III. LA GUERRE CIVILE (ET INTERNATIONALE) DE QUINZE ANS : LA MISE ENTRE PARENTHÈSES DE L'ETAT

Pour reprendre les propos de M. Bahige Tabarrah, Ministre de la Justice, la guerre qui a débuté en 1975 a été " longue, coûteuse et plus grave proportionnellement que la Seconde Guerre Mondiale pour la France ".

Cette guerre civile a également présenté un caractère national car le Liban a connu successivement l'arrivée de l'Armée syrienne sous les couleurs de la Force Arabe de Dissuasion et l'invasion de l'armée israélienne qui, dans le cadre de l'opération " Paix pour la Galilée ", a occupé une partie du Liban de 1982 à 1985.

Aujourd'hui encore, de nombreux Libanais considèrent que ce conflit n'a pas été vraiment le leur, comme s'il s'agissait d'un complot ourdi par des puissances étrangères.

A. LA CAUSE PRINCIPALE DU CONFLIT LIBANAIS : LA PRÉSENCE DE QUELQUE 400 000 PALESTINIENS (100 000 EN 1948)

Sans entrer dans le débat nécessairement complexe sur les multiples causes du conflit libanais, il faut rappeler que les premiers affrontements trouvent leur origine dans la présence de Palestiniens.

L'Accord du Caire, signé le 3 novembre 1969 dans des conditions aujourd'hui encore obscures 12( * ) , confirme la liberté de déplacement des " fedayin " en armes vers les zones de combat du Sud, sous la réserve, sans doute formelle, que " les autorités libanaises continuent à exercer leurs complètes attributions et responsabilités dans toutes les régions libanaises en toutes circonstances ".

Ainsi, après les massacres de septembre 1970 en Jordanie, le Liban devient le premier centre de la résistance palestinienne, si bien qu'Israël regarde le Liban comme le danger principal.

Peu à peu, les Palestiniens acquièrent un rôle politique et militaire de première importance. Ils représentent en effet plus de 15 % de la population et comptent plusieurs dizaines de milliers de combattants, soit plus que l'armée libanaise composée seulement de 15 000 hommes.

Comme l'a rappelé l'un de nos interlocuteurs, les Palestiniens " tiennent " le Liban au début des années 1970. Ils mettent le pays en coupe réglée, multiplient les contrôles et se substituent de plus en plus aux autorités libanaises. Les camps palestiniens finissent par constituer un Etat dans l'Etat.

Kamal Joumblatt l'avait souligné dans un entretien au Nouvel Observateur :

" Nous avons été gênés par la tutelle permanente qu'ils exerçaient sur nous. Ils ont toujours pratiqué une sorte de mandat. Ils contrôlaient les circuits de ravitaillement. Nous devions passer par eux pour obtenir des armes. "

De fait, les Palestiniens ont vu dans le Liban le maillon le plus faible de la chaîne des Etats qui entourent Israël.

Le ressentiment accumulé contre les Palestiniens explique les premiers affrontements en 1975 entre les milices chrétiennes et les Palestiniens assistés par des " forces islamo-progressistes ". Un an après, les Syriens interviennent pour séparer les combattants, sans doute aussi pour éviter une victoire décisive des Palestiniens.

Au lendemain de la guerre, les Palestiniens, même s'ils ont été cantonnés dans des camps disséminés à travers le pays, continuent à représenter une bombe à retardement, un véritable brûlot pour le Liban, en même temps qu'un problème de nature humanitaire géré par l'ONU.

L'incertitude demeure sur leur importance numérique qui, selon certaines estimations, varie entre 300 000 et 400 000 personnes, car de nombreux Palestiniens seraient partis à l'étranger.

Quoi qu'il en soit, les Palestiniens suscitent une réaction de rejet . Les Libanais semblent en particulier hostiles à toute mesure qui pérenniserait leur situation soit comme citoyens, soit comme résidents permanents. La naturalisation de 400 000 Palestiniens poserait en outre le problème de l'équilibre entre les chrétiens et les musulmans et se heurterait en tout état de cause à l'hostilité des Chiites, dans la mesure où les Palestiniens sont en très grande majorité de confession sunnite.

Certes, les mariages mixtes peuvent favoriser l'intégration de quelques Palestiniens car, si le mari est de nationalité libanaise, les enfants d'une Palestinienne acquerront cette nationalité.

Mais par principe, comme l'a marqué l'un de nos interlocuteurs, les Palestiniens doivent rester " un problème temporaire " qui doit trouver sa solution dans le règlement du conflit israélo-arabe.

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