2. Une politique extérieure à l'épreuve des crises
Aux
frontières de l'Ouzbèkistan, le conflit afghan et la crise
tadjike créent des risques de déstabilisation.
La grande inquiétude de l'Ouzbékistan est de se voir
marginaliser par l'axe Téhéran-Moscou
, fondé sur le
refus de la pénétration américaine en Asie centrale et de
la mise en place de gazoducs et d'oléoducs qui passeraient ailleurs que
sur les territoires russes ou iraniens.
Aux yeux des Ouzbèks, cet axe s'est en partie concrétisé
au Tadjikistan et en Afghanistan : l'accord de paix au Tadjikistan entre
les Gharmis (supposés pro-iraniens) et les Koulabis (pro-Moscou), ainsi
que le soutien conjoint de l'Iran et de la Russie à Massoud, ont eu
tendance à accréditer à Tachkent l'idée que Moscou
et Téhéran jouaient la carte d'un " Grand
Tadjikistan ". Les responsables ouzbèks considèrent que
l'instabilité au Tadjikistan est un alibi utilisé par les Russes
pour se maintenir militairement dans la région.
Par ailleurs, la complaisance américaine envers les Talibans a
entraîné une certaine crise de confiance envers Washington, qui
est pourtant, vu de Tachkent, le meilleur contrepoids à l'influence
russe
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)
.
L'armée des Talibans sur la frontière ouzbèke, outre le
danger d'une relance de l'islamisme en Ouzbékistan, a mis en
lumière une certaine faiblesse de la politique étrangère
de Tachkent : une armée trop peu nombreuse, la permanence du facteur
russe et la fiabilité relative de l'allié américain.
Soucieux de ne pas être impliqué dans le conflit afghan,
l'Ouzbékistan a fermé complètement sa frontière sur
l'Amou-Daria, des blocs de béton ayant été placés
sur le " Pont de l'amitié " pour interdire tout passage.
Ainsi, la guerre civile qui sévit en Afghanistan paraît
être le plus grand obstacle à l'ouverture de l'Ouzbékistan
vers le Sud.
Dans une moindre mesure, il en est de même, de la crise au
Tadjikistan
. En effet, depuis le départ du Général
Dostum, l'Ouzbékistan, en fermant sa frontière sud, a
compliqué du même coup le règlement du conflit au
Tadjikistan, en empêchant le retour des réfugiés Tadjiks du
Nord de l'Afghanistan. Les déplacements de Termez à Douchambe
sont ainsi interdits de fait, rendant l'application de l'accord de paix du
27 juin dernier au Tadjikistan quasiment impossible alors que ce
rapatriement avait joué un grand rôle dans le processus de
réconciliation.
Si la mission sénatoriale a pu constater une attention vigilante des
autorités oubèkes à toute évolution au Sud de ses
frontières, elle a néanmoins pu se rendre compte du sang froid
avec lequel un grand nombre d'interlocuteurs analyse les conflits tadjik et
afghan.