III. 2027-... : CRÉER LES CONDITIONS D'UNE RÉOUVERTURE DE LA PÊCHE COMPATIBLE AVEC LA PROTECTION DES PETITS CÉTACÉS
Les fermetures spatio-temporelles appliquées au golfe de Gascogne interviennent dans un contexte plus large de fragilisation des capacités de pêche françaises du fait d'une succession de crises depuis cinq ans (arrêts Covid, Brexit, plan de sortie de flotte, flambée du goût du gasoil). L'avenir du golfe de Gascogne n'est envisageable ni sans les dauphins... ni sans les pêcheurs.
Néanmoins, les scientifiques rappellent que la voie est très étroite pour rouvrir la pêche après 2026, en l'état actuel des connaissances et du droit (sur 15 scénarios du Ciem, seuls 6 pourraient être compatibles avec l'état de conservation favorable du dauphin, dont 5 avec des fermetures spatio-temporelles).
Des mesures techniques d'atténuation ont déjà été engagées par les pêcheurs, et c'est sur les « pingers », des dispositifs d'éloignement acoustique, qu'ils fondent le plus d'espoirs. Déjà mis en place sur des chalutiers pélagiques, ils sont en cours de déploiement sur 200 fileyeurs pour confirmer leur efficacité. Une extension du nombre de navires équipés en caméras pour objectiver le débat sur les captures et fournir des données plus fines pour éviter une fermeture sèche devrait être explorée. Toutefois, cela suppose que le lien de confiance entre pêcheurs et professionnels soit rétabli, dans leur intérêt réciproque.
Les 15 recommandations de la mission, regroupées en 3 axes
Ø AIDER : la gestion de la crise et l'aide économique aux professionnels affectés par la fermeture
1. Assumer un devoir de vérité et préparer dès à présent et activement la fermeture spatio-temporelle de 2026, en définissant le plus en amont possible les modalités d'indemnisation et en anticipant les cas particuliers.
2. Maintenir en 2026 le taux d'indemnisation de 80 à 85 % du chiffre d'affaires pour les pêcheurs et négocier avec la Commission européenne le rebasculement du dispositif d'aide au mareyage sur le chiffre d'affaires plutôt que sur l'excédent brut d'exploitation.
3. Garantir en 2026 l'accès au chômage partiel pour les criées et les ports, y compris lorsqu'ils ne sont pas gérés par des chambres de commerce et d'industrie.
4. Maintenir voire étendre, dans le cadre du prochain régime d'aide notifié à la Commission européenne, la possibilité de réaliser des travaux sur les navires pendant la période de fermeture spatio-temporelle.
5. Inviter le secteur du transport frigorifique, dans le cadre d'un accord temporaire, à assouplir ses délais de livraison tout en maintenant la qualité et la fraîcheur des produits, et à explorer la possibilité de mutualiser le transport des produits de la mer et celui d'autres produits agroalimentaires.
Ø CONCILIER : chercher les conditions de conciliation entre activités de pêche et protection des petits cétacés
6. Maintenir sans ambiguïté l'objectif, pour après 2026, d'une réouverture de la pêche dans le golfe de Gascogne dans des conditions permettant un maintien de l'état de conservation favorable du dauphin commun.
7. Lancer un plan européen d'équipement afin notamment d'agrandir le marché d'intérêt pour les entreprises fabriquant des dispositifs d'éloignement acoustique (pingers) et leur permettre d'investir dans la miniaturisation et des gains d'efficience.
8. Pousser l'Union européenne à prendre un acte délégué de fermeture incluant la zone économique exclusive (ZEE) espagnole pour l'année 2026 et, au-delà, à « communautariser » davantage son approche du problème.
9. Prendre exemple sur la loi américaine sur la protection des mammifères marins, pour interdire à l'échelle de l'Union européenne (UE) les importations de poissons ne respectant pas des garanties équivalentes en matière de protection des mammifères marins (mesure miroir).
10. En lien avec les organisations de producteurs (OP), promouvoir des mécanismes incitatifs pour mieux valoriser les pratiques d'atténuation des captures de la part des pêcheurs (renforcement des labels « pêche durable » et MSC, application de partage des informations en temps réel de type BATmap).
Ø CONNAÎTRE : augmenter l'effort d'acquisition et de diffusion des connaissances scientifiques
11. Réactiver à la fin de l'automne 2025 le groupe de travail « captures accidentelles », sous l'autorité d'un médiateur nommé par la ministre chargée de la pêche, avec des modalités de fonctionnement revues - représentation de la DGampa à un plus haut niveau, association plus grande des administrations déconcentrées, confidentialité des échanges et préservation de leur dimension constructive.
12. En concertation avec les capitaines et leurs équipages, et sans aller jusqu'à une généralisation des caméras, étendre le nombre de navires équipés pour ainsi obtenir du projet OBSCame+ un nombre suffisant de données fiables à un horizon de deux ou trois ans.
13. Inciter la profession à mettre en place au plus vite, tel que prévu dans son contrat stratégique de filière, un institut technique de la pêche, interface scientifiques professionnels de nature à favoriser l'acquisition et la diffusion de connaissances en son sein.
14. Reconduire le projet scientifique Delmoges (Delphinus Mouvements Gestion) au-delà de 2025 pour une nouvelle période de trois ans, afin d'approfondir le continuum des connaissances sur les cétacés, les captures et la pêche, à partir des données actuellement collectées. Confier aux scientifiques le soin d'évaluer sur la base des dernières données l'efficacité de mesures alternatives plus ciblées que la fermeture spatio-temporelle de 2024-2026.
15. Améliorer la qualité et la transparence des données issues du Réseau national échouages (RNE) en : renforçant l'accompagnement vétérinaire ; fixant l'objectif d'une hausse du taux d'autopsie ; développant l'attention portée à l'identification des pathogènes ; publiant les données individuelles des échouages dans une logique de science ouverte.