II. UN ACCÈS À L'EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS ENCORE TROP SOUVENT CONTRARIÉ
A. LES PROGRÈS ENCORE TROP LIMITÉS EN MATIÈRE DE CHÔMAGE
1. Un écart de niveau de chômage avec la moyenne nationale qui peine à se réduire
Lors de la discussion générale de la première lecture de la loi du 11 février 2005 au Sénat, la secrétaire d'État Marie-Thérèse Boisseau estimait que le travail étant la dignité de tout homme, « nous ne pouv[i]ons plus admettre que les chômeurs handicapés soient trois fois plus nombreux - et quatre fois plus si ce sont des femmes - que les chômeurs valides », appelant ainsi à l'action pour résorber cet écart. Vingt ans plus tard, le constat est celui d'une amélioration, qui reste pour autant mesurée.
En 2023, le taux de chômage des bénéficiaires de l'obligation d'emploi (BOE) est en effet de 12 %, contre 7 % en population générale92(*). Facialement le taux de chômage des BOE est donc un peu moins de deux fois supérieur à celui de l'ensemble de la population, marquant un net progrès depuis 2005, mais demeurant profondément insatisfaisant pour autant.
Travailleurs handicapés inscrits à
France Travail en 2024
en catégorie A, B et C
Demandeurs d'emploi |
Demandeurs
d'emplois |
Part des demandeurs d'emploi
handicapés |
5,49 millions |
0,47 million |
8,6 % |
Les associations de représentation auditionnées ont par ailleurs insisté sur l'intérêt de considérer le taux d'emploi plutôt que le taux de chômage pour rendre compte de la spécificité de la situation des personnes en situation de handicap sur le marché du travail. Le taux d'emploi, qui présente le ratio entre les actifs occupés et la population en âge de travailler, permet de prendre en compte le « halo du chômage »93(*). C'est-à-dire l'ensemble des personnes qui souhaitent travailler, mais qui ne rentrent pas dans les critères de la population inoccupée, notamment parce qu'elles n'ont pas fait de démarche active pour trouver un emploi. Or, face aux difficultés rencontrées dans la recherche d'un emploi, les personnes en situations de handicap peuvent être tentées de se retirer d'elles-mêmes du marché de l'emploi.
De fait, le taux d'emploi qui est de 68 % pour l'ensemble de la population en 2023, chute à seulement 39 % pour les personnes bénéficiaires de l'obligation d'emploi.
2. Un cumul de difficultés dans l'accès à l'emploi des personnes en situation de handicap
Les causes des difficultés d'intégration des personnes en situation de handicap dans le monde du travail sont multiples. Elles ne relèvent pas uniquement de la problématique de la perception du handicap sur le marché de l'emploi, mais plutôt d'un cumul de freins à l'embauche.
Du côté des employeurs, les freins à l'embauche de personnes en situation de handicap sont de trois ordres :
- une méconnaissance et des stéréotypes persistants au sujet des handicaps : ainsi les handicaps psychiques font l'objet de craintes de la part de nombreux employeurs, de même que la productivité des personnes en situation de handicap est systématiquement sous-évaluée, ou tout simplement que le handicap n'est pas identifié comme un objet de politique de ressources humaines ;
- un manque d'accessibilité : les normes en vigueur en matière d'accessibilité bâtimentaire ou numérique ne sont pas toujours connues, ni respectées par les entreprises, auquel cas l'embauche est appréhendée comme un coût supplémentaire de mise aux normes ;
- une méconnaissance des aides et des services à leur disposition : l'ensemble de l'offre développée par l'Agefiph et le FIPHFP font l'objet d'une trop faible connaissance au sein des entreprises.
Cependant, les freins à l'emploi rencontrés par les personnes en situation de handicap relèvent également de caractéristiques qui leurs sont propres :
- un niveau de diplôme et de formation inférieur à la moyenne : dans la logique du cumul des handicaps, le manque d'accessibilité des formations, les difficultés de santé ou tout simplement le déficit d'orientation professionnelle aboutit à un niveau de compétence inférieur à l'ensemble des travailleurs ;
- un manque de visibilité sur les avantages apportés par la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé : notamment en matière d'accès des dispositifs d'insertion ou de maintien en emploi ;
- des difficultés administratives dans la mobilisation des aides auxquelles les travailleurs en situation de handicap peuvent prétendre, ou un manque d'information.
* 92 Insee, enquête Emploi.
* 93 Jacques Freyssinet, Le chômage, coll. Repères, éd. La Découverte, 1984.