TITRE II
LES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES
D'AOÛT-SEPTEMBRE 1996
UN SCRUTIN ORGANISÉ DANS UN PAYS
OCCUPÉ
Le Liban présente cette particularité d'avoir
sur son sol quatre armées :
- l'Armée libanaise (60 000 hommes)
- l'Armée syrienne (35 000 hommes)
- l'Armée israélienne
- l'Armée du Liban-Sud (ALS), auxiliaire des forces isréaliennes.
Si le stationnement des troupes syriennes est plus ou moins bien
toléré, les forces armées israéliennes, de
même que l'armée du Liban-Sud, font l'objet d'un rejet de
l'ensemble de la population libanaise, d'autant que les Israéliens
maintiennent le blocus des parts du Liban-Sud comme Saïda en
empêchant les bateaux d'aller au-delà d'une bande de
10 kilomètres.
I. UNE QUESTION CRUCIALE POUR L'AVENIR DU LIBAN : LE RETRAIT DE L'ARMÉE ISRAÉLIENNE DU LIBAN-SUD
Si Israël n'a aucune revendication territoriale à
l'égard du Liban, l'armée israélienne occupe une
zone
de sécurité
de 1 000 km
2
soit le
dixième du territoire libanais.
Les Israéliens sont assistés par l'armée du Liban-Sud
composé de Libanais orginaires de cette zone.
La rencontre avec le lieutenant Colonel de Chambord, commandant par
intérim des Forces Françaises de la FINUL et plusieurs militaires
du contingent français a permis de recueillir des informations sur cette
armée qui s'apparente plutôt à une milice stipendiée
par Israël et forte de 3 000 hommes de toutes confessions.
A l'origine, l'ALS comprenait exclusivement des chrétiens qui ont
enrôlé ensuite de force des musulmans, chaque famille devant
verser le tribut d'un jeune.
Que vont-ils devenir dans l'hypothèse d'un accord de paix avec
Israël ?
Les militaires de l'ALS qui n'ont aucun crime à se reprocher
bénéficieront vraisemblablement d'une amnistie au nom de la
nécessaire réconciliation interlibanaise et seront, le cas
échéant, intégrés dans l'armée libanaise.
Mais selon toute vraisemblance, les responsables de l'ALS n'auront d'autre
possibilité que de se replier en Israël. Un problème sans
solution évidente se posera pour certains éléments qui ne
seront accueillis ni par Israël ni par le Liban.
Dans cette zone occupée, les administrations libanaises, la gendarmerie
et la sûreté générale fonctionnent comme dans le
reste du pays. De même, les habitants ont pu participer aux
élections législatives, des urnes ayant été
installées à Beyrouth ou à la périphérie de
la zone de sécurité. A la différence du scrutin de 1992,
les israéliens et l'ALS ont laissé les électeurs de la
zone de sécurité accomplir leur devoir électoral.
Les Israéliens et leurs " supplétifs " doivent faire
face à la Résistance, c'est-à-dire au Hezbollah et dans
une moindre mesure au mouvement Amal qui de temps à autre se livre
à des actions pour tenter de montrer qu'il continue à exister.
A ce sujet, il faut noter que le Hezbollah est la seule milice qui n'ait pas
été désarmée, car il symbolise la résistance
à l'occupant israélien et en tant que tel bénéficie
d'une grande popularité auprès des Libanais. Le Hezbollah
constitue une forme de maquis qui harcèle les positions des
Israéliens et de leurs alliés. Mais la riposte israélienne
équivaut au décuple de l'action de résistance menée
par le Hezbollah.
Quant aux militaires de la FINUL (4 500 hommes dont
250 Français qui assurent la protection et la
sécurité de l'état-major de la FINUL), ils ont pour
principales missions d'assurer le retrait des Israéliens et d'aider le
Gouvernement libanais à restaurer son autorité sur la bande
frontière du Liban-Sud.
En avril dernier,
l'opération " Raisins de la
colère " lancée par Israël au Liban-Sud a
provoqué l'apparition d'un concensus national en donnant une
légitimité renforcée au triumvirat qui préside aux
destinées du Liban
. Les trois présidents (de la
République, du Conseil et du Parlement), par delà leurs
divergences, ont su travailler ensemble à la recherche d'une solution
politique. L'opposition, y compris les milieux maronites, ont respecté
une forme de trêve et les Libanais ont fait preuve d'une très
grande solidarité à l'égard des
250 000 personnes chassées du Liban-Sud par les bombardements
israéliens.
Le Président du Conseil, M. Rafic Hariri, apparaît comme le
grand bénéficiaire de cette " Union sacrée " :
par ses réactions, il a su consolider sa stature de leader charismatique
qui dépasse les frontières communautaires.
Dans le même temps, l'intransigeance d'Israël a eu pour effet
indirect d'améliorer l'image du Hezbollah, à la fois mouvement de
libération et force politique qui s'est parfaitement
insérée dans le paysage politique libanais.
Quoi qu'il en soit, l'opération " Raisins de la
colère " s'est achevée le 26 avril par la conclusion
d'un cessez-le-feu interdisant les opérations de destruction à
partir de zones habitées ; la surveillance de cet accord a
été confiée à un comité comprenant outre le
Liban et Israël, la Syrie, les Etats-Unis et la France. En deux mois
d'activité, ce comité a examiné quatre plaintes dont trois
libanaises.
Comme l'a souligné le Président de la République, M. Elias
Hraoui, le Liban-Sud constitue le problème majeur du Liban, car
l'occupation israélienne sert de prétexte ou de justification
au maintien au Liban de l'armée syrienne
. Le Liban est en quelque
sorte pris entre le marteau israélien et l'enclume syrienne.