III. LES MOYENS INCERTAINS DE FAIRE PRÉVALOIR UNE VOIX PROPRE SUR LA SCÈNE INTERNATIONALE
La scène internationale offre au Canada la possibilité de conforter une identité que la crise du fédéralisme met en cause sur le plan intérieur. A cet égard le poids des relations avec les Etats-Unis et l'influence qu'ils exercent sur le Canada peuvent apparaître à la fois comme une contrainte mais aussi comme une invitation à faire entendre une voix propre. Le Canada s'est-il toutefois donné les moyens de concrétiser l'affirmation d'une identité propre à l'extérieur de ses frontières ? L'examen de la politique étrangère et de la défense ne permet pas de donner une réponse assurée à cette question.
A. LES OBJECIFS CONTRASTÉS DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE CANADIENNE
1. Une gageure : diversifier ses partenaires
a) Les relations avec les Etats-Unis : une marge de manoeuvre étroite pour le Canada
L'importance des relations avec les Etats-Unis relève moins d'un choix délibéré que d'un fait imposé par la géographie et renforcé encore par l'intensité des échanges commerciaux. La part des exportations destinées aux Etats-Unis est ainsi passée de 56 % en 1960 à 80 % aujourd'hui.
Qu'il s'agisse de s'en démarquer ou, plus souvent, de les soutenir, les Etats-Unis restent la référence constante de la politique étrangère du Canada.
Les relations entre Washington et Ottawa ont été placées sous le signe d'une convergence presque totale sous le mandat de M. Brian Mulroney. Le retour au pouvoir des libéraux en 1993 a aussi coïncidé avec la promulgation de l'ALENA et l'apparition des contentieux liés à la mise en oeuvre de l'accord. M. Jean Chrétien a conditionné l'entrée en vigueur de l'accord à la renégociation d'un dispositif garantissant le maintien de certaines subventions et prohibant le dumping. Par ailleurs Ottawa a obtenu la reconnaissance, à son profit, d'une clause d' « exception culturelle » permettant, notamment, de soumettre à l'autorisation des pouvoirs publics toute acquisition dans le domaine de la culture.
Les débats se sont cristallisés sur la sauvegarde de l'identité culturelle canadienne . Les Américains contestent ainsi la décision d'Ottawa de taxer à hauteur de 80 % les recettes publicitaires réalisées par les éditions canadiennes des magazines étrangers (qui représentent les 4/5e des magazines vendus au Canada). En outre Ottawa s'est opposé à l'implantation d'une grande chaîne américaine de librairies au Canada. Les exemples dans ce domaine pourraient être multipliés mais les contentieux portent également sur les productions de bois d'oeuvre, l'agroalimentaire, les céréales.
Le Canada, placé sur la défensive sur ces sujets, reproche de son côté aux Etats-Unis d'interpréter les dispositions de libre-échange selon ses seuls intérêts. Ainsi le ministre du commerce extérieur, M. Arthur Egleton, a dénoncé la décision américaine prise en mars 1996 (loi Helms-Burton) de pénaliser les entreprises étrangères commerçant avec Cuba. Au retour au pouvoir des libéraux, le Canada avait repris son aide en faveur de Cuba.
Malgré ces différents contentieux, inévitables du fait de relations commerciales d'une telle densité, les liens entre le Canada et les Etats-Unis restent d'une inébranlable solidité. Ottawa peut, en particulier, se flatter de la préférence manifestée par les Etats-Unis, pour un « Canada fort et uni », même si, comme le reconnaissent les Américains, il revient aux seuls Canadiens de se prononcer sur cette question.
b) L'ouverture vers les continents asiatique et latino-américain
Le Canada, soucieux de ne pas s'enfermer dans un tête-à-tête exclusif avec les Etats-Unis, a souhaité diversifier ses partenaires.
Les liens avec l'Europe se présentaient comme un axe privilégié de cette politique de diversification.
Le Canada ne doit-il pas sa naissance au refus des loyalistes anglais de se joindre au mouvement d'indépendance des Etats-Unis ? N'a-t-il pas maintenu, au-delà du pacte entre les deux peuples fondateurs, une fidélité institutionnelle qui perdure encore aujourd'hui, à la Couronne britannique mais aussi une défense de la francophonie, consacrée par la reconnaissance officielle du bilinguisme ? L'engagement du Canada aux côtés des Alliés lors des deux conflits mondiaux porte témoignage de la force des liens entre le Canada et les deux « nations fondatrices ».
L'histoire disposait ainsi le Canada à regarder du côté de l'Europe et peut-être à servir de médiateur entre le vieux continent et les Etats-Unis.
Le rapport parlementaire sur la politique étrangère du Canada rendu public à la fin de l'année 1994 traduit cependant l'évolution des esprits. Les priorités géographiques, selon les rédacteurs du texte, se sont déplacées vers l'Asie et l'Amérique latine. L'Europe se trouve cantonnée à une place marginale et seule sa puissance commerciale reste prise en compte. Sans qu'il faille donner à ce rapport une influence excessive dans les orientations de la politique étrangère, les liens transatlantiques ont eu tendance à se relâcher.
Les relations revêtent désormais une dimension principalement économique. Elles se fondent sur un dialogue régulier entre le Canada et l'Union européenne, formalisé par la déclaration de novembre 1990 . Le Canada souhaiterait que ces consultations puissent déboucher sur un plan d'action, éventuellement assorti d'une déclaration politique, avant la fin de la présidence italienne en juin prochain. Toutefois le rapprochement des vues entre les deux côtés de l'Atlantique doit surmonter deux types d'obstacles. En premier lieu les conflits d'intérêt restent vifs, notamment dans le domaine de la pêche, comme l'a souligné en 1995 le grave différend sur la répartition des quotas de flétan noir dans l'Atlantique nord. Cependant, un accord a pu être signé qui règle la question. Le second obstacle risque d'être levé plus difficilement car il tient à une vision différente que le Canada et l'Europe portent sur la nature de leurs échanges : le premier entend promouvoir une « zone transatlantique de libre-échange » (« ZTLE » ou proposition Chrétien/Mc Laren) tandis que la seconde souhaite préserver les principes des politiques communautaires, notamment dans le domaine agricole.
Le Canada se tournerait-il aujourd'hui plus volontiers vers l'Amérique latine et l'Asie ? L'intérêt commercial du Canada semble commander ces nouvelles priorités géographiques. Mais ces orientations ne répondent pas aux seules considérations commerciales ; le Canada ne peut se désintéresser du continent asiatique qui assure 60 % de l'immigration canadienne (contre 10 % à l'Europe).
Ces priorités se sont concrétisées en Asie par la participation du Canada à la Coopération économique en Asie-Pacifique (APEC). Vancouver accueillera en 1997 le sommet de cette organisation. Le Canada souhaite en effet renforcer une intégration avec les économies asiatiques dont le dynamisme a eu un effet d'entraînement sur la façade pacifique.
Par ailleurs Ottawa aspire à développer sa présence en Amérique latine où -à l'exception des Caraïbes- il était resté en retrait par rapport aux États-Unis. Le Canada a ainsi adhéré à l' Organisation des Etats américains (OEA) en 1990. Après la percée canadienne sur le marché mexicain à la suite de la conclusion de l'ALENA, Ottawa défend un élargissement rapide de l'accord à d'autres pays d'Amérique Latine. Les réticences américaines ont conduit cependant le Canada à engager en 1996 des négociations avec le Chili afin d'aboutir à un accord bilatéral de libre-échange. Ottawa pose ainsi un premier jalon dans un processus de rapprochement avec le marché commun de l'Amérique du Sud (Mercosur, fondé en 1991 par l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay).
2. Une diplomatie de plus en plus soucieuse des intérêts commerciaux
La diversification des partenaires n'était pas la seule façon pour le Canada d'échapper à l'emprise du grand voisin du sud. Ottawa a cherché en effet à promouvoir une diplomatie centrée sur la promotion du multilatéralisme. Cependant cette orientation qui se démarque indéniablement des positions des Etats-Unis, s'efface parfois devant une politique étrangère axée sur la défense des intérêts économiques du Canada.
a) Le multilatéralisme
Il était normal que le Canada, traditionnellement très critique à l'encontre des méthodes unilatérales du voisin américain, défendît les principes de la concertation et de la coopération. Il peut s'appuyer sur un vaste réseau d'organisations dont il est membre : OTAN, Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), Groupe des sept pays les plus avancés (G7), Commonwealth, francophonie, organisation des Etats américains (OEA).
C'est toutefois dans le cadre des Nations Unies que le Canada s'est montré le plus actif : il figure au 8e rang des contributeurs de troupes aux opérations de maintien de la paix avec près de 3 000 hommes répartis sur 7 théâtres différents. En Haïti, le Canada a assuré la relève des Etats-Unis en prenant le commandement de la composante militaire de la force des Nations Unies à laquelle il contribue par la présence de 750 militaires. Ottawa apporte également à ce pays une assistance économique de l'ordre de 40 millions de dollars canadiens par an.
Ottawa s'acquitte scrupuleusement de sa contribution au budget de l'ONU (estimée à 3,1 % du total). Le Canada participe en outre à la réflexion sur la réforme de l'organisation : au printemps 1994 il proposait que soit donnée une meilleure formation aux « Casques bleus ». Le comité mixte sur la politique étrangère préconisait par ailleurs, dans le cadre de son rapport de 1994, une réforme de l'ONU fondée notamment sur l'élargissement des sièges permanents du Conseil de sécurité à l'Asie, l'Amérique latine et l'Afrique, la limitation du droit de veto, l'exclusion des mauvais payeurs et la création d'une force multinationale permanente.
Le Canada défend également au sein des instances internationales les intérêts du tiers-monde. L'aide qu'il consacre aux pays en développement représente 0,40 % du PIB en 1993 ; la gestion de cette aide par diverses associations installées in situ contribue à en démultiplier les effets. La moitié du soutien canadien est attribuée à l'Afrique.
L'affirmation d'une politique généreuse se heurte cependant aux impératifs budgétaires qui contraignent à réviser à la baisse certaines des orientations de la diplomatie canadienne. Ainsi l'aide au développement de l'ordre de 0,50 % du PIB en 1985 n'a cessé de se réduire depuis dix ans. Par ailleurs, s'agissant des opérations de maintien de la paix, Ottawa souhaite, compte tenu des difficultés budgétaires, concentrer ses efforts sur un nombre de théâtres plus limité.
La contrainte économique ne se manifeste pas seulement par la contraction des dépenses publiques mais aussi, dans un environnement international de plus en plus concurrentiel, par la recherche de nouveaux débouchés pour les productions canadiennes.
Aussi la politique étrangère tend-elle de plus en plus à privilégier la défense des intérêts économiques nationaux.
b) La priorité donnée au développement du commerce extérieur
L'examen des priorités géographiques du Canada a souligné la part prise par les motivations économiques dans la détermination de la politique extérieure.
La priorité accordée au commerce extérieur se manifeste cependant de la façon la plus spectaculaire à travers les déplacements de l' « équipe Canada » associant le Premier ministre fédéral, M. Jean Chrétien, les premiers ministères provinciaux et les hommes d'affaires. Destinée à procurer des contrats aux entreprises canadiennes, l' « équipe Canada » s'est rendue en Amérique latine et, à deux reprises, en Asie, en novembre 1994 (avec une étape importante en Chine) et en janvier 1996 (Inde, Pakistan, Indonésie, Malaisie). Ces périples ont-ils porté leurs fruits ?
Alors que les échanges commerciaux du Canada avec l'Inde, le Pakistan, l'Indonésie et la Malaisie s'élevaient au total à 3,5 milliards de dollars canadiens en 1994, les organisateurs escomptaient obtenir la signature de contrats pour une valeur de 2 milliards de dollars canadiens. Les résultats ont passé les espérances puisque les contrats pourraient dépasser 9 milliards si l'on ajoute aux contrats commerciaux (2,862 milliards) les lettres d'intention (6,276 milliards).
La politique étrangère du Canada paraît ainsi de plus en plus commandée par l'objectif d'ouvrir de nouveaux marchés aux entreprises nationales quitte, comme l'a parfois regretté la presse à propos des déplacements de « l'équipe Canada », à « faire passer les problèmes des droits de l'homme au second plan des préoccupations ».
Le nouveau ministère des affaires étrangères, M. Lloyd Axworthy, souhaite redonner toute sa place à la défense des droits de l'homme et aux thèmes traditionnels d'une diplomatie soucieuse de favoriser le multilatéralisme. Mais la priorité accordée à l'assainissement des finances publiques lui fixe des marges de manoeuvre très réduites. Sans doute la diplomatie commerciale a-t-elle encore de beaux jours devant elle.
B. LE RÉEXAMEN DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE
La fin de l'ordre bipolaire a conduit le gouvernement canadien à entreprendre une réflexion sur sa politique de défense. Le livre blanc rendu public en 1994 ne remet pas en cause les trois grands objectifs traditionnels :
- la protection de la souveraineté et la prise en charge de certaines missions civiles (lutte contre le trafic des stupéfiants...) ;
- la participation à une défense collective, dans un cadre bilatéral -avec les Etats-Unis, pour assurer la sécurité du continent nord-américain-, ainsi que dans un cadre multilatéral, l'OTAN ;
- enfin, le soutien aux opérations de maintien de la paix principalement conduites sous l'égide des Nations Unies.
Toutefois le Livre blanc, inspiré également par l'effort de rigueur budgétaire, préconise une réduction des effectifs et des équipements.
Comment cette contraction des moyens n'aurait-elle pas pesé sur l'exercice par l'armée canadienne de ses missions traditionnelles ?
1. L'instrument de défense placé sous contrainte budgétaire
Les effets des restrictions budgétaires doivent être appréciés au regard d'une donnée fondamentale de la défense canadienne : l'alliance avec les Etats-Unis. La défense du territoire canadien intéresse en effet au premier chef la sécurité américaine ; aussi l' accord NORAD (North American Aerospace Defense) garantit-il une défense aérospatiale commune dont le coût est couvert à 90 % par Washington.
Cet accord, signé en 1959, a été renouvelé en mars 1996 pour cinq ans dans une version rénovée qui prend mieux en compte la défense antimissiles et la protection de l'environnement arctique.
Dès lors le Canada peut compter, malgré la contraction de son outil de défense, sur un soutien garanti des Etats-Unis au risque, bien sûr, de dépendre plus étroitement encore des décisions prises à Washington.
a) Les bases de l'organisation et du fonctionnement de l'armée canadienne restent préservées
* L'organisation
Le gouverneur général du Canada assure en principe le commandement en chef des forces canadiennes, même si, de facto, cette responsabilité incombe au Cabinet fédéral.
Le ministre de la défense, poste occupé aujourd'hui par un francophone, M. Collenette, dirige les forces armées, assisté par un sous-ministre, principal conseiller civil, et un chef d'état-major de la défense, le général Boyle.
Les forces armées s'ordonnent autour de trois commandements : forces terrestres (réparties entre quatre secteurs géographiques : Ouest, Centre, Québec, Atlantique), forces maritimes, forces aériennes. Les trois quartiers généraux (Saint-Hubert pour l'armée de terre, Halifax pour la Marine, Winnipeg pour l'armée de l'air) sont en cours de regroupement au quartier général de la défense nationale à Ottawa.
L'organisation de la défense tient compte des particularités liées au bilinguisme . Il existe ainsi quatre types d'unités entre lesquelles les francophones se répartissent selon les proportions suivantes : 39 % d'entre eux sont affectés dans des unités de langue française, 18 % dans des unités de langue anglaise, 40 % dans des unités bilingues et 3 % dans des unités de langue non désignées. Si la répartition entre francophones et anglophones au sein des forces armées (respectivement 28 % et 72 % des effectifs) paraît équitable, des progrès restent à accomplir pour assurer une meilleure représentation des francophones aux grades de lieutenant-colonel et de colonel (respectivement 19 % et 16 % de francophones en 1994). La part des francophones devrait être portée, au terme des objectifs affichés par le gouvernement fédéral, à hauteur de 27 % dans tous les grades et spécialités.
* Les hommes et les moyens
Les effectifs sont aujourd'hui de l'ordre de 70 000 personnels d'active, dont 12 000 pour la Marine, 28 000 pour l'armée de l'air, 30 000 pour l'armée de terre. Les personnels civils sont quant à eux, au nombre de 30 000.
Dans le cadre du concept de « Forces totales », la Défense fait appel à des réservistes pour constituer des groupements mixtes avec des personnels d'active. Ainsi les effectifs d'un groupe brigade comprennent en principe 45 % de réservistes (mais cette proportion peut aller jusqu'à 90 % dans certains cas).
La réserve se compose de volontaires et comprend 4 catégories (la première réserve -terre, mer, air, communication- la réserve supplémentaire, le cadre des instructeurs, les rangers).
Le concept de « forces totales» prend naturellement une importance accrue à l'heure où se réduisent les forces d'active.
Quant aux équipements, ils se composent d'une centaine de chars de combat Léopard et de plus de 800 véhicules blindés légers pour l'armée de terre, de 4 destroyers lance-missiles, 15 frégates et 3 sous-marins pour la marine, de 120 aéronefs de combat et d'environ 45 avions de transport de soutien pour l'armée de l'air.
b) La contraction des crédits
Le budget de la défense pour l'exercice 1995-1996 s'élève à 11,08 milliards de dollars canadiens (soit 40 milliards de francs). 67 % des crédits sont affectés aux dépenses de fonctionnement. La baisse des crédits (- 4 % par rapport à l'exercice précédent) s'inscrit dans un mouvement entamé depuis plusieurs années.
L'effort passe par la rationalisation des infrastructures (fermeture de 2 bases et de plusieurs établissements) mais aussi et surtout par la réduction des effectifs . En effet, un plan étalé sur cinq ans (de 1994 à 1999) prévoit une baisse de 20 % des personnels d'active et de 38 % du personnel civil. Par ailleurs, pour la première fois, le budget 1995-1996 envisage une contraction du nombre des réservistes de 29 400 en 1994 à 23 000 en 1999 (voire 14 500 si les conclusions d'une commission spéciale sur la restructuration de la réserve des forces canadiennes, rendue publique en octobre 1995, se concrétisent).
Les réductions budgétaires ne devraient pas en principe affecter les principaux programmes des forces d'équipement. Mais le budget d'équipement apparaît déjà limité en comparaison du budget de fonctionnement, alors même que de nombreux matériels arrivent aujourd'hui en fin de vie.
Dans ce contexte budgétaire difficile il était inévitable que les missions de l'armée canadienne fussent revues à la baisse.
2. Un désengagement militaire canadien de l'Europe
a) Une position favorable à la rénovation de l'Alliance Atlantique
Le Canada a appuyé le processus d'adaptation de l'Alliance atlantique au nouveau contexte de sécurité issu de l'effondrement de l'Union soviétique : « nouveau concept stratégique » adopté lors du Sommet de Bruxelles en janvier 1994, définition des nouvelles missions, en particulier pour le maintien de la paix. Le Canada se montre également favorable à l'émergence d'une identité européenne de défense.
La position du Canada à l'égard de l'élargissement de l'OTAN aux pays d'Europe centrale et orientale n'est pas sans incidence sur la politique intérieure, compte tenu de la présence au Canada de fortes minorités d'origine est-européenne. Toutefois le gouvernement fédéral affiche sur cette question une grande prudence et, soucieux de ménager Moscou, prône le renforcement du « Partenariat pour la paix ».
b) La remise en cause de la présence militaire canadienne sur le Vieux continent
La participation du Canada au débat actuel sur le rôle et les moyens de l'OTAN contraste avec la réduction progressive de la présence militaire canadienne en Europe.
En 1994 le Canada procédait au retrait de ses forces stationnées en Allemagne. Par la suite, il rapatriait un groupe bataillon affecté à la force mobile en Norvège. Parallèlement il décidait de réduire de 25 % sa contribution au budget d'infrastructure de l'Alliance et de réaffecter ces fonds à son programme d'aide militaire bilatérale aux pays d'Europe centrale et orientale.
La Bosnie reste aujourd'hui le dernier point d'ancrage de la présence militaire canadienne en Europe . Premier contributeur non européen à la Forpronu (2 000 Casques bleus déployés en Bosnie et Croatie), le Canada a payé un lourd tribut (le plus lourd pour son armée depuis la guerre de Corée) à l'effort d'interposition dans l'ancienne Yougoslavie. Après les accords de paix de Dayton, il a maintenu un contingent réduit de moitié (1 000 hommes) placé sous commandement britannique. Toutefois il a lié son départ à celui des Américains, prévu à la fin de cette année, même si les autorités canadiennes reconnaissent avec regret la fragilité du processus de paix et les risques d'un retrait prématuré.
Quand ce départ se concrétisera, le Canada pour la première fois depuis la dernière guerre mondiale, sera militairement absent de l'Europe.
Le Canada entend désormais mettre l'accent sur les opérations de maintien de la paix mais, dans le même temps, la réduction drastique des effectifs -que ne compense que partiellement le désengagement européen- rend bien incertaine la mise en oeuvre de cette orientation.
En vérité, les responsables canadiens doivent composer avec une opinion sensible, comme aux États-Unis, aux thèmes de l'isolationnisme et du pacifisme.
Dans ce contexte où se conjuguent l'indifférence publique et l'austérité budgétaire, le moral des armées apparaît ébranlé. Les récentes révélations relatives aux exactions commises par des éléments isolés du contingent canadien en Somalie, la polémique quasi quotidienne qu'elles nourrissent sur le rôle des forces armées, ne favorisent certes pas l'instauration, pourtant nécessaire, d'un débat public sur l'esprit de défense et les moyens de le concrétiser.