b) Le service universel et les modalités de son financement
Le service universel postal
Le projet de directive fixe les contours d'un
service universel de base
commun à l'ensemble des pays de l'Union et autorise les pays le
souhaitant à instaurer
un service universel national allant
au-delà de ce minimum
.
Ce dispositif distingue deux types de garanties de prestations pour les
utilisateurs du service :
- d'une part, des garanties d'accessibilité au service (points de
contact tenant compte des besoins des utilisateurs ; nombre de levée et
de distribution : au minimum cinq jours par semaine, sauf circonstances ou
conditions géographiques exceptionnelles ; tarifs abordables) et de
qualité de service (80 % en J + 1 pour le courrier national ;
90 % en J + 3 et 99 % en J + 5 pour le courrier
transfrontalier) ;
- d'autre part, des garanties d'offre de produit minimale (lettres
jusqu'à 2 kgs, colis jusqu'à 10 kgs, envois
recommandés).
Afin de compenser les charges résultant du service universel et de
garantir sa pérennité, qui passe nécessairement par
l'assurance de moyens de financement durable, le projet de directive
prévoit deux mécanismes, qui ne sont pas exclusifs l'un de
l'autre : les services réservés et le fonds de compensation.
Les services réservés
Rappelons que le droit communautaire autorise les
subventions
croisées
opérant "
une compensation entre les
secteurs d'activité rentables et des secteurs moins rentables et
justifie, dès lors, une limitation de la
concurrence
"
106(
*
)
dans la mesure où elle s'avère nécessaire
pour
permettre à l'entreprise investie d'une telle mission
d'intérêt général d'accomplir celle-ci.
Se
trouve ainsi justifié le principe des services réservés
comme moyen de financer des activités moins rentables, sous
réserve de l'application du principe de proportionnalité. Le
projet de directive délimite donc dans le secteur postal des services
pouvant être réservés à la compensation des charges
de service universel.
Une telle faculté nécessite cependant que soit
évalué
le coût du service universel
. Souvent
difficile à estimer dans la pratique, le surcoût dû aux
obligations de service universel représente, en principe, la charge
financière de la fourniture de services non rentables que le prestataire
de service doit néanmoins supporter du fait des obligations de
fourniture du service universel, à un coût abordable, à
tout usager, quelle que soit sa localisation, dans des conditions qui ne
seraient pas économiquement viables.
La Commission européenne
(plus précisément sa
Direction générale XIII en charge des postes et
télécommunications)
a récemment entrepris une vaste
étude dans le but de procéder à une évaluation du
surcoût du service universel
. L'exercice étant par nature
délicat et pouvant alimenter nombre de polémiques, il conviendra
de veiller attentivement à sa méthodologie et à son
utilisation afin que ses résultats ne deviennent pas un instrument au
service d'un libéralisme débridé.
N'oublions pas, par exemple, qu'à l'occasion d'une étude de cette
nature, le ministère suédois des transports et des communications
a estimé que sur les 400 millions de couronnes de coût du
service universel évalués par un cabinet d'audit, seuls
100 millions de couronnes relèveraient réellement de la
charge de service universel, les 300 millions restants étant
liés aux pratiques de l'opérateur national.
Sur le fondement du projet de directive en cours d'achèvement,
l'opérateur chargé d'assurer le service universel pourrait ainsi
se voir réserver la levée, le transport, le tri et la
distribution des lettres de moins de 350 grammes et d'un tarif
inférieur à 5 fois le tarif de base, y compris le
publipostage et le courrier transfrontalier. Ceci correspondrait, en quelque
sorte, au périmètre maximal de son monopole
107(
*
)
.
Le fonds de compensation
L'autre mécanisme de financement du service universel prévu par
le projet de directive, découlant du compromis de Dublin, est le fonds
de compensation
108(
*
)
.
Seuls les prestataires de service universel pourraient, bien entendu,
bénéficier des soutiens du fonds, mais ils auraient, pour ce
faire, à apporter la preuve a priori de leur besoin de financement.
Alimenteraient le fonds, au prorata de leur activité, tous les
opérateurs intervenant sur le marché postal et n'exerçant
pas de missions de service universel, étant entendu que dans les pays
où seraient institués plusieurs prestataires de service
universel, ces derniers y contribueraient également. Dans les pays
où les obligations de service universel seraient confiées
à un seul opérateur, celui-ci ne serait pas contraint de
contribuer et aurait, au contraire, vocation à être l'unique
bénéficiaire du fonds, comme c'est le cas de France
Télécom pour le fonds de service universel des
télécommunications.
La Commission européenne tend, cependant, à estimer que les
efforts du prestataire du service universel en vue de rendre un service postal
d'une manière efficace et à un moindre coût permettront
à ce service de se développer et, par conséquent, de
s'autofinancer largement, voire d'atteindre son équilibre financier
à terme.
Notons que le projet de directive impose que tant la gestion du fonds que le
contrôle de l'ensemble de l'application de ces nouvelles règles du
jeu soient effectués par des autorités nationales
indépendantes des opérateurs postaux.