4. Un libéralisme prédateur à usage externe
Les détracteurs du système postal
néerlandais lui adressent des critiques de trois ordres. Ils lui
reprochent, en premier lieu, de n'avoir pas séparé
l'activité postale de celle des télécommunications. Ils
regrettent, en second lieu, certaines de ses pratiques commerciales. Ils
déplorent, enfin, le développement du phénomène du
" repostage ".
La réunion de la branche courrier et de la branche
télécoms de KPN fait de cette société un
puissant conglomérat
, ce qui revient, toutes choses égales
par ailleurs, à compenser la vente du secteur financier postal. L'avenir
dira si KPN réussit à obtenir des résultats aussi
brillants que ceux auxquels elles parvient actuellement, si le secteur des
télécommunications n'y contribuait plus.
Le second reproche adressé à KPN est de jouir, aux termes de la
loi, d'un
monopole
sur le courrier inférieur à
500 grammes, ce qui est contraire à l'esprit d'une
libéralisation totale, et d'autant moins justifié que les postes
néerlandaises ne sont pas soumises, sur la superficie des Pays-Bas, aux
mêmes charges de service public que leurs homologues allemande ou
française.
Le maintien d'un monopole légal se double
d'avantages non
tarifaires
consentis à l'opérateur public par les
autorités néerlandaises. Ses concurrents estiment, par exemple,
que les colis affranchis sous la couronne de KPN jouissent d'un traitement plus
favorable du point de vue du contrôle douanier que celui dont font
l'objet les colis des opérateurs privés, aussi bien à
l'entrée qu'à la sortie des Pays-Bas. En effet, les colis
confiés aux autres transporteurs doivent être soumis à la
douane ouverts, alors même que ceux de KPN ne sont pas astreints à
une réglementation analogue. Il en résulte un avantage non
négligeable dans un métier soumis à la contrainte de
rapidité.
Certains clients de KPN, qui se félicitent de la qualité du
service que délivre la société, regrettent
néanmoins que ses
prix
soient
relativement
élevés
eu égard aux coûts qu'elle supporte.
On notera cependant, afin de nuancer cette critique, que le prix du timbre n'a
pas varié aux Pays-Bas depuis 1991.
Enfin, plusieurs sources concordantes tendent à prouver qu'une partie du
"
repostage
" qui s'effectue notamment au détriment
des
postes allemande et française transite par les Pays-Bas. Comme l'a
publiquement relevé M. Arne Börnsen, le président de la
commission pour la poste et les télécommunications du Bundestag,
alors que chaque année, 33,4 millions de lettres vont d'Allemagne
aux Pays-Bas, 120,3 millions de lettres sont adressées des Pays-Bas
vers l'Allemagne
255(
*
)
.
Rapportés à la population de chacun des deux États, ces
chiffres signifient
qu'alors qu'un Allemand n'adresse que 0,4 lettre
chaque année à un néerlandais, celui-ci y répond,
en retour par huit missives !...
A l'évidence,
l'inégalité patente des flux entre La
Haye et Berlin traduit bien plus les méfaits du repostage qu'un
goût immodéré des Néerlandais pour la
correspondance
. Au demeurant, un phénomène analogue est
observé entre la France et les Pays-Bas, avec les mêmes
conséquences dommageables pour La Poste française.