C. AU-DELÀ DE L'OETH, LE DÉFI DU MAINTIEN DANS L'EMPLOI DES TRAVAILLEURS HANDICAPÉS

1. L'obligation d'aménagement des postes de travail : une traduction concrète du principe de non-discrimination

La loi du 11 février 2005 met en place, pour l'employeur, une obligation d'aménagement des postes de travail des travailleurs handicapés. Cette disposition procède à la transposition d'une directive du 27 novembre 200084(*) qui créé la notion « d'aménagement raisonnable » : les États membres doivent garantir que les employeurs prennent « des mesures appropriées en fonction des besoins d'une situation concrète, pour permettre à une personne handicapée d'accéder à un emploi, de l'exercer et d'y progresser, ou pour qu'une formation lui soit dispensée, sauf si ces mesures imposent à l'employeur une charge disproportionnée ».

Auparavant, le code du travail proscrivait déjà toute forme de discrimination envers une personne en situation de handicap lors de son recrutement ou de son évolution professionnelle85(*), inversait la charge de la preuve en la matière86(*) et prévoyait des sanctions pénales87(*). Cependant, la non-discrimination n'était envisagée que par la négative, et ne se traduisait pas par des actions positives afin de favoriser l'inclusion des personnes en situation de handicap dans l'entreprise.

Ainsi la loi du 11 février 2005 complète le droit existant, a imposé à l'employeur de prendre « les mesures appropriées pour permettre aux travailleurs [handicaper] d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ». De même, elle a permis des dérogations au temps de travail au bénéfice des travailleurs handicapés bénéficiaires de l'obligation d'emploi88(*).

Plus récemment, l'article 12 de la loi pour le plein emploi89(*) a mis en place une « portabilité » des équipements de compensation du handicap, afin de lui permettre de conserver ces équipements en cas de changement d'employeur public ou privé.

En somme, l'aménagement de poste est complémentaire à l'obligation de reclassement du travailleur dont le handicap se déclare après son embauche90(*). En effet, alors que l'obligation de reclassement s'impose sauf si le reclassement est impossible et ne concerne que le maintien dans l'emploi, l'aménagement de poste, lui, n'est exigible que lorsqu'il est « raisonnable » ; en revanche, il concerne l'ensemble de la vie professionnelle du travailleur : embauche, maintien dans l'emploi, évolution professionnelle ou formation.

Proposition n° 16 : Renforcer la connaissance des possibilités d'aménagement de poste auprès des employeurs, ainsi que des aides dont ils peuvent bénéficier à ce titre.

2. L'Agefiph et le FIPHFP : des opérateurs clés pour accompagner les entreprises et leurs salariés travailleurs handicapés

Le mécanisme de l'OETH met en place une péréquation des moyens entre les employeurs : ceux qui supportent le coût de l'aménagement de postes pour les travailleurs handicapés qu'ils recrutent bénéficient des contributions financières acquittées par ceux qui n'ont pas satisfait au critère de 6 % de BOETH.

Pour permettre le bon fonctionnement de ce mécanisme financier, l'action de l'Agefiph et du FIPHFP est essentielle. Ces opérateurs permettent le financement des aides à l'insertion, et accordent à l'ensemble des employeurs une garantie sur le bon fléchage des fonds.

Le Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP)

Créé par la loi du 11 février 2005, le FIPHFP est mis en place en 2006 sous la forme d'un établissement public administratif placé sous la tutelle des ministres chargés des personnes handicapées, de la fonction publique de l'État, de la fonction publique territoriale, de la fonction publique hospitalière et du budget91(*).

Le fonds est chargé de financer les actions de recrutement, de maintien dans l'emploi et de formation des personnes en situation de handicap dans les trois versants de la fonction publique.

La mobilisation des fonds du FIPHFP se fait via la plateforme en ligne qu'il a développée, par l'intermédiaire de conventions pluriannuelles avec les employeurs publics ou bien dans le cadre de partenariats nationaux, notamment dans le champ de l'accessibilité numérique.

Concrètement, ces opérateurs mobilisent les contributions des employeurs pour financer des dépenses d'intervention qui peuvent être de deux types :

des aides directes versées aux employeurs ;

des aides indirectes permettant le financement du réseau Cap emploi, ou d'outils de formation mobilisables par tous les employeurs.

Dans le cas d'aides directes, le recours aux opérateurs, en plus de solvabiliser les opérations, offre également le bénéfice d'un accompagnement administratif et d'une ingénierie managériale, ce qui renforce dans la plupart des cas l'implication des employeurs au sujet de la prise en compte des handicaps dans le long-terme.

En 2024, le budget d'intervention de l'Agefiph et du FIPHFP sont respectivement de 577 et de 111 millions d'euros. Pour le seul secteur privé, 113 319 aides et prestations ont été réalisées en 2023, au bénéfice de plus de 207 000 personnes en situation de handicap.

Enfin, côté employeur, l'existence d'un opérateur unique de financement permet de renforcer la lisibilité du paysage institutionnel, même si l'Agefiph et le FIPHFP demeurent encore trop peu connus des TPE-PME et des petites collectivités territoriales.

3. Un financement incitatif qui pose question pour l'avenir

La situation des opérateurs que sont l'Agefiph et le FIPHFP est paradoxale. En effet, leur financement est assuré par la contribution financière versée par les employeurs à due concurrence de leur non-respect de l'OETH. Par conséquent, à mesure que le taux d'emploi des travailleurs handicapés augmente, ce à quoi concourent les prestations versées par ces opérateurs, leur financement diminue. Cela est d'autant plus problématique que, pour la seule Agefiph, les contributions des employeurs représentaient en 2023 plus de 96 % de leurs ressources.

Ce mode de financement conduit à soumettre ces opérateurs à un effet ciseau, avec une augmentation continuelle de leurs dépenses à mesure que le taux d'emploi des travailleurs handicapé augmente, car cela entraîne de nouvelles prestations d'aménagement de poste notamment, et une diminution des ressources.

Des leviers existent à court et moyen terme pour répondre à ces difficultés. D'abord avec les possibilités déjà évoquées, de renforcer les contrôles de la déclaration de l'OETH des employeurs, ou de limiter, voire supprimer, certaines mesures dérogatoires et déductions de dépenses d'employeurs. Cependant, à plus long terme, deux possibilités semblent se dessiner : revoir à la hausse le taux d'emploi de référence de l'OETH, ou bien créer un nouveau mécanisme de financement en remplacement ou en complément de la contribution employeur.

Si les rapporteures n'entendent pas trancher ce débat, qui supposera une étude approfondie, elles appellent cependant à anticiper les difficultés de trésorerie que ne manqueront pas de rencontrer ces opérateurs, et à les soutenir dans la durée.


* 84 Directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail.

* 85 Actuel article L. 1132-1 du code du travail.

* 86 Actuel article L. 1154-1 du code du travail.

* 87 Actuel article L. 1155-2 du code du travail.

* 88 Article L. 3121-49 du code du travail.

* 89 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

* 90 Articles L. 1226-2 et L. 1226-10 du code du travail.

* 91 Articles L. 351-7 à L. 351-15 du code général de la fonction publique.

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