C. UN EFFORT RÉEL DE SIMPLIFICATION, MAIS DES PROCÉDURES QUI RESTENT COMPLEXES ET CHRONOPHAGES

1. Des démarches qui restent complexes et chronophages

Pour évaluer les demandes, les équipes pluridisciplinaires se fondent sur un formulaire d'une trentaine de pages, mal compris et donc mal renseigné par de nombreux usagers. Le certificat médical associé au formulaire est aussi largement mal complété, et les associations estiment que le nombre de pièces justificatives demandées est trop important, d'autant que certaines ont une durée de validité de quelques mois seulement.

Les évaluateurs sont ainsi souvent contraints de demander des pièces complémentaires aux usagers, au détriment de la fluidité du processus. Pour éviter cette situation, certaines MDPH pratiquent l'aide au remplissage des dossiers : agent et usager remplissent ensemble le formulaire, ce qui permet un traitement plus rapide de la demande.

Le formulaire a été réformé pour la dernière fois en 2019. Il intègre depuis la possibilité de se limiter à décrire sa situation et ses difficultés sans pour autant exprimer une demande précise. Dans le cadre de cette demande « générique », c'est à l'équipe pluridisciplinaire qu'il incombe de proposer les droits et/ou les orientations adaptés. En revanche, le format du formulaire reste lourd : cette dernière « simplification » a conduit à l'allonger de dix pages.

De plus, les notifications de droits qui sont adressées par courrier aux usagers sont inintelligibles. Les associations tout comme les représentants des MDPH déplorent que ces courriers ne satisfassent pas aux règles basiques de l'accessibilité : l'information est présentée de façon désordonnée, et les motifs précis de la décision - qu'elle soit positive ou négative - ne sont pas exposés. Dans la mesure où il s'agit de notifications opposables, leur forme est très encadrée par le système d'information et peu adaptable localement.

L'ensemble des acteurs auditionnés par les rapporteures estiment qu'une simplification de ces documents est souhaitable. S'agissant du formulaire de demande, le défi réside dans la conciliation d'un accès simplifié avec le recueil d'une information complète et précise, nécessaire pour apporter des réponses adaptées aux besoins des usagers.

Par ailleurs, l'enjeu de la simplification ne concerne pas que les usagers : pour les MDPH aussi, le traitement des demandes est d'une particulière complexité. Celui-ci implique le maniement de référentiels et de notions très complexes, à l'instar de la restriction substantielle et durable d'accès à l'emploi (RSDAE) qui conditionne l'accès à l'AAH-2. Comme évoqué ci-avant, le droit à compensation applicable aux enfants est également particulièrement difficile à appréhender.

Enfin, malgré sa qualité du guichet unique, la MDPH n'est pas le seul interlocuteur des personnes en situation de handicap. Un certain nombre de démarches doivent être réalisées auprès des caisses de sécurité sociale (prise en charge d'une aide technique et des soins et frais médicaux, attribution et versement de la pension d'invalidité, versement de l'AAH, etc.) ce qui reste source de difficultés pour les usagers.

2. Un effort réel de simplification qu'il convient de poursuivre
a) Un processus de simplification des démarches enclenché

Les pouvoirs publics n'ignorent pas le défi de la simplification des démarches. Des mesures ont notamment été adoptées pour simplifier l'attribution des allocations, en limitant le nombre de demandes adressées aux MDPH.

Premièrement, depuis 2019, certains droits peuvent être attribués sans limitation de durée lorsque la situation de handicap n'est susceptible d'aucune amélioration (AAH et CMI mention « invalidité » pour les personnes qui présentent un taux d'incapacité permanente d'au moins 80 % ; RQTH et orientation vers le marché du travail)68(*). La PCH a été ajoutée à cette liste en 202169(*).

Deuxièmement, la durée d'attribution de l'AEEH a été allongée de sorte qu'elle puisse être ouverte par cycle scolaire et non pas par an70(*). Lorsque le taux d'incapacité de l'enfant est au moins égal à 80 % et sans perspective d'amélioration, l'AEEH de base est désormais attribuée sans limitation de durée jusqu'aux vingt ans de l'enfant ou, le cas échéant, jusqu'à son accès à l'AAH ; et la durée minimale d'attribution d'un éventuel complément à l'AEEH a triplé, passant d'un à trois ans. En cas de taux d'incapacité situé entre 50 % et 80 %, les droits à l'AEEH de base et de son complément sont attribués pour une durée au moins égale à deux ans.

Troisièmement, depuis 202071(*) et dans le prolongement des mesures précédentes, les CDAPH et les présidents de conseils départementaux ont la possibilité de proroger des droits ouverts aux personnes en situation de handicap (AAH et ACTP avec taux d'invalidité à 80 % et plus, cartes mobilité inclusion) sans nouvelle demande de leur part lorsque leur situation de handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Selon la CNSA, cette possibilité reste peu mise en oeuvre aujourd'hui, les MDPH priorisant les dossiers en attente.

Par ailleurs, au cours de son audition, la CNSA a émis l'idée d'une redéfinition du processus de traitement des demandes au sein de la MDPH, estimant que certaines prestations, comme la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) et l'obtention de la carte mobilité inclusion (CMI), ne devraient pas nécessiter autant de démarches voire ne pas nécessiter de déposer obligatoirement une demande auprès de la MDPH.

En effet, aujourd'hui, pour tout dossier déposé, l'équipe pluridisciplinaire est censée analyser l'ensemble des droits auxquels la personne pourrait prétendre même si la demande ne porte que sur un élément. Cette logique répond toutefois à l'objectif de lutter contre le non-recours : la remettre en cause pourrait présenter plus d'effets pervers que d'effets bénéfiques.

Enfin, interrogée par la commission des affaires sociales et le groupe d'études handicap du Sénat sur l'enjeu de la simplification des démarches en MDPH72(*), la ministre déléguée chargée de l'autonomie et du handicap a annoncé la mise en place imminente d'une « task force ». Celle-ci sera chargée d'élaborer une série de propositions pour alléger la structure du formulaire de demande et, éventuellement, simplifier certains circuits de décision.

b) Vers une meilleure information des usagers

La CNSA met en place des mesures pour améliorer l'information du public et faciliter leurs démarches. Elle a notamment contribué à la mise en place du site internet « Mon Parcours Handicap », porté par la Caisse des dépôts et consignations, qui centralise l'information relative aux droits des personnes en situation de handicap. Elle a également conçu des documents faciles à lire et à comprendre (Falc) mis à la disposition des MDPH.

À plus petite échelle, certaines MDPH entreprennent également une démarche qualité auprès de leurs usagers. D'après les données fournies par la CNSA, vingt-deux d'entre elles ont mis en place un comité des usagers afin de prendre en compte l'avis et l'expérience des personnes dans leurs projets.

c) Une coopération territoriale à encourager

L'enjeu de la simplification est également porté par la structuration du service public départemental de l'autonomie (SPDA). D'après les informations fournies par la CNSA aux rapporteures, le cahier des charges national du SPDA, qui décrit les attendus des services publics, doit permettre de définir un cadre commun à tous les acteurs de proximité. Des activités sont également prévues pour mettre en oeuvre des objectifs en matière d'accueil, d'information et de mise en relation.

Lors des auditions, les associations ont également souligné l'importance de l'accessibilité de l'ensemble des services publics. Il est en effet essentiel que l'ensemble des acteurs de droit commun que sont les mairies, les centres communaux d'action sociale, les maisons France services et les caisses de sécurité sociale jouent leur rôle d'information de premier niveau et ne renvoient pas systématiquement les usagers en situation de handicap vers les MDPH.

Enfin, si la coopération territoriale doit être encouragée, il convient d'éviter l'empilement des dispositifs. Plusieurs MDPH ont évoqué cette problématique dans le questionnaire qui leur a été adressé par les rapporteures. Elles soulignent la complexité de l'écosystème du handicap et s'interrogent sur la multiplication des dispositifs. Les MDPH sont par exemple chargées de la réponse accompagnée pour tous (RAPT) qui vise à éviter de laisser des personnes sans solution, tandis qu'en parallèle, les Communautés 360 et le dispositif Assistance au parcours de vie (APV) ont été créés avec la même finalité.

Proposition n° 12 : Simplifier le formulaire de demande et les notifications de droits.


* 68 Décret n° 2018-1222 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures de simplification dans le champ du handicap.

* 69 Décret n° 2021-1394 du 27 octobre 2021 relatif à la durée d'attribution de la prestation de compensation du handicap.

* 70 Décret n° 2018-1294 du 27 décembre 2018 relatif à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé.

* 71 Décret n° 2019-1501 du 30 décembre 2019 relatif à la prorogation de droits sans limitation de durée pour les personnes handicapées.

* 72 Audition de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq du mardi 28 janvier 2025.

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