b) Une réforme postale insuffisante ?
La discussion au Sénat du projet de loi relatif
à l'organisation de La Poste et des Télécommunications
offre l'occasion à la Haute assemblée de souligner les limites
d'un texte dont le rapporteur, M. Jean Faure, estime qu'il ne
"
fait qu'entrouvrir une fenêtre sur la liberté
d'action
"
23(
*
)
. La
majorité sénatoriale reproche, en outre, au projet de n'avoir pas
abordé les problèmes essentiels de La Poste avec suffisamment de
courage, notamment le montant de l'endettement car il est "
lié
non à des investissements mais à des charges indues "
.
En outre, dès cette époque, votre rapporteur, en sa
qualité de président d'une mission d'information sur l'avenir de
La Poste et des Télécommunications créée par la
Commission des Affaires économiques au début de l'année
1990, attire l'attention du Gouvernement sur le développement du
repostage et sur l'ambition de la poste néerlandaise, KPN, de
conquérir 40 % du marché postal de l'Europe des Douze. C'est
pourquoi, il plaide pour que la réforme donne réellement à
La Poste les moyens de contrer ces menaces. Il n'est pas entendu. Aujourd'hui,
en partie grâce aux " rapines " du repostage, KPN a
racheté TNT, un intégrateur mondial bien implanté en
Europe et réalise 25 % de son chiffre d'affaires à
l'international, tandis que ce marché très porteur
représente moins de 5 % pour La Poste...
Par ailleurs, la Commission des Affaires économiques du Sénat
regrette alors que l'élargissement des services financiers ait
été cantonné aux seuls produits d'assurances car, dans le
contexte bancaire de l'époque, elle considère que cela ne
constitue qu'une avancée trop timide.
C'est pourquoi, elle propose de donner à La Poste la faculté de
distribuer, pour le compte de tiers, dans le cadre d'appels d'offre
régionalisés, des crédits immobiliers sans épargne
préalable et des prêts à la consommation sur des fonds
provenant des comptes courants postaux et de la Caisse Nationale
d'Épargne. Répondant à votre rapporteur sur ce sujet,
M. Paul Quilès, ministre des Postes et
Télécommunications, affirme que le Gouvernement est favorable
à l'extension des services financiers, mais il renvoie à un
rapport d'évaluation, suivi d'un débat parlementaire
24(
*
)
, l'hypothétique entrée
en vigueur de la réforme préconisée par la Commission des
Affaires économiques. A la demande de Mme Edith Cresson, alors Premier
ministre, un rapport est rédigé par M. Yves Ullmo,
secrétaire général du Conseil national du crédit
(CNC), et déposé au Sénat en septembre 1991. Ce document
est très réservé, s'agissant de l'extension des services
financiers de La Poste. Quant au débat qui aurait dû se tenir
à la session de printemps 1991, il est remis aux calendes et ne sera en
définitive jamais tenu...
Enfin, constatons que bien peu nombreux sont ceux qui, à
l'époque, ont dénoncé une autre faille du dispositif,
encore plus lourde de conséquences pour l'exploitant : celle consistant
à lui
faire supporter en propre le coût des pensions de
retraite de ceux de ses agents ayant la qualité de fonctionnaire.
Une telle discrétion peut surprendre aujourd'hui que le jeu de cette
règle, voulue par le Gouvernement de l'époque
à
l'inspiration du ministère des Finances
, menace directement la
survie de l'opérateur. Elle s'explique par une
colossale erreur
d'appréciation : la foi dans le caractère inébranlable du
monopole
25(
*
)
.
Tirons donc les leçons de l'expérience ! Comprenons que le temps
des facilités monopolistiques est désormais derrière nous.
Ne commettons plus l'erreur de croire à la force des protections
réglementaires dans un marché marqué par l'irruption des
nouvelles technologies de l'information et, qui plus est, en voie d'ouverture
à la concurrence.