2. Intervention de M. Gérard Gastaut,
délégué
à la stratégie internationale de Renault SA
M. Gérard Gastaut
. -
Je vais vous parler
tant à la suite de cette mission organisée par l'ASIE qu'en tant
que représentant de la société Renault.
Renault, actuellement, n'est pas présent en Inde, à une exception
près : nous avons un intérêt minoritaire dans une
fabrique de roulements. Nous avons des expériences passées dans
la période antérieure à 1991, soit directes soit par ce
qui était, à l'époque, notre filiale
américaine : American Motors. Nous avions des accords qui existent
toujours et qui se terminent pour la fabrication des véhicules Jeep.
Je voudrais aborder trois points : la vision que nous avons de l'Inde ;
les marchés automobiles en Inde ; et les risques et opportunités.
Je dirai également quelques mots de notre stratégie
internationale.
Quelle vision de l'Inde ? C'est effectivement la vision
générale, c'est-à-dire une date clé avec une
rupture de la politique économique de 1991, un modèle de
développement très intéressant et très
différent du modèle chinois, pays qui nous intéresse
également, une tendance à la croissance du PNB forte, mais moins
forte que celle de la Chine, puisque pour l'Inde, nos hypothèses sont de
6 à 7 % par an, ce qui, avec une croissance démographique
encore très forte, conduit à 4 ou 5 % par an, pour la
croissance par tête. Le niveau de vie de départ moyen est
très bas : 300, 350 dollars réels par personne, bien qu'en
matière automobile comme en matière de consommation, le niveau de
vie ne doit pas être mesuré uniquement en dollars réels,
mais en dollars mesurés selon la parité du pouvoir d'achat. Si
l'on retient cet indicateur, le niveau moyen indien dépasse nettement
les 1.000 dollars.
Enfin, la répartition des revenus, point important pour nous. Elle
permet une classe aisée. Nous avons tendance, en automobile, à
parler de classe aisée quand la richesse par tête, de cette
classe, dépasse 10.000 dollars en parité de pouvoir d'achat.
En Inde, il y a, pour nous, environ 10 millions de personnes qui ont un revenu,
une richesse annuelle, supérieure à 10.000 dollars, en
parité de pouvoir d'achat par an.
Par ailleurs, il y a émergence, derrière cela, d'une classe
moyenne. Là, nous avons tendance à appeler classe moyenne la
tranche de population qui a un PIB, un revenu par tête, supérieur
à 5.000 dollars, en parité de pouvoir d'achat par an. En plus des
10 millions qui ont plus de 10.000 dollars, il y a 40 millions de
personnes qui ont plus de 5.000 dollars.
Cette vision de l'Inde un peu particulière me mène au
deuxième point qui est le marché automobile. En marché
automobile, au niveau mondial, dans le cadre de tous les pays, tant pays
développés que pays émergeants, on constate une
corrélation très directe entre le marché automobile des
véhicules particuliers et des véhicules utilitaires
légers, et le nombre de personnes qui ont, dans un pays, un revenu
supérieur à 10.000 dollars en parité de pouvoir
d'achat par an. Cela veut dire que le marché indien, à ce jour,
pour nous, en matière automobile, est un marché d'environ 10
millions de personnes.
Cela marche pas trop mal, lorsqu'on regarde les chiffres et que l'on compare
avec la France. Vous allez le voir.
Avant 1991, le marché automobile indien était un marché
d'environ 250000 véhicules particuliers et utilitaires légers,
au-delà d'un marché très important des 2 et 3 roues qu'il
faut souligner. Ce marché était alimenté par des
véhicules de fabrication locale de technologies des années 50,
60.
Là, comme partout, 1991 marque un changement radical. En effet, la
motorisation de la classe moyenne et de cette classe qui commence à
pouvoir accéder à l'automobile se produit. Elle se produit
notamment par des véhicules à des prix très bas - le
véhicule national indien qui est le véhicule fabriqué par
la joint venture qui existe entre le gouvernement indien et la compagnie
japonaise Suzuki- avec des véhicules dans la zone des 5.000 à
6.000 dollars de prix d'achat.
Dans ces conditions, le marché actuel, en 1995, s'établit
à 500.000 véhicules, véhicules particuliers, plus
petits véhicules utilitaires. Je vous disais tout à l'heure que
cela correspond à un marché de 10 millions de personnes
ayant un revenu supérieur à 10.000 dollars. En France, nous avons
environ 50 millions de personnes qui ont un revenu supérieur à
10.000 dollars, vous voyez que l'on est dans le ratio : le marché
français total VP + VU étant de l'ordre de 25.000.000, un
marché de 500000 représente en effet cette équation
que j'indiquais tout à l'heure.
A long terme, avec des taux de croissance du revenu par tête de 5 %
par an, vers 2010, les 40 millions de personnes qui, actuellement, ont un
revenu de l'ordre de 5.000 dollars, auront doublé leur revenu. On aura,
en 2010, un marché potentiel d'une population d'environ 50 millions de
personnes, ce qui veut dire un marché potentiel VP + VU supérieur
à 2 millions, si l'on prend différents modèles
mondiaux.
Il faut souligner l'autre marché qui nous intéresse et qui est
celui des véhicules industriels. C'est actuellement un marché de
50.000 véhicules -autocars, autobus, camions moyens-. Ce marché
va encore se développer en volume, mais il se développera surtout
en changeant de nature, c'est-à-dire en se transformant, petit à
petit, d'un marché de camions moyens, d'autobus bâtis sur des
châssis de camions, en un marché suivant le cours du
développement du pays, avec des véhicules plus haut en gamme,
plus lourds, et à condition que les infrastructures suivent car si on a
des gros camions entre les villes, encore faut-il avoir des routes ou des voies
rapides pour qu'ils puissent rouler dessus, et si possible avec peu d'octroi
entre les régions, comme c'est le cas actuellement, aussi.
Quels risques et quelles opportunités ? Une remarque
générale : attaquer le marché automobile indien,
c'est s'installer industriellement sérieusement, c'est-à-dire
s'intégrer fortement, du fait des barrières douanières, de
la parité de la roupie, et de la politique du gouvernement indien.
Faut-il le faire seul? Cela est maintenant possible, au moins
théoriquement, avec des partenaires en étant ou non majoritaire.
La politique de Renault est, à l'international, d'aller toujours,
quasiment toujours, avec des partenaires, et quand je dis des partenaires, je
veux dire des partenaires du pays dans lequel nous nous installons, soit des
partenaires ayant déjà une connaissance de l'automobile, soit des
partenaires souhaitant venir dans l'automobile. Nous avons de tels partenaires,
dans les pays où nous avons des activités très fortes.
C'est le cas en Turquie, où nous avons comme partenaire les caisses de
retraite de l'armée. C'est le cas en Argentine, où nous avons un
partenaire industriel local. En Colombie également.
Le choix des partenaires est un point très important puisque l'on est
amené à prendre un risque financier lourd qui dépend tant
du risque politique que du risque industriel et de marché.
Chez Renault, nous avons une politique internationale dans laquelle nous avons
donné une priorité, au niveau mondial, aux pays où nous
avions déjà une position : Turquie, Europe de l'Est,
Amérique Latine. Mais notre priorité, au-delà de ce
développement de position, est bien sûr l'Asie.
Pour ce qui concerne l'Inde, nous avons beaucoup étudié et
travaillé, depuis 18 mois, sur le marché automobile. Nous sommes
arrivés à la conclusion que, pour nous, le rapport
risque/intérêt était plus intéressant pour commencer
en matière de véhicules industriels. Il y a là une
opportunité qui vient de se placer en termes de produits dans le cadre
de la modification de la demande des véhicules industriels vers des
véhicules plus modernes. Il n'y a pas encore ce passage du
" trop-vide " au " trop-plein " qui est
en train de se
produire en matière automobile. Cela nous a conduit à
décider de privilégier en priorité l'approche du
marché indien par notre filiale Renault Véhicules Industriels,
l'automobile étant une étape d'observation active tant pour les
véhicules particuliers que pour les véhicules utilitaire.
C'est une réflexion que nous avons assez globalement, non seulement sur
l'Inde mais généralement sur l'Asie. Je reconnais que nous
n'avons pas, dans le développement de notre présence en Inde, la
vitesse des Formule 1 que nous motorisons, mais nous pensons et nous
travaillons pour y faire quelque chose.
M. le Président
. -
Merci. Je passe la parole à M.
Francis Girault, au nom du groupe Elf-Aquitaine.