Mission effectuée au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au Turkménistan
FRANCOIS-PONCET (Jean) ; FRANÇOIS (Philippe) ; MINETTI (Louis) ; BARRAUX (Bernard) ; BÉCOT (Michel) ; BOYER (Jean) ; BRAUN (Gérard) ; COURTEAU (Roland) ; FATOUS (Léon)
RAPPORT D'INFORMATION 412 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES
Table des matières
-
INTRODUCTION -
-
PREMIÈRE PARTIE -
KAZAKHSTAN, OUZBÉKISTAN ET TURKMÉNISTAN :
UNE HISTOIRE ET DES CARACTÉRISTIQUES COMMUNES -
CHAPITRE IER -
LE POIDS DE L'HISTOIRE- I. DES SOCIÉTÉS PLURI-ETHNIQUES ENTRE NOMADISME ET SÉDENTARITÉ
- II. L'ISLAM EN ASIE CENTRALE : UN ENRACINEMENT SOCIO-CULTUREL DE PREMIÈRE IMPORTANCE
- III. L'ASIE CENTRALE : DE LA RUSSIE À L'URSS, DE L'URSS À LA RUSSIE
- IV. STABILITÉ POLITIQUE ET FRAGILITÉS
-
CHAPITRE II -
DES RICHESSES CONVOITÉES -
CHAPITRE III -
DES CONTRAINTES GÉOGRAPHIQUES ET ENVIRONNEMENTALES FORTES -
DEUXIÈME PARTIE -
L'ASIE CENTRALE : UNE TERRE DE DIVERSITÉ -
CHAPITRE IER -
LE KAZAKHSTAN : DES "AILES DE GÉANT "- I. DES POTENTIALITÉS CONSIDÉRABLES
-
II. DES DÉFIS À RELEVER
- A. L'ADMINISTRATION D'UN IMMENSE TERRITOIRE
- B. DES RÉFORMES ÉCONOMIQUES INSUFFISANTES
- C. LA VALORISATION DES HYDROCARBURES
- D. L'AMÉLIORATION DES RELATIONS AVEC LES " GRANDS VOISINS "
-
CHAPITRE II -
L'OUZBÉKISTAN : UNE PUISSANCE RÉGIONALE À LA RECONQUÊTE DE SON HÉRITAGE- I. DE NOMBREUX ATOUTS
- II. DES NOEUDS GORDIENS À TRANCHER
-
CHAPITRE III -
LE TURKMÉNISTAN : ENTRE TRADITION ET TRANSITION -
TROISIÈME PARTIE -
LA PLACE DE LA FRANCE EN ASIE CENTRALE -
CHAPITRE 1ER -
LA PART MODESTE DE LA FRANCE DANS LES INVESTISSEMENTS ET LES ÉCHANGES COMMERCIAUX- I. LES INVESTISSEMENTS FRANÇAIS EN ASIE CENTRALE
-
II. LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ENTRE LA FRANCE ET LES ETATS D'ASIE
CENTRALE
- A. DES ÉCHANGES FRANCO-KAZAKHSTANAIS EN AUGMENTATION, MAIS QUI RESTENT LIMITÉS
- B. LA PROGRESSION DES EXPORTATIONS FRANÇAISES EN OUZBÉKISTAN, MALGRÉ UN VOLUME D'ÉCHANGES QUI DEMEURE MARGINAL
- C. LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ENTRE LE TURKMENISTAN ET LA FRANCE : UNE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE TRÈS MODESTE MAIS ENCOURAGEANTE
-
CHAPITRE II -
LES SPÉCIFICITÉS DE LA PRÉSENCE FRANÇAISE- I. LES AFFINITÉS CULTURELLES ET SCIENTIFIQUES
- II. UNE INSTITUTION APPRÉCIÉE QUI FAIT HONNEUR À LA FRANCE : L'INSTITUT FRANÇAIS D'ÉTUDES SUR L'ASIE CENTRALE
- CONCLUSION
-
ANNEXE N° 1 -
EXAMEN EN COMMISSION -
ANNEXE N° 2 -
PROGRAMME DU DÉPLACEMENT DE LA DÉLÉGATION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES DU SÉNAT EN ASIE CENTRALE
(21-30 SEPTEMBRE 1997)
-
ANNEXE N° 3 -
DONNÉES GÉNÉRALES SUR LES ÉTATS D'ASIE CENTRALE
INTRODUCTION -
Tout a
changé en Asie Centrale, mais à y regarder de plus près,
rien n'est encore vraiment différent. Jugement un peu trop hâtif
sur cette partie du monde qui a recouvré son indépendance, ou
simple constat sur une région qui constituait, il y a peu de temps
encore, une fraction de l'empire soviétique ?
Six ans après le démembrement de l'Union soviétique, le
moment semble venu, pour la France, de tourner sérieusement son regard
vers ces nouveaux pays souverains.
Pour le plus grand nombre, l'Asie centrale est une contrée mal
identifiée sur la carte du globe. Pour ceux qui la connaissent, elle est
apparue, ces dernières années, comme un territoire situé
dans la sphère d'influence de la Russie.
Ainsi tout se passe comme si notre pays, satisfait de la relance de ses
relations politiques et économiques avec la Chine et la Russie, se
contentait de résultats modestes pour assurer sa présence dans
cette région essentielle du monde.
Quiconque s'intéresse au continent asiatique ne saurait, pourtant,
ignorer l'Asie centrale.
L'histoire l'interdit. Elle renvoie au royaume des Parthes, aux cités de
Merv et de Samarcande, aux empires de Gengis Khan et de Tamerlan. La
célébration, en 1997, par l'UNESCO du 2.500 ème
anniversaire de la fondation des villes de Boukhara et de Khiva témoigne
du passé prestigieux et mouvementé de cette région
tombée dans l'oubli depuis le début du XVIème
siècle, et mise sous le boisseau depuis la fin du XIXème
siècle.
L'Asie centrale, trait d'union entre plusieurs aires culturelles, couvre un
espace de près de 4 millions de km² peuplé de
53 millions d'habitants. Elle rassemble cinq Etats, autrefois
Républiques soviétiques : le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le
Turkménistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan. L'Azerbaïdjan, bien
que certaines caractéristiques l'apparentent à l'Asie centrale,
appartient plutôt au Caucase.
L'indépendance de ces Etats a donné lieu, au début des
années 1990, à trois pronostics sur le devenir de cette
région.
Pour les uns, son potentiel énergétique, devait rapidement
l'autoriser à occuper une place primordiale dans l'économie
mondiale. Pour d'autres, une forte instabilité risquait de s'y
développer du fait de l'ascension de l'islam, de la diversité
ethnique des Républiques et du caractère artificiel de leurs
frontières. D'autres enfin, annonçaient que la disparition de
l'URSS laissait le champ libre à la Turquie, à l'Iran et à
d'autres appétits venus de plus loin.
Aujourd'hui aucun de ces pronostics ne s'est réellement
vérifié. Une certitude pourtant : l'Asie centrale est redevenue
l'une des pierres angulaires de l'équilibre géopolitique de
l'Eurasie, suscitant nombre d'interrogations stratégiques,
économiques et culturelles.
Pour mieux comprendre ce miroir aux facettes multiples qu'est l'Asie centrale,
la mission d'information de la Commission des Affaires Economiques,
après avoir rencontré à Paris un certain nombre d'experts
de la région, s'est rendue au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au
Turkménistan.
Elle a volontairement restreint la durée de sa visite à dix jours
en raison de la session extraordinaire du Parlement et n'a pas pu, en
conséquence, se rendre au Kirghizstan et au Tadjikistan.
Invitée par le Sénat de la République du Kazakhstan, la
mission d'information a réservé la première partie de son
voyage à Almaty, où elle a été accueillie par la
Commission des Affaires économiques, des Finances et du Budget du
Sénat du Kazakhstan. Elle a pu mettre à profit son séjour
dans la capitale pour rencontrer M. Noursoultan Nazarbaev,
Président de la République, ainsi que plusieurs ministres et
parlementaires.
La mission s'est ensuite rendue en Ouzbékistan. Après Tachkent,
où elle a pu rencontrer les autorités gouvernementales et
parlementaires ainsi qu'un grand nombre de chefs d'entreprises, elle s'est
rendue à Samarcande et à Boukhara.
Elle a achevé son voyage à Achkabad au Turkménistan.
La mission d'information tient ici à adresser ses vifs remerciements
à Son Excellence M. Noursoultan Nazarbaev, Président de la
République du Kazakhstan, à M. Outkour Sultanov, Premier Ministre
de la République d'Ouzbékistan, aux Parlements kazakhstanais,
ouzbèke et turkmène, ainsi qu'aux autorités
gouvernementales, provinciales et locales pour l'accueil qui lui a
été réservé et la disponibilité avec
laquelle toutes les personnalités rencontrées se sont
prêtées à ses questions.
Malgré le court laps de temps qui leur était imparti, les
Sénateurs ont pu mieux cerner la réalité de ces Etats et
identifier les défis que leur évolution lance à l'Asie et
à l'Occident.
Si l'avenir de chacun de ces pays est intimement lié à
l'histoire, à la civilisation, aux handicaps et aux atouts communs
à l'ensemble de cette région, l'Asie centrale demeure aujourd'hui
une terre de diversité sur laquelle la France est encore trop peu
présente.
PREMIÈRE PARTIE -
KAZAKHSTAN, OUZBÉKISTAN
ET TURKMÉNISTAN :
UNE HISTOIRE ET DES CARACTÉRISTIQUES
COMMUNES
L'expression " Asie centrale " s'applique à
l'une
des grandes régions du continent asiatique. Lieu de rencontre d'une
multitude de peuples et de cultures, cette région varie
considérablement selon qu'on la définit en fonction de
critères géographiques, linguistiques ou politiques.
L'espace est divisé en cinq Etats, créés par
l'administration soviétique entre 1924 et 1936, et qui sont devenus
indépendants en 1991 : le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, le
Turkménistan, le Kirghizstan et le Tadjikistan.
Bien que l'Asie centrale, entre Caspienne et Tian-Chan, n'ait jamais
constitué une seule entité politique,
l'avenir de chacun de
ces pays est intimement lié à l'histoire, à la
civilisation, aux handicaps et aux atouts communs à l'ensemble de la
zone
.
CHAPITRE IER -
LE POIDS DE L'HISTOIRE
L'Asie
centrale a de tout temps constitué une des
plaques
" tournante "
de l'histoire des continents.
Zone particulièrement instable durant des siècles, elle a
été un " réservoir " de populations nomades dont
les migrations ont submergé les pays sédentarisés. Sur
l'espace conquis de puissantes confédérations de tribus nomades
se sont créées -" les empires des steppes "- qui ont
soumis à leur joug les pays voisins.
Le destin de l'Asie centrale est étroitement lié à celui
des peuples et des grands événements qui ont marqué
l'histoire de l'Asie : Indo-Européens, Scythes, bouddhisme, expansion
musulmane, Turcs, Mongols, Chine, Russie, communisme...
La complexité
de cette histoire " partagée " de l'Asie centrale, terre de
passage, d'invasions et d'empires, est d'ailleurs -en partie- à
l'origine de la situation actuelle de ces Etats, qui peinent à affirmer
leur identité.
I. DES SOCIÉTÉS PLURI-ETHNIQUES ENTRE NOMADISME ET SÉDENTARITÉ
A. 2.500 ANS D'HISTOIRE " PARTAGÉE "
L'histoire tourmentée de l'Asie centrale n'a pas empêché la région de développer une forte identité .
1. Des origines à l'indépendance de l'Asie centrale
Plusieurs caractéristiques marquent l'histoire de
l'Asie
centrale
.
Elle a accueilli des peuples, des religions et des empires qui ont
rayonné sur toute l'Asie. Son histoire a été peu
étudiée, car les recherches ont été
concentrées sur les périodes au cours desquelles le coeur de
l'Asie battait aux rythmes transasiatiques : diffusion du bouddhisme, Empire
Mongol, naissance de l'URSS... En outre, aucun de ces moments forts de
l'histoire n'appartient en propre à l'Asie centrale, leur
évocation renvoie à d'autres horizons : l'islam au Proche-Orient,
la Révolution d'octobre à la Russie ou les populations
d'expression turque à la Turquie. Enfin, le carrefour
géopolitique qu'est l'Asie Centrale au cours de l'histoire a entretenu
des relations privilégiées avec ses grands voisins : le monde
grec, l'Inde, la Chine, la Russie et la Perse.
Ces caractéristiques se retrouvent tout au long des
quatre grandes
périodes qui ont marqué l'histoire de la
région.
a) L'Asie centrale pré-islamique
L'historien Vincent Fourniau fait remonter les fondements de la
dualité nomades-sédentaires à la période
s'étendant du VIe siècle avant Jésus-Christ à la
conquête islamique, qui date du VIIIe siècle après
JC
1(
*
)
.
Ainsi le sud de l'Asie centrale a fait face durant plus d'un
millénaire à la steppe du Kazakhstan
, les populations
sédentaires étant en contact avec les nomades de la grande steppe
eurasiatique, "
le plus important domaine de nomadisme pastoral de la
terre
".
Les achéménides (535-327 avant JC), l'empire d'Alexandre le
Grand, la dynastie grecque des Séleucides (312 environ à 250
avant JC), le royaume des Parthes -(247 avant JC - IIIe siècle
après JC)- et les rois sassanides (227-651 après JC) ont tous
mené des campagnes contre les confédérations de nomades
des steppes qui ont menacé leurs possessions.
Parmi ces puissantes confédérations nomades, il faut retenir les
Sakas, les Scythes, la dynastie kouchan (IIe siècle avant JC - IVe
siècle après JC) et les Kidarites. Les autres dynasties de
nomades qui leur ont succédé à la tête des
régions d'oasis, où elles ont connu une sédentarisation et
une assimilation partielle, avaient une origine altaïque.
L'Asie centrale est donc, depuis l'aube de l'histoire, le lieu d'une intense
circulation d'hommes et d'idées.
L'ouverture d'une voie
continentale entre la Chine et l'Occident au IIe siècle avant notre
ère l'a placée au centre d'un équilibre entre grands
empires.
b) La naissance de la civilisation islamique en Asie centrale
La
conquête arabo-musulmane due à la dynastie des Omayyades de Damas
au début du VIIIème siècle, a fait passer la Transoxiane
-région au-delà de l'Oxus- dans l'orbite du monde musulman. La
conquête de cette région a assigné pendant plusieurs
siècles au fleuve Syr Daria, le rôle de frontière
au-delà de laquelle l'islam n'a pénétré que bien
plus tard et par paliers successifs.
L'époque qui a suivi l'établissement du pouvoir islamique en
Transoxiane représente une étape majeure dans le renouvellement
des zones d'influence politico-culturelle en Asie centrale
. Elle a vu, en
effet, la création d'un domaine politique musulman englobant les foyers
les plus anciens des civilisations urbaines du Moyen-Orient. La civilisation
islamique, qui est née dans le nouvel espace omayyade et s'est
épanouie sous les premiers Abassides (750-1258).
Une symbiose entre le pouvoir turc préexistant et la religion
islamique s'est ainsi opérée peu à peu, notamment lors de
la dynastie des Seljoukides (1038-1194) sur la base d'une interaction entre
nomades et sédentaires.
c) Le tournant du monde moderne
L'expansion des Mongols de Gengis Khan
dans les
régions soumises depuis des siècles à l'influence turque a
jeté les bases d'une culture musulmane " turco-mongole " dans
le développement de laquelle l'Asie centrale a joué un rôle
essentiel.
La période allant du XIVème au XVIIIème siècle a
vu la stabilisation et l'homogénéisation de l'Asie centrale.
L'empire de Timour Leng (Tamerlan),
de 1370 à 1405, a
été le seul de l'ère turco-mongole musulmane ayant eu la
Transoxiane pour centre. A la mort du fondateur, les Timourides sont
restés des acteurs du jeu politique dans l'ensemble de ces
régions jusqu'à la fin du XVè siècle, date à
laquelle les Timourides ont été vaincus par les Ouzbèks,
venus des steppes d'au-delà du Syr Dana.
L'effondrement de cette dynastie a entraîné le remodelage des
frontières politiques et ethniques d'une large part de l'Asie centrale,
donnant place aux nouvelles aires des Kazakhs et des Ouzbèks. Ces aires
correspondent approximativement l'une au Kazakhstan, l'autre à
l'Ouzbékistan. Une large part du Tadjikistan et l'Ouest du
Turkménistan ont connu conjointement deux types d'évolution entre
les XVIe et XIXe siècle : l'éclatement politique, avec la
formation de plusieurs entités, et une lente unification ethnique dans
chacune d'elles. Les maisons régnantes ont été toutes
musulmanes, gengiskhanides et ethniquement kazakhes au Nord, ouzbèkes au
Sud du Syr Daria.
Cette phase de stabilisation a permis l'affirmation d'identités
ethno-politiques régionales fortes
-kazakhe, ouzbèke- que
d'aucuns estiment être les fondements des nationalités
d'aujourd'hui. Cette période a été marquée
parallèlement par la perte d'influence de cette zone, due en partie
à l'ouverture des voies maritimes à partir du XVIe
siècle.
d) " L'ère européenne " de l'Asie centrale
" L'ère européenne " de l'Asie
centrale
correspond à l'expansion militaire russe dans cette région, qui
s'achève en 1895 dans le Pamir
. Cette lente avancée terrestre
vers le sud, à partir de la longue frontière de Sibérie,
s'est effectuée tout d'abord à travers les territoires kazakhs,
puis dans les khanats ouzbèks, enfin dans le désert
turkmène. La conquête tsariste a opposé la Russie à
la Grande-Bretagne qui progressait, dans le même temps en direction du
bassin de l'Indus et de l'Afghanistan.
L'avancée de la Russie en Asie centrale jusqu'en 1916
n'est,
comme l'indique Olivier Roy
2(
*
)
, que
l'aboutissement d'un processus multiséculaire d'expansion de l'Empire
russe au détriment des populations musulmanes
. La présence
russe se concentre, sur le plan institutionnel et économique, sur
quelques points vitaux, mais va provoquer les transformations profondes dans
les steppes, au Turkestan et, dans une moindre mesure, dans les protectorats de
Boukhara, Khiva et Kokand. Ainsi, l'appropriation par l'Etat russe des terres
des nomades kazakhs, l'abolition du servage et l'expansion démographique
russe vont engendrer un peuplement européen de grande ampleur dans les
steppes, évolution renforcée par les " lois sur la terre
dans les steppes " de 1889 et 1891.
La révolution d'Octobre a parachevé cette entreprise
coloniale
en Asie centrale en initiant la collectivisation de
l'économie et la réforme culturelle -avec notamment
l'élimination du persan-. L'Union Soviétique a
définitivement fixé les frontières des républiques
musulmanes en 1936.
L'installation d'une république islamique en Iran et le début
de la crise afghane en 1979 ont créé une situation totalement
nouvelle aux conséquences imprévisibles
: pour la
première fois depuis plus d'un siècle, un Islam revitalisé
et expansionniste s'installe aux frontières des Etats musulmans
soviétiques.
C'est dans ce contexte territorial et politique que les Etats d'Asie centrale
accèdent à l'indépendance et entrent dans une
période de reconfiguration politique.
2. Une identité régionale forte
L'histoire agitée de l'Asie centrale n'a pas
empêché
la
région de développer une forte
identité
. A toutes les époques, s'y sont produits des
contacts entre peuples, langues, religions et systèmes politiques et
sociaux. Ils ont fait naître de nouvelles formes d'organisation sociale,
d'expression intellectuelle ou artistique, dont l'une des constantes est
l'interaction entre nomades et sédentaires.
L'identité de la région s'est façonnée avant le
XVème siècle à l'intérieur de petites
principautés ou de grands empires asiatiques. Les XVème et
XVIème siècles ont été marqués par la
création de vastes aires ethnopolitiques,
correspondant
approximativement aux cinq Etats actuels de la région, possédant
une vie politique différente des autres sous-unités de
Haute-Asie. Ces aires ethnopolitiques ont poursuivi leur existence, du XVIe au
XIXe siècle, sans être conquises par leurs puissants voisins
(Chine, Inde, Russie, Iran), mais sans qu'elles-mêmes étendent
leur pouvoir sur les territoires de ceux-ci.
Les zones d'influence de ces empires dans la région entre le XVe et
la fin du XVIIIe siècle ont modelé des identités
ethnopolitiques dont les Républiques d'Asie centrale se réclament
aujourd'hui
. Elles revendiquent des filiations enracinées au fil des
siècles, issues du morcellement récent d'une unité
ethnique antérieure. Or, cette idée doit être
considérée avec beaucoup de précaution.
En effet, aucun mouvement nationaliste n'est apparu en Asie centrale et n'y a
préparé les indépendances comme en Arménie, en
Géorgie ou dans les pays baltes. Les Républiques musulmanes de
l'ex-URSS sont nées d'un décret de 1924. Des aires
ethnopolitiques étaient en place dès la fin du XVème
siècle. Mais c'est
l'Union soviétique
qui a, au cours du
XXème siècle, joué le rôle de "
machine
à fabriquer des nations "
, comme l'indique très
justement Olivier Roy.
B. DES ÉTATS PLURI-ETHNIQUES
1. Une mosaïque de peuples durement éprouvés
Lorsque
l'on évoque les populations qui composent les Etats d'Asie centrale, un
constat s'impose : celui de
l'hétérogénéité des ethnies
vivant
dans la région.
On dénombre au Kazakhstan, en Ouzbékistan et au
Turkménistan, parmi les principales nationalités
3(
*
)
:
|
KAZAKHSTAN |
OUZBEKISTAN |
TURKMENISTAN |
Kazahks |
44,3 |
4,1 |
2 |
Ouzbeks |
|
71 |
9,2 |
Turkmènes |
|
|
77 |
Russes |
35,8 |
6 |
6,5 |
Ukrainiens |
5,1 |
|
|
Allemands |
2 |
|
|
Tatars |
1,6 |
2,4 |
|
Tadjiks |
|
4,7 |
|
Coréens |
|
0,9 |
|
Karaklpaks |
|
2 |
|
Ouighours |
1,8 |
0,5 |
0,3 |
(en
pourcentage des populations)
Source : Ministère des affaires étrangères
Le Kazakhstan et l'Ouzbékistan comptent en fait plus de
100 nationalités
. La mission sénatoriale a pu constater
que celles-ci vivaient globalement en bonne harmonie, la Constitution de ces
Etats consacrant d'ailleurs le respect des minorités, ce qui n'a pas
empêché depuis trois ans, une importante émigration russe :
330.000 départs en 1993, 500.000 en 1994.
La diversité humaine caractéristique de l'Asie centrale s'est
accentuée à la fin du XIXe siècle, par l'arrivée de
plus d'un million d'Européens (Russes et autres slaves, Allemands,
mennonites en particulier), essentiellement des ruraux. Le nombre des
Européens dans la steppe est passé de quelques milliers avant
1889 à 20 % de la population en 1897 et 40 % en 1911. La
construction du tronçon occidental du transsibérien vers Omsk en
1892-1894 a accéléré ce mouvement qui a culminé
entre 1896 et 1916. On peut noter que le déclin du nomadisme a suivi la
courbe inverse, 30 % des Kazakhs étant devenus agriculteurs en 1913.
Le kaléidoscope ethnique de l'Asie centrale est sans
équivalent
: par le nombre de groupes humains,
l'hétérogénéité de leurs modes
d'identification et la variété des religions
représentées (islamisme, judaïsme, bouddhisme, chamanisme).
A cette mosaïque de peuples, sont venus s'ajouter les victimes des
multiples déportations ou transferts de population :
réprouvés de diverses origines, Coréens arrachés
à la région de Vladivostok par Staline craignant l'influence
japonaise, Tatars de Crimée, Allemands de la Volga, Grecs... Les pays
voisins ont, eux aussi, jeté en Asie centrale leurs lots de
réfugiés, Doungaves (Chinois musulmans), Ouïghours et
Kazakhs du Xinjiang, Afghans enfin.
Sont ensuite arrivés les colonisateurs des " terres vierges "
issus du monde slave dans le Nord-Kazakhstan sous Khrouchtchev, les
" reconstructeurs " de Tachkent après le tremblement de terre
d'avril 1966, enfin les ouvriers d'usine à l'occasion d'une
industrialisation plus récente encore.
Alors que l'identité des populations d'Asie centrale reposait jusqu'au
début du siècle sur l'interdépendance économique et
sociale entre ethnies,
le processus de soviétisation a
oblitéré ces liens à la fois tribaux et ethniques
,
entre éleveurs et jardiniers, caravaniers et guerriers,
commerçants et théelgours, artisans nomades du feutre ou des
brocarts destinés aux cours princières.
La distribution des
rôles a été gommée par la colonisation d'abord, puis
par la révolution bolchevique qui a balayé les traditions,
qu'elles soient agricoles ou religieuses.
Elle a provoqué ensuite le
déclin définitif des relations commerciales, celui relatif des
artisans et entraîné du fait de la collectivisation, la quasi
disparition des troupeaux et de leurs maîtres.
2. Un certain appauvrissement des identités collectives
L'architecture et la langue témoignent aujourd'hui
d'un
appauvrissement des identités collectives en Asie centrale.
L'analyse de la société au miroir des villes emblématiques
de la région est à cet égard
révélatrice.
Tachkent, Samarcande, Boukara ont perdu leur
bazar ancien. A Boukhara, quelques bâtiments commerciaux isolés et
désaffectés se dressent épars sur des esplanades vides
que, naguère encore, recouvraient des rues bordées
d'échoppes et d'entrepôts. Il en va de même à
Samarcande, autour du Registan -lieu magique dans une ville au nom
magique- : la place rectangulaire harmonieuse et grandiose du Registan
apparaît aujourd'hui étrangement installée non pas au creux
d'un tissu urbain qu'elle aère, mais au milieu d'un espace vaste et
vide, meublé ou marqué par des pelouses et des fontaines.
Sur le plan linguistique
, les nombreuses langues turques d'Asie
centrale, isolées les unes des autres, confinées dans les usages
domestiques, remplacées par le russe en tant qu'idiome régional
ont survécu dans les littératures nationales, dont la
constitution ou le développement ont été officiellement
encouragées. Mais, maniées par des savants ou des
écrivains qui, dans la conversation courante, s'expriment en russe,
elles ont connu le sort habituel des langues " colonisées " :
elles se sont peu à peu étiolées.
On assiste néanmoins aujourd'hui, dans les républiques d'Asie
centrale, à une rapide dérussification, avec, notamment,
l'adoption de lois très strictes imposant l'usage de la langue
nationale, même si le Kazakhstan maintient le russe, non comme langue
officielle, mais comme langue de communication entre
" nationalités ". Cette promotion de la langue nationale
s'accompagne d'une réforme qui va, en Ouzbékistan et au
Turkménistan, jusqu'au changement d'alphabet. Le choix a
été fait de privilégier des alphabets latins
différents pour chaque peuple et soigneusement distinct, bien sûr,
de la langue turque. On peut noter dans ce processus de restauration, que le
volontarisme politique anticipe souvent largement sur l'usage, notamment au
Kazakhstan où l'élite est linguistiquement russifiée. En
Ouzbékistan, l'éviction officielle du tadjik et a fortiori du
persan, marque une certaine tendance au rejet de la mixité culturelle
turco-iranienne qui a si longtemps marqué l'Asie centrale.
II. L'ISLAM EN ASIE CENTRALE : UN ENRACINEMENT SOCIO-CULTUREL DE PREMIÈRE IMPORTANCE
L'Asie centrale abrite une véritable civilisation islamique , comme ne manquent d'ailleurs pas de le rappeler régulièrement les responsables politiques actuels. Cette affirmation d'une identité religieuse suscite néanmoins quelques interrogations.
A. MILLE ANS DE CIVILISATION ISLAMIQUE
1. Un islam sunnite de rite hanéfite qui s'est imposé progressivement
La
conquête arabo-musulmane a débuté par la Transoxiane. Comme
au Moyen-Orient,
l'islam s'est installé dans une des plus vieilles
terres de civilisation urbaine, plaque tournante des échanges en
Asie
.
La première mosquée a été construite en 712,
à Boukhara, sur l'emplacement d'un ancien temple zoroastrien. Outre la
structure administrative, l'islamisation a concerné tous les domaines de
la vie sociale et culturelle de la Transoxiane. A partir de la conquête
arabe de Boukhara (709), la frontière de l'islam n'a cessé de se
déplacer vers le Nord, pour se stabiliser dans l'espace kazakh, au
contact d'un monde sibérien chamaniste, mongol et bouddhiste, ou russe
et chrétien. Néanmoins, l'islamisation de la masse des nomades a
été un mouvement extrêmement long, qui s'est
étalé jusqu'au XIXe siècle.
La conversion à l'Islam de l'ensemble de la région s'est
réalisée selon différents modes, par des raids guerriers
au temps des premiers califes, puis par l'action diplomatique, jusqu'aux
activités des missionnaires soufis -conduisant à la conversion
tardive de nombreux groupes de nomades- et des marchands musulmans.
L'islam enseigné
dans les madrasas -écoles
supérieures coraniques- de Samarcande et de Boukhara
est sunnite de
rite hanéfite
comme en Afghanistan et dans le sous-continent indien.
Les chiites sont peu nombreux -moins de 500.000 personnes- et regroupent
à la fois les chiites duodéciniens -c'est-à-dire
reconnaissant douze imams- ainsi que les ismaéliens du Pamir, qui
reconnaissent sept imams.
2. Le rôle central du soufisme
La
culture sunnite de l'Asie centrale ne peut se comprendre en dehors de sa
dimension soufie
.
Cette région est le berceau d'au moins trois grands ordres soufis. Le
plus important est La Naqchbandiyya, fondé à Boukhara au XIVe
siècle ; les deux autres sont La Yasawiyya et La Kubrawiyya
fondés au XIIe siècle.
L'islamisation de l'Asie centrale doit beaucoup à l'intense
activité missionnaire de ces confréries. Quand, au XIIè
siècle, pour la première fois dans l'histoire du monde musulman,
l'islam fut menacé par des envahisseurs infidèles -Kara Kitay
à l'Est, croisés à l'Ouest- le soufisme s'est
érigé en défenseur de la foi et s'est
métamorphosé en un mouvement de masse. C'est à cette
époque que sont apparues les premières confréries
regroupant des adeptes autour d'un maître.
Le culte des saints soufis
est l'un des éléments essentiels de l'islam populaire
. En
effet, la vénération d'un saint soufi n'est pas seulement le fait
des adeptes de la confrérie à laquelle il a appartenu, mais un
acte de foi et de piété populaire collectif auquel toutes les
catégories sociales participent. Grâce à la
vénération des saints, le soufisme est devenu l'avant-garde d'un
mouvement spirituel de masse, et le mazar (tombeau) du saint, le lieu de
rencontre entre la confrérie et la masse des croyants.
L'implantation rurale est un trait caractéristique du soufisme en
Asie centrale. En outre, dans cette région, comme le souligne Olivier
Roy, le soufisme duplique et dépasse à la fois la segmentation
tribale.
Le soufisme contribue, d'autre part, à contenir la
renaissance de l'islam dans la sphère privée, cette tradition
privilégiant aujourd'hui le mysticisme, la prière plutôt
que l'organisation de la société.
B. ISLAM ET RÉGIME SOVIÉTIQUE : DES RAPPORTS COMPLEXES
1. Le semi-échec de l'islam soviétique
Si la
pratique religieuse et la présence culturelle de l'islam ont
été malmenées durant les décennies
soviétiques, le fait musulman est néanmoins resté intact
comme référence identitaire,
débordant dans la
sphère sociale (circoncisions, port du couvre-chef pour les hommes,
prohibition sur le porc, etc...) à tel point que l'Etat
soviétique a fini par qualifier ces comportements de
" nationaux ". Par ailleurs, devant l'indigence de l'organisation
officielle musulmane pendant l'ère soviétique, les lieux saints
ont joué le rôle de centres de rassemblement pour les adeptes des
confréries soufies et pour les croyants en général.
Deux périodes peuvent être distinguées pour
appréhender les rapports entre l'islam et le régime
soviétique.
De la révolution soviétique jusqu'en 1943, la
répression contre l'islam a été sévère
.
Les tribunaux et les écoles coraniques ont été
fermés de 1926 à 1928, ainsi que de nombreux lieux de culte, les
confréries soufies interdites et l'alphabet changé.
En 1943, Staline met en place un système de quatre
" muftiyya " à compétence territoriale. Commence alors
-et, jusqu'en 1979-, une période durant laquelle l'Etat
soviétique cherche à construire ses propres institutions
islamiques, ainsi qu'à intégrer le fait islamique dans sa
politique extérieure en direction des pays musulmans.
Parallèlement à cette volonté du régime
soviétique de présenter une " vitrine musulmane " pour
sa grande offensive de séduction en direction du tiers monde, N.
Khrouchtchev a fait fermer de 1953 à 1962 un grand nombre de
mosquées -environ 25 %-. Il en restait moins d'une centaine au
début des années 60.
Comme l'indique Vincent Fourniau, "
contribuer à limiter la
pratique religieuse tout en présentant l'Asie centrale comme un
modèle de développement de société islamique
était le pari de la politique d'Etat soviétique, surtout durant
les années soixante et soixante-dix
"
4(
*
)
.
L'évolution de la politique afghane de l'URSS et l'envoi de troupes
soviétiques dans ce pays ont ruiné, bien entendu, ces
années d'efforts diplomatiques en direction du monde
musulman.
2. Le développement d'un islam parallèle
La
politique soviétique en Asie centrale a entraîné le
développement d'un islam parallèle
. Des mollahs non
enregistrés, plus ou moins autoproclamés, et les
confréries soufies en ont été les artisans. Olivier Roy
précise, néanmoins, que cet islam parallèle n'est pas
allé jusqu'à la clandestinité. En effet, si les
mosquées des villages étaient effectivement fermées, la
pratique tranquille de la religion était générale
5(
*
)
.
Après l'offensive de Gorbatchev en 1986 contre la religion musulmane,
l'islam parallèle va révéler l'importance de son
enracinement en Asie centrale. Le retrait russe écartant toute
idée de menace islamique, les pouvoirs en place ont souhaité,
dès l'indépendance, le rétablissement des traditions et
des moeurs que défend l'islam.
C. LA RECONNAISSANCE D'UNE IDENTITÉ RELIGIEUSE, MAIS SOUS CONTRÔLE D'ÉTAT
1. L'islam, une référence identitaire
L'islam constitue la référence identitaire
" obligée " dans laquelle les élites actuelles puisent
leur légitimité
. Ce renouveau religieux permet aussi de
combler le vide idéologique laissé par la disparition de l'URSS.
Les dirigeants -tel Islam Karimov- ont prêté serment sur le Coran.
En outre, le pouvoir participe au financement des mosquées. La loi
turkmène réserve une place centrale à l'islam : le palais
présidentiel a été inauguré avec la
bénédiction d'un dignitaire musulman.
Mais, tout en reconnaissant l'importance du fait islamique en Asie centrale,
le pouvoir politique entend le contrôler.
2. Une gestion prudente du facteur islamique
La
laïcité est affirmée explicitement par les Constitutions du
Turkménistan et du Kazakhstan. Quant à la Constitution
ouzbèke, elle ne mentionne pas l'islam et les partis islamistes sont, en
principe, interdits dans le pays.
Les autorités, pour encadrer le réveil de l'islam, ont
souhaité l'organiser sur des bases nationales. La " Direction
Spirituelle d'Asie centrale " créée par Staline en 1943 a
été supprimée, chaque pays ayant élu ou
nommé un mufti national indépendant du " mufti de
Tachkent ". A partir de 1993, ces " muftiyyas " ont
été contrôlées dans chaque Etat par une direction
des Affaires spirituelles, rattachée directement au Conseil des
Ministres ou à la Présidence de la République. Il ne
subsiste plus aucune instance supranationale de l'islam en Asie centrale, le
clergé national étant placé sous le contrôle des
Etats.
A l'intérieur des pays, notamment au Kazakhstan et en
Ouzbékistan, le fondamentalisme est sévèrement
réprimé. A l'extérieur, l'évolution de la situation
en Afghanistan, en Iran, en Turquie et au Pakistan fait l'objet d'un suivi
attentif.
D. UNE MENACE PEU RÉELLE : L'ISLAMISME
La vigilance des autorités pourrait être interprétée comme l'indice d'un danger islamiste. Néanmoins, l'analyse des trois faits qui pourraient accréditer cette thèse -la présence de foyers fondamentalistes, l'existence de partis politiques islamiques et la proximité d'Etats islamistes- montre que la renaissance de l'islam reste, pour l'instant, en Asie centrale contenue dans la sphère privée.
1. Des foyers fondamentalistes circonscrits
Il
n'existe pas, à proprement parler, de foyers fondamentalistes en Asie
centrale
, si ce n'est à Osh au Kirghizstan et dans la vallée
du Ferghana en Ouzbékistan. Depuis 1992, plusieurs mouvements islamistes
s'y sont développés. Les mollahs fondamentalistes de Tachkent
sont d'ailleurs pour la plupart originaires du Ferghana.
En août 1995, l'imam de la grande mosquée parallèle
d'Andijan fut arrêté. Selon certaines informations, des groupes
islamistes armés chassés du Ferghana offraient leur service au
Tadjikistan.
La dimension locale du radicalisme musulman est patente. C'est sans doute, en
partie, parce que les régions du Ferghana sont très peu
représentées dans les instances du pouvoir central que s'est
développée une implantation islamiste en Ouzbékistan. Une
telle constatation tend à minimiser l'importance des quelques foyers
fondamentalistes existant en Asie centrale.
2. Une force politique limitée
C'est en
juin 1990 à Ashakhan que s'est crée le parti de la
Renaissance islamique (PRI) qui se présente comme une organisation
socio-politique. Son but est "
d'unifier les musulmans sur l'ensemble
du territoire soviétique
".
Ce parti, qui s'est implanté très rapidement au Tadjikistan,
s'est heurté à deux obstacles : le nationalisme et le
clergé officiel. En fait, dès 1992, le PRI a implosé en
raison des clivages ethniques. Sa défaite au Tadjikhistan, son
incapacité à s'implanter réellement au Turkménistan
et au Kazakhstan, ont montré que l'islamisme ne pouvait pas constituer
à moyen terme une alternative politique.
Ainsi, le renouveau islamiste qui s'est manifesté depuis la fin des
années 1980 en Asie centrale ne s'est pas, du moins jusqu'à
présent, traduit par un islamisme politique, porteur d'un projet
d'Etat.
3. Un risque relatif de contagion des Etats voisins ou le mythe du panislamisme
Cette
" contagion " a quatre origines géographiques possibles :
l'Iran, l'Afghanistan, le Tadjikistan et le Pakistan. On doit ajouter
l'influence de l'Arabie saoudite.
L'Iran,
dernier empire multi-ethnique et idéologique de la
région, s'est toujours méfié de l'émergence
d'Etats-nations fondés sur des critères ethniques. Ainsi, les
seuls alliés réels de l'Iran sont les minorités chiites,
quasiment absentes d'Asie centrale. Par ailleurs, l'Iran n'a jamais soutenu
Massoud en Afghanistan ou Tonradganzade au Tadjikistan, alors que ces chefs de
guerre sont persanophones. Sans nier les risques de " contamination "
en Ouzbékistan, qui seront analysés plus particulièrement
lors de l'examen de la situation ouzbèke, il faut rappeler que le
prosélytisme iranien se heurte à un obstacle majeur, celui de
l'opposition entre les iraniens chiites et les musulmans sunnites.
Les relations avec
l'Afghanistan
apparaissent plus complexes. Il s'agit,
en effet, des mêmes ethnies qui constituaient autrefois une même
civilisation et parlaient la même langue : le dari, persan d'Afghanistan,
né à Boukhara. Or, l'arrivée des Talibans sur la
frontière ouzbèke a accru les risques d'une relance de
l'islamisme en Ouzbékistan.
La menace d'une contagion existe aussi, en provenance du
Tadjikistan,
Etat en crise depuis 1992, qui a vu s'affronter les tenants de l'ancien
régime communiste et une coalition
" islamo-démocrate ". Cependant, derrière ces
affrontements idéologiques, se cachent de profonds clivages
régionaux.
Par ailleurs, la " nationalisation " de l'islam en Asie centrale et
la position du clergé officiel conduisent à relativiser le danger
d'une expansion d'un fondamentalisme à l'iranienne. Comme l'a
indiqué Olivier Roy lors de son audition au Sénat
"
l'islamisme politique cède le pas devant un
néo-fondamentalisme conservateur qui veut réformer la
société et les moeurs, mais ne franchit pas le seuil du
politique ".
Quant au
Pakistan
, les Etats d'Asie centrale restent méfiants
à son égard. La quasi absence de relations économiques
avec cet Etat atteste cette attitude très prudente.
Sans nier le danger que pourrait présenter le développement du
fondamentalisme, en cas de crise économique et sociale, notamment en
Ouzbékistan, il est permis de penser que la diversité des
approches de l'islam en Asie centrale et dans les Etats voisins protège
la région contre les assauts du fondamentalisme.
III. L'ASIE CENTRALE : DE LA RUSSIE À L'URSS, DE L'URSS À LA RUSSIE
A. DE LA COLONISATION RUSSE À LA SOVIÉTISATION DE L'ASIE CENTRALE : UNE EMPREINTE INDÉLÉBILE
1. 350 ans d'expansion russe en Asie centrale
La
Russie et l'Asie centrale sont entrées en contact bien avant la
conquête russe du XIXe siècle.
Pendant sept siècles, du IXe siècle au milieu du XVIe
siècle, les ancêtres des Russes furent confrontés à
des voisins musulmans plus avancés techniquement, plus puissants
militairement, d'un niveau culturel plus élevé, en un mot plus
" civilisés ". Durant près de trois cents ans, du XIIIe
au XVe siècle, les principautés russes furent conquises et
soumises aux souverains musulmans de la Horde d'Or. Le souvenir du joug tatar
n'a pas disparu en Russie.
De 1450 à 1650, la Russie qui n'était qu'une Grande
Principauté, payant tribut au souverain musulman tatar de Kazan, devient
par ce jeu l'Empire des Tsars.
Après les victoires russes de 1552 et de 1556, sur les Khanats de
Kazan et d'Astrakhan, la Russie est le premier Etat européen à
avoir une population en partie musulmane
. Ses relations avec l'Asie
centrale, surtout les khanats ouzbèks, furent des relations d'Etat
à Etat. Durant trois siècles, la Russie est l'unique partenaire
européen des souverains ouzbèks, qui cherchèrent à
nouer des contacts avec ce pays pour désenclaver leur territoire.
Le règne de Pierre Ier (1689-1725) marque un tournant dans
l'histoire de l'expansion russe
. Les premiers traités entre la
Russie et le domaine kazakh ont été conclus entre 1700 et 1705
sous la forme de promesses d'allégeance de la part de plusieurs chefs
kazakhs, karakalpaks et même turkmènes, en échange de la
protection militaire russe contre les incursions djouhgares. A partir de 1730 a
commencé la longue pacification de l'espace kazakh, dont le but
n'était pas, alors, l'annexion mais l'établissement d'une
frontière d'où l'hégémonie russe
pourrait
s'étendre
dans la steppe et les échanges se
développer avec les marchés asiatiques. C'est avec le
règne de Catherine II, qu'a débuté une politique de
conquête et d'administration directe de l'espace kazakh, qui a
nécessité soixante-dix ans d'effort.
L'emprise politique et militaire russe a eu, dès le début du
XIXè siècle, un contenu économique (octroi des droits
de pâture, etc...).
Au Sud du domaine kazakh, la Russie a été mise en contact avec
les khanats ouzbèks dont la conquête s'est effectuée de
1853 à 1873. Parallèlement, la Russie a créé,
à partir de 1865, le cadre institutionnel de sa présence
coloniale en Asie centrale. Celle-ci a comporté, d'une part, les
territoires sous administration directe destinés à être
intégrés à l'Empire, et d'autre part, des territoires sous
tutelle, ou protectorats, dans les zones de contact avec la Grande-Bretagne. En
1881, après l'occupation de Khiva, intervient la soumission du pays
turkmène.
La conquête et la domination coloniale qui suivirent provoquèrent
au total peu de révoltes. L'agitation qui a marqué la
période de 1870 à 1895, a été le produit des
tensions propres aux sociétés d'Asie centrale, de
l'activité des soufies, des retombées de la conquête
coloniale, mais aussi des convulsions qui ébranlèrent l'Empire
tsariste dans son ensemble.
2. L'URSS, héritière de l'Empire tsariste en Asie centrale
Quand la
révolution de 1917 mit fin au règne des Romanov, aucun des
problèmes fondamentaux concernant les relations entre l'Etat russe et
ses sujets musulmans n'avait été résolu.
Aucune des
solutions, de la plus libérale -celle appliquée par
Catherine II- à la plus répressive -celle du
Général Kaufman en Asie centrale-, n'avait, en effet, abouti
à un résultat satisfaisant pour les parties en
présence.
Ainsi l'assimilation religieuse, linguistique ou
culturelle pratiquée à partir du XVIe siècle et
jusqu'à la fin du XIXe n'avait touché qu'une minorité, non
sans que s'accumulent rancunes et haines entre communautés russes et
musulmanes.
Dès 1918 se produit un afflux massif de musulmans dans le rang des
organisations locales du parti communiste. Mais ce phénomène
repose, comme l'indique Chantal Lemercier Quelquejay
6(
*
)
, sur un double malentendu : d'une part,
l'illusion nourrie par les musulmans de profiter du nouveau régime pour
mener à bien les réformes engagées au XIXe siècle
par les réformistes musulmans Djadides ; d'autre part, l'espoir des
bolcheviks russes de " rééduquer " leurs alliés
et d'en faire des marxistes authentiques.
3. La soviétisation de l'Asie centrale
Le
régime met en place à partir de 1922, une politique des
nationalités destinée à unifier l'ensemble
soviétique. P
olitique qui consiste, à fractionner la masse
musulmane en Etats dotés de territoires bien délimités.
On distingue
deux réalités :
d'une part, la nation, la
nationalité et le groupe ethnique par référence au groupe
humain, à son évolution historique et à son niveau
culturel ; d'autre part, les entités administratives dotées
de statuts différents. Ainsi, à la place des trois groupes
ethniques (groupe nomade au Nord et à l'Est avec les Kazakhs et les
Kirghizs, groupe sédentaire au Sud formé par les Ouzbèks
et les Tadjiks et groupe turkmène à l'Ouest) l'URSS
créé cinq républiques.
Le régime soviétique transforme profondément
l'économie de la région qui était essentiellement
rurale
. La collectivisation menée de 1929 à 1939
entraîne la sédentarisation forcée des nomades : elle a
provoqué au Kazazkhstan des famines, suivies d'une répression
féroce et d'une désorganisation totale de l'économie. Le
cheptel passe de 39 millions de têtes en 1929 à moins de
5 millions en 1989. Parallèlement à la collectivisation,
Moscou développe intensément la culture du coton qui exige le
creusement de grands canaux pour étendre les surfaces irriguées.
En effet, si la planification soviétique a entraîné
l'industrialisation de l'Asie centrale et la diversification des richesses de
son sous-sol et favorisé l'implantation d'industries de transformation,
elle a, en revanche, débouché sur la monoculture du coton.
Cette politique n'a pas manqué de susciter des réactions
d'ordre nationaliste, religieux et démographique.
Face à la volonté du gouvernement soviétique de briser
l'unité musulmane en la divisant en nations, nationalités et
groupes ethniques, s'est dressée la conscience d'appartenances tribales
héritées, d'un lointain passé et le sentiment d'une
identité islamique trans-nationale, réactions qui ont
constitué surtout des obstacles à l'assimilation des musulmans,
sinon à la simple cohabitation entre autochtones et immigrés
russes.
En outre, face à l'islam officiel domestiqué par les
soviétiques, s'est développé un islam parallèle
animé par les confréries soufies.
Enfin, l'
explosion démographique
de la communauté
musulmane a modifié les équilibres initiaux. L'exemple de
l'Ouzbékistan est particulièrement frappant :
Source : Central Asia/Lonely Planet Publications 1996
B. LES ÉTATS D'ASIE CENTRALE ET LA RUSSIE : UN DÉCOUPLAGE EN COURS
Certains
observateurs estiment que les États d'Asie centrale n'ont pas
recherché leur indépendance à tout prix en 1991. Celle-ci
est arrivée, sans avoir été forcément -ou
fortement- souhaitée. La réaction des Gouvernements d'Asie
centrale durant l'été 1991, au moment du putsch, tend à
accréditer cette thèse.
L'indépendance est désormais acquise, et même si on peut
la qualifier six ans plus tard " d'inachevée ", le processus
de " découplage " entre la Russie et l'Asie centrale est en
marche
. Les relations entre les Etats d'Asie centrale et la Russie restent
néanmoins complexes, tant sur le plan politique ou économique que
militaire.
1. L'indépendance politique des Etats d'Asie centrale face aux ambitions russes
Chacun des Etats d'Asie centrale est doté d'une
Constitution et d'institutions politiques totalement souveraines
. Les chefs
d'Etat du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan et du Turkménistan n'ont
d'ailleurs pas manqué à de multiples reprises d'affirmer leur
indépendance vis-à-vis de la Russie et d'agir en
conséquence.
Les ambitions russes en Asie centrale ont paru longtemps assez floues. La
tentation a existé d'abandonner toute prétention à
l'égard d'une région considérée comme un fardeau.
Tel est le point de vue d'intellectuels, comme Alexandre Soljénitsyne
qui l'a réaffirmé dans son ouvrage " Le problème
russe à la fin du XXe siècle " : "
Il faut quand
même finir par le comprendre clairement : la Transcaucasie a sa voie
propre, différente de la nôtre, la Moldavie a la sienne, les pays
baltes ont la leur, et c'est encore plus vrai de l'Asie centrale. Presque tous
les leaders de cette dernière région ont déjà
annoncé que leurs Etats se tournaient vers la Turquie. Tout le monde n'a
pas remarqué, en décembre 1991, la conférence lourde
de promesses qui s'est tenue à Alma-Ata pour créer le
" Grand Touran ", de la péninsule anatolienne à
l'Altaï de Dzungarie. Au XXIè siècle, le monde musulman, qui
connaît une rapide croissance démographique, se lancera sans doute
dans des entreprises ambitieuses. Qu'aurions-nous à faire
là-dedans ?
".
Il est sans doute plus exact de dire que la Russie n'a pas réussi, au
début de l'indépendance, à définir clairement sa
politique
. Son objectif est de maintenir la région dans sa zone
d'influence, mais elle hésite entre une politique de puissance et une
politique d'influence, plus conforme aux principes qui régissent
désormais ses relations avec le reste du monde.
Aujourd'hui, comme le souligne Olivier Roy : "
la Russie a
échoué dans le passage d'une structure impériale
traditionnelle à la mise en place d'une sphère d'influence
stratégique moderne
7(
*
)
.
L'absence de partis pro-russes dans ces Etats constitue d'ailleurs une
indication sur les limites de l'influence russe.
2. L'émergence d'une souveraineté économique
Les
relations économiques entre l'URSS et l'Asie centrale avant 1991
étaient pour le moins paradoxales. D'une part, l'Union soviétique
achetait à bas prix -bien en-dessous des prix du marché- et
transformait sur plan les matières premières -coton,
pétrole, gaz- en utilisant une main d'oeuvre musulmane à bon
marché. D'autre part, elle se chargeait de l'approvisionnement de la
région en énergie à bas prix en donnant l'impression
d'investir massivement -et à fonds perdus- dans une zone manifestement
sous-développée.
L'affirmation de la souveraineté économique par les nouveaux
Etats d'Asie
centrale s'est manifestée tout d'abord par une
réorientation des échanges qui diminue progressivement le poids
de la Russie, les Républiques d'Asie centrale se tournant
résolument vers des pays hors zone CEI
. La mise en place de monnaies
nationales a constitué une étape supplémentaire et
décisive dans la perte d'influence de la Russie. Au début de
l'indépendance, les Etats avaient préféré rester
dans la zone rouble. Mais la Banque centrale russe les a très vite
placés devant l'alternative soit de soumettre l'ensemble de leur
politique monétaire à la férule russe, soit de sortir de
la zone rouble. Ainsi, les Etats concernés ont-ils choisi, en 1993 et
1994, de frapper leur propre monnaie.
Enfin, la Russie ne participe plus au développement économique de
la région. Elle ne dispense plus aucune assistance économique
-envoi d'experts, dons, prêts, investissements- à l'Asie centrale.
Elle s'est contentée, jusqu'à un passé récent, de
conclure des contrats d'exportation, tous défavorables aux Etats d'Asie
centrale, notamment en matière d'acheminement du pétrole à
travers son territoire.
3. L'affirmation progressive de l'identité culturelle au détriment de la Russie
Les
rapports entre les populations autochtones et les minorités
européennes issues de la colonisation tsariste et de la période
soviétique (Russes, Ukrainiens, Biélorusses...) ont beaucoup
évolué depuis l'indépendance.
Sur le plan linguistique
, le recul du russe paraît
inéluctable. La Russie ne fournit ni coopérants, ni enseignants,
ni bourses, ni livres et l'anglais tend à s'implanter dans les
écoles, voire à supplanter le russe.
En matière d'éducation
, une réforme des structures
scolaires a été entreprise, dont les conséquences
n'apparaissaient que peu à peu. L'élaboration de nouveaux
systèmes éducatifs constitue un enjeu considérable, dont
la langue russe pourrait faire les frais.
Ainsi, l'évolution du nombre d'écoles ouzbèkes et
d'écoles russes est révélatrice.
|
1992/1993 |
1993/1994 |
Ecoles ouzbèkes |
7603 |
8017 |
Ecoles russes |
273 |
189 |
4. L'évolution de la politique militaire russe en Asie centrale
L'avancée russe, dès la fin du XIXème
siècle en Asie centrale, trouve son fondement stratégique dans
une
doctrine militaire qui a de tout temps confondu défense et
offensive conquérante
. La configuration du terrain, et
particulièrement celle des steppes kazakhes, a conduit les responsables
russes à s'interroger sur les limites de l'espace stratégique et
des intérêts de la Russie en direction du Sud. L'Union
soviétique a consacré cette doctrine militaire sous le nom
" d'expansionnisme défensif ".
L'empire soviétique, au XXème siècle, notamment
après la seconde guerre mondiale, s'est arrêté à la
théorie de " l'espace stratégique unique ".
La création de la Communauté des Etats indépendants en
1991 a substitué au principe de " Forces armées
uniques " celui de " Forces armées unifiées de la
CEI ", avec l'espoir de créer au sein de cette communauté
une nouvelle alliance du type " Pacte de Varsovie ".
Aujourd'hui, la doctrine militaire de la Fédération de Russie
n'envisage plus la défense de la CEI considérée comme un
tout, mais préconise une coopération militaire entre les Etats de
la CEI et la possibilité de faire stationner des forces russes
sur
le territoire de ces Etats. Ceci marque le renoncement à une
organisation militaire centralisée.
Les formes prises par la coopération militaire entre la Russie et
l'Asie centrale sont multiples
: de la garde des frontières de la
CEI au maintien de bases militaires, de l'aide à l'édification
des armées nationales au soutien logistique des forces et d'aide
à la formation et à l'instruction des personnels.
Cette présence paraît aujourd'hui hors de proportion avec les
menaces extérieures, qui pèsent sur les Etats de la CEI. D'autant
plus que la Russie n'était pas toujours étrangère aux
crises locales, qui justifiaient le maintien de ses forces (Caucase,
Tadjikistan...).
Le recul stratégique spectaculaire auquel la Russie a été
contrainte ne signifie pas qu'elle ait renoncé à ses objectifs
militaires multi-séculaires. Si elle ne peut plus définir seule
les règles de la sécurité collective dans la zone, elle
n'en conserve pas moins une vision de l'Asie centrale, qui tend à
ignorer l'évolution récente de la région : affirmation des
nationalismes, rôle grandissant des multinationales
étrangères dans l'exploitation du pétrole et du gaz,
coopération économique avec l'Occident, présence des
Etats-Unis.
IV. STABILITÉ POLITIQUE ET FRAGILITÉS
Six ans
après l'indépendance, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le
Turkménistan ont échappé aux troubles intérieurs
qui ont affecté d'autres Républiques de l'ancienne Union
Soviétique. L'Asie centrale, que l'on présentait comme une
" poudrière ", a-t-elle trouvé son équilibre ou
la stabilité qu'elle connaît depuis la fin de l'ère
soviétique n'est-elle que superficielle et temporaire ?
Il n'est pas facile de répondre. Les observateurs que la mission a pu
rencontrer ont souligné qu'il était malaisé de
décrypter les évolutions de la région, faute d'une grille
de lecture pertinente.
Il apparaît cependant que les principaux facteurs d'instabilité
que l'on recensait en 1991 ne se sont pas révélés aussi
importants que prévus
: les régimes politiques
évoluent lentement et de manière différenciée, mais
assurent, du moins à court terme, une certaine continuité
politique. Celle-ci n'en comporte pas moins, pour l'avenir des
éléments de fragilité.
A. DES RÉGIMES DE POUVOIR PERSONNEL
La concentration du pouvoir exécutif aux mains du chef de l'Etat et un parlementarisme de façade caractérisent les régimes politiques du Kazakhstan, de l'Ouzbékistan et du Turkménistan.
1. Un pouvoir exécutif concentré dans les mains du chef de l'État
Depuis
1991, la vie politique de chacun des trois pays est marquée par la
personnalité de leur Président.
La première Constitution kazakhe
de 1993, établissait un
régime de type présidentiel. Le président,
M. Noursoultan Nazarbaev, ancien premier secrétaire du parti
communiste kazakh, nommait, orientait et démettait le Gouvernement. Il
avait l'initiative des lois, pouvait mettre son veto à celles qu'il
désapprouvait et avait le droit d'organiser un référendum.
M. Nazarbaev, après avoir dissout le Soviet Suprême en 1993,
gouverna par décret jusqu'au mois de mars 1994, date à
laquelle eurent lieu de nouvelles élections parlementaires.
En mars 1995, après l'annulation des élections de 1994,
M. Nazarbaev fit, par référendum, prolonger son mandat
jusqu'en 2001. En août 1995, un nouveau référendum consacra
l'adoption d'une nouvelle Constitution ménageant au Président des
pouvoirs encore accrus.
Au terme de cette nouvelle Constitution, le Président a le droit de
dissoudre le Parlement bicaméral et détient l'essentiel des
prérogatives constitutionnelles.
Aux termes de
la Constitution de la République
d'Ouzbékistan
, adoptée en décembre 1992, le
Président, M. Islam Karimov, détient l'essentiel du pouvoir.
Il nomme les hâkim (gouverneurs) de province. Il décide de
l'organisation administrative, peut annuler et modifier les décisions de
l'administration centrale ou locale.
Le 26 mars 1995, un référendum a prolongé son
pouvoir jusqu'à 2000, avec 99 % des suffrages.
La vie politique au Turkménistan
est dominée par la
personnalité de M. Saparmourat Niyazov dit " Turkmenbashi "
-chef des turkmènes- qui fait l'objet d'un culte de la
personnalité omniprésent.
A la fois chef de l'Etat et chef du Gouvernement, le Président Niyazov a
été réélu en juin 1992 avec 99,5 % des
suffrages. La Constitution, adoptée en mai 1992, institue un
régime de type présidentiel, le chef de l'Etat concentrant entre
ses mains l'essentiel des pouvoirs. Reconduit dans ses fonctions jusqu'en 2002
par le référendum du 15 janvier 1994, le Turkmenbashi
envisagerait de se faire désigner par " l'Assemblée du
peuple turkmène " président à vie.
La mission sénatoriale a observé que le nom du Président
était donné aux grandes avenues des villes, à
l'aéroport d'Achkabad, la capitale, et au seul port sur la mer
Caspienne, l'ex-Krasnovodsk.
2. Un pouvoir législatif de façade
Les
Constitutions de ces trois pays confient le pouvoir législatif à
un Parlement. Celui-ci est monocaméral au Turkménistan (Mejlis)
ainsi qu'en Ouzbékistan (Olii Majilis ou Chambre Suprême).
Bicaméral au Kazakhstan, où le Parlement élu en
décembre 1995 est composé d'une chambre basse de
67 sièges (le Majilis) et d'une chambre haute de
47 sièges (le Sénat).
Si le Conseil Suprême du Kazakhstan a su, de 1991 à 1994,
être un contre-pouvoir effectif, la nouvelle Constitution de 1995 a
considérablement amoindri son rôle. La surreprésentation
des Kazakhs (63 % des membres du Parlement) ainsi que du parti
présidentiel est une réalité. Si le Parlement peut, en
théorie, destituer le Président, les conditions requises pour une
telle procédure paraissent impossibles à remplir :
majorité des trois-quarts et vote commun des deux chambres.
Actuellement, la Chambre basse, le Majilis, est élue au suffrage
universel direct, le Sénat au suffrage universel indirect par les
représentants des oblast -ou régions autonomes-. En outre, sept
sénateurs sont nommés par le Président de la
République. Le mandat des sénateurs est de quatre ans,
renouvelable par moitié tous les deux ans.
L'Olii Majilis ouzbèke est une chambre d'enregistrement, les sessions
parlementaires ne durant guère plus de quelques heures. Il est
composé, pour l'essentiel, de fonctionnaires de l'Etat.
Le Mejlis turkmène est davantage une Chambre de Conseil qu'un organe
législatif. Les 50 députés sont élus pour cinq
ans au suffrage universel direct, mais lors des élections
législatives de décembre 1994, un seul des cinquante
sièges était disputé par plus d'un
candidat !
B. DES FRAGILITÉS PERCEPTIBLES
1. Le délicat problème de la " succession "
Les
chefs d'Etat kazakhstanais, ouzbèk et turkmène ont
prolongé leurs mandats par référendum jusqu'après
l'année 2000.
Si leur pouvoir personnel a permis et semble, dans un
proche avenir, garantir la stabilité politique de la région, il
pose néanmoins un problème de succession.
La constitution ouzbèke limite ainsi à deux le nombre de mandats
qu'un président peut exercer à la suite. Certes, M. Islam Karimov
a obtenu en 1995 un prolongement de son premier mandat jusqu'en l'an 2000. Rien
ne l'empêche donc d'en briguer un second. Une telle démarche
annonce-t-elle, à l'instar du Turkménistan, l'introduction d'une
présidence à vie ou la prolongation d'une période
transitoire ?
La stabilité du régime politique et de l'élite dirigeante
semble confortée par l'absence de tout alternative politique
crédible ainsi que d'une société civile structurée.
A l'inverse, l'exercice solitaire du pouvoir empêche toute autre
légitimité de naître et fragilise, à terme, ces
Etats.
2. Des entourages changeants
Cette
personnalisation du pouvoir est d'autant plus problématique en termes de
continuité politique que les entourages des différents chefs de
l'Etat sont soumis à des changements fréquents et parfois
soudains
.
Ainsi, alors que la mission sénatoriale devait rencontrer M. Akejan
Kajeguildine, Premier ministre du Kazakhstan, il lui a été
indiqué que celui-ci était dans l'impossibilité de
s'entretenir avec la délégation en raison de problèmes de
santé. Or, le 10 octobre 1997, M. Nourlan Balguimbaev,
ancien responsable du secteur pétrolier, était nommé
Premier ministre de la République du Kazakhstan.
Libre de nommer et de révoquer les membres de son Gouvernement, le Chef
de l'Etat a donc la faculté d'utiliser cette prérogative
dès qu'un membre du Gouvernement, et a fortiori le Premier Ministre,
apparaît comme un rival potentiel. La montée en puissance depuis
quelques mois de M. Kajeguildine, dont les succès en matière
de réforme économique étaient reconnus, laissait planer la
menace de sa destitution.
3. Factions régionalistes et appareil d'Etat
Sous le
régime soviétique, la rivalité du pouvoir tournait autour
de trois postes : celui du premier secrétaire du Parti communiste, de
Président du Soviet Suprême et de Président du Conseil des
Ministres. La répartition de ces trois postes en fonction des clans ou
des courants renseignait sur l'équilibre des pouvoirs.
Actuellement, si l'ethnie " nationale " est
surreprésentée dans les instances politiques par rapport à
la population totale, la notion de clan, quelle que soit sa base sociologique
(tribale, régionaliste, familiale...) demeure essentielle à la
compréhension de la vie politique de ces Etats. Il n'y a pas,
d'officialisation des clans, mais il est important d'appartenir à un
groupe, dans la mesure où le rapport à l'Etat ou aux ressources
(eau, kolkhoze) est déterminé par le réseau auquel on
appartient.
Ainsi l'appartenance tribale, forte chez les Turkmènes et les
Kazakhs, est généralement connue et joue un rôle important
dans le fonctionnement de la société et de la vie politique
,
notamment dans les zones rurales.
Cette caractéristique de la vie politique en Asie centrale tend, d'une
part, à rendre plus complexe les questions de succession au sommet du
pouvoir et, d'autre part, joue un rôle déterminant lors du
renouvellement des élites.
4. Une contestation sociale qui s'amplifie
A l'aube
de l'indépendance, les chefs d'Etat kazakhstanais et turkmène
promirent à leur peuple des années de prospérité.
Le Président ouzbèk, plus prudent, choisit une politique
" gradualiste " afin "
d'assurer le bien être de
l'Ouzbékistan
".
Or, six années plus tard,
l'insatisfaction de la population se
développe,
et peut, à moyen terme, fragiliser le pouvoir
personnel des chefs d'Etat.
Au Kazakhstan
, les problèmes sociaux ont émergé
à partir de 1996. Le salaire mensuel n'excède pas 70 dollars
en 1995 cependant qu'une classe de nouveaux riches fait son apparition. Il
s'agit d'une petite élite dont l'activité s'exerce dans le
commerce en devises fortes, le pétrole, les métaux et minerais.
Par ailleurs, la santé publique s'est fortement dégradée.
En Ouzbékistan
, le niveau de vie a été
sérieusement affecté par la récession économique.
Le salaire moyen mensuel représente l'équivalent de
80 dollars. La situation sanitaire s'est dégradée du fait
d'une consommation alimentaire déséquilibrée, voire
insuffisante, et du difficile accès aux soins médicaux les plus
élémentaires.
Au Turkménistan
, la population souffre de l'inflation. Le salaire
moyen mensuel s'établit à 9,4 dollars. La mortalité
infantile est la plus élevée de la CEI. En l'absence de
réformes économiques, la quasi-gratuité de certains
services, de règle sous le régime soviétique, a
été maintenue, mais ceux-ci, la plupart du temps, ne sont pas
disponibles. Dans ce pays aux énormes réserves de gaz, il n'est
pas rare que la population doive supporter des coupures de gaz,
d'électricité et d'eau.
Il apparaît excessif de parler de " paix sociale
menacée ", mais force est de constater l'importante
détérioration des conditions de vie de la
population
.
CHAPITRE II -
DES RICHESSES
CONVOITÉES
La richesse du potentiel économique de l'Asie centrale est une réalité. Celle-ci attire d'ailleurs, à des degrés divers, les Etats-Unis, l'Europe et les pays limitrophes de la région, qui en ont mesuré les enjeux.
I. UN POTENTIEL ÉCONOMIQUE PROMETTEUR
Le recensement des ressources énergétiques et agricoles permet de mesurer la place que l'Asie centrale pourrait occuper dans les échanges internationaux.
A. D'IMPORTANTES RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES
1. Un atout indéniable.
Les pays riverains de la mer Caspienne constitueront sans doute, dans les années à venir, la deuxième région exportatrice mondiale d'hydrocarbures après le Moyen-Orient . Une telle affirmation, sur laquelle s'accordent la plupart des experts, atteste l'importance des ressources pétrolières et gazières de la zone.
RESSOURCES ÉNERGÉTIQUES DE L'ASIE CENTRALE
(1995)
|
Gaz (1) |
Pétrole (2) |
Charbon (2) |
Electricité(3) |
Kazakhstan |
4,7 |
23 |
130 |
65,6 |
Ouzbékistan |
50 |
8 |
3,8 |
48 |
Turkménistan |
34,6 |
4 |
- |
11,2 |
(1)
en milliards de m3
(2) en milliards de tonnes
(3) en milliards de kwhs
Sources : Ministère des Affaires étrangères
BP statitiscal review
La zone recèle, notamment le long de la mer Caspienne et en
off-shore, de considérables gisements de pétrole et de gaz
.
Ceux-ci ont été soit peu exploités, soit non
explorés par le régime soviétique, à la fois pour
des raisons d'ordre technique et financier et pour des motifs politiques,
l'Union soviétique ayant misé sur la Sibérie et ayant
spécialisé chaque République périphérique
dans une production particulière.
Le Turkménistan devait, se consacrer à la production de gaz
( 88 milliards de m3 en 1990). Mais les ressources en hydrocarbures
de l'Ouzbékistan et du Kazakhstan n'ont pas été
développées, l'Ouzbékistan étant voué
à la production de coton et le Kazakhstan aux productions agricoles,
particulièrement le blé.
Les réserves en hydrocarbures n'en situent pas moins l'Asie centrale
dans le peloton des plus grands producteurs au monde de pétrole et de
gaz.
2. De considérables réserves
Au-delà des quantités actuellement produites
-déjà significatives-,
les réserves
énergétiques de la zone apparaissent considérables, l'Asie
centrale étant appelée à devenir une région
pétrolière majeure dans les années à venir.
Ainsi, en ce qui concerne
les réserves en huiles,
la
dernière évaluation du " BP Statistical review 1997 "
donne pour la région de la mer Caspienne un montant de réserves
prouvées de quelque 16 milliards de barils -dont 8 pour le
Kazakhstan et 1 pour le Turkménistan-, soit à peu
près le montant des réserves prouvées de la mer du Nord ou
encore 2 % des réserves mondiales.
En ce qui concerne
le gaz,
la mer Caspienne, aujourd'hui encore
inexplorée pour les profondeurs au-delà de
100 mètres, peut être comparée au Golfe du Mexique
dans les années 1950 ou à la mer du Nord des
années 1960. Une centaine de nouvelles structures ont
été identifiées, dont une dizaine seulement ont
été forées. Selon le " BP statistical review
1997 ", les réserves de la zone s'élevait à
5.600.6 m3, soit l'équivalent des réserves de l'Europe ou
encore 4 % des réserves mondiales.
B. DES RICHESSES MINIÈRES CONSIDÉRABLES
L'Asie centrale possède également des
ressources
minières importantes et diversifiées.
Le Kazakhstan se situe au 3e rang mondial pour l'uranium, au 1er rang mondial
pour le tungstène, au 4e rang pour le manganèse et au 9e pour le
fer.
L'Ouzbékistan est le 2e producteur de la CEI et le 7e producteur mondial
d'or. Il dispose, en outre, d'importantes réserves en uranium, cuivre,
zinc et plomb.
Le Turkménistan possède des ressources notables en or, platine et
uranium.
C. UN VASTE SECTEUR AGRICOLE
L'Asie
centrale reste une région à dominante rurale, le taux de la
population urbanisée étant inférieur à 50 % en
moyenne. Malgré les différences entre les Etats de la
région et la difficulté à obtenir des statistiques
fiables, il semble que
le secteur agricole et alimentaire représente,
en moyenne, environ 20 à 30 % du produit intérieur brut et
emploie plus de 40 % de la main d'oeuvre totale.
Le Kazakhstan est un grand pays agricole qui, avant son indépendance,
était le troisième producteur de l'Union soviétique,
après la Russie et l'Ukraine. La filière grain reste de loin la
plus importante.
En ce qui concerne l'Ouzbékistan, l'ONU estime à 45 % de la
population active la main d'oeuvre employée dans l'agriculture. Selon le
président Islam Karimov, "
70 % de l'activité
économique du pays est liée à la culture du
coton
", ce qui traduit l'hégémonie de cette culture non
seulement dans la production agricole, mais aussi dans l'ensemble de
l'économie.
Au Turkménistan, la quasi totalité des terres arables sont
consacrées au coton et à l'élevage, notamment ovin.
RESSOURCES AGRICOLES EN 1995
|
COTON |
CÉRÉALES |
VIANDES |
Kazakhstan |
0,2 |
10 |
1,6 |
Ouzbékistan |
1,1 |
2,7 |
0,68 |
Turkménistan |
0,5 |
0,5 |
0,2 |
(en
millions de tonnes)
Sources : CFCE
II. UNE RÉGION EN PROIE AUX CONVOITISES
Hormis
la Russie -"incontournable " pour un certain temps, mais dont l'attrait
pour l'Asie centrale se réduit-, on peut distinguer
quatre
catégories d'Etats particulièrement attirés par la
région
: la Turquie, les Etats musulmans voisins, l'Occident et le
groupe des pays d'Extrême-Orient et l'Asie du Sud. L'attrait de ces Etats
pour la région croît chaque jour davantage. Mais les
résultats qu'ils obtiennent font l'objet d'appréciations
contradictoires.
Signalons, afin de compléter ce panorama que l'Etat d'Israël a
effectué depuis l'indépendance une percée remarquée
dans la région.
A. LA TURQUIE
La
Turquie
est un modèle d'Etat laïque qui est
régulièrement invoqué. Les Ouzbèks principalement,
mais aussi les Turkmènes, ont fondé beaucoup d'espoir sur la
coopération avec Ankara, qui leur apparaît comme une fenêtre
sur l'Europe. Partenaire de tous les espoirs pour les républiques d'Asie
centrale, la Turquie ne paraît pas avoir répondu à toutes
leurs attentes.
La Turquie est assurément présente dans la région. Il
existe, en Turquie, un quasi ministère de la coopération (TYKA)
qui se charge de la coopération officielle, tandis que le secteur
privé a investi massivement dans des créneaux où,
aujourd'hui, la Turquie prédomine : bâtiment, consultance,
informatique, transport, éducation -notamment religieuse-, formation
supérieure, hôtellerie, tourisme...
Mais la Turquie a déçu par ses trop modestes capacités
d'investissements qui sont, en dehors du secteur hôtelier, relativement
faibles. En outre, le sentiment de supériorité affiché par
les responsables Turcs dans leurs contacts avec leurs interlocuteurs d'Asie
Centrale a été mal perçu par ceux-ci, qui n'entendent
nullement placer leurs pays sous protectorat turc.
Si les grandes sociétés occidentales ne
" sous-traitent " pas aux Turcs leur pénétration du
marché centre-asiatique, Ankara est néanmoins
considérée, notamment par les Américains, comme un relais
utile susceptible de favoriser la promotion des intérêts
américains dans la région.
Revenue de ses ambitions, la Turquie joue un rôle discret mais
significatif et de long terme. Elle souhaite inscrire son influence dans la
durée et mise notamment sur les contacts avec les petites et moyennes
entreprises.
B. L'INTÉRÊT DES ETATS MUSULMANS VOISINS
L'objectif de l'Iran est de sortir de l'isolement dans lequel les Etats-Unis la
confinent et de participer à l'exploitation des ressources de la
Caspienne, dont elle est riveraine. L'influence de l'Iran dans le domaine
culturel et religieux se heurte à des divergences qui en limitent
l'extension (majorité sunnite en Asie Centrale et chiite en Iran). La
politique de Téhéran tant dans le Caucase qu'en Asie centrale,
n'a d'ailleurs pas pris la forme d'un prosélytisme fondamentaliste.
Très actif, néanmoins, dans les pays de la région, l'Iran
a reçu en 1992 le sommet de l'Organisation de Coopération
Economique regroupant la Turquie, le Pakistan, l'Iran, l'Azerbaïdjan et
les cinq Républiques ex-soviétiques d'Asie centrale. En outre,
l'Iran a cherché à renforcer ses liens avec les Etats
centre-asiatiques à travers des accords bilatéraux concernant
l'évacuation du pétrole et du gaz et les communications
aériennes et terrestres, notamment avec le Kazakhstan et le
Turkménistan. En soutenant la position de la Russie sur le statut de la
mer Caspienne, l'Iran détient un moyen de pression sur les autres Etats
du littoral pour défendre ses propres intérêts
économiques et énergétiques.
Les relations avec le
Pakistan et l'Arabie Saoudite
,
considérés comme source d'une éventuelle agitation
fondamentaliste -notamment par l'Ouzbékistan-, restent très
discrètes.
C. UNE PRÉSENCE IMPORTANTE DU MONDE OCCIDENTAL
1. La forte présence américaine
Les
Etats-Unis considèrent l'Asie centrale comme une zone
stratégique
. Ils ont, dans cette région, trois objectifs
principaux : rendre viable l'indépendance des nouveaux Etats et
assurer la stabilité régionale, développer leur propre
présence commerciale, enfin diversifier leur approvisionnement
énergétique qui repose aujourd'hui principalement sur le Golfe
persique.
Les Etats-Unis défendent les intérêts de leurs compagnies
dans l'exploitation à long terme des hydrocarbures de la zone.
Différents instruments sont utilisés à cette fin : un
soutien diplomatique actif à tous les niveaux, y compris les contacts
personnels établis par le Président et le Vice-président
des Etats-Unis avec les dirigeants des pays concernés, l'intervention de
structures gouvernementales chargées de soutenir les investissements
américains à l'étranger ; enfin, l'assistance
technique et le soutien des institutions financières internationales
basées à Washington.
Vainqueurs de la guerre froide, les Etats-Unis n'entendent pas laisser la
fédération de Russie dominer une zone qui abrite des ressources
énergétiques essentielles (que la Russie ne saurait d'ailleurs,
faute de moyens financiers et techniques, exploiter seule) et veulent installer
leur présence économique et leur influence politique entre l'Asie
de l'Ouest et le Moyen-Orient.
Les Etats-Unis ont adapté leur aide à la situation de chacun des
Etats d'Asie centrale, en tenant compte non seulement de leur évolution
vers une économie de marché, mais aussi du potentiel
estimé de chacune de ces Républiques.
Ainsi, l'aide financière et technique américaine
bénéficient plus au Kazakhstan qu'aux autres Etats de la
région. 66 % des investissements au Kazakhstan proviennent des
Etats-Unis. On y dénombre 3.000 ressortissants américains.
Les grandes multinationales du secteur pétrolier (Mobil, Chevron), du
négoce international de matières premières (AIOC, Cargill,
Dunavant) et de l'industrie agroalimentaire (Philip Morris, Coca Cola),
investissent au Kazakhstan chaque année des millions de dollars. En
1996, sur 2,35 milliards de dollars investis dans le secteur du
pétrole et du gaz, la part de Mobil et Chevron était
d'1,8 milliard de dollars.
En Ouzbékistan, les Etats-Unis sont les premiers investisseurs
étrangers. Ils sont présents dans plus d'une centaine de
sociétés mixtes, dont la plus importante est Uznewmont qui
exploite des mines d'or.
Les intérêts américains se sont ainsi
développés dans tous les pays de la zone. Certaines
multinationales américaines sont aujourd'hui devenues, semble-t-il, les
interlocuteurs privilégiés des chefs d'Etats d'Asie centrale ;
tel est le cas notamment au Turkménistan.
Outre cette forte présence économique, les Etats-Unis
interviennent dans la restructuration de l'armée et la reconversion des
industries de défense
en Ouzbékistan et au Kazakhstan, pays
où ils implantent actuellement une école de sous-officiers. Par
ailleurs, la fascination des populations d'Asie centrale pour les Etats-Unis
est telle que des centaines d'étudiants Ouzbèks et Kazakhs
effectuent des stages ou sont inscrits dans des universités
américaines.
En outre, au Turkménistan, comme dans les autres pays, la diffusion de
l'anglais est une des priorités des Américains, présents
à tous les niveaux du système éducatif turkmène.
Pour ce faire, ils ont recours au " Peace Corps ", composé de
bénévoles, qui signent des contrats d'un ou deux ans, et que l'on
envoie non seulement à Achkabat mais aussi dans les villes et les
villages les plus reculés du pays. Même s'ils ne disposent pas de
moyens financiers importants, ces bénévoles ont réussi
à promouvoir très efficacement la langue anglaise à
travers toute l'Asie centrale.
2. Le paradoxe de la présence européenne
La
situation de l'Europe s'avère pour le moins paradoxale. En effet,
le
montant de l'aide technique européenne, à travers notamment le
programme TACIS, est significatif
puisqu'il se chiffre à plusieurs
dizaines de millions d'Ecus représentant environ 80 % de la
coopération technique dans la région. Néanmoins,
cette
assistance n'est guère visible en Asie centrale.
Ainsi, plusieurs projets -infrastructures, éducation, ...-
reçoivent une aide technique et scientifique de la Communauté
européenne sans pour autant que l'origine de cette aide soit
perçue. Certains programmes TACIS s'avèrent lourds : entre le
recensement des besoins et la mise en oeuvre des mesures, il faut compter de
trois à quatre années. Dans des économies en
transition, de tels délais sont rédhibitoires.
Enfin, les programmes TACIS portent parfois sur des secteurs dont il est
quasiment impossible d'évaluer les retombées économiques.
Au Turkménistan, trois secteurs sont concernés par les
programmes TACIS : l'énergie, l'agroalimentaire et le
développement des entreprises. Six projets sont en cours : les
soutiens à l'industrie de la transformation du poisson et au processus
de privatisation, le soutien à la formation des entrepreneurs
turkmènes, un programme relatif aux ressources humaines, la
création d'un Institut d'administration publique et le soutien à
l'Agence des Investissements Etrangers. Ces programmes disposent de
10 millions d'Ecus sur deux ans.
En Ouzbékistan, les programmes TACIS apportent une aide de 10 à
15 millions d'Ecus par an et sont orientés vers la formation des
cadres, l'agriculture et la construction de l'Etat de droit.
En outre, l'Union européenne a conclu avec l'Ouzbékistan et le
Kazakhstan un accord de partenariat et de coopération (APC). Le dernier
APC a été conclu avec le Turménistan.
|
APC |
Accords intérimaires (1) |
Kazahstan |
Signé le 23 janvie 1995 |
Signé le 5 décembre 1995, entré en vigueur le 1er avril 1997 |
Ouzbékistan |
Signé le 21 juin 1996 |
Signé le 14 novembre 1996 |
Turkménistan |
paraphé le 24 mai 1997 |
Signé le 24 février 1998 |
(1)
Ces accords mettent en application le volet
commercial des APC dans l'attente de leur ratification par les quinze Etats
membres et chacun des pays concernés.
Outre l'Allemagne, leader européen en Asie centrale grâce, en
partie, à sa diaspora, trois pays européens se sont relativement
bien implantés : la Grande-Bretagne, la Suisse et les Pays-Bas. L'Italie
effectue depuis peu une forte percée dans cette région. La
présence de la France, sans être négligeable, reste pour le
moment très discrète
.
D. LES ÉTATS D'EXTRÊME-ORIENT ET D'ASIE DU SUD
Au-delà des
200.000 coréens
déportés par l'Union Soviétique d'Extrême-Orient en
Ouzbékistan à la veille de la seconde guerre mondiale
, le
Japon et la Corée du sud s'intéressent activement à cette
région
, notamment au Kazakhstan et à l'Ouzbékistan.
Si le volume des échanges courants avec le Japon reste marginal, les
entreprises japonaises manifestent un intérêt croissant pour
l'Ouzbékistan, notamment dans le secteur énergétique
(Mitsubishi, Mitsui), dans l'industrie métallurgique, le transport
aérien (projets aéroportuaires), les
télécommunications (Groupe Sumitono) et l'industrie textile. De
plus, le Japon est le premier bailleur de fonds de l'Ouzbékistan avec
450 millions de dollars déboursés. Par ailleurs, la
Corée a réalisé le plus important investissement direct
à l'étranger en Ouzbékistan, avec l'usine d'automobile
d'Asaka.
La Chine représente
, après la Russie,
le premier
partenaire de l'Ouzbékistan
. En outre, près de 4 % des
échanges extérieurs kazakhstanais s'effectuent avec
Pékin.
E. ISRAËL ET L'ASIE CENTRALE
La
présence israélienne reste pour le moment limitée aux
projets " clés en main " sans suivi régulier de la part
des entreprises israéliennes.
Le volume des échanges commerciaux avec l'Asie centrale est modeste,
mais en croissance rapide. Les relations ont d'abord été
établies avec le Kazakhstan et l'Ouzbékistan. Ainsi en
juillet 1997, une société conjointe formée de
l'Américain AES Corp. et de l'Israélien Santri Power s'est vu
confier l'exploitation de plusieurs centrales électriques du Kazakhstan
d'une puissance de 1.384 mégawatts.
Israël souhaite, à travers l'Aise centrale, assurer en premier lieu
des conditions favorables à l'émigration en Israël des
populations juives d'Asie centrale, dont le nombre est évalué
à environ 100.000. Son second souci est de contenir l'expansion du
fondamentalisme musulman, autrement dit, de contenir l'influence iranienne et
afghane.
CHAPITRE III -
DES CONTRAINTES GÉOGRAPHIQUES
ET ENVIRONNEMENTALES FORTES
Au-delà des handicaps et des aléas propres à chacun des Etats de la région, qui feront l'objet d'une analyse détaillée dans la deuxième partie de cette étude, l'Asie centrale est soumise à deux contraintes globales : son enclavement et les menaces qui pèsent sur son environnement.
I. DES MONTS CÉLESTES AU DÉSERT DES SABLES NOIRS : L'ENCLAVEMENT DE L'ASIE CENTRALE
" L'Asie centrale " est parfois qualifiée " d'Asie intérieure ". Cette métaphore illustre bien la situation géographique de cette zone coincée entre, la mer Caspienne à l'Ouest, le mont Tian-Chan à l'Est et les solitudes minérales du Kopet-Dag iranien, au Sud.
A. L'ENCLAVEMENT, UN HANDICAP MAJEUR
La situation géographique dans laquelle se trouvent les Etats d'Asie centrale est à l'origine de deux difficultés majeures : l'absence de débouché sur la mer et un contexte géopolitique complexe dont le conflit relatif au statut de la Caspienne est la manifestation la plus évidente.
1. L'absence de débouché sur la mer
L'ouverture des grandes routes maritimes à partir du
XVIe
siècle a été l'une des causes essentielles de la perte
d'influence de l'Asie centrale
. Cette région, qui s'était
imposée pendant des siècles comme la voie de passage
obligée entre Est et Ouest est tombée progressivement dans
l'oubli en raison de son absence de débouché sur la mer.
L'Ouzbékistan, considéré comme le coeur de la zone, est le
seul pays au monde qui doit franchir deux frontières avant
d'accéder à une mer ouverte. Certes, la Caspienne est facilement
accessible : elle constitue la plus vaste des mers fermées du globe avec
en son centre le Golfe de Kara-Bogaz, " la gueule noire " en
Turkmène. Elle assurait, en 1995, le tiers des pêcheries et plus
du cinquième du trafic maritime total de l'ancienne URSS. On peut
évaluer le trafic sur la Caspienne en liaison avec la navigation
fluviale sur la Volga, à une vingtaine de millions de tonnes par an, et
ce même si cette mer est gelée près de la moitié de
l'année. Par ailleurs, elle ne donne pas accès, contrairement
à la Méditerranée ou à un océan, à
des eaux libres permettant une réorientation des
échanges.
2. La situation géopolitique : un voisinage difficile à assumer
L'Asie centrale doit à sa situation
géographique
d'être redevenue l'une des pierres angulaires de l'équilibre de
l'Eurasie tout entière
, suscitant par là même un grand
nombre d'interrogations.
Au
Nord
se trouve la Fédération de Russie, à
l'Est
, la Chine dont la population est 250 fois plus nombreuse que
celle de toute l'Asie centrale et avec laquelle les premiers contacts remontent
à la dynastie des Hans antérieurs, fondateurs de l'Empire
chinois ; à
l'Ouest
, le Caucase dont les fréquents
soubresauts sont autant de sujets d'inquiétude ; enfin au
Sud
, le monde musulman constitué par l'Iran, l'Afghanistan et le
Pakistan suscite attraction et méfiance.
3. Un conflit en voie de règlement : le statut de la mer Caspienne
Le
statut de la mer Caspienne intéresse les cinq Etats riverains que sont
la Russie, l'Iran, le Kazakhstan, l'Azerbaïdjan et le Turkménistan.
La base juridique du statut de la mer Caspienne est définie par
le
traité soviéto-iranien de 1926
qui mettait fin aux conditions
imposées par la Russie impériale, maîtresse absolue de la
mer depuis le début du XVIIIe et qui avait concédé un
droit de navigation aux bateaux marchands perses en 1828 (traité du
Turmantchaï). Le traité de 1926 autorisait en effet les Iraniens
à posséder désormais leur propre flotte et à
naviguer sous leur propre pavillon, et faisait de la Caspienne une mer
exploitée en commun et à égalité par les deux
riverains, l'URSS et l'Iran. Confirmant cet accord, le traité
soviéto-iranien de 1940 définissait la Caspienne comme " une
mer soviétique et iranienne ".
La Russie
s'est fondée jusqu'à ces dernières
semaines sur l'existence de ces traités pour défendre le principe
d'une exploitation commune de la Caspienne, sans autre restriction qu'une zone
côtière réservée aux Etats riverains. Elle
considère que le droit international de la mer, qui implique la
délimitation d'eaux territoriales exclusives, ne s'applique pas à
la Caspienne dans la mesure où cette réserve d'eau continentale
ne possède pas d'accès direct à un océan ou
à une mer ouverte. Soutenant que la Caspienne est un lac, elle rejette
également l'application de la convention internationale de 1982 qui
prévoit le partage des mers fermées entre pays riverains. La
déclaration d'Almaty de décembre 1991 créant la CEI, par
laquelle "
les Etats membres de la CEI garantissent ... le respect des
engagements internationaux pris par l'ex-URSS
" implique enfin, du
point de vue russe, le respect du statut hérité des accords
soviéto-iraniens jusqu'à ce qu'un nouvel accord soit signé
par les cinq parties concernées ou qu'un régime de
coopération soit instauré.
Les discussions multilatérales qui ont eu lieu depuis 1992 n'ont,
jusqu'en 1997, abouti à aucune entente, notamment du fait de
l'opposition de l'Azerbaïdjan à la conclusion d'un traité de
coopération régionale en 1994 et à un accord de
pêche maintenant le statut antérieur en 1995. Soutenue par
l'Iran
dans son projet de création d'un forum de
coopération régionale sur la base d'une exploitation égale
et commune de toutes les ressources de la Caspienne,
la Russie
défendait donc le principe appliqué aux lacs
, qui garantit
une zone de souveraineté limitée aux eaux côtières,
le reste étant considéré comme bien commun. Cette
thèse favorise la Russie et l'Iran qui possèdent les
" petits côtés " du rectangle caspien et ceux dont les
réserves en hydrocarbures paraissent les plus réduites.
L
'Azerbaïdjan et
le Kazakhstan
qui, disposent de côtes
importantes, et souhaitent pouvoir exploiter à leur seul profit le sol
et le sous-sol de la Caspienne s'opposent à cette prétention. Le
soutien apporté par les Etats-Unis à l'Azerbaïdjan et au
Kazakhstan dans leur opposition aux vues russes, renforce la position des deux
Etats et favorise l'implantation des intérêts pétroliers
américains dans le Caucase et en Asie centrale.
Le Turkménistan
mène une politique autonome. Proche de
Téhéran, il soutient la position russe et s'est accordé
avec ces deux pays sur un statut de la Caspienne reconnaissant aux pays
riverains une zone nationale de 45 miles (le droit international
autorisant 12 miles) où chacun dispose de droits exclusifs sur les
hydrocarbures, le reste de la Caspienne étant territoire commun. En
même temps, Achkhabad laisse planer le doute sur ses intentions
concernant ses pourparlers avec les compagnies occidentales sur l'utilisation
de sa zone exclusive.
Soutenu par les Etats-Unis, l'Azerbaïdjan défend officiellement sa
souveraineté sur sa zone de la Caspienne. Néanmoins, l'opposition
russe à la thèse azérie pourrait évoluer si
l'Azerbaïdjan s'ouvrait aux intérêts pétroliers russes
(une importante participation russe à l'accord AIOC a été
obtenue) et s'accordait avec la Russie sur le tracé d'oléoducs
évoluant le pétrole de la Caspienne.
Le Kazakhstan se range du côté azéri tout en
ménageant Moscou, conformément à sa politique
régionale et du fait de sa très forte dépendance
économique à l'égard de la Russie. Il est notamment ouvert
aux intérêts russes dans l'exploitation des hydrocarbures.
Lacs et mers pouvant être soit divisés en secteurs soit
gérés en commun, un accord entre les parties mettrait un terme
à ce conflit.
Cet accord pourrait voir le jour dans les mois à venir. En effet, au
mois d'avril dernier, la Russie a accepté le principe du partage des
réserves pétrolières de la Caspienne aux conditions du
Kazakhstan et de l'Azerbaïdjan. En renonçant à certains
gisements, la Russie pourrait néanmoins voir ses chances d'obtenir plus
rapidement l'attribution d'importants droits de transport
pétrolier.
B. À LA RECHERCHE DE LA MEILLEURE VOIE DE DÉSENCLAVEMENT
Quatre tracés sont envisageables pour les oléoducs et les gazoducs qui sont appelés à évacuer les hydrocarbures d'Asie.
1. La voie du Nord : l'encombrant voisin
La
voie russe
est, notamment pour le Kazakhstan et le Turkménistan, la
solution la plus adéquate techniquement
. Les infrastructures
(routes, pipe-lines) existent depuis la période soviétique. Les
distances à parcourir sont importantes, mais restent raisonnables.
Enfin, la grande majorité des échanges des Etats d'Asie centrale
s'effectue encore avec la Russie et ce malgré leur progressive
réorientation en direction d'autres Etats.
Cette voie, considérée comme incontournable en 1991 et qui
paraît encore la plus simple et la plus économique,
est
néanmoins devenue aujourd'hui la plus complexe à mettre en
oeuvre
. Cela tient aux rapports difficiles que les Etats d'Asie centrale
entretiennent avec la Fédération de Russie. Ainsi, par exemple,
la Russie a-t-elle, au nom de sa doctrine " de l'espace de
sécurité ", contraint les pays d'Asie Centrale à
accepter des conventions bilatérales associant coopération
militaire et échanges économiques. La Russie exige le
contrôle des réseaux d'oléoducs et de gazoducs.
Conformément à cette logique, la Russie commercialise le gaz
turkmène (en fixant quotas et prix) et n'a pas hésité
à procéder à des coupures arbitraires. En 1996, sous
prétexte que les kazakhs ne payaient pas leurs dettes, la Russie ne les
a autorisés à exporter que 4 à 5 millions de tonnes
de pétrole et a privé, en octobre de la même année,
tout le Nord Kazakhstan d'électricité.
Depuis la fin de 1996, Moscou semble vouloir infléchir sa politique
souhaitant que la Fédération de Russie apparaisse plus comme un
partenaire que comme une puissance " imprévisible et
prédatrice ". Il est trop tôt pour confirmer cette
évolution.
2. Les routes de l'Ouest : le passage par une région instable
Le
tracé en direction de l'Europe occidentale est le plus complexe. Il se
subdivise en trois branches. Deux branches existent déjà, qui
toutes deux débouchent sur la mer Noire : le tracé par le Caucase
du
Nord
(Grozny) et la Russie, qui rejoint le port russe de
Novorossisk ;
le tracé passant sous la Caspienne par le Caucase du
Sud
, via la Géorgie, et débouchant sur le port de Batoumi.
Ces deux tracés présentent le même inconvénient :
les ports auxquels ils conduisent ne sont pas équipés pour
accueillir les super-tankers. Même si la modernisation des
infrastructures portuaires doit se réaliser, elle ne résoudrait
pas, en aval, le problème posé par le détroit du Bosphore.
Saturé, celui-ci sera tôt ou tard interdit aux super-tankers. Une
autre option consisterait à prolonger les oléoducs sous la mer
Noire vers la Bulgarie et la Grèce : les hydrocarbures seraient
chargés sur les super-tankers en mer Egée.
Ces routes ont un point commun : celui de traverser une région qui a
été, depuis le début des années 1990, le
théâtre d'importants conflits régionaux :
Tchétchénie, Ingochie, Ossétie, Abkhazie, Daghestan,
Haut-Karabakh.
Dernier itinéraire possible pour accéder à la
Méditerranée en contournant le Bosphore : la Turquie anatolienne.
L'itinéraire turc -troisième branche possible pour le
tracé européen
- comprendrait lui-même deux variantes :
soit une prolongation Nord-Sud perpendiculaire au tracé géorgien,
soit la construction d'un nouvel axe, Est-Ouest, à partir de
l'Azerbaïdjan et à travers l'Arménie. Dans les deux cas, le
débouché portuaire est Ceylan, port turc
méditerranéen capable de recevoir des super-tankers et qui
accueille déjà l'oléoduc en provenance de l'Irak du Nord.
La traversée de cette région considérée aujourd'hui
encore comme une " poudrière " demeure donc
problématique. Si le tracé Caucasien prévaut, les conflits
locaux prendront inévitablement une autre signification : celui de
moyen de pression à la disposition notamment de la Russie, ils
pourraient se transformer en menaces pour les investissements.
3. Le choix du Sud : le tête à tête avec les Etats islamiques
Le
choix du Sud se décompose en trois routes possibles qui rencontrent
d'importants obstacles :
-
la voie Iran-Méditerranée via la Turquie
a
l'avantage d'être relativement courte et moins complexe que le
tracé européen et ses trois branches analysées ci-dessus.
Cette route se heurte jusque récemment à l'opposition des
Etats-Unis et à sa volonté d'isoler le régime iranien. La
loi d'Amato condamne toute société internationale qui investirait
dans un pays participant tel l'Iran, au soutien du terrorisme international.
L'évolution de la politique iranienne et les récentes
déclarations iraniennes et américaines pourrait cependant
conduire à relativiser cet obstacle et à privilégier cette
route.
-
l'accès au Golfe persique par l'Iran
connaît a
fortiori le même type de difficulté puisqu'il s'agit de traverser
l'Iran du Nord au Sud ;
-
la dernière solution consiste à accéder à
la Mer d'Arabie ou à l'Inde
après avoir traversé
successivement l'Afghanistan et le Pakistan. La situation en Afghanistan a
longtemps empêché cette voie d'apparaître comme une
alternative réaliste, au grand dam de certaines multinationales
américaines. Actuellement, il semblerait que des négociations
soient en cours avec les talibans. Néanmoins leur irrésistible
ascension a inquiété, au début de
l'année 1997, les Etats d'Asie centrale, le Turkménistan,
l'Ouzbékistan et le Tadjikistan qui ont plus de
2.000 kilomètres de frontières communes avec
l'Afghanistan.
4. L'ouverture vers l'Est ou la tentation ambigüe d'une ouverture vers la Chine
Les
relations entre l'Asie centrale et la Chine datent de la " route de la
soie ".
Cette expression désigne classiquement un ensemble
d'itinéraires commerciaux partant, dès le IIe siècle avant
notre ère, de la capitale impériale chinoise de l'époque,
Changa (l'actuelle Xian), vers le Nord-Ouest, traversant le corridor du Hexi
(l'actuel Gansu) et la " Porte de Jade " : puis, la route continuait
soit par le Nord du grand désert, soit par le Sud pour descendre vers
l'Inde du Nord, l'Iran, l'Afghanistan et l'Ouzbékistan.
Cette notion de " route de la soie " renvoie à une
période allant de la dynastie des Han en Chine à celle de
l'arrivée en Inde des Portugais, dans les dernières années
du XVème siècle. La soie fut pendant longtemps le principal
article exporté par la Chine. Les caravaniers transportaient
également des métaux précieux, des fourrures, de la
vaisselle de porcelaine, des chevaux, de l'ambre...
Après le déclin de cette voie au début du XVIe
siècle, le début des années 80 a vu se développer
une " nouvelle route de la soie " qui relie Kashgar, au Xinjiang
chinois, à Islamabad au Pakistan, par Tashurgan, le col de Khunjerab, le
Hunza, Gilgit et le Kohestan. Cet itinéraire est, tout d'abord,
touristique car la République populaire de Chine, à l'instar du
Pakistan, a entrepris un réel effort pour attirer le tourisme. Par
ailleurs, politiquement, cette route est sensée désenclaver le
Xingiang vers le Sud et activer les échanges commerciaux de la Chine.
C'est en réalité une des routes
" géopolitiques " que le Gouvernement chinois a percées
à travers les plus hautes chaînes de montagne du globe, dans un
but de développement économique, mais aussi de contrôle et
d'intégration des populations. L'ouverture de la ligne ferroviaire
reliant Roumtsi à Aktogay au Kazakhstan est révélatrice de
la volonté de l'Asie centrale et de la Chine de développer
à nouveau leurs relations politiques et économiques. Cette
jonction ouvre une nouvelle frontière au commerce chinois.
Les relations entre la Chine et les Etats d'Asie centrale ont connu, ces
derniers mois, des avancées notables
. Ainsi, la mission
sénatoriale a quitté le territoire kazakh le jour de
l'arrivée de M. Li Peng, Premier ministre chinois, venu signer un
contrat de 9,5 milliards de dollars d'investissement dans le secteur
pétrolier.
Les relations entre l'Asie centrale et la Chine ne sont pas, pour autant,
exemptes d'ambiguïté. En effet, la question ouïghoure
(musulmans chinois réfugiés au Kazakhstan) et les
expérimentations nucléaires chinoises sont autant de sujets
délicats, même si l'avenir tend au renforcement des liens entre
les deux régions.
II. DES RISQUES MAJEURS POUR L'ENVIRONNEMENT
L'Asie centrale a été longtemps interdite aux " étrangers " durant le régime soviétique. Ce n'est que depuis le milieu des années 80 que cette région s'est peu à peu ouverte, révélant, sur le plan de l'environnement, deux risques majeurs issus, en grande partie, de la politique menée par l'Union soviétique. Il s'agit, en premier lieu, du désastre de la mer d'Aral et, en second lieu, des pollutions d'origine nucléaire .
A. LA MER D'ARAL : UNE AGONIE PROGRAMMÉE
Si le niveau des mers est soumis naturellement à des oscillations en fonction des variations climatiques et des déformations de l'écorce terrestre. Mais la baisse dramatique du niveau de la mer d'Aral, depuis quarante ans, ne doit à peu près rien à ces facteurs naturels.
1. Les mirages de l'or blanc
La
spécialisation cotonnière de l'Asie centrale date du
XIXe siècle,
alors que les empires anglais et russe
s'affrontaient pour le contrôle du Turkestan. Par mesure de
rétorsion devant l'avancée des Russes vers l'Inde et
l'Afghanistan, Londres interdit l'accès de son marché aux
acheteurs russes. Pour soutenir l'industrie textile alors en plein essor autour
de Moscou, le gouvernement tsariste a entamé une politique
systématique d'aide à la production de coton dans ses nouvelles
colonies d'Asie centrale. L'extension du périmètre
irrigué, à partir des fleuves qui alimentent la mer d'Aral, a
entraîné une baisse du niveau de cette mer que les grandes
Géographies universelles
ont relevée dès le
début du siècle.
Mais, en systématisant l'intervention
humaine sur ces milieux fragiles, le pouvoir soviétique a rompu
définitivement les équilibres naturels
.
Depuis 1917, la production de coton a été fortement
encouragée en Asie centrale, entraînant l'extension des surfaces
irriguées.
L'extension des surfaces consacrées au coton a suivi la tendance
retracée dans le graphique ci-dessous :
Source : CFCE
La production brute de coton, qui de 0,6 million de tonnes en 1913 a
atteint 8 millions en 1989, concerne essentiellement l'Ouzbékistan
(66 %) et le Turkménistan (17%). Cette hausse provient, pour
partie, de l'élévation des rendements mais surtout de
l'accroissement des surfaces irriguées, passées de 2,2 à
7,1 millions d'hectares entre 1913 et 1987.
En outre, d'immenses travaux d'irrigation ont été menés
dans les années 30
(construction des canaux du bassin du Ferghana et
du Zerafchan) puis dans l'après-guerre (grand canal turkmène et
canal Amou-Daria-Boukhara). Parallèlement, l'encouragement à la
monoculture du coton a entraîné une désaffection
corrélative des cultures vivrières et des plantations
fourragères.
Paradoxalement, cet essor n'a pas toujours entraîné un
progrès qualitatif : une partie des nouvelles terres est trop
septentrionale et la durée d'ensoleillement trop courte pour permettre
aux meilleures variétés -coton à longue fibre- d'y
survivre. Si la sous-évaluation constante des surfaces
cotonnières a permis, durant de nombreuses années, de faire
état de prétendus " records " de rendements à
l'hectare, elle s'est en fait produite par l'augmentation constante des
surfaces irriguées.
Même si le développement de la chimie et de la métallurgie
opère lui aussi à des réelles ponctions pratiquées
sur l'eau disponible dans la région, c'est bien l'agriculture
cotonnière qui totalise 70 % de la consommation, près des
trois-quarts des prélèvements d'eau étant
définitivement perdus pour la mer : s'infiltrant dans le fond des
canaux en terre, ces prélèvements passent directement dans les
nappes phréatiques ou sont déversés après usage
dans d'autres cuvettes lacustres. Quant au quart restant, qui rejoint la mer,
il est chargé de sels et de produits chimiques.
2. Une région en détresse
Au
début des années 1960, on se moquait des vieux pêcheurs qui
se perdaient en mer d'Aral : croyant se diriger vers l'île où
était enterré tel de leurs ancêtres, ils se retrouvaient
sur un nouvel îlot, tout juste sorti des flots. La baisse s'est peu
à peu accélérée : de la côte
+ 53 mètres au-dessus du niveau des océans en 1957, on
est passé à 51,6 en 1970, 49,4 en 1975 et 39 en 1989. Or, une des
particularités du grand lac, qu'est en réalité la mer
d'Aral, est sa faible profondeur. Cette baisse du niveau a
entraîné une diminution spectaculaire de la surface de la mer, qui
est passée de 66.085 à 40.400 kilomètres.
Les deux grands ports traditionnels, Aralsk au Nord et Mouinak au Sud, se
trouvent aujourd'hui à plus de 30 kilomètres de la mer
.
Autour de la mer et le long des deux grands fleuves qui s'y jettent, l'Amou
Daria et le Syr Daria, les grands damiers verts des champs de coton sont
grignotés par des traînées blanches qui
révèlent les remontées salines provoquées par une
irrigation mal maîtrisée. M. Jean Radvanyc parle de plus d'un
million d'hectares de terres ainsi perdues
8(
*
)
.
Depuis 1988, la mer s'est divisée en deux parties inégales et
le taux de salinité des eaux est passé de 9,25 à
30,3 grammes par litre
. Ce sel n'est pas du sel marin : il s'agit de
carbonates et sulfates de calcium, de chlorures et sulfates de magnésium
et autres résidus provenant des défoliants, engrais et pesticides
dont sont abondamment pourvues les eaux qui après le drainage des champs
de coton, sont déversées dans la mer d'Aral.
Le climat s'est trouvé, en outre, modifié avec une accentuation
de la continentalité. Ainsi, alors que la mer d'Aral recevait environ 50
à 60 km3 d'eau par an, on a assisté à son
assèchement par une réduction de son alimentation à
10 km3 au milieu des années 1970. Entre 1978 et 1987, la mer
n'a plus reçu d'eau, le delta du Syr Daria étant totalement
asséché.
Catastrophe écologique, l'agonie de la mer d'Aral provoque celle des
populations qui y séjournent
. Outre la disparition de la pêche
et de toute activité liée à la mer, les riverains ont vu
péricliter l'agriculture. La mortalité a cru de façon
dramatique. Diarrhées, typhoïdes, néphrites sont
fréquentes. La région connaît un taux de mortalité
infantile record.
3. Les perspectives d'avenir
Le
programme de sauvetage de la mer d'Aral concerne avant tout les populations de
la région
. Il est en effet impératif d'améliorer leur
approvisionnement en eau potable, ce qui nécessite la construction d'un
réseau adapté d'aqueducs, de stations d'épuration et de
désalinisation des eaux usées. Dans le même temps il est
urgent de mettre en place un programme pour améliorer la situation
sanitaire.
Pour la suite,
la stabilisation puis la remontée des eaux est
intimement liée à une reconversion de l'économie
régionale
. Quatre conditions sont nécessaires : arrêter
toute extension des périmètres irrigués (c'est en principe
le cas depuis 1990). Les surfaces cultivées en coton et en riz
s'imposent (or, le coton constitue une denrée exportable de
première importance, plus facile à transporter que les fruits et
légumes) ; accélérer le programme de reconstruction des
canaux afin de diminuer les pertes en ligne ; introduire des pratiques
culturales modernes, plus économes en eau.
La réalisation d'un tel programme nécessite
préalablement la mise à disposition de moyen de financement et la
mise en place d'une autorité en mesure d'assurer la
direction des
opérations
. Si l'on a admis, au moins dans les textes, le principe
d'une participation de toute la CEI ainsi que celui d'une aide internationale,
il se heurte aux conflits internes à la région à propos du
partage des eaux au Ferghana, sur le moyen Amou Daria et dans son delta, ainsi
que celui des eaux du Syr Daria. Dans l'attente de solutions concertées,
le niveau de l'Aral poursuit sa baisse dramatique.
B. LA QUESTION DU NUCLÉAIRE
1. La dénucléarisation de la zone
Lors de
la dissolution de l'URSS, le Kazakhstan, à l'instar de l'Ukraine et de
la Biélorussie, s'est trouvé confronté au problème
de la présence sur son territoire d'une partie importante de l'arsenal
nucléaire soviétique. Se trouvaient ainsi au Kazakhstan
104 SS-18 et 370 ALCM, soit un total de 1.410 têtes
nucléaires.
Après l'établissement d'un cadre commun posant les fondements
juridiques de la dénucléarisation (accord d'Alma Ata du
21 décembre 1991, accord de Minsk du
30 décembre 1991 et protocole de Lisbonne du
23 mai 1992), chaque Etat a entamé avec la
Fédération de Russie des négociations politiques et
économiques. Le 28 mars 1994 un accord a fixé le
processus de dénucléarisation. Les armes stratégiques ont
regagné la Russie et les silos ont été détruits. Le
Kazakhstan est ainsi devenu le 24 avril 1995 la première
République dénucléarisée.
2. Les conséquences écologiques des expériences nucléaires
Le
Kazakhstan a dû gérer les conséquences des
expériences nucléaires pratiquées sur le site de
Semipalatinsk qui s'est étendu sur 18.500 km² et a
donné lieu à 470 essais nucléaires. Les
conséquences des différentes expériences nucléaires
sont considérées aujourd'hui comme catastrophiques pour la
santé des différentes populations et l'état de la faune et
de la flore.
Sur ce même site avait été enterrée une charge
nucléaire en mai 1991 afin de réaliser un essai qui n'eut
jamais lieu en raison de l'évolution politique. Le complexe comprenait
l'important institut de recherche du Kurchatov, un centre d'assemblages d'armes
nucléaires et des réacteurs de recherche. Par ailleurs, un centre
de conversion et de stockage d'uranium a dû être fermé en
raison de conditions de sécurité insuffisantes.
Un suivi très strict de ces installations s'impose pour la sauvegarde
du Kazakhstan comme de l'ensemble de la région.
DEUXIÈME PARTIE -
L'ASIE CENTRALE : UNE
TERRE DE DIVERSITÉ
Malgré une histoire et des caractéristiques
communes,
les Etats d'Asie centrale tendent, depuis leur accession à
l'indépendance à accentuer leurs particularités.
Les
différences qui existent entre eux s'accentuent ainsi peu
à peu.
Ces États souhaitent
échapper au
marché que
l'URSS leur avait imposé, au travers duquel ils étaient
perçus par la communauté internationale, afin de
suivre leur
propre voie
.
CHAPITRE IER -
LE KAZAKHSTAN : DES "AILES DE
GÉANT "
Le
Kazakhstan pourrait être comparé à " l'Albatros "
de Baudelaire, empêché de marcher par l'envergure de ses ailes...
Etat aux potentialités exceptionnelles, le Kazakhstan est
confronté à de sérieux défis. Sa réussite
dépend de sa capacité à les relever.
I. DES POTENTIALITÉS CONSIDÉRABLES
A. LES RICHESSES DU SOL ET DU SOUS-SOL
1. Un grand pays agricole
Avant la
collectivisation, la principale activité agricole du Kazakhstan
était l'élevage extensif. La collectivisation a provoqué
la sédentarisation forcée des nomades et a eu des
répercussions particulièrement dramatiques dans ce pays : le
cheptel a ainsi été décimé à plus de
80 % en quelques années.
La mise en valeur des terres vierges au milieu des années 1950 a
placé le Kazakhstan, avant son indépendance, à la
troisième place des producteurs agricoles au sein de l'Union
soviétique, après la Russie et l'Ukraine.
Aujourd'hui, l'agriculture kazakhstanaise dispose de 150 millions
d'hectares de prairies naturelles et de 35 millions d'hectares de terres
arables
-dont 23 millions consacrés aux
céréales-. Elle représente environ 30 % du produit
national brut. Le cheptel est constitué de 35 millions
d'ovins, 9 millions de bovins, 1,6 million de chevaux et
2,5 millions de porcs.
Parmi les principales filières, celle du grain est de loin la plus
importante
. Le pays dispose d'une structure de production, malgré un
équipement obsolète. Quelques aménagements et
améliorations d'un coût relativement limité permettraient
au Kazakhstan d'atteindre une capacité de production à un niveau
compétitif.
La production moyenne des dernières années est d'environ
20 millions de tonnes de grains -ce qui correspond à peu
près à 10 quintaux à l'hectare-, avec de fortes
disparités selon les années. Les capacités à
l'exportation sont de 10 millions de tonnes de céréales.
LA PRODUCTION KAZAKHSTANAISE DE CÉRÉALES
(en millions de tonnes)
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
28,5 |
12 * |
32 |
23,5 |
16,4 |
10 |
(*)
année de sécheresse
Source : CFCE
La récolte globale en 1995 est estimée à un peu plus de
10 millions de tonnes, dont 6 à 7 millions de tonnes
(Mt) de blé, 2,5 à 3,5 millions d'orge, 1 Mt de seigle et
0,5 à 1 Mt d'avoine/maïs. La demande intérieure
en blé panifiable a été de 3,5 millions de tonnes et,
en orge, de 2 millions de tonnes.
Le pays est, par ailleurs, largement autosuffisant en viande
. Les
produits animaux sont traités dans des entreprises d'Etat, abattoirs et
laiteries, en cours de privatisation. Dans le même temps, une part
importante est autoconsommée ou vendue en circuits fermés sur des
marchés informels.
Le troupeau dans son ensemble (ovins, bovins, porcs, volailles,...) se trouve
dans une situation sanitaire précaire due à une alimentation de
mauvaise qualité et à un manque de suivi (produits
vétérinaires et vaccins).
Par ailleurs, l'industrie de l'alimentation animale souffre d'une
réglementation dépassée issue du système
soviétique. En effet, les prix de vente sur le marché
intérieur sont très inférieurs aux coûts d'achat des
matières premières.
Les fruits et légumes sont pour l'essentiel vendus frais, les usines de
traitement industriel ne fonctionnant plus normalement.
Pour ce qui concerne les huiles végétales, l'autosuffisance est
possible par le développement de la culture du colza de printemps et
l'intensification de la culture du tournesol. La production de sucre pourrait
être augmentée, mais la totalité des besoins du pays est
difficile à couvrir.
2. D'abondantes ressources en hydrocarbures
a) 1991-1995 : une stabilisation de la baisse de la production
La
production d'huiles et de condensats en 1995 s'est élevée
à 20,6 Mt
, ce qui place le Kazakhstan au second rang des pays
de la CEI et au trentième rang mondial (entre le Qatar et l'Equateur).
Cette production a été en diminution constante de 1991
(année au cours de laquelle elle a atteint son maximum avec
26,6 Mt) à 1994, avant de remonter très
légèrement en 1995.
Les principales causes de la diminution de la production depuis
l'indépendance jusqu'en 1994 résident
dans
l'épuisement des anciens champs, la montée des eaux de la
Caspienne (surtout dans la région de Mangystau) qui a ennoyé
certains champs, l'usure des installations, le bas niveau des prix de vente du
pétrole sur le marché intérieur, la hausse des prix des
équipements et des matériaux, ainsi que les problèmes
d'accès au réseau d'exportation et aux raffineries russes.
La stabilisation de la production d'huile en 1995 paraît être due
pour une bonne part à l'accroissement de la production de Kumkol (Bassin
de Turgay) qui a compensé la baisse de la production des anciens champs
de l'Ouest du pays.
L'augmentation de 10 % de la production en 1996 s'explique par le
développement du champ de Tengiz qui a doublé sa production
estimée à 100.000 barils par jour (b/j).
La production de gaz s'est élevée, en 1995, à
4,8 milliards de m
3
, contre un maximum de 7,9 milliards en
1991. Comme la production d'huiles, elle a légèrement
progressé en 1995 par rapport à 1994.
Les travaux effectués en 1995 sur le champ de Karachaganak, dans le
cadre du contrat de partage de production provisoire avec AGIP, British Gas et
Gazprom, ont permis au Kazakhstan d'augmenter sa production de gaz.
b) Des prévisions encourageantes
Le
Kazakhstan espère produire en moyenne 550.000 b/j en 1997 et
595.000 b/j de pétrole en 1998
. Un tel accroissement serait
rendu possible par un meilleur accès au système des
" pipes " russes, une plus forte production de condensats du champ du
Karachaganah et une pleine utilisation de l'accord de swap entre le Kazakhstan
et l'Iran.
En outre, bien que le système de classification des réserves dans
les pays de l'ex-URSS soit différent de celui utilisé dans les
autres pays du monde, on peut estimer que les réserves
récupérables des gisements connus du Kazakhstan sont d'environ
2,8 milliards de tonnes pour le pétrole (brut et condensats) et
1.700 milliards de m
3
pour le gaz
9(
*
)
. Les caractéristiques géologiques
très favorables de certaines zones
(et notamment de la partie Nord
de la mer Caspienne)
permettent d'espérer y découvrir de
nouvelles réserves d'huile et de gaz dont le volume pourrait
s'élever à plusieurs milliards de tonnes équivalent
pétrole (tep),
voire plus de 10 milliards de tep selon des
estimations optimistes.
Ainsi, l'annonce en mai 1997 des résultats de la plus grande campagne
d'études sismologiques du monde (27.000 km²) menée par
le consortium de la mer Caspienne dans la zone de Kashagan -située au
large d'Atyra- laisse supposer que les réserves de pétroles
offshore pourraient être dix fois supérieures à celles du
gisement de Tenguiz. Ainsi les perspectives semblent très prometteuses
puisqu'une première phase de production de 5 à 7 millions de
tonnes par an est envisagée entre 2001 et 2004, pour atteindre un
plateau de 60 millions de tonnes/an vers 2013. En outre, Tenguiz -qui
produira 7 millions de tonnes en 1997- doit passer au seuil de
9 millions de tonnes en 1998, puis à 12 millions de tonnes en
2000 et atteindre un plateau à 35 millions de tonnes en 2010.
PRODUCTIONS ACTUELLES ET ENVISAGÉES DE PÉTROLE
PAR LE KAZAKHSTAN
(en millions de tonnes)
|
1990 |
1995 |
1997 |
2002 |
2007 |
2015 |
Caspienne |
|
|
0 |
0 |
5 |
20 |
Offshore |
|
|
|
|
|
|
Tenguiz |
|
|
8 |
12 |
20 |
35 |
Karatchaganak |
|
|
2 |
5 |
10 |
5 |
Ouzen |
|
|
2 |
6 |
4 |
0 |
Divers |
|
|
12 |
12 |
10 |
10 |
TOTAL |
27 |
19 |
24 |
35 |
49 |
70 |
Source : ministère des affaires
étrangères
En ce qui concerne
le gaz
, le champ de Karachaganak pourrait produire
2.546 m3 en 2006, permettant l'autonomie énergétique du
Kazakhstan.
L'AVENIR DU GAZ KAZAKHSTANAIS
|
1998 |
2000 |
2010 |
Réserves prouvées |
2 trillions de m3 |
||
Production |
8,5 millions m3 |
28 millions m3 |
36,1 millions m3 |
Source : Ministère des affaires
étrangères
Les projets d'exploration-production
en cours sont au nombre d'une
vingtaine. Il s'agit notamment du développement du champ géant de
Terguiz associant Chevron et Mobil. L'évolution future de la production
et des exportations de ce champ dépend de la réalisation du
projet d'oléoduc dénommé " Caspian pipe line
Consortium " (CPC).
Par ailleurs, la mise en valeur du champ géant de Karachaganak a
été confiée à AGIP/British Gas, Texaco, Gazprom et
le gouvernement Kazakh. Ce gisement est estimé à
2,4 milliards de barils de pétrole.
En outre, le consortium KCS (AGIP, British Gas, BP/Statoil, Shell, Mobil et
Total) s'est vu confier, en 1995, l'étude sismique préliminaire
de la partie Nord-Est de la Caspienne avec la société kazakhe
" Kazakhoil ". L'essentiel des réserves se situerait
probablement dans la zone des blocs 1 à 12 explorés par les
sept compagnies du consortium. Les estimations varient entre 3 et
13 milliards de tonnes de pétrole et 6.000 milliards de m3 de
gaz. Le consortium OKIOC a pris la suite du consortium KCS qui est
arrivé à son terme en septembre 1997. Son objectif est de
procéder en septembre prochain au premier forage.
3. Un secteur minier important et diversifié
Les
traces d'une activité minière très ancienne sont
nombreuses, en particulier dans l'Altaï qui était
réputé pour ses forgerons et dont les richesses en or et en
cuivre ont alimenté une orfèvrerie de qualité.
L'exploitation moderne a débuté au
XVIIIè siècle avec la première fonderie de cuivre
dans l'Altaï (1723). De nombreux gisements de plomb, zinc, cuivre, mais
aussi d'or et de charbon, sont mis en exploitation dès la
deuxième moitié du 19e siècle.
Le grand développement de l'industrie minière kazakhe date de la
période 1930-1940. Un programme intensif d'exploration amène
alors de nombreuses découvertes. On peut citer en 1928 le gisement de
cuivre de Kounrad, en 1933 les bauxites d'Arkalyk et en 1936 la chromite de
Kromtau. De 1940 à 1950, les grands gisements de fer et de
manganèse sont découverts, puis les gisements
polymétalliques. Les grands combinats se mettent en place :
Balkash, Djezkazgan, Leninogorsk et Oust Kamenogorsk. Les complexes
charbonniers de Karaganda et Ekibastuz se développent à la
même époque.
Aujourd'hui, conformément à la législation sur le
sous-sol,
toutes les ressources appartiennent à l'Etat, qui peut
accorder des autorisations d'exploitation.
Trois ministères
principaux sont impliqués dans la gestion des ressources
minières. Le Ministère de la Géologie et de la
Préservation des Ressources Naturelles (MinGeo) s'occupe surtout des
études géologiques, de la diffusion des informations et de
l'attribution des licences. Le Ministère de l'Industrie et du Commerce
est en charge du secteur mines et métallurgie. Le Ministère de
l'Energie et du Charbon supervise, notamment, les problèmes d'uranium.
D'autres ministères interviennent à des degrés moindres :
Construction, Ecologie, Economie, Finances, Justice. Ils sont surtout
consultés au moment de la signature des accords d'exploitation. Le
Comité d'Etat pour la propriété (GKI) est responsable des
privatisations.
L'industrie minière du Kazakhstan se caractérise d'abord par
un potentiel et une diversité remarquables
. Le Kazakhstan jouait
d'ailleurs un rôle essentiel dans l'économie de l'ex-URSS,
occupant le premier rang pour la production de chrome et de métaux de
base, mais aussi de nombreux métaux plus rares. Cependant, cette
industrie doit aujourd'hui faire face à des problèmes
grandissants : désorganisation des circuits d'approvisionnement, absence
de fonds de roulement, manque d'investissements pour développer de
nouvelles réserves, problèmes d'environnement, etc... Aussi les
usines de cuivre, plomb ou zinc sont-elles très loin de fonctionner
à leur capacité nominale.
RÉSERVES ET PRODUCTION DES PRINCIPAUX MINERAIS
AU
KAZAKHSTAN EN 1994
(Part en % - Rang dans l'ex-URSS)
|
Réserves |
Production |
||
|
Part en % |
Rang dans l'ex-URSS |
Part en % |
Rang dans l'ex-URSS |
Fer |
10 |
3 |
8 |
3 |
Manganèse |
14 |
2 |
2 |
3 |
Chrome |
99 |
1 |
100 |
1 |
Cuivre |
29,9 |
2 |
30 |
2 |
Plomb |
38 |
1 |
64 |
1 |
Zinc |
35 |
2 |
56 |
1 |
Bauxite |
22 |
2 |
36 |
2 |
Tungstène |
54 |
1 |
4 |
3 |
Etain |
2 |
3 |
2 |
2 |
Charbon |
12 |
3 |
19 |
3 |
Molybdène |
29 |
2 |
5 |
4 |
Phosphorites |
65 |
1 |
65 |
1 |
Pétrole |
8 |
2 |
4 |
2 |
Les
dernières statistiques officielles publiées datent de 1994.
Source : Ministère des affaires étrangères.
La part de
la production d'or
du Kazakhstan dans celle de l'URSS
s'élevait à environ 7 % en 1989, correspondant à
20 tonnes d'or par an. Selon le ministère de la géologie et
de la protection du sous-sol, le pays compte 196 gisements
aurifères. Parmi eux, 126 sont des gîtes primaires, 47 des
gisements polymétalliques (35,3 % des réserves d'or
explorées) et 23 gisements alluvionnaires (0,5 % des
réserves explorées).
Ces gisements sont recensés dans sept régions différentes,
la teneur des minerais en or étant de 7,5 gramme par tonne en
moyenne.
Ce secteur exigeant des investissements importants, le gouvernement a recours
à des compétences et à des fonds étrangers. La
première licence pour l'exploitation et l'extraction de l'or et des
diamants sur le territoire du Kazakhstan a été attribuée
à la société mixte Altyn-Tas, comprenant des capitaux
australiens. Depuis l'indépendance, les autorités ont
décidé de moderniser l'industrie de l'or et prioritairement
certains centres industriels. L'activité d'importation et d'exportation
de métaux précieux est réservée à la Banque
centrale du Kazakhstan.
En ce qui concerne
le cuivre
, le pays contribue pour 4,4 %
à la production mondiale. Le minerai est traité dans
différents combinats. Le cuivre, notamment rencontré dans l'Est
du pays, représente 27 % du total des exportations du pays.
Il est avec l'Afrique du sud, le principal producteur mondial de
chrome
. Le Kazakhstan possède 95 % des réserves de chrome
de l'ensemble de la CEI. Selon le ministère de la géologie, il
existe plus de 30 gisements actuellement en exploitation, dont les teneurs
en minerai varient de 43 à 53 %. Les principaux gisements de chrome
connus se trouvent à Khromtaou (Combinat Donskoï) dans l'oblast
d'Aktiubinsk. Afin de lutter contre le dumping à l'échelle
internationale, le Kazakhstan et l'Afrique du sud ont essayé de
coordonner leurs politiques de prix depuis 1993. En 1992, la production a
été de 3,6 millions de tonnes et les exportations de
700.000 tonnes.
S'ajoutent à ce potentiel près de 40 gisements de
nickel
qui sont actuellement en exploitation dans les parties Nord et
Nord-Est du Kazakhstan, ainsi que 21 gisements de titane dans le Nord du
Kazakhstan et des gisements de bauxites.
Par ailleurs, le Kazakhstan central recèle également des
gisements dont les teneurs en
plomb
varient de 1,5 à 15 %
et, en
zinc,
de 1 à 10 %. Les métaux associés
sont très variés (argent, cadmium, baryum, cuivre, mercure,
indium, gallium, germanium, sélénium et tellure). Les
exportations représentent en moyenne 73.000 tonnes de zinc et
56.000 tonnes de plomb par an.
De plus, le Kazakhstan possède d'importants gisements en
étain
dont la principale production est le tungstène ou le
tantale.
Le pays détient, en outre, 8 % des réserves mondiales de
minerai de
fer
et 17 % des réserves de
manganèse
de la CEI.
Ce pays est, de plus, réputé posséder d'importantes
réserves en
uranium,
estimées à 65 % du total
des réserves de l'ex-URSS avec 42 sites d'extraction.
Il existait du temps de l'URSS trois unités utilisant l'uranium :
l'usine de Kazkor (Aktaou), l'usine de Tsélinii (Stépnogorsk) et
le combinat d'Oulbinskii. Le minerai ainsi concentré était
exporté en Russie pour y être enrichi. Le combinat d'Oulbinskii
fabriquait ensuite, à partir de l'uranium enrichi, des pastilles
utilisables par des centrales nucléaires civiles de type
" russe ". Cet usine, ainsi que l'unité de concentration de
Tsélinii, continue de fonctionner.
Enfin, le Kazakhstan recèle un grand nombre de
terres rares
telles que cérium, néodyme, holmium, ytterbium et lutécium
dont les gisements sont associés aux différents métaux
(niobium, zircon, tantale et barytine). Il est également l'un des deux
seuls producteurs de béryllium raffiné au monde avec son usine
métallurgique d'Oust-Kaménogorsk, l'autre étant la
société américaine Brushwellman. En 1993, le Kazakhstan a
baissé de 25 % les prix de vente afin d'augmenter ses
exportations.
B. L'AMÉLIORATION DE LA SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
1. Une économie en transition
Après d'importants déficits en 1992, les
autorités ont adopté des mesures énergiques qui ont permis
d'endiguer la dégradation des comptes extérieurs en 1993.
En 1994, un programme économique rigoureux a été mis en
place, à l'occasion d'un accord approuvé par le FMI. Le pays a pu
ainsi constater une évolution des principaux indicateurs
macro-économiques certes contrastée, mais allant dans le sens
d'une certaine stabilisation de l'économie.
La situation politique a
cependant retardé d'un an le véritable démarrage du
processus des réformes.
Des progrès sensibles ont été accomplis dans la gestion
des crédits d'Etat. Les garanties de remboursement des prêts
étrangers accordés et signés sans réel
contrôle financier ont été interdites, de même que
les crédits alloués à taux préférentiels.
Pour gérer et contrôler l'activité économique, le
Gouvernement a mis en place des organismes interministériels, comme le
Comité pour l'utilisation des capitaux étrangers et l'Agence pour
la réorganisation des entreprises. Par ailleurs,
une nouvelle loi
fiscale a été adoptée en avril 1996
, afin
d'alléger les pressions subies par les entreprises.
Ce programme de réforme a permis certains progrès dans la
stabilisation, qui se sont affirmés en 1996 et 1997. Le Gouvernement
kazakhstanais s'est déclaré décidé à
poursuivre cette transition, maintenant pour 1997 la rigueur monétaire
et budgétaire.
2. La situation financière : un effort de stabilisation
La
politique du pays en matière financière s'inscrit dans le cadre
de l'accord " stand by " d'un montant total de 160 millions de
dollars, signé en janvier 1995 avec le FMI. Celui-ci a
débloqué, en janvier 1996, la troisième tranche de
l'accord (40 millions de dollars), après avoir obtenu le
règlement de tous les arriérés sur plusieurs contrats,
lorsque la garantie de l'Etat avait été engagée. La
quatrième et dernière tranche a été
réglée, comme prévu, en juin 1996.
Un nouveau programme d'ajustement structurel (EFF : " Extended Fund
Facility ") a été adopté le 17 juillet 1996
par le Conseil d'administration du FMI. Il s'étale sur 3 ans et
comporte des mesures budgétaires et monétaires strictes, ainsi
que l'accélération des réformes structurelles dont la
lenteur a aussi été soulignée par la Banque mondiale. Le
montant prévu est de 446 millions de dollars pour la période
1996-1998, dont une première tranche de 54 millions de dollars fut
disponible dès la signature de l'accord ; la deuxième
tranche, également de 50 millions de dollars, a été
mise à disposition comme prévu, le 24 janvier 1997.
Succédant à plusieurs années d'indécision,
l'effort de stabilisation ainsi amorcé à partir de fin 1994,
s'est traduit par :
- une baisse de l'inflation, dont le rythme mensuel est revenu de
24 % en 1994 à 4,5 % en 1995 ;
- un meilleur contrôle du déficit budgétaire,
ramené de 7 % du PIB en 1994 à 3 % en 1995 ;
- l'amélioration du solde commercial. Celui-ci a
dégagé un excédent de 1,3 milliard de dollars en
1996, en raison d'un ralentissement des importations dû à la
politique restrictive sur la demande intérieure et à la
limitation de l'octroi de la garantie d'Etat.
Les réserves de change se sont accrues au-delà des objectifs du
FMI (1,2 milliard de dollars fin décembre 1995) grâce
à des recettes d'exportation importantes et des nouveaux financements
multilatéraux (FMI, Banque mondiale).
3. Une volonté réelle d'ouverture
La mission sénatoriale a pu constater la politique d'ouverture dont fait preuve le Kazakhstan . Si celle-ci demeure encore insuffisante, elle est néanmoins révélatrice de la volonté des autorités d'une transition rapide vers une économie de marché.
a) Le développement des investissements étrangers au Kazakhstan
La
crédibilité financière de ce pays tend à rassurer
les investisseurs privés et institutionnels. Ainsi, le Kazakhstan a
attiré en 1996 un quart de tous les investissements de la CEI
. La
formation du prochain consortium pour le bassin caspien pourrait, en outre,
représenter 150 milliards de dollars d'investissements, dont
10 milliards pour la seule phase exploratoire les
cinq premières années.
Sur la période 1992-1997, les contrats réalisés pour
l'exploitation des champs pétroliers représentent un total
cumulé de 32,3 milliards de dollars, dont 3,24 milliards
effectivement investis dans le pays depuis 1994.
Le nombre total des investisseurs est estimé à environ 800,
mais les 7 premiers totalisent 2,9 milliards de dollars, soit
91,2 % du total.
BILAN DE L'INVESTISSEMENT DIRECT ETRANGER (IDE) AU KAZAKHSTAN
Flux des
investissements
(en millions de dollars)
1992 et 1993 : (p. 882)
1994 : (p. 635)
1995 : (p. 723)
1996 : (p. près d'1 milliard de dollars)
Origines
(en moyenne, de 1992 à 1996)
USA : (p. 66 % du total)
Corée du sud : (p. 9 %)
Royaume-Uni : (p. 6 %)
France : (p. 4 %)
Inde : (p. 4 %)
Turquie : (p. 3,9 %)
Principaux investissements
(en millions de dollars)
Mobil (USA) : (p. 1 100)
Chevron (USA) : (p. 700)
Ispat (Inde) : (p. 308)
Philip Morris (USA) (p. 240)
KCS (Consortium international) : (p. 225)
Elf (France) : (p. 210)
Hurricance (USA) : (p. 120)
Japan Chrome (Iles Vierges des Caraïbes) : (p. 67)
Répartition par secteur
Le pétrole et le gaz représentent 73 % des investissements
directs étrangers et l'agro-alimentaire 8 %.
b) La mise en place d'un cadre juridique favorable aux investisseurs
Ce
succès de l'investissement direct étranger s'explique non
seulement par la stabilité politique du pays, mais aussi par l'existence
d'un cadre juridique favorable aux investisseurs, notamment la loi sur les
contrats de partage de production pour les hydrocarbures.
La première loi sur l'investissement étranger date de
décembre 1994
. Ce cadre législatif a entraîné
une vente des actifs de grandes sociétés kazakhstanaises sous
diverses formes : appels d'offres, ventes de gré à gré,
contrats de gestion avec ou sans options de rachat des actions. De nombreux
grands combinats ont bénéficié de ces contrats de gestion
qui obligent le repreneur à élaborer un plan de restructuration
aboutissant à une privatisation.
On note, dans ce domaine, l'activité soutenue de la Kazkommerzbank, qui
intervient comme consultant sur les privatisations. Le poids politique de cette
banque en fait un point de passage obligé pour les grands projets, tous
secteurs confondus. Ainsi elle pilote la gestion de JSC KazZinc, Kazaktelecom,
Air Kazakhstan, les chemins de fer, et elle est devenue le conseiller financier
du holding KazatomProm en charge de l'ensemble de la filière
nucléaire.
Depuis décembre 1994, 57 contrats de gestion ont été
signés. Les conditions d'attribution de ces contrats, d'une durée
variable (entre 3 et 5 ans), ont fait l'objet de sévères
critiques, notamment parce qu'ils obligeaient les sociétés
étrangères :
- à régler l'intégralité du passif de la
société kazakhstanaise dont l'endettement est
généralement inconnu,
- à accroître le fonds de roulement,
- à payer un " bonus " d'entrée au gouvernement,
- et à apporter un investissement productif.
Depuis le 28 février 1997, une nouvelle loi sur
l'investissement direct est venue clarifier une situation qualifiée
parfois de confuse.
Cette loi comprend
trois points fondamentaux
.
Elle régit tout d'abord les garanties légales
nécessaires à l'investisseur étranger
. Les
règles juridiques kazakhstanaises ne prévalent pas sur le droit
international. A la différence de la législation de 1994, qui
empêchait une société étrangère de
détenir la totalité du capital social d'une entreprise de droit
local ou qui soumettait à autorisation une prise de participation
majoritaire, le nouveau dispositif ne restreint plus l'actionnariat ni le
rapatriement des bénéfices et libéralise les mouvements de
capitaux. L'Etat kazakhstanais s'engage à ne pas créer de
monopoles qui viendraient gêner les activités de l'investisseur,
à respecter dans l'ensemble les grandes règles de
l'économie de marché et, enfin, à adopter une
législation douanière protégeant les investisseurs.
La mise en place d'un système fiscal et juridique
préférentiel
, ensuite, permet d'accorder
éventuellement soit une exonération de la TVA lors de
l'acquisition de biens fonciers et immobiliers pendant les
5 premières années, puis une réduction de
moitié, soit un dégrèvement total ou partiel des droits
douaniers à l'importation en fonction des stocks d'IDE planifiés,
du projet et du degré de priorité du secteur.
La création d'un Comité d'Etat pour les Investissements
constitue la troisième innovation. Cet organisme est chargé de
garantir la sécurité des investissements, de sélectionner
les investisseurs, de représenter l'Etat en étant un guichet
unique et de simplifier les relations avec les investisseurs.
Ce Comité est placé sous le contrôle direct et la
supervision du Président Nazarbaev. M. Akhmetjan Essimov -qui occupe,
par ailleurs, les fonctions de premier vice-premier ministre- en assure la
présidence.
Directeur exécutif
Direction des évaluations de projets et des négociations
Direction des relations publiques et de la coordination
Direction administrative
Enregistrement et contrôle
Direction de la Recherche, de la Planification et de l'Information
Le
bilan de l'intense activité législative de ces deux
dernières années paraît largement positif
. Bien
entendu, des problèmes demeurent. Certains d'entre eux seront
résolus par le biais d'amendements apportés à ces lois. La
législation qui sera adoptée au cours des prochains mois
réservera, très probablement, des surprises aux entrepreneurs
étrangers.
Il ne fait aucun doute cependant que ce régime
juridique évoluera rapidement vers une plus grande maturité, et
qu'il fournira, en temps voulu, une base plus stable aux investissements
étrangers en République du Kazakhstan.
Les chefs d'entreprises rencontrés par la mission d'information du
Sénat
ont souligné que la définition des conditions
d'un projet devait faire l'objet de négociations strictes, en
conformité avec la législation existante, en gardant à
l'esprit, d'une part, les restrictions
prévues par la loi en
matière de garanties fournies par le Gouvernement et
d'exonérations fiscales et, d'autre part, l'évolution probable de
la législation pendant la durée du projet. Les avantages
spéciaux, qui ne sont pas conformes aux lois existantes, sont
susceptibles d'être invalidés ou bien annulés à une
date ultérieure.
Les investisseurs étrangers doivent ainsi se
protéger autant que possible au moyen de clauses contractuelles
soigneusement élaborées
, notamment en matière
d'arbitrage, de changements défavorables, de force majeure,
d'immunité de l'Etat souverain, grâce à des financements
extérieurs, des garanties commerciales, ou en souscrivant une assurance
contre les risques politiques et de non-convertibilité.
II. DES DÉFIS À RELEVER
En dépit de réels progrès dans la stabilisation de son économie et des atouts dont il dispose, le Kazakhstan doit, pour réussir, relever un certain nombre de défis.
A. L'ADMINISTRATION D'UN IMMENSE TERRITOIRE
1. Un atout ...
Le
territoire kazakhstanais représente 2.700.000 km².
Il
s'étend d'Ouest en Est sur près de 2.800 kilomètres
depuis les côtes septentrionales de la Caspienne et les abords de la
Volga à l'Ouest jusqu'aux grandes chaînes de montagnes de
l'Altaï et de l'Ala Taou de Dzoungarie à l'Est, où se trouve
Almaty et qui mènent vers le Xinjiang chinois et la Mongolie. Dans le
sens Nord-Sud, des frontières de la Russie jusqu'à celles de
l'Ouzbékistan, le Kazakhstan couvre plus de 1.600 kms depuis les
steppes herbeuses de la Sibérie occidentale jusqu'au désert du
Kyzylkoum, au sud de la vallée du Syr Daria.
Si ce territoire, occupé en grande partie par des steppes et des grands
lacs, représente une richesse sur le plan agricole, minier et
énergétique, il constitue aussi un espace difficile à
maîtriser.
2. ... difficile à maîtriser
Le
Kazakhstan dispose de 6.023 kms de frontières communes avec la
Russie et de 1.500 kms avec la Chine, ce qui influe inévitablement
non seulement sur son attitude vis-à-vis de " ses grands
voisins ", mais aussi sur sa politique intérieure. Ainsi, la
proximité de la Russie a-t-elle été déterminante
dans la politique linguistique du Kazakhstan. De même, sa politique
pétrolière est largement soumise à son environnement
géopolitique.
De plus, le pouvoir personnel du Président Nazarbaev doit disposer d'un
nettement plus grand nombre de relais sur cet immense territoire afin
d'être aussi efficace que celui de ses homologues ouzbèk et
turkmène. Certaines régions, éloignées de la
capitale de plusieurs milliers de kilomètres, ont d'ailleurs parfois
quelques velléités d'autonomie, notamment en raison de leurs
richesses en hydrocarbures.
Enfin, les distances rendent difficiles tout acheminement d'hommes, de
marchandises et de matériels, d'autant que le réseau
d'infrastructures routières secondaires s'est progressivement
détérioré et que le réseau ferroviaire, bien
qu'important, reste relativement lent.
La volonté de recentrer les activités de cet immense territoire a
d'ailleurs, pour partie, motivé
le transfert de capitale d'Almaty
à Akmola, nouvelle capitale inaugurée officiellement le 10
décembre dernier par le Président Nazarbaiev.
Almaty, capitale économique et politique, -du moins pour quelques mois
encore-, se situe à l'extrême Sud-Est du pays. Historiquement,
elle est sur le territoire de la Grande Horde. Ville de garnison, elle a
été choisie par les soviétiques pour des raisons
stratégiques, la frontière chinoise se situant à moins de
200 kilomètres.
Le Président Nazarbaiev a souhaité, au lendemain de
l'indépendance, que le centre économique et politique du pays
permette un certain rééquilibrage, notamment vis-à-vis des
régions disposant des principales ressources pétrolières
et minérales du Kazakhstan qui sont situées à
l'extrême Ouest. Le choix d'Akmola, " tombe blanche " en langue
kazakh, fortin de colons cosaques au XIXe siècle, permet en outre au
Président de s'extraire des rivalités des différentes
djouz (ou hordes) qui constituent la division traditionnelle du pays. Il a donc
décidé le transfert de la capitale à Akmola, ville
située à plus de 1.000 kms au Nord-Ouest d'Almaty.
Cette opération a débuté durant l'automne 1997. S'il
est aujourd'hui trop tôt pour en tirer les premières conclusions,
une telle décision est révélatrice des difficultés
que connaît cet Etat dans la gestion de cet immense territoire.
B. DES RÉFORMES ÉCONOMIQUES INSUFFISANTES
1. Un processus de privatisation relativement lent
La
privatisation des grandes entreprises et la modernisation de l'appareil
industriel accusent un certain retard
. Selon les estimations officielles,
le secteur non-étatique représentait moins de 20 % du PIB en
1994. Le secteur privé représenatit 40 % environ du PIB en
1996, exclusion faite des entreprises où la part de l'Etat demeure
majoritaire.
Les privatisations se sont effectuées en trois temps
. La
première étape a débuté en juin 1991 et a
concerné des petites entreprises du commerce et des services, qui ont
été cédées à leurs employés ou
à leur direction. La période 1993-1995 a vu, au cours d'une
seconde étape, la privatisation de moyennes et grandes entreprises de
plus de 200 employés, des entreprises comptant plus de
5.000 employés ayant été également
proposées au secteur privé. Au total, 1.700 entreprises ont
été ainsi offertes à la vente. Au début de 1996,
60 % des parts de ces entreprises étaient passées au secteur
privé. Un tiers de ces parts a été échangé
contre des coupons distribués à la population, un autre tiers
réglé en espèces, le dernier tiers étant
donné aux employés. Toutes les entreprises agro-alimentaires ont
été privatisées, le plus souvent sous la forme de
coopératives. Néanmoins, seules cinq grandes entreprises de
plus de 5.000 employés sur 180 ont trouvé des
acquéreurs.
La troisième étape, qui s'étale de 1996 à 1998,
devrait voir l'aboutissement de la petite privatisation, la vente contre
espèces de nouvelles parts de moyennes et grandes entreprises
s'effectuant au cas par cas. En 1996, 11.000 petites entreprises de moins
de 200 employés (70 % du total) étaient
déjà passées dans le secteur privé.
Le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaiev, vient de lancer un
appel pour l'arrêt de la privatisation du secteur du pétrole et du
gaz du pays. S'exprimant à Akmola, M. Nazarbaiev a estimé
que le Kakazhstan a signé à ce jour suffisamment d'accords
pétroliers et gaziers "
pour les deux prochaines
générations
". Il est maintenant temps, a-t-il dit, de
préparer les bases à une autre phase, dans le futur,
"
pour la troisième génération de
Kazakhs
", d'ouverture du pays aux capitaux étrangers.
Le Kazakhastan a, jusqu'à présent, privatisé moins de
50 % de son secteur du pétrole et du gaz naturel tout en ayant
pourtant déjà attirer des milliards de dollars d'investissements
étrangers (Chevron et Mobil sur Tenguiz, BG, Agip et Lukoil sur
Karachaganak, etc.). Des analystes occidentaux pensent que la décision
du chef d'Etat kazakh est sans doute largement inspirée par
l'évolution récemment intervenue sur le marché
pétrolier mondial, caractérisé par la chute des prix du
baril : dans le contexte actuel, les prix de cession par le Kazakhstan de
nouveaux actifs ne seraient pas à la hauteur des espoirs du pays.
Les observateurs attendent toujours que la compagnie pétrolière
nationale du Kazakhstan, Kazakoil, noue tôt ou tard une alliance avec un
partenaire stratégique, à l'image d'un certain nombre des
géants russes du secteur.
En matière agricole, 90 % des entreprises et environ 80 % des
terres avaient été privatisées à la mi-1996. La
réforme agraire manque néanmoins de clarté en ce qui
concerne les droits de propriété. Les paysans peuvent
acquérir des baux à long terme depuis décembre 1995, mais
l'achat et la vente des terres agricoles sont soumis à des conditions
très restrictives et réservés aux citoyens kazakhstanais.
Les étrangers peuvent acheter des terres non-agricoles dans le seul cas
où s'y trouvent implantés des bâtiments et des
équipements productifs.
La restructuration du secteur agricole est
ainsi très lente malgré la privatisation,
la
propriété collective et les sociétés
monopolistiques dominant toujours.
La restructuration des entreprises industrielles rencontre, elle aussi, de
nombreux obstacles
. Une trentaine de grandes entreprises, très
endettées, ont été placées sous le contrôle
de la Banque de réhabilitation qui, avec l'aide de la Banque mondiale,
doit procéder à leur restructuration ou à leur mise en
liquidation. En avril 1995, Le Kazakhstan a adopté une nouvelle loi sur
les faillites qui a eu, jusqu'à maintenant, peu d'effets.
2. Le retard des réformes structurelles
En
dépit de la stabilisation de l'économie kazakhstanaise, la
croissance redémarre extrêmement lentement (+ 0,5 % en
1996). Elle s'explique, pour partie, par la timidité des réformes
structurelles.
Les années 1994, 1995 et 1996 ont été consacrées
aux réformes allant de pair avec la stabilisation de l'économie,
comme la libéralisation des prix, du commerce extérieur, du
marché des changes et du marché monétaire.
Depuis le
début du second semestre 1996, les premières mesures d'ajustement
structurel se mettent en place
, afin de traiter les problèmes de
fond liés à la transition économique du pays.
L'assainissement du système bancaire est une oeuvre de longue
haleine
. La crise du mois d'octobre 1996 (faillite d'une banque
commerciale, la Kramdsbank), s'explique par la sous-capitalisation d'un nombre
trop important de banques. Quant aux établissements les plus importants
comme l'Eximbank (principale banque commerciale du pays) et l'Alembank, leurs
portefeuilles sont grevés par des prêts -qualifiés parfois
de douteux- à l'industrie et à l'agriculture.
La difficulté de mener à bien les projets, les interventions
fréquentes des dirigeants du pays et les processus de décision
anormalement longs ralentissent les opérations, non seulement des
investisseurs étrangers, mais également des bailleurs de fonds
internationaux. La BERD n'a retenu que quelques projets sur les
113 engagés dans la CEI et n'a déboursé que
40 millions de dollars (décembre 1996) sur les 102 millions de
dollars qu'elle a prévu de financer. La BERD a également
commencé à financer à la fin du premier semestre 1997,
à hauteur de 54 millions de dollars, un projet de rénovation
du port d'Aktau en mer Caspienne. La Banque mondiale a mis en place pour
958 millions de dollars d'engagements, dont 54 % ont
été déboursés. Un environnement plus favorable ne
manquerait pas d'accélérer l'arrivée de capitaux
nouveaux.
C. LA VALORISATION DES HYDROCARBURES
Les abondantes ressources en hydrocarbures du Kazakhstan doivent lui permettre de devenir, à moyen terme, un exportateur de premier plan. Toutefois, il occupe encore une place modeste en ce domaine, en raison de difficultés géopolitiques, techniques et juridiques.
1. Les obstacles géopolitiques
Le
potentiel du Kazakhstan représente un réel enjeu
stratégique, suscitant la convoitise des principales compagnies
pétrolières et gazières internationales.
L'ouverture aux compagnies occidentales, pourtant récente (1992), s'est
immédiatement traduite par une présence massive des plus grandes
d'entre elles, en particulier pour l'exploitation onshore du gisement
géant de Tenguiz et l'exploration offshore de la mer Caspienne.
Toutefois, malgré cette ouverture à l'Occident, l'enclavement
du Kazakhstan conduit ce pays à dépendre totalement des Etats
frontaliers, en particulier de la Russie, pour l'évacuation de ses
ressources en hydrocarbures.
Un rapide coup d'oeil sur la carte énergétique du Kazakhstan
montre que la production de pétrole (Tanguiz, Uzeu, Mangnistan,
Aktioubiusk, karachaganak) et de gaz se situe dans la partie occidentale,
tandis que les zones de consommation sont au centre, au Sud et à l'Est
où vit la majorité de la population.
Le paradoxe de cette situation veut que le Kazakhstan dépende des
oléoducs Uzen-Atyran-Samara et Kerkiak-Orsk orientés vers le
Nord-Ouest pour l'évacuation d'une partie de sa production alors que les
deux plus grosses raffineries du pays (Pavlodar et Shimkent) sont
approvisionnées en pétrole sibérien par l'oléoduc
Surant-Oinsk-Parlodan-Shimkent
10(
*
)
.
Le développement des exportations d'hydrocarbures vers des
marchés solvables constitue ainsi un enjeu vital pour le Kazakhstan.
Ne disposant pas de débouché naturel pour ses exportations, le
Kazakhstan a, en outre, hérité d'un réseau
d'oléoducs essentiellement orienté vers le Nord-Ouest et
destiné à approvisionner la Russie et les Républiques de
l'ex-URSS. Ce réseau se révèle totalement insuffisant pour
exporter la production potentielle du Kazakhstan et, notamment, celle des
gisements de Tenguiz. De surcroît, le montant excessif des redevances de
transit réclamées par les Russes et la vétusté des
installations conduisent à des interruptions fréquentes et
pénalisantes pour l'économie kazakhe.
Dans ce contexte, la diversification des voies d'évacuation des
hydrocarbures, et plus particulièrement du pétrole,
représente un objectif essentiel pour le Kazakhstan.
Les cinq
débouchés théoriquement envisageables sont
confrontés à d'importants obstacles à caractère
géopolitique
.
L'augmentation des capacités d'exportation par le territoire russe
constitue la première solution.
Le consortium CPC (Caspian Pipeline
Consortium) a ainsi pour objectif de construire un oléoduc de grande
capacité reliant le Kazakhstan au port russe de Novorossisk sur la mer
Noire. Conclu en 1992, modifié en 1996 et 1997 (les dernières
négociations étant intervenues le 16 mai 1997),
l'accord du CPC prévoit, tout d'abord, la rénovation de la ligne
existante Tengiz-Komsomolsk qui suit le pourtour de la Caspienne, puis la
construction d'un pipe Komsomolsk-Thikoretsk-Novorossisk (480 km) et enfin
la réalisation d'un terminal flottant et des installations de stockage
à Novorossisk (accroissement des capacités de 32 à
100 millions de tonnes/an). D'une longueur totale de 1.500 km, le
conduit devrait permettre le transport de 560.000 b/j dans un premier
temps. En phase de croisière, la capacité serait portée
à 1,3 millions de b/j. La moitié des parts du projet
sont détenus par les gouvernements de Russie (24 %), du Kazakhstan
(19 %) et d'Oman (7 %), l'autre moitié étant
divisée entre des partenaires internationaux -Chevron (15 %),
Lukoil (12,5 %), Rosneft/Shell (7,5 %), Mobil (7,5 %), Agip
(2 %), BG (2 %), Kzakoil (anciennement Munaigas) (1,75 %) et
Oryx (1,75 %)-. Amoco a rejoint le CPC en échange du financement
des 1,75 % de la compagnie kazakhe (70 millions de dollars) et d'un
investissement de 60 millions de dollars, obtenant ainsi le droit
d'acheminer 60.000 b/j (accord du 12 mars 1997).
Le montant du projet CPC est évalué à environ
2 milliards de dollars pour sa phase initiale. Les estimations montent
jusqu'à 4 milliards à pleine capacité
(1,3 millions de b/j au-delà de 2010). Bien que ce projet ait
été, jusqu'à l'été dernier, le seul à
progresser, il n'est pas sans inconvénients : sa réalisation
confirmerait la dépendance du Kazakhstan a l'égard de la Russie
et augmenterait le transit des pétroliers dans le détroit du
Bosphore, en totale contradiction avec la volonté des Turcs de limiter
le trafic des pétroliers et des méthaniers dans ce
détroit. Ce choix de la Turquie provient certes de soucis
environnementaux légitimes mais trouve aussi son origine dans son
désir de favoriser un tracé aboutissant à un port turc sur
la Méditerranée.
Par ailleurs, l'oléoduc " CPC " ne réglera pas tous les
problèmes puisqu'il a vocation avant tout à évacuer la
production de Tenguiz et des gisements exploités par les compagnies
membres du CPC. Les autres compagnies devront ainsi trouver d'autres
itinéraires vers l'Europe ou vers l'Asie.
Le deuxième débouché vise à approvisionner le
marché asiatique, via notamment la Chine. Cette voie chinoise
présente deux variantes.
L'une -ambitieuse-, traverserait le territoire chinois d'Ouest en Est. Cet
immense marché, caractérisé par une forte croissance et
qui demeurera importateur net de brut bien au-delà de l'an 2000,
pourrait ainsi être alimenté. En outre, l'intérêt du
Japon pour le pétrole du Kazakhstan (Mitsubishi se dit prêt
à participer à un pipeline reliant le Kazakhstan Ouest à
Kumkol) démontre la plausibilité de cette voie qui, malgré
sa longueur (6.500 km jusqu'à la côte est de la Chine)
débouche sur les marchés majeurs du
XXIème siècle. Ce plus cette solution est moins
hétérogène dans son parcours que le KPC ou le CPC qui
traversent des zones incertaines, avant d'aboutir aux détroits turcs ou
à la Méditerranée.
Cette voie, qui semblait tout à fait théorique, notamment aux
yeux de certains industriels, compte tenu du coût exorbitant d'un tel
tracé, a fait l'objet d'importantes négociations : ainsi au mois
de septembre dernier, le jour où la mission sénatoriale quittait
le territoire Kazakh, le premier ministre chinois, M. Li Peng, a
signé un contrat de plus de 9 milliards de dollars.
Par ce contrat, la Chine s'est engagée à construire, d'ici
à 2005, un oléoduc de 3000 kilomètres d'une
capacité de 5 millions de tonnes/an entre des champs
pétrolifères kazakhs situés au Nord-Est de la Caspienne
jusqu'à sa frontière. La réalisation de cet
oléoduc, d'un coût de 3,5 milliards de dollars, pourrait
être financée par les investisseurs japonais et
sud-coréens. La Chine avait signé préalablement, en juin
dernier, un contrat de 4,3 milliards de dollars pour l'exploitation de
champs de pétrole kazakhs.
L'autre perspective, plus modeste, vise à remplacer la fourniture russe
de pétrole au Kazakhstan Est par un approvisionnement en provenance des
champs pétroliers du Xin Jiang. L'actuelle recrudescence d'agitation des
Ouïghours dans cette région n'est sans doute pas
étrangère aux convoitises internationales sur ce gisement. Pour
l'instant, à l'exception d'une récente déclaration de
solidarité d'Almaty à l'égard de cette population
turcophone ethniquement proche des Kazakhs, le gouvernement du Kazakhstan,
inquiet d'un risque de débordement de sa propre minorité
ouighoure (150 à 200.000 personnes), joue un rôle
modérateur sur cette question, comme en témoigne l'arrestation,
en avril 1997, de manifestants ouïghours devant l'ambassade chinoise
d'Almaty.
La voie transcaspienne constitue la troisième issue
envisageable, en liaison avec les projets de développement en
Azerbaïdjan
. Elle conduirait à construire un oléoduc
transcaspien passant par Bakou, en Azerbaïdjan. La faisabilité de
ce projet pourrait se heurter à des problèmes technologiques
liés à de grandes profondeurs d'eau lors de la construction de la
partie sous-marine. De plus, ce tracé semble difficile à
réaliser car il traverserait des pays confrontés à de
graves difficultés politiques (tensions entre l'Azerbaïdjan et
l'Arménie, mouvements séparatistes dans la partie kurde de la
Turquie). Une variante à ce tracé de l'Ouest est une route du
Sud-Ouest consistant à construire un conduit Tanguiz-Aktam-Macklachkrala
et à le prolonger selon l'axe Mackladkala-Tbilissi-Ceylan. Le coût
d'un tel projet approcherait 2 milliards de dollars.
La quatrième voie d'exportation envisageable impliquerait la
construction d'un oléoduc entre le Kazakhstan et l'Iran, via le
Turkménistan
. Le brut pourrait ensuite être exporté par
le Golfe persique. Jusqu'à présent, ce débouché se
heurtait à des difficultés liées à la situation
iranienne et à l'embargo des Etats-Unis sur l'Iran. Néanmoins,
cette situation géopolitique délicate a évolué
favorablement depuis la mi-97. Cette voie d'exportation du brut kazakh
présente de réels attraits sur le plan économique, aussi
bien pour le Kazakhstan que pour les pays consommateurs, qu'il s'agisse de
l'Europe, des Etats-Unis, ou des pays asiatiques. L'Iran a néanmoins
émis des critiques sur la qualité du brut kazakhstanais, trop
chargé en mercaptan, et que les raffineries du Nord Iran ne savent pas
traiter. En outre, des difficultés financières ont retardé
ce projet.
Enfin, l'ultime route est la voie afghane à travers
l'Ouzbékistan.
Deux compagnies projettent de construire des oléoducs et gazoducs
à travers l'Afghanistan, malgré la permanence du conflit, mais en
misant sur une prochaine " pax talibanica " : d'un côté
Unocal (associé à Delta Oil, d'Arabie Saoudite), de l'autre le
géant argentin Bridas. La possible implication des américains en
faveur des talibans pourrait s'expliquer tant par la prévision
américaine de leur probable victoire finale que par la volonté
des Etats-Unis de faire pièce à l'Iran en ouvrant une voie
d'évacuation alternative à travers un Afghanistan pacifié.
Un accord de principe associant Unocal, Delta Oil, le gouvernement
ouzbèk, Gazprom et des représentants du pouvoir afghan est
intervenu récemment.
La question des débouchés pour les hydrocarbures kazakhstanais
se révèle donc complexe
. Toutefois, on peut espérer
que les intérêts économiques des différents Etats
concernés finissent par converger. Le Kazakhstan pourrait alors
connaître un essor économique à la mesure de son potentiel
énergétique.
2. Les difficultés administratives et juridiques
La structure de l'industrie pétrolière ainsi que le cadre fiscal et juridique de ce secteur d'activité pourraient être rationalisés et améliorés afin de doter le Kazakhstan des instruments nécessaires à la valorisation de son potentiel en hydrocarbures.
a) Une nécessaire réorganisation de l'industrie des hydrocarbures
Jusqu'en
1995, la société holding Munaygaz contrôlait l'ensemble des
associations régionales qui géraient les opérations de
production, de raffinage et de transport de l'huile, la société
Kazakhgaz gérant, quant à elle, les aspects relatifs à la
production et au transport. La distribution du gaz est assurée par des
compagnies régionales.
Un fonds spécial, alimenté par une taxe perçue sur les
revenus des compagnies pétrolières (8 % en principe, sauf
exemption qui concerne, en pratique, la plupart des entreprises communes
formées avec des partenaires étrangers), finance les
activités des entités chargées, au sein du
Ministère de la géologie, de gérer les opérations
de prospection impliquant des technologies de géophysique et de forage.
En 1993, le Gouvernement du Kazakhstan a décidé une
réorganisation du secteur fondée sur trois principes :
- le regroupement des entités existantes sous l'égide de
sociétés holding ;
- la restructuration de ces nouvelles entités dans un objectif
d'introduction de la concurrence ou de régulation de monopoles
naturels ;
- la privatisation de ces entreprises. Ce dernier point semble avoir
donné lieu à des résultats mitigés dans la mesure
où l'actionnariat actuel n'a pas induit les effets attendus en termes
d'objectifs et de mode de gestion.
La véritable privatisation du secteur pétrolier n'a en fait
débuté que récemment, avec un succès
limité
. Des enchères se sont déroulées au
printemps 1996 pour privatiser la raffinerie de Chimkent et une compagnie de
production pétrolière opérant dans le bassin de Turgay
(Yuzhmunaygaz). La raffinerie n'a intéressé qu'une seule
compagnie occidentale (Vitol, société de trading des Pays-Bas),
qui l'a emporté devant une compagnie locale d'investissement. Vitol
s'est engagée à réaliser des investissements dans la
raffinerie. Une compagnie américaine, Hurricane, a remporté les
enchères concernant la privatisation de la compagnie de production.
Enfin, les enchères pour la privatisation d'une troisième
compagnie (Aktyubinskneft) ont dû être reportées. Un projet
de fusion de cette compagnie avec le groupe pétrolier russe Onako
paraît aujourd'hui abandonné.
Dans ce contexte, la structure définitive du secteur semble toujours
en discussion, même si de multiples évolutions ont pu être
notées
:
- l'influence de Munaygaz sur les entreprises productrices a
été réduite ;
- la société Munaionimderi, présente dans le
stockage, le transport et la distribution de produits pétroliers, a
été dissoute et les activités correspondantes ont
été privatisées ou sont en cours de l'être ;
- de nouvelles dispositions ont été introduites dans
l'organisation des associations de producteurs afin d'améliorer leur
efficacité, aboutissant notamment à la formation de la compagnie
pétrolière Uzenneft ;
- des entreprises communes établies avec des partenaires
étrangers sont impliquées dans l'exploitation de 40 %
environ des réserves d'hydrocarbures découvertes ;
- le statut de la société Uzenmunaygaz a été
modifié, en vue de sa privatisation.
b) Un cadre juridique et fiscal à rationaliser
Une loi
pétrolière a été approuvée en juin 1995
et est entrée en vigueur le 1er juillet 1995.
Elle
complète un ensemble législatif qui regroupe plusieurs
dispositions visant à favoriser l'investisseur international tout en
maintenant un certain contrôle de l'Etat
:
- la loi sur le sous-sol de 1992, légèrement inspirée
du code minier français, concerne la propriété de la
sub-surface et les règles d'attribution des titres d'exploration et de
production, ainsi que les aspects relatifs aux redevances
tréfoncières associés. Ce texte a été par la
suite remplacé par un décret-loi sur le sous-sol signé par
le Président Nazarbaev le 29 janvier 1996, qui diffère
peu de la loi de 1992, mais introduit sur certains points de meilleures
garanties pour les investisseurs ;
- la loi sur les investissements étrangers précise les
conditions de garantie de ces opérations ;
- le décret sur les taxes et versements obligatoires au budget,
adopté au printemps 1995, décrit le cadre fiscal des
opérations pétrolières. Ce cadre juridique prévoit
notamment la possibilité de recourir à des contrats de partage de
production, à des concessions ou à des contrats de services.
Complété par des textes récents, il met également
en place un environnement fiscal fondé, en premier lieu,
sur l'application du régime fiscal de droit commun, en
matière d'impôt sur les sociétés (30 % des
profits) et de provisions, le taux de TVA étant de 20 % sur les
ventes et sur les matériels importés. En second lieu,
l'application de taxes spécifiques est prévue (bonus, redevances
proportionnelles, prélèvements exceptionnels, etc.), les taux
faisant l'objet d'une négociation individuelle par contrats. Il convient
de signaler au passage que les entreprises étrangères sont
exemptées du paiement des accises sur les quantités de
pétrole exportées.
Cet environnement législatif rénové est une
réelle avancée pour l'ensemble du secteur
énergétique
. Il doit maintenant se stabiliser afin
d'encourager les différents acteurs économiques ainsi que les
institutions internationales de crédit et d'assistance ou les
entreprises internationales à prospecter du Kazakhstan.
3. Les problèmes techniques
Le Kazakhstan se heurte, pour valoriser son potentiel, à deux problèmes techniques.
a) La question du raffinage et du transport
Il
existe trois raffineries au Kazakhstan
, d'une capacité totale de
distillation estimée à 20 Mt/an. Deux raffineries sont dans
la région centrale : il s'agit de Pavlodar d'une capacité de
7,5 Mt/an (3 Mt traités en 1995) et de Chimkent d'une
capacité 6,5 Mt/an (3,7 Mt traités en 1995). A l'Ouest
(près de la principale région de production), la principale
raffinerie est Atyrau d'une capacité de 6Mt/an (4,3 Mt
traités en 1995).
De par leur situation géographique -elles sont à l'Est alors
que la production se situe à l'Ouest
- et la configuration du
réseau de pipelines, les deux plus grosses raffineries du pays doivent
être en partie alimentées par du brut russe. Au total, elles n'ont
traité en 1995 que 11 Mt de brut, dont 4 à 5 Mt de brut
russe. A partir de 1993, des litiges sont intervenus avec les Russes pour cause
de non paiement des dettes, ce qui a entraîné une forte diminution
des livraisons.
Ce différend a entraîné ainsi une réduction des
importations russes de brut produit à l'Ouest du Kazakhstan. Seule une
partie de la production Kazakhe peut être en effet traitée
à Atyrau. Le reste est transporté par pipeline sur 1.400 km
vers les raffineries russes de Samara, Novokuybyshev et Syzran, dans le cadre
d'un accord de " swap " qui prend en compte les livraisons russes aux
raffineries du centre du pays. Il faut un pipeline spécialement
isolé et des stations de chauffage tous les 100 km (brut
paraffinique). L'huile de Zhanazhol et Kenkiyak est transportée par
pipeline vers la raffinerie russe d'Orsk (province d'Orenbourg), et le
condensat de Karachaganak est transporté vers Orenbourg.
A l'Est du pays, les deux autres raffineries (Pavlodar et Chimkent) traitent
essentiellement du brut sibérien amené par une conduite de
3.050 km. Une petite partie de l'huile de Zhanazhol est depuis 1993
transportée par voie ferrée vers Chimkent, qui traite aussi
l'huile produite par le champ de Kumkol
11(
*
)
(situé à 600 km au nord de la raffinerie, dans le bassin de
Turgay). La raffinerie de Pavlodar est, quant à elle, entièrement
dépendante du brut de Sibérie.
Cette situation a conduit le Gouvernement à lancer un projet de pipeline
trans-Kazakhstan pour relier le champ de Kenkiyak (à l'Est du Bassin
précaspien) à Kumkol. Une joint venture (Kazfen) a
été créée au premier semestre 1995 avec une
compagnie turque pour réaliser ce projet. Dans une première
phase, un tronçon (410 km) serait construit d'Atyrau à
Kenkiyak. La capacité du système devrait être de 23 Mt/an
et le coût total du projet dépasser 1 milliard de
dollars. Ce projet est néanmoins toujours bloqué car son
intérêt n'est pas démontré, du moins par rapport au
système actuel d'échange de brut avec la Russie.
Le Kazakhstan vise à doubler sa capacité de raffinage d'ici le
début du siècle prochain
. Plusieurs projets de modernisation
ou de construction de nouvelles raffineries ont été
annoncés, dont l'implantation d'une nouvelle raffinerie à Aktau
pour traiter des bruts lourds du bassin de Mangistau, la modernisation et
l'extension de la raffinerie d'Atyrau (projet d'un consortium mené par
la compagnie française Krebs Hydrocarbon), la modernisation de la
raffinerie de Chimkent et l'extension de la raffinerie de Pavlodar.
b) Les difficultés propres au site géologique de la mer Caspienne
Les
gisements les plus prometteurs de la mer Caspienne sont recouverts par une
très faible profondeur d'eau
. Cette particularité
empêche non seulement le fonctionnement d'infrastructures
utilisées habituellement lors de l'exploration et de l'exploitation
d'hydrocarbures en eaux profondes, mais aussi l'installation de
matériels traditionnellement mis en place pour l'extraction de gisements
onshore.
En outre, une des caractéristiques du bassin est la présence
d'une épaisseur considérable de sel. Dans
l'infra-salifère, seules les zones de la périphérie du
bassin, moins profondes, sont prospectives : le toit des objectifs se trouve
déjà dans ces zones entre 4.000 et 7.000 mètres. Ce
sont notamment des calcaires récifaux qui peuvent présenter
d'excellentes caractéristiques de réservoir sur des
épaisseurs considérables. Les structures peuvent y être de
très grande taille, comme l'atteste l'existence des gisements
géants, auxquels il faut ajouter celui d'Astrakhan en Russie.
Les gisements suprasalifères sont de taille plus modeste et sont
situés en général entre quelques centaines de
mètres et moins de 3.000 mètres.
Les hydrocarbures présents dans ce bassin sont de l'huile
légère (à forte teneur en gaz dissout en
général) et du gaz, souvent à condensats. Dans
l'infrasalifère, le gaz peut avoir une forte teneur en hydrogène
sulfuré (18 % à Tengiz, 26 % à Astrakhan) ; le
gaz des niveaux suprasalifères est toutefois le plus souvent
dépourvu de soufre.
L'exploitation des ressources pétrolières du bassin, qui se
trouvent pour l'essentiel dans les couches antésalifères, a
été retardée dans le passé pour diverses raisons :
problèmes d'exploitation et d'environnement liés à la
présence d'hydrogène sulfuré, grande profondeur des puits,
complexité structurale, hautes pressions et problèmes de forage
liés à la présence du sel...
4. L'affectation des ressources énergétiques
L'examen de la rente pétrolière du Kazakhstan dans les années à venir pose inévitablement la question de son affectation.
RENTE
PÉTROLIÈRE KAZAKHSTANAISE
(Estimation
prévisionnelle)
|
1997 |
2002 |
2007 |
Production |
24 MT |
35 MT |
50 MT |
Consommation |
17 MT |
20 MT |
22 MT |
Surplus |
7 MT |
15 MT |
28 MT |
Prix/Baril |
20 dollars |
20 dollars |
20 dollars |
Rente/Baril |
10/12 dollars |
10/12 dollars |
10/12 dollars |
Total rente pétrolière |
500/600 M dollars |
1.000 M dollars |
2.000 M dollars |
Mt :
millions de tonnes
Source : Ministère de l'industrie
Un tel constat entraîne une série d'interrogations.
Cette rente
pétrolière sera-t-elle affectée au financement d'une
industrialisation durable ou appropriée de façon privative par un
clan ou une caste ?
Dans cette hypothèse, ceux qui auront su
s'approprier la rente auront-ils la sagesse de parier sur l'avenir de leur
propre pays ? Cet enrichissement de quelques uns sera-t-il réintroduit
dans le circuit économique du pays ou stérilisé sur des
comptes étrangers ? Même réintroduite dans
l'économie nationale, la richesse pétrolière sera-t-elle
affectée à des projets générateurs de
développement ou à des objectifs improductifs ? Ainsi, par
exemple, la priorité actuelle donnée par l'Etat au transfert de
la capitale à Akmola, pour compréhensible qu'elle puisse
être d'un point de vue politique (recentrage ethnique, équilibre
des " hordes " kazakhes), écologique (situation d'Almaty sur
une ligne de fracture sismique) d'aménagement du territoire, n'en reste
pas moins, pour certains experts, une affectation peu productive de la rente
pétrolière comparée à un projet d'industrialisation
du pays.
D. L'AMÉLIORATION DES RELATIONS AVEC LES " GRANDS VOISINS "
Le Kazakhstan a plus de 6.000 kms de frontières communes avec la Russie au Nord et environ 1.500 kms avec la Chine. L'amélioration des relations avec ces deux puissants voisins est un facteur déterminant pour son avenir.
1. Une Russie omniprésente, dont le Kazakhstan s'affranchit peu à peu
Le
Kazakhstan est -sans aucun doute- l'Etat qui a subi la plus forte
russification
. On y compte actuellement environ 35 % de russes qui se
concentrent essentiellement au Nord. Si l'évolution démographique
a permis à la population kazakhe de franchir la barre de 45 % en
1995, son taux de natalité aujourd'hui est proche de celui des Russes.
Par ailleurs, ces derniers -qui ont massivement quitté le Sud pour le
Nord- ne manifestent en aucune façon la volonté d'émigrer
vers la Russie. Malgré tout, le risque de sécession des
territoires du Nord à majorité russe reste l'obsession du
Kazakhstan.
Cette forte présence russe
explique en grande partie la politique
intérieure menée par le pays, notamment le retard de la
proclamation d'indépendance, le rôle clé qu'il a
joué dans la formation de la CEI, les signatures d'accords
d'intégration avec la Russie, la reconnaissance du russe comme langue de
communication, la restitution ou la distribution des armes nucléaires,
la concession de la base de Baïkonour et, plus récemment, le
transfert de la capitale d'Almaty à Akmola.
50 % des échanges extérieurs du Kazakhstan s'effectuaient
encore avec des partenaires de la CEI en 1996
: Russie,
Turkménistan, Ouzbékistan et Ukraine. La Russie, avec 33 %
de part de marché, est de loin le premier fournisseur.
La faible pénétration du marché kazakh par les produits en
provenance des pays à devises fortes s'explique en partie par la mise en
place de l'Union douanière (créée en janvier 1995) qui a
instauré un tarif douanier commun entre la Russie, la Biélorussie
et le Kazakhstan, rejoints en avril 1996 par le Kirghizstan.
En 1996, les exportations kazakhstanaises se sont élevées
à 5,68 milliards de dollars et les importations à
6,03 milliards. Emerge, de plus en plus, le sentiment que le pays exerce
un meilleur contrôle de ses ressources d'exportations, notamment en ce
qui concerne les métaux qui représentent plus de la moitié
de ces dernières.
Le Kazakhstan a néanmoins une dette extérieure
élevée et la réputation de rembourser difficilement ses
créanciers. En 1992, il s'est prononcé pour " l'option
zéro " suivant laquelle sa part des dettes de l'ex-URSS (soit
2,6 milliards de dollars) a été imputée à la
Russie. Selon la Banque mondiale, la dette extérieure totale se
chiffrait à la fin de 1993 à 1,65 milliard de dollars et
à 2,7 milliards un an plus tard. Dans une certaine mesure, la
Russie a utilisé l'argument de la dette que le Kazakhstan a
contractée vis-à-vis d'elle pour acquérir des parts dans
les entreprises kazakhes, imposer ses compagnies dans les grands projets
pétroliers, faire pression pour que le pétrole kazakh soit
acheminé par les oléoducs passant par son territoire et faire
valoir ses vues sur le statut de la mer Caspienne.
La stabilisation des réserves de change à quatre mois
d'importations et du service de la dette à 7 % des exportations
pourrait, en améliorant la solvabilité du pays, permettre au
Kazakhstan de diminuer sa dépendance vis-à-vis de la
Russie.
2. L'ombre du voisin chinois
Le
Kazakhstan entretient des relations complexes avec la Chine.
Celle-ci n'a
jamais reconnu les " traités inégaux " donnant le
Sémiretchié et le bassin inférieur de l'Ili à la
Russie. Néanmoins, en deux ans une évolution importante s'est
produite. Objet de craintes et de fantasmes (explosions nucléaires,
envahisseur potentiel), enracinées dans l'histoire (les Djoungares), la
Chine cesse peu à peu d'être perçue comme un danger.
Les visites répétées des deux côtés ont,
semble-t-il, permis de surmonter les préventions kazakhstanaises
.
Après le voyage à Pékin du président Nazarbaev en
octobre 1993, la visite historique du Premier ministre chinois Li Peng, en
avril 1994, à Almaty a mis fin au différend sur le
tracé des frontières. En septembre 1995, M. Nazarbaev a
été reçu en Chine. En juillet 1996, M. Jiang
Zemin s'est rendu à Almaty où il a prononcé un bref
discours en russe devant une foule enthousiaste. Le choix d'un sinologue et
sinophone averti comme Ministre des Affaires étrangères du
Kazakhstan, M. Kasimjomart Tokaev (ancien secrétaire de l'Ambassade
soviétique à Pékin de 1985 à 1991), a marqué
l'intérêt prioritaire accordé par le Président
Nazarbaev à la Chine.
Les explosions nucléaires chinoises
de Lob Nor, dont les
radiations étaient perceptibles et mesurables à Almaty,
demeuraient toutefois un sujet d'inquiétudes pour les autorités
kazakhstanaises
. La fin de ces expériences en 1996 a rassuré
les Kazakhs, très sensibilisés à ces problèmes par
leur passé soviétique.
Les peurs d'une invasion invisible, alimentées par le constat d'une
émigration clandestine pourtant limitée, et l'achat de vastes
surfaces de terres (les 2,5 millions de km² du Kazakhstan ne sont
peuplés que par 16 millions d'habitants) semblent avoir disparu.
En ce qui concerne
la question ouïghoure
, l'heure est à
l'apaisement, grâce à la politique consistant à
privilégier les bonnes relations avec la Chine plutôt que les
similarités ethniques. La Chine est un voisin trop puissant et un
partenaire économique trop important pour que le Kazakhstan se laisse
aller à soutenir la communauté (proche ethniquement et
linguistiquement des kazakhs) des ouighours du Xian Jiang, ou à fermer
les yeux sur l'activisme des 200.000 ouïghours établis sur son
territoire. La dérive terroriste Ouïghoure depuis les
événements de Yining (Kouldja) en février 1997 permet
au Kazakhstan d'accentuer ses distances envers ces revendications et de les
traiter de purs problèmes intérieurs de la Chine, se
référant aux accords signés en 1995 et 1996 sur la
non-intervention réciproque dans les affaires du pays cosignataire.
Almaty sait par ailleurs que son éventuel soutien à la cause des
Ouïghours du Xin Jiang, pourrait provoquer, outre les critiques de
Pékin, une contagion nationaliste sur son territoire où
coexistent plus de 128 nationalités. Almaty ne manque donc pas
d'agiter le spectre du " séparatisme ", malgré la
présence au Xin Jiang d'environ 1.000.000 de Kazakhs ethniques, qui
posent au régime de Pékin apparemment moins de problèmes
que leurs cousins Ouïghours.
Dans le domaine de la coopération militaire
, lors de sa visite
à Almaty du 12 au 16 juin 1997, le Colonel
Général Chi Haotian, Ministre chinois de la Défense et
Vice-Président du Conseil suprême des armées aurait,
semble-t-il, promis de doter prochainement le Kazakhstan de vaisseaux qui
viendront renforcer la flotte de garde-frontières patrouillant sur la
Caspienne.
L'accord historique sur le tracé des frontières demeure celui
signé à Shanghaï en avril 1996, par la Chine et les
quatre Etats frontaliers successeurs de l'URSS. Il reste encore
néanmoins à préciser 1 % du tracé des
1.718 km de la frontière sino-kazakhstanaise.
Par ailleurs, l'accord de démilitarisation, signé en avril
à Moscou par la Chine et ses voisins ex-soviétiques,
prévoit de réduire à 260.000 le nombre de soldats
déployés de part et d'autre de la frontière -longue de
7.300 km- entre les pays signataires.
Enfin, la coopération pétrolière est
révélatrice de l'évolution des rapports entre ces deux
Etats
. Le 4 juin 1997, était signé par la Compagnie
nationale chinoise du pétrole (CNPC), un contrat prévoyant
l'exploitation de trois gisements pétrolifères (Janajol, Kenguiev
1 et 2) situés dans le Nord-Ouest du Kazakhstan pour 4 milliards de
dollars sur 20 ans. M. Jiang Zemin s'est par ailleurs récemment
déclaré favorable à un oléoduc de 3.000 km
reliant le Nord-Ouest kazakhstanais au Xin Jiang chinois, d'un coût
d'environ 3,5 milliards de dollars. M. Li Peng s'est rendu au
Kazakhstan le 25 septembre 1997 pour signer un contrat d'extraction
pétrolière sur le champ d'Ouzen, prévoyant un
investissement d'1,3 milliard de dollars jusqu'en 2002. La commission
des appels d'offre, présidée par le vice-Premier ministre et
Ministre du commerce, M. Choukeev, a attribué, le 1er août
dernier, le contrat à la CNPC malgré la concurrence d'Amoco, fort
amère d'avoir été écartée, et d'un
consortium américano-malaisien (UNOCAL/PETRONAS) appuyés par un
fort lobbying américain. Il est possible que des considérations
géopolitiques relatives au désenclavement -que permettrait le
pipe-line transchinois- aient contribué à ce choix.
La Chine apparaît surtout aujourd'hui comme un important partenaire
commercial (vols quotidiens entre Almaty-Urumqi) dont le brillant
développement économique pourrait entraîner celui du
Kazakhstan.
La politique menée par le Président Nazarbaev sera le facteur
déterminant dans l'évolution de la stabilité du pays. Dans
son " discours à la population kazakhstanaise " du mois
d'octobre dernier, le chef de l'Etat a réaffirmé
son souhait
de consolider les relations du Kazakhstan avec ses deux principaux voisins tout
en menant une politique d'indépendance
.
CHAPITRE II -
L'OUZBÉKISTAN : UNE PUISSANCE
RÉGIONALE À LA RECONQUÊTE DE SON
HÉRITAGE
Au
confluent des civilisations perse et touranienne, l'Ouzbékistan
constitue le coeur de l'Asie centrale.
Ce pays dispose d'atouts importants qu'il a globalement réussi à
mettre en valeur durant la première phase de son indépendance.
Ainsi, il dispose actuellement d'une autonomie à la fois sur le plan
agricole et énergétique. Néanmoins, cet Etat a aujourd'hui
des noeuds gordiens à trancher.
I. DE NOMBREUX ATOUTS
L'Ouzbékistan dispose d'atouts importants. La politique menée par le Président de la République, M. Islam Karimov, a permis d'atteindre l'autosuffisance en matière énergétique et agricole. Cette politique volontariste a encouragé cette République à se tourner prioritairement vers l'Occident afin de consolider son indépendance et de se moderniser.
A. D'IMPORTANTES RICHESSES
1. Une population nombreuse, homogène et industrieuse
L'Ouzbékistan est, de loin, le pays le plus
peuplé
d'Asie centrale avec 23 millions d'habitants
qui débordent sur
les frontières de chaque pays voisin. Ce pays a
bénéficié de la dévolution de trois khanats
historiques (Khiva, Boukhara et Kokand) et de l'installation à Tachkent
de la capitale de l'Asie centrale russe, puis soviétique. La
moitié de la population d'Asie centrale est ouzbèke puisque sont
recensés 400.000 ouzbèks en Turkménistan, 350.000 au
Kazakhstan, 660.000 au Kirghizstan et 1,2 million au Tadjikistan.
La population de l'Ouzbékistan est, en outre, relativement
homogène
puisque 80 % est ouzbèke et qu'elle
s'accroît de 500.000 personnes chaque année. La
minorité la plus importante est celle des Tadjiks (5 à 20 %
de la population selon les statistiques), la colonie russe ayant perdu environ
un quart de ses ressortissants (de 1,6 million à 1,2 environ).
Sédentarisés depuis longtemps, les Ouzbèks se sont
adaptés rapidement au monde moderne. La valeur des cadres
supérieurs -encore peu nombreux- est reconnue par l'ensemble des
entreprises internationales qui s'installent en Ouzbékistan.
2. Une culture cotonnière traditionnelle
La
guerre de Sécession aux Etats-Unis a favorisé le
développement de la culture cotonnière en Asie centrale afin de
permettre l'approvisionnement de l'empire russe. A la veille de la
première guerre mondiale, le coton occupait déjà
400.000 hectares de terres irriguées dans ce qui constitue depuis
1924 le territoire de la république d'Ouzbékistan. Le
régime soviétique a systématisé la politique du
pouvoir tsariste et multiplié cette superficie par cinq : les champs de
coton couvraient en effet 2,1 millions d'hectares en 1987. Depuis lors, la
proportion des terres arables consacrées à la culture du coton a
été réduite à 40 %, la superficie
n'étant plus actuellement que d'1,5 million d'hectares
irrigués par près de 170.000 kilomètres de canaux.
La production de coton est assurée par toutes les régions
irriguées, mais plus particulièrement par la vallée du
Fergana qui assure un quart de la production totale, aucune autre région
n'en fournissant plus de 10 %. Le coton est toutefois de meilleure
qualité dans les régions les plus méridionales, celles de
Karchi et de Termez en particulier.
L'Ouzbékistan est le
cinquième producteur mondial
après la Chine, les Etats-Unis, l'Inde et le Pakistan.
LA
PRODUCTION DE COTON-FIBRE
(en millions de tonnes)
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 (1) |
1,31 |
1,31 |
1,22 |
1,31 |
1,06 |
(1)
mauvaises conditions climatiques
Le volume de production de coton-graine est en diminution constante depuis le
milieu des années soixante-dix, selon les statistiques officielles, en
raison non seulement de la réduction de la superficie cultivée
mais aussi de la baisse des rendements (de l'ordre de 25 % entre le milieu
des années soixante-dix et le milieu des années quatre-vingt).
Cette baisse résulte de l'épuisement des sols, de la
pénurie d'engrais, de pesticides et de machines agricoles, ainsi que de
la désorganisation du travail. En 1994, la production -avec moins de
4 millions de tonnes de coton-graine- était inférieure de
7 % à la récolte précédente. En 1995, la
récolte a été anticipée de quelques semaines sur
celle des années précédentes car, faute de machines, elle
s'est effectuée à 80 % à la main.
Grâce à une meilleure sélection des semences, les
autorités prétendent néanmoins mettre un terme à la
baisse du rendement à l'hectare (soit 28 quintaux en moyenne).
Elles escomptent aussi une augmentation des rendements à
l'égrenage, qui sont sensiblement plus bas que dans la plupart des
autres pays producteurs (ils sont de 32 % officiellement).
L'organisation de ce secteur est très contrôlée.
Les exploitations agricoles sont toujours astreintes à
l'exécution d'un plan de production qui leur est fixé par l'Etat.
Lorsqu'elles n'atteignent pas ces objectifs, la totalité de leur
production doit être livrée à l'Etat à un prix, qui
était en moyenne de 1.200 soums la tonne pour la campagne 1994
(soit 50 à 100 dollars, selon le taux de change
considéré) et est de 11.000 soums en moyenne depuis le mois
d'août 1995 (soit 350 de dollars environ au cours officiel du mois de
septembre 1995). Lorsqu'elles ont atteint les objectifs fixés, elles
peuvent en principe commercialiser librement 40 % de leur production.
Le Gouvernement s'est engagé à libéraliser
complètement
la commercialisation du coton avant trois ans.
Cependant, jusqu'à présent, ces entreprises n'ont pas obtenu le
droit d'exporter directement cette fraction sur les marchés
extérieurs. L'obtiendront-elles à l'avenir comme le Gouvernement
l'a annoncé ?
Il n'est pas certain que l'Etat renonce à ce qui
constitue la source essentielle de ses ressources en devises
étrangères, soit environ 50 %.
La main-d'oeuvre reste, en outre, très peu coûteuse : en vertu
d'un arrêté du 25 juillet 1995, elle est désormais
rémunérée au minimum 1.200 soums la tonne
récoltée (soit moins de 30 dollars) : une
rémunération qui ne peut être suffisamment motivante et qui
contraint le Gouvernement à recourir aux soldats, aux écoliers et
aux étudiants pour aider une main-d'oeuvre rurale pourtant
pléthorique !
L'Ouzbékistan exporte la presque totalité de sa production de
fibres de coton si bien qu'en dépit d'un volume de production
relativement limité, il est le second exportateur mondial après
les Etats-Unis
. 60 % du total des exportations sont achetés par
Daewoo (Corée), Donavan (Suisse, filiale USA) et Ralli Brothers &
Correy (USA). Il assure environ 15 % des approvisionnements sur le
marché international du coton. L'Ouzbékistan serait donc en
position de peser sur les cours d'un marché tendu par une augmentation
régulière de la demande. Mais,
faute d'un contrôle de
qualité suffisamment rigoureux et de techniques de commercialisation
sophistiquées (en dépit de la centralisation extrême de
l'organisation de ces exportations), ce pays ne fait que subir toutes les
variations des marchés mondiaux.
3. Un sous-sol qui suscite de légitimes espoirs
Si la
richesse du sous-sol de l'Ouzbékistan n'est pas au niveau de celle de
ses voisins, elle donne néanmoins de grandes espérances aux
dirigeants ouzbèks.
En matière d'hydrocarbures
, l'Ouzbékistan
détiendrait 4,44 milliards de tonnes de pétrole, dont
527 millions prouvées, 5,429 milliards de m3 de gaz, dont
2.000 prouvés et 629 millions de tonnes de condensats, dont
198 prouvées.
En matière de minerais
, l'Ouzbékistan est le
septième producteur mondial d'or. Sa production atteint 80 tonnes
par an, assure entre 15 et 20 % des recettes à l'exportation et
pourrait doubler d'ici 1999, grâce à l'acquisition de nouvelles
technologies. Le pays est, en outre, le quatrième exportateur d'uranium
(3.000 tonnes/an) et possède une large gamme de minerais
rares.
B. UNE POLITIQUE VOLONTARISTE D'AUTOSUFFISANCE
Au vu des statistiques officielles, l'Ouzbékistan a atteint l'autosuffisance énergétique et alimentaire.
1. Sur le plan agricole
Outre la
culture du
coton
, qui représenterait environ
70 % de
l'activité économique du pays
, l'agriculture ouzbèke
est potentiellement riche grâce au loess qui constitue les surfaces
cultivables, spécialement dans la vallée du Ferghana, autour de
Tachkent et Samarcande ainsi que dans le Sud.
L'Ouzbékistan importait, au début des années 90, les deux
tiers de sa consommation de céréales, soit 4 millions de
tonnes.
Depuis, les autorités ont entrepris d'affranchir leur pays de
cette dépendance alimentaire et d'augmenter rapidement le volume de
production
: la superficie emblavée a été
portée de 300.000 hectares en 1993 à 750.000 hectares
en 1994, puis à près d'un million d'hectares en 1995, la
production ayant crû de 2,1 millions de tonnes en 1993 à
2,7 millions de tonnes en 1995.
L'année 1996, à cause de conditions climatiques
défavorables, a vu la récolte céréalière
chuter substantiellement ; les besoins nationaux n'ont été
couverts qu'à 59,7 %.
Si les résultats ne sont pas toujours à la hauteur des efforts et
des investissements consentis, l'Ouzbékistan a néanmoins
considérablement diminué sa dépendance alimentaire,
notamment par
la diversification de ses cultures.
2. Sur le plan énergétique
Depuis
la proclamation de l'indépendance,
les autorités ont
privilégié le développement de l'exploitation
pétrolière et de la production de produits pétroliers
dérivés pour ne plus dépendre, sur ce plan, de la Russie.
Elles ont remporté dans ce domaine un indéniable
succès
: en 1993, l'Ouzbékistan importait encore
4 millions de tonnes de pétrole brut de Russie, mais n'en importait
que 750.000 tonnes en 1994. Le pays est devenu, depuis 1995, exportateur
net de pétrole et ses importations d'énergie, qui
représentaient encore 20 % de sa consommation intérieure en
1994, n'intervenaient plus qu'à hauteur de 2 % dans les
importations en 1995.
Ces résultats procèdent, certes, d'une réduction sensible
de la consommation nationale du fait de la récession économique,
mais aussi du développement de la production nationale de
3,4 millions de tonnes en 1992 à 5,5 millions de tonnes en
1994, 7,7 millions de tonnes en 1995 et 8,1 millions de tonnes en
1996.
C'est surtout le développement du gisement de Kokdoumalak (dans la
région de Boukhara) qui a permis une augmentation du volume de la
production nationale d'hydrocarbures. Un contrat entre un consortium
composé de Kellog's, Nissho Iwai et Ouzneftegaz, pour la construction
d'une station de compression, devrait encore augmenter les performances de ce
gisement dans les mois à venir.
En matière de produits pétroliers
, l'Ouzbékistan
satisfait déjà l'essentiel de sa consommation et importe
seulement de Russie et du Kazakhstan quelques centaines de milliers de tonnes
de produits raffinés. L'essentiel de sa consommation est assuré
par la raffinerie de Fergana, d'une capacité de raffinage de l'ordre de
8,6 millions de tonnes par an.
Parallèlement au développement du gisement de Kokdoumalah, les
autorités ont entrepris, en 1995, de doter leur pays d'une réelle
capacité de raffinage.
Les projets d'investissement dans le domaine énergétique visent
avant tout à permettre à l'Ouzbékistan de raffiner les
huiles provenant d'Asie centrale, riches en paraffine et en soufre. Cette
politique d'indépendance se trouve confortée par la construction
de la raffinerie de Boukhara, dont la première phase a été
terminée en 1997 -les travaux de supervision étant conduits par
le français Technip-, la modernisation de la raffinerie de Fergana (le
début des travaux est prévu à partir de l'automne 1997
sous le contrôle de Mitsui), la construction du complexe
pétrochimique à Tchourtan pour la production du
polyéthylène et de gaz liquéfié (les
négociations sont en cours entre le gouvernement ouzbèk et le
consortium composé de Abb Lummus Global, Mitsui et Nissho Iwai) et enfin
le développement du gisement de Kokdoumalak.
Par ailleurs, l'Ouzbékistan produit désormais plus de gaz
naturel
que le Turkménistan, vers qui il a exporté
580.000 tonnes d'huiles en 1996, et en exporte une dizaine de milliards de
m3 dans les Etats voisins. Le pays souffre néanmoins de l'attraction
qu'exercent ses voisins Kazakhstanais, Azerbaïdjanais et Turkmène,
dans le secteur énergétique.
Les perspectives commerciales sont encore considérables pour
l'Ouzbékistan tant dans le domaine de l'extraction (les réserves
prouvées sont de 527 millions de tonnes de pétrole, de
200 millions de tonnes de condensât et de 2.007 milliards de m3
de gaz) que dans celui de la transformation du gaz.
C. UNE POLITIQUE ACTIVE EN MATIÈRE D'ÉCHANGES EXTÉRIEURS
1. La réorientation rapide des échanges commerciaux en direction des pays autres que ceux de la CEI
Avant
le démembrement de l'Union soviétique, l'Ouzbékistan
était l'une des républiques fédérées les
plus intégrées, l'une de celles dont les échanges
extérieurs
(internes à l'Union soviétique, bien
évidemment)
représentaient la plus grande part du produit
intérieur, soit plus de 69,2 %.
En 1995, le montant total des
importations de ce pays s'élevait à environ 3,6 milliards
de dollars et les exportations à 3,8 milliards
de dollars, permettant à l'Ouzbékistan de dégager un
solde commercial positif de 200 millions de dollars. En 1996, les
importations se sont élevées à environ 4,7 milliards
de dollars et les exportations à 3,8 milliards
de dollars, soit un solde commercial négatif d'environ
900 millions de dollars.
Le montant des échanges commerciaux de l'Ouzbékistan avec les
autres états de la CEI a diminué
, cette même
année,
de 16 % alors que les échanges extérieurs
augmentaient de 13 %.
Si cette évolution procédait en
partie du différentiel du cours des produits échangés
à l'intérieur de la CEI et dans le reste du monde en 1995,
cela traduit bien, pour 1996, une réorientation des échanges
extérieurs vers les pays non membres de la CEI.
a) Les échanges commerciaux au sein de la zone CEI
A
l'intérieur de la CEI, l'Ouzbékistan s'affranchit progressivement
d'une relation trop exclusive avec la Russie, mais sans se rapprocher vraiment
des autres Etats d'Asie centrale.
En 1993, près de 58 % des exportations de l'Ouzbékistan
vers les autres Etats de la CEI étaient destinés à la
Russie, qui lui fournissait plus de 55 % de ses importations. Au premier
semestre 1995, ces proportions n'étaient plus respectivement que de
30 % et 47,5 % (soit 16 % de l'ensemble des exportations et un
tiers de l'ensemble des importations).
Avec les voisins d'Asie centrale, les projets d'union économique n'ont
encore produit aucun résultat tangible et les échanges
commerciaux procèdent principalement de l'interdépendance
héritée de la période soviétique :
l'Ouzbékistan livre du gaz naturel et de l'électricité au
Kazakhstan, au Tadjikistan et au Kirghizstan. Il importe encore du gaz naturel
du Turkménistan et importait naguère des céréales
(2 millions de tonnes) et des produits métallurgiques du
Kazakhstan, qui n'est plus en mesure de lui en fournir actuellement.
b) Les échanges hors zone CEI
Les
échanges de l'Ouzbékistan avec les pays non membres de la CEI ont
augmenté de 14 % en valeur en 1994, de 60 % en 1995
et de 44 % en 1996. Cette augmentation résulte du coût
des matières premières sur les marchés internationaux,
notamment du prix du coton qui représente près des
quatre-cinquièmes des recettes en devises du pays et des importations de
biens d'équipement.
Les principaux partenaires de l'Ouzbékistan non membres de la CEI sont
les pays dont relèvent les grandes sociétés de
négoce international de matières premières,
c'est-à-dire les Etats-Unis (AIOC, Cargill, Dunavant), la Grande
Bretagne (Meredith Jones, Ralli, Glencor), la Suisse (Stahel Harmeyer,
Reinhart), les Pays-Bas (Richco) ou des exportateurs de biens
d'équipement, tels que l'Allemagne, ou de biens de consommations, tels
que la Turquie, la Chine ou la Corée du Sud. Ces huit pays accaparent
une part importante des échanges extérieurs de
l'Ouzbékistan, soit plus de 58 % des importations en 1996 et
plus de 46 % des exportations.
En 1996,
la part de l'Allemagne
dans le commerce extérieur
de l'Ouzbékistan avec les pays hors CEI est restée stable
(7 %), et celle de la Suisse a diminué de 12 % en 1995
à 7,6 % en 1996 au profit des
Etats-Unis
dont la part dans
le commerce extérieur est passé de 1,1 à 11 %
selon les statistiques officielles. Les principaux clients de
l'Ouzbékistan ont été la
Grande-Bretagne,
qui a
absorbé 10,4 % de ses exportations hors CEI, la Suisse
(9,3 %), les Etats Unis (8 %) et la Corée du Sud (7,6 %).
La chute des importations est essentiellement due à une politique
très restrictive en matière de change, les pays exportateurs de
biens de consommation courante ayant vu leur part de marché diminuer
significativement. C'est ainsi que les importations en provenance de Turquie,
qui représentaient 39 % du total des importations en 1995, ont
chuté à 11,2 % en 1996.
L'Ouzbékistan accueille encore peu d'investisseurs étrangers, en
dépit du nombre de sociétés mixtes. Les investissements
réalisés sont néanmoins de grande ampleur, qu'il s'agisse
de l'exploitation de mines d'or par la société américaine
Newmont Mining, de la construction d'une usine automobile par Daewoo ou de la
modernisation de l'industrie du tabac par British & American Tobacco.
Compte tenu de la taille de l'économie ouzbèke (son PIB est
estimé à 14 milliards de dollars), ces opérations ont
une incidence directe sur les indices de croissance.
2. L'évolution de la structure des échanges extérieurs
L'Ouzbékistan est essentiellement un exportateur de
matières premières
, comme le coton (près de 50 %
de l'ensemble de ses exportations et 76 % des exportations hors CEI), le
gaz naturel (7 %), les engrais minéraux et les métaux non
ferreux. Les ventes d'or effectuées par les entreprises
étrangères qui exploitent des gisements ainsi que les placements
d'or dans les banques étrangères ne sont pas comptabilisés
dans les statistiques officielles du commerce extérieur. Les biens
d'équipement ne représentent plus que 0,2 % de l'ensemble de
ses exportations, ce qui traduit l'annulation des commandes passées par
les entreprises d'autres États de la CEI.
La structure des importations évolue, par ailleurs, rapidement au
profit, d'une part, des biens d'équipement et de moyens de transport,
qui représentent plus d'un tiers des importations en provenance des pays
tiers en 1996 contre moins d'un quart en 1994 et, d'autre part, des
denrées alimentaires de première nécessité (un
tiers de l'ensemble des importations en 1996).
Les importations de biens de consommation courante, qui sont l'apanage du
secteur privé, ont chuté en 1996 en raison des
réglementations sur le marché des changes qui ne devrait pas
être libéralisé avant la fin de l'année 1997
selon les annonces officielles.
Malgré l'évolution rapide de la structure du commerce
extérieur ouzbèk, celui-ci reste donc fragile car son
équilibre dépend en grande partie des résultats agricoles,
somme toute hypothétiques.
De ce fait, le pays qui programmait sa totale autosuffisance en
céréales pour 1996, a subi un choc compte tenu des mauvais
résultats agricoles et a dû importer des quantités
importantes de céréales qui ont pesé largement dans le
déficit de la balance commerciale.
L'autosuffisance alimentaire reste
donc très relative.
L'Ouzbékistan confirme, néanmoins, son indépendance en
matière pétrolière et poursuit ses investissements dans le
traitement d'huiles nationales.
D. LA MISE EN VALEUR D'UN HÉRITAGE MILLÉNAIRE
L'héritage des grands centres de l'Asie centrale constitue pour l'Ouzbékistan un atout primordial . Si Tachkent doit à son statut de capitale de l'ex-Turkestan russe, puis soviétique, l'installation des administrations, des universités et d'instituts de recherche, c'est surtout la présence des capitales des anciens khanats et des villes les plus prestigieuses de la région (Samarcande, Boukhara, Khiva...) qui confère à cette République une position privilégiée.
1. Des sites prestigieux
L'Ouzbékistan dispose de sites touristiques
prestigieux
dont la mise en valeur pourrait non seulement constituer une source non
négligeable de devises mais aussi stimuler une part importante
d'investissements.
Il s'agit, tout d'abord, de
Samarcande
, cité la plus
renommée des villes d'Asie centrale. Coeur d'une vaste oasis nourrie par
le Zérafchan, elle a été la capitale de la Sogdiane et a
atteint son apogée sous Tamerlan. La jalousie des successeurs des
Timourides, le déclin de la ville, puis plus récemment les
tremblements de terre et l'urbanisme soviétique n'ont guère
laissé subsister que quatre ensemble isolés : le Gour Emir
(tombeau de Tamerlan), le Registan (trois madrasas du XVème et du
XVIIème siècle), la Mosquée du vendredi (appelée
Bibi khanim) et Chah-i Zind (rue bordée de mausolées du
XIVème siècle). Aujourd'hui, les monuments
épargnés, après avoir été l'objet de
restaurations parfois zélées, sont menacés de mort rapide
par les remontées salines de la nappe phréatique, qui rongent le
bas de leurs murs.
Entre la mer d'Aral et l'Afghanistan, l'azur des coupoles du grand
conquérant éclaire l'Ouzbékistan. Le merveilleux
ouvrage
12(
*
)
"
l'or bleu de
Samarkand
" de Mme Frédérique Beaupertuis-Bresaud
offre un somptueux bouquet de vues chargées d'édifices recouverts
de carreaux émaillés où triomphe, comme a pu le constater
la mission sénatoriale, le " bleu " de Samarcande "
qui fait
lever dans l'imagination des hommes, les images d'une ville orientale
fabuleuse, traversée par les caravanes de la route de la soie
".
Avec ses vingt cinq siècles d'existence,
Boukhara
, l'une des plus
importantes villes antiques et médiévales de l'Asie centrale,
apparaît comme une véritable réserve architecturale,
historique et culturelle où sont conservés les monuments
d'époques très différentes. Qualifiée de "perle de
l'orient ", Boukhara a joué le rôle d'un important centre
administratif, commercial et culturel en Asie centrale. Les recherches
archéologiques témoignent de la présence de colonies de
chasseurs néologiques sur ce site. Cette cité a obtenu le statut
de ville ouverte au monde et a fait l'objet d'un grand nombre de manifestations
sous l'égide de l'UNESCO ces derniers mois.
Enfin,
Khiva
, apparue au milieu du premier millénaire avant notre
ère, est l'une des villes phares de la région du Khorezm de
l'Ouzbékistan indépendant. Elle constitue un véritable
parc national d'architecture.
2. La découverte de l'Ouzbékistan par la modernisation de la flotte aérienne
Le fort
potentiel touristique -800.000 entrées en 1996- a notamment conduit
l'Ouzbékistan à moderniser sa flotte aérienne.
La compagnie aérienne Ouzbékistan Airways a souhaité
développer les vols charters avec " les
tour-opérateurs " asiatiques et européens pour favoriser
l'entrée de devises.
A l'heure actuelle, cette compagnie, autrefois dans le giron d'Aeroflot, tire
encore une part importante de ses revenus de son centre de maintenance de
Tachkent, principal centre de révision dans le monde des
Ilyouchin 62, des IL 76, des IL 86 et Tupolev TU 154.
Elle possède encore une centaine d'avions de plus de 10 types
différents, notamment des Tupolev TU 154 (mis en service en
1968) des Ilyouchin IL 62 (mis en service en 1967) et des Yak 40
classés " hors d'âge "; la compagnie a néanmoins
acheté deux airbus A 310-300 en 1993 et 2 boeing 767. Ces
derniers sont exploités sur les 75 vols internationaux
hebdomadaires (Londres, Francfort, Amsterdam, Bangkok, New-York, Pékin,
Kuala Lumpur et Athènes). En outre, Ouzbékistan Airways a
commandé trois avions régionaux RJ 85 -construits par
British Aerospace-, dont le premier exemplaire a été livré
le 10 juillet dernier. Ces trois quadrimoteurs -dont le coût
dépasse les 85 millions de dollars- seront exploités sur les
lignes à fort potentiel touristique desservant les villes historiques.
Les atouts dont dispose l'Ouzbékistan sont largement mis en valeur
sur la scène diplomatique internationale
. Les voyages en France et
aux Etats-Unis du Président Karimov en 1996, la signature de l'accord de
partenariat et de coopération avec l'Union européenne, la
résistance aux pressions russes et le renforcement de l'armée
ouzbèke, dont l'effectif avoisine aujourd'hui 100.000 hommes,
constituent les signes tangibles de l'ouverture de la politique
étrangère de l'Ouzbékistan.
Cette affirmation sur la scène diplomatique ne doit pas masquer la
présence de réelles difficultés.
II. DES NOEUDS GORDIENS À TRANCHER
L'Ouzbékistan est confronté à des problèmes dus à l'insuffisance des réformes structurelles aux risques de tensions sociales qui se développent ainsi qu'à sa situation géopolitique.
A. DES RÉFORMES STRUCTURELLES NETTEMENT INSUFFISANTES
1. Les conséquences de la " voie ouzbèke "
Les
dirigeants ouzbèks se félicitent de ne pas avoir sacrifié
le secteur public et la politique sociale sur l'autel de la
" thérapie de choc " qui leur était recommandée.
Si le rythme des réformes a été jugé lent au
début de l'indépendance, il s'est accéléré
en 1994. L'année 1995 a été d'ailleurs couronnée
par un satisfécit du FMI et de la Banque mondiale, qui lui a
été néanmoins retiré en 1996. Il semble que cette
" voie ouzbèke " ait porté ses fruits, puisque le pays
a subi depuis 1992 une récession moins forte que dans le reste de la
CEI, et que l'année 1997 devrait marquer le retour à la
croissance.
Toutefois,
certains progrès
, notamment en matière de
contrôle du déficit budgétaire et de réduction de
l'inflation,
restent fragiles, les réformes structurelles
étant largement insuffisantes.
La privatisation est menée à un rythme relativement lent
. A
la mi-1995, 2.300 grandes ou moyennes entreprises sur un total de 11.800
(soit environ 20 %) avaient été privatisées selon des
modes divers. Au cours de l'année 1996, le gouvernement prévoyait
de dénationaliser plus de 400 grandes et moyennes entreprises. Un
programme de privatisation plus massif faisant intervenir des fonds
d'investissement est entré en application en octobre 1996.
Une seconde phase, allant de juillet 1997 à juin 1998, devrait permettre
la vente de 300 autres entreprises. Néanmoins, un maximum de
30 % des actions revenant à des fonds d'investissement, l'Etat
contrôle encore la plupart de ces entreprises prétendument
privatisées.
S'agissant des petites entreprises, 63.000 -soit plus de 50 %- ont
été cédées à des particuliers.
En outre,
la restructuration des entreprises a été longtemps
paralysée
. Les effets de la loi sur les faillites, adoptée en
mai 1994, restent relativement faibles : en 1995, une vingtaine de grandes et
moyennes entreprises ont été mises en liquidation et moins de
cinquante faillites ont été déclarées en 1996.
La réforme agraire ne semble pas constituer, malgré son
importance, une priorité gouvernementale
. Si nombre de fermes d'Etat
ont été transformées en coopératives ou en
sociétés anonymes, cela n'a pas eu de véritable impact sur
le comportement des entreprises. L'Etat possède d'ailleurs encore la
majeure partie des terres, même si des baux de 50 à 99 ans
sont autorisés. De plus, seul un cinquième des terres est
détenu par les fermiers privés.
Cette insuffisance des réformes structurelles fait que, de façon
générale, la création d'entreprises privées reste
encore marginale : on estimait, fin 1996, à 27.000 environ le nombre de
PME privées.
2. L'encadrement du marché des changes et ses effets sur l'économie
Le
risque de change est le risque le plus important que l'Ouzbékistan fait
courir aux hommes d'affaires étrangers qui ont des activités
commerciales sur son territoire
. L'évolution du cours du soum tout
au long de l'année 1996 est en effet révélateur.
Ainsi, au cours de la période allant de fin juillet à
début octobre 1996, la dépréciation nominale au cours
officiel de la monnaie nationale, a été de 6,2 % (passant de
38 à 40,5 soums pour 1 dollar) alors que le taux sur le
marché parallèle s'est déprécié de 28 %
(passant de 51 à 70 soums pour 1 dollar). Le cours
de la monnaie nationale, mise en circulation en juin 1994, et qui
été dévaluée de 40 % en 1995, s'est
stabilisé en 1996 du fait d'une politique de soutien artificiel.
Néanmoins, cette politique a entraîné un écart avec
le cours du marché " noir " atteignant 55 % fin 1996
et plus de 160 % en avril 1997.
Les procédures de change, dont les modalités échappent
totalement aux observateurs extérieurs, ont été
modifiées à plusieurs reprises par les autorités
monétaires
, et les banques commerciales ne disposent toujours pas
librement de leurs avoirs, les transferts effectués au profit
d'importateurs de biens de consommation devant toujours être
expressément autorisés. Les sociétés, dont la
totalité des recettes n'a pas été convertie, se voient
proposer la possibilité d'accès à une bourse de
" matières premières " où les prix
pratiqués se situent à 10 ou 20 % au-dessus des cours
mondiaux. Selon le Président Karimov, les montants convertis en 1996
seraient de 3,3 milliards de dollars, contre 1,3 milliard de dollar
l'année précédente.
Les réformes annoncées par le Président Karimov concernant
l'accès des banques commerciales au marché interbancaire des
devises ont eu d'abord un effet d'annonce positif puis le marché
parallèle a rapidement réagi en dévaluant le soum de
5 % qui est revenu à son taux de 110 soums pour 1 dollar.
En désaccord avec cette politique de change, le FMI a suspendu en
décembre 1996 la signature de l'accord prévoyant l'octroi
d'un crédit de confirmation de 185 millions de dollars,
conditionné par la libéralisation de ce marché. Les
organisations internationales avaient en effet attendu 1995, et le
début des réformes, pour se décider à accorder leur
soutien à l'Ouzbékistan : en janvier 1995, le FMI a
versé au Gouvernement, au vu de son programme économique,
900 millions de dollars, suivis d'une deuxième tranche de
crédit de 260 millions de dollars (facilité de
transformation systématique) en décembre de la même
année ; il lui a fixé alors pour objectifs de
libéraliser le marché des changes et d'appliquer une politique
monétaire et financière stricte.
L'encadrement de la politique des changes rend ainsi fragile les
progrès ouzbèkes dans la lutte contre l'inflation et le
contrôle du déficit budgétaire.
B. UN ÉTAT EN PROIE À DE NOMBREUSES TENSIONS
L'Ouzbékistan est soumis à de multiples tensions politiques tant à l'intérieur de ses frontières que de la part des Etats voisins.
1. Les clivages au sein de l'Ouzbékistan
Des risques d'instabilité politique existent en Ouzbékistan. Ils sont liés d'une part, à un fort régionalisme politique au sein de l'appareil de l'Etat et, d'autre part, à la présence de nombreuses minorités sur le territoire national.
a) Le poids du régionalisme au sein du pouvoir central
La
représentativité de chaque région
-et
particulièrement de Boukhara, Tachkent et du Ferghana-
au sein du
pouvoir central constitue en Ouzbékistan un facteur
déterminant
dans le bon fonctionnement des
institutions.
Ce régionalisme a conduit à l'apparition de véritables
factions. Leur prise en compte est indispensable à une bonne
compréhension de la vie politique ouzbèke.
De 1925 à 1937, un relatif équilibre entre régions
(Tachkent, Ferghana et Boukhara) avait été respecté. Mais,
dès 1937, c'est la faction du Ferghana qui a prédominé.
Elle va s'allier progressivement avec la région de Tachkent, ces deux
régions incarnant la partie la plus " ouzbèke " et la
moins persane du pays. Cet axe Tachkent-Ferghana va conserver le pouvoir
jusqu'en 1959, date à laquelle sont arrivés des apparatchiks,
purs produits du système soviétique. La faction Tachkent-Ferghana
reviendra au pouvoir dès 1988. L'élection d'Islam Karimov comme
premier secrétaire en juin 1989 et son maintien au pouvoir consacre la
domination actuelle de la faction Samarkand-Djizak.
b) L'importance du facteur ethnique
Si,
parmi les " citoyens ouzbèks ", ceux de
" nationalité ouzbèke " sont nettement majoritaires,
deux ethnies, du fait de leur importance numérique, de leur conscience
identitaire, de leur amertume face à des évolutions historiques
plus ou moins récentes et de leurs appuis extérieurs potentiels,
pourraient être sources de tensions dans l'avenir :
il s'agit des
Tadjiks et des Russes
.
La minorité russe
, à laquelle se sont assimilés
des Ukrainiens, des Tatars de Kazan et de Crimée, des personnes issues
de mariages mixtes, échappe difficilement au sentiment de
supériorité classique chez les " colons " des divers
empires. Cette conscience de constituer le peuple d'élite se mêle
à la nostalgie de l'URSS, - " à l'époque de l'Union,
nous allions en vacances en Crimée ou au lac Issyk-Koul "- et aux
frustrations éprouvées face à
" l'ouzbékisation ", celle -rapide- des cadres, celle -plus
lente mais apparemment irréversible- de la langue. Les Russes s'estiment
actuellement victimes d'un " favoritisme tribal " au profit des
Ouzbèks et s'interrogent sur leur avenir dans ce pays qui fut le leur et
dont ils ne savent plus très bien s'il l'est encore. Déjà
400.000 Russes, sur un total de 1,6 million, ont quitté
l'Ouzbékistan. Ce rythme s'est néanmoins considérablement
ralenti depuis deux ans.
Le risque que les 3/4 restants créent dans ce pays une agitation
irrédentiste paraît aujourd'hui très
réduit : l'éloignement de la Russie, avec laquelle
l'Ouzbékistan n'a pas de frontière commune, la dispersion des
Russes à travers le territoire ouzbèk -en dehors des
" enclaves " où ils demeurent nombreux que constituent les
combinats de Zarafshan, d'Outchkoudouk et de Navoi-, les efforts du pouvoir
pour assurer une certaine convivialité entre les diverses ethnies
amènent la plupart des " citoyens ouzbèks " de
" nationalité russe " à considérer qu'ils n'ont
le choix qu'entre deux solutions : le retour dans un pays où ils
devront affronter les difficultés d'une réinsertion
problématique et l'adaptation à une
" ouzbékisation " guère enthousiasmante mais
apparemment incontournable. Ce n'est que dans l'hypothèse d'une grave
crise économique génératrice de tensions entre ethnies que
les discours pan-russes de certains politiciens moscovites pourraient trouver
ici un écho favorable.
Les Tadjiks
, terme qui désigne actuellement les populations
d'Asie centrale et d'Afghanistan ayant pour langue maternelle le Persan, sont
estimées officiellement en Ouzbékistan à un million de
personnes. Néanmoins les intéressés affirment être
4 millions, ce qui représenterait 20 % des
" citoyens " ouzbèks. Ce flou n'est pas dû seulement aux
estimations des diverses parties. Il résulte aussi de la
difficulté à qualifier des gens qui, quasiment tous, parlent
également l'Ouzbèk, langue comportant un très grand nombre
de mots persans, et qui se déclarent de telle nationalité ou de
telle autre selon les circonstances et les interlocuteurs.
Les Tadjiks sont habitués à dépendre des Gouvernements
" étrangers " : en effet, depuis la fin de
l'époque des Samanides, à la césure du Xème et du
XIème siècles, et jusqu'à la conquête russe, ils ont
été soumis à des pouvoirs turcs, mongols ou turco-mongols.
Néanmoins les lettrés, qu'ils fussent tadjiks ou ouzbèks,
ont eu le persan classique pour langue de culture. Or, avec la domination
tsariste et surtout soviétique, le russe avait la place du persan. Les
autorités " coloniales " ont d'ailleurs favorisé
systématiquement les ouzbèks, moins résistants à
l'acculturation, que les Tadjiks, plus soucieux de préserver leur
patrimoine culturel. Ces derniers, après avoir souffert de la
russification, subissent désormais " l'ouzbékisation ".
S'il est vrai que le Gouvernement a interdit le mouvement
" nationaliste " intitulé " société
Samarkand ", il continue à accorder aux Tadjiks un certain nombre
d'avantages : là où ils sont majoritaires, en effet, ils
contrôlent l'administration locale et la gestion des kolkhozes. De plus,
dès qu'ils sont suffisamment nombreux, les tadjiks disposent
d'écoles primaires et secondaires où l'enseignement est
dispensé dans leur langue, avec toutefois l'obligation de poursuivre les
études supérieures en ouzbèk ou en russe depuis que
Tachkent a décidé de ne plus reconnaître les diplômes
délivrés par l'Université de Douchambe.
Aussi, le sentiment qui prévaut, outre celui de l'injustice de
l'histoire, est celui de l'impuissance à résister à
" l'ouzbékistation ", les intéressés
eux-mêmes n'utilisant pas toujours les facilités, notamment
scolaires, qui leur sont offertes. En tout état de cause, dans leur
immense majorité, les Tadjiks ne conçoivent pas leur avenir
séparé des Ouzbèks. Ils vivent avec eux en symbiose
étroite, partageant notamment les mêmes croyances religieuses et
les mêmes coutumes, et sont liés au surplus par de nombreux
mariages mixtes. Les plus téméraires rêvent même,
pour l'avenir, d'une fédération entre les deux Etats ou chacune
de ces ethnies est majoritaire. Il est vrai que beaucoup d'intellectuels de
Boukhara ou de Samarkand ont poursuivi leurs études en langue tadjike
à l'université de Douchambe et y ont noué des
amitiés avec leurs condisciples originaires du Tadjikistan.
En revanche, lettrés et paysans affirment n'avoir aucune affinité
avec leurs voisins afghans de langue dari et n'éprouver
qu'indifférence à la perspective, fort hypothétique au
demeurant, d'un regroupement de ces derniers avec les " citoyens " de
la République du Tadjikistan dans un même État, comme pour
la minorité russe. C'est seulement dans le cas où une crise
profonde surviendrait à l'intérieur même de
l'Ouzbékistan que l'idée d'un " grand Tadjikistan ",
réunissant les Tadjiks des trois pays entre lesquels ils sont
répartis, pourrait trouver ici des partisans.
Les autres groupes ethniques
ne paraissent guère susceptibles de
poser, à court ou moyen terme, un grave problème de coexistence,
en raison notamment de leur faiblesse numérique. Les Juifs ont
très largement émigré. Les Coréens vivent en bonne
entente et en communauté d'intérêt avec les Ouzbèks.
C'est le cas également pour les Arméniens : lors de la
consécration de leur église à Samarkand, le Hakim de la
région et celui de la ville étaient présents, et l'on se
référa à la protection accordée par l'Islam aux
" gens du livre ". Quant aux Ouïghours, qui constituent une
ethnie proche des Ouzbèks, s'il est vrai qu'ils comptent ici quelques
émigrés activistes qui rêvent d'un grand
" Oüighouristan " et s'inquiètent de la sinisation du
Turkestan chinois, ils ne constituent pas un facteur d'agitation, en raison de
leur petit nombre -environ 30.000- et de la surveillance dont ils sont
l'objet.
2. Une politique extérieure à l'épreuve des crises
Aux
frontières de l'Ouzbèkistan, le conflit afghan et la crise
tadjike créent des risques de déstabilisation.
La grande inquiétude de l'Ouzbékistan est de se voir
marginaliser par l'axe Téhéran-Moscou
, fondé sur le
refus de la pénétration américaine en Asie centrale et de
la mise en place de gazoducs et d'oléoducs qui passeraient ailleurs que
sur les territoires russes ou iraniens.
Aux yeux des Ouzbèks, cet axe s'est en partie concrétisé
au Tadjikistan et en Afghanistan : l'accord de paix au Tadjikistan entre
les Gharmis (supposés pro-iraniens) et les Koulabis (pro-Moscou), ainsi
que le soutien conjoint de l'Iran et de la Russie à Massoud, ont eu
tendance à accréditer à Tachkent l'idée que Moscou
et Téhéran jouaient la carte d'un " Grand
Tadjikistan ". Les responsables ouzbèks considèrent que
l'instabilité au Tadjikistan est un alibi utilisé par les Russes
pour se maintenir militairement dans la région.
Par ailleurs, la complaisance américaine envers les Talibans a
entraîné une certaine crise de confiance envers Washington, qui
est pourtant, vu de Tachkent, le meilleur contrepoids à l'influence
russe
13(
*
)
.
L'armée des Talibans sur la frontière ouzbèke, outre le
danger d'une relance de l'islamisme en Ouzbékistan, a mis en
lumière une certaine faiblesse de la politique étrangère
de Tachkent : une armée trop peu nombreuse, la permanence du facteur
russe et la fiabilité relative de l'allié américain.
Soucieux de ne pas être impliqué dans le conflit afghan,
l'Ouzbékistan a fermé complètement sa frontière sur
l'Amou-Daria, des blocs de béton ayant été placés
sur le " Pont de l'amitié " pour interdire tout passage.
Ainsi, la guerre civile qui sévit en Afghanistan paraît
être le plus grand obstacle à l'ouverture de l'Ouzbékistan
vers le Sud.
Dans une moindre mesure, il en est de même, de la crise au
Tadjikistan
. En effet, depuis le départ du Général
Dostum, l'Ouzbékistan, en fermant sa frontière sud, a
compliqué du même coup le règlement du conflit au
Tadjikistan, en empêchant le retour des réfugiés Tadjiks du
Nord de l'Afghanistan. Les déplacements de Termez à Douchambe
sont ainsi interdits de fait, rendant l'application de l'accord de paix du
27 juin dernier au Tadjikistan quasiment impossible alors que ce
rapatriement avait joué un grand rôle dans le processus de
réconciliation.
Si la mission sénatoriale a pu constater une attention vigilante des
autorités oubèkes à toute évolution au Sud de ses
frontières, elle a néanmoins pu se rendre compte du sang froid
avec lequel un grand nombre d'interlocuteurs analyse les conflits tadjik et
afghan.
C. DES TENSIONS SOCIALES SOUS-JACENTES
Malgré la politique gradualiste du Gouvernement, le
niveau
de vie de la population a été très affecté par la
récession économique
. Il est toutefois difficile
d'évaluer la chute réelle du pouvoir d'achat des
ménages : en effet, les revenus monétaires ne
reflètent qu'une partie d'un niveau de vie grandement soutenu par
l'auto-consommation. Néanmoins, les experts s'accordent à
considérer que la situation sanitaire de la population s'est
considérablement dégradée depuis l'indépendance,
sous l'effet conjugué d'une consommation alimentaire
déséquilibrée, voire insuffisante, et du difficile
accès aux soins médicaux les plus élémentaires. La
brusque augmentation des prix intervenue en avril 1996 n'a
été que partiellement compensée par une
réévaluation simultanée des salaires, retraites et
pensions de 40 % en moyenne. Début 1997, le salaire moyen
mensuel représentait l'équivalent de 80 dollars environ.
Dans le même temps, la politique d'assainissement budgétaire
à entraîné une réduction des subventions :
en 1996, les aides aux services d'entretien des habitations ont
été réduites de 50 % et les subventions aux
consommations d'eau et de chauffage, de 80 %.
La privatisation des logements est, quant à elle, presque
achevée. La plupart des logements ayant été
cédés à leurs occupants avant le lancement officiel de
l'opération en septembre 1992, celle-ci n'a pratiquement
concerné que les logements appartenant à des entreprises ou aux
autorités locales. Si depuis un an un véritable marché
immobilier se développe, il se caractérise par une hausse assez
rapide des prix, consécutive à l'interruption de la vague
d'émigration russe.
Par ailleurs, le maintien du niveau de vie est difficile pour une population
qui croit incomparablement plus vite que les emplois nouveaux et aura
doublé dans vingt ans. Que se passera-t-il dans les années
à venir dans le Ferghana surpeuplé - plus de 25 % de la
population sur 5 % du territoire national ? La démographie la
plus élevée de la région -500.000 habitants
supplémentaires chaque année- créera immanquablement de
graves déséquilibres économiques et sociaux. Dans un pays
où la moyenne d'âge est de 15 ans, une jeunesse de plus en
plus nombreuse, fascinée par le mode de vie occidentale mais trouvant
difficilement des emplois, n'acceptera pas toujours le respect et
l'obéissance qu'elle doit, selon les us et coutumes, aux anciens.
La cohésion sociale encore largement fondée sur des relations de
famille à la fois étroites et étendues, pourrait
être, par ailleurs, mise en cause par l'enrichissement rapide d'une
minorité et les conditions de vie difficiles de la grande
majorité, d'autant que le passage à l'économie de
marché entraîne peu à peu une montée du
chômage, actuellement maintenu artificiellement bas par la persistance du
suremploi dans les entreprises d'Etat. Des catégories professionnelles
naguère relativement favorisées par le régime,
-intellectuels, artistes, enseignants, chercheurs- sont aujourd'hui
exposées à d'importantes difficultés. L'enseignement, en
particulier, est menacé par la fuite des cerveaux. Il continuera sans
doute à former plus encore qu'auparavant une élite d'excellent
niveau international, mais dès à présent, l'avenir est
inquiétant pour la masse et les cadres moyens.
CHAPITRE III -
LE TURKMÉNISTAN : ENTRE
TRADITION ET TRANSITION
Depuis son indépendance, le Turkménistan demeure dans la région l'Etat dont la stabilité semble la plus assurée. Par ailleurs, à la tête d'un pays, disposant de nombreux atouts, notamment sur le plan énergétique, le Président Saparmourad Niazov a entrepris une politique extérieure très active. Néanmoins, la recherche du désenclavement économique s'avère difficile pour ce pays en transition, très marqué par le poids du passé.
I. UNE POLITIQUE AMBITIEUSE
La politique ambitieuse menée par le Président Niazov repose en grande partie sur le potentiel énergétique et agricole du Turkménistan.
A. UN POTENTIEL IMPORTANT
Le sol et le sous-sol du Turkménistan constituent un atout considérable pour cet Etat d'Asie centrale. Le pays dispose d'ailleurs, à l'heure actuelle, de réserves en devises importantes que d'aucuns qualifient de véritable " trésor de guerre présidentiel " en raison de la forte personnalisation du pouvoir.
1. L'énergie des sables
a) La " manne " gazière
Le Turkménistan est la deuxième région gazière de la CEI après la Russie. Le champ de Danletabab Donmez (à l'Est du pays, à la frontière de l'Iran) constitue 50 % des réserves. Les champs de Shatlyk et Marskoye se trouvent dans la même région. Les autres champs en production sont situés dans le bassin de l'Amou Daria (Naip, Chardzhon...)
LA
PRODUCTION GAZIÈRE
(en millions de m
3
)
1985 |
1990 |
1995 |
1996 |
77,6 |
81,9 |
30,1 |
32,8 |
Source : BP
Malgré la forte chute de la production, le niveau relativement bas de la
consommation intérieure permet à cet Etat de disposer d'une
réelle capacité exportatrice.
LA CONSOMMATION DE GAZ
Consommation
|
1985 |
1990 |
1995 |
1996 |
Turkménistan |
8,6 |
9,8 |
8,0 |
8,4 |
Source : BP
Au-delà de la production actuelle du Turkménistan, la mer
Caspienne, aujourd'hui encore virtuellement inexplorée pour les
profondeurs au delà de 100 mètres, peut être
comparée au Golfe du Mexique dans les années 1950 ou
à la mer du Nord des années 1960.
Les réserves en gaz du Turkménistan sont
évaluées à environ 8.000 millions de mètres
cubes
.
LES
RÉSERVES EN GAZ
|
Rapport Gouvernement américain |
BP statistical review |
|
en millions de m3 |
Réserves prouvées |
Réserves possibles |
|
Turkménistan |
4 400 |
4 500 |
2 980 |
Source : BP
b) La richesse pétrolière
La
deuxième richesse industrielle du Turkménistan est le
pétrole.
La production d'huiles s'est moins fortement dégradée lorsqu'on
compare ce niveau à celui des autres pays de la mer Caspienne. Evoluant
autour de 150.000 barils par jours (b/j) entre 1985 et 1990, il est
descendu à 70.000 b/j en 1995, pour remonter à 111.000 b/j en
1996.
PRODUCTION D'HUILES
Production (1.000 b/j) |
1985 |
1990 |
1995 |
1996 |
|
121 |
113 |
70 |
111 |
Source : AIE-BP
Le Turkménistan a adopté, en novembre 1993, un programme
pour porter sa production de pétrole brut à environ
560.000 b/j en 2000.
La consommation étant relativement stable autour de 80.000 b/j, le bilan
pétrolier est relativement équilibré et le pays importe
seulement de petites quantités de produits raffinés.
CONSOMMATION D'HUILES
Consommation (1.000 b/j) |
1985 |
1990 |
1995 |
1996 |
|
95 |
90 |
80 |
80 |
Source : AIE/ BP
Les réserves du Turkménistan sont évaluées
à 1.500 millions de barils et les réserves possibles
à 32.000 millions de barils
.
LES
RÉSERVES EN HUILES
(en millions de barils)
Rapport Gouvernement américain |
BP Statistical review (1997) |
|
Réserves prouvées |
Réserves possibles |
Réserves prouvées |
1.500 |
32.000 |
1 000 |
Source : AIE/ BP
Les compagnies internationales jouent un rôle important dans la
stratégie du Turkménistan, mais les difficultés
rencontrées par la compagnie Bridas (production de 15.000 b/j en
1995), qui s'est vue suspendre sa licence d'exportation en novembre 1995,
incitent désormais les grandes multinationales à faire preuve de
prudence.
2. Un producteur de coton de qualité
L'agriculture représentait, en 1995, 17 % du PNB et
occupe 50 % de la population active. Si l'élevage ovin ainsi que
les peaux et laines (Astrakan) assurent une production de viande suffisante
pour la consommation intérieure, le pays doit importer les deux-tiers de
ses besoins en céréales, la moitié du lait et tout son
sucre.
" Pays aux champs semés de laine végétale "...
Ainsi décrivaient le Turkménistan, il y a deux mille ans,
quelques voyageurs chinois attirés par les riches plaines
irriguées, couvertes de coton, d'autant plus surprenantes qu'il fallait,
pour les atteindre, traverser de terribles déserts.
L'agriculture reste donc centrée sur le coton, réputé
pour sa qualité. Le pays est toujours parmi les dix premiers producteurs
mondiaux, avec plus de 400.000 tonnes par an.
PRODUCTION DE COTON
(millions de tonnes)
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1,457 |
1,433 |
1,300 |
1,341 |
1,283 |
1,350 |
Source : Goskomskat, Banque mondiale
Les terres arables couvrent seulement 2,5 % du territoire turkmène.
50 % de ces surfaces cultivées sont irriguées soit par
l'Amou Daria, soit par le canal du Karakoum, et consacrées à la
production de coton. Les régions les plus productrices sont Tashanz
(30 %), Mary (33 %), Lebop (25 %) et Aktal (12 %).
Le
coton représente ainsi 24 % des ventes du Turkménistan
à l'étranger.
3. Les réserves monétaires du pays
S'agissant des réserves en devises, trois chiffres sont
avancés. Selon le Président de la Banque centrale, elles
s'élèvent à 1,150 milliard de dollars. Des sources
officieuses estiment à près de 3 milliards de dollars les
réserves du pays réparties dans des banques allemandes,
britanniques et américaines. Il semble toutefois certain que le
Turkménistan dispose auprès de la Deutsche Bank de
réserves de l'ordre de 1,5 milliard de dollars (produit des ventes
de gaz effectuées en Europe, par le canal de la Russie, pendant les neuf
premiers mois de l'année 1993 au cours du marché mondial).
Ce montant serait complété par des avoirs de l'ordre de
500 millions disséminés dans diverses banques à
l'étranger.
Au total et selon les sources considérées (1,150 milliard,
3 milliards, 2 milliards de dollars),
les réserves du
Turkménistan représenteraient entre 12 mois et 27 mois
d'importations
.
Le niveau élevé de ces réserves
a été
un facteur important dans la décision du Turkménistan de ne plus
livrer de gaz aux pays de la CEI depuis le début de
l'année 1997.
B. UNE POLITIQUE DE NEUTRALITÉ ET DE STABILITÉ
La vie politique au Turkménistan est dominée par la personnalité du Président Niazov . Celui-ci a opté pour une politique de neutralité tant vis-à-vis tant des Etats voisins que des principales organisations internationales, permettant d'assurer une certaine stabilité à son pays.
1. Une politique de neutralité et de coopération
Le
Turkménistan participe aux diverses organisations internationales
telles que la CEI, l'ONU, l'OSCE et la BERD. Il a adhéré au
mouvement des non-alignés et s'est engagé dans le processus du
Partenariat pour la Paix. Néanmoins, le Président Saparmourad
Niazov a refusé de faire adhérer le Turkménistan à
des organisations supranationales afin de ne pas altérer la
souveraineté du pays. Il a ainsi émis des réserves sur les
volets politique et militaire de la CEI et a refusé d'intégrer
l'Union économique et douanière conclue entre le Kazakhstan,
l'Ouzbékistan et le Kirghizstan. Le Turkménistan a, en outre,
été doté d'un statut de neutralité permanente le 12
décembre 1996, à l'Assemblée générale des
Nations unies.
Le Turkménistan cherche, par ailleurs, à promouvoir la
stabilité régionale en menant une politique de bon voisinage
.
Cette politique extérieure active a deux objectifs essentiels : d'une
part, attirer les investissements étrangers, d'autre part, faciliter la
reprise d'échanges commerciaux réguliers permettant
l'accès aux mers chaudes.
En raison de sa situation géopolitique, le Turkménistan -pays
pris en étau entre l'Iran et la Russie- a opté pour un
partenariat avec la Russie. Il a ainsi négocié avec cette
dernière l'accord sur la double nationalité et a conclu, le
15 novembre 1995 un accord avec Gazprom -dénoncé depuis
lors-. Il a, par ailleurs, développé une étroite
coopération avec l'Iran.
D'aucuns estiment que le Turkménistan renoue actuellement avec la
tradition du " grand jeu " du XIXe siècle en se rapprochant,
non seulement des Etats-Unis par la signature d'un accord avec un consortium
mené par Mobil pour valoriser une zone de 20.000 km², mais aussi de
l'Iran, par la construction d'ici la fin de l'année d'un pipe-line d'une
capacité de 12 millions de m3.
2. Un Etat dont la stabilité paraît assurée
La
stabilité du Turkménistan tient, tout d'abord, à
l'homogénéité de sa population
. S'il existe une
diaspora turkmène estimée à environ deux millions de
personnes en Iran, Afghanistan et Ouzbékistan,
77 % de la
population de cet Etat est d'origine turkmène. Cette grande
homogénéité ethnique est à souligner dans une zone
où elle s'avère rare.
La stabilité de cet Etat à la population homogène tient
aussi, et surtout, à la personnalité de son Président
,
qui fait l'objet d'un culte croissant de la personnalité. Avec le titre
de Turkmen-bachi (Chef des Turkmènes), Saparnourad Niazov (ex-premier
secrétaire du parti communiste turkmène depuis 1985) est devenu,
le 27 octobre 1991, le Président d'un Etat au régime
présidentiel de type personnel, soucieux avant tout de préserver
la concorde entre les principales confédérations tribales des
Turkmènes.
Après avoir été confirmé à son poste en juin
1992, il s'est fait réélire pour un mandat de 8 ans avec
99 % des suffrages. Selon certains, le Turkmenbachi préparerait la
population et notamment le Mejilis à l'idée d'une
présidence à vie.
Le Président Niyazov exerce donc un pouvoir sans partage.
II. LES HANDICAPS ET LES ALÉAS
La politique de stabilité et de coopération du Président Niazov se heurte à de nombreux handicaps et aléas.
A. DES RICHESSES NATURELLES DIFFICILES Á VALORISER
Le Turkménistan est confronté à deux difficultés majeures dans la valorisation de ses ressources de gaz et de pétrole. Il s'agit, d'une part, de la mauvaise solvabilité de ses clients qui ont été jusqu'au début de l'année 1997 constitués surtout des pays de la zone CEI ; d'autre part, cet Etat souffre d'un enclavement géographique .
1. La contrainte des débouchés
La définition des voies et des modalités d'acheminement des hydrocarbures de cette région constitue, aujourd'hui, le préalable indispensable à la mobilisation effective des investissements privés dans le domaine de l'exploration-production. De plus, les problèmes posés par le développement de nouveaux conduits apparaissent, à bien des égards, comme étant autant de nature stratégique que financière.
a) L'exportation du gaz turkmène
Le
Turkménistan est aujourd'hui le pays le plus concerné par la
problématique de l'écoulement gazier. Cet Etat a trois objectifs
: réduire sa dépendance à l'égard du réseau
de " pipes " russes, assurer le paiement de ses livraisons de gaz
dans de meilleurs délais, enfin, trouver des investisseurs
étrangers pour les projets de production
.
Les gazoducs existants évacuent le gaz turkmène vers la Russie
via l'Ouzbékistan et le Kazakhstan. Le gaz est ensuite
redistribué vers des pays où il n'est pas en compétition
avec le gaz russe (Ukraine et Caucase pour l'essentiel), les autorités
russes ayant en novembre 1993 mis un terme à la possibilité
pour le Turkménistan de livrer du gaz à l'Europe via le
réseau Gazprom (11 milliards de m3/an). Plus
précisément, les routes d'évacuation actuelles passent par
le Nord le long de la mer Caspienne (Turkménistan-Kazakhstan-Russie), et
par le Nord-Ouest (Chardhzou-Ouzbékistan-Kazakhstan-Russie), les deux
lignes se rejoignant à Beyneu (Kazakhstan), au Sud-Est de Tenguiz.
Le Turkménistan avait passé un accord avec Gazprom, en
novembre 1995, permettant la commercialisation de 48 milliards de m3
par an. Lassé de ne plus être payé, il ne fournit plus de
gaz depuis mars 1997. Le pays recherche donc activement des
itinéraires autres que la voie russe pour exporter vers des nations
à devises fortes.
Quatre projets d'acheminement sont actuellement à l'étude,
soulevant chacun,
à l'instar des routes de désenclavement du
pétrole kazakh,
des difficultés d'ordre politique, juridique
et technique.
-
La route de l'Est (Chine-Mer Jaune)
La construction d'un gazoduc de 6.700 km traversant le Kazakhstan et la
Chine jusqu'en mer Jaune est envisagée, le Turkménistan
étant déjà relié au Kazakhstan par le gazoduc
Turkmenbashi-Beyneu. L'étude de faisabilité serait menée
par Mitsubishi, Exxon (via Esso China Inc.) et CNPC (China National Petroleum
Company). Il est à noter, par ailleurs, que la Russie et la Chine
prévoient elles-aussi, la construction d'un gazoduc de 3.000 km
à partir du champ de Kovyktin pour desservir la région de
Pékin.
-
La route du Sud-est (Turkménistan - Pakistan)
La construction d'un gazoduc de 1.900 km à travers le
Turkménistan, l'Afghanistan et le Pakistan est actuellement
étudiée par les sociétés Unocal, Delta, Gazprom et
Turkmenrosgaz. Les pourparlers sont déjà très
engagés avec la signature du premier accord entre le
Turkménistan, Unocal et Delta en octobre 1995, celle d'un protocole
d'accord entre le Turkménistan, l'Afghanistan et le Pakistan en mai
1996, suivi d'un protocole d'accord entre le Turkménistan,
l'Afghanistan, le Pakistan, Unocal et Delta en 1997. Le coût du projet
est évalué à 2,5 milliards de dollars.
-
La route de l'Ouest (Turkménistan-Azerbaïdjan)
La construction d'un " pipe " (gazoduc/oléoduc) sous-marin
reliant Turkmenbashi à Bakou permettrait d'évacuer le gaz
turkmène via le gazoduc existant Bakou-Soupsa. Une option serait de
relier les champs gaziers de l'Est, tels que Chardhzou, à Turkmenbashi.
-
La route du Sud-ouest (Turkménistan-Turquie)
Un protocole d'accord entre le Turkménistan, l'Iran et la Turquie sur la
création d'un gazoduc vers la Méditerranée a
été signé le 28 décembre 1996, suivi d'un
deuxième protocole d'accord conclu le 14 mai 1997.
Estimé à 190 millions de dollars, le projet connecterait les
gazoducs turkmènes et turc existants au réseau iranien pour
obtenir une ligne Ekarem-Neka-Tabriz-Erzurum-Ankara. La partie Neka-Tabriz
existe, la partie Ekarem-Neka est en construction, et le tronçon
Tabriz-Erzurum-Ankara est envisagé. Une variante à ce projet
consisterait à relier Tabriz à Ceyhan par une ligne sud
Ekarem-Neka-Tabriz-Midyat-Ceyhan. Une deuxième connection
Turkménistan-Iran est également envisagée, qui relierait
Chardhzou, dans l'Est turkmène, au gazoduc existant dans le Nord-Est de
l'Iran (ligne Neka-Meched).
Trois accords principaux ont été signés au cours de la
période récente pour des champs situés dans l'Ouest du
pays.
- Le projet Nebitdag associe Monument, Mobil et le Turkménistan.
Cet accord prévoit l'exploration d'une zone de 2.000 km²
onshore et le développement de cinq champs gaziers et pétroliers,
notamment Nebitdag, Burun et Kyzyl-Kum à l'Ouest du pays. Après
le protocole d'accord signé en 1996, par lequel Monument s'engageait
à investir 50 millions de dollars sur 5 ans (coût total
de la campagne sismique évalué à 300 millions de
dollars), Mobil a rejoint le Britannique en février 1997. Le même
mois, la zone d'exploration onshore a été étendue à
18.000 km² avec des droits exclusifs accordés à
Monument et à Mobil.
- Le projet Petronas Carigali (Malaisie)
concerne, d'une part,
l'exploitation des champs pétroliers de Livnacvna et Esenov et des
champs gaziers de Barinova, Livanova et Gubkina au large de Chekelen. Le forage
a débuté en août 1997 sur une surface de
1.467 km².
- Le projet Larmag Cheleken
a trait à l'exploitation du
champ pétrolier offshore de Cheleken. Les partenaires sont Dragon Oil
(enregistrée en Irlande mais dont l'actionnaire majoritaire est Sinoil
Philippines, filiales de Sinophil corp. HK) qui a formé avec le
Hollandais Larmag une joint venture (JV) ayant 45 % des parts, le
gouvernement turkmène (50 %) et Chelekenmorneftegaz (5 %). Le
contrat, signé dès 1991 pour une durée de 25 ans, est
renouvelable 10 ans à la discrétion de la JV. Un partage de
la production existante à 50/50 entre la JV et le Gouvernement
turkmène est prévu. La production dans d'autres zones à
partir de puits existants sera partagée à 50/50 et la production
issue de nouveaux puits appartiendra à 100 % à la JV.
L'entrée de Cheklenmorneftegaz à hauteur de 5 % en 1997 ne
bouleverse pas le partage de production initialement établi entre
Achkhabad et la JV. La production maximale visée est de 85.000 b/j
contre 8.000 b/j actuellement. Lamarg a investi 90 millions de
dollars cumulés depuis la signature de l'accord.
Par ailleurs, la société saoudienne Delta et Petronas, compagnie
malaisienne ont signé avec le Turkménistan un accord
d'exploitation offshore de pétrole et de gaz, dont elle sont les seuls
opérateurs.
Les difficultés du Turkménistan à trouver des clients
solvables et son enclavement sont autant de contraintes qui pèsent sur
les négociations autour de multiples projets.
b) L'exportation du pétrole turkmène
L'exportation du pétrole turkmène situé
à l'Ouest du pays
(offshore comme onshore)
s'inscrit dans le
cadre plus large de l'acheminement depuis les grands gisements azéris et
kazakhs
. En effet, les projets de routes vers le Sud et l'Ouest reliant le
Kazakhstan à l'Azerbaïdjan passent à proximité des
zones d'exploitation turkmènes (presqu'île de Cheleken notamment).
A l'Est du Turkménistan, la route actuelle passe par le Nord, de
Chardhzou à Pavlodar, d'où le brut poursuit sa route vers la
Russie. De son côté, le pétrole de l'Ouest turkmène
est actuellement évacué par rail vers le pipe de Chardhzou.
A ce jour, trois projets principaux sont pris en compte par les acteurs
internationaux :
-
La Route de l'Est et du Sud-est (Turkménistan - Pakistan)
-Central Asian Oil Pipeline (CAOP)-
avec la construction d'un
oléoduc parallèle au grand projet de gazoduc
Turkménistan-Pakistan. Long de 1.700 km, l'oléoduc serait
connecté à Chardhzou au réseau existant (ligne
Chardhzou-Pavlodar) pour aboutir à un terminal offshore qui serait
construit près de Gwadar (Pakistan). Les partenaires sont Unocal, Delta,
Gazprom et Turkmenrosgaz [joint venture regroupant Gazprom (44 %), le
gouvernement turkmène (51 %) et l'Américain Itera
(5 %)]. La signature du premier accord entre le Turkménistan,
Unocal et Delta a eu lieu en octobre 1995, suivi d'un second protocole d'accord
entre le Turkménistan, l'Afghanistan et le Pakistan pour
l'oléoduc. Sa capacité serait de 1 million b/j. Le
coût du projet est évalué à près de
3 milliards de dollars.
-
La route de l'Ouest (Turkménistan-Azerbaïdjan)
avec
la construction d'un " pipe " (oléoduc/gazoduc) reliant
Turkmenbashi à Bakou sous la Caspienne. Cette route sous-marine
aboutirait à l'oléoduc principal qui devrait se construire au
départ de Bakou (vers Batoumi/Soupsa et/ou Novorossisk).
-
La route du Sud-Ouest (Turkménistan - Turquie)
: un
mémorandum a été signé le
28 décembre 1996 par le Turkménistan, l'Iran et la
Turquie, portant sur la création d'un oléoduc vers la
Méditerranée. Il a été suivi d'un protocole
d'accord intervenu le 14 mai 1997.
L'ÉVACUATION DU PÉTROLE TURKMÈNE
2. Des clients peu solvables
Le
Turkménistan dispose de créances importantes sur ses voisins et
clients
. Le total des sommes dues par ses acheteurs de gaz
s'élève, selon le Président de la Banque centrale,
à 1,7 milliard de dollars. L'Ukraine est le plus gros
débiteur, avec une dette qui dépasse le milliard de
dollars : 736 millions ont fait l'objet d'un
rééchelonnement en 1994 sous l'égide du FMI et
320 millions de dollars s'y sont ajoutés en 1995 au titre des
livraisons effectuées, mais non payées. L'Ukraine a, en
réalité, cessé tout paiement à partir de juin 1995
et n'a remboursé qu'une partie de sa dette en " marchandises "
jusqu'à cette époque. La Géorgie doit, par ailleurs,
500 millions de dollars au Turkménistan au titre des fournitures de
gaz. Le reste des sommes dues, 150 à 200 millions de dollars, est
réparti entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie.
Les difficultés du Turkménistan à recouvrer ces
créances auprès d'acheteurs défaillants ont
entraîné une baisse de la production de gaz. Les ventes ont ainsi
chuté depuis novembre 1993, date à laquelle les
autorités russes ont mis un terme aux achats de gaz turkmène
destinés à être exportés vers l'Europe.
Face à cette insolvabilité de ses principaux acheteurs, le
Turkménistan a, depuis le mois de mars 1997, suspendu toute exportation
de gaz à destination des Etats de la zone CEI.
B. UNE ÉCONOMIE À RÉFORMER
Malgré l'amorce d'un programme de réformes économiques au début de l'année 1996, le Turkménistan connaît une situation économique difficile. Il lui incombe de sortir de l'hyperinflation et d'opérer de véritables réformes structurelles.
1. Une situation financière et monétaire à assainir
Jusqu'à la fin de 1995, le Turkménistan a
ignoré les réformes et fonctionné sur l'ancien
modèle soviétique. Devant l'ampleur de la crise
économique, M. Niazov a décidé, en décembre 1995,
d'engager des discussions avec le FMI sur la mise au point d'un programme de
réformes. Ce dispositif porte sur la libération des prix, la mise
en place d'une politique de revenus pour protéger les salariés
contre les effets de l'inflation et de la dévaluation de la monnaie,
ainsi que sur le développement des privatisations. Actuellement, aucun
accord n'a encore été signé avec le FMI.
Depuis 1991, les revenus des ventes de gaz ayant toujours été
inférieurs aux prévisions compte tenu de l'insolvabilité
des principaux clients, l'Etat a continué à subventionner les
entreprises publiques et, afin d'éviter des mouvements de protestation
populaire, a exercé un contrôle sur les prix de nombreux produits,
introduisant même la gratuité pour le gaz et
l'électricité jusqu'en juillet 1996. Durant 1995 et la
première moitié de 1996, le nombre des groupes de produits et
services dont le prix était contrôlé a été
cependant ramené de 400 à 50, dont le pain, la viande, le sucre,
le lait, le chauffage et les loyers.
L'introduction de la monnaie nationale, le manat, en novembre 1993, s'est
faite dans de mauvaises conditions
. Le gouvernement turkmène
était persuadé qu'elle mettrait fin à l'inflation
importée de Russie et que les ventes de gaz permettraient d'engranger
d'importantes réserves de devises fortes, garantes de sa
stabilité. Ce calcul s'est révélé
irréaliste. Introduit à 1,99 pour 1 dollar, le cours du
manat s'est rapidement effondré. Dès décembre 1993,
coté officiellement à 10 pour 1 dollar, il
s'échangeait déjà à 70 pour 1 dollar au
marché noir. Après plusieurs dévaluations successives, le
gouvernement s'est enfin décidé à remplacer, en avril
1996, les taux de change multiples par un taux unique plus proche de celui du
marché parallèle.
Le système bancaire
nécessite, par ailleurs, une
complète restructuration. Le secteur bancaire comprend 5 banques
d'Etat et 15 banques commerciales (5 ont été
liquidées en 1995). Les premières sont largement utilisées
par l'Etat pour distribuer les crédits aux différents secteurs de
l'économie. Une partie des secondes appartient aux entreprises d'Etat
qui sont les principales bénéficiaires de leurs crédits.
En mars 1996, M. Niazov a autorisé l'ouverture de comptes bancaire
anonymes, pour lesquels la provenance des sommes déposées n'est
pas demandée, ce qui pourrait être une porte ouverte aux
opérations de blanchiment d'argent.
Les banques sont, en outre, sous-capitalisées, fragilisées par
des créances douteuses et peu enclines à évaluer les
risques. Le gouvernement fait preuve à leur égard d'une attitude
quelque peu prédatrice : un décret de février 1995 a
ainsi annulé une partie des dettes de l'Etat, et les banques ont
dû, de plus, reverser au budget 75 % de leurs revenus de 1994 et
accorder des prêts aux entreprises d'Etat à un taux annuel
préférentiel de 15 %, bien loin du taux de 185 %
imposé aux entreprises privées !
Par ailleurs, depuis la fin de 1995, le Gouvernement prend des mesures pour
redresser une situation monétaire et financière ayant
entraîné une
inflation
qui dépasse celle du
Tadjikistan. En l'absence de données précises, on estime que,
grâce à une meilleure maîtrise du déficit
budgétaire résultant de la suppression de la gratuité de
certains services et à une augmentation des revenus du gaz, l'inflation
a diminué en 1996. Elle s'établirait tout de même entre 250
et 800 % selon les sources.
2. Des réformes structurelles nettement insuffisantes
Selon
les estimations officielles, le secteur privé emploie 22 % de la
main-d'oeuvre et représente 9 % du PIB en 1995.
Jusqu'à maintenant, la réforme économique a
été des plus timides et il n'existe pas vraiment de plan de
privatisation crédible
. A la mi-1994, M. Niazov avait
annoncé que toutes les entreprises de moins de 500 employés
seraient privatisées d'ici 1999. Celles de 500 à
1.000 employés seraient partiellement vendues, l'Etat gardant
49 % des parts pendant cinq ans. Cependant, rares sont les informations
sur l'identité des entreprises à privatiser et la
procédure utilisée. Selon la BERD, à la fin de 1994,
1.800 petites entreprises de moins de 20 employés dans le
secteur des services avaient été vendues aux enchères
à des particuliers ou achetées par des coopératives, soit
40 % du total, celles qui assurent le commerce des fruits et
légumes restant aux mains de l'Etat. Cette première étape
de la privatisation n'aurait rapporté au gouvernement que
600 millions de manats (1,7 million de dollars au taux de change
du moment). A la fin des huit premiers mois de 1996, sur les 4.800 petites
entreprises offertes à la vente, 2.100 avaient trouvé
acquéreur et sur 600 moyennes et grandes entreprises, 2 %
seulement avaient été privatisées.
Les réformes marquent également le pas dans l'agriculture
où une petite partie des terres a été louée pour
une longue durée à des fermiers. La propriété
privée de la terre a été légalisée pour des
parcelles n'excédant pas 15 hectares. Pour les surfaces plus
grandes, seuls les baux sont possibles. Il n'existe aucun marché de la
terre et les entreprises agricoles continuent de fonctionner comme dans le
passé.
En outre,
la restructuration des entreprises turkmènes est en
panne
. Depuis 1993, elles ont rencontré d'énormes
difficultés d'approvisionnement et de fonctionnement, mais grâce
à de substantiels crédits de l'Etat -du moins jusqu'au
début de 1996-, elles ont pu garder leurs employés. La loi sur
les faillites, adoptée en juin 1992, n'a pratiquement pas
été appliquée.
Le gouvernement a tenté d'établir un environnement légal
avec l'adoption d'un code commercial, d'un code civil, d'un code des
impôts, d'une loi sur les investissements. Néanmoins, le manque
d'expérience des administrations en réduit les effets
positifs.
3. Des échanges extérieurs excédentaires mais fragiles
La
balance commerciale fait apparaître pour 1995 un solde positif de
650 millions de dollars, soit une augmentation de 34 % par rapport
à 1994. Les importations ont été de 1,350 milliard de
dollars en 1995 et les exportations de 2 milliards de dollars.
Les ventes du Turkménistan à l'étranger sont
constituées de gaz (58 %), de pétrole (11 %) et de
coton (24 %). Les importations sont principalement des produits de
première nécessité, tels que les produits agricoles
(semences, phytosanitaires, pesticides), alimentaires (céréales,
produits laitiers) qui représentent 30 % des achats à
l'étranger, des biens d'équipements et des matériels
divers (25 %).
58 % du commerce extérieur est
réalisé avec la zone CEI, le premier partenaire hors CEI
étant la Turquie
.
Les informations relatives au commerce extérieur turkmène sont
à utiliser avec précaution, dans la mesure où aucune
distinction n'est faite entre le commerce en roubles, en manats ou en dollars
et où le taux de change manat-dollar utilisé est
inconnu.
C. DES CONDITIONS SOCIALES QUI SE DÉTÉRIORENT
L'aggravation de la crise sociale et la perte de confiance
de la
population, éprouvée par la dégradation de ses conditions
de vie, contribuent à affaiblir la stabilité du
Turkménistan.
La population souffre de l'inflation, les salaires réels ayant
chuté de 27 % de 1991 à 1993. En mai 1996, les salaires du
secteur public ont été doublés et le salaire moyen mensuel
s'établissait à 30.000 manats, soit 9,4 dollars.
On dispose de peu d'informations sur l'état de la santé publique
au Turkménistan, qui semble plus dégradé que celui de la
moyenne de l'ex-URSS. La mortalité infantile y est la plus
élevée de la CEI. Par contre, le taux de fertilité reste
le second après le Tadjikistan et l'espérance de vie des hommes
est passée de 61,8 ans en 1989 à 62,3 en 1993.
La population n'a pas ressenti les effets de la croissance économique
enregistrée en 1996 et a du mal à croire aux dix ans de
prospérité annoncés par le Président Niazov.
L'absence de réformes économiques se traduit, certes, par la
quasi-gratuité de certains services mais la plupart du temps, ceux-ci ne
sont pas disponibles. Dans ce pays aux énormes réserves de gaz,
il n'est pas rare que la population doive supporter des coupures de gaz ainsi
que d'électricité ou d'eau courante. Elle est, de plus,
confrontée aux pénuries alimentaires. Le pays manque ainsi de
l'ensemble des produits de base nécessaires à sa survie.
Le pays utilise le système des cartes de rationnement qui autorisent,
par exemple, chaque habitant à acheter chaque mois 2 kg de viande
et de beurre, ainsi qu'1 kg de sucre et 8 kg de farine. A
l'intérieur de ce dispositif de rationnement, il est à noter que
les prix restent très largement en-dessous des prix pratiqués sur
le marché libre (40 fois moins pour la viande, le prix au kilo
étant de 50 manats avec ticket de rationnement et de
2.000 manats sur le marché libre). Dans un tel contexte, c'est un
système de " débrouille " qui prévaut. Les
Turkmènes ont ainsi plusieurs emplois.
TROISIÈME PARTIE -
LA PLACE DE LA FRANCE EN
ASIE CENTRALE
L'Asie
centrale
est largement méconnue en Europe
, et
particulièrement en France,
alors même qu'elle s'imposera sur
la scène internationale dans les années à venir comme une
zone stratégique et économique essentielle.
La France, tout en étant trop peu présente en Asie centrale sur
le plan économique et financier, n'en est par pour autant totalement
absente
. Les visites d'Etat, en septembre 1993 au Kazakhstan et en
avril 1994 en Ouzbékistan et au Turkménistan, du Président
de la République, M. François Mitterrand, furent les
premiers voyages officiels d'un chef d'Etat occidental dans cette
région. Le souvenir de ces visites reste fortement ancré dans les
mémoires des Kazakhstanais, des Ouzbèks et des Turkmènes.
En outre, le rang des personnalités qui ont reçu la
délégation sénatoriale -le Président Noursoultan
Nazarbaiev, le Premier Ministre de l'Ouzbékistan, M. Ouktour
Sultanov, les vice-présidents du cabinet des ministres du
Turkménistan, MM. Chikhiyev et Sardjaev - atteste de l'importance
que cette région attache à ses relations avec la
France.
CHAPITRE 1ER -
LA PART MODESTE DE LA FRANCE DANS
LES INVESTISSEMENTS ET LES ÉCHANGES COMMERCIAUX
La présence française dans cette zone reste insuffisante, tant sur le plan des investissements que sur celui des échanges commerciaux.
I. LES INVESTISSEMENTS FRANÇAIS EN ASIE CENTRALE
La
présence française en Asie centrale sur le plan des
investissements fait l'objet d'une appréciation contrastée.
En effet, si la France a conclu de grands contrats avec plusieurs Etats
d'Asie centrale, notamment dans les secteurs du bâtiment-travaux publics
et de l'énergie, on constate une relative faiblesse de l'implantation
des entreprises françaises dans cette région.
A. LES GRANDS CONTRATS
Deux
secteurs d'activité donnent lieu à d'importants contrats entre la
France et les différents États d'Asie centrale.
Il s'agit, en premier lieu, des
secteurs pétrolier et gazier
, qui
ont d'ailleurs attiré la plus grande partie des investissements
étrangers depuis l'indépendance. Elf a ainsi investi
180 millions de dollars dans le bloc de Termir au Kazakhstan, se situant
en seconde position après Chevron.
Le volume des investissements du consortium Kaspishelf, dont fait partie Total,
devrait s'élever, à partir de 1997, entre 300 et
500 millions de dollars pour les études sismiques et l'exploration.
En Ouzbékistan, les investissements étrangers restent encore
relativement modestes, mais ceux réalisés ou en cours sont de
grande ampleur. Le coût de la construction de la raffinerie à
Karaoul Bazar par la société d'ingéniérie
français, Technip s'est élevé à 1,5 milliard
de dollars. L'année 1998 a, d'ailleurs, débuté en
Ouzbékistan de manière satisfaisante par le succès du
Klockner européan Gaz turbine (Groupe Gec Alsthom) dans la
négociation pour la rénovation de la centrale de Navoi, d'un
montant de 115,6 millions de dollars (dont 30 % de parts japonaises).
Le 25 janvier dernier, Gec-Alsthom a signé avec Uzbek Ailways la
vente de 15 locomotives, pour 265 millions de francs. Les projets de
Technip au Turkménistan ainsi que les contrats signés par la
société Sofregaz s'inscrivent dans cette logique de " grands
contrats ".
Le secteur du
Bâtiment- travaux publics
est le second domaine dans
lequel d'importants contrats ont été signés entre les
Républiques d'Asie centrale et la France. Les ventes françaises
au Kazakhstan, d'un niveau élevé en 1993 (387 millions de
francs) et en 1994 (606 millions de francs), sont en grande partie dues
à un seul grand contrat : la construction du palais présidentiel
réalisé par la société Bouygues pour un montant de
près de 500 millions de francs. Un contrat d'une ampleur identique
a été conclu en Ouzbékistan pour la construction d'un
hôtel 4 étoiles à Tachkent. Celui-ci devrait rentrer
dans sa phase active à la fin de l'année 1997. De même, au
Turkménistan, Bouygues a construit le palais présidentiel et la
mosquée de Geoh-Tepe que la mission sénatoriale a pu visiter.
Outre ces secteurs de l'énergie et du Bâtiment- travaux publics,
la France a signé quelques grands contrats dans l'électronique
avec Thomson-CSF, dans l'agro-alimentaire et le secteur de l'eau.
B. LA RELATIVE FAIBLESSE DE LA PRÉSENCE DES ENTREPRISES FRANÇAISES EN ASIE CENTRALE
Malgré ces quelques grands contrats, les entreprises
françaises restent peu nombreuses en Asie centrale.
On dénombre ainsi seulement une trentaine d'entreprises
françaises implantées au Kazakhstan
à travers une
société à 100 % française, une co-entreprise
ou un bureau de représentation. Les principales entreprises qui
comprennent des expatriés sont : Bouygues, Elf, Total, Cogema, la
Société Générale, Sodexo, Sucden et Alternative
Finances.
Par ailleurs, quelques PME/PMI ont été créées par
des Français dans le secteur des services (restauration, pressing,
traduction et assistance directe aux entreprises, import/export). La mission
sénatoriale a pu s'entretenir avec plusieurs de ces chefs d'entreprises,
qui font preuve d'un grand dynamisme.
Enfin, une vingtaine de sociétés françaises sont
représentées par un importateur local, mais ne disposent pas
d'exportateurs, telles que Ted Lapidus, Nina Ricci, l'Oréal, Moulinex
ainsi que différentes marques dans le secteur agro-alimentaire (vins et
spiritueux, produits alimentaires...).
Malgré le rôle essentiel joué par la Chambre de commerce
franco-kazakhstanaise, présidée par M. Jean-Bernard Raimond,
qui a ouvert un bureau de représentation à Almaty en juin 1995,
la présence française au Kazakhstan reste relativement modeste.
Il en va de même pour la place de la France sur le
marché
ouzbèk
. Si le secteur des biens d'équipement a crû de
280 % pour les années 1995 et 1996 grâce à deux grands
projets (Technip et Thomson), la présence des sociétés
françaises reste néanmoins très en deçà de
celle de leurs partenaires européennes (allemands, italiens,
néerlandais, ...) et ce malgré une bonne année 1997.
En ce qui concerne le
Turkménistan
, les entreprises
françaises ont enregistré quelques succès commerciaux
importants dans le secteur pétrochimique (unité
d'hydro-traitement de naptha et de reforming catalytique, une unité de
désulfurisation de gaz à Saman-Tepe et exploitation de nappes de
saumure naturelle). Par ailleurs, l'informatisation bancaire a donné
lieu à de nombreuses implantations. A la demande du Président
Niazov, la société de négoce Centrocommerce international
gère sur place un grand nombre de dossiers d'entreprises
françaises par l'intermédiaire d'une société mixte
dont le ministère turkmène du commerce et des ressources
détient 51 % des parts. Les sociétés
françaises présentes subissent une concurrence vive de la part
des entreprises allemandes et britanniques.
C. LE PROBLÈME DE LA GARANTIE DES FINANCEMENTS FRANÇAIS EN ASIE CENTRALE
Au-delà de l'utilisation de fonds européens TACIS
permettant de réaliser en amont des études de faisabilité
de projets et de formations de cadres dirigeants et de techniciens, les
entrepreneurs français en Asie centrale doivent faire preuve
d'imagination pour pallier le manque de financements français. Ces chefs
d'entreprises font appel à des crédits bancaires
sécurisés ou s'associent avec des sociétés de
" trading " japonaises. Ils participent, en outre, à des
appels d'offres financés par les crédits d'aide japonais,
particulièrement avantageux.
Lors de différents entretiens, les chefs d'entreprises ont
souligné à la mission sénatoriale qu'une politique plus
active en matière de financement devrait permettre de
générer de nouveaux contrats
. Cette amélioration des
financements pourrait passer par :
-
un développement du financement des études de
marché
permettant de se prépositionner sur des projets ;
-
une augmentation des plafonds de financement COFACE
, en fonction
des performances économiques réelles des pays de cette
région et de leurs ressources. En effet, les pays d'Asie centrale sont
considérés par la COFACE comme présentant plus de risques
que la Russie. Or,
la plupart des entrepreneurs considèrent cette
zone centre-asiatique comme étant plus sûre que la
Fédération de Russie ;
-
une diminution des primes de crédit COFACE
, dont le niveau
actuel handicape la compétitivité globale de nos offres ;
-
une plus grande attention à l'égard des banques
locales
susceptibles d'être acceptées par la COFACE en contre
garantie des montages financiers ;
-
un développement des cofinancements
avec d'autres agences
de crédit-export, notamment européennes (ECGD, HERMES) et
japonaises (MITI, J.Exim), et avec les institutions multilatérales
(Banque mondiale, BERD).
La mission sénatoriale constate, néanmoins, que la
défection d'un certain nombre de banques locales crée, notamment
pour la COFACE, une situation délicate dans la gestion des garanties
d'investissements.
II. LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ENTRE LA FRANCE ET LES ETATS D'ASIE CENTRALE
A. DES ÉCHANGES FRANCO-KAZAKHSTANAIS EN AUGMENTATION, MAIS QUI RESTENT LIMITÉS
Depuis 1992, les échanges bilatéraux ont été les suivants :
LES
ÉCHANGES COMMERCIAUX DE LA FRANCE
AVEC LE KAZAKHSTAN
(
en millions de francs, prix courants, exports FOB, imports
CIF)
|
Importations
|
Exportations
|
Solde de la balance commerciale |
1992 |
26 |
75 |
+ 53 |
1993 |
198 |
387 |
+ 189 |
1994 |
280 |
606 |
+ 326 |
1995 |
197 |
179 |
- 19 |
1996 |
216 |
250 |
+ 34 |
1997 (3 mois) |
65 |
84 |
+ 19 |
Sources : Douanes françaises
En 1996, les exportations françaises
se sont
élevées à 250 millions de francs (MF), contre 179 en
1995, soit
une hausse de 44
%. Dans le même temps,
nos
importations
en provenance du Kazakhstan ont connu une
augmentation de
9 %.
Elles sont passées de 197 MF à 216 MF.
Notre balance commerciale, déficitaire en 1995 de 19 MF,
présente un solde positif de 34 MF en 1996
.
Les ventes françaises s'appuient principalement sur deux secteurs :
les produits industriels, appareils mécaniques et électronique
professionnelle et les produits chimiques. Il faut toutefois souligner que les
biens de consommation courants, en particulier de l'agriculture et des
industries agro-alimentaires, pénètrent mieux le marché
kazakhstanais. Le poste est en hausse de près de 25 % en 1996 par
rapport à 1995.
Les matières premières constituent toujours l'essentiel des
produits kazakhstanais qui trouvent des débouchés sur le
marché français. Les principaux postes de nos importations
restent, comme en 1995, le cuivre, le nickel, l'étain, les
ferro-alliages, le plomb et le zinc.
En 1996, comme en 1995, aucun grand contrat de fourniture de biens
d'équipements ne figure dans les exportations françaises. La
progression des produits français en 1996 (+ 71 MF par rapport
à 1995) démontre une bonne pénétration globale,
mais plus particulièrement dans le secteur des biens de consommation
qui, jusqu'à présent, manquait de visibilité sur le
marché local. Le noyau dur des exportations de la France se situe donc
dans une fourchette de 230 à 270 MF. 1997 devrait néanmoins
présenter pour la France un volume très nettement
supérieur avec la signature en 1996, et l'imputation sur la ligne de
crédits, des contrats Technip pour une distillerie de blé
(85 MF) et Thomson pour le contrôle aérien (75 MF).
Pour les trois premiers mois de 1997, les exportations françaises
atteignent 84 MF (soit une hausse de 127 % par rapport à la
période de référence en 1996) et les importations
65 MF (soit exactement le même résultat que l'année
précédente).
La mise en place de
la Commission Intergouvernementale de Coopération
Économique Franco-Kazakhstanaise
a permis de dégager les
principaux projets réalisés en commun. La troisième
session du groupe de travail intergouvernemental, qui s'est tenue à
Almaty les 15 et 16 mars 1996, a permis de donner la priorité
aux domaines de l'industrie et des télécommunications, notamment
dans la future capitale Akmola. En outre, il a été
souligné que les entrepreneurs français devraient jouer un
rôle important dans le développement du complexe agro-industriel
du Kazakhstan, puisqu'ils disposent d'une expérience précieuse et
d'importantes possibilités financières et techniques.
Les autorités gouvernementales estiment que la coopération
bilatérale pourrait très rapidement porter ses fruits dans les
domaines de l'énergie nucléaire, des
télécommunications, de l'électronique et des industries
agricoles et alimentaires.
La quatrième Commission Mixte Intergouvernementale de Coopération
Économique devrait se réunir à Paris dans les prochains
mois. Elle fait l'objet d'attention particulière du Président
Nazarbaiev.
Le co-président kazakhstanais de cette Commission pourrait être
M. Choukeev, vice-premier ministre et ministre de l'économie et du
commerce, que la mission sénatoriale a pu rencontrer
.
B. LA PROGRESSION DES EXPORTATIONS FRANÇAISES EN OUZBÉKISTAN, MALGRÉ UN VOLUME D'ÉCHANGES QUI DEMEURE MARGINAL
L'Ouzbékistan occupe une place tout à fait
marginale
dans les échanges commerciaux de la France avec
0,03 % du
commerce extérieur
français
. La France
représente, par ailleurs,
1,5 % du commerce extérieur
ouzbèk.
Les exportations françaises ont augmenté fortement
(+ 178 %) au cours de l'année 1996, dégageant un solde
commercial positif. 1997 pourrait traduire un certain recul, mais les contrats
conclus en fin d'année permettent d'espérer une excellente
année 1998. D'autres contrats d'un montant global de
3 milliards de francs sont en cours de discussion.
Les ventes de la France étaient, en 1994, essentiellement
constituées de denrées alimentaires de base
(céréales, alcools, viandes). En 1996, ces ventes ont
été relayées par les ventes de biens d'équipement,
qui ont véritablement explosé sous l'effet des contrats
signés par Thomson-CSF pour la modernisation du système de
contrôle aérien et par Technip en vue de la construction d'une
raffinerie de pétrole dans la région de Boukhara. La France
souhaite que cette tendance se poursuive, dans la mesure où elle
correspond à la volonté du Gouvernement ouzbèk de
concentrer ses achats sur des biens d'équipement utiles à son
industrialisation. En revanche, la structure des importations françaises
reste concentrée sur le coton (92 % des achats français).
LES
ÉCHANGES COMMERCIAUX DE LA FRANCE AVEC L'OUZBÉKISTAN
(
en
millions de francs, prix courants, exportations fob, importations
cif
)
|
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Exportations françaises |
150,1 |
250,9 |
703 |
196 |
Importations françaises |
585,2 |
651,7 |
577 |
373 |
Solde de la balance française |
- 435,1 |
- 400,8 |
126 |
- 177 |
Pour
1997 : janvier-juin
Source : Douanes françaises
Durant le premier semestre 1997, nos échanges cumulés totaux
présentent une légère diminution (- 6,6 % par
rapport à la même période en 1996). Il faut cependant
distinguer les importations françaises qui ont cru de 18 % sur les
6 premiers mois de 1997 et les exportations qui connaissent une chute
très sensible de 31,4 % sur la même période. Cette
diminution est le résultat de l'absence des livraisons liées aux
grands contrats.
Le seul grand contrat relatif à la construction de l'hôtel 4
étoiles à Tachkent réalisé par la firme
française Bouygues devrait débuter à la fin de
l'année 1997. Par ailleurs, les ajournements de certaines livraisons de
matières premières, imputables aux nouvelles législations,
pèsent encore sur les chiffres des exportations. Les perspectives sont
néanmoins prometteuses grâce, cette année encore, aux
commandes groupées pour compte de l'Etat. On note, en contre partie, le
retour du niveau de nos exportations de biens de consommation courante à
leur niveau de 1995, soit 44 MF pour les six premiers mois de l'année,
contre 36 MF pour la même période en 1996.
C. LES ÉCHANGES COMMERCIAUX ENTRE LE TURKMENISTAN ET LA FRANCE : UNE COOPÉRATION ÉCONOMIQUE TRÈS MODESTE MAIS ENCOURAGEANTE
Entre
1994 et 1996, l'essentiel des exportations françaises au
Turkménistan a consisté en matériaux de construction,
équipements industriels, matériel électrique, meubles,
parfumerie, la principale importation ayant été le coton.
Les exportations ont été et seront sans doute dynamisées
par les contrats signés avec le Turkménistan pour la construction
du palais présidentiel et d'une mosquée (Bouygues), d'un cracking
catalytique (Technip) à Turkmenbachi, d'une unité de
désulfurisation (Sofregaz et Technip) et d'une usine de papier à
base de résidu de coton (Framatome).
A la demande du Président Niazov, la société de
négoce Centrocommerce International qui gère aussi sur place les
dossiers de ces entreprises françaises, a créé une
société mixte.
LES
ÉCHANGES COMMERCIAUX DE LA FRANCE AVEC LE TURKMÉNISTAN
(
en
millions de francs, prix courants, exports FOB, imports CIF
)
|
1994 |
1995 |
1996 |
Exportations françaises |
38,0 |
80,2 |
162,3 |
Importations françaises |
271,0 |
125,2 |
100,4 |
Solde de la balance commerciale française |
- 233,0 |
- 45,0 |
61,9 |
Pour
1996 : janvier-novembre
Source : Douanes françaises
La dette extérieure du pays, qui était nulle en 1992,
s'élevait officiellement à 882,4 millions de dollars
(14,7 % du PIB) en 1996. Le Turkménistan dispose néanmoins
de créances importantes sur ses voisins et clients qui
représentent au total 1,7 milliard de dollars, mais difficilement
récupérables (Ukraine : 1 milliard ; Géorgie :
500 millions). Les principaux bailleurs de fonds du Turkménistan
sont les Etats-Unis (200 millions de dollars), l'Allemagne
(168 millions), la Turquie (119 millions), la Grande-Bretagne
(86,6 millions), l'Iran (78 millions) et l'Union européenne
(58,6 millions). Jusqu'à présent, une partie de ces sommes a
été utilisée pour acheter des équipements
agricoles, des produits pharmaceutiques et pour la modernisation de
l'aéroport d'Achkhabad.
Le Turkménistan devait, en 1997, bénéficier de prêts
supplémentaires de la part du Japon (85 millions de dollars pour le
réseau de télécommunications) et de la BERD
(13,8 millions de dollars pour le coton et le textile et 65 millions
pour les transports urbains).
Les investissements directs étrangers, encore insuffisants, sont
estimés par l'Economist Intelligence Unit à 500 millions de
dollars pour la période 1992-1996. Ils se situent majoritairement dans
les secteurs du gaz et du pétrole. L'investisseur le plus important dans
le pays est la compagnie pétrolière argentine Bridas qui aurait
déjà investi 395 millions de dollars depuis 1992. Le
développement de la prospection off-shore en mer Caspienne voit
l'implication des compagnies américaines (Mobil, Unocal, Amoco, Exxon),
japonaises, italiennes (Agip), turques et françaises (Elf et Total).
Les liens entre la France et la région d'Asie centrale vont
néanmoins au-delà des relations économiques. Il existe
ainsi une spécificité de la présence française dans
cette zone.
CHAPITRE II -
LES SPÉCIFICITÉS DE LA
PRÉSENCE FRANÇAISE
I. LES AFFINITÉS CULTURELLES ET SCIENTIFIQUES
A. LA COOPÉRATION CULTURELLE, SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE AU KAZAKHSTAN
L'étendue de ce pays, le recul du statut du français, la modestie des moyens humains et financiers que la France met en oeuvre, expliquent en grande partie l'impact relativement limité de la coopération culturelle, scientifique et technique entre la France et le Kazakhstan, malgré le dynamisme de notre Ambassade.
1. L'action du bureau de coopération linguistique et éducative (BCLE)
Chaque
année, l'attaché linguistique de l'Ambassade parcourt le
Kazakhstan lors de missions qui maintiennent les contacts, une présence
dans les écoles, et assurent l'apport de matériel didactique
ainsi que la sélection des futurs boursiers du Gouvernement
français.
Par ailleurs, la politique de bourses, action prioritaire entre toutes, se
double de la gestion des dossiers de bourses du Gouvernement kazakhstanais,
dont le but est d'envoyer en France des étudiants francophones
prometteurs.
Des séminaires interrégionaux, dont rendent compte les
médias, sont organisés dans différentes régions et
mobilisent nos partenaires locaux. En 1996, un séminaire, animé
par un spécialiste de Grenoble, a rassemblé des enseignants
à Aktioubinsk, dans l'Ouest du pays. Cette année, sous la
conduite d'un formateur de Besançon, un autre séminaire se
tiendra dans une province plus centrale, à Kiraganda.
Le premier d'une série de trois manuels franco-kazakhs,
" Marianne ", tiré à 28.000 exemplaires,
disponible depuis février 1997, est le fruit d'une
coopération tripartite (BCLE, Partenaires locaux et le " Centre
international d'études pédagogiques "). Le deuxième
manuel est confié à l'édition, le troisième est
à l'état d'ébauche.
En outre, l'Ecole nationale supérieure d'administration publique du
Kazakhstan (ENSAPK) et l'Ambassade, liées par une convention, proposent
des cours de français dans les locaux de l'ENSAPK. A ce jour, on
dénombre environ 70 participants.
Depuis septembre 1996, à la suite d'un échange entre les
universités d'Akmola et de Dijon, deux lecteurs de l'université
de Bourgogne enseignent le français dans des écoles, à
l'université et à l'Institut de formation continue de la future
capitale du Kazakhstan.
Enfin, le BCLE appuie financièrement le théâtre francophone
de l'université des langues du monde.
Face à l'irrésistible engouement suscité par l'anglais,
il convient de maintenir notre présence, en
" épaulant " mieux les partenaires locaux, en étoffant
notre propre réseau, en associant davantage aux actions les
médias, sans omettre les entreprises françaises, pourvoyeuses
potentielles d'emplois.
2. L'action culturelle
La
politique culturelle de l'Ambassade se déploie principalement à
Almaty, et s'est donnée pour priorité de servir la langue
française et la francophonie
. Elle a pour frein la modestie de ses
moyens, pour moteur un legs d'une richesse exceptionnelle :
l'héritage artistique de l'ex-URSS qui irrigue en effet encore cette
région du monde et y forme des élites remarquables.
Le service culturel de l'Ambassade est conduit à mettre en valeur les
concours locaux comme l'école chorégraphique, le conservatoire de
musique d'Almaty, l'école de musique n° 5, le choeur d'enfants
de l'école n° 25, certains artistes indépendants, le
musée des beaux-arts " Kasteev ", les salles de cinéma
et l'édition locale. 1996 a ainsi connu les manifestations suivantes :
soirées françaises (conférences-débats),
célébrations de la journée de la francophonie, de la
semaine européenne, de la journée de la musique, spectacle de fin
d'année de l'institut chorégraphique, vernissage de l'exposition
consacrée à des oeuvres françaises des XVIIe, XVIIIe et
XIXe siècles, récital de musique française, semaines
du cinéma français et la manifestation consacrée à
la journée du sida. Les médias rendent le plus souvent compte de
ces actions, lesquelles, pour n'être pas coûteuses, n'en insufflent
pas moins un peu d'oxygène à nos partenaires locaux privés
de moyens. Ces actions, naturellement associées à notre langue,
maintiennent l'idée d'une France toujours soucieuse d'arts et de
lettres.
3. La coopération scientifique et technique
La
coopération scientifique et technique s'exerce dans le cadre du
comité d'orientation, de coordination et de projets (COCOP). Ce
comité se réunit périodiquement et se détermine sur
les projets qui lui sont soumis tant par les partenaires français que
locaux.
La coopération administrative peut s'enorgueillir d'avoir largement
contribué à mettre sur les rails une " Ecole nationale
supérieure d'administration publique du Kazakhstan " (ENSAPK),
largement inspirée de l'Ecole Nationale d'Administration et
co-dirigée par M. Christian Vincenty, fonctionnaire français
expatrié.
En outre, la coopération juridique et judiciaire s'inscrit dans le cadre
du jumelage de la capitale Almaty et de la ville de Rennes, avec le concours du
ministère de la Justice. De nombreux échanges ont permis aux
Kazakhstanais de s'intéresser tout particulièrement au code civil
français. La France est aussi approchée pour d'autres projets de
coopération en matière de police, lutte contre la drogue et
sécurité civile.
Le domaine de la santé, prioritaire tant la dégradation est
patente au Kazakhstan, concerne l'action en faveur des diabétiques,
contre le sida et les MST, ainsi que le secteur épidémiologique,
particulièrement préoccupant en raison d'une
méconnaissance assez générale des règles
d'hygiène. Il faut ajouter à cela les actions dans les domaines
de l'eau, de l'élevage et de la géologie.
En 1996, le coût de la coopération culturelle, scientifique et
technique s'est élevé à 5,6 millions de francs. La
France a une réelle image au Kazakhstan, mais elle n'a pas de
véritable vitrine. Or, la France a besoin d'un site, aisément
reconnaissable par tous, rassemblant l'ensemble des moyens et proposant
à tous l'ensemble des activités relevant d'un authentique centre
de ressources. La réalisation d'un tel projet permettrait de valoriser
sensiblement les actions menées par notre pays.
B. LES RELATIONS CULTURELLES ET SCIENTIFIQUES ENTRE LA FRANCE ET L'OUZBÉKISTAN
Le
montant des crédits attribués à la coopération
culturelle, scientifique et technique s'est élevé à
3,85 millions de francs en 1997, contre 4,1 millions de francs en
1996.
Les Ouzbèks voient souvent le prototype des relations
franco-ouzbèkes dans la correspondance entre Tamerlan et le roi de
France Charles VI. Plus près de nous, à l'époque de
la décolonisation, le pouvoir soviétique a
développé l'enseignement du français en
Ouzbékistan, afin de former des coopérants à l'usage des
pays nouvellement indépendants, notamment l'Algérie et l'Afrique
francophone. A cet " accident " de l'histoire, notre langue doit une
diffusion certaine en Ouzbékistan. On compte ainsi environ
3.500 professeurs de français dans ce pays.
Par ailleurs, avant la dissolution d'Intourist, les Français
fournissaient les contingents les plus importants de visiteurs étrangers
à Samarcande et à Boukhara.
La présence de l'Institut français d'études sur l'Asie
centrale (IFEAC) à Tachkent et de l'Alliance française à
Samarcande constituent un atout indéniable pour la France qu'elle se
doit de promouvoir.
C. LA COOPÉRATION CULTURELLE, SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE ENTRE LA FRANCE ET LE TURKMÉNISTAN
Les
crédits affectés à l'action culturelle et scientifique
française au Turkménistan sont relativement faibles, puisqu'ils
s'élèvent à
1 million de francs
en 1995 et
1996.
L'obstacle majeur de cette coopération est en grande partie la
disparition quasi-totale de l'enseignement du français dans cette zone.
L'Ambassade de France au Turkménistan, composée d'une
équipe restreinte mais dynamique, a vu la nomination en décembre
1995 d'un attaché linguistique à Achkabad, chargé
d'amorcer une coopération linguistique avec le Turkménistan.
La mission sénatoriale considère comme indispensable le
renforcement des moyens humains et financiers de notre Ambassade, afin
d'amorcer une réelle coopération économique et culturelle
entre la France et le Turkménistan.
II. UNE INSTITUTION APPRÉCIÉE QUI FAIT HONNEUR À LA FRANCE : L'INSTITUT FRANÇAIS D'ÉTUDES SUR L'ASIE CENTRALE
A. LES AMBITIONS DE L'IFÉAC
1. " Déchiffrer " une région complexe
L'IFÉAC veut avant tout déchiffrer un monde
doublement
opaque, par son héritage soviétique et par sa structure
patriarcale traditionnelle. Pour cela, elle privilégie les études
contemporaines, qui représentent entre les deux-tiers et les
trois-quarts de l'activité de l'Institut. Elle remonte néanmoins
vers des " siècles " dont elle favorise l'étude pour
elle-même -XIVe-XIXe siècles pour comprendre les formations
ethniques, politiques et religieuses et période pré-islamique
pour l'étude des routes commerciales et migratoires-.
Plusieurs colloques ont ainsi été organisés en 1995 sur
"
Les réformismes islamiques en Asie centrale depuis le XIXe
siècle "
,
sur " l'
Inde et l'Asie centrale,
routes du commerce et des idées ",
ainsi qu'en 1996 sur
" l'
Islam et la musique ".
L'IFÉAC a
également passé un contrat avec l'Institute for developing
Economies
de Tokyo, organisme à but non-lucratif et
semi-gouvernemental, pour une étude sur la transition des Etats
centre-asiatiques vers l'économie de marché.
Pour éviter l'éparpillement des moyens au gré de
formations individuelles, l'Institut développe des programmes de
recherche, choisis à la fois pour s'intégrer à la
société d'accueil et pour parer à des urgences ou saisir
des occasions scientifiques.
2. Procéder à un recrutement de haut niveau
L'IFÉAC profite de son insertion locale,
privilège
dont elle est en Asie centrale le seul organisme de recherche étranger
à bénéficier, pour explorer les " ressources
humaines " de la région. Elle repère les savants prometteurs
ou confirmés, les aidant à se concentrer sur leur recherche et
à se former aux méthodes modernes d'abord et, pour les meilleurs,
en Europe ensuite, à les faire voyager pour des formations approfondies
en immersion. C'est pour la France un moyen de rayonnement intellectuel dans
toute la région et une source précieuse d'information rare et de
qualité.
Par ailleurs, le recrutement de chercheurs étrangers à l'Asie
centrale est fondamental. L'IFÉAC reçoit, en outre, un
chercheur-pensionnaire, deux allocataires du ministère, un ou plusieurs
boursiers Lavoisier, et attribue également, sur dossier, ses propres
bourses. En 1997, est apparue une nouvelle catégorie, les stagiaires,
admis à l'Institut mais sans soutien financier de sa part.
Le principe d'une rotation assez rapide des chercheurs a été
retenu en fonction des impératifs suivants :
- former un nombre suffisant de jeunes chercheurs, avec l'espoir de
stimuler le milieu français ;
- ne pas laisser ceux qui préparent une thèse s'enfermer
dans le confort trompeur de l'allocation ;
- éviter les effets négatifs de l'existence -malgré
tout austère- qu'impose le séjour en Asie centrale. Le poids de
l'isolement ainsi que les complications administratives et matérielles
ne doivent en effet pas être sous-estimés.
3. Offrir un grand nombre de services
Pour
faciliter ce travail de terrain, l'IFÉAC se présente aussi comme
une plate-forme offrant plusieurs services. Ambition moins humble qu'il n'y
paraîtrait puisqu'il s'agit de :
- mettre des outils de travail à la disposition des chercheurs
(bibliothèque, divers types de documents) ;
- assurer un soutien logistique : véhicule tous terrains,
matériel informatique, photocopieur, service d'aide aux visas, au
logement, à l'achat des titres de transport.
B. LES MOYENS À LA DISPOSITION DE L'IFÉAC
1. Les moyens financiers
L'IFÉAC, établissement doté de l'autonomie
financière, dispose d'une subvention annuelle, versée par le
ministère des Affaires Etrangères, de 550.000 francs
(800.000 francs avaient été prévus initialement, mais
n'ont pu jusqu'ici être versés). Cette relative modicité
était en partie compensée par le faible coût de certains
services à Tachkent. Une subvention d'équipement de
850.000 francs a été consentie par le ministère fin
1994 (disponible en 1995) afin d'acheter les bâtiments de l'Institut, de
les reconstruire et de les aménager, d'acheter un véhicule tous
terrains et de l'équipement et de former le noyau d'une
bibliothèque.
L'Institut cherche à trouver des revenus pour amortir au moins
partiellement certains frais et à s'associer à des partenaires
susceptibles de participer au financement de projets communs. C'est le cas de
la Japan Fashion Association et d'autres partenaires japonais (Institute for
Developing Economies, Japan Center for Asia Studies). Cela pourrait
l'être également de certaines entreprises françaises, en
particulier Thomson CSF, très actif en Ouzbékistan.
Si l'on prend en compte l'ensemble des recettes propres de l'Institut, elles se
seront élevées, en 1997, à 18 % du montant de la
subvention : celle-ci étant de 580.000 francs, les sponsors
fournissent 75.000 francs et les recettes de prestations s'élevent
à 25.000 francs au minimum.
Une aide logistique, non évaluée, a été
accordée à plusieurs reprises par la Fondation Konrad Adenauer
(prêt de matériel pour la traduction simultanée lors des
colloques) et des discussions sont en cours avec la Soros Foundation/Open
Society Institute.
Des projets communs, notamment à la lisière des sciences humaines
et soit des sciences de la nature, soit des activités culturelles, ont
pu être menés avec le Service culturel de l'Ambassade de France et
devraient être développés.
La mission sénatoriale souligne que l'Institut risque à court
terme de manquer de moyens, l'alourdissement des frais généraux
grevant le budget de cet organisme au détriment des investissements
consacrés à la recherche.
2. Les moyens matériels
Jusqu'à la mi-94, l'IFEAC manquait de livres, de locaux
et de
chercheurs. L'année 1995 a vu l'Institut aménager sa propre
bibliothèque et commencer à accueillir les premiers chercheurs.
Après son installation,
l'Institut a pu commencer à
fonctionner à peu près normalement à partir de 1996.
Actuellement, l'installation dans les lieux et l'aménagement d'ensemble
dessinent un cadre particulièrement agréable et fonctionnel. Un
fonds documentaire (7.000 volumes) a été créé,
des instruments de travail et de communication mis en place pour l'exploiter et
l'enrichir.
C. LA NOTORIÉTÉ DE L'IFÉAC
Dans le
monde scientifique, les réponses aux propositions qui ont
été faites pour le comité de rédaction de la revue
de l'IFEAC, les demandes de séjours de savants connus et la sympathie
exprimée par des maîtres sont révélateurs de
la
notoriété mondiale de l'Institut.
Plus largement, les visites de personnalités à l'occasion de leur
venue à Tachkent ont confirmé l'utilité de l'IFEAC.
L'accueil de M. Bertrand Dufourcq, secrétaire général
du Quai d'Orsay, de M. Robert Badinter, de plusieurs ambassadeurs de
France (M. Plaisant, M. Lafrance), de sénateurs
(récemment, M. Durand-Chastel, M. Dulait),
l'intérêt de représentants de la société
civile, de chefs d'entreprise présents à Tachkent (M. Michel
Ricard, directeur de Thomson pour l'Asie centrale et le Caucase,
M. Hervé Yon de la Société Générale,
M. Christian Beleu de Bouygues) sont autant de témoignages de la
renommée et de l'efficacité de cet organisme.
La mission sénatoriale a d'ailleurs eu l'occasion d'être
accueilli à l'IFEAC par M. Pierre Chuvin, Directeur.
En Ouzbékistan, l'accréditation de l'Institut en tant
qu'organisme culturel est déjà ancienne. L'Institut est bien
accepté (ce dont témoigne un article paru fin 96 dans la
très officielle revue de bord des lignes aériennes
ouzbèkes), comme instrument d'une notoriété de leur nation
dont les Ouzbèks ressentent cruellement le besoin. Des
accréditations sont en cours au Turkménistan et au Kazakhstan.
Au titre des perspectives scientifiques, outre le fait de continuer les actions
en cours, les projets associés devraient se poursuivre avec la
coopération franco-allemande et la coopération franco-japonaise.
Il reste à élargir la dimension régionale de l'Institut.
Mais cette dimension régionale passe par des liaisons établies
sur des projets précis avec les chercheurs et les institutions
locales.
CONCLUSION
Le
démembrement de l'URSS, en décembre 1991, est un
événement considérable, dont les conséquences se
manifestent non seulement sur les équilibres globaux de la
planète, mais aussi, et surtout, sur l'ancien territoire
soviétique.
Après le premier pas des Républiques d'Asie Centrale en tant
qu'Etats indépendants, celles-ci sont entrées dans une seconde
période de leur devenir post-soviétique.
Dans cette phase où nous nous trouvons aujourd'hui, les
caractères communs à l'ensemble de la zone sont encore nombreux,
mais les différences d'évolution s'accentuent, qu'il s'agisse des
données objectives, ou de la façon dont chacun est perçu
sur la scène internationale et -surtout- dont il se perçoit par
rapport à ses voisins.
Face aux problèmes d'enclavement qui les affectent, le Kazakhstan,
l'Ouzbékistan et le Turkménistan cherchent à
réorienter leurs flux d'échanges et à diversifier leurs
relations extérieures.
Deux événements survenus ces derniers mois peuvent permettre
à l'Asie Centrale de s'affranchir quelque peu de la double contrainte
que constitue l'enchevêtrement de leurs héritages et le poids de
la politique russe.
Le 5 janvier dernier, tout d'abord, les dirigeants des cinq Républiques
d'Asie Centrale se sont réunis à Achgabat. Ce forum
témoigne non seulement d'un rapprochement entre ces Etats, mais aussi de
leur volonté de développer une politique commune concernant de
futurs oléoducs et gazoducs, ainsi que les domaines des transports et
des télécommunications. A ce titre, il faut souligner
l'importance historique de la déclaration faite à l'issue de ce
sommet, où les participants ont exprimé leur intention de
réunir leurs forces pour acheminer leurs richesses en dehors du
territoire russe.
Le renforcement de cette coopération régionale, notamment sur le
plan économique, a été interprété comme
l'envoi d'un signal fort à la Russie.
Second événement marquant de la période récente,
les conclusions de la conférence internationale sur les voies
d'exportation du pétrole kazakhstanais -qui s'est tenue les 31 mars et
1er avril dernier- ont permis au Kazakhstan et la Russie d'envisager un accord
sur le statut de la Mer Caspienne.
Il est aujourd'hui prématuré de conclure à la
réussite de l'Asie Centrale, car les incertitudes ne manquent pas.
Ce qui est sûr, c'est que cette région du monde offre aux
entreprises françaises un vaste champ de développement, qu'elles
auraient grand tort d'ignorer ou de sous estimer.
Le capital de sympathie dont bénéficie la France dans cette zone
doit trouver, au delà de ses implications culturelles ou politiques, une
traduction économique à la hauteur des enjeux.
Une telle évolution suppose que la France comprenne dès
aujourd'hui les formidables opportunités que présente cette
région et qu'elle ait la volonté de développer, sans
tarder, un partenariat avec les Etats qui président, désormais,
à son avenir.
ANNEXE N° 1 -
EXAMEN EN
COMMISSION
Au cours
de sa séance tenue le mercredi 29 avril 1998, la commission a
procédé à l'examen du rapport d'information,
présenté par M. Jean François-Poncet,
président, sur la mission d'information effectuée par une
délégation de la commission au Kazakhstan, en Ouzbékistan
et au Turkménistan, du 20 au 30 septembre 1997, pour étudier
l'économie de ces pays ainsi que leurs relations économiques,
commerciales et financières avec la France.
Après avoir annoncé la tenue d'un colloque sur l'Asie centrale,
en collaboration avec le Centre français pour le commerce
extérieur (CFCE) le 27 mai prochain, M. Jean
François-Poncet, président, a rappelé que cette
région, qui couvre un espace de près de 4 millions de
km² peuplé de 53 millions d'habitants, rassemblait cinq
états, autrefois républiques soviétiques : le Kazakhstan,
l'Ouzbékistan, le Turkménistan, le Kirghizistan et le
Tadjikistan. Il a indiqué que la mission sénatoriale avait
dû restreindre la durée de sa visite à dix jours en raison,
notamment, de la session extraordinaire du Parlement et n'avait donc pas pu se
rendre au Kirghizistan et au Tadjikistan.
M. Jean François-Poncet, président, a observé que son
potentiel énergétique et sa situation de carrefour
stratégique faisaient de cette partie du monde au passé
particulièrement brillant une région aujourd'hui essentielle.
Il a souligné que l'avenir des trois pays visités était
intimement lié à des caractéristiques communes à
l'ensemble de la zone.
Parmi celles-ci, il a relevé en premier lieu l'importance de l'islam.
Evoquant l'installation et l'expansion musulmane dans la zone, il a
rappelé que l'islam sunnite de rite hanéfite s'était
imposé progressivement, le soufisme jouant un rôle central. Bien
que la pratique religieuse et l'influence de l'islam aient été
contrecarrées pendant les décennies soviétiques, le fait
musulman, -a-t-il précisé-, n'en est pas moins resté
intact comme référence identitaire, même si depuis
l'indépendance les autorités, tout en reconnaissant son
importance, entendent le contrôler. Evoquant à ce propos l'exemple
du Maroc, il a précisé que malgré la proximité
d'Etats fondamentalistes, les autorités, notamment Ouzbèkes et
Turkmènes, avaient réussi à circonscrire ces
phénomènes.
M. Jean François-Poncet, président, a observé, en second
lieu, que la colonisation russe et la soviétisation de l'Asie centrale
avaient marqué cette région d'une empreinte
indélébile. Après avoir souligné l'importance des
minorités et de la langue russes en Asie centrale, il a indiqué
qu'on assistait actuellement à un découplage vis-à-vis de
la Russie avec, d'une part, le renforcement de l'indépendance politique
des états d'Asie centrale et, d'autre part, l'affirmation d'une
souveraineté économique centre-asiatique.
Il a rappelé par ailleurs que ces pays connaissaient des régimes
de pouvoir personnel -pouvoir concentré entre les mains du chef de
l'Etat- mais observé que certaines fragilités étaient
perceptibles, évoquant à ce propos le délicat
problème de la succession et l'existence de factions
régionalistes au sein de l'appareil d'Etat.
M. Jean François-Poncet, président, a, enfin, souligné la
richesse du potentiel économique, notamment énergétique,
de l'Asie centrale. Il a indiqué qu'au-delà des ressources
déjà décelées, la Mer Caspienne semblait contenir
de considérables réserves en gaz et en pétrole, mais que
la question du statut de cette mer n'était toujours pas
réglée.
Il a fait observer qu'au-delà des handicaps et des aléas propres
à chacun des Etats de la région, l'Asie centrale dans son
ensemble était soumise à deux contraintes majeures :
l'enclavement et les menaces environnementales. En ce qui concerne
l'enclavement, il a présenté les différentes voies
d'évacuation des hydrocarbures vers l'ouest, le nord, le sud et l'est,
chacune d'elles présentant des caractéristiques politiques et
techniques spécifiques. En ce qui concerne l'environnement, il a
évoqué les perspectives d'avenir pour le sauvetage de la Mer
d'Aral et les conséquences écologiques des expériences
nucléaires soviétiques.
M. Jean François-Poncet, président, a fait état des
multiples convoitises dont cette région était l'objet, notamment
de la part de la Turquie et des pays occidentaux. Insistant sur la forte
présence américaine, il a relevé que l'Allemagne, la
Grande-Bretagne, la Suisse et les Pays-Bas avaient effectué une forte
percée en Asie centrale.
Il a ensuite décrit la situation spécifique de chacun de ces
trois pays.
S'agissant du Kazakhstan, il a rappelé son considérable potentiel
énergétique et analysé une situation politique fortement
marquée par la personnalité de M. Nazarbaiev. Il a
évoqué les problèmes soulevés par le transfert de
la capitale d'Almaty à Akmola.
Insistant sur la richesse de la civilisation ouzbèke, il a
indiqué que l'Ouzbékistan disposait d'atouts importants qu'il
avait réussi à mettre en valeur durant la première phase
de son indépendance.
Il a souligné que le Turkménistan disposait d'une manne
gazière très importante, mais que le désenclavement
économique s'avérait difficile pour ce pays en transition,
fortement marqué par le poids du passé.
M. Jean François-Poncet, président, a regretté que
malgré le rôle positif des visites d'Etat du président
Mitterrand en septembre 1993 et avril 1994, la part de la France dans
les investissements et les échanges commerciaux en Asie centrale soit
demeurée très modeste. Il a observé que si la France avait
conclu de grands contrats, notamment dans les secteurs du bâtiment et des
travaux publics et de l'énergie, les entreprises françaises
n'avaient dans cette zone qu'une implantation relativement faible. Il a
considéré que la France pouvait néanmoins trouver un grand
nombre d'opportunités en Asie centrale, en particulier dans le secteur
de l'eau et dans le domaine alimentaire.
Il a ensuite abordé la présence culturelle française en
Asie centrale -assez importante-, estimant notamment que l'Institut
français d'Etudes sur l'Asie centrale était un organisme qui
faisait honneur à la France.
M. Jean François-Poncet, président, a considéré que
ce déplacement avait permis une bonne approche des grands
problèmes de la région et a conclu que cette zone cruciale,
notamment sur le plan énergétique, continuerait à susciter
les appétits des grandes puissances. Il a précisé que
cette zone offrait aux entreprises françaises un vaste champ de
développement qu'elles auraient grand tort d'ignorer ou de sous-estimer.
Enfin, la commission a
autorisé la publication du présent
rapport d'information.
ANNEXE N° 2 -
PROGRAMME DU
DÉPLACEMENT DE LA DÉLÉGATION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES
ÉCONOMIQUES DU SÉNAT EN ASIE CENTRALE
(21-30 SEPTEMBRE
1997)
KAZAKHSTAN (du 22 au 24 septembre 1997)
Lundi 22 septembre 1997
01 h 10 (p. Arrivée à Almaty)
01 h 20 (p. Accueil à l'aéroport par le Service du Protocole du
ministère des Affaires étrangères du Kazakhstan, et par
Son Excellence, M. Alain Richard, Ambassadeur de France)
9 h 00 (p. Petit déjeuner de travail à l'Hôtel Ankara en
présence de Son Excellence, M. l'Ambassadeur et de ses principaux
collaborateurs)
11 h 00 (p. Entretien avec M. Noursoultan NazarbaIev, Président de la
République du Kazakhstan, en présence de M. Tokaev, ministre
des Affaires étrangères et M. Khamzaev, vice-ministre des
Affaires étrangères)
12 h 10 (p. Visite du Musée archéologique d'Almaty)
14 h 30 (p. Entretien avec M. Omirbek Baigueldi, Président du
Sénat)
18 h 00 (p. Vin d'honneur offert par Son Excellence, M. l'Ambassadeur à
l'Hôtel ASTANA en présence de la communauté
française)
19 h 00 (p. Réception offerte par le Sénat de la
République du Kazakhstan)
Mardi 23 septembre 1997
10 h 00 - 11 h 00 (p. Entretien avec M. Saybai Duzbayev, Premier Vice-
président de la société nationale du Pétrole et du
Gaz " Kazakhoil ")
12 h 30 (p. Visite du complexe sportif de haute montagne de MEDEO
Visite
d'une grande surface commerciale)
14 h 45 (p. Entretien avec Mme Gouljhan Karagouzova, Présidente de la
Commission économique, des finances et du budget du Sénat)
16 h 00 (p. Entretien avec M. Jabaïkhan Abdildine, Président
du Comité pour les affaires internationales, de la défense et de
la sécurité du Sénat )
19 h 00 (p. Dîner offert par Son Excellence, M. l'Ambassadeur à la
Résidence, en présence des représentants français
des principales sociétés françaises travaillant au
Kazakhstan)
Mercredi 24 septembre 1997
09 h 30 (p. Visite du marché central)
11 h 50 (p. Départ pour l'Ouzbékistan)
OUZBÉKISTAN (24 au 26 septembre 1997)
Mercredi 24 septembre
11 h 30 (p. Arrivée à l'aéroport - Accueil par Son
Excellence, M. l'Ambassadeur Jean-Claude Richard, Ambassadeur de France)
15 h 00 (p. Entretien avec M. Abdoulaziz Kamilov, ministre des Affaires
étrangères)
16 h 30 (p. Réunion de travail avec Son Excellence, M. l'Ambassadeur et
ses principaux collaborateurs)
Jeudi 25 septembre
10 h 00 (p. Entretien avec M. Bougrov, Vice-président de l'Olii Majlis)
11 h 30 (p. Entretien avec M. Elyor Ganiyev, ministre des relations
économiques extérieures)
13 h 00 (p. Déjeuner offert par M. Pierre Chuvin, directeur de
l'Institut français d'études sur l'Asie centrale)
15 h - 16 h 00 (p. Entretien avec M. Outkour Sultanov, Premier ministre)
16 h 15 (p. Visite du musée des Timourides de Tachkent)
19 h 00 (p. Réception offerte par l'Olii Majlis en présence de
M. Vladimir Norov, Conseiller d'Etat de la République
d'Ouzbékistan)
Vendredi 26 septembre
06 h 30 (p. Départ pour Samarcande)
9 h 00 (p. Visite de Samarcande)
13 h 00 (p. Déjeuner à l'Alliance Française)
15 h 00 (p. Visite du site archéologique d'Afrasiab)
19 h 00 (p. Dîner en présence de M. Tukutaurarov, Maire du
district de Bogishamal et de M. Nassgrov, Maire de Samarcande)
Samedi 27 septembre 1997
8 h 30 (p. Départ pour Boukhara)
10 h 00 (p. Visite de Boukhara)
14 h 00 (p. Déjeuner offert à la mairie par M. Nabiv
Fazilov, Vice-Préfet de la région de Boukhara et M. Karim
Kamalov, Maire de Boukhara)
TURKMÉNISTAN (27 au 30 septembre 1997)
Samedi 27 septembre 1997
19 h 30 (p. Accueil de la délégation à l'aéroport
d'Achkabat par :)
(p. - M. Alexandre Grichine, président du comité pour
l'économie et la politique sociale du Mejlis)
(p. - M. Erchkul Joumaev, président du Comité pour les
relations internationales et interparlementaires du Mejlis)
(p. - M. Khomma Akmamedov, chef du département du protocole du
ministère des Affaires étrangères)
(p. - Son Excellence, M. Yves Bargain, ambassadeur de France au
Turkménistan)
Dimanche 28 septembre 1997
09 h 30 (p. Visite du marché)
12 h 30 (p. Déjeuner à Tchouly (dans la montagne, à la
frontière iranienne))
14 h 30 (p. Visite de la Mosquée de GOEK DEPE)
16 h 00 (p. Visite des Haras (chevaux " Ahal Tekes "))
17 h 00 (p. Visite du site de Nissa, ancienne capitale des Parthes)
Lundi 29 septembre 1997
09 h 00 (p. Réunion de travail avec Son Excellence, M. l'Ambassadeur et
ses principaux collaborateurs)
10 h 00 (p. Entretien avec M. Sahat Mouradov, Président du Mejlis)
11 h 00 (p. Entretien avec M. Ilaman Chikhiyev, vice-président du
cabinet des ministres)
14 h 00 (p. Entretien avec M. Marc Jessel, représentant
intérimaire de la Commission européenne pour le programme Tacis)
15 h 00 (p. Entretien avec M. Batyr Sardjaev, vice-président du cabinet
des ministres et ministre de l'Industrie du pétrole et du gaz et des
ressources minérales)
16 h 00 (p. Entretien avec M. Eully Gourbanmouradov, vice-président du
cabinet des ministres et directeur de l'Agence d'Etat pour les investissements
étrangers)
19 h 00 (p. Réception offerte en l'honneur de la
délégation par Son Excellence, M. Yves Bargain, Ambassadeur
de France)
Mardi 30 septembre 1997
02 h 25 (p. Retour à Paris)
ANNEXE N° 3 -
DONNÉES
GÉNÉRALES SUR LES ÉTATS D'ASIE CENTRALE
PAYS |
SUPERFICIE (km²) |
POPULATION (millions) |
P.N.B.
|
NOM DU PRESIDENT |
LANGUE |
RELIGION |
Kazakhstan |
2 717 300 |
16 400 000 |
22 143 |
Noursoultan Nazarbaiev |
Kazakh, Russe, Allemand, Ukrainien, Coréen, Ouzbek |
Chrétienne, Orthodoxe, Musulmane (sunnite) |
Kirghizstan |
198 500 |
4 600 000 |
3 158 |
Askar Akaiev |
Kirghiz, Russe |
Musulmane (sunnite) |
Ouzbékistan |
447 400 |
23 700 000 |
21 979 |
Islam Karimov |
Ouzbek, Russe, Tadjik |
Musulman (sunnite) |
Tadjikistan |
143 100 |
6 000 000 |
1 976 |
Imamali Rahmanov |
Tadjik, Russe |
Sunnites |
Turkménistan |
488 100 |
4 600 000 |
4 125 |
Separmourad Nyazov |
Turkmène, Russe |
Sunnites |
1
" Histoire de l'Asie
centrale " de
M. Vincent Fourniau - Collection " Que Sais-je " ? PUF 1992.
2
" La nouvelle Asie centrale ou la fabrication des
nations" de M. Olivier Roy, Edition Seuil, 1997.
3
Le terme de " nationalité " correspond à
l'appartenance ethnique, dont le critère culturel est la langue. Il se
distingue de la notion de citoyenneté définie en termes purement
politiques.
4
" Histoire de l'Asie centrale " par M. Vincent Fourniau
-Collection " Que Sais-je ? ". PUF 1992.
5
Cf. ouvrage précité page 17
6
" Asie Centrale : aux confins des empires, réveil et
tumulte " - Autrement, Série Monde -
HS n° 64 - octobre 1992, sous la direction de Mme Catherine
Poujol.
7
Cf. ouvrage précité p. 17.
8
" Asie centrale : aux confins des empires, réveil et
tumulte " - Revue Autrement, octobre 1992, dirigée par Mme
Catherine Poujol.
9
Ces chiffres correspondent aux réserves prouvées et
à une partie des réserves probables, selon les données
officielles kazakhes. Selon les chiffres qui figurent dans la " BP
Statistical Review ", les réserves prouvées d'huile du
Kazakhstan ne seraient que de 700 millions de tonnes.
10
23 millions de tonnes évacuées en 1996, sur une
production totale de 26 millions de tonnes.
11
Chimkent, prévue à l'origine pour traiter le brut
sibérien, est inadaptée au brut de Kumkol. La raffinerie devrait
être transformée, mais les projets se heurtent pour l'instant
à des problèmes de financement.
12
" L'or bleu de Samarkand " de Mme
Frédérique Beaupertuis - Bressand, novembre 1997.
13
Ministère des Affaires étrangères -Bulletin
du Centre analyse et de prévision n° 69, printemps,
été 1997, par M. O. Roy.