II. LE FONCTIONNEMENT DES MDPH : HARMONISER LES PRATIQUES ET RENFORCER LE PILOTAGE NATIONAL POUR RÉPONDRE À L'ENJEU D'ÉQUITÉ

A. UNE SIMPLIFICATION ET UNE HOMOGÉNISATION DE L'ORGANISATION DU TRAVAIL NÉCESSAIRES

1. Des outils de travail peu adaptés au traitement de masse
a) Une harmonisation progressive du système d'information

En 2015, la loi relative à l'adaptation de la société en vieillissement a donné mission à la CNSA de mettre en oeuvre un système d'information commun aux MDPH. Ce chantier d'harmonisation se traduit par :

- l'harmonisation progressive des systèmes d'information de traitement des demandes par les MDPH, le nouveau système commun intégrant la numérisation des échanges entre les MDPH et leurs partenaires (CAF, France Travail, Éducation nationale, établissements et services sociaux et médico-sociaux, CNSA, système national des données de santé) ;

- la mise à disposition d'un téléservice « ma MDPH en ligne » qui permet aux usagers de déposer leur demande directement en ligne ;

- la conception, en cours, d'un système national d'information portant sur l'évaluation qui sera connecté au système d'information de chaque MDPH.

S'il a permis d'enclencher un processus d'harmonisation des pratiques, ce système d'information présente des lacunes. Le système d'échange avec les partenaires des MDPH n'est pas encore effectif dans tout le réseau, et il ne permet pas aux structures de récupérer des informations entrantes.

Surtout, ce système d'information harmonisé n'est pas un système d'information unique. Il existe quatre éditeurs différents, la CNSA étant chargée de leur commander les adaptations nécessaires en cas de modification ou création de droits. Chaque montée de version engendre une charge de travail conséquente pour le personnel, et les évolutions réglementaires sont souvent intégrées au système d'information postérieurement à leur entrée en vigueur73(*).

Il apparaît donc indispensable d'améliorer l'efficacité des outils informatiques utilisés par les MDPH. Pour atteindre cet objectif, l'opportunité d'un système d'information national unique, qui serait géré par la CNSA elle-même, mériterait d'être étudiée.

b) Un usage des outils informatiques qui reste sous-optimal

En outre, le travail en MDPH se caractérise toujours par la prépondérance du traitement papier et des tâches chronophages à faible valeur ajoutée (mise sous pli, numérisation...). Bien que 77 MDPH disposent d'un téléservice qui permet aux usagers de déposer leur demande en ligne, en 2022, seulement 6 % des demandes sont déposées par ce biais74(*). En Charente-Maritime, alors que le téléservice existe depuis 2014, 10 % des dossiers seulement sont déposés numériquement.

Évolution du nombre de MDPH ayant déployé un téléservice

Source : CNSA, rapports d'activité des MDPH 2022

Dans la mesure où la numérisation est une des principales pistes pour simplifier le travail des personnels, il convient d'inciter les usagers à utiliser davantage les téléservices.

Presque toutes les MDPH concernées ont d'ores-et-déjà assorti le déploiement de leur téléservice de mesures d'accompagnement des usagers à l'utilisation de cet outil, cet accompagnement étant prodigué par la structure elle-même et/ou avec ses partenaires territoriaux (maisons France services, réseau des conseillers numériques et mairies). Cette démarche pourrait être renforcée, tout en veillant à ne pas exclure les personnes touchées par l'illectronisme.

La dématérialisation devrait également permettre d'optimiser les contacts entre MDPH, notamment dans le cadre d'un transfert de dossier en cas de déménagement d'un usager. Aujourd'hui, les délais de transfert sont trop longs et peuvent induire une rupture de prise en charge.

Il convient néanmoins de ne pas placer des espoirs disproportionnés dans la dématérialisation : si celle-ci permet de réduire le temps du recueil des données, elle ne réduit pas nécessairement le temps de l'évaluation, qui dépend largement de la disponibilité des évaluateurs.

Proposition n° 13 : Étudier l'opportunité d'un système d'information national unique des MDPH qui serait géré par la CNSA.

2. Des pratiques et des moyens hétérogènes qui nuisent au principe d'égalité de traitement
a) L'égalité de traitement est compromise par des différences de pratique et de moyens entre MDPH

Au cours des auditions, les associations ont alerté les rapporteures sur les différences de pratiques constatées entre les MDPH.

Il convient toutefois de distinguer celles qui relèvent des spécificités territoriales et des marges de manoeuvre induites par le principe de libre administration de celles qui, à l'inverse, devraient être harmonisées pour garantir l'égalité de traitement.

En l'occurrence, les divergences constatées au cours du processus d'évaluation des besoins ne sauraient être justifiées.

Le milieu associatif souligne que des disparités d'interprétation de la loi subsistent, créant des inégalités de traitement des dossiers et d'attribution des droits selon les départements. Par exemple, les MDPH ne s'emparent pas toutes de la possibilité d'ouvrir des droits sans limitation de durée, et leurs méthodes pour déterminer le taux d'incapacité des personnes divergent.

Ces divergences d'interprétation résultent en grande partie de la complexité du corpus juridique des droits et prestations, dans un contexte où certaines MDPH connaissent un taux de rotation du personnel important.

b) La CNSA doit accentuer ses actions en vue d'harmoniser les pratiques

La problématique de l'harmonisation des pratiques au sein du réseau des MDPH est particulièrement complexe, dans la mesure où la politique du handicap relève de la compétence des départements.

Si la loi confie à la CNSA le soin de veiller à l'égalité de traitement des droits et demandes de prestations75(*), la caisse souligne la difficulté de cet exercice, aucune doctrine précise n'ayant été définie pour articuler les compétences départementales avec les objectifs d'équité territoriale de la branche autonomie de la sécurité sociale.

Malgré ces difficultés, plusieurs actions ont été entreprises par la CNSA dans un souci d'harmonisation et de diffusion des bonnes pratiques :

- la contribution à l'élaboration de référentiels d'évaluation comme le guide d'évaluation des besoins de compensation de la personne handicapée (GEVA) et la production de fiches, notamment sur les droits et prestations, qui sont mises à disposition des professionnels ;

- un travail d'animation auprès des professionnels chargés de l'instruction des demandes de compensation et de l'évaluation des besoins, et la diffusion de lettres d'infirmation ;

- et un soutien à la formation des professionnels, en lien avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) qui a la charge de la formation initiale personnels des MDPH. Des contenus de formation en ligne sont en cours de conception et seront mis à disposition dans les prochains mois sur une plateforme ouverte aux professionnels.


* 73 Igas, Accueillir, évaluer, décider : comment les maisons départementales des personnes handicapées traitent les demandes des usagers, juin 2024.

* 74 CNSA, Synthèse des rapports d'activité 2022 des maisons départementales des personnes handicapées, juin 2024.

* 75 Article L. 223-5 du code de la sécurité sociale.

Partager cette page