C. DES TENSIONS SOCIALES SOUS-JACENTES
Malgré la politique gradualiste du Gouvernement, le
niveau
de vie de la population a été très affecté par la
récession économique
. Il est toutefois difficile
d'évaluer la chute réelle du pouvoir d'achat des
ménages : en effet, les revenus monétaires ne
reflètent qu'une partie d'un niveau de vie grandement soutenu par
l'auto-consommation. Néanmoins, les experts s'accordent à
considérer que la situation sanitaire de la population s'est
considérablement dégradée depuis l'indépendance,
sous l'effet conjugué d'une consommation alimentaire
déséquilibrée, voire insuffisante, et du difficile
accès aux soins médicaux les plus élémentaires. La
brusque augmentation des prix intervenue en avril 1996 n'a
été que partiellement compensée par une
réévaluation simultanée des salaires, retraites et
pensions de 40 % en moyenne. Début 1997, le salaire moyen
mensuel représentait l'équivalent de 80 dollars environ.
Dans le même temps, la politique d'assainissement budgétaire
à entraîné une réduction des subventions :
en 1996, les aides aux services d'entretien des habitations ont
été réduites de 50 % et les subventions aux
consommations d'eau et de chauffage, de 80 %.
La privatisation des logements est, quant à elle, presque
achevée. La plupart des logements ayant été
cédés à leurs occupants avant le lancement officiel de
l'opération en septembre 1992, celle-ci n'a pratiquement
concerné que les logements appartenant à des entreprises ou aux
autorités locales. Si depuis un an un véritable marché
immobilier se développe, il se caractérise par une hausse assez
rapide des prix, consécutive à l'interruption de la vague
d'émigration russe.
Par ailleurs, le maintien du niveau de vie est difficile pour une population
qui croit incomparablement plus vite que les emplois nouveaux et aura
doublé dans vingt ans. Que se passera-t-il dans les années
à venir dans le Ferghana surpeuplé - plus de 25 % de la
population sur 5 % du territoire national ? La démographie la
plus élevée de la région -500.000 habitants
supplémentaires chaque année- créera immanquablement de
graves déséquilibres économiques et sociaux. Dans un pays
où la moyenne d'âge est de 15 ans, une jeunesse de plus en
plus nombreuse, fascinée par le mode de vie occidentale mais trouvant
difficilement des emplois, n'acceptera pas toujours le respect et
l'obéissance qu'elle doit, selon les us et coutumes, aux anciens.
La cohésion sociale encore largement fondée sur des relations de
famille à la fois étroites et étendues, pourrait
être, par ailleurs, mise en cause par l'enrichissement rapide d'une
minorité et les conditions de vie difficiles de la grande
majorité, d'autant que le passage à l'économie de
marché entraîne peu à peu une montée du
chômage, actuellement maintenu artificiellement bas par la persistance du
suremploi dans les entreprises d'Etat. Des catégories professionnelles
naguère relativement favorisées par le régime,
-intellectuels, artistes, enseignants, chercheurs- sont aujourd'hui
exposées à d'importantes difficultés. L'enseignement, en
particulier, est menacé par la fuite des cerveaux. Il continuera sans
doute à former plus encore qu'auparavant une élite d'excellent
niveau international, mais dès à présent, l'avenir est
inquiétant pour la masse et les cadres moyens.