III. LE PROLONGEMENT DU DÉBAT SUR LA CIG : LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE LONDRES (22-23 FÉVRIER 1996)
Poursuivant ses débats de juin et de décembre 1995 sur la CIG, l'Assemblée de l'UEO devait les conclure lors d'une session extraordinaire, qui s'est tenue à Londres les 22 et 23 février 1996. L'Assemblée a ainsi arrêté sa position à quelques semaines de l'ouverture à Turin de la Conférence intergouvernementale de l'Union européenne. Le thème de cette session était l'organisation de la sécurité en Europe, aussi bien dans son aspect défense que dans ses aspects politiques.
1. Les aspects défense : le rapport BAUMEL
Dans son rapport (doc 1510 et amendements) sur le thème "Organiser la sécurité en Europe - aspects défense", M. Jacques BAUMEL, député (RPR) Président de la commission de défense de l'Assemblée de l'UEO, a rappelé qu'il n'y aura pas d'Europe réelle sans une Europe de la défense. Il faut donc "réaffirmer clairement l'importance d'une identité européenne de défense et rappeler que seule l'EO, organisation de défense éprouvée, peut faire avancer cette notion de défense européenne". Estimant que cette session extraordinaire est "un moment important dans l'histoire de l'UEO, c'est-à-dire dans l'histoire de l'Europe", le rapporteur a indiqué que l'UEO se trouve confrontée à un double défi :
"Le premier défi, c'est de continuer à fonctionner comme organisation de sécurité élargie à l'ensemble du continent européen, c'est-à-dire d'accepter un certain nombre de nouveaux partenaires qui sont, soit des pays de vocation neutraliste, soit des nouvelles démocraties de l'est C'est un problème politique important, il faut y réfléchir. Cette organisation de sécurité élargie au continent pose un certain nombre de problèmes, notamment celui de faire coopérer des pays qui ont une volonté de défense et des pays qui - il ne faut pas le leur reprocher - ont une tout autre conception de la politique étrangère et de la sécurité.
Deuxième défi : il faut que notre UEO retrouve une vocation qui est celle de l'organisation de la défense de l'Europe, en liaison, bien entendu, avec l'organisation de l'Alliance atlantique. Il n'est pas question de vouloir créer en dehors de l'Alliance atlantique une autre organisation rivale, mais il n'est pas question non plus, au nom du refus du dédoublement des structures, d'empêcher l'UEO de posséder des moyens d'opérabilité, de logistique, de renseignement et de transport sous prétexte qu'ils existent déjà à l'OTAN et qu'il est par conséquent inutile d'essayer de les créer autour de l'Union européenne, car cela voudrait dire que nous sommes totalement entre les mains de l'OTAN. Dans la mesure où l'OTAN veut bien nous attribuer ses moyens, nous sommes opérationnels ; si elle refuse, nous n'avons d'autre choix qu'une position très frileuse et particulièrement négative".
Le moment est venu de faire des propositions dans le domaine militaire et stratégique. Le rapporteur demande le renforcement de la cellule de planification et des moyens logistiques de l'UEO en particulier du corps européen. Il plaide pour le maintien de l'existence d'un pôle européen autonome, étroitement lié à l'OTAN, totalement en accord avec elle, mais "d'un pôle européen qui puisse si on le veut, manifester sa puissance".
Évoquant les différentes conceptions de la défense cohabitant au sein même de l'UEO, notamment avec la présence de pays de tradition neutraliste, M BAUMEL estime que s'il faut effectivement des passerelles entre l'UEO et l'OTAN, il en faut également entre tous les pays qui font partie de l'Union européenne. Pour M. BAUMEL "autant il est souhaitable de s'ouvrir à un certain nombre de pays de l'est, autant il est nécessaire que les décisions essentielles de sécurité et de défense soient réservées à des pays qui ont la volonté de les appliquer sans être gênés par d'autres, qui veulent bien participer à l'institution sans assumer les risques et les responsabilités que cela comporte."
"Comment peut-on accepter que des États membres de notre association qui, dans nos réunions, défendent l'Europe plus que tout autre signent, une fois rentrés chez eux, des contrats pour l'achat d'un hélicoptère américain de préférence à un hélicoptère européen et, chaque fois qu'il est possible de le faire, négligent la préférence européenne pour l'équipement de leurs armées ?", a déclaré M BAUMEL
Déplorant que l'UEO n'ait joué aucun rôle après la chute du mur de Berlin et singulièrement en Bosnie, M BAUMEL a affirmé "l'Europe ne sera et ne survivra que si elle sait prendre des risques pour son avenir."