2. Quel champ pour la révision constitutionnelle ?
Quelle
que soit la réponse apportée à la première question
- révision de portée générale ou révision
spécifique - se pose en outre celle du
champ
de la
révision constitutionnelle.
En effet, la révision constitutionnelle de 1992, qui a rendu possible la
ratification du traité d'Amsterdam, avait été l'occasion
pour le Parlement d'affirmer son contrôle sur l'action européenne
du Gouvernement, en adoptant l'article 88-4 qui permet le vote de
résolutions sur les propositions d'actes communautaires. On peut se
demander si la révision de 1998 ne doit pas s'accompagner d'un
perfectionnement de ce dispositif, en fonction du bilan que l'on peut en tirer.
La délégation pour l'Union européenne s'est
déjà efforcée de répondre à cette question
par le rapport de M. Lucien Lanier sur
" une révision de
l'article 88-4 de la Constitution "
(n° 281, 1997-1998).
Ce rapport suggère en effet une nouvelle rédaction de l'article
88-4 permettant un élargissement de son domaine d'application :
-- cet article s'appliquerait non plus seulement, comme aujourd'hui, aux
projets de textes relevant du premier pilier, mais aussi à ceux relevant
des deuxième et troisième piliers ;
-- il s'appliquerait également aux " documents de
consultation " de la Commission européenne visés par le
protocole sur les Parlements nationaux annexé au traité
d'Amsterdam ;
-- les projets d '" accords interinstitutionnels " entre la
Commission, le Conseil et le Parlement européen seraient
considérés comme des propositions d'actes communautaires pouvant
faire l'objet de résolutions ;
-- le Gouvernement aurait explicitement la faculté de soumettre aux deux
Assemblées des propositions d'acte communautaire n'entrant pas dans le
domaine législatif
stricto sensu
, mais ayant néanmoins une
grande portée, par exemple les textes concernant l'heure
d'été ou la fixation des prix agricoles.
Votre rapporteur souhaite que le débat ainsi lancé se poursuive,
et souhaiterait à cet égard souligner deux points :
-- l'extension de l'article 88-4 aux deuxième et troisième
piliers de l'Union paraît difficilement contestable,
particulièrement dans le cas du troisième pilier
(coopération en matière judiciaire et policière) qui
aborde des domaines où la compétence parlementaire est
traditionnellement très étendue. Seule une ambiguïté
de la rédaction de l'article 88-4, qui mentionne seulement " les
propositions d'actes
communautaires
", a permis au Gouvernement de
restreindre l'application de cet article aux textes relevant du premier pilier,
alors que rien dans les travaux préparatoires ne montrait que telle
était la préoccupation du Constituant en 1992. On peut rappeler
que les présidents des deux Assemblées ont conjointement
demandé au Gouvernement de reconsidérer cette
interprétation restrictive, sans obtenir de réponse
positive
(2(
*
))
. Une
amélioration, sur ce point, de la rédaction de l'article 88-4
serait donc parfaitement fondée.
-- il paraît également indispensable de revoir l'article 88-4 pour
que les " documents de consultation " de la Commission
européenne puissent faire l'objet de résolutions. C'est en effet
au stade de la définition de grandes orientations que l'intervention du
Parlement peut être la plus utile. Le protocole sur
" le
rôle des Parlements nationaux dans l'Union
européenne
"
qui est annexé au traité
d'Amsterdam précise au demeurant que
" tous les
documents
de consultation de la Commission (livres verts, livres blancs et
communications) sont transmis rapidement aux Parlement nationaux des Etats
membres "
. Si cette disposition a été inscrite dans
le traité, c'est à l'évidence pour que les Parlements
nationaux puissent, en fonction des pratiques constitutionnelles nationales,
exprimer leurs préoccupations à ce stade. Il paraît donc
logique que l'approbation du traité d'Amsterdam s'accompagne
également d'une modification de l'article 88-4 pour que le Parlement
français dispose désormais de cette possibilité.
Ainsi, sur deux points au moins, une révision de l'article 88-4
paraît indispensable. Compte tenu du lien évident entre cette
éventuelle révision et celle qui est nécessaire en tout
état de cause pour permettre la ratification du traité
d'Amsterdam, on est amené à plaider pour une révision qui,
comme celle de 1992, associerait d'une part l'adaptation de la Constitution au
nouveau traité, et d'autre part l'amélioration des conditions du
contrôle parlementaire sur la politique européenne du
Gouvernement.
Une telle amélioration s'impose tout particulièrement dans la
perspective de l'approfondissement de la construction européenne
qu'appelle nécessairement la réalisation de l'Union
monétaire. Le Parlement français, (tout comme, chacun dans sa
sphère de compétences, le Parlement européen, les autres
Parlements nationaux) doit en effet être associé aussi largement
que possible à cet approfondissement, sous peine de voir s'aggraver
dangereusement le caractère déjà jugé excessivement
technocratique et gouvernemental de la construction européenne.