ELLES NÉCESSITENT UNE CLARIFICATION DU VOCABULAIRE
L'explication didactique des réformes envisagées
suppose de débarrasser la terminologie employée pour les
présenter des scories syntaxiques qui en faussent le sens et
obscurcissent tant les objectifs que les motifs réels de ces
réformes.
Pour exposer les changements que va entraîner l'irruption de la
concurrence sur le marché du téléphone, cessons de
recourir à des mots et à des concepts ambigus d'origine
anglo-saxonne, tels "
dérégulation
" ou
"
déréglementation
". Ils laissent
présumer un passage de l'ordre au désordre, d'un monde
organisé à la jungle économique.
Ce n'est pas le cas. Il n'est pas projeté de supprimer toute
règle. Il est tout bonnement prévu de remplacer celles existantes
par d'autres qui, d'ailleurs, seront plus détaillées que les
règles actuelles. En économie, c'est le monopole qui se satisfait
de prescriptions elliptiques et le contrôle du marché qui appelle
des normes explicites !
Le mot
" libéralisation "
est plus exact car il est
vrai que la concurrence va ouvrir aux consommateurs des espaces de
liberté jusqu'ici ignorés. Il n'est toutefois pas exempt
d'ambiguïtés, tant il est vrai "
qu'entre le riche et le
pauvre, entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et la
loi qui libère "
.
Les expressions
" perte du monopole "
ou
" fin du
monopole "
utilisées antérieurement dans le
présent rapport sont satisfaisantes sur le plan du sens mais elles ont
une portée symbolique négative car elles évoquent une
dépossession. Surtout elles reposent sur une approche unilatérale
du phénomène puisqu'elles ne l'appréhendent que du point
de vue de l'opérateur alors qu'il aura, par ailleurs, des
retombées très positives pour les consommateurs.
En définitive, le terme le plus exact est celui de
"
démonopolisation "
.
Il décrit exactement
l'exercice que nous imposent nos engagements communautaires en matière
téléphonique. Tout un chacun en comprend le sens. Il ne figure
toutefois pas dans les dictionnaires. Qu'importe, le substantif
"
surendettement
" n'apparaissait pas dans les
lexiques avant
que le Sénat ne l'impose dans la loi Neïertz de 1989.
Le présent rapport utilisera donc l'expression
"
démonopolisation
" pour désigner le processus
à engager pour adapter notre droit à l'échéance du
1er janvier 1998.
L'équivoque règne également en maître quand on
évoque la transformation de France Télécom en
société anonyme à majorité détenue par
l'Etat.
Parler de "
privatisation
" est une absurdité. Jamais
il n'a été question que l'Etat puisse perdre le contrôle de
France Télécom. Et, ce n'est pas parce qu'une part minoritaire
d'une entreprise se trouve détenue par des intérêts
privés que l'entreprise est privatisée. En 1981, M. Michel Rocard
ne défendait-il pas, au sein du parti socialiste, l'idée de
"
nationalisation à 51 %
" ? De 1937 à
1983, la SNCF a été une société anonyme
détenue par l'Etat. Celui qui aurait argué qu'elle était
privatisée parce qu'elle avait une forme sociale de nature commerciale
se serait fait rire au nez ! Pourquoi aujourd'hui jouer avec les mots et
adopter une attitude différente à l'égard de France
Télécom ?
La locution "
changement de statut de l'entreprise "
n'est pas
plus satisfaisante. Elle entretient l'équivoque avec le statut du
personnel auquel nul ne propose de toucher. Bien au contraire, il a toujours
été affirmé qu'il serait préservé.
Le vocable "
capitalisation
" qui désigne l'action de
capitaliser serait techniquement plus exact. Il a toutefois des connotations
idéologiques facilitant des amalgames et des détournements de
sens pouvant laisser entendre qu'il s'agirait de soumettre France
Télécom aux lois du "
capital privé
", ce
qui n'est d'aucune façon le cas.
Là encore, dans la mesure où il est simplement souhaité
opérer une transformation en société anonyme, seul un
néologisme permet d'exprimer la vérité de la
pensée, le mot
"
sociétisation
".
C'est
celui retenu par votre rapporteur. C'est lui qui sera utilisé dans la
suite du présent rapport.