3. Le poids historique de la question foncière
Lorsqu'en 1842, un traité fit des archipels polynésiens un protectorat français, les terres restèrent la propriété des indigènes et la reine Pomare IV fit adopter la loi tahitienne de 1852 obligeant les propriétaires à déclarer leurs Possessions afin d'obtenir un titre. Une deuxième vague de déclarations fut suscitée par le décret du 24 août 1887. La propriété était généralement familiale et les Polynésiens s'accommodaient aisément de l'état d'indivision.
Des tribunaux indigènes étaient alors compétents pour juger des affaires foncières mais ils furent supprimés par la convention des 29 et 30 décembre 1887 passée entre le gouverneur et le roi Pomaré V, la compétence revenant aux juridictions civiles de l'Etat.
En ce qui concerne le droit applicable, l'extension du droit français fut réalisée par la loi tahitienne du 28 mars 1866 selon laquelle les actions fondées sur des droits acquis postérieurement à cette date devaient être jugées en application du code civil. Le code civil fixe donc le régime foncier en Polynésie française depuis plus d'un siècle.
Le contentieux foncier est cependant abondant, les règles applicables et les juges contestés, certains mouvements politiques préférant se référer aux traités ancestraux au droit coutumier local et demandant le rétablissement de tribunaux indigènes.
Un passage du discours prononcé par le Premier Président de la Cour d'appel de Papeete, le 15 janvier 1996, à l'occasion de l'audience solennelle de rentrée judiciaire est très éloquent :
« Le problème foncier représente ce que j'appellerais le "poids lourd" des spécificités locales tant il constitue un frein au développement économique et menace la cohésion sociale du territoire. Surtout, le traitement du contentieux des litiges fonciers est critiqué par certains qui pensent que les autorités judiciaires ne comprennent pas la mentalité polynésienne et appliquent un droit qui ne rend pas compte de l'histoire et de la culture des polynésiens » .
« La loi d'orientation du 5 février 1994 dans son article 4 a institué le principe de la création d'une commission de conciliation obligatoire en matière foncière, instance prè-contentieuse dont la mission essentielle serait de concilier les parties et dont la saisine constituerait le préalable à tout recours contentieux. Cette commission établie en partenariat avec le territoire qui mettrait à sa disposition le Service des Terres et le fichier généalogique associerait pleinement par son organisation et sa composition les polynésiens à la prise en charge de leurs affaires de terres ... nous ne pouvons qu'attendre avec impatience le vote de cette loi et la mise en place de cette commission » .
Cette création devrait intervenir prochainement avec l'adoption de la loi portant diverses dispositions relatives aux territoires d'outre-mer.
Le Premier Président de la Cour d'appel préconise une solution encore plus audacieuse consistant à instaurer un véritable échevinage pour la juridiction traitant du contentieux foncier. Mais cette solution semble aujourd'hui prématurée, les personnes compétentes en cette matière étant peu nombreuses en Polynésie française.
La question foncière appelle une réponse urgente car elle constitue un facteur de paralysie économique, tant en ce qui concerne les entreprises ou exploitations familiales que pour les projets d'investissements publics.