B. UNE ÉCONOMIE REPOSANT SUR LES TRANSFERTS
La forte croissance induite par l'implantation du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) en 1963 a fait entrer la Polynésie dans l'ère de la consommation et a déstructuré l'économie traditionnelle.
1. Une situation de forte dépendance
La demande locale est satisfaite à 95 % par les importations.
Ce sont les transferts financiers civils et militaires en provenance de la métropole qui permettent d'assurer l'équilibre. Néanmoins, la proportion des ressources propres du territoire s'améliore nettement depuis le début des années 1990.
EVOLUTION DES RESSOURCES EXTERIEURES
2. L'absence de compétitivité
Le coût élevé de la main d'oeuvre compromet la productivité. Malgré une différence importante de salaire, à travail et qualification comparables, en faveur du secteur public par rapport au secteur privé, le niveau de vie général à Tahiti est élevé, en comparaison de celui d'autres voisins du Pacifique Sud. Le PIB par habitant en Polynésie française est ainsi sept fois supérieur à celui des Fidji et quatre fois supérieur à celui des Iles Cook, pour s'établir à un niveau comparable à celui de l'Australie.
Sur une population active évaluée à 68 000 actifs, on dénombre 50 000 salariés et 18 000 entrepreneurs individuels avec un secteur tertiaire hypertrophié (69 % des salariés, 72 % des entreprises). Le secteur public, attractif du fait des rémunérations élevées, représente 60 % du secteur tertiaire, soit plus du tiers de la population active. Les 23 000 agents du secteur public se répartissent entre l'Etat (11 500), le territoire (7 000) et les communes (4 500).
Le manque de compétitivité est également dû au poids de la fiscalité indirecte sur les entreprises.
3. Des répercussions inquiétantes sur la société polynésienne
L'installation du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP), par les emplois qu'il a créés et le système d' économie de la rente induit par les transferts civils de l'Etat prenant la forme de rémunérations élevées des fonctionnaires avec l'application d'un coefficient multiplicateur de 1,84, a produit un important effet d'attraction sur les populations, en particulier les jeunes, provoquant un fort exode rural.
Lors d'un colloque de novembre 1994 ayant pour thème « Le statut du territoire et le Pacte de Progrès », M. Christian Vernaudon, membre du Conseil économique, social et culturel et délégué à la Charte du développement a souligné que « l'économie de la rente avait permis, grâce à de très importants mécanismes de redistribution (subvention du coprah, régime de protection sociale en milieu rural...) d'assurer un emploi et des revenus décents à une très large fraction de la population jusqu'au milieu de la décennie 80 », mais que « la combinaison d'une forte croissance démographique et d'un net ralentissement de la croissance économique induit par une nette réduction du taux de croissance annuel des transferts de l'Etat conduisait depuis près de 10 ans à un développement très rapide du chômage et de l'exclusion touchant désormais environ 20 % de la population ». Or, l'apparition de ce phénomène d'exclusion est d'autant plus grave que. touchant de nombreux jeunes affluant sur le marché du travail (3 000 par an environ), la solidarité familiale caractérisant la société polynésienne traditionnelle, ne joue plus en zone urbaine.
EVOLUTIONS COMPAREES DU PIB ET DE LA POPULATION (Base 100 1970)
Tout en ayant une incidence bénéfique sur le niveau de vie, les flux financiers en provenance de métropole ont par ailleurs eu pour conséquence une modification des habitudes de consommation, encourageant les importations au détriment des productions locales. Ainsi, par exemple, l'habitude de consommer de la viande néo-zélandaise, disponible sur le territoire à un prix compétitif, n'encourage pas le développement du cheptel.