Ouverture de nouveaux droits aux personnels pour leur offrir des libertés de choix
Possibilités de reclassement volontaire dans la fonction publique nationale, voire territoriale
Ce n'est pas une demande très fréquente parmi
les fonctionnaires travaillant à France Télécom car, d'une
manière générale, leur attachement à l'entreprise
est très fort. Elle se trouve cependant parfois formulée.
Sa satisfaction n'est pas des plus aisées.
En effet, elle suppose que des postes correspondant au profil et aux souhaits
des différentes catégories d'agents de France
Télécom puissent être proposés par des
administrations de l'État ou, éventuellement, par des
collectivités locales
80(
*
)
.
Or, ce n'est pas parce que tous les fonctionnaires sont soumis à des
règles statutaires semblables qu'ils sont interchangeables. Les
propositions risquent donc d'être limitées.
Il n'en demeure pas moins que l'État aura à faire un effort en ce
sens. De plus, avec le développement des
télécommunications, il n'est pas impossible que des
collectivités locales de taille importante soient
intéressées.
Chaque départ de l'agent intéressé par un des postes
proposés devrait alors recevoir l'aval de France Télécom
et l'ensemble des départs volontaires vers une autre administration
devrait être étalé dans le temps. Il ne conviendrait pas
que la mise en oeuvre d'une telle procédure puisse aboutir à
désorganiser l'opérateur. A un moment crucial de son existence,
il ne saurait être amputé brutalement des talents qui font sa
vigueur.
Enfin, les questions d'intégration dans le corps d'accueil devront
être réglées avec le plus grand soin, de manière que
l'arrivée de personnes disposant déjà d'une certaine
ancienneté administrative n'entraîne pas des réactions de
rejet pour cause de concurrence à l'avancement.
Liberté effective pour un fonctionnaire de choisir le statut de salarié de droit privé sous convention collective
Lors de son audition par votre Commission des Affaires
économiques, le 24 janvier 1995, M. Michel Bon, Président de
France Télécom, a fait, à juste titre, valoir que le
statut de fonctionnaire ne signifiait d'aucune manière un cumul
d'avantages et que si ceux en relevant bénéficiaient de la
garantie de l'emploi, leur rémunération n'était pas aussi
élevée, à poste équivalent, que celle de
salariés de droit privé.
Il n'est donc pas à exclure que certains de ceux -notamment dans
l'encadrement- qui ont intégré une administration par goût
du service public et ont, de ce fait, endossé automatiquement le statut
de fonctionnaire puissent être intéressés par un nouveau
type de relation de travail, dès lors que leur employeur serait devenu
une société anonyme.
Cependant, ce choix leur serait, de facto, interdit s'il entraînait perte
de droits à ancienneté ou renoncement à des perspectives
de carrière.
C'est pourquoi, il est
indispensable que la loi mais aussi, en
complément, la convention collective de groupe
recommandée
ci-dessus
précisent de manière rigoureuse les règles
applicables
en une telle circonstance.
A défaut, France Télécom ne disposerait d'aucun argument
particulier pour s'attacher la fidélité de fonctionnaires
expérimentés et talentueux, que la concurrence pourrait tenter de
débaucher avec des salaires plus attractifs que les traitements de la
fonction publique.
Amplification des programmes et des moyens consacrés à la formation professionnelle interne
Les agents de France Télécom formulent souvent
des critiques assez vives sur la manière dont les reclassifications
issues de la réforme de 1990 ont été menées.
Beaucoup estiment, notamment, qu'en l'espèce l'effort de formation
interne a été insuffisant.
Pourtant, à France Télécom, appréciée au
travers des chiffres, la formation professionnelle n'est pas un vain mot.
Globalement, en 1994, un peu plus de 930.000 jours de formation ont
été dispensés, ce qui représente, en moyenne, six
jours de formation par personne. Les dépenses correspondantes
s'élevaient à 2,3 milliards de francs, soit 9,54 % de
la masse salariale : un niveau assez sensiblement supérieur à la
majorité des autres entreprises du secteur.
Les leçons qu'il convient de tirer du bilan social des reclassifications
tout comme l'ampleur des adaptations qu'aura à réaliser
l'opérateur au cours des prochaines années amènent,
néanmoins, à considérer que ces programmes et ces moyens
financiers devront être significativement développés. Le
passage d'une culture professionnelle dominée par le souci de la
qualité d'une offre technique, à une culture visant
l'efficacité de la réponse commerciale à une demande de
services va susciter un immense besoin de formation.
Pour y répondre, l'objectif
d'un budget de 3 milliards de francs
(+ 30 % par rapport à 1994) consacré à des
actions en ce sens dès 1997 n'apparaît pas irréaliste. Il
devrait être retenu dès maintenant et poursuivi sans discontinuer
jusqu'à la fin du siècle.
En outre, il conviendrait que l'entreprise s'attache à recenser et
s'efforce de valoriser mieux qu'aujourd'hui les études que ses
salariés peuvent être amenées à entreprendre ou
à poursuivre parallèlement à leur travail, dans le cadre
du congé formation ou à titre personnel.
Instauration par la loi d'un régime exceptionnel de retraite anticipée pour les fonctionnaires souhaitant quitter une entreprise appelée à perdre son caractère d'administration.
Au cours des nombreux entretiens qu'il a eus avec les
salariés de France Télécom, votre rapporteur a
été frappé par la convergence des témoignages
révélant que, confrontés à la perspective de
l'irruption de la concurrence et de la transformation de France
Télécom en société anonyme à majorité
détenue par l'État, nombre d'agents arrivant en fin de
carrière caressaient l'idée de demander une préretraite.
Psychologiquement, cette attitude se comprend. Il est tout à fait
légitime que des gens ayant mené tous les combats des
télécommunications durant la trentaine d'années
passées hésitent, à deux, trois ou quatre ans d'une
retraite bien méritée, à en entreprendre un nouveau
auquel-qui plus est- leur expérience professionnelle ne les a pas
nécessairement préparée.
Mais, juridiquement, une telle possibilité est aujourd'hui interdite.
Les fonctionnaires n'ont pas de droit à la préretraite.
Ceux
qui ont effectué des services dits actifs se voient reconnaître la
faculté de demander une liquidation de leur pension avant 60 ans,
à 55 ans par exemple
81(
*
)
. Mais, la législation en
vigueur ne permet pas aux agents de l'État de prendre, à leur
demande et avec l'accord de l'employeur, un congé
rémunéré en attendant d'être en mesure de demander
la liquidation de leur pension.
L'accord, signé en novembre 1995 par France Télécom et
quatre syndicats représentatifs du personnel (CFDT, CFTC, CGC, et FO)
n'enfreint d'ailleurs pas cette interdiction. Il met en place un dispositif de
travail à temps partiel
destiné à favoriser le
recrutement de jeunes et à organiser la transmission des
compétences. Il permet, notamment, à tout salarié
âgé de plus de 57 ans, de travailler à 70 % en
étant rémunéré sur cette base.
L'interdit frappant les préretraites de fonctionnaire est logique.
L'État garantit la sécurité de l'emploi à ses
agents et il attend en retour qu'ils le servent jusqu'au terme fixé par
leur statut. S'ils leur reconnaissait le droit à une retraite
anticipée, il pourrait être amené à
rémunérer deux personnes pour un même poste
budgétaire : l'une en préretraite, l'autre occupant le poste. Un
tel modèle serait " explosif " en termes de finances
publiques. Le principe général d'interdiction, pour les
fonctionnaires, des préretraites dont peuvent bénéficier
les salariés du secteur privé est donc incontestable.
Son application rigide aux agents de France Télécom peut
toutefois prêter à discussion. Rares sont en effet les
fonctionnaires auxquels il est demandé,
en cours de
carrière
, de travailler pour une société de nature
commerciale exposée à la concurrence internationale.
Une telle dérogation au pacte général de la fonction
publique ne justifie-t-elle pas une dérogation limitée à
la prohibition des préretraites ?
Votre commission des Affaires économiques répond par
l'affirmative à cette question. Elle propose en conséquence que,
parallèlement à la loi de sociétisation qui modifiera la
loi de juillet 1990, un autre texte soit présenté au Parlement.
Ce dernier
autoriserait
, selon des modalités qui pourraient
être précisées par voie de négociation collective,
les fonctionnaires de France Télécom, âgé de plus
de 56 ou 57 ans à demander à bénéficier d'un
régime exceptionnel de retraite anticipée.
Ce régime serait ouvert, pendant une durée maximale de cinq ans,
à ceux qui le souhaiteraient. Il permettrait que les agents totalisant
déjà 37,5 ans de carrière -parce que l'ayant
commencée avant l'âge de 22 ans et demi- puissent obtenir une
rémunération équivalente, voire supérieure,
à celle de la pension à taux plein qu'ils obtiendraient à
l'âge de 60 ans
82(
*
)
.
Pour les autres, la rémunération pourrait ne pas atteindre
l'équivalent de la pension à taux plein mais correspondre, par le
jeu de bonifications indiciaires, à ce qu'elle serait si elle
était liquidée à l'âge de 60 ans avec le nombre
d'annuités atteintes au moment de la préretraite.
En bref, les personnes optant pour ce régime interrompraient totalement
leur activité et obtiendraient une rémunération
sensiblement supérieure à ce que permet l'actuel accord sur le
temps partiel.
L'instauration d'un tel régime présenterait un
quadruple
avantage
.
Elle serait d'abord une réponse équitable à une demande
sociale légitime.
Elle permettrait surtout d'
ouvrir les portes de l'entreprise, plus
rapidement qu'en appliquant les règles traditionnelles, à des
jeunes en quête d'un emploi.
Au lieu d'attendre deux à trois ans, parfois en
désespérant, la libération d'un emploi à France
Télécom, ceux qui souhaitent exercer leur compétence dans
les télécommunications pourraient immédiatement faire
profiter l'entreprise de l'énergie de leur jeunesse.
C'est pourquoi, même si la lucidité amène à penser
que la concurrence peut amener l'opérateur à être mis
devant la nécessité de réaliser des ajustements
conjoncturels, il ne saurait être accepté qu'un tel régime
puisse être mis en place sans que soit au moins appliquée la
règle de l'accord sur le temps partiel, à savoir : sept jeunes
recrutés et trois voeux de mobilité interne satisfaits pour dix
préretraites.
De cette manière, un régime de retraite anticipée
fondée sur le volontariat pourrait -c'est le troisième avantage-
être
le moyen de rajeunir
la communauté humaine qui compose
la principale force de notre opérateur. En effet, la moyenne d'âge
de son personnel est d'environ 42 ans. Elle va croître
continûment jusqu'en 2010. L'exploitant public n'a donc plus tout
à fait la jeune vigueur des années 70, celles du plan de
rattrapage téléphonique. Or, le défi que va lui lancer la
concurrence serait d'importance équivalente, si ce n'est
supérieure, à celui qu'il a relevé il y a plus de vingt
ans.
Un apport de " sang jeune " dans les années qui viennent lui
ferait donc d'autant plus de bien qu'il permettrait une certaine
régularité des recrutements, alors qu'à suivre la logique
de la pyramide des âges, ceux-ci risquent de subir de forts
à-coups dans les dix ans à venir.
Enfin, la solution préconisée -outre le fait qu'elle donnerait
les moyens d'une adaptation indolore aux contraintes pouvant résulter de
la libéralisation- permettrait
d'organiser un véritable plan
pour l'emploi et d'inscrire la politique de recrutement dans un vaste programme
de formation tant interne qu'en direction des écoles
.
Deux hypothèses sont envisageables pour le financement de ce
régime exceptionnel de retraite anticipée :
Soit les négociations avec l'État sur le transfert des charges
de pension se sont déroulées de la manière
suggérée par le présent rapport et alors, France
Télécom disposera des marges de manoeuvre lui permettant de
financer seule ce régime. Il lui appartiendrait donc de le
négocier avec les syndicats du personnel et de le mettre en place.
Soit, à la suite de ces négociations, l'entreprise n'est plus
à même de consentir cet effort. Il conviendra alors d'explorer
d'autres voies.
Celle que recommande votre commission consisterait à
réserver
un pourcentage
des recettes de sociétisation
à cette
fin.
Le sommes ainsi collectées seraient affectées à une
" caisse pour l'adaptation sociale et l'emploi ", gérée
de manière tripartite par des représentants de l'État, de
l'opérateur et des syndicats du personnel.
Cette caisse -qui pourrait éventuellement prendre la forme d'un
établissement public- disposerait des fonds pendant toute la
durée d'application du régime proposé. Elle financerait le
programme de préretraite, le plan d'embauche et la formation
professionnelle des jeunes recrutés pour remplacer des
préretraités ainsi que, éventuellement, les programmes de
reconversion professionnelle de ceux ayant opté pour un poste offert en
administration centrale ou locale et l'ayant obtenu.
A l'issue de la période de mise en oeuvre du régime, la caisse
serait dissoute et les sommes restant disponibles seraient reversées au
budget de l'État.
*
Tel est, présenté par le menu, l'ensemble des mesures préconisées par le présent rapport pour mener à bien, dans le respect des droits de tous, la sociétisation de France Télécom. Elles doivent être comprises en se rappelant que cette sociétisation est indispensable à l'entreprise, à ses salariés et, aussi, au pays.