B. LA TRANSFORMATION DE L'OFFRE MÉDICO-SOCIALE : UNE NÉCESSITÉ POUR GARANTIR LA CONTINUITÉ ET LA QUALITÉ DE L'ACCOMPAGNEMENT
1. La nécessaire fluidification du parcours des personnes en situation de handicap
L'offre médico-sociale présente des limites qui nuisent à la qualité et à la continuité de l'accompagnement des personnes en situation de handicap.
D'une part, les dynamiques démographiques et l'augmentation de la prévalence de certains handicaps se traduisent par des délais d'attente très longs sur certains territoires, faute de places en établissement ou par manque de services à domicile. Les personnes et leur entourage se retrouvent alors sans solution médico-sociale adaptée, voire sans solution du tout ; et certaines familles sont contraintes de se tourner vers la Belgique, où l'offre est plus importante.
Ce constat a conduit le législateur, dès 1989, à permettre aux jeunes handicapés âgés de plus de vingt ans de rester dans les établissements médico-sociaux pour enfants qui les accueillent (amendement Creton)55(*). Cette dérogation bénéficiait en 2019 à près de 6 000 jeunes adultes56(*), non sans conséquences sur l'organisation des établissements concernés.
D'autre part, comme le relève l'inspection générale des affaires sociales (Igas) dans un rapport publié en 202157(*), le secteur se caractérise par une spécialisation très poussée en fonction du type de handicap et de l'âge des personnes accueillies, et de leur mode d'accueil ou d'accompagnement.
Cette segmentation de l'offre est source de complexité pour les personnes handicapées, dont la prise en charge peut être refusée si leurs besoins ne correspondent pas exactement à la spécialité de la structure visée. Lorsque le gestionnaire est d'accord pour assurer cette prise en charge, il doit obtenir une dérogation de l'autorité de contrôle. Enfin, la spécialisation de l'offre rend difficile toute programmation globale par les pouvoirs publics.
Dans son rapport, l'Igas émet diverses recommandations pour simplifier l'offre médico-sociale et fluidifier le parcours des personnes en situation de handicap :
- la simplification du régime d'autorisation des établissements et services dans le sens d'une plus grande souplesse ;
- l'accélération de la procédure d'orientation des personnes devant la CDAPH, en établissant un droit d'accès aux ESSMS qui serait ouvert en même temps que les droits aux prestations individualisées afin de ne pas additionner les délais de traitement des dossiers ;
- la généralisation de l'appui à l'élaboration du projet personnel et l'élargissement des possibilités d'accueil temporaire sans orientation préalable, aujourd'hui très restrictives ;
- le désenclavement des établissements isolés afin de les rapprocher des lieux de vie des personnes ;
- et le déploiement d'une approche globale et territorialisée du handicap, avec par exemple la mise en place de structures « mixtes » destinées aux jeunes relevant de la protection de l'enfance et présentant un handicap ; le renforcement des partenariats entre les ESSMS dédiés aux personnes en situation de handicap et les structures spécialisées dans l'inclusion sociale ; et le développement de formules de logement intermédiaires pour garantir plus d'autonomie aux personnes.
2. Un effort de transformation qu'il convient de poursuivre
La qualité de l'accompagnement, partout et pour toutes les personnes en situation de handicap, est l'un des quatre grands objectifs de la CNH 2023. Dans ce cadre, le Gouvernement a annoncé le déploiement de 50 000 nouvelles solutions médico-sociales à horizon 2030. Le budget, qui s'élève à 1,5 milliard d'euros, se décompose en trois sous-enveloppes58(*) :
- une sous-enveloppe dite « socle » de 985 millions d'euros, dédiée aux solutions pour enfants (400 millions d'euros) et pour adultes (585 millions d'euros). Ce plan doit bénéficier en priorité aux territoires les plus en tension (Île-de-France, Outre-mer notamment) et permettre d'améliorer l'offre pour les publics qui nécessitent un accompagnement renforcé (personnes polyhandicapées, enfants relevant de l'aide sociale à l'enfance, personnes handicapées vieillissantes) ;
- une sous-enveloppe de 110 millions d'euros dédiée à la création d'un service de repérage, de diagnostic et d'intervention précoce pour les enfants de 0 à 6 ans, prévue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 avant le 1er janvier 202559(*) ;
- et une sous-enveloppe « scolarisation », dotée de 400 millions d'euros, consacrée au financement de l'appui des établissements scolaires par le secteur médico-social pour la scolarisation des élèves en situation de handicap.
De plus, le Comité interministériel du handicap (CIH) qui s'est réuni le 16 mai 2024 a annoncé la mise en oeuvre d'un fonds d'investissement pour accompagner cette transformation de l'offre et faciliter les coopérations territoriales, doté de 250 millions d'euros pour les années 2024-2027. Ce fonds, piloté par la CNSA, est majoritairement délégué aux agences régionales de santé (ARS). Il vise à donner aux acteurs des territoires de nouveaux moyens d'ingénierie, d'investissement immobilier, de transformation numérique et d'investissements techniques.
Par ailleurs, il est essentiel de développer les solutions de vie à domicile qui contribuent au maintien de l'autonomie des personnes handicapées.
La politique de déploiement de l'habitat inclusif s'inscrit dans cette démarche. D'après les données fournies par la CNSA, fin 2024, il existe près de 2 300 projets d'habitats inclusifs dans les programmations départementales et plus de 10 400 personnes en situation de handicap pourraient bénéficier de l'aide à la vie partagée (AVP) à horizon 2027.
Habitat inclusif et aide à la vie partagée (AVP)
L'habitat inclusif est une solution de logement destinée aux personnes âgées et aux personnes en situation de handicap. Cette forme d'habitat constitue une alternative à la vie à domicile isolée et à la vie collective en établissement : les habitants y vivent dans des logements privatifs, mais partagent des espaces communs et un projet de vie sociale. Les habitants d'un habitat inclusif peuvent solliciter un accompagnement social ou une offre de services sanitaires, sociaux ou médico-sociaux individualisés pour l'aide et la surveillance.
L'aide à la vie partagée (AVP) a été créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 (article 34). Elle est versée par le conseil départemental à l'organisme porteur du projet de l'habitat inclusif afin de financer l'animation du projet de vie sociale et partagée. Le montant de cette prestation, qui peut atteindre jusqu'à 10 000 euros par an et par habitant, varie en fonction des caractéristiques du projet qu'elle vise à financer.
Enfin, il ne faut pas oublier l'enjeu du vieillissement des personnes en situation de handicap.
De nombreux foyers pour personnes en situation de handicap ne sont pas du tout adaptés aux personnes âgées, et inversement, les établissements d'hébergement pour personnes âgées sont peu adaptés au handicap, tant sur le plan des infrastructures que de la formation du personnel. Cet enjeu doit impérativement être pris en compte dans les plans d'investissement des établissements sociaux et médico-sociaux.
Proposition n° 7 : Poursuivre la transformation de l'offre médico-sociale afin de garantir un continuum partant des besoins et des préférences des personnes.
Proposition n° 8 : Développer l'accueil de jour, ouvrir des places en foyer d'accueil médicalisé (FAM) et en maison d'accueil spécialisée (Mas).
* 55 Loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social (article 22).
* 56 Drees, Les jeunes adultes relevant de l'amendement Creton, 2019.
* 57 Igas, Mieux répondre aux attentes des personnes en situation de handicap : des outils pour la transformation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, mai 2021.
* 58 Circulaire du 7 décembre 2023 relative à la mise en oeuvre du plan de création de 50 000 nouvelles solutions et de transformation de l'offre médico-sociale à destination des personnes en situation de handicap 2024-2030.
* 59 Article 83 de la loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024.