés au contexte de la gestion
locale
.
3. Les limites de la procédure contradictoire
Pour mener à bien leur mission, les magistrats des chambres régionales des comptes disposent de moyens d'investigation étendus. La procédure contradictoire qui, en contrepartie, doit être mise en oeuvre ne paraît pas suffisamment affirmée.
a) Des pouvoirs d'investigation étendus
Sans
dresser une liste exhaustive des pouvoirs d'investigation dont disposent les
chambres régionales des comptes, votre rapporteur rappellera qu'elles se
sont vues reconnaître les mêmes pouvoirs que ceux attribués
à la Cour des comptes par la loi du 22 juin 1967 (article 9).
Ainsi, le magistrat chargé d'instruire le dossier peut mener son
enquête sur pièces et sur place. Il dispose des dossiers de
contrôles budgétaires et de réquisition. Il peut
également interroger le comptable et obtenir de lui des informations de
nature à l'éclairer sur la gestion de la collectivité.
Par ailleurs, les représentants, administrateurs, fonctionnaires ou
agents des collectivités et établissements publics doivent
répondre à la convocation de la chambre régionale des
comptes (
article L.241-4
du code des juridictions
financières). Ils sont tenus de communiquer au rapporteur de la chambre
tout document ou renseignement sur la gestion de services ou organismes soumis
au contrôle de la chambre.
Pour les gestions ou opérations qui font appel à l'informatique,
le magistrat chargé de l'instruction peut accéder à
l'ensemble des données et programmes. De même qu'il a accès
à tous les immeubles locaux et propriétés dépendant
de la collectivité ou de l'établissement contrôlé.
Les magistrats instructeurs peuvent également demander des
renseignements aux agents de l'Etat, aux services préfectoraux ou
à la trésorerie générale notamment.
Les chambres régionales des comptes peuvent, pour des enquêtes
très techniques, recourir à des experts.
Cette brève énumération montre l'étendue des moyens
dont disposent les juridictions dans l'exercice de leurs missions.
b) Une procédure contradictoire insuffisamment affirmée
En
contrepartie, le code des juridictions financières organise une
procédure contradictoire qui s'applique à toutes les
décisions que les chambres régionales des comptes peuvent
prendre. En matière juridictionnelle, la procédure contradictoire
est assurée par le
double jugement
(le premier jugement n'ayant
qu'un caractère provisoire et permettant au comptable de répondre
aux observations de la chambre).
Dans le cadre de l'examen de gestion, les observations ont d'abord un
caractère provisoire
23(
*
)
. Avant
l'établissement de ses observations définitives, la chambre
régionale des comptes doit prévoir un
entretien
entre le
magistrat rapporteur ou le président de la chambre et l'ordonnateur de
la collectivité concernée.
Le cas échéant, un entretien doit également avoir lieu
avec l'ordonnateur qui était en fonction au cours de l'exercice
examiné.
Si la chambre régionale des comptes a le droit -comme la Cour des
comptes- de convoquer tout représentant, administrateur, fonctionnaire
ou agent des services des établissements et organismes
contrôlés, elle a aussi le
devoir d'entendre
les personnes
concernées.
Les observations définitives sur la gestion sont
délibérées après l'audition, à sa demande,
de la personne concernée (
article L 241-14
du code des
juridictions financières).
Enfin, comme l'avait souhaité le Sénat lors de l'examen de la loi
du 2 mars 1982, l'insertion au rapport public de la Cour des comptes des
observations sur la gestion des collectivités locales et des organismes
locaux relevant des chambres régionales des comptes, ouvre aux
collectivité locales une sorte de droit de réponse. L'article L.
136-4 du code des juridictions financières fait obligation à la
Cour des comptes d'informer les collectivités des observations qu'elle
envisage d'insérer au rapport et de les inviter à faire part de
leurs réponses. Celles-ci sont publiées à la suite des
observations de la Cour.
Si ces dispositions ne doivent pas être sous-estimées, pour autant
les auditions du groupe de travail ont mis en évidence que
la
procédure contradictoire n'apparaît pas suffisamment
affirmée.
En premier lieu, le caractère contradictoire de la procédure
n'est pas suffisant au sein même des chambres régionales des
comptes.
Certes, pour les contrôles les plus importants, le président de la
chambre ou le président de la section de cette chambre, peuvent
désigner un magistrat contre-rapporteur. Celui-ci peut utilement
apporter un nouvel éclairage sur la question soumise à la chambre
régionale des comptes.
Mais, à la différence de la procédure suivie devant la
Cour des comptes,
la pratique du contre-rapport n'est pas
systématique
. Une telle situation n'est pas propice au traitement,
dans les meilleures conditions, de questions souvent complexes et pour
lesquelles le rôle des chambres régionales des comptes n'est pas
de s'ériger en censeur de la gestion locale mais d'apporter aux
élus locaux les conseils de nature à faciliter celle-ci.
Elle est d'autant plus regrettable, s'agissant d'institutions jeunes et
disposant de magistrats-instructeurs parfois inexpérimentés.
De même, plusieurs magistrats entendus par le groupe de travail ont
manifesté le souhait que la
collégialité
soit
davantage affirmée, notamment pour la détermination des
contrôles annuels mais aussi pour assurer un meilleur encadrement des
conseillers-rapporteurs.
Plus profondément, les élus locaux ont trop souvent le sentiment
que les réponses qu'ils présentent aux observations provisoires
des chambres régionales des comptes
ne sont pas prises en compte par
ces dernières
.
Le Conseil d'Etat a eu l'occasion de rappeler, dans un arrêt de principe
qui concernait la Cour des comptes
(12 février 1993, Mme
Gaillard),
que la divulgation de tout ou partie de rapports provisoires
rend tout intéressé recevable à demander à
connaître les mentions le mettant en cause, à en contester
l'exactitude et à en demander, le cas échéant, la
suppression.
Certes, comme l'atteste l'analyse à laquelle le groupe de travail s'est
livré, nombreuses sont les chambres régionales des comptes qui,
dans leurs lettres d'observations définitives, prennent acte de la
réponse de l'ordonnateur ou des mesures engagées par la
collectivité pour redresser une situation.
Cette pratique -aussi positive soit-elle- n'apparaît pas suffisante. Elle
ne reflète pas, en effet, l'existence d'un
véritable
dialogue
entre la juridiction financière et les responsables des
collectivités locales. Or seul un tel dialogue peut permettre à
la juridiction financière d'apprécier, dans sa globalité,
le contexte dans lequel les décisions locales ont été
prises et mises en oeuvre.
Trop souvent, l'entretien ou la réponse de l'ordonnateur s'apparente
à un
simple acte de procédure
ayant peu d'effet sur les
observations définitives.
En témoigne la formule utilisée par certaines chambres
régionales des comptes qui relèvent que la réponse de
l'ordonnateur n'est pas de nature à modifier les observations de la
chambre. Elle rapproche les observations sur la gestion d'un véritable
jugement alors que tel n'est pas leur objet.
En toute hypothèse, le fait que les réponses des ordonnateurs ne
soient pas annexées aux lettres d'observations définitives heurte
le principe clairement affirmé par la loi du 17 juillet 1978 selon
laquelle
" toute personne a le droit de connaître les
informations contenues dans un document administratif dont les conclusions lui
sont opposées. Sur sa demande, ses observations à l'égard
desdites conclusions sont
obligatoirement consignées en annexe
du
document concerné ".
4. L'absence de procédure de recours
a) Des observations " sans appel "
Le
contrôle de gestion ne peut entraîner une
sanction
d'ordre
juridictionnel. Il en résulte que les lettres d'observations
définitives ne peuvent faire l'objet d'un recours en appel devant la
Cour des comptes.
Elles ne sont pas non plus susceptibles d'un recours pour excès de
pouvoir devant la juridiction administrative.
Saisi d'un recours à l'encontre d'un avis rendu par une chambre
régionale des comptes dans le cadre des dispositions de la loi du 2 mars
1982 qui permettent au représentant de l'Etat de soumettre à la
juridiction une convention relative à un marché ou à une
délégation de service public, le Conseil d'Etat a
considéré que l'avis ainsi émis ne présentait pas
le caractère d'une décision susceptible d'être soumise au
juge par la voie du recours pour excès de pouvoir
(8 décembre
1995, Département de la Réunion).
S'agissant des observations rendues par une chambre régionale des
comptes sur la gestion des collectivités, le tribunal administratif de
Marseille a considéré que : "
les observations formulées
par la chambre régionale des comptes dans le cadre de l'examen de la
gestion des collectivités (...) ne présentent pas, alors
même qu'elles sont obligatoirement communiquées à
l'assemblée délibérante de la collectivité
intéressée dès sa plus proche réunion, inscrites
à son ordre du jour et jointes à la convocation adressée
à chacun de ses membres, le caractère de décision faisant
grief susceptible d'être déférée au juge de
l'excès de pouvoir "
(1er mars 1995,
société
Sernica et commune de La Ciotat).
Le Conseil
d'Etat, saisi en appel de ce jugement, n'a pas encore rendu son
arrêt.
b) Un double inconvénient
Cette
situation présente un double inconvénient qui concerne, d'une
part, les
droits de la défense
et, d'autre part,
l'unification
des pratiques
des chambres régionales des comptes.
• S'agissant des
droits de la défense
, l'absence de
recours lèse les droits des ordonnateurs mis en cause dans les lettres
d'observations définitives, et, au-delà des ordonnateurs, les
intérêts de la collectivité elle-même.
Par contraste, le jugement des comptes fait l'objet d'une procédure de
première instance devant la chambre régionale des comptes,
d'appel devant la Cour des comptes et de cassation devant le Conseil d'Etat.
Certes, l'argument invoqué pour expliquer cette distorsion -le fait que
les observations sur la gestion ne sont pas rendues en forme juridictionnelle
et ne sont pas assorties de sanctions- ne manque pas de valeur.
Il n'en demeure pas moins que ces observations -par leur contenu et par la
publicité qui leur est obligatoirement donnée- sont susceptibles
de porter préjudice à l'ordonnateur et à sa
collectivité bien au-delà du simple prononcé d'une amende.
Depuis la loi du 15 janvier 1990, les observations définitives doivent,
en effet, être communiquées par l'exécutif à son
assemblée délibérante, dès sa plus prochaine
réunion (
article 241-11
du code des juridictions
financières).
Dès qu'a eu lieu la première réunion de l'assemblée
délibérante suivant la réception par la
collectivité de ces observations, elles peuvent être
communiquées aux tiers (
article 120
du décret du 23
août 1995).
Ainsi, alors même que les questions soulevées dans la lettre
d'observations n'ont pas nécessairement fait l'objet d'un
véritable débat contradictoire et que les réponses de
l'ordonnateur n'ont pas toujours été prises en comptes, celui-ci
peut être mis en cause devant l'opinion
sans qu'il puisse exercer un
recours
.
Cette situation ne peut que heurter les principes généraux d'un
Etat de droit. Le droit de former un recours pour excès de pouvoir
contre un acte dont la légalité est constestée constitue,
en effet, un principe général du droit consacré par la
jurisprudence.
• Sur le plan des pratiques des chambres régionales des comptes,
l'absence de procédure de recours ne permet pas une unification qui
serait pourtant nécessaire. Une instance d'appel pourrait, en effet,
progressivement homogénéiser les solutions retenues face à
des questions souvent complexes. Ses décisions -comme c'est le cas en
matière juridictionnelle- serviraient de référence
à des juridictions qui en manquent trop souvent.
Une procédure de recours aurait une double vertu de modération
et de réflexion sur les chambres régionales des
comptes.
B. LES COLLECTIVITÉS LOCALES FACE À L'EXAMEN DE LA GESTION : UNE SITUATION FRAGILISÉE
1. Une divulgation abusive des actes préparatoires et des lettres d'observations provisoires
a) Une amplification médiatique d'une vision réductrice
Le
respect de la confidentialité des actes préparatoires et des
lettres d'observations provisoires est la condition indispensable pour qu'un
dialogue fructueux
ait une chance de se développer entre la
juridiction financière et les ordonnateurs locaux.
Telle a bien été la préoccupation du législateur
lorsqu'il a prévu que la chambre régionale des comptes devait
prendre toutes les dispositions nécessaires pour garantir le
secret
de ses investigations et que les
propositions
, les
rapports
et les
travaux
de la chambre étaient couverts par
le
secret professionnel
.
Cette précaution est d'autant plus nécessaire que -comme ont tenu
à le souligner devant le groupe de travail tant les représentants
des élus que les magistrats des juridictions financières- le
contrôle exercé par les chambres régionales des comptes
tire sa spécificité du fait qu'il concerne des ordonnateurs qui
sont des élus, en tant que tels responsables devant le suffrage
universel.
Or, la situation actuelle ne peut pas être considérée comme
satisfaisante. Trop souvent, en effet, les observations provisoires sur la
gestion sont publiées dans la presse avant même que les
collectivités locales les aient elles-mêmes reçues. A
l'inverse, les réponses des ordonnateurs à ces observations en
principe provisoires sont rarement publiées.
Ainsi, sans que les intéressés aient pu faire connaître
leurs réponses aux observations de la chambre régionale des
comptes, leur condamnation médiatique est opérée par la
voie de formules lapidaires extraites de documents provisoires, estimant que
les intérêts de la collectivité ont été
"
perdus de vue "
, que des
" opérations
frauduleuses
" ont été réalisées ou que le
rapport provisoire est "
accablant "
pour l'ordonnateur.
Il en résulte une
" amplification médiatique d'une vision
réductrice "
, selon la formule de notre collègue Jean
Puech, président de l'Assemblée des présidents des
conseils généraux. Les chambres régionales des comptes
sont, en effet, obligées de concentrer leurs analyses sur des aspects
limités de la gestion d'une collectivité. Dans ces conditions,
leurs lettres d'observations ne permettent pas en général de se
forger une opinion concrète fondée sur une vision globale de
cette gestion. La divulgation dans la presse d'informations provisoires ne peut
qu'accentuer cette caractéristique.
Or, l'impact de cette médiatisation est sans commune mesure avec la
publicité qui peut, par exemple, être donnée aux
observations consignées dans le rapport annuel de la Cour des comptes
concernant diverses administrations publiques. Dans le cas des observations des
chambres régionales des comptes, c'est en effet un élu
nommément désigné
qui est mis en cause devant
l'opinion publique.
Le rapport entre le contrôleur et le contrôlé est dès
lors déséquilibré avant même la fin de la
procédure légale.
A son corps défendant, l'organe de contrôle -auquel le
législateur a entendu confier une mission de conseil- peut ainsi se
trouver
instrumentalisé
au service d'objectifs qui lui sont
étrangers. Cette situation est d'autant plus marquée lorsqu'elle
intervient dans une période préélectorale.
L'origine de la divulgation de documents provisoires est, par
définition, difficile à déterminer.
Plusieurs magistrats entendus par le groupe de travail ont tenu à
souligner que les magistrats des chambres régionales des comptes
n'avaient eux-mêmes aucun intérêt à de telles
divulgations qui en définitive ne pouvaient que nuire à l'image
et au rôle de leur institution.
b) Les sanctions applicables
Dans la
mesure où ces divulgations seraient imputables à des magistrats,
le groupe de travail observe que
des sanctions existent
et qu'elles
doivent en principe
prévenir
certains comportements condamnables.
L'article L. 140-6
du code des juridictions financières
prévoit, en effet, une obligation générale applicable
à tous les magistrats des juridictions financières de respecter
l'obligation du secret professionnel
des magistrats.
L'article L. 220-1
soumet les membres du corps des chambres
régionales des comptes au statut général des
fonctionnaires. Or, l'article 26 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et
obligations des fonctionnaires spécifie que ceux-ci sont tenus au secret
professionnel dans le cadre des règles instituées par le code
pénal.
L'article 226-13
du code pénal punit
d'un an
d'emprisonnement et de
100.000 francs
d'amende la
révélation d'une information de caractère secret par une
personne qui en est dépositaire notamment en raison d'une fonction.
En outre, sur le fondement de
l'article 321-1
du même code, la
communication d'observations provisoires constituant une atteinte au secret
professionnel, la détention par un tiers de ces observations en
connaissance de cause, constitue l'infraction de recel d'informations provenant
d'une violation du secret professionnel.
Si la décision de communiquer à des tiers des observations
provisoires émane de la juridiction elle-même, elle peut faire
l'objet -en tant qu'elle fait elle-même grief- d'un recours devant la
juridiction administrative.
Cependant, comme l'ont souligné plusieurs magistrats entendus par le
groupe de travail, une difficulté supplémentaire vient de la
communication des observations provisoires à une pluralité de
destinataires ( les ordonnateurs des collectivités concernées et
leurs prédécesseurs mais aussi toute personne nominativement ou
explicitement mise en cause) dont les intérêts ne sont pas
toujours convergents.
Enfin, depuis la loi du 15 janvier 1990, qui a prévu la publicité
des observations définitives des chambres régionales des comptes,
les actes préparatoires du contrôle de gestion (mesures
d'instruction, rapports et communications provisoires) sont soumis au
régime de la communication des actes administratifs institués par
la loi du 17 juillet 1978.
Ce régime -qui contraste avec celui applicable à la Cour des
comptes (
article L 140-9
du code des juridictions financières)-
expose les documents préparatoires d'instruction des chambres
régionales des comptes au risque d'être considérés
comme communicables à tout moment à toute personne en faisant la
demande et y ayant intérêt, quand bien même les
propositions, les rapports et les travaux de la chambre régionale des
comptes sont couverts par le secret professionnel (
article L.
241-6
).
2. Les lacunes des lettres d'observations définitives
a) L'absence de hiérarchisation des observations
La
forme
que revêtent les lettres d'observations définitives
soulève des critiques. Parmi celles-ci, celle la plus souvent
formulée par les représentants des élus devant le groupe
de travail est le caractère
parcellaire
et
réducteur
des questions abordées dans les lettres
d'observations.
Il est vrai que la tâche impartie à un magistrat-instructeur n'est
pas simple. Chargé d'un dossier inscrit au programme annuel de travail
de la chambre régionale des comptes, qui ne précise en
général que les exercices qui devront être examinés,
il lui revient de délimiter son champ d'intervention.
Dans un champ de compétence d'une collectivité qui est vaste, il
doit donc opérer des choix. Au-delà d'une analyse
financière -exercice obligé- il doit soit examiner le plus grand
nombre d'aspects de la gestion de la collectivité dans le temps encore
disponible, soit ne s'intéresser qu'à des actions ponctuelles
mais significatives.
Cette contrainte de temps conduit le plus souvent le magistrat-instructeur
à limiter ses analyses à des aspects de la gestion locale qui,
s'ils peuvent pour certains d'entre eux être importants, n'en sont pas
moins
parcellaires
.
Or, cette démarche conduit le magistrat puis la chambre à donner
un éclairage particulier à une action locale sans que
l'importance de cette action dans l'ensemble de la gestion de la
collectivité ne soit mise en évidence.
Elle aboutit à traiter sur le même plan des actions secondaires et
des actions tout à fait essentielles d'une collectivité. Dans ce
contexte, une irrégularité formelle relevée dans un
domaine marginal de l'action locale peut prendre une ampleur probablement
démesurée.
L'analyse financière globale devrait, au contraire, faire
apparaître l'importance relative des différentes actions de la
collectivité. Un guide d'analyse normalisée pourrait parfaitement
répondre à cette exigence.
L'absence de hiérarchisation
des observations est durement
ressentie par les élus locaux qui peuvent avoir légitimement le
sentiment que l'examen opéré par la chambre régionale des
comptes ne rend pas compte de la réalité de la gestion de leur
collectivité.
Ce sentiment est renforcé par le fait que, trop souvent, les lettres
d'observations se bornent à faire état des
aspects
négatifs
relevés dans l'examen de la gestion d'une
collectivité sans mentionner les
aspects positifs
. Le groupe de
travail tient cependant à souligner l'effort opéré par
certaines chambres pour
équilibrer la présentation d'une
collectivité
. Cette démarche devrait être approfondie.
Enfin,
le caractère parcellaire de l'examen de gestion
par les
chambres régionales des comptes de même que l'objectif du
contrôle de gestion, qui n'est pas de sanctionner mais de contribuer
à une bonne gestion locale, devraient inciter à une
très grande vigilance
dans la forme des lettres d'observations.
Or, certaines formulations concourent à ce que les lettres
d'observations apparaissent en définitive comme de véritables
" jugements ",
en fait sinon en droit.
b) L'absence de recommandations concrètes
Le
contrôle de gestion doit constituer une aide à la gestion
locale.
Il n'a donc pas seulement pour objet de relever certaines
irrégularités ou de dresser un constat financier d'une politique
locale. Son ambition doit être plus ample et aboutir, à partir
d'un constat, à la formulation de
recommandations
concrètes
qui, sans mettre en cause la liberté de gestion,
pourront aider l'ordonnateur et sa collectivité dans une perspective de
renforcement de la qualité de la gestion locale.
La Cour des comptes, dans des rapports particuliers a ainsi cherché
à favoriser une meilleure adaptation de la gestion locale, pour ce qui
est de la dette et de la trésorerie par exemple, ou à
établir un bilan équilibré de l'action des
collectivités locales dans des domaines tels que l'enseignement du
second degré, l'aide sociale ou encore la gestion des offices HLM.
Certains rapports particuliers résultant d'enquêtes menées
en commun par la Cour et les chambres régionales des comptes ont aussi
permis de souligner certaines inadéquations du cadre législatif
en vigueur, notamment en ce qui concerne les interventions des
collectivités territoriales en faveur des entreprises (rapport de
novembre 1996).
Le groupe de travail relève, à la lecture de lettres
d'observations, que certaines d'entre elles cherchent utilement à tirer,
de manière positive, à destination des ordonnateurs, les
conséquences de l'examen de la gestion.
Cette démarche ne paraît cependant pas encore suffisamment
affirmée. Ce qui peut expliquer le fait que trop d'élus locaux ne
perçoivent pas le concours que cette expertise peut apporter à la
gestion de leur collectivité.
L'absence d'une prescription de portée générale qui ferait
obligation aux chambres régionales des comptes d'assortir leurs
observations de propositions concrètes produit ainsi des effets
négatifs. Elle contribue à affaiblir le dialogue entre les
juridictions financières et les collectivités locales,
contrairement à l'objectif visé par le
législateur.
3. L'absence de sécurité juridique des actes des collectivités locales
a) Une mise en cause a posteriori
Les
délais dans lesquels interviennent les lettres d'observations
définitives constituent une
difficulté objective
pour les
collectivités locales.
En effet, le délai entre la prise de décision et l'examen de la
gestion par la chambre régionale des comptes est
souvent très
long
.
Il en résulte qu'une même lettre d'observations peut porter
à la fois sur une gestion ancienne qui n'a pas relevé de
l'ordonnateur actuellement en fonction et sur une gestion récente dont
tel ou tel aspect pourra faire l'objet de mesures nouvelles de la part de cet
ordonnateur.
La lettre d'observations définitives peut donc apparaître, dans
certains cas, plus comme une
" photographie "
d'une situation
passée que comme le reflet d'une situation présente, susceptible
le cas échéant d'être améliorée.
b) Des divergences entre le contrôle de légalité et les chambres régionales des comptes préjudiciables à la bonne gestion locale
Plus
profondément, le décalage entre la prise de décision et le
contrôle de gestion opéré par les chambres
régionales des comptes aboutit à des divergences entre les
analyses des chambres et le contrôle de légalité.
Les auditions auxquelles le groupe de travail a procédé mettent
en évidence l'incompréhension légitime des élus
locaux face à cette situation.
En effet, des actes qui n'ont pas appelé d'observations
particulières de la part du contrôle de légalité et
dont la régularité apparaissait dès lors incontestable,
peuvent plusieurs années après être remis en cause par la
chambre régionale des comptes dans le cadre de l'examen de la gestion.
Les collectivités locales se trouvent ainsi face à deux organes
de contrôle qui, pour un même acte, peuvent avoir des
appréciations divergentes
24(
*
)
.
Cette situation n'est d'ailleurs pas spécifique aux relations entre le
contrôle de légalité et les chambres régionales des
comptes. Le rapport de notre collègue Pierre Fauchon au nom du groupe de
travail de la commission des Lois sur la responsabilité pénale
des élus locaux, sous la présidence de M. Jean-Paul Delevoye
(n° 328, 1994-1995),
avait lui-même souligné la
réaction d'incompréhension des élus locaux lorsque leur
responsabilité pénale est mise en cause à propos d'actes
soumis au contrôle de légalité lequel n'avait donné
lieu à aucune observation.
Comme l'a relevé le rapport de notre collègue Daniel Hoeffel au
nom du groupe de travail de la commission des Lois sur la
décentralisation, présidé par M. Jean-Paul Delevoye
(n° 239, 1996-1997),
on aboutit "
à une sorte
de confusion dans la définition et la mise en oeuvre du champ des
contrôles juridictionnels exercés respectivement par le juge
administratif et par le juge répressif, voire par les juridictions
financières
".
Certes, ces distorsions d'appréciation entre le juge financier et le
contrôle de légalité peuvent s'expliquer par la nature des
actes en cause.
Comme l'ont souligné certains magistrats entendus par le groupe de
travail, le contrôle de légalité peut avoir eu connaissance
de l'acte initial mais pas de certaines modalités d'exécution. Le
juge financier, qui est saisi de l'ensemble des actes intéressant une
même opération, se doit de relever toutes les
irrégularités qu'il observe.
En outre, ainsi que l'a fait observer devant le groupe de travail
M. Joël Thoraval, président de l'Association du corps
préfectoral, le contrôle de légalité ne se borne pas
à recourir à des voies de droit contraignantes. Il tient compte
des conditions réelles d'exercice des compétences locales.
Il n'en demeure pas moins que ces divergences d'appréciation ne peuvent
que contribuer à
l'insécurité juridique
des actes
des collectivités locales.
Ces divergences peuvent aussi se rencontrer entre une solution
dégagée par un tribunal administratif et l'appréciation
que peut avoir une chambre régionale des comptes dans le cadre de
l'examen de la gestion. Dans un tel cas, la chambre qui agit dans un cadre non
juridictionnel devrait s'incliner devant la décision de
justice.
IV. LES INSUFFISANCES DU RÉGIME DE LA GESTION DE FAIT
A. LA DÉFINITION DE LA GESTION DE FAIT
En
application du principe traditionnel de la séparation des ordonnateurs
et des comptables, le comptable est seul chargé de l'encaissement des
recettes, du paiement des dépenses et de la conservation des fonds et
valeurs (
article 11
du décret n° 62-1587 du 29
décembre 1962 portant règlement général sur la
comptabilité publique).
Les régies d'avances ou de recettes, par lesquelles un ordonnateur peut
procéder à paiement ou à encaissement d'une somme sans
faire appel au comptable, constituent une exception classique à cette
règle.
Mais, en dehors de ces cas, les personnes qui s'immiscent sans titre dans la
procédure comptable publique sont considérées comme
comptables de fait.
Cette qualification vise non seulement les
ordonnateurs qui n'ont pas respecté le principe de séparation
mais aussi toute personne privée, physique ou morale, qui détient
ou manie sans titre des fonds publics.
La gestion de fait : des origines anciennes
La
notion de gestion de fait est ancienne. L'ordonnance royale sur la Chambre des
comptes de 1319 interdisait à tous autres qu'aux "
receveurs
à ce établis "
de recevoir les deniers royaux.
L'Edit de Saint-Germain de 1663 faisait
" défense à
toutes sortes de personnes de s'immiscer en la recette et maniement de nos
deniers sans nos lettres de provision ou commissions registrées en nos
chambres de comptes ".
Une déclaration du 18 mars 1738 soumettait à la même
responsabilité que les comptables
" tous ceux qui auraient
effectué le maniement des deniers royaux à quelque titre que ce
soit ".
La thérorie a été précisée par plusieurs
arrêts rendus par la Cour des comptes au cours du XIXe siècle et
ratifiée par le Conseil d'Etat. L'arrêt le plus ancien de la Cour
des comptes sur cette question semble remonter au 23 août 1834 (Ville de
Roubaix).
La juridiction financière s'appuyait alors sur le code civil : l'article
1372 (obligations du gérant d'affaires), l'article 1993 (obligations du
mandataire) et sur l'ordonnance royale du 23 avril 1823.
Cette théorie de la gestion de fait a par la suite été
consacrée par le décret du 31 mai 1862 (article 25) portant
règlement général sur la comptabilité publique,
aujourd'hui abrogé, qui précisait que
" toute personne
autre que le comptable qui, sans autorisation légale, se serait
ingérée dans le maniement des deniers publics, est, par ce seul
fait, constituée comptable (...) comme s'étant immiscée,
sans titre, dans des fonctions publiques. "
Cette théorie a enfin été reprise et
précisée par l'article 60-XI de la loi du 23 février
1963.
L'article 60-XI
de la loi de finances n° 63-156 du 23
février 1963 dispose que :
" Toute personne qui, sans avoir la qualité de comptable public
ou sans agir sous contrôle et pour le compte d'un comptable public,
s'ingère dans le recouvrement de recettes affectées ou
destinées à un organisme public doté d'un poste comptable
ou dépendant d'un tel poste doit, nonobstant les poursuites qui
pourraient être engagées devant les juridictions
répressives, rendre compte au juge financier de l'emploi des fonds ou
des valeurs qu'elle a irrégulièrement détenus ou
maniés.
" Il en est de même pour toute personne qui reçoit ou manie
directement ou indirectement des fonds ou des valeurs extraits
irrégulièrement de la caisse d'un organisme public, et pour toute
personne qui, sans avoir la qualité de comptable public, procède
à des opérations portant sur des fonds ou des valeurs
n'appartenant pas aux organismes publics mais que les comptables publics sont
exclusivement chargés d'exécuter en vertu de la
réglementation en vigueur.
" Les gestions de fait sont soumises aux mêmes juridictions et
entraînent les mêmes obligations et responsabilités que les
gestions régulières ".
Ainsi définie, la gestion de fait vise des
opérations
et
les
personnes
qui les ont effectuées.
L'article L. 231-3
du code des juridictions financières attribue
compétence à la chambre régionale des comptes pour juger
" dans les mêmes formes et sous les mêmes sanctions (que
les comptabilités régulières) les comptes que lui rendent
les personnes qu'elle a déclarées comptables de fait d'une
collectivité ou d'un établissement public relevant de sa
compétence ".
En outre,
l'article L. 231-5
spécifie que
" la chambre
régionale des comptes n'a pas juridiction sur les ordonnateurs, sauf sur
ceux qu'elle a déclarés comptables de fait ".
La procédure de gestion de fait a pour objet essentiel d'une part de
rétablir les formes comptables
, en assujettissant le comptable de
fait aux mêmes obligations qu'un comptable patent, d'autre part, de
rétablir les formes budgétaires
, en faisant
délibérer l'organe ayant le pouvoir d'autoriser les
dépenses.
B. LA MULTIPLICATION DES RISQUES
Force
est de constater que, si le nombre de cas de gestion de fait reste somme toute
très limité, la diversification très grande des
activités locales et la nécessité pour les
collectivités locales de répondre aux demandes multiples de la
population ont eu tendance à
exposer davantage
les ordonnateurs
au risque de la gestion de fait.
Le nombre de déclarations provisoires de gestion de fait par la Cour des
comptes en ce qui concerne les collectivités et établissements
locaux, avant la décentralisation, se situait entre cinq et dix par an
(5 en 1980 ; 10 en 1981 ; 8 en 1982). Les chambres régionales des
comptes opèrent entre trente-cinq et quarante déclarations
provisoires par an (36 en 1986 ; 40 en 1987 ; 37 en 1988). Dans la
période la plus récente, cette tendance s'est
légèrement accentuée (66 en 1993 ; 53 en 1994 ; 48 en 1995
et 49 en 1996).
Or, le plus souvent, ces gestions de fait concernent des ordonnateurs qui,
sans que leur bonne foi ne soit en cause
, se sont placés en
dehors du cadre prévu par la loi.
L'extension importante des associations para-administratives -utilisées
pour remédier aux rigidités très fortes de la gestion
publique ou pour engager des actions impliquant des partenaires
extérieurs- a en particulier favorisé le développement des
situations de gestion de fait.
En matière de recouvrement de recettes publiques, l'engagement d'une
procédure de gestion de fait résulte fréquemment de
l'encaissement de bonne foi par des personnes dépourvues de toute
habilitation, de recettes destinées à une collectivité ou
à un organisme doté d'un comptable public, lequel est seul
autorisé à les recouvrer.
Tel peut être le cas, par exemple, de l'encaissement par une association
non habilitée ou par le maire du produit de la location d'une salle des
fêtes. Il peut s'agir également de l'encaissement par le
secrétaire de mairie de recettes du camping municipal ou par un
bibliothécaire des recettes de la bibliothèque municipale sans
création d'une régie de recettes.
En matière d'extraction de deniers publics, certaines situations
irrégulières relevées par les chambres régionales
des comptes ont pu concerner des mandats fictifs consistant pour l'ordonnateur
à conserver la maîtrise de l'utilisation de la subvention
versée. Il en est en particulier ainsi s'il en fait usage pour payer des
dépenses relevant de la responsabilité de la collectivité
qu'il dirige et non de l'objet social de la personne morale
bénéficiaire de la subvention.
Il peut en être ainsi notamment lorsqu'une association
subventionnée prend en charge des factures libellées au nom de la
commune. De nombreux cas ont pu, par ailleurs, concerner le versement de
compléments de rémunération au personnel au travers
d'associations subventionnées, situation certes peu satisfaisante mais
qui traduit l'inadéquation des régimes indemnitaires des
fonctionnaires territoriaux.
Très souvent, le degré d'autonomie dont dispose l'association
subventionnée constitue le critère essentiel retenu par la
chambre régionale des comptes pour apprécier l'existence d'une
gestion de fait.
Lorsque l'association ne jouit
d'aucune autonomie
, les fonds
versés conservent le caractère de deniers publics puisque ce sont
les services de la collectivité qui décident dans le
détail de l'utilisation qui en est faite. Pour apprécier
l'autonomie de l'association par rapport à la collectivité, la
chambre régionale des comptes examine si l'association -en raison des
fonctions de ses membres, de la composition de son bureau ou de l'origine de
ses ressources- n'est pas le simple relais des services de la
collectivité. Si tel est le cas, la gestion de fait est établie.
Si, le plus souvent, les irrégularités relevées ne sont
pas très graves et traduisent une méconnaissance de bonne foi des
règles de la comptabilité publique, il n'en demeure pas moins
qu'elles doivent être corrigées
.
Une procédure peut être ouverte d'office par une chambre
régionale des comptes lorsqu'elle découvre des opérations
constitutives de gestion de fait à l'occasion de l'un de ses
contrôles.
Elle peut également faire suite à un réquisitoire du
commissaire du Gouvernement sur communication d'un préfet, d'un
trésorier payeur général, du procureur
général près la Cour des comptes ou -depuis le
décret du 23 août 1995- d'un procureur de la
République. Il semble que la majorité des communications soient
encore le fait des trésoriers payeurs généraux.
Notons, cependant, que le commissaire du Gouvernement (art. 24 du décret
précité) dispose d'un
pouvoir d'appréciation
pour
donner ou non suite aux communications qui lui sont transmises.
Les lettres d'observations peuvent permettre d'obtenir la régularisation
d'une situation, l'ordonnateur étant alerté dans le cadre de la
lettre d'observations provisoires. La lettre d'observations définitives
mentionne la régularisation intervenue et, sauf réquisitoire du
ministère public, le recours à une procédure
juridictionnelle peut être écartée.
Ces régularisations aboutissent, par exemple, à la dissolution
d'associations para-administratives prenant en charge des missions que les
collectivités locales ne peuvent déléguer ou à la
modification des statuts d'associations destinée à leur donner
davantage d'autonomie.
De nombreuses chambres régionales des comptes estiment qu'elles peuvent
-dès lors que les pratiques irrégulières ont cessé,
qu'elles ont été régularisées et que les
gestionnaires de fait sont de bonne foi-
renoncer à déclarer
la gestion de fait pour absence d'intérêt pratique de la
procédure
. Tel est le cas, par exemple, lorsque toutes les
écritures litigieuses ont été notifiées ou que les
recettes encaissées sans titre légal ont été
intégralement reversées au comptable public.
Cependant, force est de constater que l'ordonnateur n'est pas toujours
alerté sur l'existence d'une situation irrégulière
l'exposant à une gestion de fait.
D'une part, l'examen de la gestion peut n'intervenir que plusieurs
années après que la situation de gestion de fait a
commencé. D'autre part, et surtout, au cours même de l'examen de
la gestion d'une collectivité, la chambre régionale des comptes
-faute de temps- peut ne pas relever l'existence d'une gestion de fait.
Dès lors, l'ordonnateur peut se croire en droit de considérer que
les aspects de sa gestion qui n'ont pas fait l'objet d'observations de la part
de la chambre sont réguliers. Or, la sanction de la gestion de fait
pourra intervenir ultérieurement. Elle est lourde et souvent
disproportionnée par rapport à l'objet même de cette
procédure.
C. DES SANCTIONS AUTOMATIQUES INADÉQUATES
Comme
pour les jugements des comptes des comptables patents, la règle du
double jugement s'applique à la procédure de déclaration
de gestion de fait. Le premier jugement de déclaration
provisoire
doit être motivé par de sérieuses présomptions. Il
décrit les opérations constitutives de la gestion de fait et
désigne les personnes qui paraissent y avoir pris part. Le jugement
provisoire doit être notifié aux intéressés ainsi
qu'à l'ordonnateur de la collectivité concernée.
Cette notification ouvre une
procédure contradictoire
qui a
été sensiblement renforcée par les textes récents
(le décret n° 95-945 du 23 août 1995
notamment) et par la jurisprudence tant de la Cour des comptes que du Conseil
d'Etat.
Au terme de cette procédure contradictoire, un jugement
définitif
peut intervenir.
La sanction de la gestion de fait est de nature
soit financière soit
pénale.
L'article 60-XI
de la loi de finances du 23 février
1963 prévoit que les comptables de fait peuvent, dans le cas où
ils n'ont pas fait l'objet de poursuites au titre du délit d'usurpation
de fonctions (prévu par
l'article 433-12
du code
pénal et puni de
trois ans
d'emprisonnement, de
300.000 francs
d'amende et de peines complémentaires par
l'article 433-22
), être condamnés aux amendes
prévues par la loi.
Mais à ces sanctions s'ajoutent, lorsque l'élu est
déclaré définitivement gestionnaire de fait, la
démission d'office.
Pour des raisons vraisemblablement
historiques, cette démission est prononcée par le préfet
du département pour les conseillers municipaux
(
article L. 236
du code électoral) et par le
préfet de région pour les conseillers régionaux
(article L. 341
) mais par le conseil général
pour les conseillers généraux (
article L. 205
).
Une harmonisation des solutions applicables pourrait -semble-t-il- être
envisagée.
L'inéligibilité postérieure à l'élection du comptable de fait
Dans le
cas de l'inéligibilité concernant les comptables (article L. 231
6 ° du code électoral), il est de jurisprudence constante que sont
inéligibles au conseil municipal les personnes se trouvant dans la
situation de comptable de fait dès lors que le compte n'est pas
apuré au jour de l'élection
(Conseil d'Etat, 1er
décembre 1922, Elections comme conseiller municipal et maire de
Nicolas-Vermelle ; 5 février 1926, Elections municipales de
Crémeaux ; 21 mai 1926, Elections municipale de Quers ; 24 juillet
1987, Elections municipales de Clouanges).
Lorsque la situation du comptable de fait est constituée
postérieurement à l'élection, s'appliquent les
dispositions de
l'article L.236
du code électoral qui
prévoit la démission d'office de l'intéressé par le
préfet, sauf réclamation au tribunal administratif dans les dix
jours et sauf recours au Conseil d'Etat.
Néanmoins, depuis la loi du 26 juillet 1991, le conseiller municipal
déclaré comptable de fait peu recevoir quitus de sa gestion dans
les six mois de l'expiration du délai de production des comptes imparti
par le jugement définitif du juge des comptes. Dans ce cas, la
procédure de démission d'office n'est pas mise en oeuvre.
Ainsi conçu, ce régime automatique
d'inéligibilité et de démission apparaît -de l'avis
même des magistrats financiers entendus dans le groupe de travail-
très lourd et inadapté à l'objet même de la
procédure de gestion de fait qui est de rétablir la règle
de séparation des ordonnateurs et des comptables.
Il place, en effet, la chambre régionale des comptes qui prend une
décision de gestion de fait dans la position d'être juge non
seulement de la régularité comptable
mais aussi, le cas
échéant, de l'avenir du mandat de l'ordonnateur
.
Ainsi,
l'article L. 231
du code électoral qui
prévoit l'inéligibilité du comptable exerçant ses
fonctions dans le ressort dans les
six mois
précédant
l'élection implique pour le juge financier soit de tenir compte de cette
conséquence juridique avant de déclarer l'intéressé
comptable de fait, soit de ne pas en tenir compte, obligeant ce dernier
à régulariser sa situation dans des conditions difficiles.
Quant à la démission d'office, le délai de six mois
prévu par
l'article L. 236
du code électoral
pour régulariser la situation de l'intéressé
apparaît très court.
L'appel du jugement de déclaration définitive de gestion de fait
-qui peut être interjeté dans un délai de
deux mois
à compter de sa notification- n'a en principe pas
d'effet suspensif "
sauf s'il en est autrement décidé par
la Cour des comptes
" (
article 70
du décret du
23 août 1995).
Les inéligibilités et démissions d'office qui frappent les
gestionnaires de fait résultent de
l'application aux comptables de
fait des inéligibilités que le code électoral
prévoit pour les comptables publics patents
. Elles ne constituent
donc en aucun cas des sanctions complémentaires appliquées par le
juge des comptes.
En dépit de l'assouplissement que constitue la possibilité pour
le comptable de fait de régulariser sa situation dans un délai de
six mois
et de la possibilité pour l'intéressé
de se présenter aux élections après avoir obtenu un sursis
à exécution de la Cour des comptes
(Conseil d'Etat,
12 juin 1996, Elections municipales de Mutzig),
les
conséquences électorales d'une gestion de fait sont
très lourdes
pour les élus de bonne foi et qui n'ont pas
lésé les intérêts de leur collectivité.
Un dispositif mieux adapté qui prévoirait une simple suspension
des fonctions d'ordonnateur devrait donc être envisagé.
DEUXIEME PARTIE
LES PROPOSITIONS DU GROUPE DE
TRAVAIL :
RENOVER LES CONDITIONS D'EXERCICE DE L'EXAMEN DE LA
GESTION ET RENFORCER LA SECURITE JURIDIQUE DES ACTES DES COLLECTIVITES
LOCALES
Les
propositions que formule le groupe de travail, au terme de ses investigations
et des auditions auxquelles il a procédé, sont dictées par
un double souci :
" normaliser "
les relations
entre les chambres régionales des comptes et les élus
locaux ;
moderniser
les conditions d'exercice du
contrôle financier.
Loin de contester la nécessité du contrôle exercé
par les chambres, qui constitue le corollaire indispensable du renforcement de
l'autonomie des collectivités locales et de l'accroissement de leurs
compétences, le groupe de travail considère que
l'établissement de relations confiantes entre les collectivités
et les juridictions financières représente une condition
préalable à l'exercice d'un contrôle serein, constructif et
respectueux des droits de la défense.
Il faut en finir avec
" cette ère du soupçon "
et créer les conditions d'un
dialogue
entre les
contrôleurs
et les
contrôlés
fondé sur
un respect mutuel.
A cet égard, les magistrats des chambres régionales des comptes
doivent prendre conscience que
les collectivités locales ne sont pas
des
entités mineures, mal gérées ou
gérées sans rigueur
: elles sont devenues, depuis la
relance de la décentralisation intervenue en 1982, des
acteurs
économiques et sociaux majeurs,
qui exercent des
compétences essentielles
pour la
vie quotidienne
de nos
concitoyens.
Acteurs économiques majeurs, les collectivités locales le sont
à l'évidence.
Le total de leurs dépenses annuelles s'élève aujourd'hui
à plus de
850 milliards de
francs
: cette masse
financière représente plus de la moitié du budget de
l'Etat et environ
11 %
du produit intérieur brut de la
France.
Par ailleurs, les collectivités locales emploient actuellement
1,5 million de personnes
soit près du tiers de l'ensemble de
la fonction publique et plus de
7 %
de la population active
salariée.
En outre, et surtout, les collectivités locales sont les
premiers
investisseurs publics de France
puisqu'elles réalisent, loin devant
l'Etat et les organismes sociaux,
72 %
de la formation brute de
capital fixe des administrations publiques, c'est-à-dire de
l'
investissement public civil.
Il s'agit là d'un
rôle
considérable
qui fait des collectivités locales des
moteurs de la connaissance.
Certes la contribution des
collectivités locales à la croissance de notre pays ne peut
être chiffrée avec certitude ; mais il est possible
d'affirmer, sans craindre de se tromper, que la
croissance molle
que
connaît notre pays depuis le début des années 1990, aurait
été encore plus faible, et le chômage encore plus
élevé, si les collectivités locales n'avaient pas consenti
un tel effort d'investissement.
Enfin, par leur action quotidienne et le
maillage de solidarité
qu'elles assurent, les collectivités locales ont, jusqu'à
présent, évité que le tissu social ne se déchire de
manière irréversible ou explosive.
Acteurs économiques et sociaux de premier plan, les collectivités
locales apparaissent également, dans leur quasi totalité, comme
des
entités bien gérées,
en dépit de la
montée des dépenses incompressibles, de l'explosion des
dépenses sociales, des transferts de compétences mal
compensés et de la progression modérée des concours de
l'Etat.
C'est ainsi que
l'endettement
des collectivités locales, qui
s'élève à 825 milliards de francs, est resté
stable :
il représente, depuis plus de 20 ans, environ
10 %
du PIB.
Cette dette équivaut à moins d'une année du total des
budgets locaux, alors que l'Etat devrait consacrer
deux ans
et
sept mois
de son budget pour rembourser sa dette qui
s'élève à 4.100 milliards de francs.
En outre, les collectivités locales ont dégagé, en 1997,
grâce notamment à une
gestion active
et
avisée
de leur
dette
, une
capacité
de
financement
également à
0,20 %
du PIB. Cet
excellent résultat contraste avec les
" contre-performances "
de l'Etat et des organismes de
sécurité sociale qui ont affiché un déficit
équivalent à 3,2 % du PIB.
C'est la bonne gestion des collectivités locales qui a permis
à la France de se qualifier pour l'euro.
Cette saine gestion locale oppose un démenti aux allégations
selon lesquelles les collectivités territoriales constitueraient des
îlots
de
laxisme
et de
gabegie
dans un
océan
de
rigueur
et d'
austérité.
Il est vrai que les collectivités locales sont condamnées
à la
vertu budgétaire
puisque la loi leur interdit, fort
judicieusement, certaines pratiques que l'Etat s'autorise comme l'adoption d'un
budget en déficit ou le recours à l'emprunt pour financer des
dépenses de fonctionnement...
Si les magistrats des chambres régionales des comptes doivent être
conscients de la montée en puissance des collectivités locales,
il leur appartient également de prendre en considération les
difficultés auxquelles se heurtent les élus locaux dans
l'exercice quotidien de leurs compétences.
A cet égard, il semble indispensable que le contrôle financier
soit
" mieux vécu "
par les élus locaux et qu'il
se déroule dans un climat plus serein et moins
" suspicieux ".
A force de multiplier les contraintes, d'engager de manière quasi
automatique la responsabilité des élus locaux et de les
considérer comme des
" délinquants potentiels ",
on risque de décourager les vocations et de détourner les
bonnes volontés de la tâche, pourtant exaltante, que constitue le
service du public.
Un tel risque est réel comme en témoigne le fort pourcentage de
maires sortants, et encore jeunes, qui ne se sont pas représentés
aux dernières élections municipales.
Quant aux élus locaux, ils doivent résister à la tentation
de considérer le contrôle comme une
" brimade ".
Le contrôle, qui constitue la contrepartie démocratique du
renforcement des pouvoirs dévolus aux collectivités locales,
s'avère encore plus indispensable dans un contexte de rareté de
l'argent public.
Telles sont les considérations générales qui ont
présidé à la conception des
propositions
formulées par le groupe de travail.
Elles s'articulent autour de
deux idées majeures :
• rénover les conditions d'exercice de l'examen de la gestion
des collectivités locales ;
•
et,
renforcer la sécurité juridique des actes
des collectivités locales.
CHAPITRE PREMIER
RENOVER LES CONDITIONS DE L'EXAMEN
DE LA GESTION DES COLLECTIVITES LOCALES
L'examen
de la gestion des collectivités locales, qui s'exerce concomitamment ou
postérieurement à la vérification des comptes, concentre
l'essentiel des critiques
formulées par les élus locaux
à l'encontre des
" pratiques "
des juridictions
financières.
Les griefs les plus communément formulés portent sur :
- l'
inégalité de traitement
des collectivités
locales au regard du contrôle exercé par les chambres en raison
des disparités de taille entre les chambres, des différences de
rythme dans leurs travaux, et des disparités de tonalité et de
sévérité de leurs observations pour des situations
identiques ;
- le
climat
dans lequel se déroule l'examen qui peut parfois
donner aux élus locaux l'impression de faire l'objet d'une
véritable
inquisition
;
- l'
accent
mis par les chambres sur les seuls
aspects
négatifs
d'une gestion
(" la préférence pour
le pathologique ")
sans resituer ces éléments dans
l'ensemble de l'action de la collectivité, afin de les pondérer
et de les relativiser ;
- l'
absence
de
hiérarchisation
des
observations,
l'important et le secondaire, l'essentiel et l'anecdotique étant
trop souvent placés sur le même plan ;
- la
publicité
qui est parfois faite à des
observations
provisoires
dont la véracité n'est pas toujours
établie ;
- la
disproportion
existant entre, d'une part, le caractère non
juridictionnel de l'examen de la gestion qui devrait s'apparenter à une
aide à la gestion,
" dépassionnalisée "
et
" banalisée "
et, d'autre part, l'impact
médiatique des observations formulées par les chambres dont le
retentissement est lié à l'aura de juridiction dont elles sont
parées ;
- la
dérive,
plus ou moins subreptice, du contrôle de
gestion vers une
appréciation
de
l'opportunité
ou
de la
pertinence des choix effectués par la collectivité,
qui relèvent pourtant de la responsabilité exclusive des
élus.
Il apparaît donc indispensable de
rénover
et de
moderniser
les conditions d'exercice de l'examen de la gestion des
collectivités locales afin que ce " contrôle ", dont la
nécessité et l'utilité ne sont pas contestables, soit
" accepté "
par les élus locaux, cette
acceptation constituant le gage de son efficacité.
Cette rénovation de l'examen de gestion passe, d'une part, par
l'élaboration
d'un
" code du bon usage du
contrôle "
et par une
définition
législative
de l'objet de ce contrôle et, d'autre part, par un
renforcement
des
garanties
dont doivent bénéficier
les
" contrôlés ".
Enfin, cette harmonisation des pratiques des chambres suppose une
homogénéisation de la dimension et des moyens des juridictions
financières.
I. ELABORER UN " CODE DU BON USAGE DU CONTRÔLE " ET DEFINIR L'OBJET DE L'EXAMEN DE GESTION
A. POUR L'EDICTION D'UN " CODE DU BON USAGE " DE L'EXAMEN DE GESTION
La
proposition de loi, présentée en mars 1997 par nos
collègues Patrice Gélard et Jean-Patrick Courtois, a eu le
mérite de faire prendre conscience à la Cour des comptes de
l'ampleur du malaise et de l'étendue du malentendu qui affectent les
relations entre les élus locaux et les juridictions financières.
C'est ainsi que la Cour a élaboré, au terme d'une étroite
concertation avec les chambres régionales, qui s'est achevée en
juillet 1997, un
" texte de référence "
sur l'objet et la forme des observations des chambres.
Ce texte, qui consacre des
" principes généraux et de bon
sens ",
constitue à l'évidence, une
avancée
positive ;
mais il apparaît également, en raison de
certaines de ses lacunes, comme une
initiative perfectible.
1. Une avancée positive
Le
premier mérite du
" texte de référence "
est celui
d'exister
. Certes, ce texte ne constitue pas une
" instruction "
adressée aux chambres régionales
des comptes : une telle démarche aurait été
incompatible avec le statut des juridictions et de leurs magistrats ; mais
ce texte n'est pas dénué de portée puisqu'il
représente
" l'expression d'une volonté
concertée ".
Il a, en effet, été
élaboré sous l'égide de la Cour, à l'issue d'une
large consultation des présidents de chambres, des magistrats et de
leurs organisations représentatives. Ce texte a, de plus,
été soumis au Conseil supérieur des chambres
régionales des comptes. Cette démarche originale a
débouché sur un document qui comporte de nombreux
aspects
positifs.
Tout d'abord, le texte insiste sur le
" souci de
cohérence ",
qualifié
" d'exigence
déontologique ",
qui doit guider les chambres dans la
formulation des observations de gestion. Il s'agit,
" d'harmoniser les
pratiques des chambres ",
afin d'éviter que, face à des
pratiques semblables des collectivités, apparaissent des
" divergences inexplicables d'appréciation ".
Par ailleurs, le texte n'exclut pas que le rapporteur de la chambre puisse
informer l'ordonnateur ou le responsable de l'organisme concerné
" des principaux axes envisagés pour la
vérification ",
tout en veillant à éviter un
malentendu à cet égard, car
" l'instruction peut conduire
à réorienter le contrôle ".
En outre, le texte rappelle que si les lettres d'observations
définitives ne sont pas des jugements (même si elles sont
délibérées et arrêtées par des juridictions),
la publicité auxquelles elles donnent lieu
" n'est pas sans
conséquence sur la forme qu'elles doivent revêtir ".
A cet égard, le texte insiste sur le fait que
" les lettres
d'observations doivent être compréhensibles pour des non
spécialistes, quelle que soit la complexité de la question
traitée ".
La lettre d'observations, précise le
" texte de
référence ",
doit
" s'appuyer sur des faits
précis, sans y ajouter par des qualificatifs ou des formules
susceptibles d'une exploitation politique ou médiatique
indésirable ".
Doit être proscrite l'utilisation de termes
" qui annonceraient
prématurément une qualification pénale, des allusions, des
sous-entendus, voire de l'ironie ".
De plus, si
" les observations peuvent, le cas échéant,
faire état des interrogations qui subsistent au terme de la
procédure, faute d'explications satisfaisantes apportées dans le
cadre de l'instruction ",
elles doivent néanmoins se garder
" de toute insinuation ".
Enfin, le
" texte de référence "
formule des
recommandations judicieuses quant à la
présentation
des
lettres d'observations définitives.
Après avoir rappelé que la lettre d'observations provisoires a
pour objet de permettre à l'ordonnateur d'apporter une réponse
écrite,
" éventuellement éclairée par des
explications orales ",
le texte précise que la lettre
d'observations définitives doit mentionner,
" dans une
brève introduction ",
la date de l'entretien préalable,
la date de la séance au cours de laquelle ont été
arrêtées les observations provisoires, la date de la lettre
d'observations provisoires et des réponses qui y ont été
apportées ou l'absence de réponse dans le délai prescrit
est expressément mentionnée, le cas échéant, la
date de l'audition de l'ordonnateur ou du dirigeant de l'organisme
contrôlé et, enfin, la date de la séance au cours de
laquelle ont été arrêtées les observations
définitives.
Par ailleurs, le texte indique que la lettre d'observations définitives
doit
" s'efforcer d'indiquer les raisons qui conduisent la chambre
à écarter certains des arguments soulevés en
réponse ".
En outre, -et il s'agit là d'un apport essentiel-, le texte
préconise une
hiérarchisation des observations
en
précisant que
" la structure même de la lettre "
et
" le plan d'exposition retenu "
doivent tenir compte
" de l'importance relative des observations ".
Il affirme dans une phrase sans équivoque :
" ce qui est
important
est annoncé
clairement comme tel ;
ce
qui est
secondaire,
l'est également
".
Enfin, le texte recommande aux rédacteurs des lettres d'observations de
préciser
" si les irrégularités, anomalies, ou
dysfonctionnements relevés apparaissent
accidentels
ou bien si,
compte tenu des méthodes de contrôle mises en oeuvre, ils peuvent
être considérés comme représentatifs d'un
comportement de gestion ".
2. Une initiative perfectible
Le
groupe de travail se félicite de l'élaboration et des termes de
la rédaction de ce texte, qui constitue un
progrès
indéniable
, tant par l'objectif poursuivi
(la recherche d'une
harmonisation des pratiques des chambres),
que par le bien fondé de
ses
recommandations
relatives à la forme et à la
présentation des lettres d'observations.
L'existence même de ce texte prouve que les juridictions
financières commencent à reconnaître l'urgente
nécessité de corriger certains
" défauts de
jeunesse "
qui pouvaient nuire à la crédibilité
et à la qualité de leur contrôle.
L'existence de ce texte montre également que les chambres
régionales des comptes ont progressivement pris conscience que
l'importance du pouvoir dont elles disposent, en raison de l'impact
médiatique de leurs observations, commande de l'utiliser avec davantage
de tact, de discernement et de mesure.
Tout en intégrant les limites de cet exercice, qui tiennent tant
à l'absence d'un pouvoir hiérarchique de la Cour sur les chambres
qu'au manque d'homogénéité des chambres, le groupe de
travail a cependant considéré que
" le texte
de
référence "
devait être complété
afin de devenir un
véritable code
, interne aux juridictions
financières,
du bon usage de l'examen de gestion.
Parmi les compléments susceptibles d'être apportés au texte
de référence, le groupe de travail a jugé
nécessaire de prévoir des
recommandations
en vue d'une
meilleure harmonisation de la programmation des travaux
des chambres
régionales.
Il serait, en effet, souhaitable que la programmation des travaux, de
l'ensemble des chambres, soit plus
stable
afin d'assurer que la gestion
de chaque collectivité sera examinée, selon un rythme comparable
et régulier, par exemple quadriennal.
Par ailleurs, le groupe de travail juge indispensable que les chambres
régionales se dotent d'un
corps commun de critères
et de
ratios
pour apprécier la
situation financière
d'une
collectivité.
A cet égard, le groupe de travail estime nécessaire de
dépasser l'approche, statique et statistique, par strate
démographique, pour
mieux appréhender la
réalité
de la
situation financière des communes
touristiques
qui doivent assumer la charge d'équipements
destinés à satisfaire les besoins d'une population
saisonnière, très supérieure en nombre, à leur
population permanente.
Dans ce cas, il pourrait être envisagé de
substituer
au
critère
de la
population permanente
celui du
nombre
de
logements affecté d'un coefficient d'occupants.
En outre, le groupe de travail a jugé nécessaire que
les
chambres régionales des comptes ne se cantonnent pas dans une analyse
statique
de la
situation financière
des collectivités
locales, mais qu'elles adoptent une
démarche plus dynamique
en
analysant,
en tendance,
l'évolution de cette situation.
Enfin, il aurait pu paraître nécessaire de compléter le
texte de référence par une définition de l'
objet
même de
l'examen
de la
gestion
d'une collectivité
locale.
A cet égard, l'objectivité commande de préciser que
" le texte de référence "
comporte une
définition de l'objet de l'examen de gestion.
C'est ainsi que le texte indique que l'examen de la gestion porte, d'abord, sur
la
régularité de la gestion,
c'est-à-dire sur la
conformité des actes de gestion aux lois et règlements.
Cet examen doit porter également sur la qualité de la gestion,
c'est-à-dire
" sur l'
économie des moyens
mis en
oeuvre, leur efficience ainsi que sur l'efficacité des actions
entreprises par rapport aux objectifs,
sans que ceux-ci, qui relèvent
de la responsabilité exclusive des élus, puissent être, en
eux-mêmes, critiqués ".
Le groupe de travail se félicite de cette définition, tout
à la fois claire et précise, qui, tout en complétant le
contrôle de la régularité de la gestion par un examen de sa
qualité, condamne toute dérive vers une appréciation de
l'opportunité des choix effectués par les collectivités
locales.
Mais compte tenu du caractère crucial de la délimitation de cette
frontière, certes ténue, entre, d'une part, l'examen de la
gestion d'une collectivité étendue à l'efficience des
moyens mis en oeuvre, et, d'autre part, l'appréciation de
l'opportunité ou de la pertinence des choix effectués, le groupe
de travail a considéré que la définition de l'objet de
l'examen de gestion devait être consacrée par la
loi.
B. POUR UNE DEFINITION LEGALE DE L'OBJET DE L'EXAMEN DE GESTION
1. Les inconvénients d'une définition elliptique de l'examen de la gestion
Telles
qu'elles résultent du dernier alinéa de l'
article 87
de
la loi du 2 mars 1982 -désormais codifié à l'
article L.
211-8
du code des juridictions financières- les dispositions
relatives à l'examen de la gestion des collectivités
territoriales et de leurs établissements publics par les chambres
régionales des comptes sont particulièrement
elliptiques
.
L'
article L. 211-8
précité se borne, en effet, à
prévoir que "
la chambre régionale des comptes examine la
gestion des collectivités territoriales et de leurs
établissements publics
". Il énonce, en outre, les
autres établissements, sociétés, groupements ou organismes
pouvant faire l'objet d'un tel examen et spécifie que l'examen de la
gestion peut être effectué sur demande motivée du
représentant de l'Etat ou de l'autorité territoriale.
Mais ces dispositions ne donnent aucune indication ni sur l'objet, ni sur le
contenu de l'examen de la gestion.
Cette lacune présente des
inconvénients majeurs
qui ont
été soulignés par plusieurs magistrats des juridictions
financières entendus par le groupe de travail. Elle est en particulier
de nature à susciter un risque que des magistrats dans l'exercice d'une
fonction, pourtant non juridictionnelle, portent une appréciation sur
l'opportunité des choix effectués par une collectivité
locale.
Ces inconvénients sont d'autant plus réels que le
pouvoir
d'informer
reconnu aux chambres par la loi du 15 janvier 1990
confère à leurs observations un impact considérable sur
l'opinion publique.
2. Une précision législative nécessaire
Le
groupe de travail est conscient des difficultés attachées
à une définition législative de l'objet de l'examen de la
gestion d'une collectivité. Si elle est trop large, elle peut
apparaître comme une habilitation générale à
intervenir dans la gestion locale, solution peu conciliable avec les principes
mêmes de la décentralisation et avec l'
article 72
de la
Constitution. Si elle est trop étroite, elle peut être
perçue comme de nature à restreindre de manière anormale
les missions des chambres régionales des comptes dans ce domaine.
Cependant, soucieux de remédier aux inconvénients de l'absence de
définition, le groupe de travail a jugé possible de
synthétiser dans la loi des
éléments de
définition
qui n'ont pas paru soulever d'objections au cours des
auditions auxquelles il a procédé.
Ces éléments pourraient être les suivants.
• Si l'examen de la gestion porte d'abord sur la conformité des
actes de gestion aux lois et règlements, il doit obligatoirement
s'appuyer sur la
référence aux textes
qui auraient
été méconnus.
• Cet examen doit porter, en deuxième lieu, sur
l'économie des moyens
mis en oeuvre, leur
efficience
ainsi
que sur
l'efficacité
des actions entreprises par rapport aux
objectifs,
sans que ceux-ci qui relèvent de la responsabilité
exclusive des élus puissent être en eux-mêmes
critiqués.
• La lettre d'observations définitives doit prendre explicitement
en compte les résultats de la
procédure contradictoire.
• Par sa structure même, elle doit tenir compte de
l'importance
relative
des observations formulées dans la gestion globale de la
collectivité.
• Elle doit formuler des
recommandations concrètes
permettant, aux yeux de la chambre, d'améliorer tel ou tel aspect de la
gestion locale.
L'
article L. 211-8
du code des juridictions financières
pourrait, à cette fin,
être complété
dans les
termes suivants :
"
L'examen de la gestion porte sur la régularité des
actes de gestion et sur l'économie de moyens mis en oeuvre par rapport
aux objectifs fixés par l'assemblée délibérante
sans que ces objectifs, dont la définition relève de la
responsabilité exclusive des élus, puissent eux-mêmes faire
l'objet d'observations.
" Les observations que la chambre régionale des comptes formule
à cette occasion mentionnent les dispositions législatives ou
réglementaires dont elles constatent la méconnaissance. Elles
prennent en compte expressément les résultats de la
procédure contradictoire avec l'ordonnateur de la collectivité
concernée. L'importance relative de ces observations dans l'ensemble de
la gestion de la collectivité ou de l'établissement public est
évaluée. Enfin, elles formulent des recommandations
concrètes sur les aspects de la gestion examinés par la
chambre. ".
En définitive,
l'examen de la gestion des collectivités
locales est appelé à se transformer en un véritable
audit
de l'action locale dans une optique d'aide à la
décision future de la collectivité.
II. RENFORCER LES GARANTIES DONT BENEFICIE LE CONTRÔLÉ
A. ASSURER UNE PLUS GRANDE SÉRÉNITÉ DE LA PROCÉDURE
1. Renforcer la confidentialité des documents préparatoires : le cas des lettres d'observations provisoires
Dans le
cadre d'une procédure d'examen de la gestion d'une collectivité
locale, l'instruction du dossier par le magistrat rapporteur se clôt par
une
lettre d'observations provisoires
destinée à
être soumise à la formation délibérante de la
chambre qui arrêtera les termes de la lettre d'observations
définitives.
Le caractère contradictoire de la procédure en vigueur offre
d'indéniables garanties
à l'exécutif de la
collectivité contrôlée.
En effet, le magistrat instructeur rencontre, avant l'envoi de la lettre
d'observations provisoires, l'ordonnateur de la collectivité au cours
d'un entretien dit "préalable".
Par ailleurs, l'ordonnateur dispose, après réception de la lettre
d'observations provisoires et avant le délibéré de la
chambre, d'un délai minimum d'un mois pour apporter une réponse
écrite aux observations.
Enfin, dans ce délai minimum d'un mois minimum, l'ordonnateur peut
demander à être entendu par la chambre afin de compléter
oralement sa réponse écrite.
Pourtant force est de constater qu'en dépit de ces précautions,
les lettres d'observations provisoires
comportent parfois des
informations
inexactes
et des
affirmations erronées
.
Ces défauts peuvent résulter de lacunes dans la collecte des
informations, le magistrat n'ayant pas obtenu tous les documents
-généralement très nombreux- qu'il a demandés au
cours de l'instruction.
Parfois, la rédaction de la lettre d'observations provisoires anticipe
sur le caractère
"modérateur"
de la
collégialité en grossissant le trait et en durcissant le ton afin
"qu'il en reste quand même quelque chose".
Cette pratique, relativement fréquente, emporte des
effets
particulièrement
pervers
en cas de
"fuite"
dans la presse
des observations provisoires puisqu'elle peut aboutir à la diffusion
d'informations erronées.
La divulgation de documents provisoires des chambres régionales des
comptes
fait grief
, tant aux collectivités locales qu'aux
chambres elles-mêmes.
L
'ordonnateur
de la collectivité locale voit, en effet, sa
responsabilité mise en cause devant l'opinion publique sur le fondement,
pourtant fragile, de formulations souvent lapidaires et d'informations parfois
parcellaires auxquelles il n'a pas toujours pu apporter de réponses.
Et même si des réponses ont pu être apportées, elles
ne feront pas l'objet d'une publicité identique.
Pourtant, la jurisprudence du Conseil d'Etat a clairement établi, dans
d'autres domaines, que la publication de documents administratifs mettant en
cause des personnes étaient susceptibles de
faire grief
aux
intéressés, ce qui leur ouvrait la voie du recours pour
excès de pouvoir à l'encontre de la décision de
publication
(CE 21 octobre 1988, Eglise de Scientologie)
ou de la
décision refusant à l'intéressé le droit de faire
valoir ses observations
(CE 12 février 1993, Mme Gaillard).
Lésant les intérêts des ordonnateurs des
collectivités locales, la divulgation de documents provisoires porte
également préjudice aux
chambres régionales des
comptes
et à leur rôle de régulation de l'action
publique locale.
En effet, ces
" fuites "
font de leurs observations
provisoires les instruments d'une mise en cause médiatique et d'une
déstabilisation politique des exécutifs territoriaux.
Cette situation porte atteinte à leur crédit et réduit la
possibilité d'un dialogue confiant et fructueux entre magistrats et
élus locaux.
C'est pourquoi le groupe de travail a jugé indispensable de formuler des
propositions destinées à
améliorer la
qualité
des lettres d'observations provisoires et à
garantir
une plus grande
confidentialité
de ces documents
préparatoires.
L'amélioration de la qualité des lettres d'observations
provisoires
et, d'une manière générale, de
l'objectivité de l'examen de la gestion passe par l'intervention,
dès le début de l'instruction, d'un
contre-rapporteur
25(
*
)
.
S'agissant du renforcement de la
confidentialité
qui devrait
présider à l'examen de la gestion d'une collectivité
locale, jusqu'à la formulation des observations définitives, le
groupe de travail est conscient de la difficulté qui s'attache à
l'identification de la
" source de l'indiscrétion ".
Dans l'hypothèse où l'indiscrétion serait le fait d'un
magistrat de la chambre régionale, cette violation du secret des
investigations constituerait une faute professionnelle grave qui pourrait, si
les faits étaient établis, être sanctionnée par le
Conseil supérieur des chambres régionales. En outre, si les
agissements en cause sont constitutifs d'une infraction pénale, le
président de la chambre régionale des comptes peut saisir le
ministère public aux fins de déclenchement de l'action publique.
La même procédure peut également concerner celui qui
détient l'information divulguée et se rend coupable du
délit de recel d'informations provenant d'une violation du secret
professionnel, délit puni par
l'article 321-1
du code
pénal.
En revanche, si l'indiscrétion provient de tiers, il sera
extrêmement difficile d'en identifier la source. Comme l'a dit
M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes, lors du
colloque organisé, en octobre 1996, par le ministère de
l'économie et des finances, sur
"la modernisation et la transparence
des finances locales",
lorsqu'un document administratif circule
"il y a
un expéditeur et il y a souvent plusieurs destinataires... (car)
généralement, à l'arrivée, il y a plusieurs
photocopieuses et parfois plusieurs utilisateurs".
Sans méconnaître les difficultés qui peuvent
résulter de la transmission des documents provisoires à une
pluralité de destinataires, le groupe de travail souhaite que les
procédures existantes soient mise en oeuvre de manière plus
affirmée, dans le but non seulement de réprimer de tels
agissements, mais aussi de prévenir des actions
répréhensibles qui jettent le discrédit sur le
contrôle financier.
Par ailleurs, notre collègue Paul Girod a évoqué,
devant le groupe de travail, la possibilité du
dépôt
d'une
plainte conjointe
de la
collectivité locale
et de la
chambre régionale des comptes, en cas de divulgation de documents
provisoires.
M. Pierre Joxe, premier président de la Cour des comptes, a
indiqué au groupe de travail qu'il n'était pas hostile à
une telle solution.
A cet égard, force est de constater qu'en l'état actuel des
textes, rien n'interdit que puissent être déclenchées
concomitamment l'action publique par le ministère public (
article
31
du code de procédure pénale) et l'action civile par la
personne qui se prétend lésée par un délit
(
article 85
), en l'espèce l'ordonnateur en son nom personnel ou
en sa qualité de représentant de la collectivité
(
article L. 2132-2
du code général des
collectivités territoriales pour le maire ;
article L. 3221-10
pour le président du conseil
général et
article
L. 4231-7
pour le
président du conseil régional).
En outre, la plainte déposée entre les mains d'un juge
d'instruction par la personne qui se dit victime d'un délit, lorsqu'elle
est accompagnée d'une constitution de partie civile, produit pour la
mise en mouvement de l'action publique les mêmes effets qu'une
réquisition du procureur de la République.
En dehors de ces hypothèses de concomitance entre l'action publique et
l'action civile de la collectivité locale ou de l'ordonnateur, une
action civile
conjointe
pourrait avoir l'avantage de bien marquer
le fait que la divulgation de documents provisoires porte préjudice tant
à la collectivité locale qu'aux chambres régionales des
comptes elles-mêmes dans l'exercice de leur mission.
Cependant, la chambre régionale des comptes n'ayant pas une
personnalité morale distincte de l'Etat, l'action civile qu'elle peut
souhaiter engager en invoquant un préjudice propre du fait de
divulgations d'observations provisoires doit obligatoirement être
intentée à peine de nullité par l'agent judiciaire du
Trésor (
article 38
de la loi de finances n° 55-366 du
3 avril 1955). Un président de chambre qui a saisi le
ministère public à la suite de telles divulgations peut
d'ailleurs très bien par la suite, si l'affaire suit son cours,
s'adresser à l'agent judiciaire du Trésor pour qu'une action
civile soit engagée.
Il resterait néanmoins à apprécier si le préjudice
ainsi invoqué pourrait suffisamment se distinguer, en l'espèce,
des motifs qui fondent l'action publique, à savoir la défense de
l'intérêt public. On peut penser que, dans certains cas, la
demande par l'Etat d'une réparation civile même symbolique
pourrait appuyer la démarche de la collectivité locale et du
ministère public, en soulignant davantage le préjudice
porté au bon fonctionnement des juridictions financières.
En outre,
le groupe de travail
préconise
de
compléter
l'
article L. 241-6
du code des
juridictions financières, relatif au secret professionnel, par un
alinéa précisant que le principe de l'accès aux documents
administratifs n'est pas applicable
aux mesures d'instruction ainsi qu'aux
rapports
et
communications provisoires des chambres régionales
des comptes.
Cette mesure reviendrait sur la disposition de la loi du 15 janvier 1990 qui a
inclus l'ensemble des actes des chambres régionales de comptes dans le
champ du principe du libre accès aux documents administratifs :
elle aurait pour objet d'étendre aux chambres régionales des
comptes le régime de non communication, d'ores et déjà en
vigueur, pour les documents préparatoires d'instruction de la Cour des
comptes.
Enfin,
le groupe de travail a envisagé, dans un souci de
transparence, de prévoir la possibilité
d'annexer la lettre
d'observations provisoires
à la lettre d'observations
définitives.
Cette publicité donnée à la lettre d'observations
provisoires, qui pourrait être soit systématique, soit
réservée au cas où ce document aurait fait l'objet d'une
" fuite " dans la presse, permettrait, d'une part, de mieux
comprendre la portée de la réponse faite par l'exécutif
local à ce document provisoire et de pouvoir vérifier le
degré de prise en compte de cette réponse et, d'autre part, de
conduire le rédacteur de cette lettre à s'assurer de l'exactitude
de ses affirmations.
2. L'institution d'un délai de " neutralité "
a) Eviter les interférences entre les lettres d'observations définitives et débat électoral
Dans son
rapport public de 1996, la Cour des comptes notait, à juste titre, les
difficultés qui pouvaient résulter de l'interférence entre
l'envoi de lettres d'observations définitives et une période
électorale
26(
*
)
.
A cet égard, le groupe de travail rejoint le constat fait par la Cour et
considère qu'il est nécessaire d'
éviter l'exploitation
partisane et électoraliste des conclusions d'un examen de la gestion.
Sur ce point, il convient de rappeler l'analyse de la Cour des comptes qui
relève que
"la portée réelle d'observations
communiquées à une date rapprochée d'une consultation
pourrait faire l'
objet d'interprétations de nature à fausser
les conditions de l'élection
".
b) Les garanties envisageables
Soucieuse d'éviter la survenance de telles situations, la Cour des comptes précisait que "la question s'est posée de savoir s'il ne convenait pas de suspendre, pendant un certain délai, l'envoi de lettres d'observations définitives afin d'éviter que les observations de la chambres régionales des comptes ne soient exploitées dans le cadre du débat précédant l'élection". Sur ce point, la Cour notait "qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'a prévu de délai de neutralité" et, qu'en conséquence, "les chambres [s'étaient] appliquées, de manière concertée, à respecter un tel délai" .
(1) Fixer dans la loi un délai de neutralité
Le
groupe de travail se félicite de cette démarche qu'il juge
particulièrement opportune ; mais il s'est néanmoins
interrogé sur l'important pouvoir d'appréciation que laisse
subsister dans un tel domaine, le caractère informel de cette
" période de neutralité "
C'est pourquoi il
considère que le législateur pourrait définir un
délai légal pendant lequel l'envoi des lettres d'observations
définitives serait suspendu pendant les périodes
précédant une consultation électorale. Ainsi, le juge
financier serait libéré du fait de prendre lui même la
responsabilité de la suspension de l'envoi des lettres d'observations
définitives.
Si un " délai de neutralité " devait être
défini par la loi, il pourrait porter sur une période de six mois
précédant le mois au cours duquel il doit être
procédé à des élections générales,
alignant ce délai sur celui défini au second alinéa de
l'
article L. 52-1
du code électoral qui prévoit
l'interdiction de toute
"campagne de promotion publicitaire des
réalisations ou de la gestion d'une collectivité".
Dans la
mesure où une lettre d'observations définitives concerne, par
définition, la gestion d'une collectivité locale, il paraît
en effet logique de fixer la durée du délai de neutralité,
au cours duquel l'envoi de ce type de document est suspendu, en fonction de
celui qui est retenu par le code électoral pour interdire toute forme de
promotion de la gestion d'une collectivité locale.
(2) Protéger le droit de réponse des collectivités locales
A
défaut d'une définition législative d'un délai de
neutralité, il serait, en tout état de cause, souhaitable de
prévoir une "protection" du droit de réponse des
collectivités locales à une lettre d'observations
définitives qui serait rendue publique au cours du délai de six
mois précédant une élection.
Dans un tel cas, en effet, il conviendrait d'éviter qu'une
réponse publique de la collectivité aux observations d'une
chambre régionale des comptes ne puisse être assimilée
à une opération de propagande électorale au sens du
premier alinéa de l'
article L. 52-1
du code
électoral, ou à une
"campagne de promotion publicitaire des
réalisations ou de la gestion d'une
collectivité"
visée au second alinéa du même article.
A cette fin, il conviendrait de préciser qu'une réponse à
une lettre d'observations définitives ne constitue ni une campagne de
promotion publicitaire, ni une opération de propagande, au sens du code
électoral.
B. RENFORCER LE PRINCIPE DU CONTRADICTOIRE
1. La systématisation souhaitable de la collégialité et du contre-rapport
Dans la
pratique des juridictions financières, la collégialité a
toujours tenu une place essentielle pour garantir l'impartialité des
décisions. A cet égard, les méthodes de travail retenues
par la Cour des comptes constituent un modèle dont les principes sont
très largement repris au sein des chambres régionales des comptes.
Les auditions auxquelles a procédé le groupe de travail ont
cependant mis en évidence qu'en raison de la grande
inégalité des moyens en personnel des différentes chambres
régionales des comptes, la pratique du contre-rapport était
très loin d'être généralisée au sein de ces
juridictions. Or, cette pratique constitue un gage de rigueur et
d'impartialité supplémentaire dans le processus de
décision d'une juridiction.
C'est pourquoi le groupe de travail
considère indispensable que cette
méthode soit systématisée
. Il convient de noter que
cette systématisation du contre-rapport se rattache très
logiquement à la réflexion du groupe de travail sur la
nécessaire harmonisation des pratiques des chambres régionales
des comptes et, partant, sur la pertinence du ressort territorial de ces
juridictions. La pratique systématique du contre-rapport suppose en
effet une certaine homogénéité de la dimension des
chambres régionales des comptes, chacune devant pouvoir disposer des
moyens permettant d'assumer dans de bonnes conditions cette pratique.
2. Annexer les réponses de l'ordonnateur aux lettres d'observations définitives
Au-delà d'une volonté d'organiser, à tous
les
stades de la procédure d'examen de la gestion, un échange
d'information entre la collectivité locale et la juridiction
financière, le groupe de travail souhaite que les lettres d'observations
définitives
mettent en évidence le caractère
constructif de cet échange
. L'ensemble de cette procédure
doit en effet être conçue et mise en oeuvre à travers le
dialogue qui s'établit entre la collectivité locale et la
chambres régionales des comptes
. C'est pourquoi, au terme de cette
procédure, la lettre d'observations définitives doit clairement
faire ressortir la teneur de cet échange.
Une telle évolution serait en effet de nature à rapprocher la
lettre d'observations d'une forme d'audit, ce qui contribuerait à la
qualité de dialogue entre contrôleur et contrôlé
ainsi qu'à son image.
Le groupe de travail considère par ailleurs que cette démarche
doit être complétée par une
adjonction des
réponses de la collectivité locales aux observations
formulées dans la lettre d'observations définitives
.
Ainsi, à l'image des analyses rendues publiques dans le rapport annuel
de la cour des comptes, la collectivité locale concernée sera, en
tout état de cause, mise en mesure de présenter publiquement son
appréciation sur les conclusions de la chambres régionales des
comptes. Cette faculté devrait pouvoir être exercée dans un
délai relativement court après la réception par la
collectivité locale concernée de la lettre d'observations
définitives afin de ne pas retarder la communication de ce
document.
3. Instituer une procédure de recours contre les lettres d'observations définitives
a) Les termes du débat
L'absence de toute procédure de recours à
l'encontre
des lettres d'observations définitives pose à l'évidence
problème dès lors que ces lettres peuvent mettre en cause
très directement la gestion d'un ordonnateur et au-delà de ce
dernier la collectivité dont il a la charge.
Certes, si une procédure juridictionnelle est engagée sur le
fondement des constatations faites par une chambre régionale des comptes
dans le cadre de l'examen de la gestion, la personne mise en cause
bénéficie de toutes les garanties habituelles.
Mais, en dehors de cette hypothèse, l'intéressé ne peut
contester des lettres d'observations définitives.
Cette situation
n'est pas acceptable.
Les difficultés pour définir une procédure de recours
portent principalement sur
la forme
que revêtent les lettres
d'observations définitives et, de manière moins aiguë, sur
le
choix de l'instance juridictionnelle
appelée à
connaître d'éventuels recours.
Sur la forme
, les lettres d'observations définitives
ne sont
pas des décisions juridictionnelles
. Elles se bornent à
effectuer diverses constatations, à formuler des critiques et le cas
échéant des propositions sur tel ou tel aspect de la gestion
locale. Elles ne comportent
pas de sanctions
.
En outre, bien qu'elles ne puissent être assimilées à des
actes préparatoires, puisqu'elles concluent la procédure non
juridictionnelle menée par la chambre régionale des comptes,
elles pourraient être rapprochées d'un rapport d'inspection qui,
selon une jurisprudence constante, ne constitue pas un
acte faisant
grief
(Conseil d'Etat, 26 mai 1982, Droulers).
S'agissant d'organismes de régulation tels que la Commission nationale
de l'informatique et des libertés, le Conseil d'Etat a ainsi
distingué les
décisions normatives qui font grief
(12 mars 1982, Confédération
générale du travail)
et les
recommandations
formulées par cette commission qui, elles,
ne font pas grief
(27 septembre 1989, S.A. Chopin et autres).
Même si cette question n'a pas encore été tranchée
par le Conseil d'Etat, un jugement du tribunal administratif de Marseille
(1er mars 1995,
société Sernica et commune de La
Ciotat),
déjà cité par votre rapporteur, a
considéré que les observations formulées par la chambre
régionale des comptes ne présentent pas "
le
caractère de décision faisant grief susceptible d'être
déférée au juge de l'excès de pouvoir
".
La chambre régionale des comptes ne prend en outre aucune
décision quant à la publicité des lettres d'observations
définitives, cette publicité étant prévue et
organisée par la loi elle-même. Au demeurant, si la
décision de publier un acte qui ne fait pas grief et dont la publication
n'est pas obligatoire constitue une décision susceptible de recours
(Conseil d'Etat, 21 octobre
1988, Eglise de scientologie),
le contrôle du juge se limite à la décision de publication
elle-même
(Conseil d'Etat, 27 mai 1987, S.A. Laboratoire
Goupil).
Ces difficultés liées aux caractéristiques des lettres
d'observations définitives se doublent d'interrogations qui portent sur
le
choix de l'instance juridictionnelle
susceptible de connaître
d'éventuels recours.
Le fait qu'une lettre d'observations définitives ne modifie pas la
situation juridique des intéressés semblerait
a priori
devoir exclure la compétence de la juridiction administrative, à
s'en tenir aux considérants qui ont fondé la décision
précitée du tribunal administratif de Marseille.
Encore faut-il rappeler que le juge administratif peut, sans se prononcer sur
le fond, contrôler
les vices propres de l'acte.
Telle est la voie
qu'il a choisie pour les délibérations non décisionnelles
(délibérations préparatoires, voeux ou avis) des conseils
municipaux
(Conseil d'Etat, 22 mai
1987, Tête
). Cette
solution permet de sanctionner le "
vice propre
" de forme ou
de procédure qui a entaché une telle délibération.
Appliquée aux observations sur la gestion, une telle jurisprudence ne
serait pas sans intérêt pratique.
Ainsi pourrait être, au
minimum, garanti le contrôle du juge administratif sur le respect des
procédures et sur la forme des lettres d'observations.
b) Les propositions du groupe de travail
(1) Un recours non juridictionnel devant la Cour des comptes
La Cour
des comptes -en application de
l'article L. 111-1
du code des
juridictions financières- "
statue sur les appels formés
contre les jugements prononcés à titre définitif par les
chambres régionales des comptes
".
Elle est en outre chargée d'"
une mission permanente
d'inspection à l'égard des chambres régionales des
comptes
" (
article L. 111-10
).
Dès lors, la Cour des comptes pourrait être bien placée,
sous réserve, le cas échéant, de spécialiser l'une
de ses chambres dans cette mission, pour être "
l'instance
d'appel
" des lettres d'observations définitives. De cette
manière, s'appuyant sur sa longue expérience du contrôle
financier, elle pourrait assurer progressivement l'unification des
critères et des procédures applicables à l'examen de la
gestion des collectivités locales.
L'ouverture d'un recours devant la Cour des comptes peut néanmoins
poser un problème en raison du caractère non juridictionnel des
lettres d'observations définitives.
En conséquence, si elle devait être approfondie, sa mise en oeuvre
passerait nécessairement par une
voie non juridictionnelle
. Il
s'agirait, par exemple, de renforcer le rôle de la mission d'inspection
des chambres régionales des comptes.
Cette structure interne à la Cour des comptes pourrait être saisie
des difficultés rencontrées avant l'adoption des lettres
d'observations définitives : délimitation du champ du
contrôle et de la frontière entre la régularité et
l'opportunité ; problèmes de forme de la lettre
d'observations ; mise en perspective des aspects contrôlés avec
l'ensemble de la gestion de la collectivité ; appréciation des
ratios et références utilisés ; prise en compte des
réponses de l'ordonnateur ; formulation de recommandations
concrètes...
Elle pourrait être saisie à cette fin soit par le président
de la chambre régionale des comptes, soit par l'une des personnes mises
en cause dans la lettre d'observations provisoires. Il lui appartiendrait de
formuler des recommandations concrètes en s'appuyant sur un corps de
doctrine que le groupe de travail souhaite voir émerger au sein des
juridictions financières sur le contenu et la forme du contrôle de
la gestion des collectivités locales.
Après parution de la lettre d'observations définitives, la Cour
des comptes pourrait être saisi d'un
recours non juridictionnel
tendant à la révision de cette lettre d'observations.
(2) L'ouverture du recours pour excès de pouvoir
Sans
sous-estimer l'intérêt de cette solution non juridictionnelle, le
groupe de travail en a également mesuré les limites. Il a donc
jugé nécessaire d'approfondir cette démarche afin d'offrir
de véritables garanties juridictionnelles aux ordonnateurs et aux
collectivités. Ces garanties sont, en effet, nécessaires pour
rétablir un équilibre entre le
"
contrôleur
" et le
"
contrôlé
".
A cette fin, le groupe de travail préconise
l'ouverture du recours
pour excès de pouvoir
devant la juridiction administrative.
Le droit pour tout intéressé de former un recours pour
excès de pouvoir pour obtenir l'annulation d'un acte dont il conteste
la légalité, est un principe général du droit
reconnu depuis la jurisprudence du Conseil d'Etat du 17 octobre 1950,
Ministère de l'agriculture c/ Dame Lamotte
.
Le Conseil
constitutionnel a ultérieurement donné à ce principe une
valeur constitutionnelle.
Il en résulte une nécessaire imbrication entre le contrôle
opéré par les chambres régionales des comptes et celui du
juge administratif, comme l'illustre le contentieux relatif à la
procédure d'inscription des dépenses obligatoires. Le Conseil
d'Etat est, en outre, le juge de cassation des décisions
juridictionnelles rendues par la Cour des comptes.
Tout en ne reconnaissant pas aux lettres d'observations le caractère
d'une décision faisant grief, le tribunal administratif de Marseille a
néanmoins reconnu aux collectivités locales concernées le
droit de demander la rectification de leur contenu
, au-delà
même d'une simple rectification matérielle. Il a
précisé qu'en vertu du principe du parallélisme des
compétences, toute décision sur une telle demande devait
être prise par la chambre statuant dans la même formation et non
pas par son seul président
(29 avril 1997, Commune de
Fos-sur-Mer).
Cette solution constitue une réponse logique à l'influence
exercée par les chambres régionales des comptes sur les gestions
locales. Elle exprime l'idée simple qu'à l'existence d'un pouvoir
doit correspondre un contrôle fut-il minimum. L'ouverture du recours pour
excès de pouvoir à l'encontre des lettres d'observations
définitives répondrait à la même exigence. Elle
s'inscrirait dans un cadre existant et conforme aux exigences d'un Etat de
droit.
Il resterait néanmoins à lever la difficulté,
énoncée ci-dessus, qui concerne la qualification de la lettre
d'observations définitives comme une
décision de nature ou
susceptible de faire grief
. Telle est la condition préalable pour
que cet acte puisse faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.
Toutes les décisions administratives ne sont, en effet, pas susceptibles
de recours pour excès de pouvoir. Le juge administratif se refuse
traditionnellement à connaître de certains actes tels que les
circulaires
interprétatives
, documents internes à
l'administration et qui ne font pas grief aux tiers
(Conseil d'Etat, 29
janvier 1954, Institution Notre-Dame du Kreisker).
De même, a-t-il été longtemps réticent à
contrôler
les mesures
d'ordre intérieur
, prises dans
certaines enceintes telles que les établissements scolaires ou
pénitentiaires ou encore les enceintes militaires.
Cette position se fondait sur le motif qu'en vertu de l'adage latin
de
minimis non curat praetor,
le juge de l'excès de pouvoir n'a pas
à entrer dans les litiges subalternes. Elle répondait
également à un souci d'efficacité des services publics.
Elle a cependant très largement évolué, le juge
administratif appréciant de manière beaucoup plus souple les deux
critères cumulatifs de la mesure d'ordre intérieur à
savoir le
caractère interne
de l'acte et son effet sur la
situation juridique
de son destinataire. Ainsi, le Conseil d'Etat juge
désormais recevable une requête présentée à
l'encontre de sanctions disciplinaires infligées à un militaire
(
17 février 1995, Hardouin)
ou à un détenu
(17
février 1995, Marie).
Les règlements intérieurs des assemblées
délibérantes des collectivités locales, longtemps
considérés comme des décisions insusceptibles de
recours
(Conseil d'Etat, 2 décembre 1983, Charbonnel)
peuvent
dorénavant être déférées au juge de
l'excès de pouvoir
(Conseil
d'Etat, 10 février 1995,
Riehl ; 10 février 1995, commune de Coudekerque-Branche).
Le
législateur a pris soin dans ce cas de spécifier que le
règlement intérieur pouvait être
déféré au tribunal administratif (
article L. 2121-8
pour le conseil municipal,
article L. 3121-8
pour le conseil
général et
article L. 4132-6
pour le conseil
régional).
Si les lettres d'observations définitives ne constituent pas des mesures
d'ordre intérieur, néanmoins le raisonnement qui a fondé
l'évolution jurisprudentielle élargissant le champ d'intervention
du juge pourrait leur être appliqué. Certes, n'étant pas
des décisions, ces observations ne modifient pas immédiatement la
situation juridique des personnes physiques ou morales qu'elles visent. Elles
n'en ont pas moins des
effets incontestables
sur
les conditions
d'exercice de leur mandat par les ordonnateurs, sur le déroulement des
travaux de l'assemblée délibérante ou encore sur la
situation personnelle de tiers.
Il est vrai que l'on peut s'interroger sur
l'étendue du
contrôle
que le juge administratif pourrait exercer sur ces lettres
d'observations. Il devrait sans difficulté s'appliquer au respect de la
légalité externe, c'est à dire, outre
l'incompétence, le vice de procédure ou de forme, notamment le
principe du contradictoire ou encore -selon les propositions du groupe de
travail- l'insertion obligatoire des réponses des ordonnateurs dans les
lettres d'observations définitives.
En revanche, en l'absence de définition légale de l'objet et du
contenu de l' "
examen de la gestion
", dont les
inconvénients ont été soulignés par l'ensemble des
personnalités entendues par le groupe de travail, le contrôle sur
le fond pourrait s'avérer plus délicat, la tentation pouvant
alors être forte de cantonner le contrôle de la
légalité interne dans la seule sanction de
l'erreur manifeste
d'appréciation
.
Mais même dans cette forme restreinte, le contrôle par le juge
administratif des lettres d'observations
conserverait tout son
intérêt
. Il assurerait le nécessaire respect des
procédures. Il sanctionnerait les anomalies les plus graves qui, si
elles demeurent somme toute relativement peu nombreuses, mettent en cause le
crédit même du contrôle financier et nuisent à son
" acceptation " par les élus et partant à son
efficacité.
Si cette voie était retenue, il appartiendrait au législateur,
afin de prendre en compte la réalité et la nature du
contrôle de gestion, de
qualifier les lettres
d'observations
définitives
des chambres régionales des comptes comme des
décisions faisant grief
ou de préciser
qu'elles peuvent
être déférées au juge administratif.
III. POUR UNE MODERNISATION DU FONCTIONNEMENT DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES
A. CONFORTER LA "FRONTIÈRE" ENTRE LE RÉGIME DE L'APUREMENT ADMINISTRATIF ET LE JUGEMENT DES COMPTES
En conclusion de son analyse du jugement des comptes, le groupe de travail a relevé que le partage des rôles entre les chambres régionales des comptes et les comptables supérieurs du Trésor (les trésoriers-payeurs généraux et les receveurs particuliers des finances) s'avérait satisfaisant , mais que les modalités retenues en 1988 pour définir la frontière entre ces deux modes de contrôle devaient être modifiées.
1. Les inconvénients du dispositif en vigueur
Les deux critères cumulatifs fixés en 1988 27( * ) pour établir la frontière entre le jugement des comptes par les chambres régionales des comptes et l'apurement administratif des comptes par les comptables supérieurs, sont en effet figés et correspondent à une photographie de la situation datée de 1988.
a) Le franchissement des seuils fixés en 1988...
Or,
depuis cette date, la constitution de nombreux groupements de communes
entraîne des
franchissements du seuil de population
fixé
à 2.000 habitants induit un certain nombre d'entrées dans le
champ de compétence des chambres régionales des comptes.
A ce phénomène, s'ajoute le facteur, plus important, du
franchissement par certaines communes du seuil financier
arrêté à 2 millions de francs pour le montant des
recettes ordinaires.
Affecté tant par l'érosion monétaire que par la croissance
des budgets communaux, ce seuil financier est appelé, par
définition, à être franchi chaque année par des
communes relevant de l'apurement administratif.
Ainsi, à terme et en l'absence de modification, la compétence des
chambres régionales des comptes au titre du jugement des comptes
finirait par s'étendre, à nouveau, à l'ensemble des
collectivités locales.
b) ... contribue à l'accroissement du nombre de comptabilités relevant de la compétence des chambres régionales des comptes...
Depuis son rapport public de 1994, la Cour des comptes constate l'accroissement régulier du nombre de comptabilités relevant de la compétence des chambres régionales des comptes en raison, notamment, du franchissement par des communes et des groupements de communes des seuils fixés en 1988.
c) ... et entraîne, pour certaines communes, des situations d'" aller-retour "
Le
franchissement des seuils entraîne, pour certaines communes, des
transferts d'un système à l'autre en raison des variations que
connaissent leurs budgets. Or, ces franchissements, dans un sens ou dans un
autre, ne produisent d'effet sur la répartition des compétences
que pour l'année considérée. De ce fait, les comptes de
ces communes se trouvent soumis tantôt à un système
tantôt à l'autre.
Ces situations, outre le fait qu'elles compliquent le suivi des gestions des
collectivités concernées et qu'elles induisent des charges
administratives pour les autorités chargées du contrôle des
comptes, traduisent les limites du double seuil retenu en 1988.
2. Pour une nouvelle définition des règles.
Avant de proposer des pistes de modification, il convient de rappeler dans quelles conditions le double seuil a été défini.
a) L'origine du seuil actuel
La
détermination, en 1988, d'un double seuil combinant des critères
cumulatifs, l'un démographique et l'autre financier fixé en
fonction du montant des recettes ordinaires, résulte très
largement des travaux du Sénat.
A l'origine, le texte proposé par le Gouvernement ne retenait en effet
qu'un critère démographique pour déterminer la
répartition des compétences entres les chambres régionales
des comptes et les comptables supérieurs en matière de
contrôle des comptes.
Au cours de la discussion de ce projet de loi en première lecture le
Sénat a introduit, sur l'initiative de sa commission des lois, un
critère financier limitant la rétrocession à l'apurement
administratif des seules communes de moins de 2.000 habitants, dont les
budgets ne dépassaient pas trois millions de francs.
La commission des lois était, en effet, confrontée, d'une part,
à un doute sur la constitutionnalité du seul critère
démographique, qui recouvre des situations budgétaires
très variables et, d'autre part, à l'expression de nombreux
jugements réservés sur le principe d'une rétrocession
à l'apurement administratif de l'immense majorité des communes.
Aussi, a-t-elle
"admis l'intervention des trésoriers-payeurs
généraux et des receveurs particuliers des finances dans cette
procédure, mais à condition qu'elle constitue une première
étape, concernant les communes de moins de 2.000 habitants, dont
les budgets n'excèdent pas trois millions de francs. La ligne de partage
se fera donc en fonction d'un seuil financier"
28(
*
)
.
Dans ses observations, présentées en annexe du rapport de la
commission des lois de l'Assemblée nationale
29(
*
)
, M. André Rossi, rapporteur pour avis de la
commission des finances relevait que l'introduction d'un critère
financier concernant
"essentiellement les communes touristiques qui, bien
que peu peuplées, ont parfois un budget important [...] l'adjonction de
ce nouveau critère [permettant] pratiquement de doubler le nombre de
communes dont les comptes demeurent justiciables des chambres régionales
des comptes".
La suite de la discussion de ce projet de loi (que le Gouvernement avait
déclaré d'urgence) a confirmé l'initiative du
Sénat, le dispositif initial étant simplement
précisé pour viser les "recettes ordinaires", moins susceptibles
de connaître des variations de leur niveau, et en ramenant le montant de
celles-ci à deux millions de francs.
b) Pour une indexation du critère financier
Dix ans
après l'importante réforme opérée par la loi du
5 janvier 1988 d'amélioration de la décentralisation, le
groupe de travail souhaite voir confirmer le principe du
"partage des
tâches"
entre le jugement des comptes par les chambres
régionales des comptes et l'apurement administratif des comptes relevant
des comptables supérieurs du Trésor.
Les inquiétudes légitimement exprimées en 1988 par le
Sénat à l'égard du rétablissement de l'apurement
administratif, qui pouvait être analysé comme une forme de retour
de la tutelle financière, ont été très largement
dissipées par la pratique et par l'esprit dans lequel ce pouvoir a
été mis en oeuvre par la direction de la comptabilité
publique
30(
*
)
.
Le groupe de travail estime en conséquence qu'il convient de
confirmer les choix retenus par la commission des lois en 1988, et de
prévoir une indexation du seuil de 2 millions de francs
retenu
à l'époque de telle sorte que l'équilibre, défini
alors entre les deux systèmes de contrôle, soit
préservé.
A cette fin, le groupe de travail propose deux modifications du système
défini en 1988.
En premier lieu,
il s'agit donc
d'indexer le montant de
2 millions de francs en fonction d'un indicateur représentatif de
l'évolution des budgets des collectivités locales.
Cette
indexation pourrait ainsi être fixée, soit par rapport au taux de
progression de la dotation globale de fonctionnement (DGF), soit par rapport
à un indice synthétique résultant de la moyenne du taux de
progression de la DGF et du taux de croissance du produit de la
fiscalité directe locale.
En second lieu,
il s'agit
de prévenir le
phénomène des communes
qui se trouvent
transférées, d'une année sur l'autre, du système de
l'apurement administratif à celui du jugement de leurs comptes par les
chambres régionales des comptes et inversement.
Les inconvénients de ces situations, analysés
précédemment, ont conduit le groupe de travail à proposer
que les communes, dont le montant des recettes ordinaires varie, en plus ou en
moins, de 20 % par rapport au seuil, indexé, de 2 millions de
francs, continuent à relever du dispositif de contrôle des comptes
dont elles avaient précédemment eu à
connaître.
B. LE RESSORT TERRITORIAL DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES
1. Les inconvénients du ressort régional
La
volonté de renforcer l'harmonisation des pratiques des chambres
régionales des comptes est inséparable d'une réflexion sur
la pertinence du ressort territorial retenu depuis l'origine pour ces nouvelles
juridictions financières : la région
31(
*
)
.
De ce fait, il existe sur le
plan juridique, 28 chambres
régionales et territoriales des comptes
dont : 22 chambres
métropolitaines, 4 chambres régionales d'outre-mer
(Réunion, Guadeloupe, Guyane, Martinique) et 2 chambres
territoriales des comptes (Polynésie française et
Nouvelle-Calédonie).
Au plan administratif, ces juridictions ne sont néanmoins qu'au nombre
de 25, dans la mesure où les chambres régionales des comptes de
Guadeloupe, Guyane, Martinique, d'une part, et les chambres territoriales de
Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française, d'autre
part, sont composées des mêmes magistrats.
A cet égard, le tableau ci-après met en évidence la
très forte inégalité de moyens en personnel des
différentes chambres régionales des comptes, l'écart
maximum atteignant pratiquement de 1 à 10 pour l'effectif des magistrats
entre la chambre régionale des comptes la plus importante et celle qui
se trouve la moins bien dotée.
Cette situation, qui recouvre d'incontestables différences en termes de charges travail, induit d'importantes distorsions dans les méthodes de travail des chambres régionales des comptes d'une région à l'autre. La conséquence majeure de cette situation est de favoriser l'inégalité de traitement des collectivités locales en raison de l'absence d'homogénéité du contrôle qu'entraîne inévitablement ces distorsions.
2. Vers une harmonisation de la dimension des chambres ?
Pour
répondre à cette situation, un meilleur équilibre entre
les différentes chambres régionales des comptes apparaît
souhaitable.
A cet égard, il est intéressant de noter qu'au cours de la
discussion, à l'Assemblée nationale, du texte qui allait devenir
la loi du 2 mars 1982, M. Raymond Marcellin analysait les
inconvénients du niveau régional retenu par le projet
32(
*
)
. Ce dernier relevait, en effet, que
"la
création de chambres interrégionales des comptes au début
peut également se justifier par le fait qu'il n'y a pas en France que de
grandes régions [...]. L'avantage de la création des chambres
interrégionales des comptes pendant une première période
serait de vous faire connaître le volume des affaires traitées et
relevant de chaque région".
La démarche pragmatique, qui était alors proposée, a pu
apparaître à certains comme de nature à contribuer
utilement à l'effort d'harmonisation, aujourd'hui souhaité, des
pratiques des chambres régionales des comptes. Néanmoins, la
portée exacte d'une redéfinition complète du ressort
territorial des chambres régionales des comptes mériterait une
évaluation approfondie. Une réflexion sur la définition
d'une
" taille critique "
minimale pour les chambres dont les
dimensions sont les plus restreintes doit être engagée.
C. AMÉLIORER LE STATUT DES MAGISTRATS DES CHAMBRES RÉGIONALES DES COMPTES : VERS UN ALIGNEMENT SUR LE STATUT DES MAGISTRATS DES TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS
Le
statut du corps des magistrats des chambres régionales des comptes est
fixé par le code des juridictions financières.
Jusqu'à la loi n° 97-276 du 25 mars 1997 portant dispositions
statutaires relatives aux corps des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel, il était
assez largement comparable
à celui des membres des tribunaux administratifs et des cours
administratives d'appel.
Cependant, la loi du 25 mars 1997 a
restructuré
le corps des
magistrats administratifs. Elle a, en outre, tiré les
conséquences de cette restructuration sur les dispositions applicables
au tour extérieur et au recrutement complémentaire et
renforcé le régime des incompatibilités.
Ce corps est désormais organisé en
trois
grades et
non plus en sept comme auparavant. Les listes d'aptitude, établies
après avis du conseil supérieur des tribunaux administratifs et
des cours administratives d'appel, permettent de sélectionner les
candidats aptes à l'exercice de fonctions de responsabilité les
plus importantes.
Les fonctions de rapporteurs et de commissaires du Gouvernement doivent
correspondre aux grades de conseillers et de premiers conseillers. En outre,
l'allégement des exigences d'ancienneté pesant sur les premiers
conseillers a eu pour souci de faciliter l'exercice des fonctions de juge
unique.
La loi du 25 mars 1997 a également renforcé les
incompatibilités géographiques
applicables aux magistrats
administratifs. Elle a allégé les
conditions
d'ancienneté
requises pour l'affectation dans les cours
administratives d'appel et adapté les conditions d'accès au tour
extérieur à la nouvelle structure du corps, ces conditions
étant en outre légèrement assouplies. Enfin, le
détachement a été ouvert aux professeurs et maîtres
de conférence titulaires des universités.
Parallèlement à la réforme législative, un
rééchelonnement indiciaire
a été prévu,
représentant un coût global évalué à 21,586
millions de francs, soit un accroissement de l'ordre de 9,6% du coût des
rémunérations versées aux magistrats administratifs.
Comme l'a relevé, lors de l'examen de cette loi, notre collègue
Daniel Hoeffel dans son rapport au nom de la commission des Lois
(n°
217,
1996-1997),
l'évolution des missions des magistrats
administratifs et les difficultés d'avancement tenant à l'ampleur
des recrutements effectués au cours des années
précédant la réforme, ont justifié une modification
substantielle du statut des intéressés.
Cependant, compte tenu de la similitude des deux statuts, la commission des
Lois a, à cette occasion, jugé nécessaire une
réflexion destinée à apprécier si une modification
du statut des magistrats des chambres régionales des comptes ne serait
pas justifiée.
Soucieux que le statut des magistrats des chambres régionales des
comptes soit un gage de qualité de l'activité de ces
juridictions, le groupe de travail ne peut que reprendre ce constat à
son compte.
Un
rapprochement des deux statuts
, sous réserve de la
reconnaissance de
spécificités
propres aux magistrats des
chambres régionales des comptes, pourrait ainsi être
envisagé.
Favorable à ce rapprochement, le groupe de travail doit néanmoins
faire observer qu'une initiative parlementaire dans ce domaine se heurterait au
couperet de l'irrecevabilité financière.
IV. ADAPTER LE REGIME DES SANCTIONS DE LA GESTION DE FAIT A LEUR VERITABLE OBJET
A. REMÉDIER AUX INCONVÉNIENTS DU DISPOSITIF EN VIGUEUR
L'objet
de la procédure de gestion de fait est avant tout de rétablir la
règle de la séparation des ordonnateurs et des comptables,
règle fondamentale dans notre organisation administrative et
financière.
Dans la pratique de la gestion locale, des élus peuvent de bonne foi se
mettre dans une situation irrégulière au regard de cette
règle.
Or, les inéligibilités et démissions d'office
prévues par le code électoral apparaissent
inadaptées
à l'objet de cette procédure de gestion
de fait.
Comme votre rapporteur l'a déjà indiqué, sont mises en
oeuvre pour les comptables de fait des règles normalement prévues
pour les comptables patents. Elles ne sont donc pas des sanctions
complémentaires que le juge des comptes pourrait appliquer.
Ainsi conçu ce dispositif présente plusieurs
inconvénients :
- il place la chambre régionale des comptes qui relève une
situation de gestion de fait en position d'être juge du mandat de
l'ordonnateur ;
- il prévoit un délai de régularisation
(
six mois
) trop bref et mal adapté à la
diversité des situations rencontrées ;
- il applique une sanction automatique extrêmement lourde et
disproportionnée à la nature des irrégularités
constatées.
On rappelera qu'en matière pénale, s'applique le principe
général de l'individualisation judiciaire de la peine (
article
132-24
du code pénal).
Pour ces motifs, il conviendrait d'adapter les sanctions applicables à
leur véritable objet qui est de rétablir la règle
fondamentale
et
intangible
de la séparation des ordonnateurs
et des comptables.
B. POUR UNE MISE EN OEUVRE GRADUÉE DES SANCTIONS APPLICABLES
Le
groupe de travail se prononce pour le remplacement de la démission
d'office -sanction automatique et inadaptée- par une procédure de
suspension
des fonctions de l'ordonnateur jusqu'à l'apurement de
la situation de la gestion de fait.
Une telle solution -moins brutale que celle en vigueur- permettrait de
rétablir sans délai la règle fondamentale de
séparation des ordonnateurs et des comptables, tout en incitant
l'ordonnateur à régulariser au plus vite sa situation.
Elle n'aboutirait pas à une pratique différente de celle
actuellement observée pour la régularisation qui peut être
effectuée dans un délai de six mois, depuis la loi du
26 juillet 1991. Comme il est actuellement conduit à
régulariser sa situation afin d'éviter la démission
d'office, l'ordonnateur suspendu serait en effet incité à prendre
les dispositions dans les plus brefs délais pour rétablir la
régularité comptable, afin de retrouver ses prérogatives.
Cette régularisation pourrait néanmoins s'effectuer dans des
délais
plus réalistes
(douze mois par exemple) et non pas
dans le " délai-couperet " de six mois, souvent difficile
à tenir.
Les sanctions électives ne seraient pas pour autant
écartées pour les gestions de fait dont le caractère
frauduleux conduirait à la mise en oeuvre d'une procédure
pénale. Au terme de celle-ci, des peines complémentaires
d'inéligibilité peuvent, le cas échéant, toujours
être prononcées à titre complémentaire.
Enfin, le
caractère non suspensif de l'appel
peut avoir, dans ce
cas précis, des conséquences
difficilement
réparables
. En effet, en application des dispositions du code
électoral, la démission d'office d'un élu
déclaré comptable de fait peut être prononcée,
lorsque quitus de sa gestion ne lui a pas été
délivré dans les six mois de l'expiration du délai de
production des comptes imparti par le jugement. Cette règle joue alors
même que le jugement aurait été frappé d'appel.
Quel que soit par la suite le résultat du recours engagé, la
démission d'office aura produit ses effets. L'élu se trouve
ainsi, en pratique, privé du bénéfice du
double
degré de juridiction,
ce qui n'est pas sans poser problème au
regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des
droits de l'Homme et des libertés fondamentales.
Or il ressort des travaux préparatoires de la loi n° 91-716 du 26
juillet 1991, qui a prévu la suspension de l'intervention de la
démission prononcée par le préfet pendant un délai
de six mois pour permettre au juge des comptes de déclarer, le cas
échéant, l'élu quitte de sa gestion, que l'intention du
législateur a été
d'éviter qu'une
démission d'office ne soit prononcée de façon
précipitée pour une gestion de fait bénigne et, en toute
hypothèse, exempte de tout caractère frauduleux.
Le rapporteur général du budget à l'Assemblée
nationale, M. Alain Richard, avait ainsi noté dans son rapport
écrit qu'en prévoyant qu'un élu ne peut être
déclaré comptable de fait que par un jugement du juge des comptes
statuant définitivement, cette disposition impliquait "
en
premier lieu, que le jugement provisoire d'une chambre régionale des
comptes ne peut provoquer la déclaration de démission d'un
élu et, en second lieu
, que les voies de recours ont
été épuisées
".
Saisi d'une demande d'interprétation de ces dispositions relatives au
"
jugement du juge des comptes statuant
définitivement
", le Conseil constitutionnel n'a pas
donné suite à cette demande, considérant qu'il ne lui
appartenait de procéder à l'interprétation du texte qui
lui est déféré que dans la mesure où cette
interprétation est nécessaire à l'appréciation de
sa constitutionnalité. Ce qui, selon le Conseil, n'était pas le
cas en l'espèce
(décision n ° 91-298 DC du 24 juillet
1991).
Cette clarification devrait donc résulter de la loi
elle-même.
CHAPITRE II
RENFORCER LA SÉCURITÉ
JURIDIQUE DES ACTES DES COLLECTIVITÉS LOCALES
I. LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DE CERTAINS ASPECTS DE LA LÉGISLATION
Au cours
du cycle d'auditions conduit par le groupe de travail, de nombreux
intervenants, qu'il s'agisse des magistrats des juridictions financières
ou des représentants des associations d'élus locaux, ont
souligné les graves conséquences que comportent, pour les
collectivités locales, les insuffisances de la législation ou son
excessive rigidité dans certains domaines.
De nombreuses
difficultés que rencontrent les collectivités locales sont en
effet une conséquence directe des rigidités ou du
caractère flou de certaines législations
.
Aussi, le groupe de travail souhaite-t-il que ces législations soient
adaptées ou clarifiées. A cette fin, bien que le
législateur détienne une responsabilité première
dans ce domaine,
le groupe de travail demande
que soit reconnu aux
chambres régionales des comptes un
" droit d'alerte "
du législateur,
afin que ces juridictions puissent apporter leur
concours dans la mise en évidence des aspects de la législation
qui apparaissent comme des sources de difficultés pour les
collectivités locales.
A cet égard, le travail effectué, à l'initiative du
Sénat, dans le domaine de la législation sur le tourisme
constitue un bon exemple, voire une démarche exemplaire, de
clarification du cadre législatif dans lequel s'inscrit l'action des
collectivités locales.
A. REMÉDIER AUX LIMITES DE CERTAINES LEGISLATIONS
1. Corriger des rigidités excessives
S'agissant de l'excessive rigidité de certains cadres
d'action des collectivités locales, le groupe de travail, rejoint ici
pleinement les conclusions des groupes de travail de la commission des lois
respectivement consacrés à la responsabilité pénale
des élus locaux
33(
*
)
et à la
décentralisation
34(
*
)
.
Relevant la
complexité croissante du contexte de la gestion locale et les
incertitudes, voire l'insécurité juridique que celle-ci fait
peser sur les collectivités locales
, ces groupes de travail de la
commission des lois ont très largement mis en évidence la
nécessité de clarifier le cadre légal dans lequel
agissent les collectivités locales
.
Ainsi était très justement analysée la mise en cause de
l'efficacité des
interventions économiques de
collectivités locales
résultant de l'inadaptation du cadre
juridique dans lequel ces interventions s'inscrivent.
De même était relevés les inconvénients des
rigidités persistantes du statut de la fonction publique
territoriale
, qui induisent notamment des lourdeurs dans les
procédures de recrutement et de formation ainsi que des
difficultés dans la gestion des carrières.
2. Clarifier des " zones d'ombre "
Outre le
fait que certaines législations sont caractérisées par
leur excessive rigidité, d'autres sont marquées par leur
caractère flou. Les
" zones
d'ombre "
de ces
législations sont doublement problématiques pour les
collectivités locales puisqu'elles entraînent, d'une part, de
grandes incertitudes pour la conduite de certaines de leurs actions et que,
d'autre part, elles sont à l'origine d'une inégalité de
traitement de celles-ci en raison des divergences d'interprétation que
ces dispositions peuvent soulever.
A cet égard, votre rapporteur a relevé que de nombreuses
difficultés étaient liées soit à des incertitudes
sur la portée de certaines définitions, soit à l'absence
de dispositions encadrant certains domaines. Ce type d'incertitude ou de lacune
se vérifie ainsi, par exemple, au sujet de la définition de la
notion de
" mieux disant "
dans le domaine des règles
applicables aux marchés publics, il se retrouve aussi dans le domaine du
statut et des facilités accordées aux
délégués des conseils municipaux au sein des
établissements publics de coopération intercommunale. Des limites
de même nature se retrouvent dans l'encadrement législatif des
enquêtes publiques ainsi que dans les règles applicables aux
délégations de service public, enfin, les règles
applicables en cas de recours à une structure associative dans le
domaine sportif ou culturel sont le plus souvent insuffisantes.
Rappel
des principales règles à respecter en cas de recours
Le principal risque dans ce domaine tient au fait que les collectivités locales peuvent se trouver involontairement mise dans une situation de gestion de fait. C'est pourquoi il est souhaitable, d'une part, de rappeler les principales situations susceptibles de déboucher sur une situation de gestion de fait et, d'autre part d'indiquer les principales règles à respecter pour éviter sa survenance. |
Sont susceptibles de déboucher sur une gestion de fait : |
- les associations recouvrant des produits destinés à une collectivité, sans y être légalement habilitées ; une telle habilitation doit résulter d'une convention passée avec la collectivité et exige une justification annuelle des opérations du gestionnaire de l'organisme auprès du comptable de la collectivité ; |
- l'attribution de subventions à des associations non déclarées ; |
- les subventions détournées de leur véritable objet, en raison d'un emploi étranger à l'objet social de l'association. |
De façon générale la " jurisprudence financière " en matière de gestion de fait dans le cadre associatif, tend à considérer que si une association " tire ses ressources essentiellement de la collectivité publique, si ses membres dirigeants (notamment son bureau et son assemblée) sont les responsables de ladite collectivité et si l'activité consiste à exécuter les tâches que ces derniers lui assignent, l'association a toutes les chances d'être déclarée gestionnaire de fait " (extrait de " Les contrôles des chambres régionales des comptes " de M. Jean Raynaud, éditions Sorman, 8 e édition, page 156). |
Une situation de gestion de fait ne résulte donc que de la présence cumulative d'un certain nombre de faits concordants. |
De fait, si les conditions d'exécution d'une tâche par une association sont clairement définies par une convention ou une délibération régulière, il ne s'agit pas d'une gestion de fait (arrêt de la Cour des comptes du 22 septembre 1988 - Département de la Haute-Saône, annulant le jugement de la chambre régionale des comptes prononçant la gestion de fait). |
En pratique, " la plupart des associations culturelles, sportives ou autres recevant des subventions, échappent au risque d'une déclaration de gestion de fait dans la mesure où elles ne gèrent pas un immeuble ou une activité pour le compte d'une collectivité locale et remplissent les deux conditions suivantes : |
- respect de l'objet pour lequel elles ont été créées ; |
- degré d'autonomie suffisant vis-à-vis de l'assemblée et de l'administration locale " (Jean Raynaud déjà cité, page 157). |
Dans cette perspective, l'analyse de plusieurs lettres d'observations définitives met en évidence certains points au respect desquels tout gestionnaire local doit rester attentif : |
Veiller à l'autonomie administrative de l'association : |
- il est ainsi souhaitable de veiller à l'existence de conventions d'objectifs entre le comité et la collectivité locale ; |
- il est préférable de matérialiser l'autonomie de l'association en l'installant dans des locaux qui lui sont propres et de veiller à l'existence d'une relation contractuelle (paiement d'un loyer) s'il s'agit de locaux appartenant à la collectivité locale ; |
Eviter une éventuelle confusion des rôles : |
- l'association ne doit pas conduire d'actions pour le compte de la collectivité ne se rattachant pas à sa mission ; |
Veiller à la transparence et à la rigueur de la comptabilité de l'association : - en évitant en particulier le règlement par la collectivité locale de factures destinées à l'association. |
Dans le prolongement de cette réflexion, le groupe de travail préconise une clarification du cadre d'intervention des collectivités locales dans les domaines où celles-ci se heurtent à l'absence de cadre légal bien défini, ce qui les conduit, soit à s'abstenir d'agir, soit à agir en prenant des risques juridiques .
B. ADAPTER LE CADRE LÉGISLATIF D'ACTION DES COLLECTIVITÉS LOCALES
1. Reconnaître aux chambres régionales des comptes un " droit d'alerte " sur les insuffisances ou les incertitudes de la législation
Ainsi qu'il a déjà été dit, il apparaît nécessaire de reconnaître aux chambres régionales des comptes un " droit d'alerte " sur les insuffisances, les incohérences et les difficultés d'interprétation de la législation dans le domaine de la gestion locale. Ces observations trouveraient leur place au sein du rapport public annuel de la Cour des comptes. Cette fonction devrait avoir notamment pour ambition de favoriser une réduction des divergences d'appréciation d'une chambre régionale des comptes à une autre, et donc de réduire les risques d'inégalité de traitement des collectivités locales.
2. Un bon exemple de clarification : la loi sur le tourisme
A cet
égard, la clarification du cadre légal d'intervention des
collectivités locales dans le domaine du tourisme
qui résulte
de la loi n° 92-1341 du 23 décembre 1992, portant
répartition des compétences dans le domaine du tourisme
apparaît comme un très bon exemple de ce travail d'adaptation du
cadre législatif dans lequel agissent les collectivités locales.
Cette loi fait en effet suite aux nombreuses difficultés
relevées, notamment par la Cour des comptes, dans ce domaine. Ces
observations ont été suivies par le dépôt d'une
proposition de loi de M. Georges Mouly, dont le rapporteur était
M. Josselin de Rohan : cette proposition de loi s'est
" transformée ", au cours de la navette parlementaire, en un
texte global définissant, notamment, les rôles respectifs de
l'Etat et des différents niveaux de collectivités locales dans ce
domaine et prévoyant les modalités de mise en oeuvre
financière et administrative de ces compétences. A cet
égard, il apparaît, pour prendre cet exemple, que les
comités départementaux du tourisme sont en effet, par la
volonté du législateur, délégataires d'une mission
de service public.
Cette prescription législative fonde ainsi un cadre spécifique
pour l'action de ces collectivités locales dans le domaine du tourisme.
Ce texte prévoit en particulier pour les départements que :
1. " Le comité départemental du tourisme,
créé à l'initiative du conseil général,
prépare et met en oeuvre la politique touristique du
département. " (article 6) ;
le principe d'une délégation de compétence du département au profit du comité départemental du tourisme se trouve donc affirmé ; |
2. " Le conseil général fixe la nature juridique et la composition du comité départemental du tourisme. Il comprend notamment des délégués du conseil général ... " (article 7) ;
la liberté de choix du conseil général quant à la nature juridique du comité et à sa composition est clairement énoncée, la présence de représentants du conseil général est en outre expressément prévue ; |
3. " Les ressources du comité départemental du tourisme peuvent comprendre notamment : des subventions et contribution de toute nature de l'Etat, de la région, du département , des communes et de leurs groupements... " (article 9) ;
la participation financière du conseil général au budget du comité n'est subordonnée à aucune limitation de montant ou de proportion la seule obligation du comité est de soumettre annuellement son rapport financier au conseil général siégeant en séance plénière. |
Au total, l'analyse de ces dispositions démontre clairement la volonté du législateur d'instituer une délégation de service public dans le domaine du tourisme et met en évidence la grande souplesse du cadre juridique prévu pour sa mise en oeuvre. De ce fait, l'intervention des départements dans le domaine du tourisme bénéficie d'un cadre légal clair et souple.
II. DÉVELOPPER LA MISSION DE CONSEIL DES CHAMBRES REGIONALES DES COMPTES : UNE FAUSSE BONNE IDÉE
Evoquée à plusieurs reprises lors des auditions auxquelles a procédé le groupe de travail, et défendue, avec fougue, par le vice-président de l'association des présidents des conseils régionaux 35( * ) , l'idée de confier une mission de conseil ou d' avis préalable aux chambres régionales des comptes peut sembler séduisante ; mais, une telle réforme, qui pourrait modifier de manière durable et bénéfique les relations qu'entretiennent les élus locaux et les juridictions financières, se heurte à des obstacles matériels et à des objections juridiques qui rendent sa concrétisation difficile , voire impossible.
A. UNE IDÉE SEDUISANTE
L'idée de confier une mission de conseil aux chambres
régionales des comptes n'est pas
incongrue.
En effet, les deux autres
"contrôleurs"
des collectivités
locales s'acquittent, d'ores et déjà, d'une telle fonction de
conseil des collectivités territoriales, à la plus grande
satisfaction des élus locaux.
C'est ainsi que le préfet, dans sa mise en oeuvre du contrôle de
légalité et avant de saisir le juge administratif, entretient
avec les collectivités locales concernées un dialogue
destiné à prévenir les difficultés contentieuses.
Ces pratiques de consultation, de concertation et d'échanges sur la
légalité des actes des collectivités locales ont
été
"consacrées"
par la jurisprudence. En effet, le
Conseil d'Etat a considéré, par un arrêt du 18 avril
1986
(Commissaire de la République du département
d'Ille-et-Vilaine),
que les observations adressées, à
l'intérieur du délai de recours contentieux, par le préfet
à un élu local, sur la légalité d'un acte de sa
collectivité, équivalent à un recours gracieux qui
prolonge le délai de recours contentieux ouvert au représentant
de l'Etat.
Par ailleurs, les comptables publics chargés de l'apurement
administratif des comptes des "petites" communes jouent, depuis longtemps, un
rôle de conseil qui apparaît en étroite synergie avec leur
rôle de contrôle.
Ils ont d'ailleurs été fortement incités à assumer
cette mission de conseil juridique par la circulaire du 18 juin 1990 prise
par notre collègue Michel Charasse, à l'époque
ministre délégué chargé du budget
36(
*
)
.
Ce texte procédait, tout d'abord, à un rappel de la nature et de
la portée du contrôle exercé par les comptables publics.
Deux règles étaient réaffirmées avec force :
-
en premier lieu,
le comptable ne peut subordonner ses actes de
paiement à une appréciation de l'opportunité des
décisions prises par l'ordonnateur
(rappel des articles 15, 55
et 82 de la loi du 2 mars 1982)
;
-
en second lieu,
le comptable ne peut effectuer un contrôle de la
légalité interne des actes : son contrôle, qui porte
sur la régularité, est circonscrit à un contrôle de
la légalité externe des actes.
Pour le reste, cette circulaire avait pour objet principal de conforter le
rôle de conseil des comptables locaux. Elle a atteint son but comme en
attestent les témoignages des élus locaux, même si
l'instruction du 17 septembre 1990 a opéré, sous
prétexte
" de préserver les prérogatives du
préfet",
un
"repli stratégique",
par rapport au texte
de juillet, en réservant aux comptables supérieurs -et non plus
aux ordonnateurs locaux- la primeur des observations formulées par les
comptables sur la légalité externe des actes des
collectivités locales.
Dans leur action quotidienne, les comptables publics continuent d'entretenir un
dialogue constructif avec les élus locaux.
Enfin, les chambres régionales des comptes elles-mêmes exercent
une fonction de
conseil
dans trois cas au moins :
- le contrôle des actes budgétaires dans l'exercice duquel les
chambres régionales des comptes interviennent comme conseillers des
préfets ;
- les modifications susceptibles d'être apportées aux
règles fixant les modalités de répartition des
contributions des communes au budget d'un syndicat intercommunal, sur
lesquelles les chambres régionales des comptes, saisies par les
préfets, donnent un avis (
article L. 232-3
du code des
juridictions financières) ;
- les conventions relatives à des délégations de service
public et les conventions relatives aux marchés sur lesquelles les
chambres régionales des comptes, saisies par les préfets,
émettent un avis qui est transmis au représentant de l'Etat et
à la collectivité territoriale concernée
(article L. 234-1 et L. 234-2
du code des juridictions
financières
).
Il s'agirait donc d'
étendre
aux exécutifs territoriaux
cette faculté de consulter les chambres régionales des comptes,
jusqu'à présent réservée aux seuls préfets.
Cette extension peut paraître séduisante dans la mesure où
elle permettrait de répondre à
deux besoins
exprimés par les élus locaux :
-
en premier lieu,
contribuer à la
normalisation
des
rapports
entre les élus locaux et les chambres régionales
des comptes, en créant les conditions d'un dialogue avec les
juridictions financières qui constituerait une aide à la
décision ;
-
en second lieu,
conforter le
besoin de sécurité
juridique
éprouvé par les élus locaux, en leur
permettant de pouvoir bénéficier de conseils
éclairés qui leur évitent de commettre des
erreurs.
B. UNE IDEE DIFFICILEMENT APPLICABLE
Séduisante dans son esprit et dans ses
éventuelles
conséquences, la suggestion d'une extension de la fonction consultative
des chambres régionales des comptes se heurte à de tels obstacles
qu'elle semble vouée à demeurer une
fausse bonne
idée.
Le premier obstacle rencontré par ce projet est constitué par le
caractère non extensible des ressources humaines dont disposent les
chambres régionales des comptes.
A effectif inchangé, la reconnaissance d'une fonction de conseil,
même limitée à deux matières
(les projets de
convention de délégation et de service public ou de
marchés publics
et
les situations susceptibles de
déboucher sur une gestion de fait)
risque de se traduire par un
"embouteillage",
un encombrement ou un engorgement des chambres au
détriment d'un exercice satisfaisant de leur fonction juridictionnelle
de jugement des comptes et de leur mission
"d'examinateur"
de la gestion
des collectivités locales.
En
second lieu
et surtout, -car l'obstacle matériel n'est pas
insurmontable-, la reconnaissance aux chambres régionales des comptes
d'une fonction consultative au bénéfice des élus locaux
aboutirait à un
dédoublement fonctionnel
de ces
juridictions financières qui pourrait poser problème au regard de
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des
libertés fondamentales.
En effet, dans un arrêt récent
(Procola c/Luxembourg,
19 juillet 1995),
la Cour européenne des droits de l'homme a
condamné le Grand-Duché du Luxembourg pour violation de
l'article 6
(droit à une procès équitable)
de
la convention, en raison du défaut d'
impartialité
structurelle
du comité contentieux de son Conseil d'Etat.
Selon la Cour,
"il y a eu
confusion
dans le chef de quatre
conseillers d'Etat de
fonctions consultatives
et de
fonctions
juridictionnelles
. Dans le cadre d'une institution telle que le Conseil
d'Etat luxembourgeois, le seul fait que certaines personnes exercent
successivement à propos des mêmes décisions les deux types
de fonctions est de nature à mette en cause l'
impartialité
structurelle
de ladite institution. En l'espèce, Procola a pu
légitimement craindre que les membres du comité du contentieux se
soient sentis
liés par l'avis
précédemment
donné. Ce simple doute, aussi peu justifié soit-il, suffit
à altérer l'impartialité du tribunal en question."
Certes la portée de cette jurisprudence, qui représente un avatar
européen du vieil adage selon lequel
" nul ne peut être
juge et partie ",
mérite d'être relativisée car
elle ne semble s'appliquer qu'au cas où le
même magistrat
aurait à connaître dans ses fonctions juridictionnelles d'une
"affaire"
sur laquelle il aurait émis, en amont, un avis dans son
rôle consultatif.
Toutefois, cette hypothèse
"d'impartialité structurelle"
risque de se réaliser dans les "petites" chambres régionales
des comptes aux effectifs réduits où il sera impossible
d'établir une stricte division du travail entre les magistrats
" conseillers "
et les magistrats
" contrôleurs ".
Or, il est inconcevable de ne reconnaître une fonction consultative
qu'aux seules chambres régionales des comptes disposant d'effectifs de
magistrats suffisants pour éviter de se trouver en situation
"d'impartialité structurelle".
Une telle discrimination entre les chambres, fondée sur leur taille, se
traduirait par une rupture du principe d'égalité entre les
collectivités locales.
Pour toutes ces raisons, le groupe de travail a décidé,
après en avoir longuement débattu, de ne pas retenir la
suggestion d'une extension au bénéfice des élus locaux de
la fonction consultative des chambres régionales des comptes.
III. AMÉLIORER LE CONTRÔLE DE LÉGALITÉ
Les
solutions contraires dégagées, pour un même acte, par le
contrôle de légalité et par la chambre régionale des
comptes à l'occasion de l'examen de la gestion d'une collectivité
locale, suscitent légitimement l'incompréhension des élus
locaux.
Le groupe de travail a donc jugé nécessaire de définir des
orientations qui, s'appuyant sur les réflexions antérieures,
devraient être mises en oeuvre afin que le contrôle de
légalité joue un rôle plus efficace en vue d'une
sécurité juridique accrue des actes des collectivités
locales.
A. LES RÉFLEXIONS ANTÉRIEURES
1. Les suggestions du Conseil d'Etat
Dans son
rapport public pour 1993, le Conseil d'Etat avait recensé
plusieurs
carences
dans la mise en oeuvre du contrôle de légalité
: le nombre insuffisant des personnels affectés à cette mission,
leur qualification insuffisante, les difficultés dans la collaboration
entre les services préfectoraux et les services
déconcentrés et, enfin, le manque d'information sur les textes et
la jurisprudence applicables.
Afin de remédier à ces carences, le Conseil d'Etat avait
suggéré d'accroître les effectifs des services
préfectoraux chargés du contrôle de légalité
et d'améliorer la formation des fonctionnaires en charge de cette
mission.
Soutenant l'idée de mieux structurer les services chargés du
contrôle de légalité, il avait envisagé deux
formules : soit la création d'une
direction juridique de la
préfecture
ayant pour mission le contrôle de
légalité, le contrôle budgétaire, le contentieux et
le conseil ; soit la mise en place d'un
"
pôle de
compétences "
à
vocation
spécialisée
, notamment en matière de marchés
publics.
Le Conseil d'Etat avait enfin préconisé une plus grande
participation des services déconcentrés à l'exercice du
contrôle de légalité
2. Le rapport Houssin
Le
rapport de mission établi par notre ancien collègue
député Pierre-Rémy Houssin
sur la simplification de
l'Etat dans ses relations avec les collectivités locales
, avait
également mis en lumière la nécessité de rendre
plus homogène et plus effectif le contrôle de
légalité.
Le rapport avait en effet souligné que le contrôle de
légalité était trop inégal au plan
géographique et souvent superficiel. Il avait relevé qu'il
pouvait osciller entre le rigorisme le plus excessif et le laxisme le plus
blâmable.
Le même rapport formulait des propositions sur
l'organisation de
l'Etat déconcentré
qui, sans être directement
liées au contrôle de légalité, pouvaient avoir un
impact sur la capacité d'expertise des services de l'Etat.
Il soulignait qu'une relation harmonieuse et équilibrée entre les
collectivités locales et l'Etat déconcentré impliquait
l'unité de commandement
au sein des services de l'Etat. Ce qui
justifierait un renforcement de
l'autorité du préfet
sur
l'ensemble des services extérieurs de l'administration de l'Etat.
Dans un ensemble de propositions destinées à améliorer les
relations des services déconcentrés avec les collectivités
locales, il suggérait de regrouper en
pôles de
compétences
, voire en services uniques, sous l'autorité du
préfet, certaines fonctions communes aux différents services de
l'Etat, notamment la
documentation juridique.
En outre, il relevait la nécessité de simplifier l'organisation
des services de l'Etat, notamment par certains regroupements de services. Une
telle proposition -parmi d'autres- devait être de nature à
répondre à la légitime demande des élus locaux
d'avoir comme interlocuteurs des services de l'Etat en mesure de leur apporter
les réponses rapides et efficaces qu'ils sont en droit d'attendre.
3. Les conclusions du groupe sénatorial de travail sur la décentralisation
Le
Sénat a depuis plusieurs années mis en évidence les
légitimes préoccupations des élus locaux face à la
mise en cause devant les tribunaux d'actes n'ayant pas appelé
d'observations de la part du contrôle de légalité.
Le rapport établi par M. Pierre Fauchon au nom du groupe de travail de
la commission des Lois sur la responsabilité pénale des
élus locaux, placé sous la présidence de M. Jean-Paul
Delevoye (n° 328, 1994-1995), avait déjà relevé que
les élus locaux pouvaient légitimement être fondés
à considérer le contrôle de légalité comme un
indicateur fiable
de la
valeur juridique
de
leurs actes
.
Il avait donc souhaité que, par des moyens renforcés, les
services du contrôle de légalité soient mieux à
même d'informer les collectivités locales sur la
légalité de leurs actes.
M. Jacques Larché, président de la commission des Lois, dans une
question écrite, datée du 23 mai 1996 et
adressée au Garde des Sceaux, avait lui-même fait observer que la
discordance de points de vues entre le préfet et le procureur de la
République sur un même acte faisait naître chez les
élus locaux un
sentiment d'insécurité juridique
particulièrement
préjudiciable
au bon fonctionnement des
collectivités territoriales.
Sur le rapport de M. Daniel Hoeffel, le groupe de travail de la commission des
Lois sur la décentralisation, placé sous la présidence de
M. Jean-Paul Delevoye (n° 239, 1996-1997), avait par la suite
souligné la confusion qui existait dans la mise en oeuvre du champ des
contrôles juridictionnels.
Il avait souhaité que les services du contrôle de la
légalité soient
mieux adaptés aux besoins des
collectivités
.
Mais, estimant que les collectivités locales faisaient confiance aux
préfets pour exercer le contrôle de légalité et
qu'une telle création serait susceptible de dénaturer l'esprit de
la décentralisation, il avait écarté l'idée d'un
" ministère public de la décentralisation "
qui
serait confié à un commissaire spécialisé issu du
corps des magistrats des tribunaux administratifs et qui serait chargé
d'exercer le contrôle de légalité en dehors des
préfectures.
B. LES ORIENTATIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
1. Pour une confirmation du rôle des préfets
Si le
contrôle de légalité ne peut être une garantie
absolue de la validité juridique des actes des collectivités
locales, ces dernières peuvent néanmoins légitimement
prétendre à une meilleure sécurité juridique.
A cet égard, l'autonomie du contrôle de gestion par rapport au
contrôle de légalité renforce chez les élus un
sentiment d'insécurité juridique, dans la mesure où une
chambre régionale des comptes peut, quelques années plus tard,
formuler des observations sur des décisions qui n'ont pas
été critiquées dans le cadre du contrôle de
légalité.
Si cette situation peut jeter un doute sur la qualité du contrôle
exercé par les services préfectoraux, encore faut-il garder
présent à l'esprit les caractéristiques de ce
contrôle.
En premier lieu, le rôle des préfets -à travers l'exercice
du contrôle de légalité- ne se borne pas à recourir
à des voies de droit contraignantes. Les préfets doivent
également prendre en compte les conditions réelles d'exercice des
compétences locales. Cette spécificité du contrôle
de légalité se traduit par
un dialogue fructueux entre les
préfets et les élus
. C'est pourquoi, le faible nombre de
déférés préfectoraux (1 961 pour 5,8 millions
d'actes transmis aux préfectures en 1996) doit être analysé
en tenant compte de la procédure préalable de concertation entre
les élus locaux et les préfets, qui permet, dans bien des cas, de
prévenir un déféré.
Comme le reconnaît la jurisprudence administrative, l'autorité
préfectorale n'a pas l'obligation de déférer un acte d'une
collectivité locale au tribunal administratif, un
pouvoir
d'appréciation
du degré de gravité de l'infraction lui
étant reconnu.
A la suite du groupe de travail de la commission des Lois sur la
décentralisation, le groupe de travail affirme son attachement à
ce que le contrôle de légalité continue à être
exercé dans les préfectures, dans un cadre
rénové.
2. Pour une complémentarité effective entre le contrôle de légalité et le contrôle financier
En
second lieu, comme l'ont admis les magistrats entendus par le groupe de
travail, certains irrégularités relevées par les chambres
régionales des comptes au cours du contrôle de gestion pouvaient
ne pas être décelables au moment où le contrôle de
légalité s'est exercé.
Il existe donc en pratique une
complémentarité
entre le
contrôle de légalité et le contrôle financier.
Il n'est, en outre, pas rare que les chambres régionales des comptes
utilisent les travaux des services préfectoraux à l'appui de leur
contrôle de gestion.
A l'inverse, dans l'exercice du contrôle de légalité, les
préfets peuvent s'appuyer sur les analyses et les observations des
chambres régionales des comptes.
Cette complémentarité est également expressément
prévu par les textes pour l'exercice du contrôle budgétaire
auquel les chambres régionales des comptes concourent ou à
travers différentes dispositions prévoyant l'information des
préfets par la juridiction financière à différents
stades des procédures de contrôle budgétaire, de jugement
des comptes ou d'examen de la gestion d'un collectivité locale.
Cette complémentarité pourrait être renforcée si
des magistrats financiers, détachés à cet effet, apportait
une assistance technique à l'exercice du contrôle de
légalité
. La même assistance pourrait être
apportée par des magistrats des tribunaux administratifs et judiciaires
ainsi que par des fonctionnaires des services déconcentrés de
l'Etat. Pour ces derniers, si nécessaire, les compétences
exercées dans les administrations centrales et qui sont souvent mal
utilisées pourraient être
déconcentrées
au
niveau départemental ou régional. Ce
" pôle de
compétences "
devrait être rattaché au
préfet, qui en définitive déciderait, seul, de la suite
à donner à ces observations.
Parallèlement, les services préfectoraux chargés du
contrôle de légalité devraient être
renforcés,
tant par la délivrance de
formations
adaptées
que par la mise à leur disposition des
outils
d'analyse nécessaires
.
Il s'agirait, à cette fin, d'approfondir les actions déjà
mises en oeuvre par la direction générale des
collectivités locales du ministère de l'intérieur,
à travers l'établissement de recueils de jurisprudence, la
réponse à des questions ponctuelles ou l'organisation de sessions
de formation sur les marchés publics et sur l'instruction comptable
M14.
IV. RENFORCER LES PROCÉDURES DE CONTRÔLE INTERNE DES COLLECTIVITES LOCALES
Le
changement de nature de l'action des collectivités locales qui
résulte de la décentralisation a débouché sur un
accroissement considérable des contraintes de gestion.
En effet, les collectivités locales sont notamment tenues de respecter
un grand nombre d'obligations destinées à assurer la
publicité et la transparence de leur gestion. A cet égard, il
convient de citer, en particulier le débat obligatoire sur les
orientations budgétaires, la mise à disposition du public de
données synthétiques et comparatives, ainsi que les annexes aux
documents comptables et budgétaires traditionnels.
Les gestionnaires locaux ont donc modernisé leurs méthodes, et
tout en apprenant à travailler avec les organes de contrôle
externes que constituent les chambres régionales des comptes, ils ont
commencé à développer le contrôle interne de leur
gestion.
A. UNE ÉVOLUTION QUALITATIVE ESSENTIELLE
Dans le
cadre de cette évolution, de nombreuses collectivités locales
ont, en effet pris, la mesure de l'intérêt qu'il pouvait y avoir
pour elles à disposer d'une
expertise
qui leur soit propre.
Cependant, à la différence des entreprises, pour lesquelles
l'analyse financière a donné lieu à des méthodes
bien
" étalonnées "
et reconnues et où
chacun s'accorde sur la finalité et sur les méthodes de
l'analyse, l'examen des comptes des collectivités locales
présente d'importantes spécificités.
A cet égard, il faut rappeler que les règles de la
comptabilité publique auxquelles les collectivités locales sont
soumises sont traditionnellement et fondamentalement conçues pour
permettre le contrôle de la régularité de
l'exécution d'un budget.
Or, aujourd'hui la vocation du contrôle interne doit être de servir
la cause d'une bonne information financière et d'une gestion efficace.
Ce contrôle interne, possède donc des règles
spécifiques qui se distinguent ainsi, par nature, des règles de
la comptabilité publique, qui apparaissent peu adaptées à
une mise en perspective dynamique de la gestion locale.
A cet égard, l'entrée en vigueur progressive depuis 1997 des
règles de la comptabilité M14 pour les communes constitue,
malgré les difficultés pratiques qu'implique le changement de
système comptable pour ces collectivités, un progrès
indéniable. Ce nouvel ensemble de règles comptables aligne en
effet, dans ses grandes lignes, la comptabilité des communes sur celles
du plan comptable général applicable aux entreprises depuis 1982.
De même, un grand nombre de ratios financiers ont été
définis afin de pouvoir apprécier la situation financière
des collectivités.
Ce dispositif comptable devrait permettre de moderniser la gestion des
collectivités locales. Dans la perspective de l'entrée en vigueur
des instructions comptables M52 et M71, qui devrait respectivement s'appliquer
à partir de l'an 2000 aux départements et aux régions,
M. Lionel Fourny, directeur général des services de la
Moselle et président de l'association des directeurs
généraux de service et directeurs généraux adjoints
de service des conseils régionaux et généraux, note que
" les pratiques et les outils de gestion sont anciens, et
procèdent de règles héritées de l'Etat. Le
changement de plan de comptes va donner l'occasion de mettre en place des
instruments de pilotage qui n'existent pas encore "
37(
*
)
.
D'importants progrès ont donc été réalisés
dans ces domaines.
Cependant, la complexité de l'environnement juridique et financier
auquel sont confrontés les élus locaux dans le cadre de leur
gestion renforce encore le besoin de concertation et de conseil, plus
particulièrement à l'attention des petites communes, afin que
l'action locale puisse s'exercer dans les meilleures conditions de
sécurité juridique.
B. DOTER LES COLLECTIVITÉS LOCALES D'UNE FORCE DE CONSEIL AUTONOME
Les
auditions du groupe de travail ont mis en évidence la forte demande des
collectivités locales de pouvoir recourir à des
instances
de
conseil autonomes
dont l'objet serait de les assister dans
l'exercice de leurs missions.
• A cet égard, le groupe de travail tient tout d'abord à
rendre hommage à l'importante action conduite dans ce domaine par les
grandes associations d'élus locaux
et, tout particulièrement
par
l'association des maires de France
qui apporte, notamment, son
concours aux petites communes qui ne disposent pas des moyens suffisants pour
pouvoir assumer seules la mise en place d'un contrôle interne.
• Par ailleurs, le groupe de travail a
examiné
l'idée d'une " réactivation ", sous une forme
modernisée, de la formule de l'agence départementale
instituée par l'article 32 de la loi n° 82-213 du 2 mars
1982, actuellement codifié à l'article L. 5511-1 du code
général des collectivités territoriales. Cet article
prévoit que
" le département, des communes et des
établissements publics intercommunaux peuvent créer entre eux un
établissement public dénommé agence départementale.
Cette agence est chargée d'apporter aux collectivités
territoriales et aux établissements publics intercommunaux du
département qui le demandent une assistance d'ordre technique, juridique
ou financier ".
Cette disposition témoignait de la volonté de permettre aux
collectivités locales de disposer d'une instance de conseil
émanant des collectivités locales elles mêmes. Il
s'avère pourtant que cette formule a, en pratique, été un
échec.
L'explication de cet échec se trouve en filigrane des conditions de son
inscription dans la loi du 2 mars 1982. Au cours de la discussion de ce texte
à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a répondu aux
souhaits exprimés par de nombreux parlementaires, en proposant la
création d'une agence départementale destinée à
apporter aux communes ou à leurs établissements publics une
assistance d'ordre technique, juridique ou financier. A cet égard,
M. Alain Richard, rapporteur du texte, notait que
" pour
rééquilibrer le texte de la loi, en allégeant les tutelles
techniques au même rythme que la tutelle administrative, [il s'agissait
de chercher] des formules permettant aux communes de s'affranchir des
contrôles et de l'orientation prioritaire que donnent les services de
l'Etat aux projets des communes, grâce à l'importance de leurs
moyens techniques ".
Au Sénat, la commission des lois et la commission des finances ont,
à des degrés divers, exprimé des inquiétudes sur le
principe de cette agence. La commission des lois considérait en effet
que de telles structures pouvaient être créées dans le
cadre du droit existant et, surtout, craignait que celles-ci puissent
déboucher sur une nouvelle forme de tutelle entre collectivités
locales. La seconde, tout en affirmant son refus de voir naître une
tutelle à cette occasion, considérait cependant que le principe
d'une instance locale de conseil était souhaitable pour les petites
communes.
Force est de constater que cette formule n'a pas connu un grand succès
en raison, notamment, de la crainte de voir naître une nouvelle forme de
tutelle, mais aussi en raison du risque " inflationniste " que
pouvait comporter une structure concurrente des services de l'Etat.
Le groupe de travail a donc estimé nécessaire qu'il soit
procédé à une analyse plus approfondie des causes de
l'échec de cette formule avant de s'interroger sur son éventuelle
réactivation.
• Enfin, le groupe de travail a retenu tout l'intérêt qui
s'attache à la proposition formulée par
notre
collègue
Jean Puech, en sa qualité de président de
l'assemblée des présidents de conseils
généraux,
et qui visait à la constitution
d'un
corps d'inspection spécifique aux collectivités locales
. A
cet égard, le groupe de travail a considéré qu'un tel
corps d'inspection, qui
devrait plutôt s'apparenter à
une
mission de conseil et
d'audit
,
composée
d'
administrateurs territoriaux
, pourrait utilement contribuer à
l'exercice d'une
fonction de conseil
et
d'assistance
à la
gestion en faveur des collectivités locales.
Dans l'esprit du groupe de travail, cette instance répondrait aux
" commandes " des collectivités locales, et plus
particulièrement à celles émanant des petites communes qui
disposent de moyens financiers limités. L'organisme chargé
d'effectuer cette prestation de service, qui pourrait faire l'objet d'une
rémunération, serait constitué sous la forme d'un
établissement public dont le conseil d'administration serait
exclusivement composé de représentants des collectivités
locales. En tout état de cause, il ne s'agirait pas de concurrencer les
formes privées de conseil et d'audit des collectivités locales,
mais de contribuer à une plus grande égalité dans
l'accès au conseil en aidant les petites et moyennes communes aux moyens
financiers limités.
LES PRINCIPALES PROPOSITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL
I.
L'esprit des propositions
Le groupe de travail ne conteste pas la nécessité du
contrôle financier exercé par les chambres régionales des
comptes : ce contrôle constitue la
contrepartie
démocratique
du renforcement des pouvoirs dévolus aux
collectivités locales.
Corollaire indispensable de la décentralisation,
ce
contrôle représente également un indéniable
facteur de transparence
de la
gestion publique locale.
Toutefois, l'impact médiatique du
pouvoir d'informer,
reconnu aux
chambres régionales par la loi du 15 janvier 1990, impose que la
mise en oeuvre de ce contrôle s'effectue dans le
respect
des
principes généraux du
droit
et, en particulier,
l'objectivité de l'instruction, le respect des droits de la
défense et le droit d'exercer un recours contre les lettres
d'observations définitives.
II. Les propositions
A cette fin, le groupe de travail préconise, en premier lieu,
une
rénovation des conditions de l'examen de la gestion des
collectivités locales
qui suppose :
1.
L'édiction d'un " code du bon usage du
contrôle " et une définition légale de l'objet de
l'examen de la gestion.
• La Cour des comptes doit continuer à favoriser
l'émergence d'une
" doctrine "
commune aux juridictions
financières pour la mise en oeuvre du contrôle financier, afin
d'aboutir à une
harmonisation des pratiques
des chambres.
• La consécration dans la loi d'une
définition
de l'
objet
de l'
examen
de la gestion
permettrait de
préciser que les lettres d'observations doivent faire obligatoirement
référence aux textes
qui auraient été
méconnus et que l'examen de l'économie des moyens mis en oeuvre
par rapport aux objectifs ne peut aboutir à ce que les choix
effectués, qui relèvent de la
responsabilité exclusive
des élus
, puissent être eux-mêmes
critiqués
.
Elle devrait également prévoir que les lettres d'observations
définitives sont tenues de prendre explicitement en compte les
résultats de la procédure contradictoire
et que, par leur
structure même, elles doivent tenir compte de
l'importance relative
des observations formulées
dans la gestion globale de la
collectivité et formuler des
recommandations concrètes
permettant, aux yeux de la chambre, d'améliorer tel ou tel aspect de la
gestion locale.
2. Le renforcement des garanties dont bénéficie le
contrôlé
, qui passe par une
confidentialité des
documents préparatoires
;
l'institution
, à l'approche
des élections locales, d'une
période de neutralité
(de six mois) au cours de laquelle l'envoi des lettres d'observations
définitives serait suspendu ; et, un
renforcement
du
principe
du
contradictoire
par la systématisation de la
collégialité
et du
contre-rapport
, la
prise en
compte des réponses
de l'
ordonnateur
dans les
lettres
d'observations définitives
et
l'institution
d'une
procédure
de
recours
contre les lettres d'observations
définitives.
3. La modernisation du fonctionnement des chambres régionales
des comptes
, qui implique :
- une confirmation de la "frontière" fixée en 1988 entre le
régime de
l'apurement administratif
, qui relève des
comptables publics, et le
jugement des comptes,
effectué par les
chambres, en prévoyant une indexation du seuil de 2 millions de francs
(sur le taux d'évolution de la DGF) et en évitant les
phénomènes d'aller-retour que connaissent certaines communes
entre les deux régimes ;
- une réflexion sur une plus grande
homogénéité des chambres
qui conduit à
s'interroger sur un éventuel regroupement des " petites
chambres " ;
- un rapprochement du
statut des magistrats
des chambres
régionales des comptes de celui des magistrats des tribunaux
administratifs.
4. L'adaptation du régime des sanctions de la gestion de fait
à leur véritable objet qui est de rétablir la règle
fondamentale et intangible de la séparation des ordonnateurs et des
comptables.
A cette fin, la sanction automatique résultant de la démission
d'office de l'ordonnateur reconnu comptable de fait devrait être
remplacée par
une procédure de suspension des fonctions
d'ordonnateur
jusqu'à l'apurement de la situation de gestion de fait.
III.
Le groupe de travail a,
en second lieu
,
considéré qu'il était nécessaire de
renforcer la
sécurité juridique des actes des collectivités
locales
, ce qui suppose :
1. une clarification de certains aspects de la
législation
;
2. une amélioration du contrôle de
légalité
qui doit continuer à être exercé
par les préfectures, mais dans un cadre rénové.
A cette fin, la complémentarité entre le contrôle de
légalité et le contrôle financier pourrait être
améliorée (des magistrats financiers détachés
à cet effet pourraient apporter une assistance technique dans le cadre
d'un
" pôle de compétences "
rattaché au
préfet) ;
3. un renforcement des procédures de contrôle interne
des collectivités locales, ce qui pourrait justifier une
évaluation des voies et moyens de nature à réactiver les
agences départementales pour les plus petites collectivités et
une réflexion sur la mise en place d'une mission de conseil et d'audit
propre aux collectivités locales.
CONCLUSION
Au terme
de ce rapport, ses auteurs souhaitent préciser que ce document,
approuvé par la majorité du groupe de travail et dont la
publication a été autorisée, à l'unanimité,
par ses commissions de rattachement (la commission des Finances et la
commission des Lois), constitue un
rapport d'étape
en vue d'une
modernisation des conditions d'exercice du contrôle financier.
Ce caractère de
"lettre d'observations provisoires"
explique la
formulation de certaines propositions sur un mode interrogatif ou conditionnel.
Tel est le cas de la suggestion d'un regroupement des chambres
régionales afin d'aboutir à la constitution d'entités plus
homogènes.
Ce caractère de rapport d'étape explique également que
l'idée d'une extension de la fonction consultative des chambres
régionales des comptes ait fait l'objet de développements
nourris, avec un examen des avantages et des inconvénients de cette
formule qui a été écartée par le groupe de travail,
en l'état actuel de ses réflexions.
En réalité, ce rapport d'étape est destiné à
nourrir la réflexion sur une question essentielle pour le bon
fonctionnement de la décentralisation. Il est souhaitable que chacune
des propositions formulées ou esquissées, puisse permettre
d'approfondir le
dialogue
engagé tout au long des auditions du
groupe de travail avec les parties concernées : le Gouvernement,
les élus locaux, les juridictions financières, les comptables
publics...
A l'issue de cette nécessaire concertation
, une proposition de
loi
pourrait utilement formaliser un certain nombre de dispositions dont
l'introduction dans notre ordonnancement juridique nécessiterait
l'intervention du législateur.
Telle est la démarche, en deux temps, qu'a décidé
d'adopter le groupe de travail afin d'aboutir à
"une lettre
d'observations définitives"
susceptible de faire l'objet d'un large
consensus.
Ce processus itératif, qui permet de confronter les propositions
émises par le groupe de travail à l'épreuve positive de la
critique constructive, s'avère indispensable sur un sujet aussi crucial
que le contrôle des actes des collectivités locales.
Ce thème se trouve, en effet, au confluent de deux
exigences
fondamentales
pour l'avenir de notre pays :
• l'
impérieuse nécessité
de
développer une
culture de l'évaluation des politiques
publiques
afin d'assurer la meilleure allocation possible des ressources
publiques dans un contexte de rareté de l'argent public ;
• l'
ardente obligation
de conforter la décentralisation
et de faire vivre la démocratie locale qui, en offrant un point
d'ancrage et d'enracinement à nos concitoyens, constituent une
réponse moderne au défi de la mondialisation.
ANNEXES
ANNEXE N° I :
Examen du rapport du groupe de
travail par la commission des finances et la commission des lois.
ANNEXE N° II :
Liste des personnes entendues par le groupe de
travail.
ANNEXE N° III :
Comptes rendus des auditions.
ANNEXE N° IV :
Le
" texte de
référence ",
élaboré par la Cour des
comptes, sur la forme et la présentation des lettres d'observations
définitives.
ANNEXE N° I
EXAMEN DU RAPPORT DU GROUPE DE
TRAVAIL PAR LA COMMISSION DES FINANCES ET LA COMMISSION DES LOIS
Réunies le mardi 23 juin 1998, sous la présidence conjointe de
M. Jacques Larché, président de la commission des lois, et
de M. Christian Poncelet, président de la commission des finances,
les deux commissions ont entendu une communication de M. Jean-Paul
Amoudry, président, et de M. Jacques Oudin, rapporteur, sur les
conclusions du groupe de travail commun aux deux commissions sur les chambres
régionales des comptes.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois, a
tout d'abord rappelé que le groupe de travail sur les chambres
régionales des comptes, commun à la commission des finances et
à la commission des lois, avait été constitué
à son initiative et à celle de M. Christian Poncelet,
à la suite du dépôt, le 25 février 1997, de la
proposition de loi n° 229 de MM. Patrice Gélard,
Jean-Patrick Courtois et de plusieurs de leurs collègues,
destinée à préciser les compétences des chambres
régionales des comptes.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, a mis
en valeur les auditions auxquelles avait procédé le groupe de
travail pour parvenir à une large concertation.
M. Jean-Paul Amoudry, président du groupe de travail, a
précisé que celui-ci s'était assigné pour
tâche de dresser un bilan, après quinze années de pratique
de l'action des chambres régionales des comptes et des modalités
d'exercice du contrôle financier.
M. Jean-Paul Amoudry a souligné que les réflexions de ce
groupe de travail s'étaient inscrites dans une double perspective. Il a
indiqué, en premier lieu, que le principe du contrôle financier
constituait un corollaire indispensable et incontestable de la
décentralisation et un indéniable facteur de transparence de la
gestion publique locale. Il a, en second lieu, rappelé que le respect de
la démocratie exigeait néanmoins que le contrôle financier
se garde de heurter deux écueils, d'une part, la tentation de se
prononcer en opportunité sur les choix démocratiquement
effectués par les assemblées locales et, d'autre part,
l'excès de rigidité qui ne tiendrait pas compte de la grande
complexité du contexte juridique, économique et financier dans
lequel interviennent les collectivités locales. Sur ce point, il a
rappelé que ce contexte avait contribué, lors des
dernières élections municipales, à décourager de
nombreux maires sortants qui n'avaient pas sollicité le renouvellement
de leur mandat.
M. Jean-Paul Amoudry a ensuite souligné que les conclusions du
groupe de travail avaient pour ambition de proposer des modifications des
conditions de la mise en oeuvre du contrôle financier local, qui
constituait la contrepartie démocratique de l'accroissement des pouvoirs
dévolus aux collectivités locales, ayant pour objet de rendre
celui-ci plus respectueux des principes généraux du droit. Il a
enfin indiqué que ces conclusions étaient destinées
à constituer un rapport d'étape dont l'ambition était de
contribuer au dialogue indispensable entre chambres régionales des
comptes et élus locaux.
M. Jacques Oudin, rapporteur, présentant les conclusions du groupe de
travail, a souligné que celles-ci étaient marquées par la
volonté d'inscrire l'exercice du contrôle financier local dans le
cadre du respect des principes généraux du droit qui tiennent,
notamment, à la rigueur de l'instruction, au respect des droits de la
défense, à la proportionnalité des sanctions ainsi qu'au
droit d'exercer un recours à l'encontre de tout acte administratif
faisant grief.
A l'issue de cette présentation, M. Jacques Larché,
président de la commission des lois, a fait remarquer que ces
conclusions pourraient servir de base à une éventuelle
réforme législative des modalités du contrôle
financier. Il a relevé que ce travail avait très justement
rappelé, d'une part, le caractère indissociable de la
décentralisation et du contrôle financier local et, d'autre part,
la nécessité de garantir les droits de la défense dans ce
domaine. Il a, par ailleurs, confirmé que la complexité du cadre
juridique et financier dans lequel interviennent les collectivités
locales avait constitué un facteur de découragement des maires et
contribué à dissuader un grand nombre d'entre eux de se
représenter aux élections municipales de 1995.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances, a pour
sa part insisté sur l'importance du lien qui existait entre la
décentralisation et le contrôle financier local. Il a
précisé qu'il convenait néanmoins de veiller au respect
des droits de la défense. Il a, par ailleurs, noté que la
définition d'une frontière objective entre l'appréciation
de l'opportunité des décisions prises par une assemblée
locale et le contrôle de la régularité juridique de
celles-ci ne constituait pas une tâche aisée. Il a ensuite
déploré l'incertitude juridique qui pesait sur les actes des
collectivités locales qui "passaient le cap" du contrôle de
légalité et qui suscitaient ensuite des critiques de la part des
chambres régionales des comptes. S'agissant enfin de la fonction de
conseil des chambres régionales des comptes, il a souhaité que
celles-ci puissent continuer de s'exercer de façon informelle.
M. Michel Charasse s'est dit en accord avec la "philosophie d'ensemble" des
conclusions du groupe de travail à l'exception de quelques divergences
ponctuelles. A cet égard, il a tout d'abord précisé que la
frontière entre contrôle de la régularité et
contrôle de l'opportunité était difficile à
définir mais que la réaffirmation de son principe était
indispensable. Sur ce point, il a contesté toute forme de contrôle
de l'utilité des dépenses des collectivités locales par
les chambres régionales des comptes.
M. Michel Charasse a ensuite estimé qu'il convenait de
conférer une valeur juridictionnelle aux lettres d'observations
définitives afin que celles-ci puissent faire l'objet de recours en
appel et en cassation. Il a, par ailleurs, insisté sur la
nécessité d'imposer aux chambres régionales des comptes le
respect de l'autorité de la chose jugée. A cet égard, il a
considéré qu'il fallait, en premier lieu, veiller à ce que
les chambres régionales des comptes ne puissent pas se prononcer, dans
le cadre d'un examen de la gestion d'une collectivité locale, sur les
périodes dont les comptes avaient déjà été
jugés ou vérifiés.
En deuxième lieu, M. Michel Charasse a souligné qu'en cas
d'opposition entre l'appréciation d'une chambre régionale des
comptes et un jugement d'un tribunal administratif, l'autorité de la
chose jugée devait conduire la chambre régionale des comptes
à s'en tenir aux termes de ce jugement. En troisième lieu, il a
insisté sur le fait qu'une chambre régionale des comptes ne
pouvait en aucun cas se prononcer sur la légalité d'actes
réglementaires dont elle aurait à connaître dans l'exercice
de sa mission.
Par ailleurs, M. Michel Charasse a souhaité que les comptes des
collectivités locales ayant fait l'objet d'un jugement d'une chambre
régionale des comptes ou ayant été apurés par les
comptables supérieurs du Trésor ne puissent plus faire l'objet
d'une autre forme de contrôle, tel que celui exercé par les Unions
de recouvrement des cotisations de la sécurité sociale et des
allocations familiales (URSSAF). Il a proposé que la faculté
reconnue au préfet de consulter les chambres régionales des
comptes soit développée sur le modèle de la consultation
des présidents de tribunal administratif.
Puis, M. Michel Charasse a souligné qu'il convenait d'unifier le
régime juridique applicable en matière de démission
d'office à la suite d'une déclaration définitive de
gestion de fait, de telle sorte que celle-ci soit, dans tous les cas,
prononcée par le préfet. Enfin, il a évoqué le
problème de l'exercice du droit de grâce au regard des
condamnations et amendes prononcées par l'ensemble des juridictions
financières, en soulignant la spécificité du pouvoir de
remise, exercé dans ce domaine par le ministre du budget, alors qu'il
s'agissait de sanctions quasi pénales qui, à ses yeux, devraient
relever du Président de la République.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a noté le très grand
intérêt des conclusions du groupe de travail en soulignant qu'il
avait apprécié la façon dont la problématique du
contrôle financier local avait été présentée.
Il a estimé que ce document pouvait servir de référence
à une future réforme législative.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a ensuite indiqué que quatre points
recueillaient son entière approbation. Tout d'abord, il a relevé
qu'il était indispensable de confirmer le refus de toute forme de
contrôle de l'opportunité des décisions prises par des
assemblées démocratiquement élues. Puis, il a
insisté sur la nécessité de garantir le secret de
l'instruction et, par conséquent, le caractère confidentiel et
non communicable des lettres d'observations provisoires. Il a ensuite
considéré qu'il était indispensable de veiller au respect
du caractère contradictoire de l'ensemble des procédures
applicables devant les chambres régionales des comptes. Il s'est enfin
dit favorable à l'idée d'instituer un "droit d'alerte" des
chambres régionales des comptes sur les défauts de la
législation que celles-ci relevaient dans l'exercice de leurs fonctions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a ensuite exprimé une réserve sur
l'idée de demander aux chambres régionales des comptes d'inclure
des appréciations positives dans les lettres d'observations
définitives. Il s'est aussi dit réservé sur
l'opportunité d'annexer le texte des lettres d'observations provisoires
à celui des lettres d'observations définitives. Il a en outre
considéré que les chambres régionales des comptes devaient
veiller à respecter, dans la formulation de leurs observations, une
rédaction neutre pour éviter tout caractère accusatoire.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a ensuite souligné son opposition à
l'idée de conférer un caractère supra régional
à certaines chambres régionales des comptes dans le cadre d'un
éventuel regroupement des chambres qui n'atteignent pas "la taille
critique". S'agissant des divergences d'appréciation entre le
contrôle de légalité et le contrôle financier, il a
rappelé que chacune de ces deux formes de contrôle comportait des
spécificités inévitables. Il a enfin
considéré qu'il n'était pas nécessaire d'instituer
une nouvelle forme de recours à l'encontre des lettres d'observations
définitives.
M. Jacques Oudin, rapporteur, a précisé qu'en l'état
actuel du droit, les lettres d'observations définitives étant
réputées ne pas faire grief, elles n'étaient pas
susceptibles de faire l'objet d'un recours juridictionnel. Il a indiqué
que le groupe de travail proposait en conséquence de combler cette
lacune.
M. Jean-Pierre Schosteck a considéré, pour sa part, que
l'adjonction, en annexe des lettres d'observations définitives, du texte
des lettres d'observations provisoires n'était pas souhaitable dans la
mesure où ces dernières comportaient souvent des erreurs, y
compris purement matérielles. Il a, par ailleurs, souligné qu'au
sein d'un groupe de travail constitué entre la Fédération
nationale des sociétés d'économie mixte (FNSEM) et les
chambres régionales des comptes dont il était membre, il avait
été convenu que les magistrats devaient être plus attentifs
à l'interprétation médiatique du vocabulaire juridique
traditionnellement employé dans les lettres d'observations
définitives. Il a enfin relevé l'excessive durée de
certaines procédures d'examen de la gestion qui pouvaient
dépasser quatre années.
M. François Blaizot s'est félicité de la qualité
du rapport du groupe de travail et a considéré qu'il
contribuerait à faire progresser la réflexion dans ce domaine. Il
a, par ailleurs, regretté que les chambres régionales des comptes
s'en tiennent trop souvent à une simple critique de la gestion locale.
Il a souhaité que ces juridictions financières tiennent un
meilleur compte de l'ensemble de la gestion de la collectivité locale
qu'elles examinent. Il s'est dit enfin très favorable à
l'institution d'une faculté d'exercer un recours à l'encontre des
lettres d'observations définitives.
A l'issue de ce débat, les deux commissions réunies ont alors
décidé, à l'unanimité, d'autoriser la publication
des conclusions du groupe de travail (sous la forme d'un rapport d'information).
ANNEXE N° II
LISTE DES PERSONNES
ENTENDUES
PAR LE GROUPE DE TRAVAIL
Jeudi 5 juin 1997
M. Jacques BONNET
, Président de
chambre à la
Cour des comptes 169
Mme Hélène GISSEROT
, Procureur
général près
la Cour des Comptes et M. Jean-Philippe
VACHIA, Avocat général près la Cour des comptes 173
Mardi 10 juin 1997 M. Jacques BLANC
, président de la
région Languedoc-Roussillon 181
M. Jean-Pierre GASTINEL
, Président de la chambre
régionale des comptes de Nord-Pas-de-Calais 185
Mardi 17 juin 1997 M. Jean PUECH
, sénateur,
Président de
l'Association des présidents de conseils
généraux (APCG) 191
M. Marc CENSI
,Président de l'assemblée des
districts et communautés de France 195
M. Pierre JOXE
, Premier Président de la Cour des comptes
199
Jeudi 19 juin 1997
M. Joël THORAVAL
, Préfet de
la région
Ile-de-France, Président de l'Association du corps
préfectoral 203
M. Michel THÉNAULT
, Directeur général des
collectivités locales au ministère de l'intérieur 207
M. Gilles CAREZ
, Député, vice-président de
l'Association des Maires de France (AMF) 213
Mardi 1
er
juillet 1997
M. Camille VALLIN
,
Président de la Fédération nationale des
sociétés d'économie mixte (FNSEM)
et
M. Maxime
Peter
, directeur général
de la Fédération
219
MM. Pierre ROCCA
, Conseiller à la chambre
régionale des comptes
de Provence-Alpes-Côte d'Azur, et
Dominique DELARUE
, Conseiller à la chambre
régionale des comptes de Bourgogne 225
Mardi 16 septembre 1997
M. Michel GONNET
, Directeur de la
comptabilité publique au ministère de l'économie, des
finances et
de l'industrie 231
M. Louis ARBELOT
, Trésorier payeur général
du Rhône et de la région Rhône-Alpes 237
Mardi 23 septembre 1997
MM. Alain SERIEYX
,
Président de la chambre
régionale des comptes de la
région
Provence-Alpes-Côte d'Azur
Philippe
LIMOUZIN-LAMOTHE
, Président de la chambre régionale des
comptes de la région
Midi-Pyrénées et
Roger
COMBEL
, Président de la chambre
régionale des comptes de
Bretagne 241
Jeudi 25 septembre 1997 Maître Jean ANTAGNAC
, Avocat 251
Maître Régis de CASTELNAU
, Président de
l'association française des avocats spécialisés dans le
conseil aux collectivités locales 255
M. Lionel FOURNY
, Président de l'association nationale
des directeurs de service et directeurs généraux adjoints de
service, des conseils généraux et régionaux 259
Mardi 10 février 1998 M. Maurice DOUSSET
,
Président de la région
Centre 263
M. Jacques FERRATON
, Président de la chambre
régionale des comptes de Franche-Comté 267
M. Jacques BELLE
, Président de la chambre
régionale des comptes de la région Rhône Alpes
273
ANNEXE N° III
COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
AUXQUELLES A PROCÉDÉ LE GROUPE DE TRAVAIL
M. Jacques BONNET
Président de chambre
à la Cour des Comptes,
Chef de la mission d'inspection
des
chambres régionales des comptes
Jeudi 5 juin 1997
M.
Jacques Bonnet
a, tout d'abord, dressé un tableau de la situation
actuelle des chambres régionales des comptes, dont le régime
juridique n'a cessé d'évoluer depuis l'institution de ces
chambres par la loi du 2 mars 1982. Soulignant que ces juridictions
nouvelles n'étaient que partiellement héritières de la
Cour des Comptes, il a insisté sur la part de novation qui avait
présidé à leur création. Il a relevé la
difficulté particulière de leur tâche dans la mesure
où leur champ de compétence concerne des assemblées
élues. Il a ensuite rappelé que les juridictions
financières locales comportaient 25 chambres régionales des
comptes, qui employaient un effectif de 320 magistrats, dont un tiers
était issu de l'Ecole nationale d'administration.
Par ailleurs, il a rappelé que les chambres régionales des
comptes devaient contrôler plus de 67.000 comptabilités
publiques, auxquelles il convenait d'ajouter les comptes de nombreux organismes
de droit privé bénéficiant de financements en provenance
des collectivités locales.
M. Jacques Bonnet
a ensuite dressé un bilan quantitatif de
l'activité des chambres régionales des comptes qui prononcent
plus de 17.000 jugements par an, ce qui correspond à un rythme
d'apurement quadriennal. Puis, il a indiqué qu'en 1995 les chambres
régionales des comptes avaient émis 1.370 avis
budgétaires et adressé 2.671 communications aux ordonnateurs
ou aux autorités administratives, dont plus de 1.120 lettres
d'observations provisoires et près de 960 lettres d'observations
définitives. Il a enfin souligné que 264 mises en
débet avaient été prononcées, qui avaient mis
à la charge des comptables publics près de 29 millions de
francs, cet ensemble ayant abouti dans 83 cas à une
déclaration de comptabilité de fait. 63 affaires ont fait
l'objet d'une transmission au procureur de la République.
M. Jacques Bonnet
a rappelé que la législation applicable
aux chambres régionales des comptes avait connu une évolution
constante puisque, depuis la loi fondatrice du 2 mars 1982, pas moins de
dix lois étaient intervenues pour modifier soit leurs
compétences, soit les procédures applicables à l'exercice
du contrôle financier. Il a insisté, en particulier, sur
l'importance de la "loi d'amélioration de la décentralisation" du
5 janvier 1988 qui avait, d'une part, restreint le champ d'action des
chambres régionales des comptes, en soustrayant à leur
contrôle les communes de moins de deux mille habitants et dont le montant
des recettes ordinaires était inférieur à 2 millions
de francs et, d'autre part, organisé et défini le cadre d'un
véritable contrôle de la gestion des collectivités locales.
Il a souligné que cette loi avait eu des effets très positifs,
dans la mesure où elle avait permis de recentrer le contrôle des
chambres régionales des comptes sur les "grandes" collectivités.
M. Jacques Bonnet
a, par ailleurs, insisté sur la naissance
d'une véritable procédure contradictoire destinée à
encadrer l'exercice du contrôle de gestion.
Il a ensuite axé son analyse sur les lettres d'observations
définitives, dont il a considéré qu'elles concentraient
les principales difficultés rencontrées dans l'exercice du
contrôle financier. S'agissant du contenu des lettres d'observations
définitives,
M. Jacques Bonnet
a tout d'abord
constaté que la très grande majorité des observations
traitait de la régularité des décisions des
collectivités locales sans qu'il soit porté d'appréciation
sur leur gestion. Sur ce point, il a précisé que l'analyse des
décisions de gestion était reprise dans le cadre de travaux
thématiques conduits par la Cour des Comptes sous la forme de rapports
particuliers. A cet égard, il a rappelé que ces rapports, qui
avaient traité notamment des constructions scolaires, de l'aide sociale,
du thermalisme et des interventions économiques des collectivités
locales, constituaient des analyses nuancées de la gestion des
collectivités locales. Il a ensuite insisté sur la fonction
essentielle des juridictions financières, qui était de concourir
à une bonne gestion des collectivités locales en les mettant en
garde contre un certain nombre de risques ou de dérives.
S'agissant du contrôle de l'opportunité des choix de gestion,
M. Jacques Bonnet
a souligné que, s'il existait parfois des
maladresses de rédaction dans les lettres d'observations, il ne
s'agissait, en aucun cas, pour les juridictions financières de porter
une appréciation sur les choix politiques effectués par les
élus locaux. Il a alors évoqué les deux cas "litigieux" du
pont de Normandie et de la participation financière de la commune des
Sables-d'Olonne au "Vendée-Globe". A cet égard, il a noté
que, dans le premier cas, la chambre régionale des comptes avait
relevé l'absence de compétence du département pour
participer à cette opération, ainsi que le renchérissement
du coût de l'opération. Dans le second cas, la chambre
régionale des comptes s'était bornée à
suggérer la réalisation d'études destinées à
évaluer les "retours" de la participation financière de la
commune en termes d'effets économiques et à mettre ces
éventuelles retombées en rapport avec l'investissement
effectué par la collectivité.
Il a cependant considéré que la mise en oeuvre du contrôle
de gestion pouvait s'avérer imparfaite et que ce constat avait conduit
la Cour des Comptes à engager une vaste consultation des chambres
régionales des comptes, dont l'objectif était d'aboutir à
l'élaboration d'un "code de bonne conduite" dans la mise en oeuvre du
contrôle de gestion. Soulignant que cette consultation était
encore en cours, il a néanmoins précisé que les principaux
objectifs de cette démarche étaient de recommander une
hiérarchisation des observations en fonction de leur importance et de
leur enjeu financier et de définir des critères objectifs pour
apprécier la gestion d'une collectivité locale.
S'agissant d'éventuelles adaptations législatives,
M. Jacques
Bonnet
a indiqué qu'à l'exception d'une éventuelle
suppression de l'automaticité de la sanction
d'inéligibilité et de démission d'office applicable
à la gestion de fait, la Cour des Comptes considérait que les
textes en vigueur formaient un ensemble acceptable. Il a cependant
relevé qu'un éventuel développement du rôle
préventif des chambres régionales des comptes pouvait être
envisagé en instituant une procédure d'avis préalable sur
les projets de conventions comportant une délégation de service
public, ainsi qu'en ce qui concerne les "montages" juridiques susceptibles de
déboucher sur une gestion de fait.
S'agissant de l'institution éventuelle d'une procédure de recours
à l'encontre des lettres d'observations définitives qui serait
exercée par les collectivités locales auprès de la Cour
des Comptes, il a considéré qu'il existait un problème
juridique dans la mesure où la lettre d'observations définitives
ne constituait pas une décision juridictionnelle et qu'en outre, une
telle procédure comportait, dans l'état actuel des moyens dont
dispose la Cour des Comptes, un risque d'encombrement de son prétoire.
Répondant aux questions de
M. Yann Gaillard, rapporteur par
intérim,
le chef de la mission d'inspection des chambres
régionales des comptes a tout d'abord indiqué que la mission
pouvait être saisie par le Premier Président de la Cour des
comptes, à la suite d'une lettre adressée par une
collectivité locale, afin de se prononcer sur le point de savoir si une
chambre régionale des comptes avait outrepassé ses
compétences. Sur ce point, il s'est dit favorable à la mise en
oeuvre d'une pratique prétorienne, plutôt qu'à une
définition législative plus précise du rôle de la
mission d'inspection des chambres régionales des comptes.
S'agissant des violations de la règle du secret professionnel au cours
d'un contrôle de gestion,
M. Jacques Bonnet
a souligné
l'existence d'un droit disciplinaire qui permettait de sanctionner les
magistrats qui seraient reconnus coupables de manquements à la
règle du secret professionnel. Il a cependant relevé que la
très grande majorité des "fuites" ne trouvaient pas leur origine
dans les chambres régionales des comptes. Sur ce point, il a
néanmoins jugé utile de réaffirmer le caractère
impératif de la règle du secret professionnel.
S'agissant de l'adjonction des réponses de la collectivité locale
à la lettre d'observations définitives, il a souligné
qu'il n'existait pas d'obstacles de principe à une telle adaptation.
Quant aux formes de la communication de ces lettres d'observations
définitives aux assemblées délibérantes,
M.
Jacques Bonnet
a rappelé que les textes prévoyaient une
"communication", qui pouvait être écrite, et ne prescrivaient, en
aucun cas, l'obligation d'une lecture devant l'assemblée
délibérante. S'agissant, enfin, de la distinction existant entre
le contrôle juridictionnel et le contrôle de gestion, il a
précisé que ces derniers relevaient de deux logiques totalement
distinctes.
Répondant ensuite aux questions de
M. Joël Bourdin,
le chef
de la mission d'inspection des chambres régionales des comptes a tout
d'abord reconnu la difficulté de définir
précisément la frontière entre le contrôle de
régularité et le contrôle d'opportunité. A cet
égard, il a rappelé qu'il n'appartenait pas aux juridictions
financières de se prononcer sur des décisions politiques, mais
qu'elles devaient cantonner leur action à l'analyse de la mise en oeuvre
financière de ces décisions. S'agissant d'éventuels cas de
"harcèlement" d'une collectivité locale par une chambre
régionale des comptes,
M. Jacques Bonnet
a demandé que si
de tels cas existaient, ils soient signalés à la Cour des
comptes, qui pourrait éventuellement engager une procédure de
sanction disciplinaire en cas de manquements graves aux règles
professionnelles. S'agissant, enfin, de l'articulation entre le contrôle
de légalité et le contrôle de gestion, il a indiqué
que le fait, pour une collectivité locale, d'avoir passé "la
barrière" du contrôle de légalité ne pouvait pas
préjuger de la régularité de la mise en oeuvre d'une
décision.
Mme Hélène GISSEROT
Procureur
général
près la Cour des comptes
M. Jean-Philippe VACHIA
Avocat général
près la
Cour des comptes
Jeudi 5 juin 1997
Mme
Hélène Gisserot
, rappelant que les chambres régionales
des comptes avaient pour mission d'exercer un contrôle externe des
gestions publiques, a fait observer qu'un tel contrôle existait dans tous
les Etats démocratiques en particulier en Europe. Elle a
néanmoins relevé que l'exercice de ce contrôle par des
organes juridictionnels tels que la Cour des comptes et les chambres
régionales des comptes constituait une solution originale.
Mme Hélène Gisserot
a ensuite fait valoir que les chambres
régionales des comptes opéraient un contrôle technique des
comptes et de la gestion des collectivités locales, qui devait
être bien distingué du contrôle politique exercé par
les assemblées délibérantes et par le suffrage universel.
Présentant les étapes successives du contrôle des comptes,
Mme Hélène Gisserot
a rappelé qu'entre 1807 et
1835, ce contrôle était exercé par les conseils de
préfectures, lesquels avaient des prérogatives limitées.
Elle a noté qu'entre 1835 et 1982 la Cour des comptes assumait
elle-même cette mission qui était néanmoins limitée
aux collectivités locales les plus importantes, les autres
collectivités étant soumises à l'apurement administratif
effectué par le trésorier payeur général. Elle a
néanmoins considéré que l'existence d'une tutelle
préfectorale contribuait à garantir la bonne gestion des finances
locales.
Mme Hélène Gisserot
a indiqué que pendant cette
période les rapports publics de la Cour des comptes comprenaient
fréquemment des chapitres relatifs aux collectivités locales, ces
chapitres présentant des observations intéressant un secteur de
la gestion locale ou encore la gestion des grandes villes.
Mme Hélène Gisserot
a alors fait observer que, depuis
1982, un contrôle financier externe a posteriori était
exercé par les chambres régionales des comptes, la Cour des
comptes limitant pour sa part son intervention à l'Etat et au secteur
public national. Elle a relevé que, de cette manière, les
juridictions financières disposaient d'une compétence
générale sur les entités publiques qu'elles soient
nationales ou locales.
S'attachant ensuite à démontrer la cohérence des
contrôles exercés depuis 1982,
Mme Hélène
Gisserot
a rappelé qu'à l'origine les chambres
régionales des comptes avaient pour mission de juger les comptes,
d'examiner le bon emploi des deniers publics et de contrôler les actes
budgétaires. Elle a rappelé qu'en 1988 un recentrage avait
été opéré afin d'assurer le secret des
interventions des chambres régionales, de faire porter leurs
vérifications sur l'emploi régulier des deniers publics et de
prévoir un simple apurement administratif pour les petites
collectivités.
Mme Hélène Gisserot
a ensuite indiqué que la
réforme intervenue en 1990 avait veillé à la
publicité des interventions des chambres régionales des comptes
et perfectionné les procédures contradictoires.
Enfin, elle a noté qu'en 1992, la saisine des chambres régionales
des comptes avait été élargie.
Puis, traçant un bilan de l'activité des chambres
régionales des comptes,
Mme Hélène Gisserot
a
précisé que celles-ci rendaient 15.000 à
17.000 jugements des comptes par an sur un total de 65.000
comptabilités intéressant des collectivités de toute
taille.
Elle a précisé que 250 jugements de débet engageant la
responsabilité du comptable étaient rendus et que 1.000
observations sur la gestion étaient formulées chaque
année, ce qui lui a paru raisonnable au regard des 15.000 entités
examinées.
Mme Hélène Gisserot
a en outre fait observer qu'un peu
moins de 100 déclarations définitives de gestion de fait
étaient prononcées chaque année.
S'intéressant ensuite aux saisines des chambres régionales des
comptes par le préfet ou par un créancier pour des actes
budgétaires,
Mme Hélène Gisserot
a indiqué
que 1.200 saisines de ce type pouvaient être recensées chaque
année, ce qui aboutissait, compte tenu des procédures en vigueur,
à 1.400 avis rendus par les chambres régionales des comptes.
Elle a par ailleurs relevé que le nombre des saisines sur demande
motivée, qui s'est élevé à 200 en 1996, avait
tendance à augmenter.
Puis
Mme Hélène Gisserot
a tenu à souligner le lien
qui existait entre le contrôle des comptes du comptable et l'examen de la
gestion. Décrivant la procédure suivie, elle a en effet fait
observer que c'était l'examen des comptes qui conduisait les chambres
régionales à s'interroger sur la régularité des
opérations, sur les prix payés par la collectivité locale
et enfin sur le respect des objectifs qui avaient été
fixés.
Soulignant que l'examen de la gestion constituait une activité non
juridictionnelle,
Mme Hélène Gisserot
a néanmoins
relevé qu'elle donnait lieu à la mise en oeuvre de garanties de
procédures et d'impartialité.
Après avoir rappelé que ce type d'activité avait
été développée dès la monarchie de juillet
par la Cour des comptes,
Mme Hélène Gisserot
a fait valoir
qu'elle conduisait les juridictions financières à procéder
à un audit désintéressé qui avait pour
finalité non pas de remettre en question ce qui avait été
fait mais d'apporter un éclairage pour l'avenir. Relevant que cette
mission portait de plus en plus sur des activités
périphériques des collectivités locales, elle a
souligné que les exécutifs locaux avaient tout
intérêt à un contrôle efficace de ces
activités.
En conséquence, elle a estimé que l'examen de la gestion pouvait
constituer un instrument de prévention notamment sur le plan
budgétaire évitant ainsi des saisines ultérieures des
chambres régionales portant sur des actes budgétaires.
Soulignant la différence de nature entre le contrôle de
légalité et celui de l'opportunité,
Mme
Hélène Gisserot
a fait observer que seules les
assemblées délibérantes et le suffrage universel pouvaient
décider des sanctions adéquates portant sur les objectifs
politiques.
Après avoir noté que, par définition, l'opportunité
concernait la définition des objectifs et des choix politiques,
Mme
Hélène Gisserot
a fait valoir que l'examen de la gestion
n'avait pas pour finalité de remettre en question ces objectifs et ces
choix. Elle a relevé qu'au contraire l'examen de la gestion consistait
à apprécier des actes administratifs, des décisions ou des
agissements ayant entraîné des dépenses et des recettes et
ayant ainsi un effet sur la situation financière de la
collectivité locale.
Mme Hélène Gisserot
a fait observer que, dans l'exercice
de leurs fonctions, les chambres régionales des comptes s'assuraient du
respect des lois et décrets, de celui des textes propres à la
collectivité concernée, une délégation notamment,
de la régularité financière et comptable, et qu'elles
appréciaient des critères économiques portant notamment
sur le coût des mesures mises en oeuvre ainsi que l'efficacité de
celles-ci par rapport à l'objectif poursuivi.
Tout en admettant que les lettres d'observation définitives pouvaient
être ressenties comme une sanction,
Mme Hélène
Gisserot
a souligné qu'elles étaient avant tout une aide
très utile pour les responsables locaux.
Elle a ainsi fait valoir que les observations pouvaient confoter les
élus locaux en leur permettant de résister à certaines
dérives ou à des rapports déséquilibrés avec
les partenaires de la collectivité locale.
Mme Hélène Gisserot
a également souligné que
certains rapports particuliers de la Cour des comptes portant sur la gestion de
la dette et de la trésorerie ou encore sur les délégations
de service public avaient eu des effets positifs en permettant aux
collectivités locales de mieux adapter leur gestion. Elle a en outre
rappelé que les rapports de la Cour des comptes avaient établi un
bilan équilibré de l'action des collectivités locales dans
des domaines tels que l'enseignement du second degré, l'aide sociale ou
encore la gestion des offices HLM.
Mme Hélène Gisserot
a par ailleurs estimé que, dans
ces rapports, la Cour des comptes avait pu donner d'utiles avertissements aux
collectivités locales sur certains risques financiers et sur des
irrégularités notamment pour ce qui est du recours aux
associations para-administratives (rapport public de 1995) ou à des
associations pour le versement de rémunérations accessoires
à des fonctionnaires (rapport public de 1993).
Mme Hélène Gisserot
a donc jugé que l'examen de la
gestion était à la fois normal et légitime mais qu'il
devait s'exercer dans le respect du droit et de la décentralisation.
S'interrogeant alors sur les moyens d'assurer une meilleure
sécurité juridique aux interventions des chambres
régionales des comptes,
Mme Hélène Gisserot
a
souligné le rôle du parquet pour veiller au respect des
procédures.
Elle a rappelé qu'un décret de 1995 avait précisé
et approfondi le caractère contradictoire de la procédure
relative aux lettres d'observations définitives. Après avoir
noté que ce caractère contradictoire était
désormais mieux assuré notamment par l'audition des responsables
de la collectivité concernée, elle a fait observer que le
ministère public veillait par ailleurs à harmoniser les positions
des chambres régionales des comptes.
Puis, examinant les difficultés rencontrées dans la pratique des
chambres régionales des comptes,
Mme Hélène
Gisserot
a tout d'abord relevé un problème de forme et de
présentation des lettres d'observations définitives. Elle a
jugé possible d'améliorer cette présentation afin
notamment de relativiser certaines observations au regard de l'ensemble de la
gestion publique. Elle a en outre considéré que les
réponses faites par la collectivité locale aux observations de la
chambre régionale devraient être clairement mentionnées
dans les lettres d'observations définitives.
Regrettant en outre une publicité intempestive qui pouvait être
faite à certaines observations,
Mme Hélène Gisserot
a estimé que cette pratique avait une origine extérieure aux
chambres régionales des comptes lesquelles devaient néanmoins
prendre les précautions nécessaires. Elle s'est en outre
interrogée sur l'idée d'adresser ces observations
définitives, non seulement aux ordonnateurs en fonction mais aussi
à leurs prédécesseurs.
Mme Hélène
Gisserot
a rappelé que, lorsque l'exécutif local communiquait
les observations définitives à l'assemblée
délibérante, il avait toujours la faculté d'assortir cette
communication de ses propres observations.
S'intéressant enfin aux conséquences juridiques des
déclarations de gestion de fait en matière
d'inéligibilité et de démission d'office,
Mme
Hélène Gisserot
a considéré, à titre
personnel, que les dispositions actuellement prévues par le code
électoral étaient trop sévères.
Après avoir rappelé que l'inéligibilité devait
être une peine complémentaire que le juge pénal pouvait
prononcer au regard de la gravité des faits,
Mme Hélène Gisserot
a fait valoir que le
caractère automatique de la sanction prévue par le code
électoral gênait le juge financier.
M. Yann Gaillard, rapporteur par intérim
, a fait observer que les
élus locaux étaient très sensibles à la
superposition du contrôle de légalité et du contrôle
financier ainsi qu'à l'absence de lien entre ces deux types de
contrôles. Il s'est en outre interrogé sur la possibilité
de définir une frontière plus nette entre l'exercice par les
chambres régionales des comptes du contrôle juridictionnel et du
contrôle de la gestion.
Il a ensuite souhaité savoir si le parquet jouait un rôle actif
dans les réflexions en cours qui tendaient à élaborer un
code de déontologie à l'intention des magistrats.
Enfin, il s'est demandé s'il serait possible de réviser dans un
délai proche les textes en vigueur concernant la sanction
d'inéligibilité qui résultait automatiquement d'une
déclaration de gestion de fait.
En réponse,
Mme Hélène Gisserot
a tout d'abord fait
valoir que le contrôle de légalité et le contrôle
financier n'étaient pas superposés. Elle a ainsi noté
qu'un marché public régulier en la forme pouvait néanmoins
appeler des observations du contrôle financier quant à ses mesures
d'application.
Elle a fait observer que le juge financier pouvait, le cas
échéant, relever une défaillance du contrôle de
légalité et en informer l'ordonnateur. Elle a en outre
souligné que le juge financier avait des compétences sur les
services de l'Etat, ce qui lui imposait de veiller à leur bon
fonctionnement.
Mme Hélène Gisserot
a, par ailleurs, estimé que le
juge financier ne portait pas d'appréciation subjective mais qu'il
constatait certaines situations.
S'agissant du rôle du parquet,
Mme Hélène Gisserot
a
fait observer que celui-ci participait très étroitement aux
réflexions actuelles et que les commissaires du Gouvernement
étaient très associés aux travaux des chambres
régionales des comptes.
Relevant néanmoins qu'ils étaient rarement associés
à la rédaction des observations définitives, elle a
estimé qu'il serait souhaitable que le ministère public puisse
participer à cette phase de la procédure, par exemple, en
relisant les lettres d'observations définitives.
Concernant enfin la gestion de fait,
Mme Hélène Gisserot
a
considéré que des solutions moins brutales que celles en vigueur
pourraient être envisagées, notamment une augmentation des
délais ou une suspension des fonctions d'ordonnateurs avant apurement de
la gestion de fait.
M. Jean-Philippe Vachia, avocat général près la Cour
des comptes
, a alors rappelé que les articles L 231 et L 236 du code
électoral aboutissaient à des situations complexes.
Il a fait observer que l'article L. 231 qui prévoyait
l'inéligibilité d'un comptable exerçant ses fonctions dans
le ressort dans les six mois précédant une élection
impliquait pour le juge financier soit de tenir compte de cette
conséquence juridique avant de déclarer l'intéressé
comptable de fait, soit de ne pas en tenir compte obligeant alors ce dernier
à régulariser sa situation dans des conditions difficiles.
M. Jean-Philippe Vachia
, rappelant que l'article L. 236 du code
électoral prévoyait la démission d'office par le
préfet d'un conseiller municipal se trouvant dans un cas
d'inéligibilité, a estimé que si cette disposition
soulevait moins de difficultés, le délai de six mois prévu
pour régulariser la situation de l'intéressé pouvait
néanmoins paraître très court.
M. Paul Girod
, s'inquiétant de la publication dans la presse de
lettres d'observations provisoires, a jugé nécessaire la
définition de règles déontologiques.
Il s'est par ailleurs demandé si la publication de tels documents dans
la presse ne pourrait pas entraîner le dépôt d'une plainte
conjointe par l'exécutif local et par le parquet.
Enfin,
M. Paul Girod
s'est interrogé sur une meilleure
distinction au sein de la lettre d'observations définitives entre le
jugement portant sur les comptes et les observations relatives à la
gestion. Il a considéré que pour ces dernières une
publication commune avec l'exécutif local comportant les réponses
de ce dernier pourrait être envisagée.
En réponse,
Mme Hélène Gisserot
a fait observer que
si cette divulgation trouvait son origine dans la chambre régionale des
comptes il s'agissait d'une violation du secret des investigations, donc du
secret professionnel. Elle a souligné que le président de la
chambre régionale des comptes pouvait alors prendre des mesures allant
jusqu'au dépôt d'une plainte. Elle a néanmoins
relevé que ces cas étaient rarissimes.
Mme Hélène Gisserot
a noté qu'une plainte pouvait
également être envisagée lorsque la divulgation provenait
de tiers. Elle a néanmoins fait observer que la situation était
plus complexe lorsque cette divulgation était le fait du destinataire de
la lettre d'observations provisoires.
Après avoir rappelé que dans le cadre d'un procès
pénal une partie pouvait utiliser une pièce du dossier utile
à sa position,
Mme Hélène Gisserot
a fait valoir
qu'il serait difficile d'être plus sévère pour le
destinataire d'une lettre d'observations provisoires.
S'agissant de la suggestion de diviser en deux la lettre d'observations
définitives,
Mme Hélène Gisserot
a indiqué
que ce document ne comportait en pratique que des observations et pas de
jugement des comptes. Elle a en outre fait observer que la publicité des
lettres d'observations définitives était une conséquence
inévitable de leur communication aux assemblées
délibérantes qui se réunissaient en présence du
public.
Puis,
M. Yann Gaillard, rapporteur par intérim
, ayant fait valoir
que les modalités d'exercice du contrôle budgétaire
sensibilisaient aussi les élus locaux,
Mme Hélène
Gisserot
a indiqué que les commissaires du gouvernement
intervenaient dans cette procédure. Elle a estimé que celle-ci
posait un problème relatif à la présentation des avis des
chambres régionales des comptes mais aussi un problème de fond
qui concernait les critères retenus pour l'appréciation
portée par la chambre régionale sur le budget de la
collectivité concernée.
Mme Hélène Gisserot
a néanmoins rappelé que
les chambres régionales des comptes ne jouaient à ce titre qu'un
rôle consultatif, la décision définitive relevant du
préfet.
M. Jean-Philippe Vachia
a précisé que le contrôle
budgétaire concernait en pratique quelques chambres régionales
des comptes. Il a indiqué qu'une réflexion était en cours
sur les voies et moyens d'une amélioration de la procédure pour
les collectivités locales connaissant une situation financière
très dégradée.
Il a estimé que l'intervention concomitante de la chambre
régionale des comptes et de l'assemblée délibérante
était une source de complications même si la décision
finale appartenait au préfet.
M. Jean-Paul Amoudry, président
, s'est alors demandé s'il
ne serait pas possible de prévoir un " délai de
neutralité " destiné à suspendre l'envoi de lettres
d'observations définitives afin d'éviter que les observations de
la chambre régionale des comptes ne soient exploitées dans le
cadre du débat précédant une élection.
M. Jean-Paul Amoudry, président
, a en outre souhaité
connaître le bilan des relations entre les juridictions
financières et les juridictions judiciaires et s'est interrogé
sur les pistes de modernisation de ces relations.
En réponse,
Mme Hélène Gisserot
a indiqué
qu'en pratique les chambres régionales des comptes avaient
décidé de suspendre l'envoi de lettres d'observations dans un
délai de trois mois précédant les dernières
élections municipales.
Elle s'est en outre déclarée très favorable à la
disposition prévue par le projet de loi portant diverses dispositions
d'ordre économique et financier dont l'objet était de
prévoir explicitement la faculté pour le procureur de la
République de communiquer aux juridictions financières les
pièces révélant des irrégularités comptables
dont ils ont eu connaissance au cours de procédures judiciaires. Elle a
considéré qu'une telle disposition était de nature
à donner une plus grande sécurité aux relations entre les
deux ordres de juridictions.
M. Jacques BLANC
Président de la
région Languedoc-Roussillon
en sa qualité
de
Vice-président de
l'Association des présidents de
conseils régionaux
Mardi 10 juin 1997
A titre
liminaire,
M. Jacques Blanc
a indiqué qu'il était
favorable au principe du contrôle financier conçu comme la
contrepartie de la décentralisation, mais qu'il percevait une certaine
anxiété des élus locaux par rapport à certaines
modalités d'exercice de ce contrôle. Il a souligné que
cette situation résultait de la complexité croissante du contexte
dans lequel s'inscrivait l'action publique locale, alors même que se
renforçait la médiatisation des observations formulées par
les chambres régionales des comptes sur la gestion des
collectivités locales.
M. Jacques Blanc
a estimé, en conséquence, qu'il
était nécessaire de conduire, dans un esprit constructif, une
réflexion sur les réformes à apporter aux modalités
d'exercice du contrôle de gestion. Il a, tout d'abord,
suggéré d'accorder aux exécutifs territoriaux la
faculté de saisir les chambres régionales des comptes dans le
cadre d'une procédure consultative. Relevant l'importance des
incertitudes pesant sur les responsables locaux lors de la prise de
décisions de gestion, il a indiqué que cette saisine pour avis
des chambres régionales des comptes favoriserait le respect de la
"légalité financière". A cet égard,
M. Jacques
Blanc
a rappelé qu'il avait déposé à
l'Assemblée nationale une proposition de loi. Il a précisé
que l'ouverture de cette faculté nouvelle permettrait d'offrir une
"couverture morale" aux décisions de gestion prises par les
assemblées locales. Il a ensuite indiqué que ce rôle
nouveau des chambres régionales des comptes ne constituerait pas une
concurrence pour les services territoriaux.
M. Jacques Blanc
a
enfin relevé qu'à l'occasion du dixième anniversaire de la
création des chambres régionales des comptes en 1992, M. Pierre
Arpaillange, à l'époque premier président de la Cour des
comptes, avait plaidé pour un développement du rôle
préventif des juridictions financières
.
M. Jacques Blanc
a ensuite insisté sur la nécessité
d'adapter les règles de procédure applicables au contrôle
de gestion. Il a tout d'abord rappelé que la médiatisation de la
société aboutissait bien souvent à la diffusion de
données brutes, parfois non vérifiées, dont l'impact sur
l'opinion publique pouvait conduire à discréditer l'action des
élus locaux. Pour remédier à cette situation,
M. Jacques Blanc
a recommandé, d'une part, d'adopter
certaines modifications de la présentation des observations
formulées par les chambres régionales des comptes et, d'autre
part, de redéfinir les conditions de leur diffusion. A cet égard,
M. Jacques Blanc
a noté que l'exercice du contrôle
budgétaire et celui du contrôle de gestion pouvait conduire les
juridictions financières à relever des
irrégularités susceptibles de faire l'objet de poursuites devant
les juridictions judiciaires. Sur ce point, il a recommandé
d'opérer une distinction entre les faits relevant de la gestion
collective et ceux qui relèvent de la gestion individuelle. Il a ensuite
évoqué la nécessité de joindre aux lettres
d'observations définitives les réponses apportées à
ces observations par les exécutifs locaux, notant qu'ainsi les principes
de la procédure contradictoire et des droits de la défense
seraient garantis jusqu'au terme du contrôle de gestion.
M. Jacques Blanc
a, par ailleurs, insisté sur
l'intérêt d'inscrire dans le droit positif le principe d'une
suspension de l'envoi de lettres d'observations définitives dans la
période précédant une consultation électorale.
M. Jacques Blanc
a ensuite évoqué la
nécessité de définir de nouvelles règles de
procédure destinées à répondre à
l'évolution du contrôle de gestion. Il a indiqué qu'il
s'agissait notamment de prévoir l'envoi à l'exécutif local
d'une "lettre de présomption d'infraction", qui résulterait d'une
décision collégiale de la chambre, dans le cas où le
conseiller instructeur envisagerait de saisir la juridiction judiciaire. Il a
précisé que cette procédure aurait l'avantage de permettre
au responsable concerné d'accéder au dossier.
M. Jacques Blanc
a ensuite évoqué la difficulté de
définir une frontière précise entre le contrôle
d'opportunité et le contrôle de régularité dans
l'exercice du contrôle de gestion. Puis il a insisté sur la
nécessité de revoir l'articulation entre le contrôle de
légalité exercé par le représentant de l'Etat et le
contrôle de gestion mis en oeuvre par les chambres régionales des
comptes afin de renforcer la sécurité juridique du
décideur local. Il a ensuite relevé la nécessité de
concevoir un "droit à l'erreur" et d'éviter toute confusion entre
une erreur, commise de bonne foi, et une malversation
caractérisée.
M. Jacques Blanc
a estimé qu'il entrait parfaitement dans la
vocation du Sénat de recréer "une dynamique de confiance" entre
les contrôleurs et les contrôlés. Admettant que la
complexité de la gestion locale rendait le contrôle de gestion
nécessaire, il a cependant rappelé que le respect de la
démocratie devait exclure tout "dérapage" dans la mise en oeuvre
de ce contrôle.
M. Yann Gaillard, rapporteur par intérim,
est alors intervenu
pour relever une grande concordance entre les principales propositions
formulées par le vice-président de l'association des
présidents de conseils régionaux et les axes principaux de la
réflexion conduite par le groupe de travail. S'agissant du
développement du rôle consultatif des chambres régionales
des comptes, il a insisté sur la difficulté de distinguer
clairement entre les différentes missions dévolues aux chambres
régionales des comptes. Il s'est félicité de la
volonté exprimée par l'association des présidents de
conseils régionaux de prévoir l'adjonction des réponses
des gestionnaires locaux aux lettres d'observations définitives.
S'agissant de l'institution d'un "délai de neutralité"
destiné à suspendre l'envoi de lettres d'observations
définitives au cours de la période précédant une
consultation électorale,
M. Yann Gaillard
a souhaité que
ce délai soit fixé à six mois. Par ailleurs, il s'est dit
réservé au sujet de l'institution d'une lettre de
présomption d'infraction, dans la mesure où celle-ci était
de nature à instaurer un juge d'instruction au sein des chambres
régionales des comptes et, surtout, en raison de l'assimilation qui
pourrait être faite entre l'envoi d'une telle lettre et une mise en
examen. S'agissant enfin de l'articulation entre le contrôle de
légalité et le contrôle de gestion,
M. Yann
Gaillard
a rappelé que les auditions de M. Jacques Bonnet, chef de
la mission d'inspection des chambres régionales des comptes, et de
Mme Hélène Gisserot avaient insisté sur l'importance
des spécificités respectives de ces deux formes de contrôle.
En réponse,
M. Jacques Blanc
a tout d'abord noté que
l'institution d'une procédure consultative aurait pour avantage de mieux
faire mesurer par les magistrats des chambres régionales des comptes les
difficultés auxquelles sont confrontés les élus locaux
dans leurs décisions de gestion. Sur ce point, il a enfin
considéré que les inconvénients d'une telle
procédure étaient mineurs au regard du climat de
coopération susceptible d'en découler. Il a cependant admis qu'il
ne s'agissait pas de transformer ces juridictions en des organismes
consultatifs comparables aux consultants professionnels. S'agissant de la
durée du délai de neutralité,
M. Jacques Blanc
a
exprimé sa préférence pour une durée au moins
égale à six mois afin de limiter l'exploitation partisane des
conclusions d'un contrôle de gestion. Abordant ensuite l'institution
éventuelle de lettres de présomption d'infraction, il a
insisté sur le fait qu'une telle procédure resterait strictement
confidentielle.
M. Robert Pagès
s'est inquiété des
conséquences de l'ouverture d'une procédure de saisine pour avis
des chambres régionales des comptes, au profit des collectivités
locales, dans la mesure où cette procédure consultative pouvait
conduire à une forme de rétablissement du contrôle a priori
sur les actes des collectivités locales.
M. Joël Bourdin
a pour sa part souhaité qu'une enquête
soit conduite dans le but de relever l'existence des "cas limites" où
l'exercice du contrôle de gestion avait pu déboucher sur une
appréciation de l'opportunité des décisions.
M. Paul Girod
a indiqué son souhait de voir instituée une
procédure automatique de plainte conjointe du président de la
chambre régionale des comptes et de l'exécutif territorial
concernés en cas de diffusion d'observations provisoires. Puis il a
dénoncé une dérive incontestable du contrôle de
gestion vers le contrôle de l'opportunité.
En réponse
, M. Jacques Blanc
a souligné que les
problèmes posés par le contrôle de gestion en
matière de confidentialité rejoignaient le problème plus
général du secret de l'instruction.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a, pour sa part, relevé que les
propositions avancées par le vice-président de l'association des
présidents de conseils régionaux traduisaient une assimilation
tendancielle entre le contrôle de gestion et la procédure
pénale. Il a ensuite contesté la personnalisation de
décisions pourtant prises collectivement par les collectivités
locales. Par ailleurs, il s'est dit opposé
à la
reconnaissance d'un rôle consultatif des chambres régionales des
comptes dans la mesure où celui-ci était de nature à "lier
les mains" des magistrats dans l'exercice du contrôle de gestion. Il a
insisté en rappelant que l'esprit des lois de décentralisation
était de confier aux élus locaux la responsabilité de
leurs décisions de gestion. S'agissant de l'éventuelle
institution d'un délai de neutralité pré-électorale
pour l'envoi des lettres d'observations définitives, il a rappelé
que les magistrats s'astreignaient déjà spontanément
à cette règle. Enfin, il s'est dit favorable au renforcement des
aspects contradictoires de la procédure suivie en matière de
contrôle de gestion.
M. Marc Massion
a, pour sa part, considéré que
l'institution d'un délai de neutralité
préélectorale pourrait susciter un sentiment de suspicion au sein
de l'opinion publique, qui s'avérerait plus gênant pour les
gestionnaires locaux que la publication d'observations sur leur gestion.
En réponse,
M. Jacques Blanc
a précisé que
l'inscription de cette règle dans le droit positif permettrait
d'affranchir les magistrats des juridictions financières de toute
accusation de subjectivité dans l'exercice de cette "abstention".
En conclusion,
M. Jacques Blanc
a rappelé sa volonté de
favoriser le fonctionnement régulier de la démocratie locale,
tout en veillant au bon exercice de la mission confiée aux chambres
régionales des comptes.
M. Jean-Pierre GASTINEL
Président de la
Chambre régionale des comptes de
Nord-Pas-de Calais
Mardi 10 juin 1997
M.
Jean-Pierre Gastinel
a indiqué que les chambres régionales
des comptes, qui avaient certaines caractéristiques traditionnelles des
juridictions financières, s'inscrivaient néanmoins dans une
logique nouvelle. Il a, en outre, souligné qu'elles connaissaient depuis
leur création une évolution permanente.
Décrivant les caractéristiques traditionnelles des chambres
régionales des comptes,
M. Jean-Pierre Gastinel
a fait observer
qu'elles fonctionnaient sur le modèle de la Cour des comptes et
qu'à l'instar de celle-ci, leurs missions portaient à la fois sur
le contrôle des comptes et sur le contrôle de la gestion.
Puis, présentant les caractéristiques originales des chambres
régionales des comptes,
M. Jean-Pierre Gastinel
a relevé
qu'il s'agissait de juridictions nouvelles exerçant des
compétences inédites telles que le contrôle
budgétaire. Il a souligné qu'elles évoluaient, en outre,
dans un contexte nouveau, les élus locaux n'étant pas
habitués à ce type de contrôle et les pouvoirs
donnés aux collectivités locales par la décentralisation
ayant créé une situation radicalement différente du
système antérieur.
M. Jean-Pierre Gastinel
, soulignant que les chambres régionales
des comptes connaissaient des évolutions constantes, a fait valoir que
leur domaine de compétences s'était étendu, notamment aux
établissements publics locaux (collèges et lycées) et aux
établissements publics nationaux ayant une assise locale
(universités). Il a noté que les chambres régionales des
comptes pouvaient désormais donner des avis à la demande du
préfet et exercer des contrôles à la demande des
élus locaux eux-mêmes.
M. Jean-Pierre Gastinel
a, par ailleurs, constaté que les
procédures applicables avaient évolué. Il a notamment
rappelé que le législateur avait prévu un entretien
préalable avec les responsables locaux avant l'établissement des
observations sur la gestion et que la communication de ces observations devant
le conseil municipal était désormais obligatoire.
M. Jean-Pierre Gastinel
, considérant que ces évolutions
avaient pu soulever certaines difficultés, a fait, en premier lieu,
valoir que l'exercice d'un contrôle dans une période
précédant une élection était toujours
délicat. Rappelant en outre que les élus locaux devaient
s'adapter à des procédures entièrement nouvelles pour eux,
il a estimé que les règles actuelles étaient
insuffisamment claires pour les justiciables.
M. Jean-Pierre Gastinel
a fait observer que les liens étroits qui
existaient entre la Cour des comptes et les Chambre régionales des
comptes avaient une grande importance pour le bon fonctionnement des
juridictions financières. Il a ainsi fait valoir le rôle du
parquet de la Cour des comptes qui exerçait les fonctions du
ministère public auprès des chambres régionales des
comptes ainsi que celui du Premier président de la Cour des comptes. Il
a en outre noté que la mission d'inspection des Chambre régionale
des comptes jouait un rôle de médiation qui devrait, selon lui,
être renforcé.
Puis,
M. Jean-Pierre Gastinel
a considéré que le
contrôle des actes budgétaires ne soulevait pas de
difficultés particulières, notamment pour les avis rendus par les
chambres régionales des comptes qui se multipliaient à la demande
des élus locaux eux-mêmes.
Il a relevé que le contrôle juridictionnel des comptables se
déroulait également de manière satisfaisante sauf pour ce
qui est de la gestion de fait, la sanction automatique de celle-ci par
l'inéligibilité politique créant de réelles
difficultés.
M. Jean-Pierre Gastinel
a fait observer que le contrôle de gestion
soulevait les difficultés les plus importantes. Il a relevé que
le contenu de ce contrôle était mis en cause
spécifiquement en ce qui concerne les collectivités locales alors
qu'il ne semblait pas appeler d'observations particulières pour ce qui
est des établissements publics tels que les hôpitaux ou les
collèges et lycées.
Il a fait valoir que l'analyse de la situation financière et des risques
encourus par les collectivités locales était effectuée
dans des conditions satisfaisantes. En revanche, il a noté que l'examen
de la régularité des actes soulèvait le problème du
lien entre le contrôle financier et le contrôle de
légalité, les trois quarts des actes examinés par les
Chambres régionales des comptes n'ayant pas au préalable
appelé d'observations de la part du contrôle de
légalité.
S'interrogeant sur le contrôle de l'efficacité des actions locales
qui était effectué par les Chambres régionales des
comptes,
M. Jean-Pierre Gastinel
a souligné que ce contrôle
n'avait pas pour objet de dénoncer une irrégularité en
tant que telle mais au contraire d'éviter qu'une telle
irrégularité ne se reproduise.
Abordant, enfin, les différentes pistes d'évolutions
envisageables,
M. Jean-Pierre Gastinel
a jugé qu'il
était nécessaire d'harmoniser les méthodes et les
procédures des juridictions financières.
Il a relevé, en premier lieu, que beaucoup de magistrats recrutés
à la suite de procédures exceptionnelles exerçaient
auparavant des fonctions tout à fait différentes. Il a
estimé en conséquence qu'un délai d'adaptation est
inévitable pour que ces magistrats prennent en compte toutes les
spécificités de leurs fonctions.
M. Jean-Pierre Gastinel
a également plaidé pour une
harmonisation des méthodes grâce à l'intervention d'organes
de réflexion internes à la Cour des comptes. Il a relevé
que le développement des enquêtes communes à plusieurs
chambres régionales des comptes permettait de favoriser l'harmonisation
des pratiques et d'éviter des distorsions choquantes dans la
manière dont les procédures étaient poursuivies. Il a
estimé que les lettres d'observations définitives devraient
être harmonisées et que les élus devraient être
sensibilisés aux possibilités qui leur étaient ouvertes de
dialoguer avec les juridictions financières.
M. Yann Gaillard, rapporteur,
soulignant qu'un malentendu existait entre
les élus locaux et les magistrats financiers, s'est
inquiété des distorsions existantes entre le contrôle de
légalité et le contrôle financier.
Il a en outre souhaité que les observations définitives rendues
par les Chambres régionales des comptes fassent l'objet d'un examen
détaillé afin de déterminer celles d'entre-elles qui
entraient dans le champ du contrôle de pure opportunité.
Puis, il s'est demandé s'il ne serait pas souhaitable de renforcer le
rôle préventif des Chambres régionales des comptes en
permettant leur saisine pour avis par les élus locaux eux-mêmes.
Il a souhaité savoir s'il serait envisageable d'améliorer la
procédure du contrôle de gestion, notamment en prévoyant
des lettres de présomption d'infraction.
Enfin, le rapporteur a demandé des précisions sur une
réforme éventuelle de la formation et du statut des magistrats.
En réponse,
M. Jean-Pierre Gastinel
a indiqué que les
magistrats étaient partagés sur le développement du
rôle préventif des Chambres régionales des comptes,
certains d'entre eux craignant le risque d'un encombrement des juridictions,
ainsi que la multiplication de demandes d'avis insuffisamment
précisées.
A titre personnel,
M. Jean-Pierre Gastinel
a considéré
qu'il serait plus clair que les Chambres régionales des comptes
puissent être saisies pour consultation directement par les élus
locaux et non plus par l'intermédiaire des préfets. Il a
néanmoins souligné qu'un certain nombre de précautions
devraient être prises en particulier sur les conditions de la saisine,
l'établissement d'un délai de réponse suffisant et la
forme de l'avis. Il a fait observer que, réservé à
l'origine sur une telle procédure, sa position avait
évolué compte tenu du contexte actuel de la gestion locale.
S'agissant de la procédure du contrôle de gestion,
M.
Jean-Pierre Gastinel
a fait valoir que judiciariser de manière
excessive cette procédure ne serait dans l'intérêt ni des
Chambres régionales des comptes, ni des élus locaux
eux-mêmes. Il a noté que les faits pouvant recevoir une
qualification pénale restés marginaux et qu'en outre les Chambres
régionales des comptes n'avaient pas pour vocation d'être les
auxiliaires du ministère public.
Concernantt enfin du statut des magistrats,
M. Jean-Pierre Gastinel
a
estimé que leur hétérogénéité
actuelle se résoudrait d'elle-même mais qu'en revanche des actions
de formation étaient nécessaires.
M. Paul Girod
s'inquiétant de la parution dans la presse de
lettres d'observations, s'est demandé s'il ne serait pas opportun de
permettre le dépôt d'une plainte conjointe à la Chambre
régionale des comptes et à la collectivité
concernées.
S'interrogeant, en outre, sur les moyens de remédier aux contrôles
d'opportunité, il s'est demandé s'il ne serait pas possible de
mieux distinguer le jugement des comptes des observation sur la gestion.
Enfin,
M. Paul Girod
a rappelé que l'esprit du contrôle de
gestion, tel qu'il avait été conçu par le
législateur, devait être d'examiner la structure interne et
l'efficacité des collectivités locales.
En réponse,
M. Jean-Pierre Gastinel
a fait valoir qu'il
était très difficile d'apporter la preuve de la divulgation de
documents internes aux juridictions financières. Il a relevé que
ce problème devait être rattaché à celui plus
général du secret de l'instruction. Il a exprimé des
réserves à l'égard de dispositions législatives
nouvelles qui seraient difficilement applicables.
Considérant que le contrôle de la gestion devait avoir pour
finalité de mener une étude impartiale et rigoureuse,
M.
Jean-Pierre Gastinel
a souligné que les risques pris par certaines
collectivités locales n'étaient critiquables que s'ils n'avaient
pas été évalués au préalable et s'ils
étaient en outre disproportionnés par rapport aux
capacités financières de la collectivité concernée.
Il a enfin jugé nécessaire que les Chambres régionales des
comptes prennent en compte les réponses des collectivités
locales avant l'établissement de leurs observations définitives.
M. Joël Bourdin
, soulignant que les ordonnateurs
considéraient légitimement comme établie la
régularité de leurs actes qui n'avaient pas appelé
d'observations du contrôle de légalité, s'est
inquiété de la remise en cause de cette régularité
par les Chambres régionales des comptes.
Il a jugé par ailleurs que les lettres d'observations définitives
n'étaient pas suffisamment équilibrées, s'exposant par
là-même à leur exploitation politique.
Faisant enfin valoir que certains équilibres budgétaire, bien que
non sincères, n'appelaient pas d'observations des Chambres
régionales des comptes
, M. Joël Bourdin
s'est demandé
si le champ du contrôle budgétaire n'était pas
limité à certains aspects.
M. Philippe de Bourgoing
a souhaité avoir des précisions
sur les modalités actuelles de saisine pour avis des Chambres
régionales des comptes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a souhaité connaître la position
collective des présidents de Chambres régionales des comptes sur
les différents sujets abordés.
S'interrogeant par ailleurs sur la différence entre le contrôle de
légalité et le contrôle d'opportunité,
M. Michel
Dreyfus-Schmidt
a fait valoir que certains sujets relevaient du
contrôle direct des électeurs et non pas de celui des Chambres
régionales des comptes .
En réponse,
M. Jean-Pierre Gastinel
, après avoir fait
observer que le contrôle de légalité était dans
certains cas déficient, a estimé que les chambres
régionales des comptes devaient relever certaines
irrégularités et en informer le cas échéant le
préfet. Il a souligné que les juridictions financières
pouvaient de cette manière également mettre évidence
certaines insuffisances de la réglementation en vigueur.
S'agissant de la rédaction des lettres d'observations
définitives,
M. Jean-Pierre Gastinel,
tout en reconnaissant
que ces lettres ne mentionnaient pas les aspects positifs de la gestion locale,
a fait observer que si tel était le cas, une unification des pratiques
des différentes juridictions seraient nécessaires. Il a
estimé qu'il serait difficile de s'engager dans cette voie.
Puis,
M. Jean-Pierre Gastinel
a souligné que le contrôle
budgétaire était complexe à la fois pour les élus
locaux et pour les représentants de l'Etat.
Après s'être interrogé sur l'idée de mieux impliquer
les receveurs et les trésoriers payeurs généraux dans la
mise en oeuvre des contrôles,
M. Jean-Pierre Gastinel
a fait
valoir que la situation financière des collectivités locales
étaient examinées avec attention par les Chambres
régionales des comptes.
Précisant ensuite les conditions actuelles de saisine pour avis des
chambres régionales des comptes,
M. Jean-Pierre Gastinel
a
indiqué que les préfets, comme les élus locaux, pouvaient
demander le contrôle des collectivités locales ainsi que des
sociétés d'économie mixte.
Il a relevé qu'en revanche les conventions relatives aux marchés
ou à des délégations de service public et les actes
pouvant affecter la gestion des collectivités locales ne pouvaient
être déférés aux chambres régionales des
comptes que par les seuls préfets. Il a souligné, qu'à
titre personnel, il était favorable à l'idée
d'étendre cette saisine aux élus locaux.
M. Jean-Pierre Gastinel
a rappelé, par ailleurs, que les
présidents et les magistrats des Chambres régionales des comptes
n'avaient pas de position unanime sur le problème du rôle
consultatif de ces juridictions. Il a indiqué à nouveau que
certains d'entre eux craignaient un encombrement des juridictions
financières qui aboutisse à leur paralysie.
Concernant, enfin, les appréciations d'opportunité qui pouvaient
être portées dans le cadre du contrôle de gestion,
M.
Jean-Pierre Gastinel
a estimé que les Chambres régionales des
comptes pouvaient contribuer à une clarification de la gestion locale en
favorisant un dialogue constructif avec les élus locaux.
M. Jean
PUECH
Sénateur,
Président de l'Association des
présidents de conseils généraux (APCG)
Mardi 17
juin 1998
A titre
liminaire,
M. Jean Puech
s'est félicité de l'initiative
prise par la commission des finances et la commission des lois du Sénat
de dresser, après quinze années de pratique, un bilan de
l'exercice du contrôle financier par les chambres régionales des
comptes.
Dans cette perspective, il a tout d'abord relevé le caractère
"non dissociable" du contrôle financier et du contrôle de
légalité, tout en déplorant l'importance des
"décalages" qui existent entre ces deux formes de contrôle.
Sur ce point,
M. Jean Puech
a souligné que le contrôle de
légalité ne pouvait pas être considéré comme
une garantie et que cette situation engendrait une insécurité
juridique pour les collectivités locales. A cet égard, il a
considéré que les observations des chambres régionales des
comptes devraient s'adresser non seulement aux collectivités locales,
mais aussi en tant que de besoin aux services de l'Etat concernés.
M. Jean Puech
a ensuite relevé la complexité du cadre
juridique au sein duquel agissent les collectivités locales et
noté que, dans le cadre du contrôle de gestion, les mêmes
situations pouvaient faire l'objet d'interprétations très
différentes d'une chambre régionale des comptes à l'autre.
Il a, en conséquence, souhaité que les collectivités
locales puissent bénéficier d'une voie d'appel à
l'encontre des observations formulées sur leur gestion, par exemple
devant le Conseil d'Etat.
Par ailleurs, le président de l'association des présidents de
conseils généraux a souhaité que les chambres
régionales des comptes "hiérarchisent davantage" les observations
qu'elles formulaient sur la gestion des collectivités locales en prenant
notamment soin de resituer leurs éventuelles critiques par rapport
à la gestion de l'ensemble de la collectivité.
M. Jean Puech
a ensuite déploré l'existence de nombreux
cas où la confidentialité qui doit caractériser la
procédure des lettres d'observations provisoires n'avait pas
été respectée. Il a précisé que, si les cas
de "fuites" devaient se multiplier, il conviendrait de prévoir le
dépôt de plaintes à l'encontre des responsables de ces
fuites.
En outre,
M. Jean Puech
a souligné la
nécessité d'effectuer un "examen complet et exhaustif" des
observations formulées par les chambres régionales des comptes
afin de vérifier si ces juridictions n'outrepassent pas, dans certains
cas, leurs compétences en exerçant un contrôle
d'opportunité des décisions prises par les collectivités
locales.
En réponse aux questions de
M. Jean-Paul Amoudry,
président, M. Jean Puech
a, tout d'abord, indiqué que
les résultats de l'étude conduite par l'association des
présidents de conseils généraux sur le contenu des lettres
d'observations définitives seraient communiqués au groupe de
travail dès qu'ils seraient disponibles.
S'agissant du renforcement de la sécurité juridique des
collectivités locales, le président de l'association des
présidents de conseils généraux a suggéré
que soit créé un corps d'inspection générale
spécifique aux collectivités locales, ayant pour vocation
d'analyser et d'évaluer les politiques mises en oeuvre par les
collectivités locales.
Répondant à une question de
M. Philippe de Bourgoing,
le président de l'association des présidents de conseils
généraux a estimé que si une procédure d'appel des
observations définitives des chambres régionales des comptes
était définie, il serait souhaitable que celle-ci puisse
s'exercer auprès d'une instance extérieure aux juridictions
financières.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a, pour sa part, considéré
que la mise en place d'un éventuel corps d'inspection
générale des collectivités locales nécessiterait
une étude approfondie de ses statuts et de son rôle. Par ailleurs,
il a indiqué que le contrôle financier local pourrait
également être amélioré par un renforcement des
pouvoirs des groupes minoritaires au sein des assemblées locales.
M. Jean Puech
a répondu qu'à la différence de
la situation qui prévalait avant la décentralisation, la
commission permanente du conseil général était
composée à la proportionnelle des groupes, donnant ainsi à
la minorité de réels pouvoirs en matière d'information sur
la gestion de la collectivité.
M. Marc Massion
a fait valoir qu'à sa connaissance, la
commission permanente du conseil général ne faisait
qu'entériner les décisions de l'exécutif territorial. En
outre, il s'est interrogé sur la nature de la tutelle qui s'exercerait
sur un éventuel corps d'inspection générale des
collectivités locales.
En réponse à l'intervenant,
M. Jean Puech
a
précisé qu'un tel corps, dont la mission serait essentiellement
d'apporter une assistance technique et de conseil permanent aux responsables
locaux, ne pourrait dépendre que des collectivités locales et non
de l'Etat. Il a précisé que ce corps prendrait le relais du
rôle joué actuellement par les grandes associations d'élus
en faveur de leurs membres.
En réponse à une question de
M. Jean-Paul Amoudry,
président,
le président de l'association des
présidents de conseils généraux s'est enfin dit
défavorable à ce que les lettres d'observations
définitives soient communiquées à l'assemblée
délibérante sous la seule forme écrite, dans la mesure
où cette procédure ne pourrait empêcher le
nécessaire débat que suscite, en général,
l'aboutissement d'un contrôle de gestion.
M. Marc CENSI
Président de l'assemblée des districts et
communautés de France
Mardi 17 juin 1997
A titre
liminaire,
M. Marc Censi
a indiqué que l'on dénombrait
quelque 1.500 établissements publics de coopération
intercommunale à fiscalité propre. Il a souligné que si le
développement de l'intercommunalité à fiscalité
propre avait connu une grande ampleur dans la période récente,
toutefois les premiers districts étaient apparus dès le
début des années soixante.
Puis
M. Marc Censi
a exprimé sa satisfaction sur l'état
des relations de ces groupements avec les chambres régionales des
comptes. Il a en effet relevé que, pour l'essentiel, les juridictions
financières jouaient à l'égard des groupements de communes
un rôle de conseil. Il a précisé que si les chambres
régionales des comptes n'effectuaient pas des consultations juridiques a
priori, néanmoins, sur le fondement de leurs observations, des
régularisations étaient possibles en étroite concertation
avec elles. Il a également souligné que ces
régularisations faisaient, dans certains cas, l'objet d'un courrier de
la chambre régionale des comptes qui donnait quitus à la
collectivité locale.
Faisant observer que, par nature, les observations des chambres
régionales des comptes mettaient l'accent sur les dysfonctionnements des
collectivités locales,
M. Marc Censi
a plaidé pour
que, dans un souci d'équilibre, ces observations prennent
également en compte les aspects positifs de la gestion locale.
M. Marc Censi
a en outre jugé souhaitable de donner aux
exécutifs locaux la possibilité de saisir les chambres
régionales des comptes sur des sujets donnant lieu à des
controverses.
Abordant ensuite la question de la diffusion des informations issues des
chambres régionales des comptes,
M. Marc Censi
a fait observer
que la confidentialité des lettres d'observations provisoires
était insuffisante, ces lettres faisant trop fréquemment l'objet
d'une parution dans la presse. Il a exprimé le voeu que toutes les
précautions soient prises pour assurer cette confidentialité.
S'agissant des lettres d'observations définitives,
M. Marc Censi
a plaidé pour qu'une attention particulière soit portée au
choix des termes retenus.
Puis, relevant les critiques émises à l'encontre de
contrôles de pure opportunité,
M. Marc Censi
a
proposé que les lettres d'observations des chambres régionales
des comptes fassent systématiquement référence à
des textes précis et ne se fondent pas sur des appréciations
purement subjectives.
Il a ainsi fait valoir qu'en particulier pour les établissements publics
de coopération intercommunale, l'utilisation des ratios n'avait pas de
signification si ces ratios n'étaient pas appréciés en
fonction du contexte de la gestion locale.
Après avoir fait observer que les établissements publics de
coopération intercommunale bénéficiaient d'une relative
liberté d'appréciation dans l'application des textes, notamment
en raison de l'existence de nombreux vides juridiques et de la nature
même des textes applicables,
M. Marc Censi
a fait valoir que la
souplesse de la gestion était une condition nécessaire au
succès même de l'intercommunalité. Il a, en
conséquence, regretté que les chambres régionales des
comptes privilégient la régularité formelle et admettent
difficilement cette liberté d'interprétation.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a souhaité savoir si des
garanties supplémentaires devaient être prévues dans la
procédure contradictoire applicable au contrôle de gestion. Il
s'est en outre demandé si des procédures de consultation des
chambres régionales des comptes devraient être envisagées
et dans quels domaines.
En réponse,
M. Marc Censi
a de nouveau estimé que les
chambres régionales des comptes accomplissaient leur mission dans des
conditions satisfaisantes. Tout en jugeant naturel que les collectivités
locales réagissent aux observations présentées par ces
juridictions, il a néanmoins estimé qu'en dépit de
certains excès, un équilibre s'était établi.
S'agissant de la suggestion de permettre une consultation a priori des chambres
régionales des comptes,
M. Marc Censi
a fait valoir qu'il
paraissait difficile d'appliquer une telle procédure à une
juridiction dont ce n'était pas la vocation. En revanche, il a
considéré qu'une concertation avec les chambres régionales
des comptes paraissait souhaitable dès lors qu'il s'agissait de
régulariser une situation relevée par la juridiction
elle-même.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a souligné qu'une telle
procédure risquait de susciter une contradiction entre l'avis qui serait
donné a priori et la décision que la formation de jugement serait
ensuite appelée à rendre.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a fait observer qu'en
matière d'urbanisme également, face à la complexité
du droit applicable, les élus locaux souhaitaient fréquemment
pouvoir interroger a priori les juridictions.
Puis, relevant le risque que les chambres régionales des comptes en
privilégiant la régularité formelle ne contribuent
à freiner le processus de développement de
l'intercommunalité, il a souhaité savoir si ce risque
était étayé par des éléments concrets
notamment en ce qui concerne l'exercice de compétences optionnelles par
les groupements de communes.
M. Henri Collard
s'est demandé si une différence
était observée à cet égard entre la situation des
établissements publics de coopération intercommunale à
fiscalité propre et ceux dotés de ressources contributives.
En réponse,
M. Marc Censi
a indiqué que, s'agissant de
l'intercommunalité de type syndical, le risque évoqué
n'existait pas. En revanche, il a précisé que, pour les
établissements publics de coopération intercommunale à
fiscalité propre, les difficultés portaient sur
l'appréciation des compétences transférées,
lesquelles étaient souvent formulées de manière
très large notamment en matière d'urbanisme.
M. Marc Censi
a fait valoir que, dans ces conditions, les
établissements publics de coopération intercommunale
délibéraient dans des domaines qui apparaissaient à la
chambre régionale des comptes comme étant hors des
compétences transférées à ces
établissements.
Il a donc jugé nécessaire de
préserver les initiatives des élus en matière
d'intercommunalité.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a fait observer qu'en principe
les appréciations des chambres régionales des comptes devraient
porter sur les conséquences financières et budgétaires
d'un transfert de compétences et non sur la régularité de
ces transferts, cette dernière appréciation relevant, à
ses yeux, du contrôle de légalité.
En réponse,
M. Marc Censi
, après avoir estimé que
l'absence d'opposition du préfet à un acte qui lui était
transmis par un groupement de communes pouvait s'expliquer par son souci de ne
pas mettre en cause le développement de l'intercommunalité, a
indiqué que les chambres régionales des comptes n'acceptaient pas
cette bienveillance du contrôle de légalité face à
des actes qu'elles considéraient comme non conformes au droit en
vigueur. Il a néanmoins fait valoir qu'il ne fallait pas empêcher
les groupements de communes de procéder à certains ajustements
souvent nécessaires dans la pratique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a considéré qu'il fallait tenir
compte du besoin de souplesse dans la gestion des groupements de communes. Il a
néanmoins relevé que cela ne signifiait pas que la loi ne devait
pas être respectée.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
a fait valoir que, dès lors qu'un acte
d'un groupement de communes ne respectait pas le droit en vigueur, il
était du devoir des chambres régionales des comptes de le relever
même si cet acte n'avait pas appelé d'observations de la part du
contrôle de légalité.
M. Marc Censi
a mis en garde contre un risque de blocage de
l'intercommunalité si un accent excessif était mis sur la
régularité formelle des actes des groupements de communes.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a alors demandé que
soient communiqués au groupe de travail des exemples d'observations des
chambres régionales des comptes ayant pu susciter des difficultés
dans la gestion des établissements publics de coopération
intercommunale.
En conclusion,
M. Marc Censi
a fait observer que le contrôle
financier débordait le problème des comptes, la question de la
régularité des actes pouvant avoir des conséquences sur le
plan financier.
M. Pierre JOXE
Premier Président
de la
Cour des comptes
Mardi 17 juin 1997
M. Pierre Joxe, premier président de la Cour des
comptes,
a tout d'abord rappelé qu'avant la décentralisation,
le contrôle des finances locales relevait de la Cour des comptes pour les
départements et les communes les plus importantes, les trésoriers
payeurs généraux assurant, pour leur part, le contrôle des
autres communes. Il a ensuite souligné que la création des
chambres régionales des comptes était inséparable du
passage de la tutelle a priori au contrôle a posteriori. Il a cependant
précisé que la solution française d'un contrôle des
finances locales exercé a posteriori par des juridictions
financières déconcentrées constituait une
spécificité au sein de l'Union européenne.
Le premier président de la Cour des comptes a noté que ce
contrôle financier représentait une composante indispensable de
l'équilibre nouveau résultant de la décentralisation et
qu'il contribuait à garantir la "régularité,
l'efficacité, la probité et l'équilibre" des gestions
publiques locales. Il a insisté sur la nécessité d'assurer
la transparence de la gestion publique pour garantir une véritable
démocratie locale. Il a ensuite précisé que le
contrôle financier local ne consistait pas en une simple transposition du
contrôle exercé par la Cour des comptes sur les administrations
nationales et qu'il comportait des novations comme le contrôle
budgétaire. S'agissant de l'examen de la gestion,
M. Pierre Joxe
a insisté sur le fait que les juridictions financières
locales jouaient un rôle de conseiller autant que de censeur, leur
objectif étant d'obtenir le redressement des irrégularités
et la correction des dysfonctionnements. Sur ce point, il a relevé que,
dans la très grande majorité des cas, le contrôle de
gestion répondait aux attentes des élus locaux et qu'il faisait,
en général, l'objet de comptes rendus "responsables" dans la
presse. En revanche, il a noté que l'articulation entre le
contrôle de légalité, exercé par l'autorité
préfectorale, et le contrôle de gestion, mis en oeuvre par les
chambres régionales des comptes, s'avérait peu satisfaisante.
M. Pierre Joxe
a ensuite rappelé les nombreuses étapes
législatives ayant conduit à préciser les principes du
contrôle financier local et les procédures applicables en la
matière. A cet égard, il a souligné que la loi
"d'amélioration de la décentralisation" du 5 janvier 1988
avait conduit au renforcement du caractère contradictoire des
procédures, à une définition précise du
contrôle de gestion et à un retour au système de
l'apurement administratif pour les communes les plus petites. Il a ensuite
précisé que la loi du 15 janvier 1990 avait supprimé
la non-application aux travaux issus des délibérés des
chambres régionales des comptes des dispositions de la loi du
17 juillet 1978 sur la communication des actes administratifs. Le
caractère communicable et donc public des observations de gestion
constituant, selon lui, une contribution importante à la transparence
des gestions locales et donc à la régulation de la
décentralisation.
Le premier président de la Cour des comptes a ensuite fait état
de la loi du 6 février 1992 d'orientation sur l'administration
territoriale de la République qui avait, en particulier, ouvert au
représentant de l'Etat et à l'exécutif territorial le
droit d'introduire auprès des chambres régionales des comptes une
demande de vérification d'une gestion locale. Il a ensuite
mentionné la loi du 29 janvier 1993 relative à la
prévention de la corruption et à la transparence des
activités économiques, qui comportait, notamment, la
création d'un droit général à audition dans le
cadre du contrôle financier local, mais aussi la définition d'un
délit d'obstacle au contrôle des magistrats et rapporteurs des
juridictions financières. Il a enfin cité la loi du
8 février 1995, dont certaines dispositions avaient renforcé
les pouvoirs de contrôle des juridictions financières sur les
services publics délégués.
M. Pierre Joxe
a souligné, par ailleurs, que ces textes avaient
dans leur ensemble contribué au renforcement du caractère
contradictoire de la procédure applicable à l'examen de la
gestion. S'agissant des origines administratives des magistrats des chambres
régionales des comptes, il a noté que, malgré le nombre
important de fonctionnaires issus de l'administration du ministère des
finances, la composition de ce corps de magistrats était assez
variée.
A cet égard, il a insisté sur les importants progrès
réalisés dans l'unification de ce corps et dans l'harmonisation
de ses méthodes de travail. Il a rappelé que ces progrès
résultaient en grande partie de la politique de coordination et de
formation menée par la Cour des comptes et les chambres
régionales des comptes.
M. Pierre Joxe
a ensuite relevé que l'important accroissement du
nombre de comptabilités soumises au contrôle des chambres
régionales des comptes ne s'était pas accompagné d'une
progression correspondante de leurs moyens humains, financiers et
matériels. A cet égard, le premier président de la Cour
des comptes a considéré qu'il serait souhaitable de revoir le
ressort territorial des chambres régionales des comptes et d'envisager
le regroupement de certaines d'entre elles, afin de renforcer les moyens
d'action des chambres les plus petites et d'homogénéiser leur
taille.
Il a estimé que cette orientation favoriserait, en outre, une
rationalisation des pratiques et des procédures ainsi qu'une
"homogénéisation de la jurisprudence" des chambres.
M. Pierre
Joxe
a également souligné la nécessité de
prévoir un alignement du statut des magistrats des chambres
régionales des comptes sur celui des magistrats des juridictions
administratives.
S'agissant des préoccupations exprimées concernant l'examen de la
gestion, le premier président de la Cour des comptes a, tout d'abord,
souligné l'intérêt que pourrait présenter en
matière de diffusion et de publication des observations
définitives des chambres régionales des comptes l'obligation d'y
adjoindre les réponses des collectivités locales
concernées, comme c'est le cas pour le rapport public de la Cour des
comptes.
M. Pierre Joxe
a ensuite relevé qu'il ne disposait d'aucune
preuve formelle de l'exercice éventuel par les chambres
régionales des comptes d'un contrôle de l'opportunité des
décisions prises par les collectivités locales.
Il a, en revanche, admis qu'il pouvait exister des différences de
"jurisprudence", ou de rythme des contrôles, d'une chambre
régionale des comptes à l'autre. A cet égard, il a
rappelé que, s'agissant de juridictions, la Cour des comptes ne
disposait d'aucun pouvoir hiérarchique sur les chambres
régionales des comptes.
En définitive,
M. Pierre Joxe
a considéré que les
améliorations du contrôle financier local résulteraient
essentiellement de la pratique.
En réponse aux questions de
M. Yann Gaillard, rapporteur par
intérim,
le premier président de la Cour des comptes a, tout
d'abord, indiqué qu'il était favorable à la
création d'une présidence de chambre au sein de la Cour des
comptes qui aurait pour vocation spécifique le suivi de
l'activité des chambres régionales des comptes. Sur ce point, il
a souligné que les moyens mis à la disposition de la mission
d'inspection des chambres régionales des comptes avaient d'ores et
déjà été renforcés. Il a cependant
souligné la difficulté d'instituer une procédure d'appel
des observations formulées par les chambres régionales des
comptes dans l'exercice du contrôle de gestion, dans la mesure où
il ne s'agit ni de décisions juridictionnelles, ni d'actes faisant
grief.
M. Pierre Joxe
s'est, en revanche, dit favorable au renforcement
du rôle consultatif des chambres régionales des comptes, sous
réserve que leur soient alloués les moyens matériels et
humains supplémentaires pour faire face à ces nouvelles
tâches, sans nuire à l'exercice du contrôle financier.
Répondant ensuite à
M. Paul Girod,
le premier
président de la Cour des comptes a précisé que, loin de
paralyser les initiatives des élus locaux, l'examen de la gestion
possédait une vocation pédagogique affirmée que la Cour
des comptes s'efforçait de valoriser en publiant des rapports
thématiques portant sur certains aspects de la gestion locale. Par
ailleurs, il ne s'est pas opposé à l'idée que les chambres
régionales des comptes et les collectivités locales
concernées déposent une plainte conjointe contre X en cas de
"fuites" médiatisées au cours d'un examen de la gestion d'une
collectivité locale.
Répondant ensuite à
M. Michel Dreyfus-Schmidt,
le
premier président de la Cour des comptes a estimé qu'à
l'instar des juridictions administratives, l'exercice parallèle par les
chambres régionales d'une fonction de contrôle et de
compétences consultatives ne soulevait pas d'objection de principe.
Enfin, en réponse à
M. Jean-Paul Amoudry,
président,
le premier président de la Cour des comptes s'est
déclaré satisfait de la pratique informelle de respect d'un
"délai de neutralité" suspendant pendant les trois ou quatre mois
précédant une élection locale l'envoi de lettres
d'observations définitives. Il a, en outre, admis l'utilité d'une
réflexion sur la suppression éventuelle du caractère
automatique de la sanction d'inéligibilité applicable à un
responsable local ayant été reconnu comptable de fait, tout en
soulignant cependant que cette disposition du code électoral
sanctionnait une infraction grave aux règles de la comptabilité
publique.
M.
Joël THORAVAL
Préfet de la région
Ile-de-France
en sa qualité de
Président de
l'association du corps préfectoral
Jeudi 19 juin 1997
A titre
liminaire,
M. Joël Thoraval
a souligné la complexité
de la problématique du contrôle des finances locales, où
interviennent, d'une part, le représentant territorial de l'Etat pour le
contrôle de légalité et, d'autre part, les chambres
régionales des comptes au titre du contrôle financier. Il a
souligné l'importante évolution du contexte local depuis la
décentralisation engagée en 1982, marqué par
l'élargissement des compétences des collectivités locales,
la forte croissance des budgets locaux et les difficultés
financières rencontrées par certaines collectivités. Il a
insisté sur l'impact de la médiatisation et de la politisation
qui accompagnent la diffusion des observations des chambres régionales
des comptes.
M. Joël Thoraval
a relevé qu'il existait dans ce domaine une
interaction complexe entre la mission de contrôle exercée par les
préfets et la mise en oeuvre du contrôle de la gestion des
collectivités locales par les chambres régionales des comptes. Il
a insisté sur l'importance de la contribution du contrôle
financier local au redressement d'irrégularités qui sont, le plus
souvent, commises de façon involontaire par les gestionnaires locaux. A
cet égard, il a fait état du paradoxe résultant, d'une
part, de la reconnaissance d'une mission de contribution au bon fonctionnement
de la démocratie locale et, d'autre part, d'une contestation de la mise
en oeuvre du contrôle financier.
Analysant le cadre et les enjeux du contrôle financier local,
M. Joël Thoraval
a insisté sur l'importance du
phénomène de "juridicisation" de la société et de
son corollaire, la pénalisation. Il a ensuite expliqué que ce
phénomène favorisait l'émergence d'un sentiment
d'insécurité juridique chez les élus locaux, en raison de
l'augmentation du nombre de dossiers transmis à la juridiction
judiciaire par les chambres régionales des comptes, ce nombre
étant passé de 42 en 1994, à 63 en 1995. Il a
souligné que cette circonstance était renforcée par les
phénomènes de médiatisation et de politisation qui donnent
à ces observations, rendues publiques, un impact mal mesuré par
le juge financier. Il a noté que cette situation était d'autant
plus sensible que les observations formulées par les chambres
régionales des comptes n'étaient pas revêtues de
l'autorité de la chose jugée et qu'elles étaient, en
conséquence, insusceptibles de faire l'objet d'un appel.
M. Joël Thoraval
a néanmoins relevé que la
communication aux personnes intéressées des observations
formulées par les chambres régionales des comptes, dans le cadre
d'une procédure contradictoire, garantissait le respect des droits de la
défense. Il a néanmoins relevé que cette communication
comportait un risque réel de divulgation des observations provisoires,
notamment lorsqu'elles concernent la gestion du précédent
ordonnateur. Sur ce point, il a relevé que la Cour des Comptes
soulignait l'existence d'une asymétrie entre les chambres
régionales des comptes qui doivent prendre toutes les dispositions
nécessaires pour garantir le secret de leurs investigations et les
collectivités locales qui ne sont pas soumises aux mêmes
obligations.
Le président de l'association du corps préfectoral a conclu sur
ce point en insistant sur les conséquences de la médiatisation
des observations formulées par les chambres régionales des
comptes, tout en admettant que cette transparence était
nécessaire au bon exercice de la démocratie locale. A cet
égard, il a insisté sur la nécessité d'organiser
des "contrepoids" à la mise en oeuvre du principe constitutionnel de
libre administration des collectivités territoriales
opérée par les lois de décentralisation. Dans cet esprit,
il a noté que, parallèlement au contrôle de
légalité, les chambres régionales des comptes jouaient un
rôle croissant dans la "régulation de la décentralisation",
alors même, qu'en dehors du jugement des comptes, elles ne
possédaient pas un réel pouvoir de décision.
M. Joël Thoraval
a par ailleurs admis que le caractère
tardif du contrôle de gestion et son autonomie par rapport au
contrôle de légalité étaient susceptibles de faire
naître un sentiment d'insécurité juridique chez les
élus locaux, dans la mesure où une chambre régionale des
comptes peut formuler des observations sur des décisions qui n'ont pas
été critiquées dans le cadre du contrôle de
légalité. Il a reconnu que ce type de situation était de
nature à jeter un doute sur la qualité du contrôle
exercé par les services préfectoraux. Sur ce point,
M.
Joël Thoraval
a tenu à souligner que cette situation
découlait, d'une part, du caractère non décelable de
certaines irrégularités au moment où s'exerce le
contrôle de légalité et, d'autre part, de la
spécificité de ce contrôle qui a pour objet de favoriser un
dialogue confiant entre les élus locaux et le représentant de
l'Etat.
Décrivant l'articulation qui existe entre ces deux contrôles,
M. Joël Thoraval
a, tout d'abord, relevé l'utilisation
par les chambres régionales des comptes des travaux du service
préfectoral à l'appui de leur contrôle de gestion. Il a
ensuite rappelé que le Conseil d'Etat avait jugé que
l'autorité préfectorale n'avait pas l'obligation de
déférer aux tribunaux administratifs les actes des
collectivités locales, dans la mesure où il a reconnu aux
préfets un pouvoir d'appréciation du degré de
gravité de l'irrégularité. Il a estimé que le
contrôle "préfectoral" ne devait pas être "tâtillon"
et qu'il devait tenir compte des réalités locales.
Considérant que les deux contrôles étaient, dans une large
mesure, complémentaires,
M. Joël Thoraval
a
suggéré que soient rééquilibrés les
rôles respectifs des chambres régionales des comptes et du
préfet dans l'exercice de leur fonction de régulation de la
décentralisation. Pour illustrer le caractère
complémentaire du contrôle de légalité et du
contrôle financier, il a tout d'abord rappelé que la loi
prévoyait que les chambres régionales des comptes concouraient au
contrôle budgétaire des collectivités locales, le
préfet statuant au regard des propositions formulées par les
chambres. Ces dernières sont aussi tenues d'informer le préfet
à différents stades des procédures de contrôle
budgétaire, de jugement des comptes ou d'examen de la gestion d'une
collectivité locale.
Le président de l'association du corps préfectoral a
relevé qu'à l'inverse les préfets pouvaient, dans
l'exercice du contrôle de légalité, s'appuyer sur les
analyses et les observations des chambres.
Il a cependant admis l'existence de certaines difficultés,
résultant par exemple de la mise en cause de la qualité du
contrôle de légalité par une chambre régionale des
comptes.
M. Joël Thoraval
s'est élevé contre de telles
pratiques qui traduisent une méconnaissance de la conception
préfectorale du contrôle de légalité, dont l'objet
ne se borne pas à recourir à des voies de droit contraignantes,
et qui tient compte des conditions réelles d'exercice des
compétences des collectivités locales. Il a précisé
que les chambres régionales des comptes devaient contribuer au
contrôle de légalité en apportant une assistance technique
à l'exercice de cette mission. A cette fin,
M. Joël Thoraval
a indiqué que l'association du corps préfectoral souhaitait
renforcer l'administration territoriale en regroupant au sein d'un même
service interministériel des fonctions actuellement dispersées
dans plusieurs services déconcentrés.
M. Joël Thoraval
a ensuite présenté plusieurs
propositions destinées à moderniser les conditions d'exercice du
contrôle financier local. A cet égard, il a, tout d'abord,
recommandé un renforcement du rôle préventif des chambres
régionales des comptes. Il a ensuite souhaité que les
observations des chambres régionales soient accompagnées de
recommandations concrètes destinées à remédier aux
problèmes qu'elles ont relevés dans le cadre d'un contrôle
de gestion. Il a souligné qu'une telle adaptation aurait l'avantage de
mieux associer les chambres régionales des comptes aux
réalités de la gestion locale. Puis il a suggéré de
mettre en place des "missions du contrôle de légalité" qui
seraient composées de magistrats issus des juridictions administratives,
financières et judiciaires, ainsi que de fonctionnaires provenant de
certains services déconcentrés de l'Etat. Enfin, il a
souhaité un "rééquilibrage" des rôles respectifs des
chambres régionales des comptes et des services préfectoraux qui
passe, selon lui, par un renforcement de ces derniers.
En conclusion,
M. Joël Thoraval
a souhaité qu'un nouveau
type de relations se tisse entre les acteurs de la vie publique locale afin de
promouvoir la prévention des irrégularités et de favoriser
la cohérence des différentes formes de contrôle
exercé par les services de l'Etat.
M. Yann Gaillard, rapporteur par intérim
, s'est tout d'abord
félicité de la volonté de renforcer la prévention
et de mieux associer les juridictions financières aux
conséquences de leurs observations. Il a par ailleurs jugé
pertinente l'idée de regrouper les moyens administratifs des services
déconcentrés de l'Etat pour favoriser la cohérence des
différentes formes de contrôle.
Afin de lever toute ambiguïté sur la portée du
contrôle de légalité, il a, par ailleurs,
suggéré qu'à l'issue de ce contrôle, soit
apposée sur les documents "traités" une formule rappelant que le
visa de l'autorité préfectorale ne valait pas quitus au regard du
contrôle financier.
Répondant à une question de
M. Jean-Paul Amoudry,
président,
le président de l'association du corps
préfectoral s'est dit défavorable à une éventuelle
suppression de l'automaticité de la sanction d'inégibilité
en cas de gestion de fait, dans la mesure où cette adaptation risquait
d'être mal perçue par l'opinion publique qui l'analyserait comme
un allègement "suspect" des sanctions pesant sur des élus
"fautifs".
M.
Michel THÉNAULT
Directeur général des
collectivités locales
au ministère de l'intérieur
Jeudi 19 juin 1997
A titre
liminaire,
M. Michel Thénault
a fait observer que les
contrôles opérés par les chambres régionales des
comptes s'inscrivaient dans un contexte caractérisé par la grande
maturité des collectivités locales.
Il a relevé que les collectivités territoriales, qui
exerçaient des compétences très étendues,
intervenaient désormais dans tous les domaines de la vie sociale et que
leurs budgets, qui s'élevaient à 750 millions de francs,
représentaient à peu près la moitié du budget de
l'Etat.
M. Michel Thénault
a néanmoins souligné que les
collectivités locales disposaient de marges de manoeuvre
réduites, que les citoyens étaient désormais très
sensibles à la pression fiscale et que certaines collectivités
locales étaient en proie à des difficultés
financières qui avaient pu sensibiliser l'opinion publique.
Le directeur général des collectivités locales a fait
valoir que les médias se saisissaient des contrôles
opérés par les chambres régionales des comptes alors
même que le débat entre la collectivité locale et la
juridiction concernée n'était pas clos. Il a constaté
l'utilisation par les médias d'éléments du contrôle
financier, qui étaient essentiellement d'ordre technique.
Puis, considérant que le contrôle de légalité et le
contrôle financier étaient la contrepartie logique de la
décentralisation,
M. Michel Thénault
a rappelé que
les chambres régionales des comptes exerçaient trois missions
essentielles, à savoir le jugement des comptes et des comptables, la
contribution au contrôle budgétaire et l'examen de la gestion des
collectivités locales.
Après avoir relevé que les compétences des chambres
régionales des comptes avaient été progressivement
développées ces dernières années, il a fait valoir
que les modalités du contrôle avaient été
également précisées notamment pour ce qui est de la
procédure contradictoire préalable à
l'établissement des observations définitives et pour la garantie
du secret des investigations.
Le directeur général des collectivités locales a alors
souligné que la mission des chambres régionales des comptes en
matière de contrôle de la gestion était de s'assurer de
l'efficacité de la gestion locale sans pour autant se prononcer sur les
choix opérés.
Distinguant le contrôle de gestion de la fonction juridictionnelle
exercée par les chambres régionales des comptes, il a fait valoir
que les observations définitives des chambres régionales des
comptes n'étaient pas assorties de sanctions même si leur
communication à l'assemblée délibérante leur
conférait une portée très importante.
Relevant ensuite que le contrôle de gestion avait pu apparaître,
dans certains cas, comme portant sur l'opportunité des décisions
locales,
M. Michel Thénault
a jugé nécessaire
d'évaluer si ce contrôle de l'opportunité était ou
non fondé sur des considérations juridiques.
S'appuyant sur des exemples d'observations définitives rendues par des
chambres régionales des comptes, il a ainsi noté que
l'attribution d'un marché public, tout en respectant les
procédures de mise en concurrence, pouvait s'appuyer sur des
critères de choix qui n'étaient pas exempts de risques.
De même,
M. Michel Thénault
a indiqué que les
chambres régionales des comptes avaient pu constater que le
fractionnement des services d'une collectivité locale chargés de
la commande publique avait pu avoir un effet sur le dépassement des
seuils permettant le règlement des achats sur simple facture. Il a enfin
précisé que l'examen des interventions économiques
conduisait les chambres régionales des comptes à une
évaluation et à une appréciation de la
régularité du risque.
Tout en reconnaissant que la frontière entre la régularité
et l'opportunité était ténue,
M. Michel
Thénault
a fait valoir que les observations des chambres
régionales des comptes pouvaient correspondre, dans nombre de cas,
à des préoccupations de régularité.
Dans ces conditions, il a jugé nécessaire d'écarter une
approche restrictive du champ d'application du contrôle de gestion. Il a
en effet estimé que si celui-ci devait être réduit, il y
aurait un risque sérieux de faire évoluer le contrôle non
juridictionnel vers un contrôle de type juridictionnel.
Puis, abordant les pistes envisageables en vue d'améliorer le cadre
actuel,
M. Michel Thénault
a tout d'abord estimé
possible de renforcer les conditions d'exercice du contrôle de gestion.
Jugeant nécessaire de rechercher une plus grande confidentialité
dans la procédure contradictoire, il a proposé de
compléter l'article L. 241-6 du code des juridictions
financières afin d'étendre aux chambres régionales des
comptes, la solution d'ores et déjà en vigueur pour la Cour des
Comptes, ce qui garantirait une confidentialité des actes
préalables aux observations définitives.
Examinant ensuite les évolutions possibles de la législation,
M. Michel Thénault
a fait observer que la complexité
de celle-ci était dans certains cas soulignée par les chambres
régionales des comptes.
Il a ainsi jugé nécessaire de réviser l'article
L. 1511-5 du code général des collectivités locales
qui, définissant un cadre conventionnel pour les relations entre l'Etat
et les collectivités locales, était souvent appliqué dans
des conditions critiquables.
De même, le directeur général des collectivités
locales a fait valoir que les critiques émises à l'encontre des
démembrements administratifs justifiaient la recherche de nouveaux modes
de gestion, par exemple avec la mise en place d'établissements publics
locaux.
S'intéressant aux conditions d'exercice du contrôle de
légalité et du contrôle budgétaire,
M. Michel Thénault
a fait observer que le contrôle de
légalité était souvent critiqué soit pour sa
rigueur excessive, soit au contraire pour son laxisme.
Il a néanmoins relevé l'existence d'une demande de plus en plus
forte des élus locaux pour un renforcement de la sécurité
juridique de leurs actes.
Après avoir rappelé que le contrôle de
légalité ne garantissait en aucun cas de manière
définitive la validité juridique des actes des
collectivités locales,
M. Michel Thénault
a
néanmoins jugé souhaitable d'augmenter la sécurité
juridique de ces actes. De même, il a fait valoir que le contrôle
budgétaire devait permettre de prévenir des situations
financières dégradées.
S'interrogeant sur les conditions et l'étendue de ces contrôles,
M. Michel Thénault
a indiqué que sur 5 millions
d'actes transmis aux préfectures en 1995, 2.000 avaient fait
l'objet de déférés aux tribunaux administratifs.
Relevant le faible pourcentage de déférés
préfectoraux,
M. Michel Thénault
a néanmoins
souligné le rôle de la procédure préalable de
concertation entre les élus locaux et les préfets qui permettait,
dans bien des cas, de prévenir un déféré. Il a
néanmoins indiqué que dans des domaines tels que l'urbanisme ou
les marchés publics, le contrôle de légalité faisait
preuve d'une rigueur accrue.
Il a enfin noté que les dispositifs législatifs adoptés en
1992-1993 et 1995 avaient eu pour objet d'étendre le champ de la
transmission obligatoire des actes des collectivités locales et d'
accélérer la procédure de sursis à exécution
de ces derniers.
S'agissant du contrôle budgétaire,
M. Michel
Thénault
a indiqué que sur 340.000 actes
contrôlés, 700 avaient donné lieu à une saisine des
chambres régionales des comptes.
Le directeur général des collectivités locales a alors
jugé nécessaire de renforcer la formation des services
chargés du contrôle de légalité, de mettre à
leur disposition des outils d'analyse et de veiller à une
homogénéité des solutions adoptées.
Il a précisé que la direction générale des
collectivités locales avait développé plusieurs actions
dans ce sens, notamment par l'établissement de recueils de
jurisprudence, en répondant à des questions ponctuelles et en
organisant des sessions de formation sur les marchés publics et sur
l'instruction comptable M.14.
Il a néanmoins considéré que ces actions devraient
être développées en renforçant l'assistance
apportée aux préfectures et en mettant à leur disposition
des instruments d'analyse afin d'accélérer et d'améliorer
les contrôles.
En conclusion,
M. Michel Thénault
a fait valoir qu'il
était possible de rechercher une plus grande harmonisation des solutions
retenues et de développer l'expertise locale.
M. Yann Gaillard, rapporteur par intérim
, a alors jugé
souhaitable que le groupe de travail puisse disposer d'analyses de la direction
générale des collectivités locales sur les observations
rendues par les chambres régionales des comptes.
Il a par ailleurs relevé la suggestion de légitimer dans la loi
les interventions des collectivités locales dans certains domaines. Il
s'est ensuite interrogé sur l'idée de mettre en place des
missions de contrôle de légalité qui seraient à la
disposition des préfets.
Enfin,
M. Yann Gaillard, rapporteur par intérim
,
après avoir noté les inconvénients de la communication
orale à l'assemblée délibérante des observations
définitives des chambres régionales des comptes, s'est
demandé s'il ne serait pas préférable d'instituer une
communication écrite.
En réponse,
M. Michel Thénault
a tout d'abord fait
valoir que certaines observations avaient pu conduire les chambres
régionales des comptes à apprécier des sujets qui
semblaient relever de la pure opportunité.
Reprenant l'exemple de la gestion des commandes publiques dans une
collectivité locale, qui était directement de la
responsabilité de celle-ci, il a néanmoins fait observer que
cette organisation interne pouvait conduire la collectivité locale
à prendre des risques, ce qui soulevait alors un problème de
régularité.
Il a, en conséquence, de nouveau estimé qu'une restriction du
champ du contrôle de gestion pourrait entraîner un glissement de
celui-ci vers un contrôle juridictionnel.
Soulignant ensuite que la confidentialité des observations provisoires
des chambres régionales des comptes devrait être mieux
assurée,
M. Michel Thénault
a de nouveau
suggéré de compléter l'article L. 241-6 du code des
juridictions financières afin de supprimer la distorsion actuelle entre
la procédure suivie devant la Cour des Comptes et celle appliquée
par les chambres régionales des comptes.
S'agissant de la suggestion de mettre en place des missions du contrôle
de légalité,
M. Michel Thénault
a fait valoir qu'il
était avant tout nécessaire d'instituer auprès du
préfet des pôles de compétences pluridisciplinaires.
Il a en revanche jugé nécessaire de ne pas instaurer entre les
préfets et les autorités locales une structure
intermédiaire qui pourrait jouer le rôle d'une sorte de
" parquet " administratif.
Soulignant que dans un contexte de juridictionnalisation, la pression du risque
pénal pesait sur tous les acteurs locaux, il a fait observer qu'une
telle structure risquerait d'enfermer les préfets dans des
compétences liées et de modifier profondément la nature de
leurs relations avec les collectivités locales.
M. Michel Thénault
a en outre jugé souhaitable de ne pas
démobiliser les services permanents des préfectures, même
si la création de pôles de compétences ou le
développement de la mobilité pouvaient être très
utiles.
S'agissant de la communication des observations définitives des chambres
régionales des comptes à l'assemblée
délibérante,
M. Michel Thénault
a estimé que
cette communication était en principe écrite dans la mesure
où la convocation devait comporter ces observations.
M. Patrice Gélard
a alors souligné les difficultés
auxquelles étaient confrontées les collectivités locales
pour recruter des fonctionnaires territoriaux ayant une bonne formation
juridique et donc susceptibles de bien appréhender les problèmes
juridiques auxquels les collectivités étaient confrontées.
En réponse,
M. Michel Thénault
a fait observer que les
compétences de la fonction publique territoriale s'étaient
renforcées. Il a relevé que la filière administrative
avait été mise en place en 1987, à un moment où la
complexité des problèmes juridiques des collectivités
locales était moins sensible. Il a également noté que les
procédures de recrutement avaient eu tendance à
privilégier les aspects sociaux, peut-être au détriment des
aspects juridiques.
Dans ces conditions, le directeur général des
collectivités locales a jugé nécessaire de revoir le
programme des concours administratifs et de permettre une plus grande
" capitalisation " de la formation permanente. Il a également
estimé que les aspects juridiques pourraient être mieux pris en
compte dans le nouveau statut des élèves qui concernait les
cadres supérieurs.
M. Paul Girod
s'est alors interrogé sur l'idée de
prévoir une plainte automatique et conjointe de la chambre
régionale des comptes et de la collectivité locale en cas de
divulgation dans la presse d'observations provisoires. Il a en outre fait
valoir que la mise en cause a posteriori par les chambres régionales des
comptes de la prise de risques pouvait aboutir en pratique à une
paralysie de l'action locale.
En réponse,
M. Michel Thénault,
prenant l'exemple des
interventions économiques des collectivités locales, a de nouveau
considéré que, dans un certain nombre de cas, une clarification
législative permettrait de mettre utilement le droit en
conformité avec la pratique.
M. Yann Gaillard, rapporteur par intérim
, a jugé
nécessaire de prendre en compte les spécificités des
départements d'outre-mer pour lesquels des missions du contrôle de
légalité pourraient avoir une utilité particulière.
M.
Gilles CARREZ
Député
Vice-Président de
l'Association des Maires de France (AMF)
Mardi 24 juin 1997
Faisant
état des résultats provisoires d'une enquête sur les
chambres régionales des comptes menée par l'AMF auprès des
présidents d'associations départementales des maires,
M.
Gilles Carrez
a indiqué que les maires consultés ne
remettaient pas en cause globalement les contrôles exercés par les
chambres régionales des comptes mais qu'en revanche, ils exprimaient le
souci d'une meilleure définition de leur champ d'application. Il a
notamment relevé la préoccupation concernant la distinction entre
le contrôle de régularité et le contrôle de pure
opportunité. Il a également noté une contestation
très localisée à l'encontre de ces contrôles.
Après avoir souligné que les chambres régionales des
comptes étaient des juridictions,
M. Gilles Carrez
a
estimé que le jugement des comptes correspondait à une
procédure ancienne, bien acceptée par les élus et conforme
à la nature juridictionnelle des chambres régionales des comptes.
Faisant néanmoins observer que, dans ce cadre, ces juridictions
pouvaient établir des lettres d'observations concernant la gestion des
ordonnateurs,
M. Gilles Carrez
a considéré que cette
concomitance d'un jugement sur les comptes et d'un avis sur la gestion faisait
apparaître ce dernier comme un véritable jugement. Il a fait
valoir que cette confusion était accentuée par le fait que dans
certains cas, qui relevaient de la gestion de fait, les chambres
régionales des comptes étaient appelées à rendre un
véritable jugement assorti de sanctions.
Puis,
M. Gilles Carrez
a estimé que la nature juridictionnelle
des chambres régionales des comptes rendait difficile une
procédure de consultation préalable à la demande des
collectivités locales. Il a jugé préférable de
prévoir le recours à des pôles de compétences
impliquant les différents services concernés.
M. Gilles Carrez
a par ailleurs fait observer que les chambres
régionales des comptes intervenant postérieurement au
contrôle de légalité, cette situation posait le
problème de la sécurité juridique des actes des
collectivités locales. Il a ainsi relevé le risque de
contradiction entre le contrôle de légalité et le
contrôle financier.
M. Gilles Carrez
a ensuite fait valoir que les interventions des
chambres régionales des comptes à l'égard des ordonnateurs
étaient trop tardives par rapport à l'objectif d'assurer une
bonne gestion locale, notamment pour ce qui est des activités
périphériques telles que les associations ou les
sociétés d'économie mixte. Il a considéré
que si les observations concernant la gestion étaient formulées
au moment du jugement des comptes, elles ne pouvaient pas jouer un rôle
efficace pour remédier à certains dysfonctionnements.
Relevant les problèmes posés par la procédure actuelle,
M. Gilles Carrez
a indiqué que les élus locaux
étaient souvent choqués, moins par le contenu que par la
présentation des observations.
Tout en se déclarant favorable au maintien de la communication des
observations définitives des chambres régionales des comptes aux
assemblées délibérantes,
M. Gilles Carrez
a
néanmoins plaidé pour la mise en place d'une véritable
procédure contradictoire. Il a également souhaité que les
chambres régionales des comptes prennent davantage en
considération les réponses des ordonnateurs à leurs
observations provisoires et qu'elles ne limitent pas leurs observations aux
seuls aspects négatifs de la gestion locale. Enfin, il a souhaité
que les réponses des ordonnateurs soient versées au dossier et
fassent l'objet d'une publicité.
M. Gilles Carrez
a par ailleurs regretté l'absence de
procédures d'audit et de contrôle internes aux
collectivités locales.
En conclusion, après avoir considéré que les
contrôles étaient le corollaire de la décentralisation,
M. Gilles Carrez
a néanmoins plaidé pour un renforcement
des procédures et pour une consultation préalable qui serait
ouverte aux collectivités locales afin de sécuriser leurs
interventions.
M. Paul Girod
a également estimé qu'une procédure
de consultation préalable devrait être envisagée sous une
forme qui restait à définir. Il a considéré que la
mise en oeuvre d'une telle procédure pourrait faire
bénéficier l'ordonnateur d'une présomption de bonne foi.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
soulignant l'intérêt de
l'enquête réalisée par l'AMF, a relevé que celle-ci
ne mettait en évidence aucune remise en cause globale du contrôle
financier mais exprimait le souhait d'une meilleure distinction entre la
régularité et l'opportunité, ce qui relevait à ses
yeux d'un code de procédure financière.
Notant l'existence de contestations localisées du contrôle
financier, il a estimé que celles-ci soulevaient le problème du
rôle régulateur de la Cour des Comptes à l'égard des
chambres régionales des comptes.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
a ensuite rappelé que la
procédure d'examen de la gestion des collectivités locales avait
été souhaitée par le législateur lui-même.
Il a estimé que s'il pouvait être difficile de permettre aux
collectivités locales de solliciter l'avis préalable des chambres
régionales des comptes, la question d'une procédure
préalable aux décisions locales méritait néanmoins
d'être approfondie.
Puis, le rapporteur a fait valoir que l'intervention des chambres
régionales des comptes postérieurement au contrôle de
légalité était inévitable, les juridictions
financières devant se prononcer sur des pratiques qui faisaient suite
à l'adoption d'un acte. Au sujet de la préoccupation
exprimée sur le caractère tardif de ces contrôles, il a
souligné que ceux-ci intervenaient nécessairement a posteriori,
ce qui pouvait contribuer à une certaine sérénité
de la procédure.
S'agissant de la forme des observations définitives,
M. Jacques
Oudin, rapporteur,
a fait valoir que la mission de tout organe
chargé d'une mission de contrôle était de relever les
déficiences de la gestion publique et non pas ses aspects positifs.
Enfin, le rapporteur a souligné que des progrès
considérables pouvaient être réalisés pour
développer des audits internes aux collectivités locales,
notamment grâce à un plus grand recours à l'informatique.
M. Joël Bourdin,
s'interrogeant sur les relations entre le
contrôle de légalité et le contrôle financier, a
souligné que les incohérences entre ces deux types de
contrôles étaient légitimement mal vécues par les
élus locaux.
A propos de la suggestion de mettre en place une procédure d'avis
préalable,
M.
Joël Bourdin
a fait valoir que les
collectivités locales pouvaient toujours solliciter l'avis de
professionnels qualifiés, notamment des universitaires ou des
associations d'élus, lesquelles pourraient, selon lui, jouer un
rôle accru dans ce domaine.
En réponse,
M. Gilles Carrez,
après avoir souscrit
à ces observations, a indiqué, concernant la délivrance
par les services de l'Etat d'avis préalables aux décisions
locales, que la situation était très
hétérogène selon les départements et selon les
services. Il a, par ailleurs, précisé que l'AMF avait mis en
place une procédure de conseil aux élus sur les
délégations de services publics et la gestion de l'eau.
Puis,
M. Gilles Carrez
a fait observer que le contrôle de
légalité pouvait être tatillon sur certains aspects de la
gestion locale et au contraire ne pas se préoccuper d'autres aspects
pourtant tout à fait importants de cette gestion. Il a en outre
relevé que le contrôle de légalité était
très variable d'une préfecture à l'autre.
Tout en émettant des doutes sur les possibilités
d'améliorer ce dispositif,
M. Gilles Carrez
a néanmoins
jugé possible, afin de promouvoir une fonction de conseil aux
élus, de réunir des compétences dans les domaines
financiers, budgétaires ou juridiques. Considérant qu'il serait
difficile de confier la gestion de ce pôle de compétences à
un organisme chargé du contrôle juridictionnel, il a estimé
qu'il serait logique de le rattacher aux préfets.
S'agissant du rôle des associations d'élus pour conseiller les
collectivités locales,
M. Gilles Carrez
a indiqué que
l'AMF était susceptible de donner des informations sur tel ou tel aspect
de la gestion locale mais qu'en revanche, il lui était plus difficile de
développer un pôle de réflexion multicompétent.
Estimant que les compétences qui existaient au sein des administrations
centrales pour assurer une mission de conseil aux élus locaux
étaient souvent mal utilisées, il a proposé de
déconcentrer ces compétences au niveau départemental ou
régional.
Soulignant à nouveau l'intérêt d'un développement de
l'audit interne aux collectivités locales,
M. Gilles Carrez
a
relevé que le débat d'orientation budgétaire qui avait
été prévu par la loi d'orientation du 6 février
1992 pouvait favoriser cette recherche d'une meilleure qualité de la
gestion. Il a en outre fait valoir que la dimension pluriannuelle et
prévisionnelle devrait être davantage prise en compte.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
a alors estimé qu'il serait
difficile de concilier au sein des chambres régionales des comptes
à la fois la mission de délivrer des avis préalables et
celle de rendre des jugements sur les comptes. Il s'est donc interrogé
sur une solution consistant à mettre en place des pôles de
compétences sous la responsabilité des préfets et en
liaison avec les associations d'élus. Il a également
relevé à son tour la possibilité pour les
collectivités locales de recourir aux services de professionnels
extérieurs.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a rappelé que le rapport
d'information établi par M. Daniel Hoeffel au nom du groupe de
travail de la commission des lois sur la décentralisation avait
souligné les insuffisances actuelles du contrôle de
légalité.
Il s'est en outre interrogé sur l'instauration d'un délai de
" neutralité " ayant pour objet de prohiber la
délivrance de lettres d'observations définitives à
l'approche d'une échéance électorale. Il a souhaité
savoir si, lors des dernières consultations, des élus locaux
avaient eu à se plaindre d'une utilisation de ces lettres d'observations
définitives à des fins purement électorales.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
s'est enfin demandé si la
sanction automatique de la gestion de fait par l'inéligibilité
n'était pas excessive.
En réponse,
M. Gilles Carrez,
après avoir indiqué
qu'il n'avait pas recensé de plaintes d'élus locaux à
raison de la communication d'observations définitives des chambres
régionales des comptes à l'approche des dernières
élections municipales, a néanmoins craint que le problème
ne se pose à l'occasion des prochaines élections municipales. Il
a en conséquence souhaité l'institution d'un délai d'une
durée minimale de six mois pendant lequel serait interdite la
communication d'observations définitives des chambres régionales
des comptes.
S'agissant de la gestion de fait,
M. Gilles Carrez
a fait valoir que le
caractère automatique de la sanction de l'inéligibilité
était excessif. Il a en effet relevé que dans un certain nombre
de cas la gestion de fait était involontaire.
M.
Camille VALLIN
Président de la Fédération nationale
des sociétés d'économie mixte (FNSEM)
M. Maxime PETER
Directeur général
Mardi 1
er
juillet 1997
A titre
liminaire,
M. Camille Vallin
a rappelé que la loi du 7 juillet
1983 qui organise le fonctionnement des sociétés
d'économie mixte (SEM), avait été adoptée à
l'unanimité par le Parlement et que les SEM étaient
présidées par des élus de toutes tendances politiques.
M. Camille Vallin
a ensuite indiqué que les SEM étaient
des sociétés anonymes soumises à la loi du 24 juillet
1966, et qu'elles dérogeaient à ce droit commun par plusieurs
règles particulières issues de la loi du 16 juillet 1983,
lesquelles règles découlaient de la participation majoritaire des
collectivités locales à leur capital et concouraient à
garantir l'actionnaire public.
Soulignant l'importance et la vitalité des SEM dans le secteur public
local,
M. Camille Vallin
a indiqué qu'il existait 1.400 SEM
réparties dans trois grands secteurs d'activité : la gestion
des services publics locaux (46 %), la construction et la gestion
immobilière (27 %), l'aménagement et le développement
économique (27 %).
Il a précisé que les SEM étaient à l'origine de
55.000 emplois directs dont 20.000 créés depuis 1983 et qu'elles
disposaient de 10 milliards de capitalisation. Il a en outre relevé
qu'elles avaient créé 500.000 logements sociaux ou
intermédiaires et qu'elles réalisaient 18 milliards
d'investissements annuels dans l'aménagement urbain.
M. Camille Vallin
a fait observer qu'entreprises publiques locales, les
SEM étaient logiquement soumises au contrôle des chambres
régionales des comptes. Il a relevé que ce contrôle
était déclenché soit par saisine préfectorale ou
territoriale, soit, le plus fréquemment, à l'initiative de la
chambre régionale des comptes elle-même.
Soulignant que ces contrôles étaient de plus en plus
fréquents et faisaient ainsi des SEM une cible privilégiée
des chambres régionales des comptes,
M. Camille Vallin
a
précisé qu'en 1995 sur 960 lettres d'observations
définitives, 88 avaient porté sur des SEM.
Après avoir indiqué que sa fédération avait
étudié le contenu des observations définitives
formulées par les chambres régionales des comptes sur les SEM,
afin de recommander à ses adhérents les mesures de
prévention requises, il a indiqué qu'elle avait également
analysé les difficultés rencontrées par les SEM lors de
ces contrôles.
Présentant ces difficultés,
M. Camille Vallin
a tout
d'abord fait observer que les contrôles des chambres régionales
des comptes étaient plus larges que l'examen de la
régularité des opérations, mais qu'ils ne pouvaient, en
principe, consister dans une appréciation de l'opportunité des
décisions et des objectifs stratégiques des organismes
contrôlées.
Après avoir rappelé que les dispositions de la loi du 5 janvier
1988 d'amélioration de la décentralisation étaient sans
ambiguïté sur ce point, il a néanmoins fait valoir
qu'à l'épreuve des faits les frontières entre le
contrôle de gestion et le contrôle de l'opportunité
n'étaient pas clairement délimitées. Il a ainsi fait
observer que les chambres régionales des comptes s'interrogeaient
très fréquemment sur l'utilité du recours à des SEM
parce qu'elles considéraient en général que la gestion
directe selon les règles du droit public (en régies ou en
établissements publics) offrait plus de sécurité, sinon
d'efficacité, que la gestion déléguée.
Considérant que cette dérive devait être stoppée,
M. Camille Vallin
a suggéré que la Cour des Comptes et les
chambres régionales des comptes proposent, dans le cadre d'un code
déontologie, des critères objectifs d'appréciation ainsi
qu'une procédure d'appel devant la Cour des Comptes lorsqu'un organisme
contrôlé constaterait qu'une chambre régionale a
outrepassé ses compétences.
Puis abordant la question du caractère contradictoire de la
procédure de contrôle,
M. Camille Vallin
a fait valoir
qu'il serait normal que l'audition préalable à la séance
de la chambre, qui approuve les observations provisoires d'un dirigeant de la
SEM contrôlée, devienne obligatoire et que cette audition fasse
l'objet d'un procès-verbal communiqué à la personne
entendue par la chambre régionale. Il a, par ailleurs, souhaité
que les observations ne puissent être arrêtées
définitivement avant que l'organisme contrôlé n'ait
été en mesure d'y répondre par écrit.
S'intéressant enfin à la question de la publicité des
lettres d'observations définitives,
M. Camille Vallin
a
estimé qu'une adaptation des règles en vigueur était
urgente face à la médiatisation croissante de la
société. Il a ainsi fait observer que les lettres d'observations
définitives, bien que ne faisant pas grief sur le plan juridique,
apparaissaient comme une véritable sentence dont l'impact sur l'opinion
publique pouvait jeter le discrédit sur un élu, sur un projet ou
sur une structure, alors même que les irrégularités
soulevées par la chambre régionale des comptes pouvaient
être de pure forme et ne justifiaient pas, en tout état de cause,
que la probité ou la compétence des élus soient mises en
cause.
Puis, considérant que l'existence d'un contrôle a posteriori des
finances locales, gage d'une bonne démocratie, ne devait pas conduire
à créer un climat de défiance entre les citoyens et les
élus locaux,
M. Camille Vallin
a souhaité la mise en place
de mesures visant à mieux garantir les principes de la procédure
contradictoire et les droits de la défense.
Il a, en premier lieu, plaidé pour que les lettres d'observations
provisoires soient confidentielles car elles étaient couvertes par le
secret professionnel et leur divulgation apparaissait prématurée
en l'absence de réponse de la personne concernée.
Il a, en second lieu, proposé que dans le cas où une lettre
d'observations provisoires serait néanmoins publiée, une
procédure systématique de plainte conjointe de la chambre et de
la collectivité locale, qui aurait un effet suspensif sur la diffusion
des observations, soit envisagée.
Par ailleurs,
M. Camille Vallin
a considéré qu'à
l'instar du rapport annuel de la Cour des Comptes, une lettre d'observations
définitives devrait, pour devenir communicable, reprendre les
réponses définitives de l'exécutif territorial aux
observations provisoires de la chambre.
Enfin,
M. Camille Vallin
a souhaité qu'une harmonisation soit
réalisée dans les pratiques des différentes chambres
régionales des comptes pour ce qui est de la publication d'un rapport
annuel de synthèse.
M. Jacques Oudin, rapporteur
, après avoir relevé la
diversité des SEM, a souhaité savoir si celles-ci avaient
développé des procédures de contrôle interne de leur
gestion.
Il s'est par ailleurs demandé si les observations formulées par
les chambres régionales des comptes, au moment du jugement des comptes,
n'apparaissaient pas trop tardives pour remédier à
d'éventuels dysfonctionnements.
En réponse,
M. Camille Vallin
a indiqué que sa
fédération avait élaboré un code de
déontologie des SEM et qu'une commission de déontologie examinait
les mesures à prendre pour celles d'entre elles qui ne respecteraient
pas les règles contenues dans ce code. Il a, en outre
précisé, que les SEM pouvaient adhérer à une
procédure d'auto-contrôle mise en place par la
fédération et que désormais l'adhésion à
celle-ci entraînait automatiquement l'adhésion à cette
procédure.
M. Camille Vallin
a en outre fait valoir que la FNSEM avait
réalisé de gros efforts de formation à destination des
élus et des personnels des SEM, notamment par l'organisation de stages.
Il a indiqué que des vérifications étaient faites,
notamment au regard des règles déontologiques, sur le
fonctionnement des SEM qui demandaient d'adhérer à la
fédération.
Après avoir souligné que la FNSEM insistait auprès de ses
adhérents sur les conditions de création des SEM, il a
indiqué qu'elle avait mis en place un observatoire national sur le
fonctionnement des SEM d'aménagement qui informait notamment celles-ci
sur les normes nationales à respecter. Il a relevé
également l'existence d'un observatoire des SEM de services.
Puis
M. Camille Vallin
a précisé que la FNSEM souhaitait
une adaptation du dispositif issu de la loi du 7 juillet 1983.
Soulignant que la législation relative aux SEM était complexe,
M. Camille Vallin
a fait observer que les chambres
régionales des comptes ne faisaient pas toujours la différence
nécessaire parmi les règles applicables entre celles relevant du
droit public et celles de droit privé, en privilégiant nettement
les premières sur le secondes.
M. Camille Vallin
a par ailleurs précisé que les SEM
souhaitaient une clarification de leurs relations financières avec les
collectivités locales.
Enfin, s'agissant du contrôle des SEM par les collectivités
locales, il a souhaité que le compte rendu d'activité annuel soit
désormais obligatoirement adopté par l'assemblée
délibérante de la collectivité concernée.
M. Maxime Peter, directeur général de la FNSEM
, a
indiqué que la fédération avait mis au point des guides
méthodologiques à destination de ses adhérents.
Il a précisé que deux guides de comptabilité
étaient destinés aux SEM immobilières et aux SEM
d'aménagement afin de faciliter les contrôles de l'actionnaire et
permettre à celui-ci d'évaluer les risques qu'il prenait. Il a
relevé que ces guides soulignaient les obligations de communication et
de contrôle qui étaient imposées aux SEM. Il a ainsi fait
valoir que les SEM étaient très contrôlées
puisqu'elles cumulaient des contrôles résultant du droit public
avec ceux résultant du droit privé.
Puis, soulignant à son tour la complexité du droit applicable aux
SEM,
M. Maxime Peter
a fait observer que la jurisprudence
était confuse, notamment pour ce qui était des relations entre la
SEM et la collectivité actionnaire.
Après avoir relevé que chaque chambre régionale des
comptes établissait sa propre doctrine en fonction de laquelle elle se
prononçait,
M. Maxime Peter
a regretté
l'hétérogénéité des observations
présentées par les chambres régionales des comptes.
Répondant à
M. Jacques Oudin, rapporteur
, le rapporteur
général de la fédération a précisé
que les guides méthodologiques proposaient en matière de
communication et de contrôle des formules types, en particulier pour
l'élaboration d'un rapport de synthèse qui reprenait l'ensemble
des obligations de communication. Il a fait observer que les mesures de
contrôle interne conseillées par la FNSEM étaient bien
comprises par les SEM.
M. Robert Pagès,
faisant part de ses réserves sur une
telle procédure, a souhaité connaître la position de la
fédération sur l'idée de permettre une saisine
préalable des chambres régionales des comptes par les
collectivités locales.
En réponse,
M. Camille Vallin
, après avoir souligné
la volonté de transparence et de compréhension réciproque
qui animait les SEM, a néanmoins considéré qu'une telle
procédure risquerait d'aboutir au rétablissement du
contrôle a priori.
M. Maxime Peter
a estimé que cette procédure reviendrait
à faire jouer par les chambres régionales des comptes, à
la fois le rôle du juge et celui de la partie mise en cause, les chambres
risquant en outre d'être liées par l'avis préalable
qu'elles auraient délivré.
Faisant néanmoins valoir que les SEM avaient besoin d'une assistance
pour la mise en place de procédures de contrôle interne,
M.
Maxime Peter
a considéré que les chambres régionales
des comptes pourraient jouer un rôle utile dans la mise en place de
telles procédures.
M. Jean-Paul Amoudry
,
président
, a souhaité que le
groupe de travail puisse avoir communication d'exemples de contrôles
opérés par les chambres régionales des comptes sur les SEM
qui paraîtraient relever de la pure opportunité.
Il s'est en outre demandé si les collectivités locales
disposaient de moyens suffisants pour contrôler les SEM et
apprécier les risques financiers qu'elles encouraient.
En réponse,
M. Camille Vallin
a de nouveau souligné que
plusieurs chambres régionales des comptes semblaient mettre en cause
purement et simplement le principe même d'un recours à la formule
de la SEM.
S'agissant du contrôle opéré par les collectivités
locales, il a estimé que le dispositif actuel n'était pas
satisfaisant. Il a, en conséquence, renouvelé sa proposition
tendant à ce que les collectivités locales approuvent le compte
rendu d'activité des SEM.
M. Maxime Peter
, revenant sur la frontière entre le
contrôle de gestion et le contrôle d'opportunité, a
considéré qu'il pourrait être difficile de délimiter
précisément les cas dans lesquels la chambre régionale des
comptes, excédant ses compétences, une procédure d'appel
devant la Cour des Comptes devrait pouvoir être mise en oeuvre.
Il a suggéré que les comptes rendus annuels d'activité des
SEM soient non seulement approuvés par la collectivité locale
mais en outre certifiés par le commissariat aux comptes de la SEM.
En réponse à
M. Jean-Paul Amoudry
,
président
, qui souhaitait savoir quelle avait été
la place de la question des contrôles dans la concertation mise en oeuvre
par le précédent Gouvernement sur une réforme de la loi du
7 juillet 1983,
M. Maxime Peter
a indiqué que la question des
relations financières entre la collectivité locale et la SEM
avait eu une place importante dans cette concertation et que les propositions
formulées par la FNSEM avaient reçu un accueil favorable. Il a
précisé que le nouveau Gouvernement avait été saisi
de ces propositions.
M.
Pierre ROCCA
Conseiller à la chambre régionale des comptes de
Provence-Alpes-Côte d'Azur
Président de l'association
professionnelle des magistrats de chambres régionales des comptes
M. Dominique DELARUE
Conseiller à la chambre régionale des
comptes de Bourgogne
Mardi 1
er
juillet 1997
M.
Pierre Rocca
a, tout d'abord, souligné la très forte
représentativité de l'association professionnelle des magistrats
de chambres régionales des comptes, à laquelle adhèrent
plus de 80 % des 320 magistrats effectivement en fonction au sein des
juridictions financières.
Puis, il a rappelé que le corps des magistrats de chambres
régionales des comptes avait été constitué
très rapidement après la création des chambres
régionales des comptes en 1982.
A cet égard, il a souligné que le recrutement initial des
magistrats avait été caractérisé par l'importance
du nombre de fonctionnaires en provenance de la direction de la
comptabilité publique et plus largement des directions du
ministère des finances.
M. Pierre Rocca
a ensuite indiqué que ce recrutement
s'était depuis lors diversifié et que plus de 20 % des effectifs
du corps des magistrats de chambres régionales des comptes était
aujourd'hui issu de l'école nationale d'administration. Sur ce point, il
a enfin noté que l'évolution de l'origine professionnelle des
magistrats de chambres régionales des comptes avait permis au corps de
passer d'une "monoculture comptabilité publique" à une culture
juridique et financière variée qui constituait une richesse
à préserver.
M. Pierre Rocca
a ensuite indiqué que l'action des chambres
régionales des comptes était très largement reconnue et
appréciée tant par les citoyens que par les élus.
Il a cependant admis que l'exercice de la mission du contrôle financier
s'exerçait dans un contexte général de "complexification"
du droit dont la portée dépassait largement les seules
juridictions financières.
S'agissant de la mise en oeuvre par les chambres de leurs pouvoirs,
M. Pierre Rocca
a insisté sur la spécificité
que constituait l'autosaisine de plein droit des comptes publics suivie de
jugements ou d'observations publiques faisant suite à un examen de la
gestion, qui débouchent par nature sur la mise en évidence de
certaines irrégularités ou défaillances.
M. Pierre Rocca
a estimé que de tels pouvoirs exigeaient, de la
part des magistrats chargés de les exercer, "compétence,
probité et impartialité". Il a précisé que ces
pouvoirs étaient mis en oeuvre avec pondération et que l'exercice
du contrôle financier avait largement dépassé les "erreurs
de jeunesse" qui lui avaient été reprochées en 1987.
M. Pierre Rocca
a ensuite constaté que la prolifération
des normes et l'insuffisante formation juridique des élux locaux
étaient souvent à l'origine des problèmes
rencontrés. A cet égard, il a noté que l'exercice du
contrôle de légalité se heurtait à de réelles
difficultés.
Il a ensuite relevé le problème posé par l'absence de
structures intercommunales habilitées à fournir un conseil
juridique. Sur ce point, il a souligné l'échec que
représentait l'absence de mise en oeuvre de l'article 32 de la loi du 2
mars 1982 qui permettait de créer des agences départementales
chargées d'apporter aux collectivités locales du
département une assistance d'ordre technique, juridique ou financier.
Admettant l'existence de l'important besoin de sécurité juridique
des élus locaux,
M. Pierre Rocca
a précisé que les
différentes modifications envisageables n'étaient pas
nécessairement de nature législative.
S'agissant des missions dévolues aux chambres régionales des
comptes,
M. Pierre Rocca
a tout d'abord noté que la
tâche "historique" du jugement des comptes pouvait être
modernisée, mais qu'elle n'était pas en elle-même une
source de difficultés. Il a cependant noté qu'un consensus
semblait se dégager au sujet d'une suppression éventuelle du
caractère automatique de la sanction d'inéligibilité
applicable en cas de gestion de fait. Il a cependant précisé que
cette sanction ne s'appliquait qu'en l'absence de régularisation dans un
délai de six mois, tout en admettant que ce délai d'apurement
s'avérait souvent insuffisant.
S'agissant de l'examen de la gestion,
M. Pierre Rocca
a souligné
que cette mission constituait un héritage en provenance de la Cour des
Comptes. Il a souligné que l'exercice de cette mission constituait un
apport fondamental pour la démocratie locale puisqu'elle
répondait à l'attente des citoyens en contribuant à
accroître la transparence de la gestion publique locale.
M. Pierre Rocca
a cependant précisé que cette mission ne
pouvait s'exercer sans que de larges garanties soient reconnues aux personnes
concernées par l'examen de la gestion, tout en soulignant que cet examen
ne constituait pas une procédure juridictionnelle.
S'agissant de la mise en oeuvre de l'examen de la gestion,
M. Pierre
Rocca
a tout d'abord souligné la nécessité pour les
chambres régionales des comptes de pouvoir garantir une
égalité de traitement entre les différentes
collectivités. Il a souligné qu'un important effort avait
été engagé à cette fin par la Cour des Comptes et
qu'une commission des méthodes avait été chargée de
veiller à l'harmonisation des procédures d'investigation. Puis,
il a noté que la hiérarchie existant au sein du ministère
public constituait un gage pour l'unité de la "jurisprudence" des
juridictions financières locales. Il a ajouté que cet effort
d'unification se traduisait aussi par la conduite d'enquêtes
"inter-chambres". Il a cependant admis que de nombreux progrès restaient
encore à accomplir pour compléter cet effort d'harmonisation. Il
a noté que ces progrès seraient favorisés par un
renforcement de la formation des magistrats et par le développement de
la concertation entre les juridictions financières locales.
M. Pierre Rocca
a ensuite relevé que les seuils introduits par la
loi du 5 janvier 1988 n'avaient pas été
révisés depuis le vote de ce texte. Il a précisé
que de ce fait sur les 32.000 communes qui avaient été, à
l'époque, soustraites à la juridiction des chambres
régionales des comptes pour être soumises à l'apurement
administratif exercé par les trésoriers payeurs
généraux, seules 29.000 relevaient de cette dernière
procédure.
Il a, par ailleurs, relevé qu'un certain nombre de comptabilités,
comme celles des 19.000 associations foncières rurales et associations
syndicales agricoles et des 8.000 établissements publics d'enseignement,
continuaient à relever du contrôle des chambres régionales
des comptes sans que leur importance ne le justifie.
M. Pierre Rocca
a ensuite analysé le contrôle
budgétaire, dernière mission exercée par les chambres
régionales des comptes. Il a souligné que ce contrôle
constituait une contrepartie naturelle de la décentralisation et a
précisé qu'il s'exerçait de façon "contemporaine"
par rapport au vote du budget des collectivités locales. Il a
relevé que cette mission s'était enrichie puisque son exercice
dépassait les limites du seul contrôle budgétaire pour
s'approcher d'une mission d'audit permettant aux chambres de donner un avis aux
préfets sur les conventions de marché et de
délégation de service public.
S'agissant de l'extension aux collectivités locales des facultés
de saisine pour avis des chambres régionales des comptes ouvertes aux
préfets,
M. Pierre Rocca
a relevé l'existence d'un certain
"consensus administratif". Il a cependant relevé la difficulté
qui pourrait exister à déterminer la nature de l'autorité
qui pourrait prendre l'initiative de cette saisine, selon qu'il s'agisse de
l'assemblée délibérante ou de l'ordonnateur.
Il a ensuite insisté sur la nécessité de délimiter
précisément les domaines dans lesquels cette fonction
consultative des chambres régionales des comptes pourrait s'exercer. Il
a souhaité que cette fonction corresponde au domaine d'expertise des
chambres et porte notamment sur les montages complexes, sur les marchés
d'entreprise de travaux publics ou encore sur les délégations
pour recouvrement de recettes par des tiers.
Il a considéré qu'une mission de conseil plus large des chambres
régionales des comptes n'était "ni souhaitable" ni "possible",
tout en reconnaissant que les chambres fournissaient souvent un "conseil de
proximité" informel. A cet égard,
M. Pierre Rocca
a
rappelé que les collectivités locales pouvaient aussi solliciter
des conseils tant auprès des sous-préfets que des comptables du
Trésor.
Par ailleurs, il a insisté sur les difficultés que pourrait
soulever, au regard du droit européen, le fait de confier à une
institution de contrôle des tâches relevant d'une fonction de
conseil. Enfin,
M. Pierre Rocca
a souligné que pour être
efficace, la fonction de conseil devait être pluridisciplinaire et
qu'elle dépassait, en conséquence, le rôle des seules
chambres régionales des comptes. A cette fin, il a suggéré
la création d'un organisme spécifique rattaché au
préfet de région qui serait chargé de cette fonction de
conseil et qui devrait rester indépendant du contrôle de
légalité et du contrôle budgétaire.
S'agissant ensuite de la procédure,
M. Pierre Rocca
a
souligné qu'une trop grande complexité serait de nature à
paralyser l'activité des chambres régionales des comptes. Il a
cependant admis qu'un certain nombre d'améliorations étaient
souhaitables. A cet égard, il a insisté sur
l'intérêt du renforcement de la collégialité des
décisions au sein de chaque chambre qui pourrait notamment être
étendue au choix de la programmation des travaux de la juridiction.
Il a, par ailleurs, estimé qu'il serait possible de confier aux
présidents de section ou aux commissaires du Gouvernement un rôle
plus systématique de contre-rapporteur, prenant ainsi exemple sur le
modèle de la Cour des Comptes.
En réponse à
M. Jacques Oudin
,
rapporteur
, le
président de l'association professionnelle des magistrats de chambres
régionales des comptes a noté qu'il existait un assez large
recoupement entre les préoccupations du groupe de travail et les pistes
de réflexion qu'il avait abordées dans son exposé.
S'agissant de l'éventuelle redéfinition du ressort territorial
des chambres régionales des comptes,
M. Pierre Rocca
a
indiqué qu'il n'y voyait pas d'obstacle de principe à l'exception
du mécontentement que pourrait susciter la suppression des juridictions
dans certaines circonscriptions.
S'agissant du statut des magistrats de chambres régionales des comptes,
M. Pierre Rocca
a insisté sur la nécessité de
renforcer les moyens humains, ainsi que la formation au sein des juridictions
financières. Sur ce point, il a relevé que toutes les
dispositions tendant à renforcer le caractère contradictoire de
la procédure seraient de nature à allonger la durée des
travaux des chambres régionales des comptes .
En ce qui concerne le respect de la confidentialité au cours d'un examen
de la gestion d'une collectivité locale,
M. Pierre Rocca
a fait
remarquer que certains aspects de la procédure pouvaient constituer des
"failles", qu'il s'agisse de l'obligation de communiquer à toute
personne mentionnée les extraits des lettres d'observations provisoires
qui les concernent ou du principe de la transmission de cette lettre, tant
à l'ordonnateur actuel qu'à celui qui était en fonction au
moment des faits.
M. Dominique Delarue, conseiller
à la
chambre régionale
des comptes
de
Bourgogne
, a pour sa part
relevé les
deux grandes tendances qui s'étaient dégagées des travaux
du colloque organisé par la Cour des Comptes, le vendredi 27 juin 1997 :
d'une part, le sentiment d'insécurité juridique
éprouvé par les élus, et, d'autre part, le manque de
contrôle de gestion interne des collectivités locales. Sur ce
dernier point, il a signalé que la suppression des "comptables internes"
des collectivités locales avait été décidée
par la loi du 14 septembre 1941. Il a ensuite regretté la faible
implication du réseau de la comptabilité publique dans le conseil
aux collectivités locales. Il a ensuite souligné que la
quasi-totalité des lettres d'observation définitives
étaient de nature à rendre service aux élus et que ce
rôle s'apparentait à un audit informel exercé au
bénéfice des collectivités locales. Il a enfin
souligné qu'il convenait de relativiser les difficultés qui
avaient pu surgir à l'occasion de l'examen de la gestion.
M. Yann Gaillard
a pour sa part souligné les difficultés
spécifiques rencontrées par le contrôle financier dans les
DOM-TOM. Il s'est, par ailleurs, inquiété de la
sévérité relative des chambres régionales des
comptes dans l'exercice de la mise en débet.
En réponse,
M. Pierre Rocca
a reconnu les difficultés
particulières rencontrées dans les DOM-TOM, puis il a
souligné qu'il n'y avait que 200 jugements de mise en débet pour
66.000 comptes rendus sur les comptes. Il a précisé que
l'exercice de ce pouvoir avait une vocation "pédagogique". Il a enfin
suggéré une "piste" pour la modernisation du jugement des comptes
en suggérant de substituer des amendes, dont le montant est forfaitaire,
au débet dont le montant est proportionnel à la faute.
M.
Michel GONNET
Directeur de la comptabilité publique au
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie
Mardi 16 septembre 1997
M.
Michel Gonnet
a tout d'abord rappelé que les relations du
réseau de la comptabilité publique avec les chambres
régionales des comptes se situaient quasi exclusivement sur le terrain
juridictionnel.
A cet égard, il a précisé que ses services
n'étaient pas impliqués dans les domaines du contrôle
budgétaire et de l'examen de la gestion. Il a indiqué cependant
que les comptables publics étaient tenus de déférer aux
demandes qui leur étaient adressées par les magistrats des
chambres régionales des comptes, qu'il s'agisse des statistiques
concernant les finances locales ou d'éléments d'information
objectifs sur la situation financière d'une collectivité.
M. Michel Gonnet
a ensuite traité de l'apurement administratif
des comptes auquel sont soumises la plupart des communes.
Sur ce point, il a rappelé que la loi du 5 janvier 1988 avait
confié cette compétence aux comptables supérieurs du
Trésor que sont les trésoriers payeurs généraux et
les receveurs particuliers des finances pour les comptes des communes et des
groupements de communes dont la population n'excède pas
2.000 habitants et dont le montant des recettes ordinaires figurant au
dernier compte administratif est inférieur à 2 millions de
francs.
Soulignant que l'exercice de cette compétence excluait toute approche
subjective, il a considéré que la réforme
opérée en 1988 avait institué un partage des tâches
adapté à la réalité entre les comptables
supérieurs du Trésor et les chambres régionales des
comptes, sous réserve du droit d'évocation dont disposent ces
dernières.
M. Michel Gonnet
a ensuite décrit la mise en état d'examen
des comptes des collectivités locales par les comptables publics,
rappelant qu'il s'agissait là d'une activité administrative
destinée à vérifier le respect des règles formelles
de présentation, la régularité et la
sincérité des comptes ainsi que la cohérence entre le
compte de gestion et le compte administratif.
A cet égard,
M. Michel Gonnet
a souligné que les
32.000 comptes en provenance du secteur public local représentaient
près du tiers des comptes déposés rendus par les
comptables du secteur public local appartenant au réseau de la
comptabilité publique. Il a précisé que la gestion du
secteur public local représentait un enjeu stratégique pour sa
direction, dont elle constituait 50 % de la charge de travail, fondant
ainsi l'existence du service public financier de proximité.
Puis, il a indiqué que les critères de répartition des
compétences entre les chambres régionales des comptes et les
comptables publics méritaient d'être actualisés, et en
particulier le critère du seuil monétaire en deçà
duquel une commune ou un groupement de communes relève de l'apurement
administratif, fixé à 2 millions de francs en 1988 et non
révisé depuis cette date.
Sur ce point, il a précisé que près de
600 collectivités entraient, chaque année, dans le champ de
compétence des chambres régionales des comptes, entraînant
ainsi un recul significatif de l'étendue de l'apurement administratif
souhaité par le législateur en 1988.
M. Michel Gonnet
a ensuite souligné l'aspect juridictionnel de
l'apurement administratif indiquant que ce dernier était
caractérisé par la recherche d'une unité de doctrine et
possédait un caractère préventif.
A cet égard, il a insisté sur la volonté des comptables
publics d'éviter des erreurs dans des domaines tels que les restes
à recouvrer, les admissions en non-valeur, les marchés publics ou
les subventions.
Abordant les sanctions de l'apurement administratif,
M. Michel Gonnet
a
rappelé qu'en cas d'irrégularité grave, la
responsabilité des comptables locaux pouvait se trouver engagée.
Il a cependant précisé que, sur les 40.000 observations
adressées chaque année par les comptables supérieurs du
Trésor aux comptables locaux, seules 2.000 d'entre elles
contenaient des injonctions et que les arrêts de charge provisoire
s'avéraient extrêmement rares.
Par ailleurs, il a souligné le caractère pragmatique du
contrôle exercé sur les comptes des plus petites communes. Puis,
il a rappelé qu'avec 55.000 agents répartis dans
4.000 postes comptables, la densité du réseau de la
comptabilité publique favorisait l'exercice d'un rôle de conseil
auprès des collectivités locales.
Insistant sur le caractère hiérarchique de l'administration de la
comptabilité publique et sur l'application de normes précises par
celle-ci,
M. Michel Gonnet
a relevé que les
dysfonctionnements et les lacunes, mis en évidence par l'apurement
administratif, débouchaient sur des actions de fond destinées
à remédier à ces problèmes et notamment sur une
politique de formation associant le cas échéant les
fonctionnaires de la comptabilité publique et les agents des
collectivités locales.
Il a, en outre, indiqué que la direction de la comptabilité
publique entretenait d'excellentes relations avec la direction
générale des collectivités locales du ministère de
l'intérieur. Puis il a souligné que l'apurement administratif
était mis en oeuvre en synergie avec les chambres régionales des
comptes, dont il a rappelé qu'elles disposaient d'un droit
d'évocation sur l'ensemble des comptes locaux. Il a par ailleurs
signalé qu'un "cadrage" des règles et modalités du
contrôle juridictionnel et, par conséquent, de l'apurement
administratif était déterminé chaque année entre
les trésoriers payeurs généraux et les présidents
de chambres régionales des comptes.
Abordant ensuite l'évolution des relations entre le juge financier et
les comptables au niveau local depuis 1982,
M. Michel Gonnet
a tout
d'abord relevé que le "positionnement initial" des comptables publics
avait été "difficile" en raison, notamment, du prononcé
d'amendes par les chambres régionales des comptes à l'encontre
des comptables publics pour retard dans la date de dépôt des
comptes. Il a indiqué, par ailleurs, qu'une divergence
d'appréciation avait existé sur l'étendue de la
responsabilité des comptables publics, celle-ci se limitant pour la
comptabilité publique au contrôle des comptes, tandis que
certaines chambres régionales des comptes estimaient souvent
nécessaire que les comptables procèdent à des
vérifications supplémentaires des dépenses qui participent
en réalité de l'exercice du contrôle de gestion.
A cet égard,
M. Michel Gonnet
a noté que depuis le
rétablissement de l'apurement administratif pour les petites communes,
les relations entre les comptables publics et les chambres régionales
des comptes étaient devenues plus sereines, en raison notamment de
l'intervention de la Cour des Comptes qui avait contribué à
clarifier la situation en infirmant plusieurs décisions des chambres
régionales des comptes concernant la responsabilité des
comptables et en stabilisant ainsi la jurisprudence des chambres en la
matière.
M. Michel Gonnet
a ensuite insisté sur l'importance du rôle
préventif du contrôle des comptes, dont il a souligné la
nécessité, tout en ajoutant que ce dernier aurait pu être
organisé selon d'autres modalités à l'époque du
vote des lois de décentralisation.
M. Michel Gonnet
a alors soulevé deux questions susceptibles de
faire l'objet d'améliorations.
A cet égard, il a tout d'abord signalé l'existence d'une
revendication de certains comptables destinée à obtenir un
assouplissement du régime de leur responsabilité à
laquelle il a déclaré ne pas souscrire. Puis, il a
évoqué le problème du débet sans préjudice
qui intervient lorsque des paiements sans pièces justificatives
suffisantes sont relevés.
Sur ce point, il a indiqué qu'il existait une difficulté pour
déterminer la notion de préjudice et qu'une modification de
nature législative pourrait être envisagée afin de
clarifier cette notion.
Répondant aux questions de
M. Jacques Oudin, rapporteur
, sur les
conséquences de la nouvelle instruction budgétaire et comptable
M. 14,
M. Michel Gonnet
a indiqué que ce nouveau cadre avait
impliqué un renouvellement de l'ensemble des bases du contrôle
exercé par les comptables publics.
Après avoir insisté sur la volonté de la direction de la
comptabilité publique de veiller à l'unité de la doctrine
du contrôle dans l'ensemble du réseau,
M. Michel
Gonnet
a indiqué que des outils informatiques d'analyse de la
"gestion M. 14" avaient été développés.
M. Jacques Oudin, rapporteur
, s'est interrogé sur la
possibilité pour les collectivités locales d'utiliser ces
logiciels d'analyse de gestion et sur leur contribution potentielle au dialogue
entre les comptables publics et les gestionnaires locaux.
Réservé sur l'utilité pour les collectivités
locales de disposer du logiciel d'analyse financière conçu par la
comptabilité publique, il a souligné que les études
réalisées par ses services étaient systématiquement
mises à la disposition des élus accompagnées des
explications nécessaires.
M. Michel Gonnet
a, par ailleurs,
rappelé que les comptables devaient donner aux décideurs locaux
des informations financières fiables et récentes, mais en aucun
cas se substituer aux ordonnateurs.
S'agissant du contrôle de gestion interne des collectivités
locales, le directeur de la comptabilité publique a souligné que
les grandes collectivités disposaient en général de
services financiers compétents et efficaces.
Notant qu'au sein des petites collectivités, dont la population est
comprise entre 2.000 et 5.000 habitants, il était possible de concevoir
quelques opérations simples de contrôle interne ; il a, en
revanche, souligné que des progrès dans ce domaine étaient
possibles au sein des villes moyennes.
S'agissant de l'amélioration des prestations de Conseil assurées
par les comptables publics,
M. Michel Gonnet
a souligné que
celle-ci s'appuierait sur une meilleure synergie entre les trois niveaux de
gestion du secteur public local (trésorier municipal - service
départemental - ou d'arrondissement des collectivités locales -
département des études économiques et financières
de la trésorerie générale de région) et la
rénovation des missions et de l'implantation des recettes des finances.
Par ailleurs, il a évoqué la création d'un pôle
d'expertise économique et financière au niveau
régional : la mission d'expertise économique et
financière qui fédère les compétences des
administrations financières.
M. Jean-Paul Amoudry, président
, s'est ensuite interrogé
sur les enseignements éventuels qui pourraient être tirés
de ces bonnes relations entre comptables publics et gestionnaires locaux pour
la réflexion sur l'action des chambres régionales des comptes.
M. Michel Gonnet
a, tout d'abord, répondu qu'un important
travail de pédagogie et d'information réciproque était
nécessaire, tout en soulignant la nécessité qu'un minimum
de règles communes soit applicable à l'ensemble des chambres
régionales des comptes.
S'agissant enfin de l'attribution d'une fonction de conseil aux chambres
régionales des comptes, le directeur de la comptabilité publique
a considéré qu'elle ne lui paraissait pas souhaitable en raison
d'une part, des moyens limités de ces juridictions et, d'autre part, du
contestable "mélange des genres" qui résulterait de l'exercice
concomitant de fonctions juridictionnelles et consultatives.
M.
Louis ARBELOT
Trésorier-payeur général du
Rhône et de la région Rhône-Alpes
Président de
l'Association des
trésoriers-payeurs généraux
Mardi 16 septembre 1997
Prenant
l'exemple du département du Rhône,
M. Louis Arbelot
a
indiqué que les collectivités locales représentaient
environ 50 à 60 % de la charge de travail des trésoriers-payeurs
généraux. Il a précisé que 6 % des
collectivités locales relevaient du simple apurement administratif
opéré par les comptables supérieurs du Trésor.
M. Louis Arbelot
a ensuite estimé qu'après une
période assez difficile, les relations entre les comptables publics et
les chambres régionales des comptes étaient désormais
stabilisées.
Abordant la question de l'apurement administratif des comptes des
collectivités locales,
M. Louis Arbelot
a rappelé que les
comptables publics agissaient en l'espèce par délégation
des chambres régionales des comptes pour les collectivités de
2.000 habitants au plus et disposant de recettes ordinaires figurant au dernier
compte administratif inférieures à 2 millions de francs.
M. Louis Arbelot
a fait observer qu'en fonction de l'évolution de
leurs recettes ordinaires, certaines collectivités pouvaient d'une
année sur l'autre être soumises alternativement à la
compétence de la chambre régionale des comptes ou à celle
du trésorier-payeur général. Il a souligné que
cette situation avait pour effet de rendre la procédure plus complexe.
Il a en outre relevé que lorsqu'ils étaient de nouveau
compétents, les trésoriers payeurs généraux ne
pouvaient procéder à l'apurement administratif tant que les
comptes des exercices précédents n'avaient pas été
réglés par la chambre régionale des comptes.
M. Louis Arbelot
a en conséquence suggéré de
réformer le régime de l'apurement administratif soit en
supprimant le critère financier, soit en relevant le seuil de 2 millions
de francs prévu par le code des juridictions financières. Il a
néanmoins fait valoir qu'un développement des compétences
des trésoriers-payeurs généraux en matière
d'apurement administratif devrait s'accompagner d'une augmentation des
effectifs mis à leur disposition.
Abordant ensuite la procédure de jugement des comptes par les chambres
régionales des comptes,
M. Louis Arbelot
a
considéré que le dispositif actuel était très
lourd. Tout en estimant que le développement de l'informatique pourrait
accélérer la procédure et réduire les retards dans
le jugement des comptes, il a néanmoins indiqué que dans le
département du Rhône plus de 600 comptes antérieurs
à 1991 n'avaient pas encore été jugés.
Après avoir souligné que cette situation était
gênante pour les comptables qui ne pouvaient pas obtenir quitus de leur
gestion,
M. Louis Arbelot
a fait observer qu'elle nuisait
également à la crédibilité des jugements
vis-à-vis des élus locaux. Il a néanmoins relevé
que certains efforts avaient été entrepris en liaison avec les
commissaires du Gouvernement.
M. Louis Arbelot
a par ailleurs soulevé le problème des
" circuits " de notification en regrettant que certaines
décisions mettant en cause les comptables soient d'abord
communiquées aux élus locaux, ce qui pouvait avoir pour effet de
déstabiliser les comptables concernés.
M. Louis Arbelot
a enfin regretté que les règles de
dissolution de certains groupements de collectivités locales, tels que
les associations foncières de remembrement soient insuffisamment
claires. Il a en effet souligné que la persistance de groupements
n'ayant plus d'activité effective compliquait la tâche des
comptables.
S'intéressant enfin au contrôle budgétaire,
M. Louis
Arbelot
s'est félicité de la procédure en vigueur qui
permettait aux comptables de dissuader efficacement certains élus de
s'engager dans des procédures qui risqueraient de
méconnaître la légalité.
Il a fait part de ses réserves sur l'exercice d'une fonction de conseil
par les chambres régionales des comptes en estimant que l'intervention
de ces juridictions pourrait mettre en cause la relation de confiance qui
caractérisait la réalisation d'analyses financières par
les comptables au profit des élus locaux.
En réponse à
M. Jacques Oudin, rapporteur,
qui
l'interrogeait sur l'idée de supprimer le critère financier
prévu pour l'apurement administratif de certaines collectivités,
M. Louis Arbelot
a fait valoir que, faute d'adaptation du seuil
financier, le maintien des règles en vigueur aurait pour effet de
réduire progressivement le nombre de collectivités soumises
à la procédure d'apurement administratif par les comptables
supérieurs du Trésor.
Il a en outre partagé le souci du rapporteur qui estimait que les
élus locaux et les comptables du Trésor devraient disposer
d'outils informatiques communs. Il a souligné que, contrairement
à ce qui se passait pour la transmission d'informations aux chambres
régionales des comptes, l'utilisation de l'informatique était
courante dans les relations entre les comptables et les ordonnateurs.
M. Louis Arbelot
a en outre indiqué que les
trésoriers-payeurs généraux considéraient qu'ils
étaient bien armés pour exercer une fonction de conseil
auprès des élus locaux. Il a également plaidé pour
une meilleure formation des magistrats des chambres régionales des
comptes.
En réponse à
M. Jean-Paul Amoudry, président
, qui
se demandait si certains enseignements ne devaient pas être tirés
de l'expérience positive du contrôle exercé par les
trésoriers-payeurs généraux pour améliorer le cadre
d'intervention des chambres régionales des comptes,
M. Louis
Arbelot
a fait observer que les chambres régionales des comptes qui
avaient déjà des difficultés à juger des comptes
dans les délais normaux pourraient difficilement assumer une mission
consultative auprès des collectivités locales.
Il a en outre relevé qu'il pouvait être contestable de faire
prendre en charge par un même organe la fonction juridictionnelle et la
fonction consultative. Il a enfin craint que les chambres régionales des
comptes soient dans ce cas excessivement sollicitées par certaines
collectivités locales qui souhaiteraient se prémunir contre toute
sanction juridictionnelle.
En réponse à
M. Jacques Oudin, rapporteur,
qui souhaitait
savoir si les chambres régionales des comptes exerçaient
fréquemment leur droit d'évocation auprès des
trésoriers-payeurs généraux,
M. Louis Arbelot
a
indiqué que ce droit était en pratique peu mis en oeuvre, ce qui
pouvait s'expliquer par la concertation préalable entre les
trésoriers-payeurs généraux et les chambres
régionales des comptes ainsi que par le compte rendu de l'apurement
administratif qui était transmis à ces dernières.
Il a néanmoins fait observer que les trésoriers-payeurs
généraux devaient logiquement susciter la mise en oeuvre de ce
pouvoir d'évocation par les chambres régionales des comptes
lorsqu'ils observaient des situations anormales.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
ayant souhaité savoir si l'analyse
financière d'une collectivité locale établie par les
trésoriers-payeurs généraux était le cas
échéant transmise aux chambres régionales des comptes,
M. Louis Arbelot
a indiqué que les textes prévoyaient la
communication des informations demandées par ces dernières. Il a
néanmoins jugé préférable que la chambre
régionale des comptes demande elle-même ces documents à la
collectivité concernée, laquelle en avait la
propriété.
Puis
M. Louis Arbelot
, s'agissant des "circuits " de notification,
a précisé que la situation qu'il avait décrite
était désormais en voie d'amélioration.
Il a par ailleurs partagé l'analyse du rapporteur, selon laquelle la
décentralisation entrait désormais dans une phase de
stabilisation de la fiscalité locale et de la croissance des budgets.
Répondant à
M. Jean-Paul Amoudry, président
, le
président de l'association des trésoriers payeurs
généraux a précisé qu'après une
première phase où la très forte augmentation des
dépenses de personnel constituait la préoccupation essentielle,
désormais deux domaines retenaient particulièrement l'attention
des comptables publics : les associations et les marchés publics.
M. Louis Arbelot
a en particulier indiqué qu'un gros travail de
formation des comptables avait été accompli en matière de
marchés publics. Il s'est par ailleurs interrogé sur
l'opportunité d'appliquer dans ce domaine des règles uniformes
à des collectivités de tailles très différentes.
En réponse à
M. Jacques Oudin, rapporteur,
qui soulignait
la bonne adéquation du réseau des comptables publics à
l'exercice d'une fonction de conseil,
M. Louis Arbelot
a fait
valoir que cette fonction devrait s'exercer à un niveau régional,
afin de prendre en compte les contraintes en matière d'effectifs.
M. Philippe de Bourgoing
, relevant la relation de confiance qui existait
entre les comptables publics et les élus locaux, a estimé que la
même confiance n'était pas observée dans les rapports entre
ces derniers et les chambres régionales des comptes.
M. Louis Arbelot
a alors plaidé pour le maintien de la
confidentialité des analyses financières réalisées
par les trésoriers-payeurs généraux, cette
confidentialité lui apparaissant conforme à la déontologie
et de nature à préserver la qualité du dialogue entre
ceux-ci et les collectivités locales.
M.
Alain SERIEYX
Président de la chambre régionale des comptes de
la région Provence-Alpes-Côte d'Azur
M. Philippe
LIMOUZIN-LAMOTHE
Président de la chambre régionale des comptes
de la région Midi-Pyrénées
M. Roger
COMBEL
Président de la chambre régionale des comptes de
Bretagne
Mardi 23 septembre 1997
M. Alain Serieyx
, soulignant le souci des magistrats
des
chambres régionales des comptes d'accomplir efficacement les missions
que le législateur leur a confiées, a regretté que ces
missions ne soient pas clairement précisées.
Après avoir rappelé que les principales missions des chambres
régionales des comptes étaient inscrites dans le code des
juridictions financières adopté par le Parlement en
décembre 1994,
M. Alain Serieyx
a estimé que leur
mission essentielle de juger les comptes des collectivités locales et
des établissements publics dotés d'un comptable public
était devenue assez fictive. Il a en effet souligné que cette
mission n'était pas suffisamment adaptée pour, au-delà de
l'examen de la simple exécution budgétaire, rendre compte de
l'état économique et patrimonial de la collectivité.
M. Alain Serieyx
a par ailleurs regretté que le ministre des
finances intervienne de plus en plus sur requête d'un comptable mis en
débet afin de relever celui-ci de sa responsabilité
financière. Il a fait observer que le ministre des finances
s'exonérait ainsi de dispositions définies en 1964 qui lui
imposaient de se substituer au comptable ou d'obtenir l'agrément de la
collectivité locale afin de considérer que l'Etat n'était
pas débiteur à l'égard de celle-ci.
Puis, énonçant la deuxième grande mission exercée
par les chambres régionales des comptes consistant à s'assurer de
la régularité des opérations réalisées par
les ordonnateurs,
M. Alain Serieyx
a noté que cette mission
avait pu troubler certains élus locaux qui s'étonnaient de voir
mise en cause la régularité d'actes non contestés par le
contrôle de légalité.
M. Alain Serieyx
a ensuite exposé que la troisième
grande mission des chambres régionales des comptes, consistant à
examiner la gestion des collectivités locales, semblait soulever le plus
de controverses.
Il a fait observer que n'existait aucune définition précise du
contenu de cet examen de la gestion, pas plus que de la notion
d'opportunité qu'il n'appartenait pas aux chambres régionales des
comptes de contrôler.
M. Alain Serieyx
a souligné que cette question était
compliquée par le fait que le contrôle opéré par les
chambres régionales des comptes ne reproduisait pas purement et
simplement celui effectué par la Cour des Comptes.
Après avoir rappelé que la Cour des Comptes contrôlait la
gestion de hauts fonctionnaires responsables d'administrations centrales ou
d'établissements publics et que ce contrôle restait confidentiel,
M. Alain Serieyx
a fait observer qu'à l'inverse, les
chambres régionales des comptes contrôlaient le plus souvent la
gestion d'élus et que la loi du 15 janvier 1990 avait prévu
que leurs observations sur la gestion devaient être rendues publiques.
Relevant que ces observations ne constituaient pas des actes faisant grief et
ne modifiaient pas la situation juridique des collectivités locales ni
les situations mises en cause,
M. Alain Serieyx
a néanmoins
souligné qu'elles avaient un poids politique considérable.
Il a donc regretté l'absence d'indications précises sur les
intentions du législateur lorsque celui-ci avait prévu l'examen
de la gestion des collectivités locales par les chambres
régionales des comptes et la publicité des observations
opérées par ces dernières.
M. Alain Serieyx
a fait valoir que dans ces conditions, les
chambres régionales des comptes avaient été amenées
à utiliser les méthodes de la Cour des Comptes consistant
à rechercher les dysfonctionnements de la gestion des
collectivités locales.
Notant que chaque observation de la chambre régionale des comptes
aboutissait à mettre en cause certains aspects de la gestion des
collectivités locales,
M. Alain Serieyx
a
considéré que cette pratique expliquait le sentiment de malaise
parfaitement compréhensible des élus concernés.
En conclusion, il a donc souhaité que les intentions du
législateur soient davantage précisées.
M. Philippe Limouzin-Lamothe
, après avoir souscrit à ces
analyses, a estimé que les conditions d'intervention des chambres
régionales des comptes pourraient être améliorées
sous trois aspects.
En premier lieu, considérant que le contrôle des chambres
régionales des comptes devrait être mieux compris,
M. Philippe
Limouzin-Lamothe
a fait valoir que certains progrès étaient
possibles sans qu'il soit nécessaire de modifier les textes en vigueur.
D'une part, il a proposé que les observations des chambres
régionales des comptes soient motivées par la mention non
seulement des textes concernés mais aussi des principes
généraux sur lesquels ces observations étaient
fondées. D'autre part, il a suggéré qu'en liaison avec les
associations d'élus, des références communes puissent
être progressivement établies. Enfin, tout en considérant
qu'il serait difficile de confier aux chambres régionales des comptes
une fonction de conseil, il a néanmoins estimé qu'il fallait leur
laisser la faculté de donner ponctuellement leur avis sur des questions
intéressant les collectivités locales.
En second lieu, jugeant que le contrôle exercé par les chambres
régionales des comptes devrait être plus efficace,
M. Philippe
Limouzin-Lamothe
a souligné qu'il serait nécessaire
d'approfondir le dialogue préalable entre ces juridictions et les
élus locaux qui permettait bien souvent de régulariser certains
aspects de la gestion locale avant même la conclusion de l'examen de la
gestion. Il a fait observer qu'une fois cette régularisation faite, la
formulation d'observations pouvait devenir inutile.
M. Philippe Limouzin-Lamothe
a par ailleurs estimé que la
procédure contradictoire devrait être aménagée, afin
notamment de conférer à l'examen de la gestion un
caractère plus collégial. Il a en outre suggéré que
l'entretien avec l'ordonnateur puisse intervenir dès le début de
la procédure de contrôle et s'effectuer avec la formation
collégiale de la chambre régionale des comptes.
M. Philippe Limouzin-Lamothe
a enfin plaidé pour que les lettres
d'observations définitives ne se bornent pas à émettre des
critiques mais formulent également des suggestions, lesquelles
pourraient ensuite faire l'objet d'un suivi par les juridictions.
Puis,
M. Philippe Limouzin-Lamothe
a fait valoir que le contrôle
exercé par les chambres régionales des comptes devrait susciter
des débats mais pas des controverses. Soulevant le problème de la
confidentialité, il a relevé que la loi imposait la communication
des observations définitives à plusieurs destinataires, lesquels
pouvaient avoir des intérêts contradictoires. Dans ces conditions,
il a souligné que ce problème échappait très
largement aux chambres régionales des comptes.
Estimant qu'il pourrait être envisageable d'ouvrir une action commune
devant les tribunaux à la collectivité locale concernée et
à la chambre régionale des comptes en cas de divulgation des
observations, il a néanmoins relevé que dans ce cas, il
conviendrait que la loi autorise la chambre régionale des comptes
à ester en justice.
M. Philippe Limouzin-Lamothe
, après avoir rappelé que les
lettres d'observations définitives devaient être obligatoirement
jointes à la convocation de l'assemblée
délibérante, a fait observer que la communication écrite
était d'ores et déjà obligatoire. Il a néanmoins
relevé qu'un débat sur ces observations n'était pas
formellement imposé et qu'il appartenait à l'assemblée
délibérante et à son président de l'organiser, le
cas échéant.
S'agissant de la publicité des lettres d'observations
définitives,
M. Philippe Limouzin-Lamothe
a fait valoir
qu'une fois ces lettres transmises à l'assemblée
délibérante, la chambre régionale des comptes était
tenue de répondre aux demandes de communication de ces observations
présentées par des tiers.
Relevant enfin la suggestion d'annexer la réponse de l'ordonnateur aux
lettres d'observations définitives,
M. Philippe Limouzin-Lamothe
,
après avoir rappelé qu'une telle procédure était
appliquée pour le rapport public de la Cour des Comptes, a fait valoir
que son extension aux lettres d'observations définitives pourrait
être plus complexe en raison de la pluralité des destinataires. Il
a considéré qu'en toute hypothèse, des délais
devraient être fixés pour la formulation des réponses de
l'ordonnateur afin d'éviter le blocage de la parution des lettres
d'observations définitives.
M. Roger Combel,
examinant les moyens d'assurer une plus grande
confidentialité des lettres d'observations définitives, s'est
interrogé sur le fondement d'une éventuelle action publique en la
matière.
Il a en outre souligné que le problème était plus
délicat lorsque la divulgation de ces observations était le fait
de leur destinataire, celui-ci étant propriétaire desdites
observations et bénéficiant en outre de la protection des
correspondances.
M. Roger Combel
a par ailleurs considéré qu'il n'y avait
aucune raison de s'opposer à la publication des réponses de
l'ordonnateur si ce n'est, le cas échéant, pour des raisons
pratiques en raison du volume de certaines réponses.
Il a cependant noté que les échanges de réponses entre
tous les destinataires étaient susceptibles d'alourdir les
procédures et d'accroître les délais. Dans ces conditions,
il s'est demandé s'il ne pourrait pas être envisagé de
publier le compte rendu des débats de l'assemblée
délibérante en même temps que les lettres d'observations
définitives.
Puis, rappelant qu'une réflexion était en cours sous
l'égide de la Cour des Comptes afin d'harmoniser les pratiques des
chambres régionales des comptes,
M. Roger Combel
a fait
valoir que les critiques émises à l'encontre d'un manque de
cohérence de l'action de ces juridictions financières
méritaient d'être tempérées.
M. Roger Combel
a en outre fait observer que la parution des lettres
d'observations définitives constituait un exercice de communication
difficile dans la mesure où celles-ci étaient utilisées
par une pluralité de destinataires qui les interprétaient chacun
à leur façon.
Enfin,
M. Roger Combel
, après avoir indiqué que les
demandes d'avis présentées aux chambres régionales des
comptes étaient de plus en plus fréquentes, a estimé que
ces juridictions ne pourraient exercer une fonction de conseil sans perdre leur
indépendance. Il a néanmoins rappelé que l'exercice du
contrôle était un moment privilégié du dialogue
entre la juridiction et la collectivité concernée.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
relevant que peu de critiques
étaient émises à l'encontre de l'apurement administratif
exercé par les comptables supérieurs du Trésor, a
souhaité savoir si les critères fixés par la loi pour
l'application de cette procédure paraissaient satisfaisants.
Le rapporteur, rappelant par ailleurs que le Conseil d'Etat ne s'était
pas encore prononcé sur le point de savoir si les lettres d'observations
définitives constituaient des actes faisant grief, s'est
interrogé sur les conséquences éventuelles d'une
jurisprudence administrative qui, reconnaissant à ces documents ce
caractère, aurait pour effet de soumettre les chambres régionales
des comptes au contrôle du Conseil d'Etat.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
s'est ensuite demandé si les
réflexions menées à l'instigation de la Cour des Comptes
avaient d'ores et déjà produit des résultats concrets au
sein des chambres régionales des comptes. Il a souhaité savoir si
le rôle de la mission d'inspection des chambres régionales des
comptes méritait d'être renforcé.
Puis il a interrogé les intervenants sur l'opinion dominante dans les
chambres régionales des comptes en ce qui concerne l'exercice
éventuel par ces juridictions d'une fonction de conseil.
Enfin, il a souhaité connaître leur appréciation sur
l'instauration d'un délai pendant lequel la parution de lettres
d'observations définitives serait suspendue dans les périodes
précédant une élection.
En réponse,
M. Alain Serieyx
, après avoir rappelé
que l'apurement administratif ne concernait que les jugements des comptes des
comptables publics et non pas des ordonnateurs, a estimé que cette
procédure était mise en oeuvre dans des délais très
brefs et de manière peu rigoureuse. Il a indiqué que les seuils
prévus par la loi du 5 janvier 1988 avaient pour effet de soumettre
à la procédure de l'apurement administratif des communes
d'environ 300 habitants. Il a souligné que d'une année sur
l'autre, ces communes pouvaient être alternativement soumises à la
juridiction des chambres régionales des comptes ou à l'apurement
administratif par les comptables supérieurs du Trésor, ce qui lui
est apparu source de confusion.
M. Alain Serieyx
a en conséquence proposé de ne retenir
qu'un critère de population avec pondération, critère qui
n'évoluerait qu'à l'occasion des recensements. Il a en outre
suggéré de ne plus soumettre à la chambre régionale
des comptes les associations syndicales autorisées, lesquelles
n'étaient pas des établissements publics dépendant des
collectivités locales mais des structures sui generis.
Examinant ensuite les conditions de recours contre les lettres d'observations
définitives,
M. Alain Serieyx
a précisé que le
Conseil d'Etat, saisi en appel d'un rejet de recours fait par le tribunal
administratif de Marseille, n'avait pas à ce jour tranché cette
question. Il a relevé que si le Conseil d'Etat décidait que les
lettres d'observations définitives constituaient des actes faisant
grief, cette jurisprudence trouverait à s'appliquer pour un grand nombre
de documents administratifs émis par des organismes administratifs ou
juridictionnels sans que la haute juridiction dispose, dans tous les cas, des
moyens techniques d'examiner lesdits documents.
M. Alain Serieyx
a néanmoins jugé qu'il serait normal que
la juridiction administrative exerce son contrôle sur les
procédures mises en oeuvre par les chambres régionales des
comptes. Il a rappelé que jusqu'à présent le Conseil
d'Etat considérait que ne faisaient grief que les décisions
susceptibles de modifier l'ordonnancement juridique.
S'agissant du bilan des réflexions menées par la Cour des
Comptes,
M. Alain Serieyx
, tout en relevant que ces
réflexions étaient encore récentes, a néanmoins
indiqué que les chambres régionales des comptes avaient
commencé à examiner les moyens de mettre en oeuvre les
orientations ainsi retenues.
Jugeant par ailleurs souhaitable de renforcer le rôle de la mission
d'inspection des chambres régionales des comptes, il a néanmoins
fait observer que celle-ci ne disposait pas à l'heure actuelle des
moyens adaptés. Il a en outre noté que la difficulté
essentielle résidait dans le fait que certaines pratiques étaient
relevées par certaines chambres régionales des comptes mais pas
par d'autres.
M. Alain Serieyx
a en outre considéré qu'il serait
envisageable d'étendre aux élus locaux la faculté de
saisir aux fins de consultation directement les chambres régionales des
comptes dans des domaines limités. Il a néanmoins
réaffirmé qu'il serait contradictoire de faire exercer par un
même organe une fonction de conseil et une activité de
contrôle.
Répondant à
M. Patrice Gélard
qui faisait observer
que le Conseil d'Etat lui-même accomplissait à la fois une mission
de conseil et une mission juridictionnelle,
M. Alain Serieyx
a
noté que ces deux missions étaient mises en oeuvre par des
sections distinctes au sein de la haute juridiction.
M. Philippe Limouzin-Lamothe
a pour sa part souligné que la
fonction consultative du Conseil d'Etat s'exerçait à l'intention
d'autorités dotées du pouvoir réglementaire.
Relevant par ailleurs que les juridictions administratives étaient
saisies de questions de droit particulier,
M. Philippe Limouzin-Lamothe
a fait valoir que l'exercice d'une fonction consultative était plus
difficilement envisageable dans des domaines non codifiés par le droit
et qui pouvaient se rattacher à des questions très larges.
Il a en outre fait observer que les préfets interrogeaient la
juridiction administrative sur un acte juridique.
M. Alain Serieyx
a à son tour souligné que les questions
juridiques relevaient de la juridiction administrative et que la réponse
à des questions portant sur la gestion soulevait des difficultés
spécifiques.
M. Roger Combel
, souscrivant à cette appréciation, a fait
valoir que les chambres régionales des comptes ne pouvaient donner un
avis que sur des situations susceptibles d'être considérées
comme une gestion de fait.
M. Patrice Gélard
a alors fait observer que les chambres
régionales des comptes avaient été créées
sans que leur soient donnés les moyens de constituer de
véritables juridictions.
Regrettant l'évaluation insuffisante des effets de la loi,
M. Patrice
Gélard
a estimé qu'un code de procédure des
juridictions financières serait nécessaire afin notamment de
préciser le rôle du rapporteur, les conditions de mise en oeuvre
de la procédure contradictoire, le rôle de la
collégialité ou encore de poser le problème du double
degré de juridiction.
M. Patrice Gélard
a ensuite souhaité que la
synthèse des récentes réflexions de la Cour des Comptes
soit adressée aux collectivités locales.
Enfin, après avoir fait valoir que les chambres régionales des
comptes devaient désormais voir leur rôle reconnu,
M. Patrice
Gélard
a déploré que la presse publie les observations
sur la gestion avant même que les collectivités locales les aient
elle-mêmes reçues et que les réponses des ordonnateurs
soient en revanche rarement publiées. Il a par ailleurs estimé
que les avis émis par ces juridictions sur la gestion des
collectivités locales devraient avoir un rôle pédagogique.
En réponse,
M. Alain Serieyx
a rappelé qu'un décret
du 23 août 1995 avait d'ores et déjà établi un code
de procédure. Il a en outre souligné que des aspects importants
des pratiques des juridictions financières étaient difficilement
codifiables.
M. Alain Serieyx
, soulignant que le travail en équipe
était indispensable, a estimé que la procédure applicable
devant les juridictions administratives qui concernait des jugements
n'était pas transposable à des observations qui portaient sur la
gestion. Il a en outre considéré qu'il serait difficile
d'organiser dans le détail les décisions relevant de la
collégialité. Il a néanmoins fait valoir que la
rédaction des lettres d'observations définitives devait exprimer
la position retenue collégialement.
M. Alain Serieyx
a enfin fait observer que les charges imposées
par la loi aux magistrats des chambres régionales des comptes avaient
été sous-estimées lorsque ce corps avait été
créé.
M. Philippe Limouzin-Lamothe
a fait valoir qu'il ne s'agissait pas
seulement d'améliorer les textes existants mais plutôt de
réviser des procédures qui, en l'état, n'étaient
pas satisfaisantes afin notamment de développer la
collégialité.
M. Roger Combel
a à son tour fait valoir que la transposition des
procédures applicables devant les tribunaux administratifs
n'était pas possible, ces derniers tranchant des litiges en apportant
des solutions juridiques alors que les chambres régionales des comptes
examinaient la gestion.
M. Roger Combel
a en outre estimé que la diversité du
recrutement des magistrats des chambres régionales des comptes avait
constitué un atout pour le corps et que la collégialité
permettait de rendre plus équilibrées les appréciations
portées par un seul magistrat.
M. Philippe Limouzin-Lamothe
a alors de nouveau souhaité que la
collégialité puisse s'exercer dès le début de la
procédure.
M. Henri Collard
a relevé qu'il était possible de
souscrire à la plupart des propositions présentées sans
qu'une modification législative soit toujours indispensable.
Il a par ailleurs relevé que les associations syndicales
autorisées posaient également des problèmes aux
collectivités locales qui n'avaient pas les moyens de les
contrôler. Enfin, il a souligné les différences
d'appréciation d'une chambre régionale des comptes à
l'autre.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
ayant soulevé le problème
des associations à caractère social,
M. Philippe
Limouzin-Lamothe
a indiqué que les chambres régionales des
comptes n'étaient le plus souvent pas compétentes pour
contrôler ces associations dans la mesure où étaient en
cause des prestations de services et non pas des subventions.
M. Philippe de Bourgoing
a fait observer que le contrôle
exercé par les trésoriers payeurs généraux
s'exerçait dans des conditions satisfaisantes dans la mesure où
ceux-ci accomplissaient également une fonction de conseil. Il a en
revanche relevé des cas où le contrôle exercé par
les chambres régionales des comptes relevait de la pure
opportunité.
En réponse,
M. Roger Combel
, tout en reconnaissant que
l'apurement administratif se déroulait dans de bonnes conditions, a
néanmoins fait valoir que ce contrôle était essentiellement
formel. Il a donc estimé qu'il n'était pas comparable avec la
procédure mise en oeuvre par les chambres régionales des comptes.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a pour sa part estimé que
les communes avaient de bonnes relations avec leurs trésoriers qui leur
consacraient suffisamment de temps, ce qui n'était pas en revanche le
cas de l'ensemble des agents du Trésor.
M. Alain Serieyx
a alors considéré que la
comptabilité publique n'avait pas adapté ses moyens au
développement considérable des activités
financières des collectivités locales. Il a notamment
relevé l'insuffisance des effectifs et des moyens informatiques.
M. Alain Serieyx
a ensuite indiqué qu'à l'occasion des
élections municipales de 1995, les chambres régionales des
comptes avaient spontanément décidé de ne pas publier de
lettres d'observations définitives dans un délai de trois mois
précédant les élections.
Relevant que la question se posait à l'approche de nouvelles
échéances électorales,
M. Alain Serieyx
a fait
valoir que des lettres d'observation provisoires pouvaient avoir un impact plus
important dans le débat électoral que des lettres d'observations
définitives. Il a en outre fait observer que la multiplication des
élections pourrait, si un tel délai était
généralisé, avoir pour effet de bloquer toute publication
des lettres d'observations définitives.
S'agissant de la sanction d'inéligibilité qui frappait
automatiquement l'élu reconnu gestionnaire de fait,
M. Alain
Serieyx
a fait valoir, à titre personnel, qu'il était
très gênant pour une chambre régionale des comptes de
prendre une décision de gestion de fait qui la rendait juge non
seulement de la régularité comptable mais aussi du mandat de
l'ordonnateur. Il a fait observer que la gestion de fait transformant
l'ordonnateur en comptable public, les mêmes incompatibilités lui
étaient applicables.
M. Alain Serieyx
, rappelant en outre que passé le délai de
six mois permettant à l'ordonnateur de régulariser sa situation,
le préfet devait procéder à sa révocation, a
considéré que cette disposition était très lourde.
Il a en conséquence suggéré une nouvelle disposition qui
interdirait à l'ordonnateur d'exercer ses fonctions pendant la
période précédant la régularisation de sa situation.
M. Alain Serieyx
a souligné que la gestion de fait n'était
pas infamante mais constituait plus simplement une situation techniquement
inacceptable.
Après avoir souscrit à ces observations,
M. Philippe
Limouzin-Lamothe
a fait observer que la gestion de fait était
incluse dans le délit d'immixion, lequel n'était en pratique plus
appliqué. Relevant que le juge pénal avait pour sa part la
faculté de moduler les peines accessoires, il a plaidé pour que
la gestion de fait ne fasse plus l'objet d'une sanction pénale.
M. Roger Combel
, indiquant qu'un consensus existait parmi les magistrats
des chambres régionales des comptes pour s'abstenir de publier des
lettres d'observations définitives dans la période
précédant une élection, a estimé que cette
procédure devrait être de nouveau appliquée pour les
prochaines échéances électorales. Il s'est demandé
si elle ne devrait pas être étendue aux lettres d'observations
provisoires.
Répondant à
M. Jean-Paul Amoudry, président, M.
Philippe Limouzin-Lamothe
a indiqué que dans de nombreux cas, les
situations susceptibles d'être qualifiées de gestion de fait
n'étaient pas déclarées comme telles par les chambres
régionales des comptes car leurs conséquences n'apparaissaient
pas graves et la régularité comptable pouvait être
rétablie.
Maître Jean ANTAGNAC
Avocat
Jeudi 25 septembre 1997
Tout en
dressant un bilan globalement positif du fonctionnement des chambres
régionales des comptes,
Me Jean Antagnac
a néanmoins fait
valoir qu'il était possible d'améliorer les procédures et
pratiques de ces juridictions financières et de renforcer les garanties
accordées aux élus locaux.
Estimant que les chambres régionales des comptes devaient devenir des
juridictions à part entière,
Me Jean Antagnac
a
jugé nécessaire d'harmoniser le statut de leurs magistrats avec
celui des magistrats des tribunaux administratifs.
Il a par ailleurs relevé que les chambres régionales des comptes
constituaient des juridictions hybrides puisqu'elles étaient
appelées à la fois à juger des comptes et à exercer
une fonction administrative d'examen de la gestion.
Puis,
Me Jean Antagnac
a fait valoir que les chambres régionales
des comptes apparaissaient encore comme des services déconcentrés
de la Cour des Comptes.
Me Jean Antagnac
a relevé qu'à la différence des
présidents de tribunaux administratifs, les présidents des
chambres régionales des comptes n'étaient pas issus de la
juridiction elle-même mais de la Cour des Comptes. Il a en
conséquence regretté cette situation, la Cour des Comptes
exerçant par ailleurs une fonction d'appel sur les jugements des
chambres régionales des comptes. Il a en outre fait observer que les
présidents des chambres régionales des comptes n'avaient ainsi
pas le même statut que les autres magistrats notamment en ce qui concerne
le régime des incompatibilités.
Me Jean Antagnac
a alors plaidé pour que le statut des magistrats
des chambres régionales des comptes s'impose à tous les
magistrats de ces juridictions et pour que les chambres régionales des
comptes suivent leur juge de cassation et soient désormais
gérées par le ministère de la justice et non plus par le
ministère des finances. Il a en outre jugé nécessaire de
renforcer la collégialité dans la programmation des travaux.
Puis,
Me Jean Antagnac
a fait valoir qu'il serait souhaitable de
renforcer les garanties accordées aux élus locaux en modifiant,
par la voie législative, les procédures applicables.
Après avoir de nouveau souligné qu'il serait nécessaire de
renforcer la collégialité,
Me Jean Antagnac
a
estimé que les réponses de l'ordonnateur et la lettre
d'observations provisoires devraient être annexées à la
lettre d'observations définitives.
Il a également fait valoir que les chambres régionales des
comptes devraient être davantage structurées par une division en
sections suffisamment nombreuses pour couvrir l'activité totale des
chambres.
Tout en considérant que les lettres d'observations pouvaient avoir un
impact plus grand qu'un jugement,
Me Jean Antagnac
a néanmoins
fait part de ses réserves sur l'ouverture d'une procédure d'appel
à l'encontre de ces observations en raison de la forme et du volume de
celles-ci. Il a au contraire jugé préférable de
développer une procédure contradictoire publique devant les
chambres régionales des comptes.
Me Jean Antagnac
a ensuite énoncé la
nécessité de clarifier la question des lettres d'observations
provisoires par rapport au principe de la communication des documents
fixé par la loi du 17 juillet 1978, d'autoriser les chambres
régionales des comptes à obtenir des informations auprès
de l'autorité judiciaire et, enfin, de préciser la question de la
suspicion légitime.
Il a, par ailleurs, estimé que la gestion de fait ne devrait plus
être sanctionnée par l'inéligibilité.
Renouvelant ses réserves sur la possibilité pour les chambres
régionales des comptes d'exercer une fonction de conseil, il a
jugé préférable que cette fonction soit assurée par
une structure placée auprès du préfet.
M. Jacques Oudin, rapporteur
, a alors relevé la
nécessité de mieux garantir les droits des justiciables en
développant la procédure contradictoire et en renforçant
la collégialité ainsi que la confidentialité des documents
provisoires.
Tout en approuvant l'idée d'aligner le statut des magistrats des
chambres régionales des comptes sur celui des magistrats administratifs,
le rapporteur s'est néanmoins déclaré perplexe sur
l'idée de ne plus faire présider les chambres régionales
des comptes par des magistrats de la Cour des Comptes. Il a au contraire fait
valoir que la Cour des Comptes devrait voir son rôle renforcé
à l'égard des chambres régionales des comptes.
Puis,
M. Jacques Oudin
s'interrogeant sur l'ouverture d'une
procédure d'appel a fait observer que la transformation des observations
des chambres régionales des comptes en jugements constituerait une
innovation considérable.
Il a enfin approuvé l'idée de ne pas confier une mission de
conseil aux chambres régionales des comptes.
En réponse,
Me Jean Antagnac
a estimé que les commissaires
du Gouvernement pouvaient jouer un rôle efficace pour harmoniser les
positions des chambres régionales des comptes à condition que
leur rôle soit renforcé et clairement distingué de celui du
président.
Me Jean Antagnac
a de nouveau considéré que la
définition de garanties supplémentaires au profit des élus
locaux passait par une plus grande indépendance des chambres
régionales des comptes vis-à-vis de la Cour des Comptes qui doit
rester dans l'exercice de sa fonction de juridiction d'appel. Il a enfin fait
valoir que les observations des chambres régionales des comptes
étaient perçues par l'opinion publique comme de véritables
jugements.
Maître Régis de
CASTELNAU
Président de
l'association française des avocats spécialisés dans le
conseil aux collectivités locales
Jeudi 25 septembre 1997
Après avoir précisé que son association
regroupait soixante cabinets spécialisés et 200 avocats,
Me
Régis de Castelnau
a fait observer que de nombreux élus
locaux éprouvaient un sentiment de malaise et d'injustice face au
développement de leur responsabilité pénale et au
contrôle exercé par les chambres régionales des comptes.
S'intéressant au contrôle de gestion opéré par les
chambres régionales des comptes,
Me Régis de
Castelnau
a fait observer que les élus locaux ressentaient un
sentiment d'arbitraire quant aux conditions de mise en oeuvre de ce
contrôle. Il a relevé que celui-ci était
caractérisé par une inégalité temporelle dans
l'intervention des chambres, par l'incohérence entre les
contrôles et par une inégalité spatiale.
Me Régis de Castelnau
a néanmoins estimé que des
efforts étaient actuellement mis en oeuvre par la Cour des Comptes et
par les chambres régionales des comptes pour améliorer cette
situation, notamment en recourant davantage aux procédures
collégiales et en renforçant le rôle du parquet.
Il a également noté que le comité de liaison fonctionnait
assez bien et que la commission des méthodes recherchait une plus grande
harmonisation des procédures. Enfin, il a souligné le rôle
positif de l'association des présidents de chambres régionales
des comptes.
Puis
Me Régis de Castelnau
a fait valoir que le contrôle
des chambres régionales des comptes interférait avec d'autres
types de contrôles.
Il a ainsi relevé que dans l'esprit de beaucoup d'élus locaux
l'absence de mise en oeuvre du contrôle de légalité
conférait à leurs actes une sorte d'immunité juridique.
Or, il a souligné que ce contrôle et celui exercé par les
chambres régionales des comptes n'avaient pas la même nature et
poursuivaient des objectifs différents.
Me Régis de Castelnau
a également relevé
l'existence d'une concurrence entre les chambres régionales des comptes
et la juridiction administrative.
Puis, rappelant que les chambres régionales des comptes avaient
l'obligation de transmettre au procureur de la République les faits
susceptibles de constituer une incrimination pénale,
Me Régis
de Castelnau
a souligné qu'il s'agissait d'un nouveau mode de
déclenchement de l'action publique qui avait une portée
très large en raison des pouvoirs d'investigation des chambres
régionales des comptes.
Il a néanmoins rappelé que, conformément à une
jurisprudence de la Cour de cassation de 1816, le juge pénal ne pouvait
se substituer au juge financier pour se prononcer sur
l'irrégularité de gestion des comptes.
Enfin, relevant que le contrôle des chambres régionales des
comptes devait également être mis en relation avec le
contrôle exercé par les citoyens,
Me Régis de
Castelnau
a estimé qu'il serait souhaitable de mieux définir
la délimitation entre le contrôle de l'opportunité et le
contrôle de la qualité de la gestion.
Me Régis de Castelnau
a ensuite abordé le problème
de la gestion de fait qui ne devait à son sens pas être
assimilée à une mesure de lutte contre la corruption.
Il a en effet souligné qu'il s'agissait d'une technique destinée
à rétablir les règles de la comptabilité publique.
En conséquence, il a jugé nécessaire de prendre en compte
cette caractéristique de la gestion de fait afin de mettre un terme aux
dévoiements actuels.
S'interrogeant par ailleurs sur les grands sujets définis par la Cour
des Comptes dans le cadre de son rapport public,
Me Régis de
Castelnau
a fait observer que le contrôle opéré sur les
structures satellites des collectivités locales mettaient en
évidence la contradiction qu'il pouvait y avoir entre le respect de la
légalité et la recherche de l'efficacité.
Prenant l'exemple de la rémunération des fonctionnaires, il a
souligné que la volonté de remise en ordre des pratiques
actuelles pouvait expliquer un certain sentiment d'arbitraire
éprouvé par les élus locaux.
Présentant ensuite des suggestions destinées à
améliorer le contrôle exercé par les chambres
régionales des comptes,
Me Régis de Castelnau
a tout
d'abord estimé que le corps des magistrats de ces juridictions devait
évoluer.
Relevant l'insuffisance de la culture juridique et judiciaire des chambres
régionales des comptes, il a plaidé pour un renforcement de la
procédure contradictoire et par le développement des pratiques
judiciaires.
Me Régis de Castelnau
a par ailleurs jugé
nécessaire de renforcer les moyens des juridictions financières
notamment en améliorant le statut et la formation des magistrats. Il a
ainsi considéré qu'il serait nécessaire de favoriser
l'intégration de magistrats des chambres régionales des comptes
au sein de la Cour des Comptes. Il a en outre souhaité que la Cour des
Comptes soit plus exigeante à leur égard.
Puis, s'interrogeant sur les moyens d'améliorer la procédure
applicable aux observations des chambres régionales des comptes,
Me
Régis de Castelnau
a proposé que les lettres d'observations
provisoires ne soient plus apostillées par la formation
collégiale. Il a en effet estimé que cette solution permettrait
un véritable débat préalable à la lettre
d'observation définitive.
Me Régis de Castelnau
s'est prononcé pour la suppression
de la sanction d'inéligibilité applicable à la gestion de
fait.
Après avoir fait observer que la règle en vigueur constituait une
application mécanique de l'incompatibilité entre les fonctions de
comptable et celles d'élu, il a suggéré que le comptable
de fait ayant fait l'objet d'un jugement de débet définitif
puisse disposer d'un délai de six mois pour régulariser sa
situation, délai au-delà duquel sa démission d'office
serait prononcée.
S'agissant du maintien du secret des documents provisoires,
Me Régis
de Castelnau
a estimé que les sanctions en la matière
étaient illusoires en raison de la pluralité de destinataires des
documents en cause. Il a en revanche proposé d'interdire la publication
de toute information liée à la procédure provisoire.
Justifiant cette proposition par le fait que la loi organisait la communication
et la publicité des lettres d'observations définitives, il a
suggéré que cette interdiction soit assortie de sanctions
très lourdes.
En conclusion,
Me Régis de Castelnau
a jugé
nécessaire de sortir du débat sur la légitimité des
chambres régionales des comptes. Rappelant que les différents
Etats de l'Union européenne avaient renforcé les
procédures destinées à assurer un plus grand
contrôle et une plus grande transparence des collectivités
locales, il a considéré que la légitimité du
rôle des chambres régionales des comptes serait progressivement
établie. Il a en conséquence jugé fondées les
exigences exprimées à leur égard. Il a enfin estimé
que le problème de l'insécurité des actes des
collectivités locales serait durable.
Après avoir souscrit à ces analyses,
M. Jacques Oudin,
rapporteur
, a relevé une contradiction entre l'affirmation selon
laquelle toute répression des "fuites" serait illusoire et le souci de
mieux sanctionner la divulgation d'informations provisoires des chambres
régionales des comptes.
En réponse,
Me Régis de Castelnau
a souligné que,
selon lui, il serait effectivement illusoire de rechercher les auteurs desdites
divulgations et de les réprimer. En revanche, il a jugé
souhaitable de sanctionner ceux qui publient ces informations provisoires.
Après avoir estimé qu'il était nécessaire d'assurer
le caractère confidentiel des lettres d'observations provisoires et de
sanctionner toute violation de cette règle,
M. Jacques Oudin,
rapporteur
, s'est interrogé sur la jurisprudence de la Cour de
cassation de 1816 interdisant au juge pénal de se prononcer avant le
juge financier sur une irrégularité dans la gestion des comptes.
En réponse,
Me Régis de Castelnau
a précisé
que depuis la création des chambres régionales des comptes la
Cour de cassation n'avait pas confirmé cette jurisprudence. Il a
néanmoins fait valoir que cette dernière appliquée
à la Cour des Comptes pouvait être transposée aux chambres
régionales des comptes.
Puis, il a souscrit à l'observation du rapporteur selon laquelle il
serait difficile pour la juridiction administrative saisie en appel de
reprendre toute la procédure de contrôle de la gestion.
Répondant à
M. Jacques Oudin
et à
M.
Philippe de Bourgoing
qui soulignaient la difficulté pour les
élus locaux d'appliquer des règles de plus en plus complexes,
Me Régis de Castelnau
a fait valoir que l'annulation d'un
marché public ne signifiait pas que l'élu local avait commis une
faute morale compte tenu de l'insécurité juridique croissante et
qui risquait d'être durable.
Il a estimé que les collectivités locales devaient éviter
deux fausses solutions, d'une part se tourner vers l'Etat, ce qui reviendrait
à rétablir le contrôle a priori, d'autre part se tourner
vers le juge, ce qui conduirait celui-ci à exercer à la fois une
fonction de conseil et une fonction de jugement.
Me Régis de Castelnau
a considéré que la loi du 13
mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des
faits d'imprudence et de négligence avait eu un effet positif. Il a en
outre estimé que les élus locaux devaient admettre l'existence
d'une certaine insécurité juridique.
Enfin, répondant à
M. Jean-Paul Amoudry, président
,
Me Régis de Castelnau
a jugé nécessaire de mieux
encadrer les procédures en imposant des délais aux chambres
régionales des comptes.
M.
Lionel FOURNY
Président de l'association nationale des directeurs
de service et directeurs généraux adjoints de service, des
conseils généraux et régionaux
Jeudi 25 septembre 1997
M.
Lionel Fourny
a tout d'abord présenté l'association qu'il
préside en indiquant que, créée en juillet 1995 pour
établir des contacts entre les cadres supérieurs des services de
ces collectivités, cette association réunissait actuellement plus
de 170 membres, soit près des deux tiers de la profession.
Il a ensuite indiqué que l'association avait procédé
à un travail d'analyse de plus d'une centaine de lettres d'observations
définitives publiées entre 1990 et 1996 et concernant
63 départements et 16 régions.
M. Lionel Fourny
a précisé que l'association avait
insisté sur son attachement au principe du contrôle exercé
a posteriori par les chambres régionales des comptes et sur l'importance
de ce contrôle pour garantir la transparence des gestions locales. Il a
néanmoins exprimé le souhait de voir le contrôle financier
local à la fois modernisé et rendu plus pertinent dans son
exercice. Il a noté que, depuis leur création, les chambres
régionales des comptes s'étaient progressivement imposées
dans le "paysage administratif" et qu'elles disposaient aujourd'hui d'une
réelle compétence, à la différence de la situation
qui avait prévalu entre 1985 et 1991.
Il a cependant relevé que plusieurs interrogations subsistaient. A cet
égard,
M. Lionel Fourny
a, tout d'abord, souligné qu'il
n'existait aucune définition juridique de la nature de l'examen de la
gestion, rappelant que l'article L.211-8 du code des juridictions
financières se bornait à énoncer que les chambres
régionales des comptes "examinent la gestion" des collectivités
locales. Il a noté que cette absence de définition précise
débouchait sur une mise en oeuvre peu homogène de l'examen de la
gestion par les différentes chambres régionales des comptes, cet
examen pouvant passer d'un simple audit juridique externe à une
véritable appréciation de la qualité de l'ensemble de la
gestion d'une collectivité locale.
M. Lionel Fourny
a par ailleurs regretté l'absence de
hiérarchie entre les remarques, qui caractérisent
fréquemment le contenu des lettres d'observations définitives,
soulignant l'existence de critiques sévères portant sur des
aspects secondaires de la gestion sans qu'il soit fait référence
à la situation financière d'ensemble de la collectivité
concernée. Sur ce point,
M. Lionel Fourny
a estimé
que le législateur devait rechercher une définition minimale de
la portée de l'examen de la gestion.
Il a par ailleurs souhaité que les lettres d'observations
définitives puissent comporter des suggestions destinées à
remédier aux difficultés relevées à l'occasion de
l'examen d'une gestion. Puis, il a indiqué qu'il serait souhaitable que
les réponses de l'ordonnateur soient automatiquement adjointes aux
lettres d'observations définitives. De façon plus
générale,
M. Lionel Fourny
a relevé la
nécessité pour les chambres régionales des comptes de
hiérarchiser, selon leur importance, les critiques formulées
à l'encontre de la gestion d'une collectivité locale et de
resituer celles-ci au regard de leur impact financier. Il a
considéré que cette orientation permettrait d'atténuer la
vision, parfois réductrice, des observations formulées par les
chambres régionales des comptes.
S'agissant de la confidentialité qui devrait entourer la
procédure des lettres d'observations provisoires,
M. Lionel Fourny
s'est dit favorable, en cas de "fuite", à l'idée du
dépôt d'une plainte conjointe de la collectivité locale et
de la juridiction concernées.
M. Lionel Fourny
s'est par ailleurs ému d'un risque de
politisation des sections de certaines grandes chambres régionales des
comptes. Sur ce point, il a considéré qu'il était
nécessaire de prévoir des règles de procédure plus
strictes destinées à garantir le caractère
collégial des décisions conduisant à la formulation des
observations définitives.
M. Lionel Fourny
a ensuite traité des difficultés
rencontrées par le contrôle financier au regard du contrôle
de légalité. Il a souligné qu'il était difficile
pour les collectivités locales d'admettre que des chambres
régionales des comptes "récusent" des actes ayant passé le
"filtre" du contrôle de légalité. Il a
considéré qu'il était de la responsabilité du
législateur de veiller à renforcer la cohérence entre ces
deux types de contrôle.
S'agissant de la mise en oeuvre de l'examen de la gestion des
collectivités locales par les chambres régionales des comptes,
M. Lionel Fourny
a déploré la tendance du juge financier
à "interpréter" les règles de droit applicables, ce qui
lui paraîssait d'autant plus contestable qu'il s'agissait d'une
procédure à caractère administratif. Il a souligné
que cette "attitude constructive" du juge financier était patente en
matière d'avantages en nature et de régime indemnitaire des
élus locaux et des fonctionnaires territoriaux. Sur ce point, il a
souhaité qu'en cas de doute sur la portée des textes applicables
le juge financier doive surseoir à statuer pour saisir, à titre
préjudiciel, "une autorité compétente" chargée
d'interpréter la règle de droit dont la portée
était incertaine.
M. Lionel Fourny
a, enfin, observé que les chambres
régionales des comptes étaient des juridictions récentes
en comparaison de la Cour des Comptes ou des tribunaux administratifs et que
celles-ci commençaient à trouver un équilibre
favorisé par l'action de la Cour des Comptes en faveur de
l'harmonisation de leur "jurisprudence".
M. Jacques Oudin, rapporteur,
a tout d'abord relevé que la
diversité des tâches dévolues aux chambres
régionales des comptes ne faisait pas des juridictions
financières des exceptions au sein de l'ordre juridictionnel. Rappelant
l'existence de jurisprudences divergentes au sein des juridictions judiciaires
ou administratives, il a insisté sur l'importance de ne pas soumettre
les juridictions financières à un régime d'exception. Il
s'est ensuite interrogé sur la difficulté qu'il y aurait à
assortir les lettres d'observations définitives de propositions de
redressement, considérant qu'il existerait là un risque de
détournement du rôle des chambres régionales des comptes.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
s'est ensuite dit hostile à
l'institution éventuelle d'une forme de question préjudicielle en
cas de doute sur le droit applicable. Il a, en effet, considéré
qu'il serait très difficile de définir l'autorité
qualifiée chargée d'y répondre. Il a en outre
souligné qu'en raison du caractère ambivalent de l'examen de la
gestion et de la difficulté à définir juridiquement la
nature d'une lettre d'observations définitives, il serait très
problématique d'envisager l'institution d'un recours en appel ou en
cassation contre ces documents.
En réponse,
M. Lionel Fourny
a insisté sur
l'intérêt de prévoir l'accompagnement des observations
définitives de suggestions destinées à répondre aux
difficultés soulevées par le juge financier. Il a souligné
qu'une telle solution contraindrait les chambres régionales des comptes
à mieux prendre conscience de la complexité à laquelle
sont confrontés les choix de gestion des élus locaux.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a, pour sa part,
évoqué la difficulté de définir une
frontière entre le contrôle d'opportunité et le
"contrôle de qualité" évoqué par le Premier
président de la Cour des Comptes, M. Pierre Joxe, à l'occasion du
colloque sur les chambres régionales des comptes.
Sur ce point,
M. Lionel Fourny
a indiqué que la centaine de
lettres d'observations définitives analysées par son association
ne permettait pas de mettre en évidence l'existence d'un contrôle
d'opportunité, c'est-à-dire comportant une critique de principe
des choix effectués par les élus locaux. Il a
précisé qu'on ne pouvait confondre une analyse du "bilan
coût-avantage" d'une décision prise par une collectivité
locale et un contrôle d'opportunité. Il a cependant reconnu que
les lettres d'observations définitives faisaient l'objet d'une
rédaction dont la qualité pouvait être variable et de "plus
ou moins bonne foi".
Enfin,
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a indiqué que le
rapporteur soumettrait, d'ici à quelques semaines, un rapport
d'étape qui ferait la synthèse des informations recueillies au
cours des auditions conduites par le groupe de travail et présenterait
ses premières propositions avant de proposer un éventuel
complément d'information destiné à approfondir la
réflexion du groupe sur les pistes nouvelles que constituent la gestion
de fait ou les relations des collectivités locales avec les associations.
M.
Maurice DOUSSET
Président de la région Centre
Mardi 10 février 1998
A
titre liminaire
, M. Maurice Dousset
a présenté ses
réflexions sur le contrôle exercé par les chambres
régionales des comptes. Il a souligné que ce contrôle lui
apparaissait "absolument nécessaire" et qu'il contribuait très
largement à l'amélioration de la gestion des collectivités
locales. A cet égard, il rappelé que la région Centre
avait modifié un certain nombre de ses procédures à la
suite des observations formulées par la chambre régionale des
comptes en 1991 comme 1995. Il a souligné que la région
était ainsi parvenue à une certification de ses procédures
opérationnelles de marchés publics aux normes ISO 9002. Il a
insisté sur le fait que la région avait adopté et suivi
une démarche volontariste de renforcement de la transparence
financière de sa gestion et que l'expérience des contrôles
de la chambre régionale des comptes l'avait conduite à instituer
un contrôle interne au sein des services de la région.
M.
Maurice Dousset
a cependant regretté que les
observations des chambres régionales des comptes se bornent, le plus
souvent, à mentionner les seuls points négatifs d'une gestion
locale, sans qu'il soit fait référence à l'ensemble de la
gestion d'une collectivité et à ses aspects positifs. Il a
ensuite noté que les chambres régionales des comptes ne
formulaient jamais de critiques à l'encontre des services de l'Etat,
qui, selon lui, possèdent souvent une responsabilité dans les
choix locaux. Puis, il a insisté sur la nécessité, pour
les juridictions financières, de s'abstenir de toute appréciation
pouvant s'apparenter à un contrôle de l'opportunité des
décisions des gestionnaires locaux. Il a enfin mis en évidence la
gravité de l'impact médiatique des observations formulées
par les chambres régionales des comptes qui tendent à concentrer
l'opinion publique sur les seuls aspects négatifs de la gestion locale.
M.
Maurice Dousset
a ensuite exposé les faits ayant
conduit, au terme d'une procédure de gestion de fait, à son
inéligibilité aux prochaines élections régionales.
A cet égard, il a indiqué qu'un contrôle avait
été engagé par la chambre régionale des comptes du
Centre le 29 juillet 1994.
Rappelant les principales étapes du calendrier de ce contrôle,
M.
Maurice Dousset
a insisté, d'une part, sur la
longueur de la procédure de contrôle et, d'autre part, sur la
brièveté avec laquelle s'était conclue la procédure
de gestion de fait, engagée à son encontre, au sujet de
l'association du personnel de la région Centre. Il a indiqué que
cette association avait pour principale fonction de gérer un
système de retraite supplémentaire en faveur des agents
contractuels territoriaux, qui avait été mis en place en 1986,
à la suite d'études engagées en 1984. Sur ce point,
M.
Maurice Dousset
a relevé que la gestion de cette
association n'avait pas appelé de commentaires particuliers de la
chambre régionale des comptes au terme du contrôle effectué
par celle-ci en 1991. Il a déploré que la juridiction
financière n'ait pas formulé d'observations sur la gestion de
cette association à l'époque, ce qui avait conduit la
région à "persévérer dans l'erreur" pendant quatre
années supplémentaires. Il a indiqué qu'à
l'occasion du second contrôle mis en oeuvre par la chambre
régionale des comptes, la région avait décidé,
dès le 30 juin 1995, de suspendre le système de retraite
complémentaire du personnel et que l'association du personnel de la
région Centre s'était dissoute dès le mois d'octobre 1995.
M. Maurice Dousset
a ensuite rappelé qu'une procédure de
gestion de fait avait été engagée à la fin de
l'année 1995, la déclaration provisoire de gestion de fait ayant
été prononcée le 2 février 1996 et notifiée
le 7 mars, précisant que le mémoire en réponse de la
région avait été transmis à la Chambre
régionale des comptes le 16 juin 1996. Il a ensuite
précisé que la déclaration définitive de la
situation de gestion de fait lui avait été communiquée le
21 janvier 1997, par simple communication téléphonique, et que le
jugement visant le président de la région et les
trésoriers de l'association avait été notifié le 11
février 1997. A cet égard, il a noté que ce jugement
était assorti du prononcé d'une amende de 70.000 francs à
son encontre et de 20.000 francs pour chacun des trois trésoriers.
En définitive, le président de la région Centre s'est
étonné de la "mise en sommeil" de cette procédure entre le
début du mois de juin 1996 et la fin du mois de janvier 1997. Il a
précisé que, sur la recommandation du président de la
chambre régionale des comptes du Centre, il avait fait appel de ce
jugement devant la Cour des Comptes le 8 avril 1997. Il a indiqué
que le conseil régional, à cette occasion, s'était
prononcé pour la seconde fois sur l'utilité publique des
dépenses engagées par l'association du personnel de la
région Centre et que, le 28 mai 1997, la Cour avait admis la
recevabilité de l'appel et prononcé un sursis à
exécution. Il a souligné que le 2 octobre 1997, soit
à peine quatre mois plus tard, la Cour des Comptes avait confirmé
le jugement de la chambre régionale des comptes constatant en
conséquence son inéligibilité pendant six mois, ce qui
faisait ainsi définitivement obstacle à sa candidature aux
élections régionales de mars 1998.
S'agissant des amendes,
M. Maurice Dousset
a souligné que,
malgré la réduction de leurs montants, la condamnation à
une telle peine possédait un caractère infamant aggravé
par un long écho médiatique.
M. Jean-Paul Amoudry, président,
a rappelé que le
problème de la gestion de systèmes de retraite
complémentaire des agents territoriaux constituait une
préoccupation pour de nombreuses collectivités locales et qu'il
convenait de distinguer entre les régimes mis en oeuvre avant 1984 et
ceux constitués après cette date.
M. Jacques Oudin, rapporteur,
a, pour sa part, souhaité que les
chambres régionales des comptes modifient leur conception de l'examen de
la gestion afin de resituer leurs observations au sein d'un bilan global des
contrôles effectués qui relèverait également les
aspects positifs de la question examinée. Il a relevé, par
ailleurs, les grandes différences qui caractérisent la
durée des procédures de contrôle engagées et a
suggéré que celles-ci soient inscrites dans des délais
précis tout en précisant que ceux-ci pourraient être
reconductibles.
M. Paul Girod
a relevé que dans ce domaine il existait un
phénomène de jalousie de la fonction publique de l'Etat envers la
fonction publique territoriale. Il a relevé, par ailleurs, l'importance
des contrariétés de jurisprudence entre différentes
chambres régionales des comptes.
M. Henri Collard
s'est, pour sa part, interrogé sur le
degré de transparence des systèmes de primes allouées aux
fonctionnaires des services déconcentrés de l'Etat.
Interrogé par le
président
Jean-Paul Amoudry
sur
le dépôt d'un pourvoi en cassation, auprès du Conseil
d'Etat, de l'arrêt de la Cour des Comptes,
M. Maurice Dousset
a indiqué qu'il s'en était abstenu dans la mesure où
ce recours aurait fait obstacle à l'obtention du quitus de la
juridiction financière dans cette affaire.
M.
Jacques FERRATON
Président de la chambre régionale des
comptes de Franche-Comté
Mardi 10 février 1998
M. Jacques Ferraton
a indiqué, tout d'abord,
que les
chambres régionales des comptes avaient, depuis leur création,
accomplis d'importants progrès en termes de compétence technique
des magistrats. Il a cependant admis que les modalités d'expression
retenues pour la rédaction des lettres d'observation restaient encore
dans certains cas à parfaire, avant de constater l'absence de
définition légale précise de l'examen de la gestion.
S'agissant de cette forme de contrôle,
M. Jacques Ferraton
a
relevé que les chambres régionales des comptes possédaient
une grande liberté pour sa mise en oeuvre. Il a cependant
précisé que le comité des méthodes et le
comité de liaison créés au sein de la Cour des Comptes
avaient fortement contribué à harmoniser, tant la
méthodologie, que la déontologie applicables à l'examen de
la gestion. Il a noté, par ailleurs, que les chambres possédaient
des moyens limités et qu'elles étaient soumises à un
accroissement des tâches lié au contrôle budgétaire
et aux audits qui pouvaient leur être demandés et qu'il en
résultait une certaine limitation du nombre des comptes examinés.
Il a souligné, qu'à cet égard, les critiques
formulées par les élus locaux avaient contribué à
améliorer les conditions de mise en oeuvre de l'examen de la gestion.
Le président de la chambre régionale des comptes de
Franche-Comté
a, par ailleurs, précisé que si le
contrôle d'opportunité était un sujet dont il ne fallait
pas surestimer l'importance, il constituait néanmoins un risque
réel et que les magistrats des juridictions financières avaient
été sensibilisés à la nécessité de
respecter la frontière entre la légalité et
l'opportunité.
M. Jacques Ferraton
a ensuite admis que les observations
formulées par les chambres régionales des comptes souffraient
parfois d'hétérogénéité, tant sur le fond
que dans la forme. S'agissant du fond, il a noté qu'il s'agissait "d'un
travers inévitable" en l'absence d'un système de
réformation applicable aux lettres d'observation, soulignant qu'en outre
les thèmes de contrôle retenus par chaque juridiction
étaient très diversifiés. S'agissant de la forme, il a
reconnu que les lettres d'observation étaient
caractérisées par le caractère variable de leur longueur
et de leur ton. Sur ce point, il a souligné que, l'existence d'un
support informatique recensant les lettres d'observation émises par les
chambres régionales des comptes depuis 1993 avait contribué
à favoriser une certaine harmonisation des pratiques. Il a
souligné que dans l'exercice de ses fonctions à la tête de
la chambre régionale des comptes de Lorraine, il avait favorisé
l'émergence de règles simples ayant principalement pour objet de
recommander que les secteurs contrôlés soient
précisés, que les observations soient hiérarchisées
et que celles-ci soient replacées dans le contexte de la gestion
d`ensemble de la collectivité concernée. Il a notamment
souligné l'importance de distinguer les simples erreurs de gestion des
éventuelles malversations qui pouvaient être relevées.
S'agissant des problèmes de confidentialité des observations
provisoires des chambres régionales des comptes, il a souligné
qu'il s'agissait d'une question de discipline et d'organisation des
juridictions, mais que le secret ne pouvait être respecté que dans
la mesure où les responsables des collectivités locales
concernées et leurs services se soumettaient aux mêmes exigences
de discrétion. Il a noté que les incidents dans ce domaine
étaient relativement rares et qu'il reviendrait, dans un tel cas,
à la mission d'inspection de la Cour des Comptes d'enquêter si des
cas d'atteinte à la déontologie étaient relevés.
Après avoir estimé que la tradition héritée de la
Cour des Comptes conduisait spontanément les chambres régionales
des comptes à ne relever que les aspects négatifs d'une gestion,
M. Jacques Ferraton
a indiqué qu'il pourrait être
envisagé de travailler autrement et de prévoir que les
contrôles soient organisés dans l'esprit d'un audit global
consacré soit à une opération précise, soit
à un service, soit encore à une politique donnée.
Abordant ensuite l'aspect contradictoire de la procédure de l'examen de
gestion, il a rappelé qu'il existait trois étapes
possibles : l'entretien préalable, les échanges de lettres
ainsi que des auditions. A cet égard, il a souligné la grande
importance de l'entretien préalable pour le bon déroulement d'un
examen de la gestion. Il a en outre indiqué qu'il était utile de
compléter l'entretien avec l'ordonnateur principal par une entrevue avec
le directeur général des services de la collectivité
concernée.
A propos de l'éventuelle adjonction des réponses des
gestionnaires locaux aux observations définitives des chambres
régionales des comptes, lors de la communication de celles-ci à
l'assemblée délibérante,
M. Jacques Ferraton
a
indiqué que s'agissant d'une simple communication des observations de la
juridiction financière, et non pas d'une publication, rien n'interdisait
actuellement, dans la pratique, une publication concomitante des
réponses de la collectivité locale aux observations
formulées par la chambre régionale des comptes.
Analysant ensuite le développement éventuel de la fonction de
conseil des chambres régionales des comptes,
M. Jacques Ferraton
a considéré qu'il serait anormal de refuser par principe la
fourniture d'un conseil à une collectivité locale et a
précisé, qu'à titre personnel, il avait en
général accepté de jouer ce rôle. Il a cependant
considéré qu'il n'était pas utile de
légiférer sur ce point et qu'il était
préférable de laisser une marge d'appréciation aux
juridictions financières.
S'agissant de la gestion de fait,
M. Jacques Ferraton
a reconnu
l'existence d'un "sentiment convergent" des présidents de chambres
régionales des comptes pour constater une disproportion entre les faits
reprochés et l'automaticité de la sanction
d'inéligibilité, sachant que, le plus souvent, la gestion de fait
était la conséquence d'une erreur de gestion, et non pas d'une
malversation. Il a noté que la procédure de la gestion de fait
était un dispositif légal ancien et que celui-ci avait
été modifié en 1990 dans un sens protecteur pour les
élus locaux avec l'institution d'un délai de six mois
destiné à permettre la régularisation de cette situation.
Il a relevé que ces délais étaient cependant devenus "une
arme" pour les chambres régionales des comptes pour l'obtention rapide
de la régularisation des situations de gestion de fait. Il a cependant
reconnu que cette "efficacité" se trouvait fortement limitée dans
les cas, relativement fréquents où il existe une pluralité
de comptables de fait. A cet égard, il a souligné que la
détermination en 1990, d'un "délai couperet" uniforme
était mal adaptée à une procédure
caractérisée par une grande diversité des situations.
M. Jacques Ferraton
a ensuite évoqué le renforcement des
garanties qui entourent la procédure de gestion de fait
opéré par le décret du 23 août 1995. Notant
l'insuffisance du délai de six mois, prévu pour permettre la
régularisation d'une situation de gestion de fait, le président
de la chambre régionale des comptes de Franche-Comté a aussi
relevé qu'il existait dans ce domaine des différences de
rédaction au sein du code électoral, selon qu'il s'agisse des
mandats municipaux ou des mandats départementaux, de même, que
subsistaient des incertitudes quant à la portée territoriale de
l'inéligibilité résultant d'une gestion de fait. Il a
suggéré que des améliorations pouvaient être
envisagées dans ces cas. A cet égard, il a tout d'abord
indiqué que la démission d'office résultant d'une gestion
de fait pourrait être remplacée par une suspension des fonctions
d'ordonnateur, ce qui garantirait ainsi le respect des principes de la
comptabilité publique, tout en incitant l'ordonnateur à
régulariser sa situation. S'agissant de l'inéligibilité,
M. Jacques Ferraton
a relevé qu'une solution était plus
difficile à trouver, mais a néanmoins évoqué
l'idée de la suppression du délai de six mois au profit d'un
dispositif permettant de constater la régularisation, ou l'absence de
régularisation, d'une gestion de fait au moment du dépôt
des candidatures à une élection.
Au total,
M. Jacques Ferraton
a souligné qu'il existait une
quasi unanimité des présidents de chambres régionales des
comptes pour constater la "sévérité" des sanctions
applicables à une gestion de fait.
Citant l'exemple du Futuroscope,
M. Paul Girod
a tout d'abord mis en
évidence la difficulté d'intégrer dans l'examen de la
gestion d'une collectivité, la notion de "risque encouru" dans la mesure
où un certain nombre d'investissements des collectivités locales
constituaient un pari sur l'avenir, dont la rentabilité ne pouvait se
mesurer qu'à moyen ou à long terme. Il a ensuite souligné
la difficulté que pouvaient rencontrer les conseils
généraux dans le contrôle de leurs dépenses sociales
en mentionnant le cas de l'attribution de la prestation spécifique
dépendance pour laquelle le département ne possède aucun
pouvoir de vérification sur l'existence d'une tierce personne.
Le président de la chambre régionale des comptes de
Franche-Comté a admis les difficultés posées par le
contrôle a posteriori tout en soulignant que le rôle des
juridictions financières consistait notamment à rappeler les
précautions à prendre à l'occasion d'une prise de risque
par une collectivité locale.
M. Henri Collard
a souligné qu'il convenait de distinguer la
formulation d'observations par les chambres régionales des comptes de
l'exercice, par celles-ci, d'un éventuel contrôle de
l'opportunité des choix de gestion effectués par les
collectivités locales. Il a par ailleurs relevé que les
situations de gestion de fait ne comportaient que très rarement des
"détournements fautifs".
M. Jacques Ferraton
a indiqué que néanmoins la gestion de
fait avait souvent pour objet de constituer "un trésor de guerre",
soustrait aux règles de la comptabilité publique et au
contrôle de l'assemblée délibérante. Soulignant le
caractère très contestable de ces pratiques, il a cependant
insisté sur la "sévérité excessive" des sanctions
applicables. S'agissant des contrariétés de jurisprudence entre
les différentes chambres régionales des comptes, il a
indiqué qu'il ne lui semblait pas souhaitable de légiférer
en la matière, rappelant à cette occasion que la Cour des Comptes
avait conduit une importante action destinée à favoriser
l'harmonisation des méthodes et des objectifs de ces juridictions
financières.
M. Jean-Paul Amoudry, président
, a souligné la
nécessité de favoriser l'émergence d'instances de conseil
aux collectivités locales. Il a ensuite évoqué le cas
particulier des comités départementaux du tourisme dont la loi de
1992 a prescrit la constitution sous une forme associative.
M. Jacques Ferraton
a tout d'abord répondu qu'il ne lui semblait
pas souhaitable de conférer, par voie législative, une fonction
de conseil aux chambres régionales des comptes et qu'il valait mieux
laisser à celles-ci une marge d'appréciation. Il a, par ailleurs,
relevé que d'autres structures de conseil pouvaient être
envisagées et que cette fonction pourrait être partiellement
assumée par les grandes associations d'élus locaux. S'agissant
des comités départementaux de tourisme, il a
précisé que l'obligation de recourir à une structure
associative n'excluait pas tout risque de gestion de fait. Plus largement, il a
indiqué que le recours à une association ne débouchait pas
nécessairement sur une situation de gestion de fait et qu'il fallait,
pour qu'une telle situation soit constituée, une présence
d'éléments "aggravants" tels que l'opacité de la gestion
ou la dissimulation intentionnelle d'éléments de recettes ou de
dépenses.
M.
Jacques BELLE
Président de la chambre régionale des
comptes de Rhône-Alpes
Mardi 10 février 1998
A titre
liminaire,
M. Jacques Belle
a formulé certaines remarques au
sujet du contrôle exercé par les chambres régionales des
comptes. Il a tout d'abord indiqué, qu'à titre personnel, il
était favorable au développement de la fonction de conseil des
juridictions financières et que cette fonction pouvait être
prévue par la loi dans la mesure où celle-ci en définirait
précisément les limites. Il a cependant souligné que
l'exercice d'une telle fonction supposerait des moyens supplémentaires
et impliquerait un grand effort d'harmonisation. Il a, par ailleurs,
noté que les seuils fixés en 1988 (2.000 habitants et recettes
ordinaires supérieures à 2 millions de francs) pour
déterminer la compétence des chambres régionales des
comptes, s'avéraient aujourd'hui inadaptés. Il a
suggéré que le seuil de 2 millions de francs soit porté
à 10 millions de francs, précisant que le seuil
démographique pourrait alors être supprimé. Il a enfin
relevé qu'une clarification de la législation en matière
de délégations de service public lui apparaissait souhaitable.
S'agissant de la gestion de fait,
M. Jacques Belle
a tout d'abord
souhaité rappeler que cette procédure ne constituait qu'une
très faible proportion de l'activité des chambres
régionales des comptes. Il a en effet souligné que malgré
l'augmentation du nombre de déclarations de situations de gestion de
fait (de 35 en 1993 à 83 en 1996), la tendance actuelle se situait aux
alentours d'une soixantaine de cas par an, le nombre des amendes
prononcées dans ce domaine se situant entre 10 et 20 par an. Il a
cependant précisé qu'il existait un grand nombre de cas où
une gestion de fait était susceptible d'apparaître et notamment,
dans le cadre d'associations parapubliques subventionnées. A cet
égard, il a rappelé que la législation avait
progressivement étendu le champ de compétences des chambres
régionales des comptes puisqu'une subvention de 10.000 francs
constituait un critère suffisant pour que celles-ci puissent exercer
leur contrôle sur les comptes d'une association. Il a ensuite
souligné que ces structures devaient être en mesure de fournir un
certain nombre de documents financiers en fonction de l'importance des
subventions reçues et que, au-delà d'un million de francs de
subventions, existait une obligation de certification des comptes par un
commissaire aux comptes. Il a indiqué que dans la région
Rhône-Alpes, le nombre d'associations recevant une subvention d'un
montant supérieur à un million de francs s'élevait
à 377 et que pour certaines communes, le total des subventions
versées à ces structures pouvait atteindre 10 à 15 %
des dépenses de fonctionnement de ces collectivités.
M. Jacques Belle
a ensuite insisté sur les raisons du
développement du recours à la forme associative par les
collectivités locales, expliquant que cette formule permettait
d'écarter l'application des règles contraignantes de la
comptabilité publique, des marchés publics, de la maîtrise
d'ouvrages publique, ainsi que celles de la fonction publique territoriale. A
cet égard, il a précisé que, dans de nombreux cas, la
déclaration de gestion de fait n'était pas prononcée dans
la mesure où l'engagement d'un contrôle par une chambre
régionale des comptes conduisait à l'adoption de mesures de
redressement dès l'envoi de la lettre d'observations provisoires. Sur ce
point, il a souligné que la procédure de gestion de fait ne
constituait pas, pour les chambres régionales des comptes, une sanction,
mais simplement une mise en oeuvre du principe essentiel de la
séparation des ordonnateurs et des comptables.
Il a, par ailleurs, rappelé que le décret du 23 août 1995
comportait d'importantes garanties de procédure dans le cadre d'une
gestion de fait et que ce texte s'apparentait en réalité à
un véritable code de procédure en la matière. Il a aussi
souligné que la démission d'office et
l'inéligibilité n'était pas prononcées par les
juridictions financières, mais résultaient automatiquement de la
législation en vigueur. Ce sont, en effet, des articles du Code
électoral et non du Code des juridictions financières qui tirent
les conséquences de l'incompatibilité des fonctions d'ordonnateur
et de comptable en matière d'inéligibilité des personnes
déclarées comptables de fait. Il a souligné que les
dispositions en vigueur découlaient de modifications législatives
intervenues en 1991, et il a ajouté que si celles-ci étaient
jugées par trop rigoureuses, il était envisageable
d'aménager les délais. Il a noté qu'il était
possible de prévoir que tout ordonnateur déclaré comptable
de fait, à titre définitif, se trouve automatiquement suspendu de
sa fonction d'ordonnateur jusqu'à l'apurement final de sa gestion. Il a
enfin indiqué qu'une telle disposition pourrait venir simplement
compléter l'article L 231-3 du Code des juridictions financières.
M. Jacques Oudin, rapporteur
, a insisté sur l'explication du
recours croissant des collectivités locales aux structures associatives
indiquant que si, parfois, il pouvait exister une volonté de
détournement, il s'agissait, en général, d'une tentative
de réponse à la multiplication des fonctions
conférées aux collectivités locales et à la
nécessité d'alléger des règles contraignantes
susceptibles de lui faire obstacle à certaines actions. Il a noté
qu'une partie de ces difficultés avaient été
résolues dans le domaine du tourisme par la loi de 1992, mais que ce
problème se posait avec acuité dans le domaine des associations
sportives et culturelles.
En réponse à
M. Jacques Oudin
, le président de la
chambre régionale des comptes de Rhône-Alpes a rappelé
qu'il était nécessaire de maintenir le principe de
séparation des ordonnateurs et des comptables et que les
facilités de gestion offertes par la structure associative constituaient
un moyen de détourner un certain nombre de règles d'ordre public.
Il a cependant admis la difficulté que rencontraient parfois les
collectivités locales pour le recrutement de collaborateurs de haut
niveau, dans le cadre du statut de la fonction publique territoriale.
Sur ce point, il a souligné qu'un effort de transparence des situations
respectives de la fonction publique de l'Etat et de la fonction publique
territoriale devait être conduit afin que le principe de parité
entre ces deux ensembles soit effectivement respecté.
M. Philippe de Bourgoing
a, pour sa part, souhaité faire
état de la situation d'une petite commune du département du
Calvados soumise à un "conflit de jurisprudences" entre les observations
de la chambre régionale des comptes et un jugement du tribunal
administratif.
ANNEXE N° IV
L'OBJET ET LA FORME DES
OBSERVATIONS DE GESTION
DES CHAMBRES RÉGIONALES DES
COMPTES
(
Texte de référence élaboré
sous
l'égide de la Cour des comptes
à la suite des
réflexions d'un groupe de travail)
1
Les deux premières missions
d'information sur la décentralisation avaient pour président,
M. Daniel Hoeffel et pour rapporteur, M. Christian Poncelet, devenu
depuis lors, président de la commission des finances : leurs
travaux ont abouti à la publication de deux rapports
(n° 490 Sénat) du 12 juillet 1983 et (n° 177
Sénat) du 19 décembre 1984.
Quant à la troisième mission d'information qui a conclu ses
travaux par la publication, le 27 mars 1991, d'un rapport
(n° 248 Sénat), elle avait pour président et pour
rapporteur, deux sénateurs qui deviendront, entre mars 1993 et
mai 1995, membres du Gouvernement de M. Edouard Balladur à des
postes stratégiques pour les collectivités locales :
M. Charles Pasqua comme ministre de l'Intérieur et M. Daniel
Hoeffel en qualité de ministre délégué
auprès du ministre de l'Intérieur, chargé des
collectivités territoriales et de l'aménagement du territoire.
2
C'est ainsi que l'année dernière, la commission des
lois a constitué, en son sein, un groupe de travail sur la
décentralisation présidé par M. Jean-Paul Delevoye,
par ailleurs président de l'Association des maires de France, et dont le
rapporteur était M. Daniel Hoeffel : le groupe de travail a
remis son rapport le 5 mars 1997 (n° 239 Sénat).
3
Sur ce point, voir les craintes exprimées par
M. Jean-Pierre Balligand, député et président de
l'Institut de la décentralisation, lors du colloque organisé le
27 juin 1997, par la Cour des comptes, sur le thème :
"Démocratie locale et chambres régionales des comptes". Compte
rendu des débats, les éditions du Journal Officiel, p. 36.
4
Selon la "Correspondance économique" du 5 mars 1997
(p. 10 et 11) et le "Bulletin quotidien" du même jour (20 et 21),
ces réfutations de la proposition de loi auraient figuré dans une
"note confidentielle interne", adressée par M. le Premier
président de la Cour des comptes aux présidents des chambres
régionales des comptes.
5
Voir en annexe du présent rapport la liste et le
compte-rendu de ces auditions.
6
Les actes des collectivités territoriales soumis à
l'obligation de transmission sont les suivants :
- les délibérations des assemblées locales ;
- les décisions prises par délégation de
l'assemblée délibérante ;
- les décisions réglementaires ou individuelles prises par
le maire dans l'exercice de son pouvoir de police ou par le président du
conseil général dans l'exercice de son pouvoir de police
afférent à la gestion du domaine du département ;
- les actes à caractère réglementaire pris par les
autorités communales, départementales ou régionales ;
- les conventions relatives aux marchés, aux emprunts et les
conventions de concession ou d'affermage des services publics locaux à
caractère industriel et commercial ;
- les décisions individuelles relatives à la nomination,
à l'avancement de grade, à l'avancement d'échelon, et aux
sanctions et au licenciement d'agents.
7
Sur ce point, voir l'ouvrage de M. Christian Descheemacker
"La Cour des comptes", la Documentation française, p. 156 et 157.
8
Voir supra page 21.
9
Ces données, publiées dans un ouvrage
intitulé "Les institutions régionales de contrôle externe
des finances publiques : une étude comparative", EURORAI, 1997,
concernent huit pays : l'Allemagne, l'Autriche, l'Espagne, la France,
l'Irlande, l'Italie, le Royaume-Uni et la Confédération
helvétique.
Ces éléments ont été complétés par
une étude réalisée sous l'égide du Conseil de
l'Europe qui porte sur l'ensemble des pays européens. Elle a
été présentée par M. Alain Delcamp,
président d'ARCOLE, lors du colloque organisé par la Cour des
comptes le 27 juin 1997 et intitulé : "Démocratie
locale et chambres régionales des comptes", les éditions du
Journal Officiel, p. 19 à 21.
10
Source : article de MM. Pierre Varaine et Daniel Malingre,
présidents de chambre régionale des comptes AJDA, 20 mars 1987
11
Revue française des finances publiques
n
o
43 de 1993 ; à l'époque, les auteurs
étaient respectivement président de la chambre régionale
des comptes de Rhône-Alpes et conseiller de chambre régionale des
comptes.
12
A cet égard, M. Paul Girod, rapporteur du texte au nom de
la commission des lois du Sénat, notait très justement qu'avant
1982, "le problème de l'indépendance du contrôle se
trouvait d'autant plus posé que les comptables supérieurs du
Trésor jouaient tout à la fois le rôle de supérieur
hiérarchique du percepteur et de contrôleur de ce dernier"
(Rapport de M. Paul Girod au nom de la commission des lois sur le projet de loi
d'amélioration de la décentralisation n° 26 de la
première session ordinaire de 1987-1988, page 47).
13
Extrait de l'instruction n° 89-64 T1 du 27 juin
1989 de la direction de la comptabilité publique.
14
Ces deux recours en réformation n'ayant pas le même
objet, la liste des personnes qui peuvent les intenter diffère
légèrement. selon le type de recours. Dans le premier cas, il
s'agit des comptables, des représentants légaux des communes, des
groupements de communes et des établissements publics ou, à leur
défaut, des contribuables autorisés au titre de
l'article L.2132-5 du CGCT ainsi que les représentants de l'Etat
dans le département ou la région. Dans le second cas, cette liste
comprend en outre le commissaire du Gouvernement près la chambre
régionale des comptes, mais ne prévoit plus les contribuables.
15
Journal officiel des débats de l'Assemblée
nationale du 1er août 1981, 1ère séance du
31 juillet 1981, page 604.
16
Rapport n° 33 (1981-1982) présenté par M.
Michel Giraud au nom de la commission des lois, pages 276 et 277.
17
La loi n° 98-135 du 7 mars 1998 relative au
fonctionnement des conseils régionaux prévoit, pour les seules
régions, d'une part, un report de cette date au 30 avril l'année
de renouvellement, et d'autre part, institue une procédure d'adoption
sans vote lorsque le budget régional n'a pas été
adopté à la date limite fixée par le législateur.
18
Deuxième alinéa de l'article L.1612-2 du code
général des collectivités territoriales.
19
Ces principes et cette procédure ont initialement
été définis par l'article 8 de la loi du 2 mars 1982
précitée.
20
Le premier alinéa de l'article L 1612-15 du CGCT dispose
que "ne sont obligatoires pour les collectivités territoriales que les
dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles
et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément
décidé".
21
Enquête dont la synthèse a été
publiée dans le n° 36 de la revue "Maires de France" du mois de
février 1998.
22
Deux problèmes peuvent se poser : la définition de
l'opportunité mais aussi le cadre de la régularité : si
les textes ne sont pas précis, même la notion de
régularité peut être difficile à délimiter.
23
La lettre d'observations provisoires ne fait que reproduire la
note du magistrat-instructeur.
24
Encore faut-il que le contrôle de légalité et
le contrôle financier s'appuient sur les mêmes textes et que ces
textes soient suffisamment clairs pour qu'une interprétation
homogène puisse en être donnée.
25
Voir infra page 114.
26
Cf rapport public de la Cour des Comptes de 1996, page 293.
27
Relèvent de l'apurement administratif les communes ou
groupements de communes dont la population n'excède pas
2.000 habitants et dont le montant des recettes ordinaires figurant au
dernier compte administratif est inférieur à 2 millions de
francs, ainsi que de leurs établissements publics.
28
Rapport n° 26 (1987-1988) précité, page 83
29
Rapport n° 1128 (1987-1988)
30
Cf. l'extrait de l'instruction du 27 juin 1989 de la
direction de la comptabilité relative à l'apurement
administratif : "ce contrôle doit être principalement
orienté vers la prévention
. En d'autres termes, il doit
viser, par le biais d'observations, la régularisation
d'opérations erronées ou insuffisamment justifiées et de
faible gravité et éviter la répétition de telles
irrégularités."
31
Actuellement codifié à l'article
L. 210-1 du code des juridictions financières qui dispose :
"Il
est créé dans chaque région une chambre
régionale des comptes".
32
JO débats AN de la première séance du
11 septembre 1981, page 961.
33
Présidé par M. Jean-Paul Delevoye, et dont le
rapporteur était M. Pierre Fauchon (n° 328, 1994-1995).
34
Présidé par M. Jean-Paul Delevoye, et dont le
rapporteur était M. Daniel Hoeffel (n° 239, 1996-1997).
35
Voir en annexe p 181, l'audition de M. Jacques Blanc.
36
Circulaire n° 90 CD 2646 du 18 juin 1990,
diffusée par l'instruction n° 90-78-MO du 10 juillet 1990
et modifiée par l'instruction n° 90-100-MO du
17 septembre 1990.
37
La gazette des communes, 2 juin 1997, page 6.