CONCLUSION
La justice civile britannique connaît aujourd'hui des
délais et surtout des coûts très supérieurs à
ceux rencontrés en France mais pour des motifs différents.
La croissance des flux y est en revanche sans commune mesure avec l'inflation
spectaculaire constatée en France, en raison des règles de
procédure (encadrement de l'appel notamment) et de l'importance des
coûts.
La mise en oeuvre de la réforme proposée par Lord Woolf
entraînerait plusieurs évolutions culturelles qui,
cumulées, formeraient sans doute une quasi-révolution :
1. la
maîtrise du procès
passerait des parties au juge ;
2. le
coût de la justice
risquerait de passer des parties à
l'Etat mais cette charge pourrait être compensée par la baisse du
coût de chaque affaire bénéficiaire de l'aide judiciaire;
3. l'
informatisation généralisée
transformerait
substantiellement les méthodes de travail des juges et des auxiliaires
de justice ;
4. la refonte des procédures civiles simplifierait l'
accès
à la justice
.
5. L'équilibre entre les parties étant rétabli par des
procédures standardisées, les plus forts devraient davantage
considérer le
fond du litige
avant de s'engager dans un
contentieux.
6. Le
plafonnement des honoraires
antérieurs à l'audience
devrait inciter davantage de solicitors à plaider.
7. En cumulant aide judiciaire et honoraires plafonnés, sous
réserve d'un accord préalable client-défenseur pour les
dépassements, serait créé une sorte de "
secteur
conventionné
" de la justice.
Le nouveau Lord Chancellor n'a pas à ce jour indiqué s'il
poursuivrait cette réforme dans le calendrier envisagé
primitivement (date-butoir octobre 1998).
Elle n'a pas que des partisans notamment parmi ceux qui pourraient craindre,
par exemple les barristers, de voire diminuer le volume des affaires soumises
aux tribunaux en raison de l'encouragement des méthodes alternatives de
résolution des conflits (ADR).
En réalité, l'accroissement de l'efficacité des
juridictions et la maîtrise des coûts risquent de provoquer un
afflux de nouveau contentieux bénéfique pour ces professions mais
problématique pour l'engorgement des tribunaux.
Les observateurs français suivront avec intérêt la mise en
oeuvre d'une réforme dont le succès contribuerait sans doute
à une harmonisation, souhaitable à terme, de nos pratiques
judiciaires.
Les comparaisons et les enseignements qui pourront en être tirés,
le cas échéant, pour la France dépendront largement des
évolutions du volume du contentieux, du degré d'informatisation
finalement mis en uvre et de l'efficacité d'une médiation
suggérée
par le juge au regard d'une culture britannique
tournée vers la transaction
volontaire
sous la pression du
coût des procédures.
Il est apparu à la mission difficile de transposer en France les
évolutions britanniques compte tenu des différences de toutes
sortes qui caractérisent les deux systèmes et faussent toute
comparaison générale.
Seules les comparaisons ponctuelles, sur les techniques de mise en état,
les procédures de médiation, le recrutement judiciaire sont
éclairantes.
Au-delà de la réforme qui concentre les efforts britanniques, il
apparait qu'en ce qui concerne plus particulièrement le contentieux de
masse, celui-ci fait l'objet d'un traitement convenable dans le cadre des 550
magistrates'courts où siègent actuellement 30 000 juges
bénévoles qui traitent principalement les affaires
pénales. Institution ancienne, elles ont été
fréquemment étudiées et citées en exemple
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)
.
D'ores et déjà on peut retenir que, reposant essentiellement sur
des non-juristes assistés d'un greffier professionnel, ces cours
présentent une certaine parenté avec la rénovation des
tribunaux d'instance proposée par la mission d'information de la
commission des Lois sur les moyens de la justice
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)
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