DEUXIÈME PARTIE :
LE DROIT À COMPENSATION

I. LA PRESTATION DE COMPENSATION DU HANDICAP : UN DÉPLOIEMENT RÉUSSI, DES OBJECTIFS PARTIELLEMENT ATTEINTS

A. LA PRESTATION DE COMPENSATION DU HANDICAP : UN DISPOSITIF AMBITIEUX CARACTÉRISÉ PAR SON APPROCHE PAR LES BESOINS

1. La prestation de compensation du handicap : un dispositif original, calibré sur les besoins de chaque bénéficiaire
a) Une traduction concrète et ambitieuse du droit à compensation

La prestation de compensation de handicap (PCH) instituée par la loi de 200520(*) incarne une approche ambitieuse du droit à compensation : partir des besoins et des aspirations de la personne handicapée « tels qu'ils sont exprimés dans son projet de vie »21(*) pour garantir une couverture adaptée des charges induites par son handicap.

Dans cet objectif, loin de se cantonner aux caractéristiques strictement médicales du handicap, l'évaluation des besoins prend en compte l'ensemble du cadre de vie de la personne concernée. Cette évaluation est réalisée par l'équipe pluridisciplinaire de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui, selon la nature du handicap concerné, se compose de professionnels aux compétences variées : médecins, infirmiers, ergothérapeutes, psychologues, mais aussi travailleurs sociaux, professionnels de l'accueil scolaire ou de l'insertion professionnelle.

Cette évaluation aboutit à l'élaboration, par l'équipe pluridisciplinaire, d'un plan personnalisé de compensation dans lequel la PCH mais aussi tout autre droit ou prestation peut s'insérer. La personne handicapée ou son représentant légal donnent leur avis ce plan, avant qu'il ne soit soumis à la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) pour décision22(*). Fait inédit en matière d'attribution de prestation, la personne handicapée est concertée du début à la fin du processus d'attribution de la PCH.

b) Une prestation unique et universelle

L'ambition de la PCH s'illustre également par son caractère universel : elle est attribuée sans condition de ressources, même si les revenus sont pris en compte pour déterminer le taux de prise en charge (100 % si les ressources annuelles de la personne sont inférieures ou égales à 30 398,54 euros, 80 % si elles sont supérieures). Au total, en 2023, on dénombre 350 811 bénéficiaires de la PCH, dont 317 836 adultes et 32 975 enfants23(*).

Par souci de simplification, la PCH a remplacé une panoplie d'aides et d'allocations. Parmi elles figurait notamment l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP)24(*), principal dispositif d'aide humaine délivré par les départements aux personnes handicapées. Les bénéficiaires de l'ACTP âgés de moins de 60 ans en 2006 ont eu la possibilité de conserver leurs droits à cette allocation, ou d'opter pour la PCH.

Pour être éligible à la PCH, deux conditions sont requises :

- une condition de perte d'autonomie : rencontrer une difficulté absolue pour réaliser une activité importante du quotidien (par exemple, se laver ou s'habiller) ou une difficulté grave pour réaliser au moins deux activités importantes du quotidien ;

- et une condition d'âge : avoir moins de 60 ans, sauf si les conditions d'attribution étaient déjà remplies avant cet âge.

La PCH, qui est versée mensuellement, est attribuée pour une durée minimale d'un an et pour une durée maximale de 10 ans. Elle peut être attribuée à vie si l'état de santé de la personne n'est susceptible d'aucune amélioration.

c) Une prestation qui permet de couvrir des besoins de nature très différente

La PCH est constituée de cinq éléments, qui permettent de couvrir les charges afférentes :

- à l'aide humaine, y compris, le cas échéant, celle apportée par les aidants familiaux ;

- aux aides techniques (fauteuil roulant, aide auditive, adaptations informatiques...), souvent financées en complément d'une prise en charge par la sécurité sociale et parfois d'une mutuelle ;

- à l'aménagement du logement et du véhicule (mise en accessibilité d'une douche ou d'un poste de conduite ou encore frais de déménagement) ainsi qu'à d'éventuels surcoûts résultant du transport ;

- aux aides spécifiques ou exceptionnelles, comme celles relatives à l'acquisition ou à l'entretien de produits liés au handicap ;

- et à l'attribution et à l'entretien d'une aide animalière25(*).

En 2021, la PCH « aide humaine » représente près de la moitié (47,6 %) des attributions. Il s'agit de l'élément de la PCH le plus fréquemment attribué, pour les personnes qui sont à domicile comme pour celles qui résident en établissement, et quel que soit leur âge.

Elle permet de financer une assistance pour les actes essentiels de l'existence (entretien personnel, déplacements, participation à la vie sociale), une surveillance régulière, un soutien à l'autonomie, des frais supplémentaires pour l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective ou l'exercice de la parentalité26(*).

Répartition, en pourcentage, des éléments de la PCH attribués en 2021

Source : Rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale (2024)

Pour chacun des éléments de la PCH, les conditions de prise en charge sont fixées par arrêté.

Montants maximaux des éléments de la PCH (sauf aide humaine)

 

Montant maximal attribuable

Durée maximale

Montant mensuel attribuable

Aides techniques

13 200 euros

10 ans

110 euros

Aides liées à l'aménagement du logement

10 000 euros

10 ans

83,33 euros

Aides liées à l'aménagement du véhicule et aux transports

10 000 euros
(ou 24 000 euros sous conditions)

10 ans

83,33 euros
(ou 200 euros sous conditions)

Charges spécifiques

100 euros par mois

10 ans

100 euros

Charges exceptionnelles

6 000 euros

10 ans

50 euros

Aides animalières

6 000 euros

10 ans

50 euros

Source : CNSA (2025)

La PCH « aide humaine » est plafonnée en nombre d'heures, bien qu'un déplafonnement soit possible si une présence continue (24h/24h) est nécessaire.

Taux de prise en charge de l'aide humaine

 

Prise en charge à taux plein

Prise en charge à taux partiel

Emploi direct d'une tierce personne

100 % dans la limite de
18,96 euros/heure

80 % dans la limite de
18,96 euros/heure

Service mandataire

100 % dans la limite de 20,86 euros/heure

80 % dans la limite de 20,86 euros/heure

Service prestataire agréé

100 % dans la limite de
23,50 euros/heure

80 % dans la limite de 23,50 euros/heure

Aidant familial

100 % et dédommagement
à hauteur de 4,69 euros/heure
ou 7,04 euros/heure si l'aidant réduit ou abandonne son activité professionnelle

80 % et dédommagement
à hauteur de 4,69 euros/heure ou 7,04 euros/heure si l'aidant réduit ou abandonne son activité professionnelle

Source : CNSA (2025)

2. Réformes de la PCH : vers une meilleure compensation des conséquences du handicap
a) L'élargissement des critères d'éligibilité

Depuis 2005, les critères d'éligibilité à la PCH ont été élargis avec, premièrement, l'assouplissement des conditions liées à l'âge :

- d'une part, en 2008 et conformément à l'article 13 de la loi de 2005, la PCH a été ouverte aux enfants27(*) ;

- d'autre part, en 2020, sur une proposition de loi sénatoriale, le législateur a levé la limite d'âge fixée à 75 ans pour demander la PCH lorsque les conditions d'attribution étaient réunies avec 60 ans28(*).

Deuxièmement, depuis le 1er janvier 2023, les critères d'attribution de la PCH ont été complétés pour mieux couvrir les besoins des personnes atteintes de troubles mentaux, psychiques, cognitifs ou du neurodéveloppement29(*). Les difficultés à maîtriser son comportement, à s'orienter dans le temps et dans l'espace, à gérer sa sécurité, à communiquer et à entreprendre des tâches multiples sont ainsi désormais prises en compte.

b) L'élargissement des charges couvertes par la PCH

Le spectre des charges couvertes par la PCH a également été étendu.

La « PCH parentalité » a été mise en place au 1er janvier 202130(*). Elle est ouverte aux parents en situation de handicap qui ont des enfants de moins de 7 ans. Ce dispositif se compose de deux forfaits :

- l'aide humaine à la parentalité, qui permet au parent de rémunérer une personne pour l'aider à s'occuper de son enfant ;

- et l'aide technique à la parentalité, qui permet au parent d'acheter du matériel adapté pour l'aider à s'occuper de son enfant.

En fonction de l'âge de l'enfant et de la composition du foyer, l'aide humaine à la parentalité varie de 450 à 1 350 euros par mois, et l'aide technique de 1 000 à 1 400 euros par mois. En 2022, 13 492 forfaits ont été attribués31(*).

Si cette nouvelle aide représente une avancée, le milieu associatif déplore qu'elle soit forfaitaire et identique quels que soient le nombre d'enfants en situation de handicap, le handicap concerné et les besoins des parents. La limite des 7 ans est également et à juste titre incomprise.

Par ailleurs, en 2021, la préparation des repas et la vaisselle ont été intégrées aux besoins en aide humaine couverts par la PCH32(*).

Enfin, un forfait surdicécité de la PCH a été mis en place au 1er janvier 2023. Il permet aux personnes sourdaveugles d'accéder, en fonction de leurs besoins, à un forfait de trente, cinquante ou quatre-vingts heures d'aide humaine par mois.

Proposition n° 1 : Mener une étude sur le déploiement de la « PCH parentalité » et sur l'opportunité d'en réformer les critères pour l'adapter aux besoins des parents et l'ouvrir jusqu'aux 20 ans de l'enfant.

c) La simplification des conditions d'attribution de la PCH

Par souci de simplification tant pour les personnes handicapées que pour les équipes des MDPH chargées d'instruire les demandes, les conditions d'attribution de la PCH ont été modifiées33(*).

Depuis le 1er janvier 2022, la prestation peut être accordée sans limitation de durée par la CDAPH lorsque le handicap n'est susceptible d'aucune amélioration.

De plus, pour les personnes dont le handicap est susceptible d'évoluer favorablement, les durées d'attribution des éléments de la PCH ont été harmonisées et allongées. La PCH est désormais attribuée pour une durée maximale de dix ans pour chacun des éléments qui la composent. Jusqu'ici, les durées maximales variaient entre trois ans pour les aides techniques, cinq ans pour les aides animalières et dix ans pour les aides humaines.


* 20 Article 12 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005.

* 21 Article 11 de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005.

* 22 Article L. 245-2 du code de l'action sociale et des familles.

* 23 Données fournies par la CNSA.

* 24 L'ACTP a été créée par la loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées, à destination des personnes en situation de handicap ayant besoin de l'aide d'une personne pour les actes essentiels de la vie.

* 25 Article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 26 Article L. 245-4 et annexe 2-5 du code de l'action sociale et des familles.

* 27 Article 94 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008.

* 28 Loi n° 2020-220 du 6 mars 2020 visant à améliorer l'accès à la prestation de compensation du handicap.

* 29 Décret n° 2022-570 du 19 avril 2022 relatif à la prestation de compensation mentionnée à l'article D. 245-9 du code de l'action sociale et des familles.

* 30 Décret n° 2020-1826 du 31 décembre 2020 relatif à l'amélioration de la prestation de compensation du handicap.

* 31 CNSA, Synthèse des rapports d'activité 2022 des maisons départementales des personnes handicapées, juin 2024.

* 32 Décret n° 2020-1826 du 31 décembre 2020 relatif à l'amélioration de la prestation de compensation du handicap.

* 33 Décret n° 2021-1394 du 27 octobre 2021 relatif à la durée d'attribution de la prestation de compensation du handicap.

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