c) Un compromis possible ?
Votre
rapporteur a toutefois souhaité réfléchir à une
formule permettant de faciliter la ratification de certains traités
européens sans présenter pour autant tous les
inconvénients d'une révision de portée
générale.
On peut en effet observer que le domaine potentiel d'intervention de l'Union
européenne ne paraît guère devoir évoluer dans un
avenir proche. Après la large définition donnée par le
traité de Maastricht, le traité d'Amsterdam n'a
procédé qu'à des ajouts limités, concernant les
droits de l'homme et la non-discrimination. Les demandes d'étendre les
compétences communautaires aux domaines de l'énergie, de la
protection civile et du tourisme n'ont pas été retenues par la
Conférence intergouvernementale.
Tout laisse donc à penser que les modifications qu'apporteront les
futurs traités porteront plutôt sur
le mode de
décision
dans les domaines où l'Union a déjà la
faculté d'intervenir. C'est donc également là que se
trouveront les dispositions susceptibles d'être déclarées
inconstitutionnelles.
La décision du Conseil constitutionnel sur le traité d'Amsterdam
est déjà un exemple de cette situation.
Les dispositions de ce traité qui ont été jugées
contraires à la Constitution portent en effet sur un domaine bien
délimité, celui de la libre circulation des personnes, pour
lequel les traités en vigueur prévoient d'ores et
déjà une action à l'échelon européen.
Toutefois, que cette action s'organise dans le cadre de l'Union ou en dehors
d'elle (accords de Schengen), elle est pour l'essentiel régie à
l'heure actuelle par un mode de décision intergouvernemental, alors que
le traité d'Amsterdam rend possible le passage à un mode de
décision de type " communautaire " où la Commission
européenne a le monopole de l'initiative des textes et où le
Parlement européen dispose d'un pouvoir de codécision. C'est
uniquement cette possibilité que le Conseil constitutionnel a
jugé susceptible d'affecter
" les conditions essentielles
d'exercice de la souveraineté nationale "
, ce qui demande
qu'elle soit expressément autorisée par le pouvoir constituant.
Cependant, dans le cas précis où le problème
constitutionnel porte non pas sur un transfert de compétences, mais
uniquement sur la prise de décision dans des domaines où une
compétence a déjà été reconnue à
l'Union, on peut effectivement se demander s'il est nécessaire de
recourir à la procédure de l'article 89 de la Constitution, qui
suppose d'abord le vote d'un texte en termes identiques par les deux
Assemblées, puis la réunion du Congrès ou l'organisation
d'un référendum.
Une solution pourrait être
de prévoir dans la Constitution
qu'une loi organique votée dans les mêmes termes par les deux
Assemblées peut autoriser la ratification d'un traité ayant pour
objet de modifier le mode de décision dans des domaines où des
compétences ont déjà été reconnues à
l'Union européenne.
Cette formule ne pourrait être un moyen de contourner un obstacle
constitutionnel, puisque toute loi organique est soumise au contrôle du
Conseil constitutionnel. Mais le simple changement d'un mode de décision
dans l'Union deviendrait une procédure moins lourde : au lieu d'un
dispositif à trois phases (vote d'une loi de révision par les
deux Assemblées en termes identiques -approbation par le Congrès
ou par référendum-, vote d'une loi de ratification du
traité), on aurait un dispositif à une seule phase, mais avec les
garanties apportées par un contrôle systématique du Conseil
constitutionnel et l'exigence d'un accord entre les deux Assemblées.