CHAPITRE III : L'AVENIR DE FRANCE TÉLÉCOM PASSE PAR LE SERVICE PUBLIC, LA POURSUITE DU RÉAJUSTEMENT TARIFAIRE ET SA " SOCIÉTISATION "
Au vu des forces et des faiblesses de France
Télécom, ainsi que de l'ampleur des défis externes et
internes qui lui sont lancés, il apparaît clairement que
l'entreprise résistera difficilement au choc du 21e siècle si la
politique à lui appliquer n'arrive pas à assurer, à la
fois, l'enracinement dans l'avenir des valeurs républicaines dont elle a
héritées et l'adaptation de ses structures aux exigences des
temps plus rigoureux qui s'annoncent.
C'est ce souci d'assurer la continuité de l'essentiel (le service
public, les droits du personnel, les emplois d'aujourd'hui et de demain...), en
procédant au changement de ce qui, en comparaison, peut être
considéré comme secondaire (les traditions tarifaires, la forme
juridique de l'entreprise), qui inspire les développements qui suivent.
C'est cette préoccupation centrale qui a guidé
l'élaboration de l'ensemble des propositions présentées.
C'est elle qui conduit à recommander que France Télécom
demeure l'opérateur du service public national, poursuive son
réajustement tarifaire et devienne une société anonyme
à majorité détenue par l'Etat.
FRANCE TÉLÉCOM DOIT DEMEURER L'OPÉRATEUR D'UN SERVICE PUBLIC ASSURÉ SUR L'ENSEMBLE DU TERRITOIRE
Ce premier choix paraît aller de soi tant nos traditions
en ce domaine sont fortes. Il n'est cependant pas celui qui semble être
effectué le plus fréquemment par les pays disposant d'un vaste
territoire.
En Europe, la Belgique, le Portugal et les Pays-Bas, dont le territoire n'a pas
la dimension du nôtre, semblent opter pour une solution identique en
prévoyant une fourniture du service universel à l'échelon
national.
Certes, l'Italie paraît également prête à s'orienter
en ce sens.
Mais le Royaume-Uni, qui avait réservé le service universel
à son opérateur historique tout au long de la période
où il a ouvert son marché intérieur à la
concurrence, vient d'annoncer qu'il comptait permettre aux opérateurs
concurrents de le fournir. La Suède et la Finlande ont fait le
même choix.
Ailleurs, l'Australie -pays à la dimension d'un continent- s'est
engagée dans la même voie.
Surtout, les pays où sont basés nos principaux partenaires, les
Etats-Unis -dont les présupposés libéraux sont connus-,
mais aussi l'Allemagne -où les traditions de service public sont
très fortes- ont exprimé leur intention d'ouvrir le service
universel à la concurrence.
En outre, en France, à l'occasion de la consultation publique
lancée sur la future réglementation des
télécommunications, beaucoup -dont les entreprises- ont
souhaité voir organiser une offre concurrentielle du service universel.
DES SOLUTIONS D'UNE AUTRE NATURE SONT RETENUES PAR LES PAYS D'ORIGINE DES DEUX GRANDS PARTENAIRES DE NOTRE OPÉRATEUR HISTORIQUE
En Allemagne
Le refus de désigner, a priori, un opérateur du
service universel avait déjà été
décidé en Allemagne lors du déplacement qu'y a
effectué votre rapporteur, le 8 décembre dernier. Ses
interlocuteurs le lui avaient confirmé, précisant à cette
occasion que cet arbitrage satisfaisait Deutsche Telekom.
Depuis, ce choix est devenu officiel, le projet de loi sur la
libéralisation des télécommunications ayant
été adopté par le Gouvernement fédéral, le
30 janvier dernier.
Ce projet de loi, que le Bundestag a commencé à examiner
dès le 1er février, repose sur l'idée que la
liberté d'établissement et la concurrence entre entreprises
permettront de garantir au mieux une offre universelle de services. Le
marché allemand des télécommunications sera ainsi ouvert
à toute société qui en fera la demande. Le droit
d'accès ne sera limité que dans des cas limitativement
fixés par la loi (absence de fiabilité ou de compétences
techniques des entreprises, par exemple). Pour favoriser l'accès au
marché du plus grand nombre d'entreprises, ce texte précise que
les licences pourront avoir un caractère régional et que les
obligations du service universel assuré à l'ensemble d'une
population pourront être satisfaites dans ce seul cadre.
Il n'est donc pas prévu d'imposer à une ou plusieurs entreprises
de fournir le service universel, ni de conférer à ce dernier une
dimension nationale. Le dispositif repose plutôt sur l'idée que,
d'une manière générale, le service universel sera
assuré localement par le seul jeu du marché.
C'est pourquoi, le texte allemand ne crée une obligation de fourniture
que dans le cas où il serait constaté une insuffisance ou une
inadéquation des offres de prestations relevant du service universel
pour un type de service ou pour un territoire particulier. Les entreprises
détenant au moins 5 % de l'ensemble du chiffre d'affaires de
l'activité en cause ou celles occupant une position dominante, telle que
définie par l'article 22 de la loi contre les limitations de
concurrence
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)
, sur le
marché directement concerné (apprécié au plan
matériel et territorial) peuvent être obligées de fournir
ces prestations. La même obligation vaudra pour plusieurs entreprises
qui, ensemble, domineraient un marché donné. Si cette obligation
engendre un déficit pour le ou les opérateurs
désignés, il sera compensé par le versement d'une
contribution à laquelle seront soumis les opérateurs disposant
d'une part de marché supérieure à 5 %.